Chapitre IV. Brest : base principale de la flotte allemande (1940-1942)
p. 83-134
Texte intégral
La question d’une base
1Dès le 20 juin 1940 le commandant en chef de la Kriegsmarine, l’amiral Raeder, avait parlé dans sa conférence sur la guerre navale, devant Hitler, de Brest comme éventuelle nouvelle base principale pour la guerre sous-marine1. Trois jours plus tard, le commandement de la Kriegsmarine à l’Ouest demanda à la Direction de la guerre navale le transfert de son état-major sur la côte française afin de diriger à partir de là la future guerre navale dans l’Atlantique. Mais le haut commandement de la Kriegsmarine refusa la demande car il considérait qu’il y avait encore des « taches importantes en cours dans la mer du Nord et devant les côtes norvégiennes2 ». À côté de l’argument stratégique, la Direction de la guerre navale donna aussi une autre raison importante à son rejet et cette raison devait influencer tous les futurs plans de la Kriegsmarine pendant la Seconde Guerre mondiale. Les pertes et les dommages subis par la Marine allemande pendant l’opération Weserübung en Norvège ainsi que la concentration de la construction navale sur l’arme sous-marine avaient entraîné une réduction considérable du nombre des unités de surface depuis le début de la guerre. Fin juin 1940, sur l’ensemble des grandes unités de la flotte, seuls le croiseur lourd Admiral Hipper et le croiseur léger Nürnberg étaient opérationnels. Et comme le commandant en chef de la Kriegsmarine avait envoyé ces deux navires en Norvège, l’état-major des opérations navales était « venu à la conclusion que des opérations à partir de la côte française […] ne peuvent pas être effectuées parce qu’il n’y a pas de forces disponibles à cet effet3 ». Les amiraux ne voyaient à ce moment-là que des possibilités pour des missions à court terme effectuées par des sous-marins et des avions de la Luftwaffe à partir de la côte atlantique. Toutefois, leur mise en œuvre n’exigeait pas le déplacement d’un groupe de commandement. Ce transfert devait être de nouveau envisagé si les cuirassés étaient en mesure d’opérer à partir de Brest4. L’utilisation de la nouvelle base sur la côte atlantique par les unités de la flotte correspondait bien aux idées stratégiques du commandement naval à l’Ouest qui voyait Brest comme une « base de premier ordre » et qui avait déjà exigé de la Direction de la guerre navale l’aménagement accéléré de ce port depuis le 22 juin 19405. Un premier plan du haut commandement de la Kriegsmarine pour l’organisation des nouvelles bases en Norvège et en France, publié le 9 juillet 1940, prévoyait pour Brest l’aménagement d’urgence d’une base de premier ordre6. Comme bases de second ordre avaient été déterminés sur les côtes de la Manche le port de Boulogne pour des vedettes rapides et Cherbourg pour des forces légères jusqu’à la taille de contre-torpilleurs. Saint-Malo avait été prévu comme point d’appui pour les forces de surface jusqu’à la taille de torpilleurs. Sur la côte atlantique, les ports de Saint-Nazaire et Lorient devaient devenir des bases de second ordre, le premier pour les forces navales de toutes sortes, le deuxième pour les sous-marins. Plus au sud, les ports de La Rochelle-Rochefort et Bayonne étaient prévus pour accueillir des forces navales légères et sous la protection de la presqu’île de Quiberon un poste d’ancrage pour des forces de surface devait être aménagé.
2Mais l’office principal des constructions navales allemandes demanda dès le 17 juillet 1940, en raison de « l’impossibilité d’aménager ces nombreuses bases demandées en personnels et matériels », de réduire les exigences du haut commandement au minimum et même de renoncer à celle de Brest7. À côté de la question de la main-d’œuvre, les dommages causés en juin 1940 par la Marine française au moment de l’évacuation du port semblaient notamment entraver l’utilisation de la nouvelle base. L’ampleur de ces destructions fut soulignée dans un rapport de l’amiral commandant la Kriegsmarine en France du 23 juillet 1940 dans lequel l’amiral Schuster rapporta que Brest ne possédait qu’une seule cale sèche opérationnelle au port de commerce et que celui-ci ne possédait que des grues de faible efficacité8. La durée de la réparation des autres formes de radoub au port militaire n’était pas prévisible à ce moment-là. De plus, aucune grue fonctionnelle n’était disponible dans l’ensemble de l’arsenal. Seuls les ateliers pouvaient être utilisés sans restriction, mais la Kriegsmarine manquait aussi de personnel spécialisé dans les machines à vapeur à haute pression des navires de guerre allemands. Les connaissances des ouvriers français suffisaient cependant à l’exécution des réparations de moindre importance. Mais, dans son rapport, l’amiral Schuster arrivait à la conclusion que la comparaison de Brest avec les ports plus au sud était au détriment de la nouvelle base : « Il faudra des mois pour faire de Brest une base d’une certaine performance. Les conditions sont meilleures à Lorient, car il y a des possibilités de carénage dans l’arsenal dans environ 6 semaines. Dans les chantiers navals privés à Saint-Nazaire et Nantes n’importe quel travail peut commencer immédiatement car toutes les installations et ateliers sont opérationnels et dotés de personnel9. » Au vu de ces faits, l’amiral commandant la Kriegsmarine en France proposa de préférer le port de Saint-Nazaire en tant que base de premier ordre pour les forces de surface à celui de Brest.
Ill. 7. – Arsenal de Brest en été 1940.
Bundesarchiv Bild101II-MW-5683-29A.
3Les rapports sur les dommages dans l’arsenal et la menace aérienne du port en raison de la proximité de la Grande-Bretagne menèrent finalement la Direction de la guerre navale, le 1er août 1940, à douter de la qualification de Brest comme base de premier ordre10. Il fut par la suite question d’aménager immédiatement le port de Saint-Nazaire pour ce rôle, tandis que Lorient devait devenir la nouvelle base principale des sous-marins. Mais le commandant de la Kriegsmarine en Bretagne exprima ses doutes au sujet du choix de Saint-Nazaire, car l’accès à ce port était difficile pour les grands navires de guerre, mais selon le chef d’état-major de l’amiral commandant la Kriegsmarine en France, il n’y avait « pas d’autre moyen que de proposer cette décision déjà prise à la Direction de la guerre navale11 ». Les amiraux allemands à Paris étaient dans une situation difficile car ils s’étaient appuyés dans leur décision sur les rapports arrivés de la Bretagne, selon lesquels Brest manquait encore des possibilités de carénage pour les grands navires et que même pour des travaux de révision des croiseurs les grues nécessaires n’étaient pas disponibles. L’inconvénient des conditions de navigation difficiles devant Saint-Nazaire aurait pu être compensé, selon les amiraux, par les possibilités d’amarrage des navires lourds dans ce port. Pourtant, on estima aussi à l’état-major de l’amiral commandant la Kriegsmarine en France que « si à l’avenir les conditions relatives aux quais et grues devaient être satisfaites à Brest » la question Saint-Nazaire ou Brest devrait être réexaminée12.
4La côte atlantique française fut par la suite l’objet de visites de nombreuses commissions spéciales de la Kriegsmarine. En septembre 1940, le capitaine de vaisseau Heimberg, du service machines de l’office principal des constructions navales, effectua une visite à Nantes, Saint-Nazaire, Brest, Cherbourg, Le Havre, Boulogne, Calais, Dunkerque, Ostende et Anvers afin d’évaluer les options de réparation des navires de surface en France et en Belgique, l’état général des chantiers navals et des ateliers, les conditions de travail et les capacités de réparation disponibles13. Le travail effectué jusqu’ici pour la Kriegsmarine ainsi que l’attitude des directions et ouvriers vis-à-vis de ces travaux furent également pris en compte. Selon le rapport de cette commission, l’arsenal de Brest était occupé en septembre 1940 par la réparation et l’équipement de navires de guerre auxiliaires et véhicules portuaires et il effectuait des réparations mineures sur des navires de guerre allemands. Le personnel français d’environ 1 800 ouvriers s’était montré, selon le rapport, « obéissant » et avait travaillé pendant les sept heures de travail de la journée dans un « rythme français14 ». Aucun acte de sabotage n’avait été à signaler. Un inconvénient fut néanmoins souligné : l’arsenal manquait de machines pour des réparations majeures sur les moteurs des navires parce que la Marine française avait toujours transféré ces travaux aux établissements d’Indret, à l’intérieur des terres15. Des simples travaux de réparation par contre étaient possibles dans tous les domaines et pour les réparations des machines à vapeur surchauffées sur les bâtiments de guerre allemands la Kriegsmarine pouvait recourir à un groupe spécial du chantier naval privé allemand Blohm & Voss stationné à Cherbourg. Selon le rapport, les capacités des ateliers de Brest suffisaient largement à l’utilisation prévue de ce port comme base principale. Mais parmi les formes de radoub, seulement deux petites formes ainsi qu’une partie de 185 m de long de la forme de construction au Salou à l’intérieur de l’arsenal étaient disponibles. Au port de commerce, la Kriegsmarine pouvait utiliser le petit chantier naval privé Dubigeon pour des travaux sur ses unités légères.
5Afin de mettre fin à la discussion sur le port le plus approprié et comme la solution de cette question devait être résolue le plus rapidement possible en raison des nouveaux plans stratégiques pour le déploiement des forces de surface allemandes dans l’Atlantique, deux commissions du haut commandement de la Kriegsmarine se rendirent simultanément en France en octobre 1940. Tandis qu’un groupe de l’office central de la construction navale avec son directeur, le contre-amiral Fuchs, arrivait à Paris chez le délégué aux chantiers navals en France le 7 octobre 1940 pour examiner les capacités des chantiers navals français dans les ports16, une autre délégation de la Direction de la guerre navale sous la direction du chef du service opérations, le capitaine de vaisseau Wagner, s’était déjà rendue au début du mois sur la côte atlantique française17. C’était aussi Wagner qui, après une visite du port de Saint-Nazaire le 3 octobre 1940, avait informé le haut commandement de la Kriegsmarine du fait que celui-ci n’était approprié « que dans une mesure limitée18 » pour accueillir des cuirassés ou croiseurs lourds. Outre les conditions de navigation difficiles déjà connues, il s’avérait que le bassin et les écluses du port, à l’exception de la grande forme Joubert, n’étaient pas franchissables par des navires avec un tirant d’eau de plus de 8m. Vu cela, l’aménagement de Saint-Nazaire en base principale pour les navires lourds de la Kriegsmarine était désormais hors de question pour la Direction de la guerre navale.
6Dans l’après-midi du 4 octobre 1940 la délégation arriva à Brest. À cette occasion, le capitaine de vaisseau Wagner informa l’amiral von Arnauld de la Perière des nouvelles intentions stratégiques du haut commandement de la Kriegsmarine pour la guerre navale dans l’Atlantique, ce qui rendait l’aménagement de Brest en base navale encore plus urgent. Les représentants de la Direction de la guerre navale se rendirent compte qu’ils avaient surestimé la destruction des installations brestoises19. La menace aérienne, qui était l’une des raisons pour justifier le transfert de la future base de la flotte plus au sud, fut en revanche compensée par le fait que les conditions d’installation d’un système de défense antiaérienne à Brest étaient plus favorables. Le jour même, le commandant en chef de la Kriegsmarine, l’amiral Raeder, prit la décision finale d’établir à Brest la nouvelle base principale de la flotte allemande20. Ce lent processus de décision avait coûté plus de trois mois de retard à la Kriegsmarine depuis l’occupation de la côte française en juin 1940.
7Au lendemain de cette importante décision du commandant en chef de la Kriegsmarine, la commission de l’office central de la construction navale arriva à Brest21. Après la visite du port et de l’arsenal, la commission sélectionna le quai des Flottilles comme poste d’amarrage pour un navire de ligne. Les deux grandes formes de radoub à Laninon pouvaient accueillir des grands navires jusqu’à la taille des cuirassés de la classe Scharnhorst alors que pour la réparation des unités plus grandes comme les deux cuirassés Bismarck et Tirpitz l’utilisation de la forme Joubert à Saint-Nazaire fut prévue. Seul le fait que les deux formes de radoub à Laninon ne fonctionnaient qu’avec une seule pompe fut critiqué. Pour éviter le blocage des deux formes en cas d’avarie de cette pompe, la Commission ordonna la mise en place d’une deuxième pompe. En plus, il fallait remplacer les grues car les grues existantes avaient été détruites avant l’arrivée des troupes allemandes. De même, il manquait une grue flottante pour les travaux sur les grands navires. L’ancienne grue flottante de 250 tonnes de l’arsenal avait été sabordée par la Marine française devant le quai des Flottilles.
Ill. 8. – Commission de l’office central des constructions navales allemandes à Brest en octobre 1940.
ECPAD DAM 108 L 11.
8La commission demanda d’essayer de renflouer la grue ou de la remplacer par une grue flottante venant de Nantes. Dans le bassin de construction au Salou à l’intérieur de l’arsenal la commission visita la coque inachevée du nouveau cuirassé français Clemenceau. Comme la coque gênait l’utilisation de ce bassin opérationnel pour la réparation de sous-marins ou la réparation du contre-torpilleur français Cyclone trouvé à Brest en juin 1940, les services de la Kriegsmarine sur place devait étudier si la construction pouvait être poursuivie ou la coque démantelée. L’arsenal reçut également l’ordre d’examiner combien de temps serait nécessaire pour réparer le contre-torpilleur Cyclone22. Alors que les travaux sur la coque du Clemenceau furent ensuite poursuivis par les Constructions navales françaises jusqu’à son renflouement et le dégagement du bassin, la réparation du contre-torpilleur Cyclone pour l’utiliser comme contre-torpilleur ZF4 dans la Kriegsmarine fut finalement abandonnée23. La récupération des quatre sous-marins français sabordés à Brest en juin 1940 avait aussi été brièvement envisagée par la Kriegsmarine24. Mais, quand le sous-marin Agosta fut renfloué le premier le 24 octobre 1940, les experts de l’arsenal allemand de Lorient décidèrent qu’en raison des dommages causés par le temps passé sous l’eau il était préférable de le démanteler25. Ainsi, parmi les navires de guerre français abandonnés à Brest en juin 1940, la Kriegsmarine ne put réutiliser que l’ancien mouilleur de mines auxiliaire Alexis de Tocqueville sous le nom de Pelikan. Toutefois, elle dut renoncer à son utilisation initiale car elle ne disposait pas d’assez de mines correspondant aux installations à bord du navire26.
9Le 12 octobre 1940, la commission de l’office central de la construction navale se rendit à Lorient où la Kriegsmarine avait établi depuis le 15 août 1940 un chantier de réparation pour sous-marins dont le personnel se composait en octobre 1940 de 650 ouvriers allemands et de 2 500 ouvriers français. Au moment de la visite de la commission, ce chantier avait déjà une capacité de réparation de dix sous-marins qui devait en plus être portée à quinze bateaux. Le délégué aux chantiers navals allemands en France avait donné l’ordre en septembre 1940 que l’arsenal de Lorient ne devait effectuer des travaux de réparation que sur les sous-marins et les dragueurs de mines nécessaires au contrôle des accès de ce port27. Tous les autres travaux sur des unités de surface, tels que l’aménagement du cargo allemand Rostock en grand dragueur de mines, devaient être effectués à Brest ou à Saint-Nazaire. C’est dans ce dernier port que la commission de l’office central de la construction navale confirma l’avis du chef d’état-major de la Direction de la guerre navale concernant l’inaptitude de ce port à l’accueil de forces navales lourdes. Comme le capitaine de vaisseau Wagner, les officiers ingénieurs jugeaient le bassin portuaire trop petit et pas assez profond pour les grands navires de guerre. La forme Joubert par contre fut approuvée comme cale sèche en cas d’une éventuelle réparation des nouveaux cuirassés Bismarck et Tirpitz. Avec les installations du chantier naval privé Penhoët, le port possédait suffisamment de moyens de réparation navale ; il ne manquait qu’une puissante grue pour l’échange de pièces sur les grands navires.
La création de l’arsenal allemand de Brest
10La décision du commandant en chef de la Kriegsmarine du 9 octobre 1940 d’établir à Brest la base principale de la flotte allemande nécessitait une nouvelle organisation des chantiers navals allemands en France. Approuvé par l’amiral Raeder le 28 octobre 1940, cette organisation prévoyait pour le 15 novembre 1940 la création de trois arsenaux de la Kriegsmarine à Brest, Lorient et Saint-Nazaire28. Alors que Lorient devait être doté au plus vite d’un chantier d’une capacité de réparation pour 30 sous-marins, l’arsenal de Brest devait à la fin de l’année 1940 être en mesure d’effectuer les réparations d’un cuirassé, de deux croiseurs ou de plusieurs contre-torpilleurs en même temps. L’arsenal de Saint-Nazaire devait être aménagé jusqu’au 1er avril 1941 pour une capacité de 30 sous-marins alors qu’à Brest un chantier pour sous-marins de la même taille était prévu pour le 1er juillet 1941.
11Ces exigences montrent bien les différentes fonctions des trois nouvelles bases. Alors que Lorient, choisi le 28 juin 1940 comme base principale des sous-marins par Dönitz et qui possédait depuis le 15 août 1940 un chantier de réparation pour sous-marins, était responsable de l’arme sous-marine, Brest était principalement destiné aux réparations des unités de la flotte. La réalisation d’un chantier de réparation pour sous-marins n’y était prévue que pour le 1er juillet 1941. Des réparations sur des navires de guerre légers ou auxiliaires par contre devaient être effectués par des chantiers privés français. En décembre 1940 par exemple, deux dragueurs de mines et le navire d’escorte Brommy commencèrent un carénage de six semaines aux Forges de l’Ouest à Saint-Nazaire alors que plusieurs patrouilleurs, souvent d’anciens chalutiers aménagés, carénaient aux Forges et Chantiers de la Méditerranée au Havre, aux Chantiers de la Gironde à Bordeaux et à la Compagnie nantaise à Nantes29.
