Victimes ou coupables ? La loi et la justice face à l’infanticide en Belgique au xixe siècle
p. 75-96
Texte intégral
Introduction
L’amour des parents pour leurs enfants et celui des enfants pour leurs parents est peut-être le sentiment que la nature imprima en caractères les plus ineffaçables dans tous les cœurs ; c’est ce sentiment divin qui fut le premier lien des sociétés1.
1Ainsi s’exprime Ducpétiaux, en 1827, en guise d’introduction à une note sur l’infanticide qui figure dans son ouvrage sur la peine de mort. E. Badinter a montré depuis lors combien le sentiment de l’amour maternel, loin d’être une constante absolue, était au contraire le fruit d’un héritage culturel relativement récent qui s’est construit lentement, en même temps que se précisaient, dans le droit et dans les mœurs, la conscience de l’intérêt de l’enfant, de sa différence et de sa spécificité par rapport à l’adulte, ainsi que la nécessité de le protéger.
2Les premières lois protectrices de l’enfance datent en Belgique de 1888 (loi sur la protection des enfants employés dans les professions ambulantes) et 1889 (loi sur la réglementation du travail des femmes et des enfants). La Société protectrice des enfants martyrs de Bruxelles est créée en 1892 et la première loi générale de protection de l’enfance est votée en 19122.
3Ces rappels sont utiles pour ceux qui auraient la tentation de penser que « l’enfant martyr » est un produit de notre époque. Si l’on s’indigne aujourd’hui, fort légitimement, des affaires de pédophilie ou de prostitution juvénile, il n’en a pas toujours été ainsi. Non que les sociétés anciennes aient mieux toléré ces pratiques, mais parce que l’enfant n’y occupait pas la même place et n’avait pas la même image. Ni le droit, ni les sensibilités sociales dont il est le reflet n’y accordaient beaucoup d’importance. Certes, il existe quelques législations anciennes sur l’infanticide et des procès ont lieu sous l’Ancien Régime contre des mères infanticides, des parents négligents, tenus pour responsables de la mort de leurs jeunes enfants (jusqu’à sept ans). Mais l’avortement qui suscite aujourd’hui tant de débats est quasiment ignoré et très peu poursuivi, même s’il est pratiqué.
4L’abandon d’enfants est si commun, dans tous les milieux, au xviiie siècle, qu’il est pratiquement « officialisé », certains disent encouragé, par l’instauration du tour. Il faut attendre la Révolution française et les premières lois révolutionnaires sur la famille pour voir apparaître dans le droit un certain souci de l’enfant, futur citoyen qu’il faut éduquer, et surtout de l’enfant futur soldat qu’il faut maintenir en vie pour qu’il puisse défendre la patrie3.
5C’est aussi à cette époque que le problème de la mortalité infantile commence à être pris en compte et que débutent des campagnes de vaccination pour lutter contre la variole qui cause, au xviiie siècle, de catastrophiques ravages parmi les enfants du peuple, comme chez les plus nantis4. Si les progrès de la médecine et de l’hygiène, le contrôle des sages-femmes et de l’accouchement visent à réduire la mortalité infantile, le travail des enfants, le chômage, la mendicité, la misère des classes populaires au xixe siècle ne permettent guère d’améliorer la condition des enfants du peuple, soumis comme leurs parents à de dures et longues journées de travail, à la mine ou à l’usine, comme aux champs5. L’obligation de fréquenter l’enseignement primaire, pour les enfants de sept à quatorze ans, n’est introduite en Belgique qu’en 1914 ; elle ne sera effective qu’après la Première Guerre mondiale.
6Ces quelques rappels chronologiques sont indispensables pour poser les repères qui jalonnent les transformations de l’attitude du droit et de la justice, du regard de la société, face à la protection de l’enfance et, par voie de conséquence, face à l’infanticide et à l’avortement.
7Au fil du xixe siècle, ces transformations sont perceptibles à travers l’évolution du droit, de la loi, de la pratique des tribunaux et de l’opinion. Elles témoignent d’un souci grandissant à l’égard de l’enfant, perçu comme un capital humain à préserver pour les besoins de la société et de l’État, afin de constituer une réserve de main-d’œuvre nécessaire à la production et, ensuite, afin de combler, après la Première Guerre mondiale, les pertes occasionnées par le conflit. Les politiques et les attitudes face à l’infanticide et à l’avortement sont donc à mettre en relation avec les idéologies protectionnelles et natalistes qui se développent, pour les premières, à la fin du xixe siècle, et, pour les secondes, surtout après 1918. On peut également observer, parallèlement à ces préoccupations, l’émergence de nouvelles sensibilités à la souffrance, à la violence commise sur les enfants6.
8Il faut enfin souligner que ces transformations s’opèrent dans un climat de reconstruction de la famille populaire autour de la figure centrale de la mère. Mère au foyer, éducatrice et protectrice, à laquelle on assigne le rôle primordial de gardienne de la famille à un moment de redéfinition des tâches à l’intérieur de l’espace familial. L’image du père, sacralisée par le Code civil qui restaure la puissance paternelle, subit ses premières attaques à la fin du siècle. Les lois sur la déchéance de la puissance paternelle, adoptées en 1889 en France et en 1912 en Belgique, portent un premier coup à cette autorité jusque-là incontestée7. L’idée qu’il puisse exister de « mauvais » pères était totalement absente des Codes civil et pénal napoléoniens. L’idée qu’il puisse exister de « mauvaises » mères l’était moins, si l’on en juge par la législation sur l’infanticide et l’avortement qui se durcit en 1810. Mais l’image de la mère infanticide se dégrade encore davantage à la fin du xixe siècle, parallèlement à l’exaltation du rôle de la mère comme pilier central de la famille. Selon les écrits des criminologues, tels Lombroso, pour ne parler que du plus célèbre, l’absence de sentiment maternel serait la cause principale de la criminalité féminine. « La femme criminelle et la prostituée » sont avant tout de mauvaises mères8.
9Bien souvent regardée comme une victime par les jurés au début du siècle, l’infanticide a tendance à devenir une coupable aux yeux des juges, et plus encore des criminologues, mais aussi de l’opinion, à la fin du siècle.
10Pour saisir ces transformations, il s’agit donc de croiser tous les regards avec une attention spéciale pour la chronologie et le contexte. Il faut situer la construction d’une image de la femme criminelle parallèlement à la construction et à l’exaltation de l’image de la bonne mère, de la généralisation du modèle bourgeois de la famille à l’ensemble de la société.
11Pour ce faire, je procéderai en trois temps : je commencerai par analyser le regard du droit sur l’infanticide et l’évolution de la législation entre le Code pénal de 1810 et le nouveau Code belge de 1867 ; j’examinerai ensuite l’attitude de la justice à travers la pratique des cours d’assises et des tribunaux correctionnels en Belgique au xixe siècle ; je terminerai enfin par les débats autour de l’avortement, au tournant du xxe siècle et après la Première Guerre mondiale.
L’infanticide au regard du droit : « une loi inexorable »
12L’infanticide est regardé, sous l’Ancien Régime, comme un péché plus que comme un crime car il prive le nouveau-né du baptême et la société d’un chrétien. Il est le plus souvent caché par crainte du déshonneur, et parfois même couvert par les parents de la jeune fille, ainsi que l’illustre un procès intenté en 1620 à des paysans qui ont recelé la grossesse et caché l’infanticide commis par leur fille. La peine est terrible : l’infanticide est condamnée à être enterrée vive ; dans la pratique, on lui plante au préalable un pieu dans le ventre « pour la punir par où elle a péché »9.
