La nation espagnole face à Napoléon : résistance et collaboration
p. 151-165
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Texte intégral
1Parler de nation pour l’Espagne en 1808 est peut-être abusif si l’on se réfère à la définition moderne du terme. Pourtant, la réaction des Espagnols à la situation inédite qui se présente à eux fait apparaître un sentiment national. La monarchie espagnole subit en 1808 un double choc : l’occupation d’une partie du territoire par un État allié – les provinces du nord – et l’abdication de la famille royale Bourbon en faveur de Napoléon Ier. Le fait national, au cœur de la problématique qui nous intéresse, motive aussi bien ceux qui collaborent avec les autorités françaises et avec le nouveau roi Joseph Bonaparte, que ceux qui résistent aux changements imposés par Napoléon. Pour ces derniers, on a utilisé l’expression « nationalisme du ressentiment ». Il me semble que cette expression est à discuter. Pour les premiers, appelés les afrancesados, la dimension nationale a été moins perçue en raison de l’accusation majeure de trahison portée par les « patriotes », qui sont eux les vainqueurs du conflit. Nous verrons cependant comment le sentiment national fait également parti de l’engagement des afrancesados.
2La question centrale reste pour nous de saisir par quels processus les Espagnols, confrontés à l’intervention impériale dans leurs affaires intérieures, se pensent dans une nation maîtresse de son destin et non plus en sujets de princes successifs. L’importance de la conjoncture nous obligera à une nécessaire mais rapide présentation événementielle des facteurs ayant entraîné une partie des Espagnols dans un conflit avec l’Empire. À partir de ces données factuelles nous essaierons de comprendre comment une certaine idée de la nation s’affirme et, pour finir, quels mécanismes politiques elle consacre.
Les effets de l’occupation napoléonienne
3Plusieurs éléments ont déterminé l’intervention de Napoléon en Espagne. Le plus souvent ils ne sont étudiés que du point de vue français. On peut notamment songer à des éléments géostratégiques comme l’application du blocus continental ou l’alliance anglo-portugaise ; des éléments diplomatiques comme le refus de la neutralité espagnole ; des éléments politiques comme le maintien d’une branche Bourbon sur un trône en Europe. Le point de vue espagnol, qui est le nôtre, permet de mieux saisir l’enchaînement des événements conduisant à la crise de 1808.
4Partons des années 1804. La reprise de la guerre avec l’Angleterre paraît inévitable. Godoy, le favori du roi Charles IV, ne souhaite pas engager une nouvelle fois son pays aux côtés de la France dans une guerre contre l’Angleterre. Les finances manquent, les marques d’un mécontentement social se manifestent depuis plusieurs années et des disettes frappent ces années-là la Castille et la Catalogne. Godoy tente alors un rapprochement avec les neutres de l’Europe, la Russie et l’Allemagne. Mais en 1805, l’année d’Austerlitz, Napoléon apparaît comme l’homme invincible du continent. Malgré lui, Godoy doit reconnaître qu’il ne peut mener une politique indépendante, d’autant que l’Angleterre se refusant à considérer l’Espagne comme un pays neutre, attaque régulièrement des bateaux espagnols dans l’Atlantique1. Du coup, l’Espagne accepte une nouvelle alliance avec la France. Les opérations militaires doivent concerner la tenue de la mer contre les Anglais, espoir ruiné par le désastre naval de Trafalgar en octobre 1805. L’Espagne perd même tant de navires qu’elle n’est plus capable d’assurer la sécurité de ses liaisons maritimes avec ses colonies. En France, ces échecs militaires font penser que l’Espagne n’est pas un allié de confiance. On doute de sa capacité à résister aux Anglais, y compris sur le continent, sachant qu’ils sont déjà influents dans la péninsule ibérique grâce à leur allié, le Portugal. En 1806, l’arrivée du nouvel ambassadeur à Madrid, Beauharnais, témoigne de l’importance que prend l’Espagne dans le système impérial.