12Le 1er décembre 1940, le vice-amiral Stobwasser devint commandant de l’arsenal de Brest. Auparavant il avait dirigé l’aménagement de l’arsenal allemand à Lorient depuis août 1940 et avait exercé la fonction de directeur du chantier Ouest de l’arsenal de Wilhelmshaven avant-guerre30. Dans ses fonctions de directeur de l’arsenal de Brest, le vice-amiral Stobwasser était responsable des réparations de toutes les unités de la flotte, à Brest comme à Saint-Nazaire31. Les réparations des sous-marins par contre furent placées sous la direction du directeur de l’arsenal de Lorient, le vice-amiral Matthiae, qui était aussi chef de la réparation des sous-marins sur toute la côte atlantique. Les deux directeurs de la construction navale à Cherbourg et Bordeaux étaient responsables pour les constructions et les travaux de réparation dans les chantiers navals de Dunkerque, Calais, Boulogne, Le Trait, Le Havre, Cherbourg, La Pallice, Bordeaux et Bayonne. Les constructions en cours à Saint-Nazaire et Nantes étaient par contre placées sous le contrôle du directeur de l’arsenal de Saint-Nazaire. Le recours aux capacités des chantiers navals privés dans les territoires occupés en France, Belgique, Hollande, au Danemark et en Norvège avait été ordonné en novembre 1940 par le haut commandement de la Kriegsmarine afin de libérer les chantiers navals allemands des travaux de réparation : ils devaient se concentrer sur la construction des sous-marins et les grosses réparations32.
13Le personnel pour les trois nouveaux arsenaux en France devrait être prélevé, selon les idées de l’office principal des constructions navales, sur les ouvriers de l’arsenal de Wilhelmshaven. Afin d’organiser l’aménagement des chantiers et de régler la question de la main-d’œuvre, une réunion eut lieu le 12 novembre 1940 à l’office principal des constructions navales33. Les arsenaux allemands en France avaient besoin d’ouvriers spécialisés dans la construction navale ainsi que des spécialistes tels que des soudeurs, des électriciens ou des chaudronniers. Avant la fin de l’année 1940, l’arsenal de Wilhelmshaven devait envoyer 300 ouvriers du département machines, 100 ouvriers des constructions navales pour les réparations de la flotte et 180 spécialistes de machines et 120 constructeurs navals pour la réparation de sous-marins sur la côte atlantique. Pour l’aménagement des chantiers de réparation des sous-marins, 2 000 ouvriers supplémentaires devraient rallier les ports de Brest et de Saint-Nazaire au 1er juillet 1941. Mais aux yeux des représentants de l’arsenal de Wilhelmshaven, le chiffre de 2 700 ouvriers demandés dépassait largement ses capacités. L’effectif de l’arsenal à cette époque était d’environ 4 000 hommes, dont 700 étaient nécessaires pour la garde des installations fixes telles que la fonderie, la défense passive ou les chaudières de telle sorte que seulement environ 3 300 hommes étaient disponibles pour des mutations en France. Et comme l’arsenal n’alignait dans son département machines que 725 hommes alors qu’il devait en fournir 870 aux arsenaux en France et 325 pour la construction de sous-marins à Wilhelmshaven, il manquait donc déjà 470 ouvriers ! Le département machines ne serait plus en mesure d’effectuer ni réparations ni constructions neuves. Il en était de même pour le service des constructions navales à Wilhelmshaven où les réparations auraient dû être supprimées.
14Déjà en été 1940, la Kriegsmarine avait enlevé des contingents d’ouvriers de ses arsenaux en Allemagne et les avait envoyés dans les nouvelles bases en France en essayant par la suite de les remplacer par des ouvriers qualifiés des chantiers navals privés allemands. Le chantier naval de Blohm & Voss à Hambourg par exemple avait reçu en juillet 1940 une lettre du haut commandement de la Kriegsmarine lui demandant d’aider la Marine en remplaçant 53 ouvriers dans les Deutsche Werke à Kiel34. Blohm & Voss répondit favorablement à cette demande et mit à la disposition de la Kriegsmarine six ouvriers de la construction navale, trois serruriers, sept mécaniciens et deux chaudronniers35. L’autre moitié du personnel manquant à Kiel devait venir du chantier naval de la DESCHIMAG de Brême. Blohm & Voss fournit également à la Kriegsmarine un groupe de 20 ouvriers sous la direction d’un de ses ingénieurs, tous expérimentés dans les systèmes de vapeur surchauffée à haute pression des navires de guerre allemands36. Cette équipe devait être stationnée dans le port de Cherbourg car l’utilisation des contre-torpilleurs et torpilleurs allemands dans la Manche nécessitait du personnel de réparation expérimenté en raison des systèmes de propulsion complexes de ces unités navales.
15Mais d’après les quelques documents encore existants dans les archives militaires allemandes concernant la Kriegsmarine en France, la mutation du personnel ouvrier dans les nouvelles bases navales prit du retard. Le 10 octobre 1940 par exemple, le directeur de l’arsenal de Brest informa le commandant de la Kriegsmarine en Bretagne du fait que son département artillerie n’était composé que de deux officiers et qu’il manquait tout le personnel allemand subalterne37. Les demandes répétées pour l’attribution à Brest de trois spécialistes en armes navales et deux employés d’artillerie avaient été, jusque-là, infructueuses. À Cherbourg, la situation était encore pire. Le directeur technique de la Kriegsmarine n’avait comme personnel allemand que le groupe de travail pour les systèmes de vapeur surchauffée à haute pression du chantier Blohm & Voss de Hambourg. Mais comme la fin de la mission initialement prévue pour six semaines s’approchait, le responsable de la Kriegsmarine à Cherbourg s’adressa à son homologue chez Blohm & Voss afin que ce dernier intervint auprès de la direction du chantier en faveur de la Marine pour que les ouvriers pussent rester durant l’hiver à Cherbourg : « c’est de la présence du groupe de travail de Blohm & Voss que dépendent toutes les possibilités de réparation pour les forces navales légères à Cherbourg, mais aussi sur les chantiers voisins38 ». À ce moment-là, environ 300 ouvriers français étaient encore employés dans les différents ateliers de l’arsenal de Cherbourg. Les 21 hommes de Blohm & Voss assuraient, selon le chef technique de la Kriegsmarine, l’ensemble des réparations à bord des navires allemands. Mais le directeur de Blohm & Voss, Walther Blohm, rejeta la demande du représentant de la Kriegsmarine à Cherbourg car la construction de sous-marins commençait à Hambourg et il manquait déjà 475 hommes sur le chantier naval même39. Un télégramme du haut commandement de la Kriegsmarine exigea finalement de laisser cette équipe à Cherbourg40. Les impacts éventuels sur la construction de sous-marins avaient été bien acceptés par l’office principal des constructions navales, mais le maintien des ouvriers à Cherbourg étant jugé plus important.
16Le 12 novembre 1940, malgré les objections du directeur de l’arsenal de Wilhelmshaven, le directeur de l’office principal des constructions navales, le contre-amiral Fuchs, donna l’ordre de transférer 2 700 ouvriers des chantiers de la Kriegsmarine en France41. Pour augmenter la capacité de réparation de Lorient à 30 sous-marins, l’arsenal de Wilhelmshaven dut envoyer immédiatement 300 hommes sur la côte atlantique. Les 2 400 autres ouvriers qui devaient être fournis par l’arsenal de Wilhelmshaven devaient rallier les nouvelles bases jusqu’en juillet 1941. Mais selon une réponse de l’arsenal de Wilhelmshaven, ce dernier ne possédait pas assez d’ouvriers qualifiés en réparation de sous-marins, ils durent être formés dans les différentes bases après leur arrivée, le manque d’ingénieurs qualifiés pour diriger les travaux devait être compensé par la convocation par la Kriegsmarine de jeunes ingénieurs de chantiers navals privés allemands42. Suite à cette décision, le directeur supérieur de l’arsenal de Wilhelmshaven intervint lui-même auprès du directeur de l’office principal des constructions navales le 14 novembre 194043. Bien que le contre-amiral Fuchs rejetât la demande de charger l’arsenal de Wilhelmshaven directement de l’aménagement des trois nouvelles bases en France, il accepta pourtant que le transfert des ouvriers ne fut pas réglé par le délégué aux chantiers navals en France mais par un accord direct entre les directeurs des arsenaux de Brest, Lorient et Saint-Nazaire et celui de Wilhelmshaven. En décembre 1940, le directeur de l’arsenal de Wilhelmshaven demanda en plus de ne pas envoyer des spécialistes en systèmes de vapeur surchauffée en France car cela provoquerait un retard dans l’achèvement du cuirassé Tirpitz. Comme la Direction de la guerre navale n’avait pas prévu l’engagement des unités de la flotte dans l’Atlantique avant la mi-janvier 1941 en raison des carénages nécessaires aux deux cuirassés Scharnhorst et Gneisenau, l’arsenal de Wilhelmshaven obtint du haut commandement de ne pas aménager les ateliers à Brest avant janvier 194144. En plus, le contre-amiral Fuchs donna l’ordre que la formation des ouvriers allemands destinés aux réparations de sous-marins en France devrait être réalisée à Wilhelmshaven et non à Lorient afin de soulager la nouvelle base dans ses missions.
17À cette date, les bases en France avaient déjà été utilisées par diverses forces navales allemandes jusqu’à la taille d’un contre-torpilleur et les plaintes des commandants de navires au sujet des conditions de réparation se multipliaient. Fin novembre 1940, le délégué aux chantiers navals en France, le vice-amiral Kinzel, s’adressa aux commandants de la Marine allemande en France et leur fit remarquer qu’en raison des fortes exigences en main-d’œuvre pour la construction de sous-marins en Allemagne aucun personnel n’était plus disponible pour surveiller les travaux en France. De plus, le personnel déjà présent en France devait, malgré les réclamations répétées d’ingénieurs supplémentaires, être encore réduit d’un tiers parce que le haut commandement à Berlin estimait que « chaque agent technique qui était engagé dans les chantiers navals en France manquait directement ou indirectement à la construction de sous-marins en Allemagne45 ». Bien que, selon le délégué aux chantiers navals en France, « le front avait une bonne raison de réclamer surtout sur les chantiers en France une surveillance attentive des travaux46 », la demande du maintien de personnel en Allemagne fut rejetée en raison de la pénurie en main-d’œuvre qualifiée en France. Ceci concernait essentiellement les modifications et les réparations des petites unités comme les dragueurs de mines et les patrouilleurs, l’amiral Kinzel demanda alors de la compréhension aux commandants des navires et une aide des équipages et des mécaniciens de bord pour effectuer les travaux indispensables en raison de « l’impossibilité immédiate de changer cette situation insatisfaisante47 ». Les demandes d’augmentation du personnel seraient « sans espoir » et ne devaient plus être répétées48. Les ingénieurs et agents allemands sur place, responsables de la surveillance des travaux, devaient désormais se limiter à des vérifications occasionnelles afin d’économiser la main-d’œuvre.
18Pour aménager l’ancien arsenal de Brest pour la Kriegsmarine, il fallait d’abord réparer les dégâts de l’été 1940. Un rapport du département des Travaux maritimes allemand de Brest du 1er décembre 1940 donne un aperçu des travaux en cours dans le port depuis l’automne 194049. Selon ce rapport, le bâtiment de la Majorité générale qui abritait autrefois l’administration française, fut préparé pour accueillir l’état-major du nouvel arsenal allemand. Au port de guerre, à Laninon, la partie détruite du grand hall des construction navales fut reconstruite et les anciens ateliers des torpilles et d’artillerie de la Marine française adaptés aux besoins de la Kriegsmarine. Les deux grands bassins de Laninon étaient encore bloqués car le pilier qui soutenait les portes avait été détruit en juin 1940. Pour pouvoir utiliser les deux cales sèches, les ingénieurs de la Kriegsmarine avaient conçu le remplacement du pilier par une construction de fortune qui permettait le fonctionnement des portes. Celles-ci avaient été réparées par les services français sous surveillance allemande50. Le grand bassin du port de commerce par contre était opérationnel et était utilisé par les contre-torpilleurs allemands stationnés à Brest depuis septembre 1940.
19L’objectif principal des ingénieurs de la Kriegsmarine depuis le début du mois décembre 1940 était l’aménagement de postes d’amarrage pour les unités de la flotte allemande51. Des voies ferrées pour l’installation de nouvelles grues furent bétonnées autour des deux bassins de Laninon et une grue de 50 tonnes fut montée sur le quai des Flottilles. Ces travaux furent réalisés par le service des Travaux maritimes de la Marine française52. Entre les deux portes des bassins, la construction de fortune remplaçant le pilier fut achevée. Les contre-torpilleurs allemands reçurent de nouveaux postes d’amarrage le long du môle sud du port militaire. Ces installations furent réalisées par les Constructions navales françaises53. En même temps, les Travaux maritimes construisaient un mur autour de la partie allemande de l’arsenal à Laninon et à la demande de la Kriegsmarine ils avaient reçu l’ordre du service central des Travaux maritimes à Vichy de reprendre le dragage devant le quai des Flottilles, travaux interrompus en juin 1940, pour y avoir une profondeur suffisante pour accueillir les grandes unités de la flotte allemande54.
20Un problème pour la Kriegsmarine fut la garde du vaste terrain de l’arsenal. Comme le directeur de l’arsenal n’avait pas de soldats disponibles pour cette mission, il devait recourir aux unités de l’armée de terre et de la Kriegsmarine stationnées à Brest. Mais pour l’état-major de l’arsenal, le changement fréquent des gardes et le manque de connaissance locale des soldats ne correspondaient guère à l’importance croissante de la base et au nombre des navires de guerre dans l’arsenal qui se trouvait en constante augmentation. Le chef de l’état-major demanda donc le 5 novembre 1940 à l’amiral commandant la Kriegsmarine en Bretagne que la garde de l’arsenal fusse assurée par un bataillon particulier ou une unité spécifique à la place de la garde alternée entre les différentes unités de l’armée de terre55. Mais les efforts de la Kriegsmarine pour obtenir ce soutien des unités de l’armée de terre s’avérèrent de plus en plus difficiles. Bien que la 251e Infanterie division basée à Brest eût détaché au début de décembre 1940 un peloton de garde de 6 officiers et 62 hommes pour la surveillance de l’arsenal, le commandant en chef de l’armée de terre avait donné l’ordre à ses unités de réduire ces détachements. Le commandant du front de mer en Bretagne fut alors sollicité par le commandement de la 6e armée, responsable de la région, afin de vérifier si le nombre de soldats fournis jusque-là par l’armée ne pouvait pas encore être diminué. Apparemment, l’armée n’éprouvait aucun intérêt pour les besoins de la Kriegsmarine car aux yeux des officiers de l’état-major de la 6e armée, il ne pouvait s’agir « que des gardes aux portes et des patrouilles » parce que les gardes à l’intérieur de l’arsenal ne seraient de toute façon pas en mesure de découvrir des cas de sabotage en raison du « grand nombre de travailleurs civils français employés à l’arsenal56 ».
21Pourtant, ce n’étaient pas les ouvriers civils mais surtout les soldats allemands qui posaient un problème aux services de la Kriegsmarine. Comme les cambriolages à l’intérieur de l’arsenal n’avaient pas diminué, le directeur de l’arsenal demanda en décembre 1940 au délégué aux chantiers navals en France la mutation à Brest de policiers ou de surveillants des arsenaux de la Kriegsmarine57. La raison de cette demande était l’augmentation des rapports provenant du service de sécurité français, encore en activité, à propos des vols commis par des membres de la Wehrmacht à l’intérieur de l’arsenal. Bien que des gardes français fussent encore présents aux portes de l’arsenal, ils ne contrôlaient que les ouvriers français mais pas les soldats et ouvriers allemands. À côté des portes de l’arsenal, des gendarmes maritimes étaient aussi présents à l’entrée de la pyrotechnie de Saint-Nicolas. Selon les règlements de garde prescrits par le commandant de la Kriegsmarine en Bretagne, le gendarme de service contrôlait les ouvriers et employés français entrant et sortant et effectuait des contrôles aléatoires à la fin du travail58. Les sentinelles allemandes avaient l’ordre de n’avoir des échanges avec les travailleurs français que s’ils étaient essentiels pour le service.
L’utilisation de Brest par la flotte allemande
22Les premières unités de la flotte allemande à Brest furent les contre-torpilleurs de la 5e Zerstörerflottille qui arrivèrent au port le 19 septembre 1940. Les sept navires sous le commandement du commandant des contre-torpilleurs, le capitaine de vaisseau Bey, devaient être utilisés à partir de Brest contre les convois de minerai britanniques depuis l’Espagne et effectuer des opérations de minage au sud de la Grande-Bretagne59. Après une telle opération dans la baie de Falmouth fin septembre 1940, les bateaux furent attaqués pour la première fois par des avions de la Royal Air Force à Brest dans la nuit du 10 octobre 1940 et malgré leur répartition dans le port de commerce et le port de guerre, trois navires furent légèrement endommagés. L’équipage du contre-torpilleur Hans Lody eut même à déplorer cinq tués et dix blessés graves60. L’attaque réaffirmait la proximité dangereuse de la nouvelle base par rapport aux aérodromes de Grande-Bretagne. Déjà, en août 1940 Brest avait été la cible de plusieurs attaques aériennes britanniques. Sur l’aérodrome de Lanveoc-Poulmic, trois soldats allemands avaient été tués et huit autres gravement blessés les 10 et 11 août 1940. Deux avions de chasse de la Luftwaffe avaient été endommagés61. Bien que ces attaques en août 1940 visassent d’abord les installations de la Luftwaffe utilisées pour le Blitz contre la Grande-Bretagne, la menace des contre-torpilleurs allemands contre le cabotage britannique déclencha de nouvelles attaques aériennes. Même si les navires furent par la suite amarrés en rade au cours de la nuit par mesure de précaution, la Kriegsmarine ne put empêcher qu’un des bâtiments fût de nouveau endommagé lors d’un autre raid britannique le 16 octobre 1940.
23Face aux réactions britanniques contre la présence de leurs navires, les commandants des contre-torpilleurs craignaient aussi des attaques contre les postes d’amarrage dans le port et en rade par la mer et ils demandèrent la surveillance constante du Goulet de Brest pour empêcher une éventuelle intrusion de sous-marins62. Mais la flottille de protection du port n’alignait à ce moment-là que trois bateaux et la 18e Vorpostenflottille, responsable de la surveillance des eaux côtières devant Brest, n’avait qu’un ou deux patrouilleurs opérationnels63. Dans la journée, ces unités prenaient position au large pour défendre le port contre la pose de mines et les sous-marins ennemies. La nuit un bateau surveillait le Goulet à côté des restes de l’ancien filet de protection français. Il était prévu depuis un certain temps de réaménager ce barrage mais les spécialistes nécessaires n’étaient pas encore venus à Brest.