13Au xixe siècle, l’infanticide est d’abord défini par les Codes comme un crime particulièrement odieux qui est puni par la peine de mort. Mais dans la pratique, au fil du siècle, les jurés d’assises ont tendance à se montrer cléments car ils reconnaissent des circonstances atténuantes aux malheureuses mères qui en sont réduites à cette extrémité. V. Demars-Sion, qui a étudié un procès d’infanticide à Lille en 178910, parle d’un procès « charnière » à la frontière de deux conceptions du droit criminel, celle de l’Ancien Régime, d’une part, mais avec une indulgence croissante à l’égard des mères infanticides qui annonce les idées de la Révolution d’autre part. Non seulement le mot « infanticide » y apparaît, mais les juges et les médecins, éclairés par la raison, attribuent ce crime à la jeunesse de l’accusée et à sa folie passagère qui doivent faire juger la chose excusable.
14Le Code pénal de 1791 ne contient d’ailleurs aucune disposition particulière sur l’infanticide. Celui-ci est soumis aux règles du droit commun et puni comme un assassinat ou un meurtre, selon qu’il y ait eu ou non préméditation. La pratique confirme la clémence des jurés qui se bornent le plus souvent à considérer « qu’il n’est pas constant » que le crime ait été commis par l’accusée, et ce, malgré des preuves souvent accablantes11.
15Ce « scandaleux laxisme » explique la réaction du Code napoléonien de 1810 qui durcit la loi en définissant l’infanticide comme un assassinat puni par la peine de mort. L’argumentation développée par Monseignat devant le corps législatif le 17 février 1810 insiste sur la nécessité de punir plus durement ce crime pour en assurer la prévention :
Ce forfait que le relâchement des mœurs a rendu si commun, a obtenu dans ces derniers temps une scandaleuse impunité ; une fausse philanthropie, sans oser l’effacer de la liste des crimes, semblait lui accorder quelque excuse en faveur d’un sexe faible et dominé par l’opinion : comme si, quelle que soit la sévérité des jugements qui prononcent sur la perte irréparable de l’honneur, on pouvait ne pas mettre au premier rang des crimes celui qui étouffe l’amour des enfants et la sollicitude pour leur conservation, le plus universel des sentiments dont la nature a favorisé tous les êtres12.
16Sous l’empire de ce Code, les condamnations et les exécutions se multiplient en Belgique sous le régime hollandais (1814-1830). Et ces dernières viennent alimenter le débat contre la peine de mort. Dès 1827, Ducpétiaux prône l’abolition de la peine de mort, notamment pour les infanticides, à la suite de l’exécution publique d’une jeune fille à laquelle il a assisté :
La victime ne tarda pas à paraître ; c’était une jeune fille condamnée pour infanticide : à son aspect, mon cœur se serra. Ses traits pâles et défigurés, son sein palpitant, ses yeux égarés décelaient tous les tourments d’une longue agonie ; ses lèvres étaient agitées par un mouvement convulsif, elle voulait parler et ses sanglots l’étouffaient… L’horreur, la compassion étaient empreints sur la physionomie de tous les assistants, le bourreau lui-même était attendri et l’on s’apercevait qu’il remplissait son ministère avec répugnance. L’infortunée était à genoux, on allait la garrotter, lorsque soudain, dégageant ses mains, elle les joignit d’un air suppliant ; un rayon d’espoir brillait dans ses regards, sa beauté avait repris son éclat ; son aspect dans cet instant aurait apaisé l’être le plus féroce : mais la loi est inexorable ; il n’était plus temps, plus rien ne pouvait conjurer son arrêt : une minute après l’exécuteur détourna la tête, laissa tomber le couteau fatal ; la victime jeta un cri affreux, son sang avait jailli, sa tête était séparée du tronc… Alors, je regardai autour de moi ; je vis des larmes dans tous les yeux ; partout je compris la réprobation de cette scène hideuse : deux femmes étaient tombées évanouies à mes côtés ; on leur prodiguait des soins ; l’une d’elles était enceinte : peut-être l’exécution ordonnée pour prévenir le mal ne fit-elle que le précipiter !13.
17Un tableau d’Antoine Wiertz (1806-1865), intitulé Faim, folie, crime, illustre parfaitement le regard porté par l’opinion de l’époque sur ces malheureuses jeunes filles, séduites et abandonnées, que la faim et la misère, sinon la folie, poussent à supprimer leur enfant nouveau-né. Elles sont en tout cas perçues comme d’infortunées victimes, aussi bien par le juriste qu’est Ducpétiaux, que par le peintre Wiertz, ou par les assistants à l’exécution, et même, par le bourreau… Ce sera aussi l’attitude des jurés qui, conscients de la peine terrible qui les attend, n’oseront les condamner et préféreront les acquitter, au bénéfice du doute, ou de la folie passagère.
18L’étude de C. Schoukens sur les procès d’infanticides menés devant la cour d’assises du Brabant entre 1811 et 191414, montre que la plupart de ceux-ci sont commis par des jeunes filles âgées de vingt à trente ans, pratiquement toutes célibataires (95 %, dont 60 % sans enfant et 35 % ayant déjà des enfants). La moitié d’entre elles sont d’origine rurale, ne savent ni lire, ni écrire ; 40 % sont des domestiques de maison, 20 % des domestiques agricoles et 10 % des « journalières », travaillant à la journée, là où elles trouvent à s’occuper, soit, au total, 70 % de « domestiques » ou servantes. L’infanticide apparaît donc bien comme « le crime des servantes ». V. Piette qui consacre un long chapitre à l’infanticide dans sa thèse sur les domestiques et les servantes, confirme qu’il s’agit bien d’un crime de célibataire, commis sous l’emprise de la honte et de la misère, tant physique que morale, et surtout de la solitude15.
19On peut ainsi comprendre pourquoi les débats sur l’infanticide qui ont lieu dans le cadre de la révision du Code pénal de 1810 sont favorables à une « décriminalisation » partielle de l’infanticide. Un arrêté royal du 12 novembre 1862 avait préparé le terrain en commuant d’office les peines de mort pour infanticide en vingt ans de travaux forcés.
Une législation sélective : l’adoucissement des peines pour les filles-mères (CP belge de 1867)
20Selon Haus, auteur du projet de révision du Code en Belgique, l’erreur du législateur de 1810 avait été sa trop grande sévérité qui ne fournissait pas au jury d’alternative entre l’acquittement ou la condamnation à mort :
En vérité, le législateur de 1810 s’y est pris fort mal pour prévenir un crime qui était devenu si commun… Si l’infanticide avait obtenu à cette époque une scandaleuse impunité, la faute en était-elle à la loi qui prononçait contre ce forfait la peine du meurtre ou de l’assassinat, ou au jury qui, regardant cette peine comme trop rigoureuse, répugnait à porter un verdict de culpabilité ?16
21En se fondant sur l’expérience de la pratique des cours d’assises, Haus constate qu’en Belgique, comme en France, le nombre des infanticides jugés dépasse de beaucoup celui des condamnations capitales prononcées pour ce crime. Il conclut que les condamnations sont rares, bien que le crime soit fréquent, parce que les jurés, effrayés par la rigueur de la peine, admettent avec empressement les justifications de la défense alléguant que l’enfant était mort-né. Et lorsque les jurés commencent à se montrer un peu plus sévères en Belgique, c’est parce qu’ils savent que la condamnation à mort ne sera pas exécutée17. Ce que le rapporteur demande, c’est que l’on introduise dans la loi une distinction entre l’infanticide commis par la mère (ou par le père) sur son enfant légitime, qui reste un assassinat, et celui commis par la mère sur son enfant illégitime qui doit être correctionnalisé, parce qu’il ne procède d’aucune préméditation.
22L’argumentation utilisée à l’appui de ce projet est très éclairante sur l’image que se fait le savant juriste de la mère infanticide.
Si la mère qui a tué son enfant est un de ces êtres qui sont parvenus au point de ne plus savoir rougir, qui n’ont plus à craindre de publier leur grossesse, une prostituée enfin, la préméditation est plus que probable. Mais une prostituée ne commettra pas facilement un infanticide. Le dérèglement de ses mœurs, son état de grossesse sont connus ; après la naissance de l’enfant, elle peut le livrer à la charité publique ; il y aurait donc pour elle grand danger et point d’intérêt à commettre ce forfait.