5En 1807, Napoléon part en campagne en Allemagne. Son cabinet envisage concrètement la possibilité d’une utilisation du Portugal par les Anglais comme tête de pont continentale qui prendrait ainsi les Français à revers. La diplomatie impériale pousse alors à la négociation d’un nouveau traité entre la France et l’Espagne, qui est signé à Fontainebleau le 27 octobre 1807 et établit les dispositions pour une campagne conjointe au Portugal. Les troupes françaises et espagnoles attaqueront ensemble le Portugal. C’est la signature de ce traité qui précipite la crise entre les deux nations. En effet, d’une part, il autorise le stationnement de troupes impériales en Espagne sous couvert du nécessaire passage entre la frontière française et la frontière portugaise, d’autre part des clauses secrètes prévoient un partage du royaume du Portugal entre la France et l’Espagne.
6L’application du traité par les armées impériales prouve rapidement à Godoy qu’il ne fait pas jeu égal avec Napoléon. Dès le 12 octobre, c’est-à-dire avant même la signature définitive du traité, les troupes du général Junot passent la Bidassoa. Elles sont à Lisbonne au mois de novembre, occupée sans résistance après le départ de la famille royale portugaise pour le Brésil. Maîtres du Portugal, les Français n’en continuent pas moins d’envoyer des troupes en Espagne, la relève, dit-on. Le général Dupont entre en Espagne le 22 décembre suivi en janvier de Moncey ; ils prennent respectivement leurs quartiers à Valladolid et Burgos, c’est-à-dire à plus de deux cents kilomètres de la frontière portugaise pour Dupont, et au cœur de la Vieille Castille pour Moncey.
7Durant les premières semaines du stationnement des troupes impériales en Espagne, les relations avec la population sont bonnes. Les officiers ont des consignes strictes : les Espagnols sont des alliés et le ravitaillement est à la charge des Français. Une anecdote montre que du côté espagnol, l’opération n’est pas considérée comme une menace. À Vitoria, dans le Pays basque, l’armée française qui veut régler les vivres à la municipalité s’entend répondre que « l’hospitalité espagnole ne se paie pas2 ». Tout est donc cordial jusqu’en février 1808, d’autant plus que la campagne au Portugal s’est soldée par une victoire.
8Mais à cette date, deux corps d’armée impériaux passent la frontière en des points bien éloignés de la route du Portugal pour que l’on puisse encore croire à des renforts : l’un à Ronceveaux dans les Pyrénées navarraises en direction de Pampelune, l’autre à la Junquera en Catalogne en direction de Barcelone. Au lieu de demander des logements, les soldats, dans les deux cas, s’emparent de citadelles : par la ruse à Pampelune, par la menace à Barcelone. Les autorités espagnoles sont mises devant le fait accompli. En mars, deux autres citadelles sont occupées : Saint-Sébastien au Pays basque et Figueras en Catalogne. Ce même mois de mars, Murat, nommé lieutenant- général de Napoléon pour le royaume d’Espagne, se dirige vers Madrid. En tout, ce sont près de cent mille soldats impériaux qui campent en Espagne. À ce moment, la suspicion s’amplifie quant aux buts réels de la présence de tant d’hommes. Les premiers incidents ont lieu à Barcelone où des soldats sortis seuls de la citadelle sont massacrés. La progression du sentiment anti-français est manifeste et rapide dans cette ville. Le général Berthier fait démonter les cloches des églises pour éviter que le clergé ne fasse sonner le tocsin ou l’alarme3.
9Un peu partout des heurts éclatent entre la population et les soldats. Ils sont généralement provoqués par les problèmes que posent le stationnement de militaires : les réquisitions mais aussi les excès de la soldatesque. Ces réactions ne s’inscrivent pas encore dans un système de lutte patriotique et encore moins nationale, elles sont des réponses individuelles à des exactions. Nous sommes dans le schéma malheureusement habituel des situations de guerre où les civils subissent la présence des hommes armés. La guerre d’indépendance espagnole n’est pas déclenchée par l’occupation militaire d’une partie du territoire, car un autre élément fondamental intervient : la chute du régime et surtout celle de son souverain.