24En raison de la décision d’établir à Brest la nouvelle base principale de la flotte allemande, la protection de la rade devenait de plus en plus urgente. Lors de la conférence sur la guerre navale du 14 octobre 1940, l’amiral Raeder informa Hitler que l’Atlantique serait désormais l’objectif principal de la guerre navale pour les unités de surface64. Après le transfert des cuirassés et croiseurs sur la côte atlantique, la Direction de la guerre navale prévoyait des « opérations à longues distances dans l’Atlantique Nord » durant lesquels les navires allemands devraient attaquer les convois britanniques et protéger le retour en France des forceurs de blocus ou de leurs prises65. À côté de l’utilisation des unités lourdes, des forces légères devraient perturber le cabotage britannique dans la Manche et la mer du Nord afin de provoquer une diversion des forces navales britanniques.
25Pour réaliser ces opérations, les deux croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau et le croiseur lourd Admiral Hipper furent placés sous les ordres du commandement naval à l’Ouest (Marinegruppenkommando West). Mais le commandant de ce service, l’amiral Saalwächter, rejeta la nouvelle stratégie parce qu’il pensait que les unités lourdes seraient déjà trop exposées au danger lors de leur passage dans l’Atlantique par le détroit du Danemark66. En plus, l’amiral Saalwächter était d’avis qu’une utilisation de la base de Brest par trois grandes unités serait déraisonnable en raison du danger aérien au-dessus de ce port, d’autant plus que les autres ports sur la côte atlantique ne pouvaient pas accueillir ces grands navires67. Malgré les préoccupations du chef du commandement naval à l’Ouest, la Direction de la guerre navale tenait ferme à sa nouvelle stratégie car elle espérait que la situation des bases navales pourrait encore s’améliorer grâce à une éventuelle occupation de Gibraltar ou à l’utilisation d’autres ports sur l’Atlantique comme Dakar ou des ports espagnols68.
Le croiseur lourd Admiral Hipper à Brest
26Le 27 décembre 1940, le croiseur lourd Admiral Hipper entra au port de Brest, ce fut le premier grand navire de la flotte allemande à y séjourner. Le croiseur avait quitté le port de Kiel un mois plus tôt et, comme le cuirassé Admiral Scheer, il avait pénétré sans être repéré dans l’Atlantique par le détroit du Danemark69. Là, il avait mené une guerre de course contre des navires britanniques jusqu’à ce que la consommation élevée de carburant et des problèmes de machines contraignent le commandant à mettre fin à l’opération et à rallier Brest70. Bien que le croiseur n’eût coulé aucun bateau ennemi lors de cette opération, la percée réussie des deux navires par le détroit du Danemark semblait confirmer la nouvelle stratégie allemande. La Direction de la guerre navale fit noter dans son journal de guerre que l’engagement de l’Admiral Hipper avait été un « exemple classique de l’effet de diversion » qui avait eu des conséquences non seulement dans l’Atlantique Nord et en Méditerranée occidentale mais aussi dans la zone d’opération du cuirassé Admiral Scheer dans l’Atlantique sud71.
27Du côté britannique, on avait déjà soupçonné depuis l’apparition du croiseur dans l’Atlantique qu’il rallierait la nouvelle base de Brest à la fin de son opération72. Bien que la Royal Air Force ait effectué un raid sur le port le 2 janvier 1941, des avions de reconnaissance du Coastal Command ne découvrirent le grand navire que par hasard le 4 janvier 1941 dans le bassin de radoub du port de commerce73. Le carénage tranquille du croiseur au voisinage immédiat des îles Britanniques fut aussi remarqué par le jeune lieutenant de vaisseau Jean Philippon, officier de la Marine française à Brest, qui nota à grand regret dans son journal : « Le Hipper carénait dans le bassin du port de commerce, aussi tranquillement qu’à Wilhelmshaven74. »
28Après la découverte du croiseur par l’aviation britannique, les craintes exprimées en octobre 1940 par le chef du commandement naval à l’Ouest, l’amiral Saalwächter, au sujet des risques aériens de la nouvelle base semblaient se réaliser. Au lieu d’attaquer les industries d’hydrogénation en Allemagne, comme prévu, la Royal Air Force détourna ses forces sur le croiseur allemand à Brest, bombarda les aérodromes des avions de reconnaissance Focke-Wulf à Bordeaux et en Norvège et essaya, par 400 missions contre Wilhelmshaven, de retarder l’achèvement du nouveau cuirassé Tirpitz75. Brest devint ainsi l’objectif d’au moins 175 raids aériens britanniques, sans toutefois, endommager sérieusement le croiseur dans son bassin76. Le 12 janvier 1941 par exemple, selon un rapport du commandant de l’Admiral Hipper, plus de 40 bombes explosaient autour du navire qui pourtant en sortit indemne77.
29Les bombardements et largages de mines dans le Goulet et dans la rade de Brest ne parvinrent pas à empêcher le départ de l’Admiral Hipper pour une deuxième opération contre les voies maritimes britanniques le 1er février 194178. Lors de cette opération le croiseur coula à l’ouest de Gibraltar sept navires marchands britanniques du convoi SLS 64 avec un rendement total de 32 806 tonnes79. Après l’épuisement des stocks de munitions et torpilles, l’Admiral Hipper rentra à Brest le 14 février 1941. Il fut de nouveau dirigé dans le bassin de radoub du port de commerce, mais en entrant dans le bassin, il toucha une barge coulée dans le port et endommagea une hélice80. Le fait que cet obstacle n’était pas connu des services allemands sur place montre bien la multitude de dangers auxquels les navires de la Kriegsmarine furent exposés à Brest à côté des mines et des bombes britanniques.
30Les dégâts à l’hélice du croiseur furent une épreuve pour le nouvel arsenal allemand de Brest. Comme une réparation n’était pas possible à Brest et comme l’arsenal ne possédait pas d’hélices de rechange, une nouvelle hélice fut commandée au chantier naval Deutsche Werke à Kiel et envoyée par transport ferroviaire en Bretagne. Entre-temps, la Kriegsmarine voulait effectuer des révisions d’engins spéciaux du navire comme les optiques de tir, mais ces travaux ne pouvaient pas non plus être réalisés à Brest, de sorte que les optiques par exemple durent être enlevées et transférées en train à l’entreprise Zeiss à Jena81. Le département artillerie de l’arsenal n’employait à cette époque que quatre ouvriers82. Les retards dans les réparations du croiseur obligèrent la Direction de la guerre navale à renoncer au plan d’engager le navire comme soutien à l’opération Berlin, c’est-à-dire le transfert des deux croiseurs de bataille Gneisenau et Scharnhorst dans l’Atlantique.
31Ce fait montre clairement les problèmes auxquels les arsenaux allemands en France étaient confrontés. Alors que l’arsenal de Brest était aménagé dès octobre 1940, il ne pouvait pas répondre aux besoins de la flotte comme le montre une note du commandant de l’Admiral Hipper sur les conditions de réparations dans cette base. Le capitaine de vaisseau Wilhelm Meisel et ses officiers considéraient les capacités du chantier naval comme « provisoires » et même « insuffisantes pour une escadre83 ». La base ne possédait pas d’assez de remorqueurs pour manœuvrer les grands navires et leur maniabilité ne correspondait guère aux attentes des officiers. En outre, la défense anti-aérienne et les systèmes d’alerte ne ressemblaient point à ce que le commandement du navire connaissait des bases en Allemagne.
32Dans sa réponse à ces reproches, le commandant du front de mer en Bretagne déclara que les problèmes cités étaient bien connus et qu’ils seraient résolus dans les temps à venir84. Pour améliorer la défense aérienne, la Kriegsmarine avait par exemple songé à l’utilisation des vieux cuirassés norvégiens capturés en Norvège comme batteries anti-aériennes flottantes85. Mais en raison du manque de personnel pour armer ces navires, les autorités navales durent renoncer à cette idée. Par contre, la critique des conditions de réparation à Brest n’était pas nouvelle. Déjà en décembre 1940, le commandant du torpilleur Kondor s’était plaint au haut commandement de la Kriegsmarine de la situation dans l’arsenal. D’après sa note, son bateau était entré à l’arsenal le 23 décembre 1940 pour une réparation de la pompe à condensat, d’une machine électrique et des rails pour lancer les mines, ainsi que pour des travaux de moindre importance qui devaient être achevés au 30 décembre 194086. Mais il s’était avéré rapidement que l’équipage devait réparer lui-même la pompe à condensat. En outre, l’arsenal eut beaucoup de mal à trouver une grue pour enlever les pièces des machines défectueuses. Et, comme des remorqueurs n’étaient pas disponibles à temps, le torpilleur ne put passer le pont tournant à marée basse et il dut attendre la marée suivante pour rallier la partie arrière de la Penfeld. Quand le bateau quitta enfin l’arsenal le 31 décembre 1941, ni la machine électrique ni les rails pour le lancement de mines n’avaient été réparés.
Ill. 9. – Brest, un remorqueur allemand passe sous le pont tournant, 1940.
Auteur.
33Dans sa réponse, le directeur de l’arsenal, l’amiral Stobwasser, expliqua les retards par la pénurie de grues et de remorqueurs87. En plus, des travaux de réparation sur le contre-torpilleur Richard Beitzen avaient demandé toute l’attention du chantier et aucun ouvrier allemand n’était disponible pour le torpilleur. L’arsenal avait donc informé le commandant du bateau que la réparation de la machine devrait être réalisée avec les moyens du bord. Des pièces des machines démontées pourraient cependant être réparées dans les ateliers français. Soulignant que l’arsenal était en même temps responsable de vingt autres navires, l’amiral Stobwasser insista sur le fait qu’il avait fait tout son possible. Le directeur rajouta qu’il n’avait à ce moment-là qu’un seul contremaître allemand pour l’ensemble du chantier.
34L’absence d’une main-d’œuvre qualifiée fut aussi la raison pour laquelle le commandant des contre-torpilleurs avait demandé, dès le 6 octobre 1940, le transfert immédiat d’ouvriers allemands à Brest88. Leur absence avait été particulièrement ressentie dans les réparations des systèmes de propulsion à vapeur surchauffée à haute pression des navires. Ces systèmes très complexes étaient aussi bien utilisés sur les contre-torpilleurs que sur les grandes unités de la flotte car la Kriegsmarine avait vu un avantage dans les vitesses atteintes par ces machines comparativement aux navires de guerre britanniques89. Mais cet avantage fut réduit par la complexité des systèmes et leur difficile entretien. Dans la première année de la guerre, le taux de disponibilité des unités lourdes n’atteignait par exemple que 54 % en raison de nombreux défauts de machines et seulement 67 % pour les croiseurs légers90. Et même si la Kriegsmarine avait envoyé, avec le transfert des contre-torpilleurs à l’Ouest, des équipes de réparation à Cherbourg et à Saint-Nazaire, il fallait demander leur déplacement lorsqu’on en avait besoin à Brest. Un exemple de ce système compliqué : pour les réparations des machines du contre-torpilleur Friedrich Eckoldt, il fallut déplacer un contremaître et deux ouvriers de Cherbourg à Brest le 19 octobre 194091. Après s’être procuré eux-mêmes un véhicule, les deux ouvriers n’arrivèrent que le 25 octobre 1940. Ils déclarèrent qu’en tant qu’employés du chantier naval privé Blohm & Voss, ils s’étaient portés volontaires en septembre 1940 pour travailler pendant six semaines en France et comme ce temps avait expiré à la mi-octobre pour la plupart d’entre eux, Blohm & Voss avait rappelé une grande partie de ses ouvriers à Hambourg, y compris le contremaître.
35Bien que l’office principal des constructions navales fît par la suite déménager ces spécialistes de Cherbourg à Brest, les ouvriers ne suffisaient pas et le 13 janvier 1941 le commandant des contre-torpilleurs renouvela sa demande d’envoi d’ouvriers supplémentaires92. Mais à cette époque, la plupart des contre-torpilleurs était déjà retourné dans les ports en Allemagne pour les grandes périodes de carénage régulier. Seul restait à Brest le contre-torpilleur Richard Beitzen sur lequel des réparations de machines étaient encore en cours. Le commandant du navire jugea en janvier 1941 le nombre d’ouvriers allemands et leurs qualités professionnelles comme « suffisant », leurs moyens par contre furent considérés comme « très primitifs » car les machines-outils demandées en Allemagne pour équiper les ateliers à Brest n’étaient que partiellement arrivées93. Par conséquent, les travaux de réparation sur le contre-torpilleur avaient été effectués en grande partie par l’atelier de bord du navire et de temps en temps dans les ateliers français. Cette situation exigeait beaucoup de temps et elle nécessitait parfois la confection d’outils de fortune en souffrant d’un approvisionnement difficile. De plus, l’arsenal ne possédait pas d’atelier pour des grands travaux de tournage et les matériaux nécessaires aux machines à vapeur surchauffées à haute pression étaient également très rares. Le distillat nécessaire avait dû être amené d’Allemagne et les tests et le processus de finition du produit n’avaient pas pu non plus être réalisés à Brest94.
36Comme la Direction de la guerre navale avait prévu le transfert de la flotte dans l’Atlantique, la résolution de ces problèmes techniques devint pressante. Déjà le 30 décembre 1940, le commandant en chef de la Kriegsmarine avait donné l’ordre d’accorder une priorité à l’aménagement de l’arsenal de Brest95. En février 1941 les bases de Brest et de Saint-Nazaire reçurent l’ordre d’accélérer les travaux sur les grands bassins existants dans les deux ports. Mais à la fin du même mois, le commandement du croiseur Admiral Hipper rapporta à Berlin que l’arsenal de Brest n’était ni en personnel ni matériellement capable d’effectuer les révisions des machines de plusieurs grandes unités ni d’effectuer le carénage complet d’un seul grand navire96. À ce moment-là, les deux cuirassés de bataille Scharnhorst et Gneisenau étaient déjà entrés dans l’Atlantique.
37Afin d’accélérer les préparatifs pour accueillir les deux cuirassés dans un port français, le deuxième amiral de la flotte, le contre-amiral Siemens, effectua à la mi-février 1941 une tournée d’inspection de la côte atlantique. Selon son rapport d’inspection, la base de Brest possédait une défense anti-aérienne remarquable, regroupant à la date du 20 février 1941 pas moins de dix-huit batteries lourdes et treize batteries légères de l’armée de terre, de la Kriegsmarine et de la Luftwaffe97. Seuls des ballons captifs contre les avions volant à basse altitude n’existaient pas car la Luftwaffe avait rejeté leur utilisation en raison du danger que ces ballons représentaient pour les chasseurs allemands basés à Brest. Côté mer, la base était défendue par six batteries côtières mais, dans le Goulet, le barrage contre les sous-marins, prévu depuis l’automne 1940, n’avait pas encore été réalisé et le poste d’écoute n’était pas non plus opérationnel à cette date-là.
38Comme possibilités d’amarrage étaient disponibles dans le port : un poste pour un navire de ligne au quai des Flottilles, le bassin de radoub no 9 à Laninon ainsi que deux mouillages en rade-abri et au sud de la rade de Brest. La grande cale sèche du port de commerce pouvait être utilisée pour des navires jusqu’à la taille d’un croiseur lourd. Il restait cependant le problème des installations dans l’arsenal. Parmi les deux grandes cales sèches à Laninon seul le bassin no 9 était utilisable. Dans le bassin no 8 adjacent, les réparations de la porte étaient encore en cours. Leur achèvement était prévu pour mars 1941. L’atelier des constructions navales de la Kriegsmarine sur le terre-plein à Laninon était capable d’effectuer des travaux mineurs. Environ 40 % des machines-outils demandées pour Brest avaient été installées et la plupart entre elles étaient déjà opérationnelles. En plus des 290 ouvriers allemands sur place, le chantier naval de Brest avait demandé le transfert de 360 ouvriers supplémentaires d’Allemagne dont la première moitié était déjà arrivée à la mi-février 1941 et dont l’autre moitié était prête à partir. Mais le second amiral de la flotte dut se rendre compte que ce nombre d’ouvriers ne suffirait point aux besoins du carénage d’un bâtiment lourd. L’achèvement des travaux de réparation sur le croiseur Admiral Hipper n’était possible que par l’arrêt total de tous les autres travaux exécutés par des ouvriers allemands. Le contre-amiral Siemens nota alors dans son rapport au sujet des capacités de réparation à Brest que le « grand carénage d’un seul grand navire […] comparé au nombre d’ouvriers qualifiés prévu, provoquerait pratiquement l’arrêt de tous les autres travaux sur des navires de guerre et bateaux auxiliaires98 ».
39Un autre problème de la base était la pénurie constante en grues et remorqueurs. Pour équiper ses nouvelles bases en France, la Kriegsmarine avait dû recourir à des engins âgés car aucun bateau n’était disponible en raison de l’évacuation des ports par la Marine française. En septembre 1940 par exemple, la 15e Vorpostenflottille escorta trois remorqueurs allemands destinés à Cherbourg, Brest et Saint-Nazaire dont le plus ancien avait été construit en 190399. Brest disposait à cette date de onze remorqueurs auxquels le commandement naval à l’Ouest avait rajouté deux remorqueurs de haute mer modernes, de sorte que le nombre de remorqueurs paraissait suffisant à l’amiral Siemens. Par contre un autre problème se posait, celui de la communication avec les équipages français de certains de ces remorqueurs. Si le remplacement de leurs équipages par des équipages allemands n’était pas possible, le second amiral de la flotte exigea d’affecter suffisamment d’interprètes allemands à bord de ces bateaux lors de leur utilisation pour les manœuvres des grands navires allemands100.
40En outre, le chantier naval de Brest manquait toujours d’une puissante grue flottante. La seule grue flottante disponible n’avait qu’une capacité de levage de 15 tonnes ce qui ne suffisait point aux réparations des unités lourdes. Et comme l’ancienne grande grue flottante de la Marine française, sabordée en 1940, n’avait pas encore été renflouée, la Kriegsmarine avait demandé une grue flottante de 100 tonnes à Bordeaux. Cette grue se trouvait déjà en route vers Brest. Mais en plus du temps de trajet, son assemblage nécessitait au moins deux mois de travail si bien que l’arsenal de Brest fut contraint de louer deux grues flottantes à la société française de relevage Neptune. L’alimentation de la base en carburants était assurée par trois pétroliers amarrés en rade, car les anciennes citernes à mazout de la Marine française avaient été détruites en été 1940. Mais ces grands navires se montraient très vulnérables, car ils étaient faciles à repérer par la Royal Air Force. Le 4 février 1941 par exemple, le pétrolier J. A. Essberger fut touché par trois bombes et coula dans le port. Après son renflouage, le navire fut de nouveau coulé lors d’une autre attaque aérienne le 5 mai 1941101.