23Ce n’est donc pas, selon lui, la prostituée ou la femme de petite vertu, toutes deux insensibles à la honte, qui commettent l’infanticide, mais, au contraire, la jeune fille innocente, voire vertueuse, qui a certes commis une faute en se laissant abuser, mais qui mérite en quelque sorte d’être, sinon pardonnée et acquittée, au moins excusée à cause du remords et de la honte qu’elle éprouve, et à cause du caractère « accidentel » et non prémédité de son forfait.
L’expérience nous apprend que les mères qui font disparaître leur enfant illégitime appartiennent le plus souvent à cette classe d’infortunées qui, victimes de la séduction, n’ont pas conservé assez de force pour supporter une humiliation qu’elles doivent imputer à un coupable oubli de leurs devoirs…Accablée de remords et de honte, égarée par l’indignation et le désespoir, la mère forme et exécute, dans ce moment d’emportement, la résolution criminelle de détruire l’enfant auquel elle vient de donner le jour.
24Point de préméditation ici, la mère infanticide qui tue son enfant illégitime est une « infortunée victime » qui cède au désespoir dans un moment d’égarement. Ce qui devrait lui valoir de bénéficier de circonstances atténuantes. Son crime est bien plus d’avoir succombé à la séduction, la suite n’est qu’un fatal engrenage où elle est entraînée dans un moment de folie… Voilà du moins la représentation que s’en font les bourgeois, mais il n’est pas sûr que cette image corresponde à la réalité vécue par les accusées qui rationalisent sans doute beaucoup moins leur geste.
25Les représentations masculines et bourgeoises de la « femme honnête » jouent ici un rôle essentiel puisque l’on observe la même attitude de la part des juges dans les demandes de divorce. La femme mariée, tout comme la jeune fille célibataire, méritent une certaine condescendance, voire une relative attention, pour autant qu’elles soient pures et innocentes, victimes séduites et abandonnées, ou épouses maltraitées et violentées18.
26Victime plus que coupable, la jeune infanticide bénéficie de certaines excuses, même si elle a commis une faute, d’autant plus que l’enfant est illégitime. Un enfant illégitime ne mériterait-il pas la même protection qu’un enfant légitime ? C’est ce que se demanderont quelques sénateurs belges lors du débat parlementaire.
27Pour la prostituée en revanche, point d’excuse puisqu’elle ne connaît ni la honte, ni le remords, et ce d’autant moins que, froide, calculatrice et perverse, elle n’a rien à gagner d’un crime qui ne lui rapporterait rien.
28La Chambre et le Sénat suivront finalement le rapporteur sur ce point, après quelques hésitations qui méritent d’être relevées car le débat va porter sur la différence entre la mère légitime et la mère naturelle. Partant du principe que l’enfant naturel et l’enfant légitime ont droit à la même protection, ne faudrait-il pas mettre les deux types d’infanticides sur le même pied, se demandent quelques sénateurs ? Les rapporteurs de la Chambre s’opposent à cet amendement en soulignant la distance profonde qui sépare l’épouse légitime de la fille-mère. Les représentations qu’ils donnent de l’une et de l’autre sont intéressantes à relever :
L’épouse n’a pas à redouter la maternité qui pour elle est honorable ; il faut qu’elle soit profondément dépravée, qu’elle surmonte les sentiments les plus forts et les plus sacrés, en obéissant aux plus criminelles volontés, pour mettre son enfant à mort.
29Pour la femme mariée, point d’excuse, l’infanticide reste un crime, commis par une femme « dépravée ».
Il n’en est pas de même de la fille-mère. Celle-ci se voit sur le point d’être à jamais déshonorée si le fruit de sa faute est conservé ; son enfant doit être pour elle un éternel déshonneur ; sa naissance l’avilit, sa vie sera une cause incessante de déconsidération19.
30En se fondant, une fois de plus, sur « l’expérience » (en l’occurrence les décisions des jurés), le rapporteur conclut en insistant sur la nécessité de maintenir une pénalité plus légère à l’égard de la fille-mère.
En dehors des raisonnements juridiques, il n’est pas une conscience qui ne sente la distance qui sépare ces deux espèces d’infanticides et qui ne réclame une différence de pénalité.
31Se ralliant à cette opinion, la Chambre adoptera donc la première proposition qui introduit cette distinction entre la mère légitime et la fille-mère. Le Code pénal de 1867 porte désormais en son article 396 que :
L’infanticide sera puni, suivant les circonstances, comme meurtre ou comme assassinat. Toutefois, la mère qui aura commis ce crime sur son enfant illégitime sera punie des travaux forcés de dix à quinze ans. Si elle a commis ce crime avec préméditation, elle sera punie des travaux forcés de quinze à vingt ans.
32Ces débats éclairent déjà les options de la pratique, dans la mesure d’abord où ils se fondent largement sur « l’expérience » des procès d’assises pour motiver les nouvelles dispositions introduites dans le Code. Dans la mesure surtout où, me semble-t-il, ils témoignent de la vision que se font les bourgeois, mais peut-être aussi plus largement l’opinion, de la mère et de l’enfant. Ou, plus précisément, des différentes espèces de mères et d’enfants. Des « devoirs » et de la considération qu’elles méritent selon leur statut d’épouse légitime et de femme mariée, de mère naturelle, ou, au bas de l’échelle, de prostituée. Paradoxalement, peut-être, la « criminalisation » pèse essentiellement sur la mère infanticide lorsque celle-ci est mariée légitimement. Si la fille-mère bénéficie d’un certain capital de « sympathie » – au sens étymologique du terme – c’est que, malgré sa faute et son crime bien évidents, le sentiment de déshonneur qui la frappe pour la vie peut excuser un geste de désespoir, commis dans un moment d’égarement. Tandis que l’épouse légitime n’a droit ni au désespoir ni à l’égarement, puisque « la maternité l’honore ». Pas d’excuse pour elle, c’est une coupable, tandis que la mère naturelle est plutôt considérée, aux yeux mêmes du droit, comme une victime. Quant à la prostituée, sa vie déshonnête en fait de toute façon une coupable qui n’a pas besoin de cacher son déshonneur.
33Le sentiment de l’honneur – et du déshonneur – semble donc constituer le critère qui permet d’établir la distinction, à crime égal, entre celles qui seront considérées comme coupables ou comme victimes. Et ceci n’a finalement rien de paradoxal si l’on se rappelle que la loi protège d’abord la famille et par là, quoi qu’en pensent les sénateurs, l’enfant légitime au détriment de l’enfant illégitime20.
34Il reste que ce relatif adoucissement des peines à l’égard des filles-mères vise à punir plus sûrement et plus efficacement un crime qui reste odieux aux yeux de tous. La « correctionnalisation » de l’infanticide, opérée par le Code en faveur des mères naturelles va en effet soustraire aux jurés d’assises, trop cléments, un délit qui sera jugé par les tribunaux correctionnels, composés de magistrats professionnels, moins sensibles à la personnalité de l’accusée qu’à la matérialité des faits.