10À la mi-mars, Godoy ne peut qu’admettre son erreur. L’application du traité de Fontainebleau par Napoléon aboutit finalement à un assujettissement du royaume d’Espagne. C’est alors qu’il envisage, pour sauver ce qui peut l’être, d’organiser le transfert de la famille royale en Amérique, imitant en cela l’exemple portugais. La rumeur d’un départ de la famille royale hors de la péninsule anime aussitôt les esprits. À Aranjuez, où le roi réside à ce moment, la population s’agite. Les opposants à Godoy saisissent l’occasion pour pousser à l’émeute. Il s’agit de grands aristocrates tenus à l’écart du pouvoir par le favori et qui ont investi leurs espérances politiques en la personne du prince des Asturies, Ferdinand, héritier du trône, lui-même écarté des affaires. Le 18 mars 1808, la foule des émeutiers s’en prend à Godoy qui est arrêté avant d’avoir pu fuir. La manifestation se porte ensuite vers le palais royal en criant le nom de Ferdinand et le 19 mars, Charles IV, isolé, abdique en faveur de son fils. On assiste donc à une véritable révolution de palais soutenue par la pression populaire. Le changement de souverain est le premier effet politique de l’occupation napoléonienne. Ce changement n’opère pas de rupture à l’intérieur du régime mais fragilise un peu plus le gouvernement espagnol.
11De son côté, Napoléon, apprenant la nouvelle de l’émeute d’Aranjuez décide de quitter Paris pour se rendre à la frontière espagnole. Murat, arrivé à Madrid le 23 mars, réussit à convaincre le nouveau roi de partir à la rencontre de l’empereur. Face à l’absence de reconnaissance officielle de la part de l’ambassadeur de France, pourtant considéré comme un ami des Fernandins, la cour de Madrid est perplexe. Seule une clarification des relations entre les deux alliés pourrait dissiper le doute et cette clarification passe nécessairement par une entrevue entre Napoléon et Ferdinand. Le 20 avril 1808, Ferdinand VII, accompagné de plusieurs fidèles, quitte Madrid pour Burgos. Il laisse comme consigne aux membres de son gouvernement de maintenir la bonne entente entre les Espagnols et les Français. Dans les faits, le départ du roi provoque un vide du pouvoir qui profite à Murat. À Burgos, pas de nouvelles de l’empereur ; le souverain espagnol et son entourage poussent vers Vitoria, dans le Pays basque où ils reçoivent l’invitation de Napoléon : la rencontre aura lieu à Bayonne, c’est-à-dire sur le sol français. Malgré l’inquiétude grandissante, Ferdinand et les siens ne sont pas en mesure de négocier et acceptent. Un conseiller du roi tente en vain de le dissuader de poursuivre le voyage et une manifestation dans la ville tente également de s’opposer au départ de Ferdinand pour la frontière4.
12À Madrid, Murat a reçu l’ordre de faire partir pour Bayonne tous les autres membres de la famille royale espagnole. C’est dans ce contexte que se produisent les affrontements du 2 mai. Pour résister au départ du jeune infant don Carlos, dernier membre de la famille royale encore présent à Madrid, la foule s’agite, s’en prend aux gardes impériaux qui ripostent. Aussitôt des officiers du parc d’artillerie qui préparaient un plan d’insurrection et des civils décidés à venger les premières victimes descendent dans les rues et attaquent les soldats français. Au soir du 2 mai la révolte est matée, le lendemain environ 400 madrilènes sont fusillés. Le 2 mai apparaît clairement comme une action motivée par le refus du départ de l’infant et dans une certaine mesure rappelle le déclencheur de l’émeute d’Aranjuez. Sans leur souverain, les Espagnols craignent d’être livrés au bon vouloir des Français. La famille royale représente l’indépendance du pays.
13À Bayonne, les entrevues entre Ferdinand VII et Napoléon sont tendues. Celles entre Ferdinand et son père Charles IV le sont plus encore, Charles IV lui reproche d’avoir déstabilisé la monarchie en profitant de l’émeute d’Aranjuez pour monter sur le trône. Début mai, les projets de l’empereur sur l’Espagne se sont clarifiés : il décide de ne plus compter sur les Bourbons et d’installer un nouveau souverain en la personne d’un de ses frères. Depuis Madrid, Murat lui envoie des rapports qui l’entretiennent dans l’idée que les Espagnols sont favorables à un changement dynastique et qu’ils attendent de lui une régénération de la monarchie. Les 5 et 6 mai 1808, sous la pression et privée de liberté de manœuvre, la famille royale espagnole abdique collectivement de ses droits en faveur de Napoléon qui transfère la couronne à son frère Joseph. Événement sans précédent dans l’Europe, l’abdication de toute une dynastie en faveur, qui plus est, de son allié, va créer un traumatisme en Espagne ; traumatisme qui provoquera la guerre d’indépendance.