41En vue de l’augmentation potentielle des attaques aériennes britanniques lors de la présence à Brest des grands navires de la flotte, l’amiral Siemens réalisa aussi qu’il n’y avait pas d’abris antiaériens pour mettre les équipages en sécurité. La construction d’abris à côté des bassins de Laninon et au port de commerce était encore au stade de la planification. Sous l’École navale, les autorités allemandes avaient commencé la construction de tunnels qui devaient héberger jusqu’à 1 000 hommes. Pour réduire au maximum le danger pour les équipages, l’évacuation d’une partie des marins dans des hôtels situés dans un rayon de 60 kilomètres autour de Brest était également prévu. En plus, la Kriegsmarine était en train de construire un camp pour 2 000 hommes loin des bombes à l’extérieur de la ville.
Le Scharnhorst et le Gneisenau à Brest
42La première unité de la flotte allemande à Brest, le croiseur lourd Admiral Hipper, quitta le port le 15 mars 1941 pour effectuer un grand carénage au chantier naval Deutsche Werke à Kiel où il arriva le 28 mars 1941 sans être intercepté par les forces navales britanniques. Une semaine après son départ, au matin du 22 mars 1941, les deux croiseurs de bataille Gneisenau et Scharnhorst firent leur entrée dans la nouvelle base. Leur percée dans l’Atlantique avait déjà été prévue pour fin décembre 1940, mais l’opération avait dû être annulée en raison de dommages à la mer sur le Gneisenau. La deuxième tentative fut un succès : le 4 février 1941, ils sortirent par le détroit du Danemark sans être repérés par la Royal Navy. Sous le commandement direct du commandant de la flotte, l’amiral Lütjens, à bord du Gneisenau, l’escadre mena une guerre de course contre le trafic de ravitaillement britannique dans l’Atlantique nord en se basant sur un système de navires ravitailleurs cachés dans leur zone d’opérations. Le rendement de cette opération semblait confirmer la nouvelle stratégie navale allemande car les deux cuirassés parvinrent à couler 22 navires britanniques pour un tonnage total de 116 000 tonnes102. L’opération ne fut arrêtée qu’en raison d’une avarie de machines sur le Scharnhorst ce qui obligea le commandant de la flotte à prendre la route pour Brest.
43Le chef du commandement naval à l’Ouest avait pourtant demandé le 15 mars 1941 à la Direction de la guerre navale, de renoncer à une réparation des deux navires à Brest103. Mais comme l’office principal des constructions navales avait déclaré que tous les travaux nécessaires pouvaient être réalisés dans ce port, le commandant en chef de la Kriegsmarine donna l’ordre d’y effectuer les réparations104. Le Gneisenau entra immédiatement dans le bassin no 9 à Laninon pour une révision générale des machines et quelques travaux sur la coque du navire105. La fin de ces travaux était prévue pour le 10 mai 1941106. Sur l’autre navire, le Scharnhorst, les travaux étaient plus importants : à côté des réparations des dégâts dus à la mer, les surchauffeurs de toutes les chaudières devaient être remplacés et il avait été prévu d’équiper le navire de tubes lance-torpilles107. Ces travaux qui devaient se terminer le 18 juin 1941 furent effectués sur le navire qui était amarré au quai des Flottilles, pas loin du bassin où se trouvait le Gneisenau108.
44L’Amirauté britannique apprit l’arrivée des deux navires à Brest par son agent secret Hilarion. Derrière ce pseudonyme se cachait le jeune lieutenant de vaisseau Jean Philippon qui faisait partie de la Marine française à Brest. Il avait été invité par le résistant Gilbert Renault, plus connu sous le pseudonyme de colonel Rémy, à travailler pour le réseau de renseignement appelé plus tard Confrérie Notre-Dame109. En raison de sa fonction d’officier de la Marine de Vichy à Brest, Philippon pouvait se déplacer librement dans l’arsenal. Et tout de suite après l’arrivée des deux navires allemands à Brest, le jeune officier indiqua à l’Amirauté britannique leurs positions exactes dans le port110. Ainsi alertée, celle-ci n’envoya pas moins de dix sous-marins britanniques ainsi que trois sous-marins hollandais devant Brest pour intercepter les deux navires allemands en cas de sortie111. Le 31 mars 1941, une première attaque aérienne massive sur Brest, avec plus de 100 bombardiers, eut lieu mais ne donna aucun résultat.
45Ce n’étaient finalement pas les raids aériens britanniques qui devaient retarder la réparation des deux navires mais les conditions de travail à l’arsenal de Brest car il manquait toujours le matériel et les moyens nécessaires aux travaux sur les machines des deux cuirassés112. En plus, la pompe du bassin où se trouvait le Gneisenau était défectueuse si bien que quand le bassin put enfin être mis à sec, le 4 avril 1941, une bombe non-explosée du raid britannique du 31 mars 1941 fut découverte sous la tige du navire113. Le personnel spécialisé de la Luftwaffe reconnut un système de mise à feu qui obligeait la sortie du bassin du cuirassé pour le désamorçage de la bombe. Une explosion n’aurait pas seulement été un danger pour le navire, mais elle aurait aussi menacé les deux seuls bassins brestois en mesure d’accueillir les navires de ligne car le bassin du port de commerce était trop petit pour les cuirassés114. Au matin du 5 avril 1941, le Gneisenau fut donc retiré du bassin et amarré en rade-abri. Comme les travaux sur les machines avaient déjà commencé, le navire ne pouvait être manœuvré qu’à l’aide de remorqueurs. Le commandant du Gneisenau qui était bien conscient de la situation dangereuse de son navire exigea la protection de ce mouillage très exposé par des filets anti-torpilles et des navires de protection comme des patrouilleurs ou dragueurs de mines. Mais, comme les filets nécessaires n’étaient pas disponibles à Brest et qu’un abri improvisé avec des patrouilleurs amarrés sur les deux côtés du navire ne pouvait pas être réalisé en raison de la faible structure de la bouée à laquelle le Gneisenau avait été amarré, le cuirassé devait passer la nuit en rade-abri sans protection.
46C’est enfin sur cette position que le Gneisenau fut, à l’aube du 6 avril 1941, attaqué par un avion torpilleur. La Royal Air Force avait envoyé trois bombardiers et trois avions torpilleurs à Brest pour attaquer les deux cuirassés allemands115. Pensant que les navires seraient entourés de filets anti-torpilles, les bombardiers devaient d’abord bombarder ces filets afin de créer une brèche pour les torpilles des avions torpilleurs. Mais parmi les six avions, seul deux avions torpilleurs atteignirent le port. Après avoir repéré le Gneisenau en rade-abri, le pilote du premier avion décida de passer à l’offensive. L’avion attaqua à basse altitude du côté du môle sud de la rade-abri et ne fut repéré par la défense anti-aérienne du cuirassé qu’avant de survoler la jetée116. La torpille fut déclenchée à environ 200 mètres du cuirassé et le toucha à l’arrière. Comme le bassin de Laninon n’était pas encore utilisable, le Gneisenau dût passer la nuit en rade-abri, stabilisé sur ses deux côtés par des remorqueurs, dragueurs de mines et patrouilleurs afin d’éviter que le cuirassé ne chavire pas. Le lendemain matin, le Gneisenau rentra dans le bassin no 9 à Laninon. La bombe au sol de la cale n’avait pas encore été désamorcée, mais le commandant du navire jugeait le danger en rade-abri beaucoup plus élevé que dans le bassin car on ne savait pas si les pompes du cuirassé allaient encore pouvoir évacuer l’eau qui entrait dans le bâtiment par l’arrière.
47Le torpillage du Gneisenau mit un terme à l’idée de la Direction de la guerre navale d’utiliser le cuirassé dans une opération combinée avec le Bismarck et le Prinz Eugen117. En raison des rapports sur les mesures de sécurité envoyés à Berlin, les amiraux allemands avaient pensé qu’une attaque à la torpille comme dans le port italien de Tarente serait impossible à Brest. Le 4 avril 1941, le commandant en chef de la Kriegsmarine avait encore exigé des mouillages protégés contre des attaques à la torpille et on lui avait répondu que de tels emplacements existaient bien à Brest dans les deux bassins de radoub de Laninon et devant le Quai des Flottilles118.
48Mais le succès britannique ne remettait pas en question la nouvelle base. Les amiraux allemands prirent ce torpillage comme un hasard et décidèrent le 7 avril 1941 que Brest devait être maintenue comme base principale pour les grandes unités de surface en raison de « l’importance stratégique et décisive de la côte atlantique française119 ». Le danger aérien par contre demeurait. Malgré une défense anti-aérienne importante du port par 23 batteries lourdes et 17 batteries légères, les avions britanniques parvinrent à toucher de nouveau le Gneisenau lors d’une attaque dans la nuit du 10 au 11 avril 1941120. Le navire fut touché dans son bassin à Laninon par quatre bombes tuant 75 membres de l’équipage. Les dégâts étaient considérables. À côté de la centrale de DCA avant du navire, le système de pivotage de la tourelle B ainsi que les cuisines et la boulangerie et une grande partie des ponts résidentiels du cuirassé étaient détruits121. Pour alimenter l’équipage, la Kriegsmarine installa ensuite des cuisines de campagne sur le terre-plein de Laninon.
49Bien que ces quatre coups apparussent minimes comparés aux 1 161 missions122 que la Royal Air Force avait effectuées sur Brest depuis l’entrée des deux cuirassés, ils poussèrent pourtant la Direction de la guerre navale à réfléchir à un transfert de ces grandes unités vers d’autres ports de la côte atlantique123. Mais pour le commandant en chef de la Kriegsmarine, les conditions à Brest n’étaient pas plus défavorables que celles de Kiel et de Wilhelmshaven et, d’après l’amiral Raeder, il fallait s’attendre à des attaques aériennes renforcées. L’amiral Raeder exigea une augmentation des mesures de défense aérienne à Brest plutôt que le transfert des navires dans un autre port124. L’avis du commandant en chef de la Kriegsmarine fut appuyé par le vice-amiral Fuchs, directeur de l’office principal des constructions navales : pour lui les succès britanniques à Brest étaient dus au hasard et ils auraient pu aussi bien se produire à Kiel125. Le chef du service des opérations, le vice-amiral Fricke, par contre rejeta ces objections car il était d’avis que les conditions de la Royal Air Force au-dessus de Brest étaient bien meilleures qu’à Kiel surtout en raison de la proximité des îles Britanniques, ce qui permettait à l’ennemi d’attaquer le port de Brest plus fréquemment et avec des moyens plus nombreux126. De plus, il fallait y ajouter les vols de reconnaissance et l’espionnage dans le port et dans l’arsenal. Pour éviter de nouveaux dommages, Fricke proposa de terminer le plus vite possible les travaux sur le Scharnhorst et de le faire rentrer en Allemagne. Mais le commandant en chef de la Kriegsmarine rejeta cette proposition en raison du mauvais état du cuirassé. Les deux navires devaient donc rester à Brest.
50Pour protéger le Scharnhorst qui malgré sa position exposée devant le Quai des Flottilles avait été épargné par les bombes, les autorités maritimes allemandes à Brest proposèrent de le transférer à Landévennec, au sud de la rade ; mais pour le commandant du navire cet emplacement aurait conduit à un « isolement total » du cuirassé loin des installations du port et il rejeta cette proposition127. Afin de réduire le danger aérien pour les deux cuirassés, la Kriegsmarine décida alors d’augmenter la défense antiaérienne avec l’installation de batteries légères supplémentaires et des ballons captifs contre des avions volant à basse altitude128. La Direction de la guerre navale donna aussi l’ordre d’améliorer le camouflage des navires et d’effectuer régulièrement, dès qu’il était possible, des changements de postes de mouillage. Il avait été également décidé de ne pas envoyer d’autres unités lourdes à Brest. Le Bismarck et le Prinz Eugen encore engagés dans l’Atlantique ne devaient rallier le port que si les navires n’avaient pas besoin de réparations majeures ou lorsque la situation ou l’état des bâtiments rendaient une autre solution impossible129. Sinon, les deux navires devraient soit rentrer en Allemagne soit rallier le port de Trondheim en Norvège.
51Le 20 avril 1941, dans sa conférence sur la guerre navale devant Hitler, le commandant en chef de la Kriegsmarine souligna une fois de plus que le risque pour les grandes unités basées à Brest n’était pas plus grand qu’à Wilhelmshaven et Kiel130. Pourtant, Brest ne devait plus être rallié par les grandes unités de la flotte que dans des cas exceptionnels. Le 17 avril 1941, l’amiral Raeder avait inspecté lui-même la base de Brest et il avait donné l’ordre, après son retour, que durant la réparation des deux cuirassés aucune réparation de sous-marins n’y serait effectuée131. L’arsenal de Brest était donc totalement occupé par les réparations sur les deux navires, mais, une fois de plus, l’absence d’équipements retardait les travaux. Par exemple, pour vider le Gneisenau de ses réserves en mazout après les attaques aériennes, une seule péniche ne dépassant pas la capacité de 570 mètres cubes était disponible132. En outre, certaines pièces des machines n’avaient pas pu être réparées sur place et avaient dû être transportées par voie ferrée dans les usines de fabrication en Allemagne133.
52À bord du Scharnhorst, des ouvriers allemands avaient commencé le 27 mars 1941 le travail sur les chaudières dans le compartiment des machines134. Auparavant, l’équipage avait démonté lui-même les pièces destinées à l’expédition vers l’Allemagne. Les marins du cuirassé effectuaient aussi des travaux de moindre importance. Avec le nombre croissant de travailleurs à bord, le commandement du navire craignait des actes de sabotage et bien qu’il s’agît exclusivement d’ouvriers allemands, un service de ronde fut organisé à bord du cuirassé pour protéger les locaux des machines et les chambres de munitions. Des factionnaires contrôlaient les ouvriers lors de l’embarquement et à l’entrée des zones sensibles telles que les salles des machines135. Mais, une fois de plus, la Kriegsmarine dut aussi recourir aux ateliers et à la main-d’œuvre française. Selon un rapport de la Marine française du 13 mai 1941, les ateliers des constructions navales effectuèrent également quelques réparations pour les cuirassés allemands136. Ce recours n’était pas nouveau, comme nous l’avons déjà montré plus haut. En plus, en mars 1941 les ateliers allemands manquaient toujours de machines-outils malgré le fait que l’arsenal de Wilhelmshaven avait bien voulu répondre aux besoins urgents de Brest par l’envoi de machines-outils non utilisées en Allemagne, mais l’arsenal de Brest n’avait pas le personnel nécessaire à leur installation137.
53Le rapport de la Marine française donne un aperçu très intéressant de la situation générale au port de Brest en mai 1941. Le Scharnhorst se trouvait encore amarré au Quai des Flottilles et le changement de tubes dans les chaudières était en cours ; un grand nombre de ces tubes fortement usés étaient déjà débarqués et stockés sur le terre-plein de Laninon. Le Gneisenau se trouvait, avec un grand trou à l’arrière, dans le bassin no 9 à Laninon. Un de ses arbres d’hélice avait été démonté et était couché sur le fond du bassin. À cette époque, toutes les mesures de l’arsenal se concentraient sur la réparation des deux cuirassés. D’autres travaux, tels que la mise en place de nouvelles grues, avaient été interrompus. À côté des cuirassés se trouvaient seulement à l’arsenal l’ancien cargo Rostock qui devait être transformé en grand dragueur de mines, l’ancien croiseur auxiliaire désarmé Widder et quelques petits dragueurs de mines auxiliaires. Dans le bassin de construction du Salou à l’intérieur de l’arsenal, les Constructions navales françaises avaient commencé la construction d’un dock flottant d’après des plans fournis par la Kriegsmarine.
54Au début du mois, les autorités navales allemandes s’étaient plaintes auprès de la Marine française que les ouvriers français ne travaillaient pas assez et ont demandé à plusieurs reprises leur mise à disposition de la Kriegsmarine. L’ancien commandant du Scharnhorst déclara après-guerre que les ouvriers français avaient effectué délibérément leur travail avec lenteur. Mais, conscient de la qualité du travail accompli et du fait que les arsenaux de Kiel et de Wilhelmshaven ne pouvaient pas être mis à contribution à cette date, leur emploi était la meilleure solution. Le petit chantier naval privé Dubigeon au port de commerce fut également utilisé par la Kriegsmarine. En mai 1941, il était tellement surchargé de travaux pour la Kriegsmarine que les flottilles de protection basées à Brest reçurent l’ordre du délégué aux chantiers navals en France d’utiliser dorénavant l’arsenal pour les travaux sur leurs unités, bien que ce dernier ne pût effectuer les réparations les plus urgentes en raison des travaux en cours sur les cuirassés138.
55Le concours des ateliers français aux réparations des cuirassés est un exemple de l’implication du personnel de la Marine française dans les processus de l’arsenal allemand. Il souligne aussi la qualité des informations du lieutenant de vaisseau Philippon envoyées à Londres. Le fait que les travaux sur les cuirassés étaient observés était bien connu des services de la Kriegsmarine qui essayaient de limiter l’espionnage au maximum. Pour protéger son navire des observations à partir de la ville, le commandant du Gneisenau réclama par exemple la réquisition de toutes les maisons sur la pente au-dessus des bassins de Laninon ainsi que l’interdiction de la circulation sur la route qui longeait cette partie de l’arsenal139. L’ironie de l’histoire veut que le lieutenant de vaisseau Philippon montre exactement de cette position les deux cuirassés camouflés au colonel Rémy : « Il fut émerveillé. Nous étions à deux cents mètres des spottings du Scharnhorst et du Gneisenau, à cent mètres à peine de leurs étraves qui se devinaient. […] Des filets peints au pistolet, parsemés de toiles et de branchages, formaient le sol de ces collines. Il n’y avait plus de bassins, plus de cuirassés […]140. »
56Malgré les nombreuses contraintes en hommes et en matériel, l’arsenal allemand de Brest put terminer les travaux sur les chaudières du Scharnhorst en mai 1941. Une mise en cale sèche du navire fut cependant refusée par le commandant de la flotte. Le danger était trop élevé de perdre le cuirassé réparé lors d’une attaque sur les bassins de Laninon. Le commandement naval à l’Ouest proposa alors le transfert du Scharnhorst à Saint-Nazaire pour un carénage de cinq jours dans la forme Joubert141. Ces plans devaient être par la suite affectés par les événements autour de l’opération du cuirassé Bismarck et du croiseur lourd Prinz Eugen. Conformément aux expériences faites lors de l’opération Berlin, les deux navires devaient eux aussi passer par le détroit du Danemark. Mais dès le passage du Kattegat, l’escadre avait été repérée par les services de renseignements britanniques et au moment de la percée du détroit du Danemark le 24 mai 1941, les deux navires allemands furent interceptés par une escadre britannique sous le commandement du vice-amiral Holland. Le Bismarck et le Prinz Eugen réussirent à couler le cuirassé britannique Hood et à endommager le cuirassé Prince of Wales mais le Bismarck avait lui aussi reçu quelques coups. Le cuirassé allemand perdit de la vitesse et commença à laisser une trace de pétrole derrière lui.