35Dans la pratique, la technique de correctionnalisation était déjà présente avant 1867 par le biais du changement de qualification du crime en délit, lorsque les faits ne paraissaient pas trop graves, en transformant le chef d’accusation en homicide involontaire ou en abandon d’enfants, par exemple. Rose Lamblain, une journalière de 28 ans, célibataire, est ainsi condamnée par la cour d’assises du Hainaut, le 21 septembre 1860, à cinq ans de réclusion pour « suppression d’enfant », en même temps que Charlotte Deswattines, une sage-femme de 59 ans, veuve, qui l’a assistée. Si les deux femmes sont condamnées à la même peine, la première purgera ses cinq années de prison, tandis que la seconde, graciée par le roi le 6 septembre 1862, sera libérée après deux ans21. L’année suivante, la même cour d’assises du Hainaut condamne à mort pour infanticide Hortense Capouillez, une servante de 29 ans, célibataire (7 février 1861). Graciée une première fois par le roi, quinze jours plus tard, elle voit sa peine commuée en vingt ans de travaux forcés (A.R. du 21 février 1861). Elle bénéficiera par la suite de quatre remises de peines de deux ans, puis sera finalement graciée, et donc libérée, en 1871, après dix ans de détention22.
36Toutes les détenues criminelles enfermées à la prison de Namur dans les années 1860, qui avaient été condamnées à mort pour infanticide, ont vu leur peine commuée à plusieurs reprises, aux travaux forcés à perpétuité d’abord, puis réduite à quinze ou vingt ans. Peu d’entre elles purgent la totalité de la peine, soit qu’elles aient été graciées et libérées, soit, plus tragiquement, qu’elles meurent en prison, au bout de quelques années de détention, comme Marie-Catherine Massart, une houilleuse de 23 ans, célibataire, condamnée en 1861 pour assassinat commis sur sa fille d’un an et demi, décédée en prison en 1869, ou Marie-Caroline Vanbossche, une ouvrière de 36 ans, mariée, condamnée en 1861 et décédée en prison en 186623.
37Différents indicateurs témoignent de la transformation qui s’est opérée dans la pratique judiciaire après l’adoption du nouveau Code. Selon les registres d’écrou de la prison centrale pour femmes de Namur, qui héberge entre 1840 et 1870 les femmes condamnées dans l’ensemble du pays, sur 156 détenues suite à une condamnation pour infanticide, cent onze femmes ont été condamnées par les cours d’assises contre quarante-cinq par les tribunaux correctionnels24. L’impact du nouveau Code qui entre en application en 1868 ne peut être mesuré ici, mais on peut observer qu’avant cette date, près de 30 % des condamnées proviennent déjà des tribunaux correctionnels. Tandis que pour la période 1868-1875, selon les chiffres cités par C. Schoukens pour la seule province du Brabant, dix-huit infanticides sont jugés par la cour d’assises contre vingt-neuf par les tribunaux correctionnels25. D’après ces exemples, la proportion entre « crime » et « délit » semble donc s’inverser après 1868.
La pratique judiciaire : une répression sélective
38L’approvisionnement des tribunaux correctionnels et des cours d’assises procède d’une série de sélections successives qui filtrent la clientèle selon un processus d’entonnoir qui aboutit à laisser injugés, et de là impunis, l’essentiel des crimes et délits d’infanticide.
39Sans parler du chiffre noir propre à ce type de criminalité, les procès qui se déroulent devant les cours d’assises ne représentent qu’une part infime des affaires parvenues à la connaissance de la justice. Bon nombre d’entre elles sont classées sans suite par le parquet, soit par absence d’auteur (auteur inconnu), soit qu’elles ne dépassent pas le stade de l’instruction, par défaut de témoins et de preuves. Selon les statistiques officielles publiées pour la période 1840-1860, pour la seule province du Brabant, cent cinquante-quatre affaires d’infanticides sont classées sans suite, pour vingt-deux procès en assises. Le classement sans suite permet déjà de corriger une première vision de la répression et d’apprécier, autant que faire se peut, l’attitude des parquets face à ce genre de crime.
Une première sélection : le classement sans suite
40Tout en étant consciente des limites inhérentes à ce matériau26, je me fonde ici sur les statistiques officielles publiées par le ministère de la Justice, non pas pour me livrer à une étude chiffrée précise des cas d’infanticides recensés en Belgique au xixe siècle, mais pour éclairer l’attitude des parquets, avant d’envisager celle des juges et des jurés.
41Un premier tableau, assez grossier et incomplet, faute de données analogues pour chaque période27, permet cependant de visualiser la différence de poids entre les classements sans suite, les non-lieux, les cas renvoyés devant les tribunaux correctionnels, et le résidu qui se retrouve en assises pour trois périodes : les deux premières avant la révision de 1867, la troisième après.
42À défaut de données complètes et comparables pour chaque période, il est difficile de mesurer précisément la proportion des abandons de poursuite, et surtout des non-lieux, par rapport aux cas jugés. Ce premier coup d’œil permet néanmoins d’apprécier les difficultés auxquelles sont confrontés les parquets dans ce type d’affaires dont les auteurs demeurent souvent inconnus. Seul le premier compte (1836-1839) distingue nettement entre les crimes laissés sans poursuites et les non-lieux. Pour les premiers, les motivations sont simples : soit l’auteur est inconnu, soit « il n’y a lieu ni à crime, ni à délit », bref, c’est un « accident ». Pour les seconds, les motivations ne sont pas mentionnées, mais on y retrouve encore l’argument de l’auteur inconnu, demeuré introuvable après l’instruction.
43Ceci pose la question de la manière dont l’affaire arrive à la connaissance de la justice. Impossible de le découvrir à travers ce type de sources. Il faut alors se reporter à des monographies plus locales, comme celle de C. Schoukens sur la cour d’assises du Brabant où l’auteure constate que les affaires qui arrivent au terme du parcours, en assises, proviennent, dans 40 % des cas, de la découverte du cadavre du nouveau-né, dans 35 % des cas d’une dénonciation de l’entourage proche (l’employeur ou les voisins surtout), et dans 20 % des cas de la « rumeur publique ». La dénonciation anonyme est très minoritaire (5 %), celle de la famille, pratiquement nulle29.
44La proportion de 40 % des affaires jugées en assises suite à la découverte d’un cadavre et qui supposent, dans ce cas, la découverte de l’accusée, permet de comprendre les taux importants de cas laissés sans suite, par défaut d’auteur. Si l’on joint le faible taux de dénonciations anonymes et surtout de la proche famille, on peut penser que, mis à part les employeurs et dans une moindre mesure les médecins ou les sages-femmes, ceux qui « savent » ou qui se doutent de quelque chose ne sont pas spécialement enclins à dénoncer la pauvre fille. Et je rejoins ici les conclusions de V. Piette qui pense que si les servantes représentent un tel pourcentage des accusées, c’est précisément parce qu’elles sont les plus contrôlées par leurs employeurs, qui s’avèrent les meilleurs pourvoyeurs de la justice.
45Un autre tableau, élaboré par la source elle-même, fournit les chiffres des crimes et des délits demeurés impoursuivis pour les deux périodes qui entourent la révision du Code pénal, soit de 1860 à 1867 et de 1868 à 1875. La seule motivation de l’abandon des poursuites reste l’auteur inconnu.
46À lui seul ce tableau ne nous apprend pas grand-chose, si ce n’est, en creux, que les avortements n’apparaissent que très tard dans les statistiques judiciaires : les deux premiers cas sont mentionnés en 1855 et les poursuites restent très marginales, même après 1867.
47En ce qui concerne la proportion de cas jugés par rapport à ceux classés sans suite, en matière d’avortement, la statistique relève, pour la période 1868-1875, 22 acquittements et 36 condamnations, soit 58 affaires jugées par les tribunaux correctionnels contre 111 laissées sans suite. Pour les infanticides correctionnalisés, 30 cas sont jugés pour 217 classés sans suite.
La correctionnalisation de l’infanticide
48Le processus de correctionnalisation est également bien perceptible à travers les statistiques. Il se déroule en deux temps : avant 1867, le crime peut être correctionnalisé par la transformation de l’incrimination. Il est alors jugé par les tribunaux correctionnels sous le titre d’homicide involontaire commis par la mère sur son enfant nouveau-né. C’est sous cette rubrique qu’il apparaît à partir de 1840 dans les statistiques. C’est sous cette inculpation qu’ont été poursuivies la plupart des mères infanticides condamnées par les tribunaux correctionnels et enfermées à la prison centrale de Namur. Le registre d’écrou des condamnées correctionnelles de cette prison (1860-1870) confirme qu’avant 1867 toutes les infanticides ont été condamnées à une peine relativement légère (deux ans de prison) du chef de cette inculpation. Au regard du Code qui prononce la peine de mort, on peut mesurer l’écart entre la loi et la pratique.