57À la suite de ces dégâts, le commandant de la flotte, l’amiral Lütjens, qui se trouvait à bord du Bismarck envisagea d’abord de se rendre à Saint-Nazaire142. Tandis que le commandant de la Kriegsmarine à l’Ouest de la France et le délégué aux chantiers navals allemands en France se rendaient à Saint-Nazaire afin de discuter avec le directeur de l’arsenal des mesures à prendre pour l’accueil du Bismarck, le commandement naval à l’Ouest décida le 26 mai 1941 que rallier ce port serait impossible en raison des mauvaises conditions météorologiques et il demanda l’entrée à Brest143. Dans ce port, la Kriegsmarine avait entre-temps fait construire un poste pour amarrer des navires lourds près de l’île Ronde au sud-est de la rade et en dehors de la zone dangereuse du port. La construction du nouveau poste n’avait cependant pas échappé aux yeux vigilants du lieutenant de vaisseau Philippon. La tension au sein des autorités allemandes quant à l’achèvement du mouillage avait montré qu’un navire important était attendu. Déjà au début du mois de mai 1941, Philippon en avait informé Londres144. Le 25 mai 1941, il était sûr qu’il s’agissait du Bismarck145. Des avions britanniques furent alors envoyés à Brest dans la nuit du 27 mai 1941 pour miner l’entrée du Goulet146. Le même jour, après l’endommagement de son gouvernail lors d’une attaque par des avions torpilleurs britanniques, le cuirassé allemand fut coulé à plusieurs centaines de miles nautiques à l’ouest de Brest par des forces britanniques.
L’arrivée du croiseur Prinz Eugen
58Seul rescapé de l’opération Berlin, le croiseur lourd Prinz Eugen arriva le 1er juin 1941 à Brest. Il avait quitté le Bismarck dans la nuit du 25 mai 1941 pour mener indépendamment une guerre de course dans l’Atlantique jusqu’à ce que des problèmes de machines contraignissent le commandant à abandonner cette mission147. Le croiseur fut dirigé dans le bassin du port de commerce et fut immédiatement protégé par des filets de camouflage contre les avions de reconnaissance britanniques. À partir de cette date, la base de Brest hébergeait trois grandes unités lourdes de la flotte allemande, une concentration de navires importants que le commandant du commandement naval à l’Ouest avait déconseillée en octobre 1940 et qui contrariait aussi l’ordre de la Direction de la guerre navale du 12 avril 1941 de ne pas envoyer à Brest d’autres navires allemands s’ils n’avaient pas besoin de réparations majeures. Bien que cela fût le cas pour le Prinz Eugen, les soucis des amiraux allemands au sujet de la vulnérabilité de la base furent confirmés quand le croiseur fut frappé le 1er juillet 1941 dans le bassin du port de commerce par une bombe britannique148. Après avoir touché le Gneisenau, le Bomber Command britannique avait décidé de cesser les bombardements aveugles sur Brest et de se concentrer entre-temps sur des cibles en Allemagne jusqu’à ce que des mouvements des navires à Brest fussent signalés149. Lorsque le 4 juin 1941, un avion de reconnaissance britannique découvrit le Prinz Eugen dans le bassin du port de commerce, les bombardements reprirent.
59D’après le journal de guerre de la Direction de la guerre navale, l’attaque britannique sur le Prinz Eugen fut « un coup particulièrement défavorable150 ». L’explosion de la bombe avait touché le poste de direction de tir ainsi que la centrale de commandement du navire. Le temps nécessaire pour réparer ces dégâts fut estimé à 5 mois par l’arsenal de Brest, une nouvelle qui amena la Direction de la guerre navale à s’interroger sur la vraie valeur de ce qu’elle avait appelé « le port militaire le plus important sur l’océan Atlantique151 ». Et comme il s’agissait des « navires les plus précieux de la Kriegsmarine », le haut commandement de la Marine allemande appela à une augmentation immédiate des mesures de défense aérienne152.
Les efforts de la Kriegsmarine pour protéger la base de Brest contre la Royal Air Force
60À côté des travaux de réparation, la protection de trois unités de la flotte bloquées à Brest fut par la suite la tâche la plus importante des autorités navales allemandes. Déjà après l’attaque à la torpille et le bombardement du Gneisenau, le commandant en chef de la Kriegsmarine avait ordonné un renforcement des mesures de camouflage des navires et l’amélioration de la protection de la base contre les avions volant à basse altitude153. À cette fin, une réunion eut lieu le 17 avril 1941 au haut commandement de la Kriegsmarine entre représentants de la Luftwaffe et de la Kriegsmarine. Les experts de l’armée de l’air recommandèrent l’utilisation d’une fumée artificielle au-dessus de Brest et ils estimaient les dispositifs nécessaires à 500 appareils154. La couverture du brouillard artificiel devrait suffire pour protéger les navires contre le repérage par les bombardiers britanniques. Etant donné que la Kriegsmarine manquait d’unités équivalentes, une unité spéciale de la Luftwaffe devait être transférée de Magdebourg à Brest. Comme première mesure, cette unité devait former les marins prélevés sur les équipages des deux cuirassés au maniement des appareils à brouillard. En plus, les experts de la Luftwaffe suggérèrent à la Kriegsmarine de mieux camoufler les bâtiments les plus reconnaissables tels que le grand complexe de l’ancienne École navale et les réservoirs du parc à mazout au-dessus du port militaire. Le Gneisenau dans sa grande cale sèche à Laninon devait être caché sous des filets de camouflage. Les travaux furent exécutés par une compagnie de camouflage mise sur pied avec des marins des deux cuirassés. Mais ce recours aux équipages fut de plus en plus critiqué par les commandants des navires. Celui du Gneisenau, le capitaine de vaisseau Fein, nota par exemple le 30 mai 1941 que la mutation d’officiers dans les unités nouvellement formées provoquerait des problèmes techniques ainsi que des problèmes disciplinaires en raison de la répartition de l’équipage à des endroits différents155. Déjà à la mi-mai 1941, Fein était intervenu après du commandant du front de mer en Bretagne afin d’obtenir une exemption de ses marins au maniement des appareils à brouillard. Ce recours avait été décidé car les appareils étaient arrivés sans servants à Brest et le commandant du front de mer avait exigé des commandants des cuirassés la mise à sa disposition de 60 hommes par navire pour armer ces appareils156. Ces marins quittaient les cuirassés dans la soirée et ne rembarquaient que le lendemain matin, ce qui avait pour conséquence qu’ils n’étaient pas disponibles pour des travaux ou des formations durant la matinée. Les commandants des cuirassés avaient répondu favorablement à la demande du commandant du front de mer car sinon cette protection supplémentaire des cuirassés n’aurait pas pu être mise en place. Le recours continuel à une partie des équipages avait par contre des conséquences sur l’achèvement des travaux en cours ainsi que pour la formation militaire et les congés, de sorte que le commandant du Gneisenau demanda au commandant de front de mer de renoncer à cette mesure. Bien que ce dernier répondît ensuite favorablement à la demande du capitaine de vaisseau Fein, il tenait pourtant fermement à la mise à disposition d’équipages par les cuirassés pour armer les chalutiers qui servaient de pontons aux appareils de fumigènes en rade et pour lesquels il fallait des marins expérimentés157.
61Une autre mesure de protection fut le camouflage des deux grands bassins à Laninon qui nécessitait l’envoi de 15 000 m² de filets à Brest. Quand le Gneisenau fut enfin entièrement camouflé le 21 avril 1941, un mois était déjà passé depuis l’arrivée de l’escadre au port. Il s’était aussi avéré que la quantité de filets ne suffisait pas à couvrir le deuxième bassin vide à côte du cuirassé si bien que la Kriegsmarine fut contrainte de demander l’envoi de 25 000 m² de filets de camouflage supplémentaires158. Entre-temps, sur le poste du Scharnhorst au Quai des Flottilles, un commando du génie de l’armée de terre avait également camouflé le navire avec des filets et avait rendu la surface de l’eau environnante méconnaissable à l’aide de radeaux rajoutés à la coque du cuirassé159.
Ill. 10. – Vue sur le Gneisenau camouflé dans son bassin à Laninon en 1941.
Auteur.
Ill. 11a. – Camouflage du Gneisenau à Laninon.
Bundesarchiv – Militärarchiv RM 45 IV 821.
Ill. 11b. – Le Scharnhorst à quai à Laninon.
Bundesarchiv – Militärarchiv 45 IV 821.
62En ce qui concerne l’utilisation de fumigènes au-dessus de Brest, d’autres réunions eurent lieu fin avril 1941 chez l’amiral commandant la Kriegsmarine en France à Paris et à l’état-major du responsable de la coordination locale des mesures de la défense passive, le commandant du front de mer en Bretagne. Les spécialistes de la Luftwaffe présentèrent leur plan pour cacher le port et la ville de Brest sous une couche de brume artificielle de 5 km de large et 12 km de profondeur. Générée à l’aide d’appareils à fumigènes, cette couche devait être mise en place en une quinzaine de minutes et maintenue à une altitude de 150 m pendant six heures. Pour l’extension de cette protection au-dessus du port, la Kriegsmarine avait l’idée d’utiliser des bateaux de pêche pour servir en rade de pontons aux appareils de fumigènes et, par la suite, 40 bateaux de pêche furent réquisitionnés dans les ports de pêche de Camaret, Douarnenez, Le Conquet et Le Fret. L’utilisation de ballons captifs contre les avions volant à basse altitude fut par contre rejetée en raison de l’opposition des représentants des unités de la Luftwaffe basées à Guipavas, Lanvéoc et Poulmic qui craignaient des accidents avec leurs avions160. Les hydravions qui partaient par exemple du Poulmic pour leurs missions de reconnaissance au-dessus de l’Atlantique pour le compte du commandant en chef des sous-marins n’avaient comme possibilité d’esquive que la base de Hourtin près de Bordeaux qui se trouvait trop éloignée de Brest en cas d’une fermeture à court terme du port.
63Pour ne pas mettre les avions allemands en danger, il fut alors décidé de n’utiliser les ballons captifs qu’en plein jour et seulement pendant les jours avec une bonne visibilité et jusqu’à une hauteur maximale de 500 mètres. L’utilisation des ballons dans ces conditions parut par contre sans valeur au commandant du front de mer : il demanda alors à l’amiral commandant la Kriegsmarine en France le transfert des hydravions en argumentant qu’il avait l’impression que les représentants de la Luftwaffe ne comprenaient pas les besoins de la Kriegsmarine concernant une meilleure protection du port161. Le 17 mai 1941, le chef d’état-major de la 3e Luftflotte déclara au commandant du front de mer que la défense aérienne de Brest serait uniquement l’affaire de la Luftwaffe qui protégera bel et bien les navires de la Kriegsmarine, en particulier les deux cuirassés « qui en fait se trouvent malheureusement [!!] ici162 ». L’on voit bien dans ces propos les rivalités bien connues entre les trois armées de la Wehrmacht et particulièrement la surestimation par la Luftwaffe de ses capacités.
64Pour protéger la base de Brest contre les avions britanniques, la Kriegsmarine dépendait des autres armées, particulièrement de la Luftwaffe, car elle ne disposait pas de propres unités de DCA en nombre suffisant. La Marineflakabteilung 803, créée en 1940 avec du matériel français et autre, avait été longtemps la seule unité de DCA de la Kriegsmarine à Brest jusqu’au transfert de deux autres détachements (Marineflakabteilung 804 et 805) en janvier 1941. Pour leur action contre les avions britanniques, les batteries de DCA de la Marine étaient placées sous le commandement du 100e régiment de DCA de la Luftwaffe163. Le chef d’état-major de la 3e Luftflotte expliqua par la suite au capitaine de vaisseau Kieseritzky, commandant du front de mer en Bretagne, que la Luftwaffe était bien capable de protéger les deux cuirassés bloqués à Brest avec tous ses moyens, mais qu’à son avis ce déploiement actif des avions dépasserait largement la protection d’un « matériel mort » que les navires endommagés représentaient aux yeux du représentant de la Luftwaffe164. Pour l’officier de la Kriegsmarine cette attitude était incompréhensible en raison de l’importance des navires pour la guerre navale et il en informa immédiatement son supérieur, l’amiral commandant la Kriegsmarine à l’Ouest de la France (Marinebefehlshaber Westfrankreich). Le vice-amiral Lindau s’adressa aussitôt à l’amiral commandant la Kriegsmarine en France en demandant que des décisions fussent prises « en haut lieu » sur cette question car Brest était, d’après lui à ce moment-là, la base navale la plus importante sur l’Atlantique si bien que « les intérêts des deux autres armes de la Wehrmacht à Brest devraient être subordonnés aux besoins de la Kriegsmarine165 ».
65Le camouflage du port de Brest était d’autant plus important, que les réparations du Scharnhorst allaient se terminer, et la Kriegsmarine voulait cacher l’achèvement des travaux aussi longtemps que possible aux aviateurs britanniques. Enfin, le 18 juin 1941, le cuirassé était de nouveau opérationnel. Son commandant, le capitaine de vaisseau Hoffmann, nota dans le journal de bord du cuirassé : « L’excellent travail du chantier naval de Brest, qui en dépit des plus grandes difficultés et parfois sous l’action directe de l’ennemi a terminé les réparations du navire à l’heure prévue, doit être particulièrement reconnu166. » Pour la Direction de la guerre navale, l’achèvement des travaux sur le Scharnhorst était encore plus important car la disponibilité du navire lui donnait la possibilité de reprendre la guerre navale dans l’Atlantique avec de grandes unités de surface. Le 30 juin 1941, le commandant en chef des cuirassés et son état-major s’installèrent à bord du navire qui, pour les essais de l’artillerie lourde et des tubes lance-torpilles nouvellement installés, devait se rendre au large de La Pallice167. Afin de cacher le départ du Scharnhorst aux avions de reconnaissance britannique, la Kriegsmarine voulait le remplacer par un bateau-leurre168. Mais, comme la construction d’un tel bateau aurait demandé au moins deux mois en raison de sa taille, il fut seulement décidé d’amarrer le pétrolier allemand W. A. Riedemann au poste d’amarrage du cuirassé au Quai des Flottilles au moment de son départ.
66Malgré toutes ces mesures de sécurité, la disponibilité du Scharnhorst et les préparations pour son appareillage n’échappèrent pas au lieutenant de vaisseau Philippon qui en informa l’Amirauté britannique dès le 19 juillet 1941169. Deux jours plus tard, dans la soirée du 21 juillet 1941, le Scharnhorst quitta Brest vers le sud. Le pétrolier le remplaça à son poste de mouillage au Quai des Flottilles avec, à ses côtés, plusieurs petits bateaux de servitude qui devaient imiter les contours d’un cuirassé. Mais dès le lendemain, l’absence du Scharnhorst fut découverte et le navire repéré le 23 juillet 1941 par un avion britannique à La Pallice. Le 24 juillet 1941, alors que la Royal Air Force effectuait sa première attaque de jour sur Brest, attaque durant laquelle 87 civils français furent tués mais dont le Gneisenau et le Prinz Eugen sortirent indemnes, quinze bombardiers britanniques poursuivaient leur chemin le long de la côte jusqu’à ce qu’ils découvrent le Scharnhorst amarré au môle de La Pallice170. Cette position exposée au bout d’une longue jetée, facilement repérable du ciel, et contre laquelle la Direction de la guerre navale avait renouvelé ses doutes le 21 juillet 1941, fut fatale au navire. Malgré le renforcement de la défense antiaérienne du port de La Pallice avant l’arrivée du cuirassé, les bombardiers britanniques réussirent à placer cinq bombes sur le Scharnhorst ; comme il n’y avait pas de bassin assez grand à La Pallice, le cuirassé dut retourner à Brest. Un transfert à Saint-Nazaire était hors de question en raison de la faible défense antiaérienne de ce port à cette date. Sur le chemin du retour un avion torpilleur britannique tenta en vain de couler définitivement le cuirassé allemand mais il fut abattu par la DCA du navire171.
67Au matin du 25 juillet 1941, le Scharnhorst rentra avec une gîte importante au port de Brest où il retrouva son ancien poste au quai des Flottilles. Une des premières mesures de la Kriegsmarine après l’accostage du navire fut le transfert de 340 membres de l’équipage dans des hôtels réquisitionnés à Roscoff car une grande partie des quartiers de l’équipage à bord n’étaient plus habitables en raison de l’eau qui avait pénétré dans le navire172. Les dégâts dus à l’eau exigeaient d’importants travaux sur les câbles électriques. Après le transfert du cuirassé dans le deuxième bassin à Laninon juste à côté du Gneisenau, l’arsenal allemand de Brest fit savoir le 28 juillet 1941 que le navire resterait au moins quatre mois hors service. Une première estimation qui sera par la suite étendue à huit mois après une nouvelle expertise révélant une quantité de câbles détruits beaucoup plus importante. Environ un tiers des câbles installés sur le Scharnhorst devait être remplacé173. Le navire fut de nouveau couvert de filets de camouflage et peint de couleurs sombres, ce qui lui donna un aspect assez triste comme en témoigna Heinrich Bredemeier, à l’époque membre de l’équipage : « Que ces mesures seraient toutefois utiles contre la reconnaissance aérienne de la RAF ou même contre les agents de l’ennemi, personne ne le croyait174. »
68Dans la poursuite de la guerre navale dans l’Atlantique avec des unités de surface, l’interception du Scharnhorst à La Pallice par la Royal Air Force fut une catastrophe pour la Direction de la guerre navale car il n’y avait plus de navire disponible à engager dans l’Atlantique. En effet le 13 juin 1941, le croiseur lourd Lützow avait été torpillé par des avions du Coastal Command en mer du Nord et il avait dû se replier à Kiel alors qu’il se trouvait en chemin pour l’Atlantique175. Les deux autres croiseurs lourds Admiral Hipper et Admiral Scheer effectuaient leur grand carénage et le nouveau cuirassé Tirpitz était encore en construction. Une question pouvait se poser : une percée des grands navires de guerre allemands dans l’Atlantique était-elle encore possible en raison de la surveillance accrue des passes entre le Groenland et l’Islande par la Royal Navy à l’aide d’avions et de radars ?
69Le 6 août 1941, la Direction de la guerre navale reçut le bilan définitif des dégâts sur le Scharnhorst. Alors que les travaux sur la coque ne nécessiteraient que trois semaines, l’arsenal de Brest dut remplacer 100 km de câbles à l’intérieur du navire dont presque tous les câbles de l’artillerie176. Mais pour une réparation immédiate, l’arsenal manquait non seulement du matériel électrique nécessaire mais aussi d’électriciens. La fin des travaux n’était pas attendue avant mars 1942. Compte tenu de cette situation, le directeur de l’office principal des constructions navales proposa même de mettre le cuirassé hors service et de le remorquer au port espagnol de El Ferrol177, une proposition qui fut aussitôt rejetée par le haut commandement de la Kriegsmarine exigeant la réparation le plus rapidement possible quitte à renoncer à réparer les câbles de moindre importance178.
70Afin de répondre à la forte demande d’ouvriers pour les réparations de ses trois navires bloqués à Brest, la Kriegsmarine retira par la suite un grand nombre d’ouvriers travaillant dans les autres arsenaux allemands sur l’Atlantique. Leur transfert à Brest se fit surtout sentir dans domaine de la réparation des sous-marins où, selon les souvenirs de l’amiral Dönitz, près de 800 ouvriers ont manqué en raison de l’immobilisation des trois navires à Brest179. Cette situation conduisit à un allongement des périodes de réparation des sous-marins. Ainsi, l’échec de l’engagement des unités de surface dans l’Atlantique eut aussi un impact sur la guerre sous-marine180. Mais l’arsenal allemand de Brest ne manquait pas seulement de personnel, il manquait aussi de l’équipement indispensable aux travaux sur les grands navires. Afin de mieux les protéger des bombardements, la Kriegsmarine décida par exemple de placer des plaques blindées sur les ponts des cuirassés, mais leur pose sur le Scharnhorst ne fut possible que le 12 août 1941 parce que la seule grue disponible à cet effet aux bassins de Laninon était hors service181. Le remplacement d’appareils spéciaux tel que le système de direction de tir détruit du Prinz Eugen n’était possible que par l’enlèvement de tels appareils sur des navires encore en construction. Pour réparer le système du Prinz Eugen par exemple, la Kriegsmarine recourut à des pièces prélevées au croiseur inachevé Seydlitz qui se trouvait au chantier naval AG Weser à Brême182. La Kriegsmarine essayait également de libérer l’arsenal de Brest d’autres travaux. Le commandant en chef, l’amiral Raeder, avait déjà interdit en avril 1941 toute réparation de sous-marins dans le port du Ponant183. Les autres navires de la Kriegsmarine devaient être réparés dans autres ports, comme par exemple le Sperrbrecher Oakland touché à Brest par cinq bombes le 16 juillet 1941 qui fut convoyé jusqu’à Hambourg (sic !) pour y être réparé184.
71L’attaque massive du 24 juillet 1941 avait montré que la Royal Air Force était aussi capable d’effectuer des bombardements en plein jour. De plus, depuis le début de l’invasion de l’Union soviétique, les forces de la Luftwaffe en France étaient de plus en plus en sous-nombre. La 3e Luftflotte par exemple ne disposait plus que de six groupes de chasse entre Hoek van Holland et la frontière espagnole au lieu de six escadres complètes comme à l’origine185. Dans ce contexte, la défense aérienne allemande de Brest se limitait à l’utilisation de canons anti-aériens et surtout à la défense passive sous forme de filets de camouflage, fumigènes et ballons captifs. Le commandant du front de mer en Bretagne, le capitaine de vaisseau Kieseritzky, demanda même le 5 juillet 1941 de détruire le clocher de l’église Saint-Martin qu’il estimait servir de point de repère aux aviateurs britanniques car il sortait de la brume artificielle : « Un petit dommage civil doit être pris en compte, car il s’agit d’éviter un important dégât militaire186. » L’amiral commandant la Kriegsmarine en France rejeta cette demande187.
Ill. 12. – Brest, hôtel Continental après bombardements, 1941.
Hans-Joachim Spallek.
72La brume artificielle fut la protection la plus efficace pour la base allemande. Son agrandissement fut discuté durant l’été 1941 mais il opposa à nouveau la Kriegsmarine et la Luftwaffe. Ce conflit fut abordé par l’amiral Raeder lors de la conférence sur la guerre navale du 25 juillet 1941 et, sur la demande du commandant en chef de la Kriegsmarine, Hitler décida que la protection des trois navires de guerre aurait la priorité sur les intérêts de la guerre aérienne188. Parallèlement, la défense antiaérienne fut également renforcée : fin décembre 1941 elle comptait 34 batteries lourdes et 22 batteries légères de sorte que la base de Brest possédait à ce moment-là une meilleure protection que le port de Wilhelmshaven189.
73Dans un rapport à l’Amirauté britannique, le lieutenant de vaisseau Philippon estima le nombre de canons antiaériens à Brest à 150 unités d’un calibre supérieur à 90 mm et à 1 200 armes légères190. Pour protéger ses précieux équipages contre les bombes alliées, la Kriegsmarine décida aussi d’évacuer tout le personnel qui n’était pas absolument nécessaire à bord des navires dans des hôtels réquisitionnés sur la côte bretonne comme à Tréboul près de Douarnenez pour les marins du Gneisenau191 et à Roscoff pour les marins du Scharnhorst192. Afin de loger le reste des équipages dans des locaux sûrs pendant la nuit, trois camps, dénommés ensuite Flottenlager (camps de la flotte), furent construits dans les alentours de Brest au cours de l’été 1941. De là, les marins de service partaient le matin en camions ou en autobus à Brest pour aller à bord des navires puis rentraient le soir193. Plus tard, la Kriegsmarine utilisa aussi la ligne de chemins de fer entre Landerneau et Brest194.
74Mais malgré toutes ces mesures, les navires bloqués dans les bassins risquaient toujours d’être détruits par les bombes. Le 8 juillet 1941, par exemple, plusieurs bombes tombèrent dans le voisinage immédiat des deux cuirassés à Laninon bien que le port fût recouvert d’une bonne couche de brume artificielle195. Par conséquent, le commandant du front de mer demanda l’élargissement de la couverture sur le Goulet de Brest et jusqu’au pont Albert Louppe à l’est de la rade196. La réalisation de cette couche aurait nécessité un total de 800 appareils à brouillard, une troupe de 550 hommes pour le maniement des appareils ainsi que 40 bateaux supplémentaires dans la rade avec au moins 200 marins. De plus, l’arsenal devrait être en mesure de remplir 800 bouteilles d’air comprimé par jour pour faire fonctionner les appareils à brouillard. De tels moyens dépassaient largement les 300 appareils estimés par la Luftwaffe en avril 1941197. En réalité en juillet 1941, il n’y avait à Brest que 150 appareils utilisables et, malgré la livraison de 250 appareils supplémentaires le 6 septembre 1941, le personnel manquait pour le maniement de ces engins198.
75Parallèlement à l’extension du recours aux fumigènes, la Kriegsmarine avait repris l’idée de la construction d’un bateau-leurre199. Lors du départ du Scharnhorst pour La Pallice, il s’était avéré que le remplacement d’un cuirassé par un pétrolier avait été rapidement découvert par les avions de reconnaissance britanniques. L’idée fut donc de construire un bateau-leurre de la taille d’un croiseur à l’aide du vieux cuirassé français Gueydon et de deux anciens avisos trouvés au cimetière des bateaux de la Marine française à Landevennec au sud de la rade200. D’après les expériences de la Luftwaffe faites au-dessus de la base navale britannique de Scapa Flow, l’efficacité d’un bateau-leurre dépendait principalement de ses dimensions et de ses structures. Le bateau-leurre de Brest reçut alors les superstructures du Prinz Eugen avec ses mâts et cheminée distinctifs construits en bois. Les trois navires qui formaient ce bateau-leurre pouvaient facilement être détachés la nuit et remorqués sur une autre position. En plus, des armes antiaériennes légères furent installées à bord afin d’augmenter l’effet de cette maquette. Comme l’arsenal de Brest n’avait pas le personnel disponible pour la construction de ce bateau, l’arsenal de Wilhelmshaven envoya un ingénieur et 100 ouvriers sur la côte bretonne. Les filets de camouflage provenaient de la Luftwaffe. Mais l’achèvement du bateau pris du retard en raison des besoins supplémentaires en main-d’œuvre et les travaux ne commencèrent qu’en octobre 1941 après la mise à la disposition de la Kriegsmarine de quarante soldats d’un bataillon de construction de l’armée de terre qui venaient de construire un port fictif dans la baie de Bertheaume qui, muni de ses propres lumières et de son propre système de fumigènes, devait détourner les avions britanniques du vrai port201. Finalement, le 8 décembre 1941, le bateau-leurre nommé Silu entra en service.
Ill. 13. – Bateau-leurre Silu en rade de Brest.
ECPAD DAM 822 L 24.
76Les efforts de protection des trois navires bloqués à Brest montrent bien l’importance que la Kriegsmarine leur attribuait à cette date. Vu l’avancement des réparations, la Direction de la guerre navale pensa déjà en septembre 1941 qu’elle serait à nouveau en mesure d’utiliser les navires contre les convois britanniques durant l’hiver et, le 2 octobre 1941, elle exigea l’achèvement des travaux pour la fin décembre 1941202. Ainsi, la Kriegsmarine aurait disposé au début de l’année 1942 de trois cuirassés et de trois croiseurs pour reprendre la guerre navale dans l’Atlantique. Alors que le croiseur lourd Admiral Scheer devrait opérer tout seul, les amiraux allemands prévoyaient une opération conjointe des autres navires contre un convoi britannique203. Pour cela, l’escadre de Brest avec les deux cuirassés et le croiseur lourd Prinz Eugen devrait quitter le port pour détourner les forces navales britanniques, permettant ainsi au cuirassé Tirpitz et au croiseur Admiral Hipper une percée dans l’Atlantique à partir du port de Trondheim en Norvège. Par contre, à la fin de cette opération, les navires de guerre allemands ne devaient plus rallier Brest mais devaient se rendre soit à Trondheim soit dans les ports allemands. L’amiral Raeder accepta les nouveaux plans stratégiques de son état-major mais, en même temps, il avait des doutes sur le consentement d’Hitler à une telle opération et, en cela, il n’avait pas tort204.
Cerberus – le repli de la flotte allemande
77En dépit des attaques aériennes successives de la Royal Air Force sur le port, l’arsenal allemand de Brest réussit à achever les réparations sur les navires en décembre 1941. Les pénuries de personnel avaient été compensées par le transfert d’ouvriers des autres chantiers navals allemands en France et en Allemagne à Brest. Les retards dans la réparation de sous-marins ou dans l’achèvement de constructions en cours tels que des contre-torpilleurs ou des dragueurs de mines furent pris en compte par la Kriegsmarine205. Elle n’avait pas eu le choix.
Ill. 14. – Essais de tir du Scharnhorst à quai à Laninon.
Auteur.
78La fin des travaux sur les navires allemands fut aussi remarquée par le lieutenant de vaisseau Philippon qui informa l’Amirauté britannique le 5 décembre 1941 que les navires étaient prêts à partir206. La Royal Air Force avait bien poursuivi ses opérations contre la base allemande, mais elle n’avait effectué que deux bombardements importants207. Le 16 décembre 1941, un avion de reconnaissance découvrit que le Prinz Eugen était sorti de son bassin du port de commerce208. Londres était donc bien informé de l’état des navires et la Royal Navy avait bien besoin de ces informations car le retour des navires allemands dans l’Atlantique l’aurait considérablement gênée à un moment où elle était très faible en raison de ses pertes dans le Pacifique. La Royal Air Force réagit aussitôt par une attaque massive de Brest dans la nuit du 18 décembre 1941 mais ce ne fut que lors d’une deuxième attaque, le lendemain, que les avions touchèrent de nouveau le Gneisenau. Une bombe explosa dans le bassin à Laninon et déchira la coque du navire. Les conséquences furent une inondation légère et deux morts parmi l’équipage par des éclats d’obus. Ces dégâts furent réparés rapidement mais les bombes britanniques avaient aussi endommagé la porte du bassin où se trouvait le Scharnhorst et, en raison des réparations de cette porte, le navire fut encore bloqué pour quatre semaines. À un moment, la Kriegsmarine avait même songé à faire sauter la porte de la cale pour libérer le cuirassé, mais le 20 janvier 1942 elle put être ouverte209. Quelques jours auparavant, le 6 janvier 1942 lors d’une attaque, une bombe était de nouveau tombée dans la cale sèche du Gneisenau et l’avait endommagé légèrement210. La Kriegsmarine utilisa ces dégâts de moindre importance pour propager un faux message sur de nouveaux dommages mais en réalité les avions britanniques ne parvinrent plus à toucher les navires allemands.
79Le commandant en chef de la Kriegsmarine avait informé Hitler sur la disponibilité des trois navires lors de la conférence sur la guerre navale du 13 novembre 1941. D’après l’amiral Raeder, il n’était plus question de les garder à Brest en raison du danger aérien : après avoir effectué quelques opérations mineures dans l’Atlantique nord ils devaient essayer de revenir en mer du Nord en passant à la hauteur de l’Islande211. Mais quand l’amiral Raeder évoqua dans son discours que le retour du Prinz Eugen pourrait aussi éventuellement se faire par la Manche, Hitler l’interrompit et demanda s’il ne serait pas possible de faire rentrer les trois navires par la Manche en jouant sur l’effet de surprise. Le commandant en chef de la Kriegsmarine promit de bien examiner cette question mais le 12 décembre 1941 il déclara à Hitler qu’il préférait les maintenir dans l’Atlantique212. À son avis, l’entrée dans la guerre des États-Unis et l’intervention japonaise dans le Pacifique mèneraient à un changement de la situation militaire dans l’Atlantique et, dans ces conditions, la présence du Scharnhorst et du Gneisenau serait un avantage surtout si la Kriegsmarine pouvait bénéficier du port de Dakar. L’utilisation de ce port français par les forces navales allemandes avait été déjà prévue dans les « Protocoles de Paris » de mai 1941 acceptés par l’amiral Darlan en tant que chef du gouvernement de Vichy, mais les négociations avaient échoué en juillet 1941.
80Fin décembre 1941, ces rêves stratégiques partirent en fumée. Après avoir annoncé la disponibilité du croiseur Prinz Eugen pour le 31 décembre 1941 et celle des deux cuirassés pour janvier 1942, l’amiral Raeder fut confronté à un ordre de Hitler selon lequel les navires devaient tenter une percée surprise par la Manche213. Hitler craignait un débarquement britannique au nord de la Norvège et, pour éviter une telle opération, il exigea de la Kriegsmarine l’engagement de la flotte entière dans les eaux norvégiennes. À sa demande, le retour par la Manche devait s’effectuer le plus rapidement possible en renonçant aux sorties d’entraînement réclamées par Raeder car, de l’avis de Hitler, chaque mouvement des navires conduisait à une augmentation des attaques aériennes contre Brest en raison de la « bonne orientation des Anglais grâce à leur service de renseignements », et dont les navires seraient tôt ou tard victimes214. Dans le cas où la percée inattendue de la Manche ne serait pas possible, Hitler exigea du commandant en chef de la Kriegsmarine le désarmement des grands navires à Brest et l’utilisation de leurs armes lourdes pour le renforcement de l’artillerie côtière en Norvège.
81Raeder ne pouvait que s’incliner devant cette décision. Lors de la conférence sur la guerre navale du 12 janvier 1942, les plans pour le passage par de la Manche furent présentés à Hitler215. Contrairement à ses objectifs stratégiques de l’année 1941, la Direction de la guerre navale estimait maintenant les possibilités d’action des grands navires devant les côtes de la Norvège plus efficaces que dans l’Atlantique en raison du changement de la situation générale. Avec le recul, le transfert des cuirassés à Brest lui apparut même comme une « mesure fortement discutable216 ». Par contre, la nouvelle base principale de la flotte allemande à Trondheim ne possédait pas de grande cale sèche car l’agrandissement du port norvégien, programmée en juillet 1940, avait été négligé depuis l’occupation de la France en faveur des ports de l’Atlantique. Bien que la Kriegsmarine eût commencé en 1941 la construction d’un abri de sous-marins et qu’elle eût créé un chantier naval à l’aide du chantier naval privé Germaniawerft de Kiel, les moyens de réparations à Trondheim reposaient encore en 1942 principalement sur le navire-atelier Huascaran217. Après les attaques aériennes britanniques sur le port de Brest, Hitler avait encouragé la Kriegsmarine à faire construire une grande cale sèche à Trondheim par l’organisation Todt dans le délai le plus court possible218. Mais au printemps 1942, alors que les unités de la flotte allemande devaient rallier la Norvège, ces travaux n’avaient pas encore commencé. Hitler y voyait une faute de la Kriegsmarine car, à son avis, elle n’avait pas assez soutenu l’aménagement du port norvégien en base navale en étant trop « distraite » par les côtes françaises219. Il fut encouragé dans ce point de vue par un rapport du ministre Fritz Todt sur des différends entre la Kriegsmarine et l’Organisation Todt au sujet des constructions à réaliser à Trondheim. Le 20 février 1942, Hitler convoqua le chef des opérations auprès de la Direction de la guerre navale, qui se trouvait par hasard au quartier-général et l’accusa du temps précieux qui avait été perdu et durant lequel, à son avis, deux cales sèches de la taille du Tirpitz auraient déjà pu être construites220.