49Mais avec la révision de 1867 qui officialise la correctionnalisation pour les mères naturelles, l’infanticide apparaît sous la qualification d’homicide commis par la mère naturelle sur son enfant nouveau-né, jugé par des juges professionnels dans les tribunaux correctionnels et il est désormais frappé d’une peine plus sévère : cinq ans d’emprisonnement contre deux auparavant. Les huit infanticides condamnées entre 1868 et 1870 qui purgent leur peine à la prison de Namur ont toutes écopé de cinq ans ferme qu’elles accomplissent intégralement. La seule mesure de grâce qui leur est parfois accordée consiste en la remise de l’amende qui est ajoutée à la peine de prison. Toutes ne bénéficient cependant pas de cette faveur et l’on voit ces malheureuses obligées de rester deux ou trois mois de plus en prison, le terme échu, pour compenser le non-paiement de l’amende et des frais de justice.
50Ceci confirme en tout cas que la correctionnalisation n’est pas un cadeau, puisqu’elle aboutit en fait à aggraver la peine. La pratique est donc parfaitement conforme à la logique des réformateurs qui voulaient s’assurer que le crime, transformé en délit, serait plus sûrement puni.
51Une autre question est de savoir si le crime a été massivement correctionnalisé ou non. Les chiffres issus de la statistique officielle ne le montrent pas nettement : 30 infanticides jugés par les tribunaux correctionnels contre 50 par les cours d’assises pour la période 1868-1875 ne postulent pas en faveur de cette hypothèse. Paradoxalement aussi, les cours d’assises continuent à juger les infanticides commis sur des enfants illégitimes (44 contre 4 enfants légitimes). Mais lorsqu’on regarde les peines prononcées respectivement en assises et par les tribunaux correctionnels, on s’aperçoit que ceux-ci n’acquittent presque jamais (29 condamnations sur 30 délits jugés), alors que les jurés d’assises se montrent toujours plus cléments (23 acquittements sur 44 cas jugés, soit plus de la moitié). La correctionnalisation n’a donc pas mis fin aux « acquittements scandaleux ». Il reste que les quatre mères jugées pour infanticide commis sur leur enfant légitime sont punies plus lourdement (travaux forcés à perpétuité) que les mères naturelles dont les peines varient entre les travaux forcés (pour 13 d’entre elles) et la prison à temps (pour 7 d’entre elles).
L’attitude des jurés d’assises
Il y a plusieurs espèces de criminels, on ne peut en disconvenir, que le jury traite un peu trop paternellement. Telles sont, par exemple, les filles accusées d’infanticide. Jeunes, quelquefois belles, elles arrivent à l’audience vêtues de noir, le visage baigné de larmes, la voix étouffée par les sanglots. Le jury, fort ému, les acquitte de temps à autre, contre toute évidence et malgré leurs propres aveux31.
52Ce constat rejoint celui, plus lapidaire encore, de Raymond De Ryckère, procureur du roi à Bruges, puis juge au tribunal de Bruxelles et enfin avocat général près la cour d’appel de Gand, grand spécialiste de la criminalité féminine à laquelle il a consacré plusieurs travaux32. Il écrit à propos de l’infanticide :
le probable acquittement devient une certitude lorsque les mères sont jolies et que leur avocat a du talent33.
53Voyons d’abord les chiffres des acquittements par rapport à ceux des condamnations en assises :
54Note :34
55« L’expérience », comme le disaient les pères du nouveau Code pénal, prouve effectivement que les jurés ont davantage tendance à acquitter avant 1867, et que malgré la correctionnalisation, ils restent assez cléments après la révision du Code, puisque près de 50 % des accusées jugées en assises sont encore acquittées entre 1868 et 1875.
56Voyons maintenant, toujours selon les statistiques officielles, à quelles peines elles sont condamnées et si les jurés suivent le Code pénal qui leur impose la mort avant 1867.
57Un premier constat s’impose : même si la peine de mort reste inscrite dans le Code après 1867, elle n’est plus jamais prononcée, alors qu’elle constituait, avant la révision, la peine de référence qui l’emportait de loin sur toutes les autres.
58Dans la pratique cependant, elle ne fut plus jamais exécutée depuis 1830. Aucune des condamnations à mort prononcées pour infanticide ne fut exécutée après l’indépendance de la Belgique, toutes étant systématiquement commuées en détention, bien avant l’arrêté royal de 1862 qui vint, en quelque sorte, officialiser une pratique constante. Ceci confirme, une fois de plus, « l’expérience » invoquée par Haus lorsqu’il précise que les jurés ont moins hésité à condamner à mort lorsqu’ils furent certains que la peine ne serait pas exécutée.
59Il reste que les acquittements, majoritaires, témoignent tout au long de la période, d’une attitude particulièrement clémente de la part des jurés sur laquelle il convient à présent de s’interroger.
60C. Schoukens a dressé le portrait-type des jurés bruxellois siégeant à la cour d’assises du Brabant. Ceux-ci ne diffèrent pas sensiblement de ceux des autres provinces, étant donné le mode de recrutement du jury, basé sur les listes d’électeurs. Dans un pays où le droit de suffrage est réservé aux plus nantis jusqu’à la fin du xixe siècle35, les jurés sont exclusivement des hommes, des notables, des bourgeois aisés vivant de leurs rentes ou exerçant une profession libérale. Ils sont sélectionnés dans la tranche d’âge des trente–soixante-dix ans, mais ils ont le plus souvent autour de la cinquantaine. Leurs valeurs sont celles de la bonne bourgeoisie conservatrice, encore très largement catholique en Belgique à cette époque. Le recrutement des jurés s’opère, selon l’expression de C. Schoukens, dans la logique d’une « justice de classe »36. Leur attitude face à l’infanticide devrait dès lors, logiquement, être assez intransigeante. Or, il n’en est rien.
61Plus sensibles aux atteintes contre les biens, ils ont tendance à condamner impitoyablement les voleurs et les voleuses qui sont eux aussi, jusqu’en 1867, traduits en assises. En comparaison, les pauvres filles infanticides qu’ils ont à juger leur paraissent infiniment moins dangereuses. Les valeurs morales qu’ils sont censés défendre pèsent sans doute moins lourd à leurs yeux que les valeurs marchandes de la sacro-sainte propriété privée.
62Par ailleurs, leurs valeurs « morales » varient considérablement s’il s’agit d’un accusé masculin ou féminin. Et la notion de « justice de classe » ne joue pas forcément dans le sens d’une sévérité accrue à l’égard de pauvres filles, souvent très jeunes, célibataires de surcroît.
63Si les bourgeois restent très soucieux de la moralité de leurs filles, de leur virginité, et de la fidélité de leurs épouses, ils se montrent le plus souvent très tolérants à l’égard des frasques de leurs garçons. Les jeunes filles non-mariées restent, comme l’ont montré Claverie et Lamaison, « la part des célibataires »37. Les viols commis par les jeunes gens sur des filles de leur âge sont le plus souvent considérés comme « naturels » : « mon fils a encore fait des siennes », s’exclame avec bonhomie et même avec quelque fierté un père à qui l’on annonce le viol commis par son fils38. « Gardez vos poules, je lâche mes coqs ». La faute incombe dès lors à la seule victime, considérée comme coupable.