82Quelques jours auparavant, le 30 janvier 1942, lors d’une réunion à la Direction de la guerre navale, le directeur de l’office principal des constructions navales, le vice-amiral Fuchs, avait estimé le temps de construction d’un seul bassin de cette taille à environ trois ans221. Comme solution intermédiaire, Fuchs proposa le transfert d’un grand dock flottant de Stettin à Trondheim mais cette proposition paraissait irréalisable et fut rejetée par les autres amiraux de sorte que l’amiral Raeder donna finalement l’ordre de construire une cale sèche à Trondheim sans égard pour la durée de la construction.
83Pour le passage des navires de Brest par la Manche, le commandement naval à l’Ouest avait choisi la période du 11 au 14 février 1942 comme meilleur moment en raison du danger réduit des mines flottantes grâce à la grande marée avant la nouvelle lune222. Les équipages des navires ne furent pas informés de l’opération prévue afin de garder le secret. Les congés et les manœuvres suivaient leur cours normal. À terre, le soutien militaire du commandant du front de mer organisa des spectacles pour les équipages dans le théâtre de la ville. Pour tromper l’ennemi, de l’équipement tropical fut embarqué sur les trois navires223. Des barriques avec l’inscription « Dakar » entreposées sur le quai devaient donner l’impression d’une opération vers le sud224. L’Amirauté britannique par contre était alarmée par le nombre élevé de contre-torpilleurs, dragueurs de mines et autres forces de sécurité photographiées à Brest par la reconnaissance aérienne britannique et aussi par le renforcement des activités de déminage des Allemands dans la Manche225. En outre, le 25 janvier 1942, le lieutenant de vaisseau Philippon l’avait informée d’essais du Gneisenau en rade de Brest226.
84Au soir de ce même jour, la Royal Air Force bombarda à nouveau le port et c’est sous la protection de la brume artificielle contre ce bombardement que le commandant en chef des cuirassés donna l’ordre à l’escadre d’appareiller. Les trois navires quittèrent Brest en direction de l’entrée de la Manche et ne furent aperçus que par hasard à midi par des avions britanniques. Leur départ avait totalement échappé au sous-marin britannique Sealion qui surveillait les entrées de Brest depuis le large227 et même les avions du Coastal Command qui effectuaient des patrouilles de nuit au-dessus de la Manche n’avaient pas remarqué le convoi allemand228. Quand les stations radar britanniques détectèrent l’escorte de la Luftwaffe au-dessus du convoi, les servants pensèrent d’abord avoir affaire à leurs propres avions. Les deux Spitfires envoyés en mission de reconnaissance n’identifièrent qu’une multitude de petits navires d’escorte, les trois unités lourdes passèrent inaperçues. Ce ne fut qu’au moment où des avions britanniques s’engagèrent dans une bataille aérienne avec les chasseurs de l’escorte allemande que les grands navires furent enfin découverts229. Malgré les tirs des batteries côtières britanniques, les attaques de la Royal Air Force et des forces navales légères de la Royal Navy dans le détroit de Douvres, les trois navires allemands réussirent le passage par la Manche230. En raison de quelques dégâts provoqués par des mines, les deux cuirassés furent obligés de passer par un chantier naval après leur arrivée en Allemagne et c’est là que le Gneisenau fut victime d’un bombardement sur Kiel dans la nuit du 27 février 1942. Les dégâts étaient si importants que le cuirassé fut par la suite désarmé jusqu’à la fin de la guerre. Le Scharnhorst fut envoyé dans le Nord où il fut finalement coulé le 26 décembre 1943 par des forces navales britanniques lors d’une opération contre un convoi allié231.
85Pour le Royaume-Uni, le repli des navires allemands basés à Brest signifiait un soulagement. Le 17 février 1942, dans une déclaration devant la Chambre des communes, Winston Churchill déclara que la présence des trois navires de guerre allemands à Brest avait représenté une menace importante pour l’approvisionnement de la Grande-Bretagne232. Afin de réduire ce danger, l’Amirauté britannique avait demandé à la Royal Air Force de mener des raids aériens réguliers afin d’empêcher les unités allemandes de quitter ce port. Enfin, leur retrait par la Manche entraîna un changement de la situation en faveur de la Grande-Bretagne, car non seulement la menace directe sur les routes maritimes britanniques cessait, mais la Royal Air Force n’avait plus besoin de garder ses bombardiers sur le qui-vive et pouvait les engager ailleurs. Pendant les dix mois de la présence des navires allemands à Brest, la Royal Air Force avait effectué un total de 3 299 raids aériens sur le port au cours desquels 4 000 tonnes de bombes avaient été larguées sur la ville, le port et l’arsenal. La Royal Air Force avait perdu 247 hommes et 43 avions dans ces missions. Lors des attaques nocturnes, il n’avait souvent pas été possible d’attaquer directement les mouillages des navires allemands. Confrontés à une DCA puissante et à des ballons captifs, les aviateurs britanniques étaient contraints de voler à de grandes hauteurs et, en raison de la proximité des installations portuaires avec la ville, les bombes tombèrent aussi sur des zones résidentielles et 235 civils français furent tués et environ 4 000 civils blessés lors de ces raids aériens233.
86Du fait de la concentration des raids aériens britanniques sur Brest, les autres bases navales allemandes sur l’Atlantique n’avaient été la cible que de quelques attaques. Néanmoins, deux bombardements nocturnes de Lorient en juillet et novembre 1941 avaient provoqué des dégâts importants234. Mais comme à ce moment-là, la menace des navires de surface allemands sur les routes maritimes britanniques l’emportait sur la menace sous-marine, et comme il n’y avait plus d’avions disponibles en raison de l’augmentation des attaques sur les centres industriels d’armement en Allemagne, un bombardement des abris de sous-marins lors de leur stade le plus vulnérable, celui de la construction, n’eut pas lieu.
87L’histoire officielle de la Royal Air Force relate cette réalité ainsi : « À la lumière des événements ultérieurs, ce pourrait être une erreur de réaliser dans la seconde moitié de 1941 plus d’un millier de missions contre les trois navires de guerre allemands et un peu plus d’une centaine contre les bases de sous-marins. […] Dans cinq des bases, Lorient, Brest, Saint-Nazaire, Bordeaux et La Pallice – on savait que les Allemands étaient en train de construire des abris pour sous-marins. Et quand ils ont commencé par creuser très profondément derrière des caissons, nous avons eu une excellente chance de provoquer des inondations et de lourds dommages par bombardements dans ces premières phases des travaux. En effet, les abris restaient vulnérables jusqu’au moment où leurs toits en béton, de plusieurs mètres d’épaisseur, étaient en place. Mais face aux pertes en mer qui était généralement en baisse, au petit nombre de bombardiers disponibles, aux préoccupations du ministère de l’Air pour l’Allemagne et de l’Amirauté pour le Scharnhorst et le Gneisenau, très peu a été fait pour empêcher leur construction235. » Ce ne fut qu’en octobre 1942, quand les pertes alliées en mer par les sous-marins augmentèrent rapidement, que le premier Lord de l’Amirauté britannique appela à la reprise des attaques aériennes contre les bases navales allemandes sur la côte française. Mais les abris de sous-marins résistèrent aux bombardements du printemps 1943 alors que les villes dans lesquelles ils étaient édifiées se transformaient en ruines.
88Pour la Kriegsmarine, l’opération Cerberus fut certes un succès tactique mais du point de vue stratégique elle représentait une défaite. De fait, l’utilisation du port de Brest comme nouvelle base principale allemande sur l’Atlantique était restée « un rêve » comme l’avait noté le capitaine de frégate Assman de la Direction de la guerre navale236. Le commandant en chef de la Kriegsmarine, l’amiral Raeder, reconnut également, dans ses mémoires après-guerre, l’échec de la base : « Malheureusement, il s’est avéré que les capacités de défense de Brest ne répondaient pas aux exigences de protection contre les attaques aériennes de l’ennemi, de sorte que les dommages survenus à plusieurs reprises sur les navires rendaient d’importantes réparations nécessaires. Le repli du cuirassé Scharnhorst vers le port de La Pallice n’a rien changé. Il était évident que les deux cuirassés formaient l’un des objectifs les plus importants pour les Anglais. Ensuite, les défenses aériennes allemandes ont dû être ajustées. En ce qui concerne cela, la Marine a fait tout son possible grâce à la création de nombreuses batteries anti-aériennes, la construction de systèmes de brouillard et de camouflage. Cependant, une garantie suffisante manquait par l’insuffisance de chasseurs. C’est ici qu’apparaît à nouveau à quel point il aurait fallu renoncer à l’attaque contre la Russie, le poids de l’armée de l’air aurait dû être utilisé principalement pour la lutte contre notre adversaire principal, l’Angleterre237. »
89La Kriegsmarine avait dû capituler devant la puissance croissante dans les airs de son adversaire britannique. La guerre navale avec des unités de surface dans l’Atlantique trouva sa fin avec le repli des cuirassés en Norvège, laissant leur ancienne zone d’opération aux sous-marins qui eux étaient protégés par leurs abris contre les attaques aériennes.
Notes de bas de page
1 Wagner Gerhard, Lagevorträge des Oberbefehlshabers der Kriegsmarine vor Hitler 1939-1945, op. cit., p. 106.
2 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 23 juin 1940, p. 244.
3 Ibid.
4 Ibid.
5 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 22 juin 1940, p. 238.
6 Note OKM B. Nr. A Ic 1323 Gkdos du 9 juillet 1940 (BAMA RM 45 IV 747).
7 Note OKM K III Nr. 1027/40 Gkdos du 17 juillet 1940 (RM 7 1227).
8 Note Kommandierender Admiral Frankreich B.Nr. G.Kdos. 284/40 A I du 23 juillet 1940 (BAMA RM 45 IV 747).
9 Ibid., fo 79.
10 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 1er août 1940, p. 10.
11 Note Kommandierender Admiral Frankreich B.Nr. 655/40 Gkdos du 17 août 1940 au Marinebefehlshaber Bretagne (BAMA RM 45 IV 748).
12 Ibid.
13 Cf. le rapport du voyage OKM K IV Nr. 610 gKdos du 3 octobre1940 (BAMA RM 45 IV 751).
14 Ibid.
15 Cf. Coat Paul, Les Arsenaux de la Marine de 1631 à nos jours, Brest, Éditions de la Cité, 1982.
16 Cf. le rapport de la Amtsgruppe Werften KV Ta Nr. 1420/40 Gkds du 17 octobre 1940 sur le voyage à Paris, Brest, Lorient, Saint-Nazaire et Nantes (BA-MA W-04/7758).
17 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 4 octobre 1940, p. 42.
18 Ibid.
19 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 9 octobre 1940, p. 99.
20 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 9 octobre 1940, p. 100.
21 Cf. le rapport de la Amtsgruppe Werften KV Ta Nr. 1420/40 Gkds du 17 octobre 1940 sur le voyage à Paris, Brest, Lorient, Saint-Nazaire et Nantes (BA-MA W-04/7758).
22 Cf. Huan Claude, « La construction navale française 1940-1942 », Etudes d’histoire maritime, no 1, 1990, p. 177-206. Pour les constructions poursuivies en France pour la Kriegsmarine voir aussi Gröner Erich, Die deutschen Kriegsschiffe 1815-1945, 9 volumes, Munich, Bernard & Graefe, 1982-1994.
23 Gröner Erich, Die deutschen Kriegsschiffe 1815-1945, op. cit., t. II, p. 92.
24 Cf. la note « Hebung gesunkener frz. U-Boote in Brest » OKM Skl U IIa Nr. 8663/40 geh du 10 octobre 1940 (BAMA RM 45 IV 769).
25 Note OKM T V Ta 3003 de mars 1941 à la Kriegsmarinewerft Brest (BAMA W 04 19264).
26 Journal de guerre (KTB) Kommandierender Admiral Frankreich du 31 août 1940 (BAMA RM 45 IV 606).
27 Note OKM Skl U IId Br. Nr. 7529/40 geh. du 16 septembre 1940 (BAMA RM 35 II 157).
28 Note OKM K III A 1811/40 geh. « Werftorganisation im Raume Frankreich » du 28 octobre 1940 (BAMA RM 35 II 157).
29 Note Kommandierender Admiral Frankreich-Werftbeauftragter B.Nr. G 1621 TS du 3 décembre 1940 (BAMA RM 35 II 157).
30 Pour la biographie du vice-amiral Hans-Herbert Stobwasser voir Hans H. Hildebrand et Ernest Henriot, Deutschlands Admirale 1849-1945, t. III, Osnabrück, Biblio, 1988, p. 393-394.
31 Note OKM K III A 1874/40 geh. du 12 novembre 1940 (BAMA RM 35 II 157).
32 Note OKM A Ia Nr. 14571/40 « Ausnutzung ausländischer Werften » du 23 novembre 1940 (BAMA RM 35 II 157).
33 Note OKM K V Tc 12202/40 g II Ang. « Niederschrift über die Besprechung bei K V am 12-11-1941 über die Beschäftigung und den Ausbau der Werften und über Personalfragen für Schiff-und Maschinenbau » du 27 novembre 1940 (BAMA W-04/192664).
34 Note OKM K V Ti Nr. 11605/40 du 27 juillet 1940 à Staatsrat Blohm (StA Hamburg BV 821).
35 Réponse de Rudolf Blohm du 10 août 1940 (StA Hamburg BV 821).
36 Compte rendu du coup de téléphone avec OKM K V du 30 août 1940 (StA Hamburg BV 821).
37 Note Kriegsmarinearsenal Brest B. Nr. G 347/40 II du 10 octobre 1940 au Marinebefehlshaber Bretagne (BAMA RM 45 IV 762 b).
38 Cf. la lettre du Marineoberbaurat Schulz du 17 octobre 1940 (StA Hamburg BV 821).
39 Cf. la réponse de Walther Blohm du 22 octobre 1940 (StA Hamburg BV 821).
40 Télégramme OKM K Tg 11709 geh. du 25 octobre 1940 (StA Hamburg BV 821).
41 Note OKM K III A 1874/40 du 12 novembre 1940 (BAMA RM 35 II 157).
42 Note OKM K V Tc 12202/40 g II Ang. du 27 novembre 1940 « Niederschrift über die Besprechung bei K V am 12-11-1941 über die Beschäftigung und den Ausbau der Werften und über Personalfragen für Schiff- und Maschinenbau » (BAMA W-04/192664).
43 Note K III A Nr. 2006/40 geh du 25 novembre 1940 (BAMA W 04/7758).
44 Ibid.
45 Note Kommandierender Admiral Frankreich-Werftbeauftragter B.Nr. G 1680 T du 30 novembre 1940 (RM 35 II 157).
46 Ibid.
47 Ibid.
48 Ibid.
49 Rapport du Hafenbauressort de Brest du 1er décembre1940 (BAMA W-04/19264).
50 Note Kommandierender Admiral Frankreich-Baudirektor B.Nr. Gkdos 3279 du 10 décembre 1940 (BAMA RM 45 IV 805).
51 Rapport du Hafenbauressort Brest du 31 décembre 1940 (BAMA W 04 19264).
52 Port de Brest – Travaux maritimes no 326 du 8 mai 1942 à la D.S.M.M.Z.O. (SHM Vincennes 3 DD2 8).
53 Rapport du Hafenbauressort Brest du 31 décembre 1940 (BAMA W 04 19264).
54 Service central des Travaux maritimes no 27 TM.I.P. au commissaire général Bourgain à Brest du 24 octobre 1940 (SHM Vincennes TTB 60).
55 Note Kriegsmarinearsenal Brest B. Nr. 1633 du 5 novembre 1940 au Marinebefehlshaber Bretagne (BAMA RM 45 IV 784).
56 Note Armeeoberkommando 6 Abt Ia-Az 10 Nr. 4312/40 geh. du 6 décembre 1940 au Kommandant der Seeverteidigung Bretagne (BAMA RM 45 IV 784).
57 Note Kriegsmarinewerft Brest B.Nr. G 1239/40 du 2 décembre 1940 (BAMA RM 45 IV 860).
58 Note Marinebefehlshaber Bretagne B.Nr. G 3255 IIa du 3 octobre 1940 (BAMA RM 45 IV 784).
59 Wagner Gerhard, Lagevorträge des Oberbefehlshabers der Kriegsmarine vor Hitler 1939-1945, op. cit., p. 147. Cf. Kühn Volkmar, Torpedoboote und Zerstörer im Einsatz 1939-1945, Stuttgart, Motorbuch-Verlag, 1974, p. 114. Voir aussi Klapdor Norbert, Der Zerstörer Friedrich Ihn, Hambourg, Mittler, 1996 et Mielke Otto, Zwischen Brest und Kirkenes. Zerstörer Friedrich Eckoldt, Munich, Moewig, 1958.
60 Journal de guerre (KTB) Marinebefehlshaber Bretagne, 10 octobre 1940 (BAMA RM 45 IV463).
61 Journal de guerre (KTB) Marinebefehlshaber Bretagne, 10 et 11 août 1940 (BAMA RM 45 IV463).
62 Note FdZ B.Nr. Gkdos 1032 du 23 octobre 1940 (BAMA RM 45 IV 751).
63 Note Kommandant der Seeverteidigung Brest B.Nr. Gkdos 105 du 23 octobre 1940 au FdZ et Marinebefehlshaber Bretagne (BAMA RM 45 IV 751).
64 Wagner Gerhard, Lagevorträge des Oberbefehlshabers der Kriegsmarine vor Hitler 1939-1945, op. cit., p. 147. Cf. Salewski Michael, Die deutsche Seekriegsleitung 1935-1945, t. I : 1935-1941, op. cit., p. 269 et p. 375. Voir aussi Bidlingmaier Gerhard, Einsatz der schweren Kriegsmarineeinheiten im ozeanischen Zufuhrkrieg : strategische Konzeption und Führungsweise der Seekriegsleitung, Neckargemünd, Vowinckel, 1963 et Wagner Gerhard, « Überlegungen der deutschen Marineführung zum Einsatz und Verlust der Schlachtschiffe während des Zweiten Weltkrieges », Militärgeschichtliche Mitteilungen, no 1, 1974, p. 99-108.
65 Wagner Gerhard, Lagevorträge des Oberbefehlshabers der Kriegsmarine vor Hitler 1939-1945, op. cit., p. 147.
66 Cf. Salewski Michael, Die deutsche Seekriegsleitung 1935-1945, t. I : 1935-1941, p. 377.
67 Ibid., p. 377.
68 Ibid., p. 378.
69 Cf. Theodor Krancke et Jochen Brennecke, Das glückhafte Schiff: Kreuzerfahrten der « Admiral Scheer », Biberach, Koehler, 1955.