64Il en va de même pour l’infanticide : sa faute ne réside pas tant dans le geste malheureux d’avoir supprimé son nouveau-né, que dans le fait de s’être laissée séduire. La suite n’est qu’une conséquence logique et fatale de ce déshonneur. On a vu qu’à cet égard, les parlementaires et les magistrats partageaient la même conception de l’honneur féminin. Celui-ci réside pour la femme mariée dans l’honneur d’être mère. Pour la fille-mère, son enfant représente le déshonneur. Les jurés partagent sans doute cette même conception puisqu’ils acquittent plus facilement les mères naturelles que les femmes mariées. C’est donc la famille légitime qu’ils entendent protéger, au détriment des enfants naturels, considérés comme des intrus, pire, comme les preuves vivantes du déshonneur.
65L’immense majorité des infanticides jugés sont des femmes (98 %) et des célibataires (95 %) « qui ont fait un bébé toutes seules ». Même leurs complices sont majoritairement des femmes (mères, tantes, sœurs, ou sages-femmes). Lorsqu’un homme apparaît comme complice – ou auteur – les jurés se montrent nettement moins cléments à son égard. C’est le cas de Arnold Meeuwis, cabaretier et marchand de bestiaux à Lebbeke, considéré comme un « notable » dans son village, qui entretenait depuis plusieurs années des relations intimes avec Elizabeth Huymans. Lorsque le premier enfant vint au monde, il ordonna à la femme de le tuer « pour éviter la honte et la ruine de ses affaires ». Elle étouffa l’enfant en le plaçant sous la paillasse du lit et son compagnon enterra le cadavre. Trois autres enfants subirent le même sort. Tous deux furent traduits devant la cour d’assises du Brabant en janvier 1889. Conformément à l’esprit du Code qui prévoit que seule la mère infanticide d’un enfant illégitime peut bénéficier de la correctionnalisation, les jurés bruxellois distinguèrent les responsabilités : la femme fut condamnée à sept ans de réclusion et l’homme à vingt ans de travaux forcés39.
66Il faut cependant remarquer que cette affaire se déroule dans un tout autre contexte, à la fin du siècle, au moment où s’affirme une nouvelle sensibilité à l’enfance. La Société protectrice des enfants martyrs de Bruxelles, créée en 1892, mène campagne pour attirer l’attention des pouvoirs publics et de l’opinion sur le sort des enfants malheureux, victimes des abus de leurs parents40. Elle publie chaque mois un bulletin d’information qui recense dans son « martyrologe » tous les cas d’enfants martyrs venus à sa connaissance. Parmi ceux-ci, l’infanticide occupe la première place et représente 50 % des crimes dénoncés. En attirant l’attention sur toutes les formes de violences commises sur les enfants, le mouvement en faveur de la protection de l’enfance contribue ainsi à accroître la stigmatisation à l’égard de l’infanticide, à une époque où celui-ci se fait plus rare devant les tribunaux41. C’est aussi à cette époque que les jurés se montrent le plus sévères, notamment à l’égard des complices masculins. En 1884, la cour d’assises du Brabant condamne Gustave Van Dijk à mort pour infanticide, après avoir établi qu’il était l’auteur du crime, tandis que sa maîtresse n’était que sa complice. C’est la seule condamnation à mort prononcée par cette cour après 186742.
67La même chronologie se retrouve en matière d’avortement : longtemps ignoré par la justice, celui-ci n’est véritablement l’objet de débats qu’à partir de la fin du siècle, et surtout, après 1914.
L’avortement : un crime impuni
68Si l’infanticide, sévèrement puni par le Code, peut être relativement excusé dans la pratique, l’avortement apparaît bien, au xixe siècle, comme un crime impuni43. Non pas parce que la loi est laxiste44, mais parce que, dans la pratique, la preuve est encore plus difficile à produire que dans les cas d’infanticide. De plus, ce n’est pas l’avortée qui est poursuivie au premier chef, mais l’avorteur (le médecin) et, bien plus souvent, l’avorteuse (la sage-femme). Néanmoins, sur la base d’une étude réalisée à partir des archives des tribunaux bruxellois, il s’avère que les poursuites sont rares, et surtout vite abandonnées.
69Le premier problème auquel est confrontée la justice est celui de l’auteur : les statistiques générales de la Belgique recensent, entre 1861 et 1885, 50 crimes d’avortement et 111 délits dont les auteurs sont restés inconnus45. Plus encore qu’en matière d’infanticide, les non-lieux l’emportent ici largement sur les cas jugés : pour la période 1848-1895, le registre d’ordonnances de non-lieu du tribunal de première instance de Bruxelles enregistre 464 ordonnances de non-lieu à poursuivre en matière d’avortement. En comparaison, le rôle des affaires jugées par ce même tribunal comptabilise, pour la période – plus longue – de 1830 à 1893, 59 affaires concernant 147 personnes poursuivies pour avortement, soit pour l’avoir subi, soit pour l’avoir pratiqué, soit pour s’être rendues coupables de manœuvres abortives46. L’examen des archives des cours d’assises confirme ces constatations : seules cinq affaires d’avortement ont été jugées par la cour d’assises du Brabant (en 1859, 1881, 1886 et 1889) et cinq par la cour d’assises du Hainaut (en 1836, 1843, 1847 et 1869)47. Enfin, si l’on se tourne vers l’issue des procès, le registre des condamnés du tribunal correctionnel de Bruxelles recense, pour la période 1830-1892, quatre-vingts condamnations réparties sur quarante-neuf affaires jugées, dont une seule est antérieure à 186748. Le registre des condamnées correctionnelles de la prison de Namur ne mentionne, pour la période 1860-1870, que trois condamnées : une sage-femme de 55 ans, condamnée à trois ans de prison par la cour d’appel de Bruxelles en 1862 ; une ménagère de 44 ans, condamnée par le tribunal correctionnel de Charleroi à deux ans de prison en 1862 et une cabaretière de 64 ans condamnée par le tribunal correctionnel de Mons à trois ans de prison, en 187049. Il s’agit à chaque fois d’avorteuses, sages-femmes professionnelles ou non, toutes mariées, nettement plus âgées que les condamnées pour infanticides, jeunes et célibataires.
70Au-delà de cette analyse purement quantitative, les dossiers de procédure révèlent des pratiques largement tolérées et assez répandues dans la société, dont les juges eux-mêmes semblent faire peu de cas. Un exemple, découvert au détour d’un procès d’empoisonnement, le prouve. En février 1847, Virginie Crez, 19 ans, et son amant, Louis-François Van Mol, 35 ans, sont jugés par la cour d’assises du Hainaut pour avoir empoisonné Nicolas Bureau, 70 ans, le mari de Virginie. Celle-ci, mariée de force par ses parents à un cultivateur aisé, de cinquante ans son aîné, se trouvait enceinte des œuvres de son amant avant le mariage. Pour conclure l’affaire avec le riche vieillard, il était indispensable de faire disparaître l’enfant inopportun. C’est le père de la jeune fille qui se chargea de l’emmener à Mons, chez Jean-Joseph Masure, chirurgien-accoucheur, bien connu pour pratiquer des avortements. La chose se passa le plus naturellement du monde, « entre hommes » (le père et le médecin) – si l’on peut dire – la mère semblant ne pas être mise au courant. Aucun des deux ne fut inquiété par la justice pour cet avortement, pas plus que Virginie, sur laquelle pesaient, il est vrai, de plus lourdes charges50.
71Le témoignage d’un vieux magistrat bruxellois, le vicomte Terlinden, procureur général à la cour de cassation de Belgique, confirme cet apparent laxisme de la justice. Au terme de cinquante ans de carrière au parquet, l’ancien procureur affirme n’avoir été confronté qu’une seule fois à un procès d’avortement en assises :
C’était entre 1886 et 1891, l’avortement était alors le procédé courant dont les ménages soi-disant honnêtes se servaient pour diminuer les charges de famille51.
72Dans le discours qu’il prononce en 1924, le procureur général dénonce violemment ce laxisme et s’élève contre le secret médical, responsable selon lui de la facilité avec laquelle les avortements se déroulent quotidiennement et demeurent impunis.
73On observera ici encore que l’on se trouve dans un tout autre contexte, celui de l’après-guerre, où l’avortement est devenu, en Belgique, comme en France, un objet de débat qui entraîne une nouvelle législation. « La France se meurt, la France se suicide. Et nous nous suicidons avec elle » s’écrie le vieux procureur. Sur la proposition de Henry Carton de Wiart, père de la loi sur la protection de l’enfance de 1912, la Belgique a adopté le 20 juin 1923 une loi modifiant les articles 383 et 384 du Code pénal qui réprime, en suivant l’exemple de la loi française de 1920, la provocation à l’avortement et la publicité pour les méthodes contraceptives. Même si la Belgique est moins touchée que la France par les effets démographiques de la Grande Guerre, elle se mobilise, aux mêmes accents nationalistes, contre la limitation des naissances et le spectre de la dépopulation52.
74Cette nouvelle attitude face à l’avortement s’inscrit dans la même logique que celle qui stigmatise plus durement l’infanticide à la fin du xixe siècle. Les deux sont à mettre en relation, comme on l’a déjà souligné, avec la montée du sentiment de l’enfance et l’action des sociétés protectrices de l’enfance qui débouchent, en 1912 en Belgique, sur la première loi générale de protection de l’enfance.
Conclusions
75L’image de la mère infanticide et le traitement qui lui est réservé par le droit et par la justice se sont, paradoxalement, transformés dans deux directions opposées au fil du dix-neuvième siècle. D’une part, dans le sens apparent d’une relative « décriminalisation » par le droit et d’un relatif adoucissement des peines par le biais de la correctionalisation partielle de l’infanticide et de l’abandon de la peine capitale qui témoignent d’une certaine forme de compréhension, voire de « sympathie », sinon d’excuse, vis-à-vis de la mère célibataire acculée à supprimer son enfant illégitime. Celle-ci est plutôt considérée à ce moment comme une victime qui peut bénéficier d’une atténuation des rigueurs de la loi. Mais surtout cette attitude, généralement partagée par le droit, la justice et l’opinion, dans le chef des jurés notamment, correspond à une absence totale de considération pour l’enfant, surtout s’il est illégitime. L’idée de la protection de l’enfance, et bien plus encore de la petite enfance, est toujours bien éloignée. Celle-ci ne se développera qu’au début du vingtième siècle en relation avec des préoccupations natalistes et démographiques qui attirent l’attention sur la nécessité, vu la raréfaction des naissances et l’effrayante mortalité des nourrissons, de protéger ceux qui naissent53.
76Ce n’est que dans le dernier quart du dix-neuvième siècle que le regard porté sur l’enfance commence à se faire plus insistant. Entre la fin des années 1880 et 1914, sous la pression de l’opinion et des philanthropes, la justice et le droit reconsidèrent la place de l’enfant au sein de la famille. Pour des raisons économiques, le travail des enfants est devenu moins nécessaire aux développements nouveaux du capitalisme industriel et l’exploitation de la main-d’œuvre infantile apparaît désormais comme un scandale. Pour des raisons politiques et sécuritaires, la délinquance juvénile est désormais présentée comme un danger menaçant pour la société. L’échec des tentatives de redressement menées dans le cadre des institutions pénitentiaires créées dans les années 1830-1840 est partout dénoncé. Celles-ci ne produisent que des « récidivistes » qui viennent sans cesse alimenter « l’armée du crime ». Pour lutter contre la criminalité, il faut protéger l’enfant : de coupable qu’il était, il devient victime. Victime de son milieu, de ses parents. Par rapport aux Codes napoléoniens, la proposition s’inverse : on considère désormais qu’il y a des parents coupables et des enfants victimes. Le regard se recentre sur la famille populaire, la famille ouvrière, génératrices potentielles de tensions et de désordre54.
77Et, dès lors, les rôles respectifs du père et de la mère sont réévalués. La déchéance de la puissance paternelle, rendue possible par la loi de 1889 en France et de 1912 en Belgique, porte une première atteinte à la puissance paternelle, dans le but de mieux protéger la famille55. Celle-ci se reconstruit autour du personnage central de la mère, gardienne du foyer et responsable de l’éducation des enfants. Elle acquiert dès lors, dans les discours comme dans les pratiques, une nouvelle importance et focalise l’intérêt de la justice. À l’intérieur, comme à l’extérieur du foyer, c’est aux mères que l’on fait appel pour seconder les juges des enfants, créés en Belgique par la loi de 1912. C’est aux mères de substitution des familles d’accueil qu’il incombe de se charger des enfants placés par les patronages pour leur fournir un cadre familial adéquat56.
78L’image de la « bonne mère » commence à supplanter celle du « bon père de famille », élaborée par les Codes napoléoniens. Dès lors, les « mauvaises mères » sont plus durement stigmatisées, et, au premier chef, les infanticides, puis celles qui recourent à l’avortement. En même temps, les mères sont elles-mêmes protégées et aidées dans leurs tâches maternelles : multiplication des crèches, campagnes en faveur de l’allaitement maternel, ouverture des consultations pour nourrissons57. Au-delà de la mère, c’est l’enfant et surtout le tout petit enfant qui devient l’objet de la sollicitude générale. À l’inverse, celles qui ne jouent pas leur vrai rôle de mères, les mères indignes, deviennent plus coupables, et même, criminelles. Ceci nous ramène à Lombroso, contemporain de ces transformations sociales, qui résume la criminalité féminine à ce stéréotype : la femme criminelle est d’abord et avant tout une mauvaise mère.
Notes de bas de page
1 Ducpétiaux (É.), De la peine de mort, Bruxelles, 1827.
2 Sur l’histoire de la protection de l’enfance en Belgique, cf. Dupont-Bouchat (M. S.), De la prison à l’école. Les pénitenciers pour enfants en Belgique au xixe siècle, UGA, Kortrijk, 1996, p. 51-99.
3 L’Enfant, la famille et la Révolution française, Paris, Olivier Orban, 1990.
4 Darmon (P.), La Variole, les nobles et les princes, Éditions Complexe, 1989.
5 Ducpétiaux (É.), De la condition physique et morale des jeunes ouvriers et des moyens de l’améliorer, Bruxelles, 1848.
6 « Cent ans de répression des violences à enfants », Le Temps de l’histoire, n° 2, mai 1998 ; et pour la Belgique : Dupont-Bouchat (M. S.), « Construction et transformation des sensibilités à la violence au fil du xixe siècle », in Kurgan (G.) (éd.), Un Pays si tranquille. La violence en Belgique au xixe siècle, Bruxelles, Éditions de l’ULB, 1999, p. 41-60.
7 Dupont-Bouchat (M. S.), Pierre (É.) (dir.), Enfance et justice au xixe siècle. Essais d’histoire comparée de la protection de l’enfance (1820-1914), France, Belgique, Pays-Bas, Canada, Paris, PUF, 2001.
8 Lombroso (C.), La Femme criminelle et la prostituée (1895) ; Darmon (P.) (éd.), Paris, Milan, 1991, p. 99-108 : « La maternité entre la cruauté et la pitié » ; p. 410 et suiv. : « Maternité et criminalité ».
9 En Belgique, cette pratique est abolie par une ordonnance des Archiducs en 1617 (Dupont-Bouchat (M. S.), « Les enfants martyrs. Infanticides, avortement, enfants « fortunés », enfants abandonnés », Naître autrefois. Rites et folklore de la naissance en Ardenne et Luxembourg, Bruxelles,Crédit Communal de Belgique, 1993, p. 193-204.
10 Demars-Sion (V.), « Un procès en infanticide à Lille en 1789 : l’affaire Marie-Christine Vermont », Juges et criminels. Études en hommage à Renée Martinage, Espace juridique, Histoire judiciaire, Lille, 2000, p. 65-97.