70 Cf. Salewski Michael, Die deutsche Seekriegsleitung 1935-1945, t. I : 1935-1941, op. cit., p. 268. Voir aussi Raeder Erich, Mein Leben, t. II, op. cit., p. 262. Pour les opérations du Admiral Hipper voir Brennecke Jochen, Eismeer. Atlantik. Ostsee. Die Einsätze des Schweren Kreuzers Admiral Hipper, Jugenheim, Koehler, 1963.
71 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 25 décembre 1940, p. 279.
72 Roskill Stephen Wentworth, The war at sea 1939-1945, t. I : The defensive, op. cit., p. 292.
73 Ibid., p. 292.
74 Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., p. 69.
75 Cf. Richards Denis et Saunders Hilary, Royal Air Force 1939-1945, t. I, Londres, Her Majesty’s Stationery Office, 1953, p. 236.
76 Roskill Stephen Wentworth, The war at sea 1939-1945, t. I : The defensive, op. cit., p. 292.
77 Journal de guerre (KTB) Marinebefehlshaber Westfrankreich, 12 janvier 1941 (BAMA RM 45 IV 458).
78 Journal de guerre (KTB) Marinebefehlshaber Westfrankreich, 1er février 1941 (BAMA RM 45 IV 458).
79 Cf. Rohwer Jürgen et Hümmelchen Gerhard, Chronik des Seekrieges 1939-1945, op. cit., p. 102.
80 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 15 février 1941, p. 195.
81 Brennecke Jochen, Eismeer. Atlantik. Ostsee. Die Einsätze des Schweren Kreuzers Admiral Hipper, op. cit., p. 154.
82 Ibid.
83 Cf. le télégramme Kommandant der Seeverteidigung Bretagne Gkdos 144/41 du 2 février 1941 au Kommandierender Admiral Frankreich et Marinebefehlshaber Westfrankreich (BAMA RM 45 IV 803).
84 Ibid.
85 Note OKM 1./Skl. I Flak 25/41 Gkdos du 17 janvier 1941 au Kommandierender Admiral Frankreich (BAMA RM 45 IV 811).
86 Lettre du commandant du Torpedoboot Kondor du 30 décembre 1940 (BAMA RM 35 II 179).
87 Note Kriegsmarinewerft Brest B. Nr. G. 151 du 13 janvier 1941 (BAMA RM 35 II 179).
88 Note F.d.Z. B. Nr. G 3378 M du 6 octobre 1940 (BAMA RM 135 II 153).
89 Cf. Raeder Erich, Mein Leben, t. II, op. cit., p. 181.
90 Cf. Salewski Michael, Die deutsche Seekriegsleitung 1935-1945, t. I : 1935-1941, op. cit., p. 381.
91 Note F.d.Z. B. Nr. G 3378 M du 6 octobre 1940 (BAMA RM 135 II 153).
92 Note F.d.Z. B. Nr. G 581 M du 13 février 1941 (BAMA RM 35 II 179).
93 Télégramme du commandant du contre-torpilleur Richard Beitzen B. Nr. G 35/40 du 13 janvier 1941 (BAMA RM 35 II 179).
94 Cf. Zieb Paul Willy, Logistische Probleme der Kriegsmarine, Neckargemünd, Vowinckel, 1961, p. 110.
95 Note K III A 2284/40 geh du 30 décembre 1940 (BAMA W-04/192664).
96 Note B.d.K. B. Nr. Gkdos 160 M du 28 février 1941 (BAMA RM 35 II 157).
97 Note 2. Admiral der Flotte B. Nr. Gkdos 482 A I du 1er mars 1941 (BAMA RM 45 IV 805).
98 Ibid.
99 Cf. Naims Günther et Frädrich Lothar, Seekrieg im Ärmelkanal. Vorpostenboote an vorderster Front, Hambourg, Mittler, 2003, p. 53.
100 Note 2. Admiral der Flotte B.Nr. Gkdos 482 A I du 1er mars 1941 (BAMA RM 45 IV 805).
101 Journal de guerre (KTB) Marinebefehlshaber Westfrankreich, 5 mai 1941 (BAMA RM 45 IV 458).
102 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 22 mars 1941, p. 313.
103 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 15 mars 1941, p. 211.
104 Ibid.
105 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Gneisenau, 25 mars 1941 (BAMA RM 92 5247).
106 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 25 mars 1941, p. 346.
107 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 23 mars 1941 (BAMA RM 92 5196).
108 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 25 mars 1941, p. 346.
109 Cf. Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., voir aussi colonel Rémy, Mémoires d’un agent secret de la France Libre. Juin 1940-Juin 1942, Paris, Aux Trois couleurs, 1945.
110 Cf. Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., p. 118.
111 Cf. Dizerbo Auguste H., « À l’affut des cuirassés allemands : les sous-marins britanniques devant Brest (1941-42) », Les Cahiers de l’Iroise, no 3, 1978, p. 140.
112 Note OKM K V ta 3307 de mars 1941 (BAMA W-04/19264).
113 Cf. le rapport « Kurzbericht über Torpedotreffer „Gneisenau“ am 06-04-1941 » (BAMA RM 35 II 179). Voir aussi Kähler Wolfgang, Schlachtschiff Gneisenau, Herford, Koehler, 1979, p. 111.
114 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 4 avril 1941, p. 44.
115 Cf. le rapport de l’historien britannique Roy C. Nesbitt sur l’attaque du Gneisenau à Brest le 6 avril 1941 (SHM Brest Bro 932).
116 Cf. le rapport allemand « Kurzbericht über Torpedotreffer Gneisenau am 06-04-1941 » (BAMA RM 35 II 179).
117 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 6 avril 1941, p. 72.
118 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 4 avril 1941, p. 44.
119 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 7 avril 1941, p. 91.
120 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 14 avril 1941, p. 193.
121 Kähler Wolfgang, Schlachtschiff Gneisenau, op. cit., p. 112.
122 Cf. Richards Denis et Saunders Hilary, Royal Air Force 1939-1945, t. I, op. cit., p. 237.
123 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 12 avril 1941, p. 155.
124 Ibid., p. 156.
125 Ibid.
126 Ibid.
127 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 18 avril 1941 (BAMA RM 92 5196).
128 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 12 avril 1941, p. 157.
129 Ibid. p. 159.
130 Wagner Gerhard, Lagevorträge des Oberbefehlshabers der Kriegsmarine vor Hitler 1939-1945, op. cit., p. 218.
131 Note Skl U IIa Nr. 1243/41 Gkdos, sans date (BAMA W-04/192664).
132 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Gneisenau, 16 avril 1941 (BAMA RM 92 5247).
133 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Gneisenau, 20 mai 1941 (BAMA RM 92 5248)).
134 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 23 au 31 mars 1941 (BAMA RM 92 5196).
135 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 7 et 11 mai 1941 (BAMA RM 92 5196).
136 Rapport fait à Brest le 13 mai 1941, sans auteur (SHM Vincennes TTD 114).
137 À côté des machines-outils, le chantier naval allemand de Wilhelmshaven envoya aussi 30 mécaniciens et électriciens pour l’installation de ces engins à Brest. Note du Hauptamt Kriegsschiffbau K V Ta 1732 du mois de février 1941, sans date (BAMA W 04/19264).
138 Note Kommandierender Admiral Frankreich-Werftbeauftragter B.Nr. 2256 T du 10 mai 1941 au Marinegruppenkommando West et Befehlshaber der Sicherung West (BAMA RM 35 II 157).
139 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Gneisenau, 18 avril 1941 (BAMA RM 92 5247).
140 Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., p. 130. Cf. colonel Rémy, Mémoires d’un agent secret de la France Libre. Juin 1940-Juin 1942, op. cit., p. 169.
141 Note Kommandierender Admiral Frankreich Nr. 52/41 Gkdos du 19 mai 1941 (BAMA RM 35 II 179).
142 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 24 mai 1941, p. 361.
143 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 26 mai 1941, p. 390.
144 Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., p. 154.
145 Ibid., p. 157.
146 Journal de guerre (KTB) Marinebefehlshaber Westfrankreich, 27 mai 1941 (BAMA RM 45 IV 458).
147 Cf. Busch Fritz-Otto, Schwerer Kreuzer Prinz Eugen, Hannover, Sponholtz, 1958, p. 59.
148 Cf. Schmalenbach Paul, Kreuzer Prinz Eugen… unter 3 Flaggen, Herford, Koehler, 1978, p. 141. Voir aussi Busch Fritz-Otto, Schwerer Kreuzer Prinz Eugen, op. cit., p. 60.
149 Cf. Richards Denis et Saunders Hilary, Royal Air Force 1939-1945, t. I, op. cit., p. 237.
150 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 2 juillet 1941, p. 18.
151 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 5 juillet 1941, p. 62.
152 Ibid.
153 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 12 avril 1941, p. 157.
154 Cf. le compte rendu de la réunion « Niederschrift der Besprechung vom 17-04-1941 » (BAMA RM 45 IV 820).
155 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Gneisenau, 30 mai 1941 (BAMA RM 92 5248).
156 Ibid.
157 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Gneisenau, 13 mai 1941 (BAMA RM 92 5247).
158 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Gneisenau, 21 et 23 avril 1941 (BAMA RM 92 5247).
159 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 13 mai 1941 (BAMA RM 92 5196).
160 Note Kommandant der Seeverteidigung Bretagne B. Nr. Gkdos 508/41 du 21 avril 1941 au Kommandierender Admiral Frankreich (BAMA RM 45 IV 820).
161 Ibid.
162 Note Kommandant der Seeverteidigung Bretagne Gkdos 639/41 du 19 mai 1941 (BAMA RM 45 IV 806).
163 Journal de guerre (KTB) Marinebefehlshaber Westfrankreich, 25 avril 1941 (BAMA RM 45 IV 458).
164 Ibid.
165 Note Marinebefehlshaber Westfrankreich B.Nr. Gkdos 1774 du 24 mai 1941 au Kommandierender Admiral Frankreich (BAMA RM 45 IV 806).
166 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 19 juin 1941 (BAMA RM 92 5196).
167 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 14 juillet 1941, p. 204.
168 Compte rendu de la réunion du 24 juin 1941 « Niederschrift der Besprechung über Scheinanlagen im Raum Westfrankreich beim Kommandierenden Admiral Frankreich am 24-06-1941 » (BAMA RM 45 IV 820).
169 Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., p. 175.
170 Bohn Roland, Raids aériens sur la Bretagne, t. I, Bannalec, 1997, p. 108.
171 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 25 juillet 1941 (BAMA RM 92 5196).
172 Ibid.
173 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 31 juillet 1941 (BAMA RM 92 5196).
174 Cf. Bredemeier Heinrich, Schlachtschiff Scharnhorst, Jugenheim, Koehler, 1962, p. 159.
175 Rohwer Jürgen et Hümmelchen Gerhard, Chronik des Seekrieges 1939-1945, op. cit., p. 133.
176 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 6 août 1942, p. 87.
177 Ibid. p. 88.
178 Ibid.
179 Dönitz Karl, Zehn Jahre und zwanzig Tage, op. cit., p. 159.
180 Ibid.
181 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 12 août 1941 (BAMA RM 92 5196).
182 Journal de guerre (KTB) Schwerer Kreuzer Prinz Eugen, 11 juillet 1941 (BAMA RM 92 5220).
183 Note Skl U IIa Nr. 1243/41 Gkdos, sans date (BAMA W-04/192664).
184 Cf. Arndt Peter, Deutsche Sperrbrecher 1914-1945, Stuttgart, Motorbuch-Verlag, 1979, p. 148.
185 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 27 juillet 1941, p. 411.
186 Note Kommandant der Seeverteidigung Bretagne B. Nr. G 5249 au Marinebefehlshaber Westfrankreich du 5 juillet 1941 (BAMA RM 45 IV 820).
187 Journal de guerre (KTB) Marinebefehlshaber Westfrankreich, 11 juillet 1941 (BAMA RM 45 IV 459).
188 Télégramme Kommandierender Admiral Frankreich B. Nr. 6449/41 A.L. Gkdos, cité dans le journal de guerre (KTB) du Marinebefehlshaber Westfrankreich, 2 août 1941. Cf. aussi le journal de guerre (KTB) de la Seekriegsleitung du 1er août 1941, p. 4. Le 10 février 1942 la Luftwaffe perdit trois avions dans des accidents à Brest en raison de la brume artificielle (cf. journal de guerre (KTB) de la Seekriegsleitung, 10 février 1942).
189 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 21 décembre 1941, p. 330.
190 Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., p. 128.
191 Kähler Wolfgang, Schlachtschiff Gneisenau, op. cit., p. 113.
192 Bredemeier Heinrich, Schlachtschiff Scharnhorst, op. cit., p. 152.
193 Journal de guerre (KTB) Schlachtschiff Scharnhorst, 6 août 1941 (BAMA RM 92 5196).
194 Schmalenbach Paul, Kreuzer Prinz Eugen… unter 3 Flaggen, op. cit., p. 143.
195 Note B.d.S. B.Nr. 74 Gkdos du 8 juillet 1941 au Marinebefehlshaber Westfrankreich (BAMA RM 45 IV 820).
196 Note Kommandant der Seeverteidigung Bretagne B. Nr. 935/41 A I du 23 juillet 1941 au Marinebefehlshaber Westfrankreich (BAMA RM 45 IV 821).
197 Cf. le compte rendu de la réunion « Niederschrift über die Besprechung beim Amtschef A am 17-04-1941 über Durchführung von besonderen Luftschutzmaßnahmen in Brest » (BAMA RM 45 IV 820).
198 Télégramme Kommandant der Seeverteidigung Bretagne Nr. 02816 du 13 septembre 1941 (BAMA RM 45 IV 821).
199 Télégramme Kommandierender Admiral Frankreich Nr. 6256/41 A Ls Gkdos du 30 juillet 1941 (BAMA RM 45 IV 821).
200 Note OKM K I Ge Nr. 2058/41 Gkdos du 16 août 1941 (BAMA RM 45 IV 821).
201 Cf. Leizour Jean, Locmaria-Plouzané, La Libération 26 août-3 septembre 1944. La Guerre 1939-1945, Soissons, 1989, p. 15.
202 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 23 septembre 1941, p. 377 et 2 octobre 1941, p. 23.
203 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 23 septembre 1941, p. 377.
204 Ibid., p. 380.
205 L’envoi d’ouvriers allemands du chantier naval privé Rickmerswerft à Bremerhaven en France retardait par exemple la construction de douze dragueurs de mines de dix mois (!!). Cf. le journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 2 octobre 1941, p. 23.
206 Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., p. 218.
207 Richards Denis et Saunders Hilary, Royal Air Force 1939-1945, t. I, op. cit., p. 361.
208 Ibid.
209 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 20 janvier 1942, p. 342.
210 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 6 janvier 1942, p. 79.
211 Wagner Gerhard, Lagevorträge des Oberbefehlshabers der Kriegsmarine vor Hitler 1939-1945, op. cit., p. 305.
212 Ibid., p. 325.
213 Ibid., p. 336.
214 Ibid.
215 Cf. le compte rendu « Niederschrift über Vortrag Ob.d.M. beim Führer am 12-01-1942 über Kanalmarsch der Brest-Gruppe » cité dans Wagner Gerhard, Lagevorträge des Oberbefehlshabers der Kriegsmarine vor Hitler 1939-1945, op. cit., p. 343.
216 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 24 janvier 1942, p. 434.
217 Neitzel Sönke, Die deutschen Ubootbunker und Bunkerwerften, op. cit., p. 191.
218 Wagner Gerhard, Lagevorträge des Oberbefehlshabers der Kriegsmarine vor Hitler 1939-1945, op. cit., p. 218.
219 Ibid., p. 351.
220 Ibid.
221 Journal de guerre (KTB) Seekriegsleitung, 30 janvier 1942, p. 563.
222 Cf. Bildlingmaier Gerhard, « Unternehmen Cerberus – der Kanaldurchbruch », Marine-Rundschau, no 1, 1962, p. 23.
223 Ibid., p. 25. Voir aussi Busch Fritz-Otto, Schwerer Kreuzer Prinz Eugen, op. cit., p. 69.
224 Souvenirs de Otto Schlenzka, ancien officier du Prinz Eugen, confiés à l’auteur.
225 Richards Denis et Saunders Hilary, Royal Air Force 1939-1945, t. I, op. cit., p. 363.
226 Philippon Jean, Le blocus du Scharnhorst et du Gneisenau, op. cit., p. 231. Cf. Roskill Stephen Wentworth, The War at Sea, t. II : The period of balance, Londres, Her Majesty’s Stationery Office, 1956, p. 150.
227 Dizerbo Auguste H., « A l’affût des cuirassés allemands, Les sous-marins britanniques devant Brest (1941-42) », art. cité, p. 141.
228 Ibid., p. 365.
229 Ibid., p. 367.
230 Cf. Bildlingmaier Gerhard, « Unternehmen Cerberus – der Kanaldurchbruch », art. cité, p. 28. Voir aussi Gießler Helmuth, « Die Navigation beim Kanaldurchbruch am 11./12. Februar 1942 », Marine-Rundschau, no 54, 1957, p. 20-26. Voir aussi Gartzen Wirich von, « Unternehmen „Cerberus“ miterlebt: der Kanaldurchbruch deutscher „Dickschiffe“ im Februar 1942 », Marine-Forum, no 3, 1985, p. 72-77.
231 Cf. Busch Fritz Otto, Tragödie am Nordkap: Untergang des Schlachtschiffes »Scharnhorst«, Hannover, Sponholtz, 1952 (version française : Le Drame du « Scharnhorst », traduit de l’allemand par Paul Stéphano, Paris, Julliard, 1953).
232 Churchill Winston Spencer, Reden 1938-1940, t. I, Zurich, Europa-Verlag, 1946, p. 104.
233 Cf. Bohn Roland, Raids aériens sur la Bretagne, op. cit., t. I, p. 154.
234 Cf. Richards Denis et Saunders Hilary, Royal Air Force 1939-1945, t. I, op. cit., p. 349.
235 Ibid.
236 Cf. Rahn Werner, « Der Seekrieg im Atlantik und im Nordmeer », art. cité, p. 388.
237 Raeder Erich, Mein Leben, t. II, op. cit., p. 263.
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