11 Les infanticides jugées par le tribunal criminel de Namur sous le régime français (1795-1814) sont systématiquement acquittées, contrairement aux voleuses et aux empoisonneuses : Dupont-Bouchat (M. S.) et Rousseaux (X.) (dir.), « Juges, délinquants et prisonniers dans le département de Sambre-et-Meuse », Annales de la Société archéologique de Namur, t. 72, 1998.
12 Cité par Nypels (J. S.), Commentaire du Code pénal belge, t. III, Bruxelles, 1868, p. 202.
13 Ducpétiaux (É.), op. cit.
14 Schoukens (C.), L’Infanticide devant la cour d’assises du Brabant au xixe siècle (1811-1914), Mémoire de licence en histoire, UCL, 1994 (inédit).
15 Piette (V.), Domestiques et servantes. Des vies sous condition. Essai sur le travail domestique en Belgique au 19e siècle, Académie Royale de Belgique, Classe des Lettres, Bruxelles, 2000.
16 Haus (J. J.), Exposé des motifs. Rapport fait au nom de la commission du gouvernement et adressé au ministre de la Justice, 1858, cité par Nypels, op. cit., p. 202.
17 En pratique, aucune infanticide condamnée à mort n’a été exécutée en Belgique depuis 1830, la peine étant commuée en travaux forcés à perpétuité, par mesure de grâce royale. Après 1867, aucune condamnation à mort ne sera exécutée, même si la peine est conservée dans le nouveau Code. La dernière exécution capitale en temps de paix a eu lieu en 1863.
18 Beauthier (R.), « Le juge et le lit conjugal au xixe siècle », Corps de femmes. Sexualité et contrôle social, Bruxelles, POL-HIS, De Boeck, 2002, p. 39-63.
19 Rapport fait à la Chambre par E. Pirmez, député libéral conservateur, au nom de la commission, le 29 janvier 1867, cité par Nypels, op. cit., p. 458.
20 Cf. à ce sujet, les analyses de P. Lascoumes qui définit la famille en termes « d’intérêts protégés » par les Codes (Lascoumes (P.) et Poncela (P.), « Intérêts à protéger et classification des infractions » in Gérard (Ph.), OST (F.), Van de Kerkhone (M.) (dir.), Droit et intérêt, t. III, Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1990, p. 55-82).
21 Archives de l’État à Namur, Registre d’écrou des condamnées criminelles de la prison des femmes, n° 68 (1860-1870), n° 598 et 599.
22 Ibid., n° 604.
23 Ibid., n° 608 et 609.
24 Laurent (S.), La Première Prison pour femmes en Belgique (Namur 1837-1871), Mémoire de licence en histoire, UCL, 1987 (inédit), p. 147-148.
25 Schoukens (C.), op. cit., p. 54.
26 Cf. à ce propos, les travaux de B. d’Aubusson et, pour la Belgique, ceux d’A. Tixhon.
27 Les statistiques ne comptent pas les mêmes choses, ni de la même manière, aux différentes époques. Il faut donc se limiter à enregistrer quand c’est possible des données de même nature et les compléter ensuite par d’autres sources.
28 Les sources varient d’une période à l’autre. Pour la période 1836-1839 : Compte de l’administration de la justice criminelle en Belgique (1836, 1837, 1838, 1839), présenté au roi par le ministre de la Justice, Bruxelles, 1843 ; pour la période 1841-1850 : Rapport décennal sur la situation du royaume ; pour 1850-1855 : Statistiques de la justice criminelle et civile de la Belgique (1850-1855), Ministère de la Justice, Bruxelles, 1858 ; pour 1868-1875 : Administration de la justice criminelle et civile de la Belgique (1868-1875), résumé statistique, Ministère de la Justice, Bruxelles, 1878.
29 Schoukens (C.), op. cit., p. 59 : les médecins et sages-femmes interviennent pour près de 10 % dans les dénonciations de « l’entourage » ; les parents pour un peu plus de 1 % seulement.
30 Administration de la justice criminelle et civile (1868-1875), Ministère de la Justice, Bruxelles, 1878.
31 Desjardins (A.), « Le jury et les avocats », Revue des Deux Mondes, Paris, 1886, cité par Piette (V.), op. cit., p. 326.
32 De Ryckère (R.), « La criminalité féminine », Belgique Judiciaire, 1891 ; La Femme en prison et devant la mort, Paris, 1898 ; L’Alcoolisme féminin, Paris, 1899 ; La Criminalité ancillaire, Congrès international d’anthropologie criminelle, Turin, 1907 ; La Servante criminelle. Étude de criminologie professionnelle, Paris, 1908.
33 De Ryckère (R.), « La criminalité féminine », Belgique Judiciaire, t. XLIX, 1891, col. 16.
34 Il faut y ajouter 16 cas correctionnalisés.
35 En Belgique, jusqu’en 1893, le mode de suffrage est censitaire, c’est-à-dire qu’il est réservé à ceux qui paient l’impôt ; en 1830, 1 % de la population peut voter ; après l’abaissement du montant du « cens » en 1848 : 2 %.
36 Schoukens (C.), op. cit., p. 105-107.
37 Claverie (E.) et Lamaison (B.), L’Impossible mariage. Violence et parenté en Gévaudan, 17e-19e siècle, Paris, Hachette, 1982.
38 Le Clercq (G.), Violence sexuelle, scandale et ordre public. Contribution à l’histoire des mentalités à partir des archives des tribunaux namurois, 1830-1867, Mémoire de licence en histoire, UCL, 1997 (inédit).
39 De Ryckère (R.), op. cit.
40 Huart F., La Société protectrice des enfants martyrs de Bruxelles (1892-1914), mémoire de licence en histoire, UCL, 1994, 2 vol. (inédit).
41 C. Schoukens en dénombre six pour la période 1886-1900 et un seul pour la période 1900-1914, devant la cour d’assises du Brabant (op. cit., p. 48).
42 Ibid., p. 103.
43 Selon le titre du mémoire d’I. Sauveur, L’Avortement au xixe siècle : un crime impuni ?, Mémoire de licence en histoire UCL, 1997 (inédit).
44 L’avortement est considéré comme un crime avant 1867, puis correctionnalisé, comme l’infanticide.
45 Sauveur (I.), op. cit., p. 72.
46 Ibid., p. 74.
47 Ibid., p. 76.
48 Ibid., p. 82.
49 Archives de l’État à Namur, Registre d’écrou des condamnées correctionnelles de la prison de Namur, n° 86 (1860-1870), n° 5047, 5088 et 5519.
50 Septon (M.), Les Femmes et le poison. L’empoisonnement devant les juridictions criminelles en Belgique au xixe siècle (1795-1914), thèse de doctorat (PHD), Marquette University, Milwaukee, Wisconsin, USA, 1996 (inédite).
51 Cour de Cassation de Belgique, La Lutte contre l’avortement. Le secret médical, discours prononcé par le vicomte Terlinden, le 1er janvier 1924, Bruxelles, 1924.
52 Gubin (E.), Piette (V.), « La politique nataliste de l’entre-deux-guerres », Corps de femmes. Sexualité et contrôle social, Bruxelles, POL-HIS, De Boeck, 2002, p. 115-130.
53 Rollet (C.), Les Enfants au xixe siècle, Paris, Hachette, 2001.
54 Dupont-Bouchat (M. S.) et Pierre (É.) (dir.), op. cit.
55 Ibid.
56 Dupont-Bouchat (M. S.), « Femmes philanthropes. Les femmes dans la protection de l’enfance en Belgique (1890-1914) », Sextant, Femmes de culture et de pouvoir, ULB, Bruxelles, n° 13-14, 2000, p. 81-118.
57 Rollet (C.), op. cit.
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