Les réactions espagnoles
14La nouvelle des abdications déclenche des émeutes dans les provinces. Cet épisode est resté dans l’histoire sous l’expression « le soulèvement patriotique des provinces5 » : des provinces, car Madrid est étroitement et sévèrement surveillée par les hommes de Murat ; mais pas de toutes les provinces, puisque le soulèvement n’a lieu que dans celles qui sont libres de troupes françaises. L’épisode des 2 et 3 mai a prouvé l’impossibilité d’affronter directement les Français. Dans les villes où les troupes françaises stationnent, les autorités sont doublement contrôlées par le gouvernement de Murat et par les officiers impériaux sur place. Elles n’ont pas d’alternative à opposer aux ordres de Madrid. Ailleurs, en revanche, les autorités hésitent, ce qui favorise l’opposition aux abdications : il ne faut pas reconnaître Joseph Bonaparte, il faut toujours considérer Ferdinand VII comme unique souverain légitime. L’absence de troupes favorise également la mobilisation de la population. Les partisans de la résistance peuvent ainsi organiser des manifestations pour soutenir Ferdinand VII.
15Entre le 24 mai et les premiers jours du mois de juin 1808, les manifestations de foule contre les abdications et contre l’occupation se traduisent par la formation de gouvernements locaux en rupture avec Madrid. Se créent les « juntes patriotiques » chargées de défendre les droits des Bourbons au trône d’Espagne, de lutter contre la présence des troupes impériales en Espagne et d’affirmer également la liberté des Espagnols face à Napoléon. Avec la formation de ces juntes et l’organisation de la résistance, nous pouvons parler de la mise en place d’un véritable système patriotique.
16Longtemps considéré comme un mouvement spontané et unanime, le soulèvement des provinces est donc en fait le produit d’une mobilisation, populaire certes, mais orchestrée par des membres de l’élite. Le peuple est évidemment sensibilisé aux effets de l’occupation. Déjà entre 1793 et 1795, une partie de l’Espagne, essentiellement le Pays basque et la Catalogne, fut occupée par les Français lors de la guerre contre la Convention6. Le discours anti-français existait déjà, il était même très ancien, puisque nous pouvons le faire remonter au xviie siècle quand la France et l’Espagne s’affrontaient pour l’hégémonie européenne, voire au xvie siècle à l’époque des guerres de religion. Il rencontre un écho favorable parmi le peuple à travers sa formulation simplifiée par le clergé. Mais l’élément supplémentaire et déterminant est la dimension politique que seule l’élite peut donner, mieux informée et mieux armée pour saisir les conséquences de la rupture dynastique. L’acéphalie est vécue de façon plus aiguë par les responsables et les autorités. Le danger de désorganisation des liens entre les différentes instances de pouvoir est bien réel à leurs yeux. L’introduction des Bonaparte dans le système monarchique espagnol ne peut que perturber les relations politiques.
17L’étude précise des personnes qui sont à la tête du soulèvement nous apprend qu’il s’agit en premier lieu d’aristocrates appartenant à la mouvance fernandine, c’est-à-dire du parti d’opposants à Godoy. Ils refusent l’élimination de fait de leur leader. Parmi eux, on retrouve de grandes familles nobiliaires, les Palafox ou les Montijo, par exemple. En second lieu, nous rencontrons parmi ces promoteurs du patriotisme des membres des municipalités ou des institutions forales7 (ces institutions forales correspondent en Espagne à des corps provinciaux ayant gardé des privilèges des libertés spécifiques). Les municipalités sont elles-mêmes des corps et leurs membres, les regidores (équivalent des échevins de la France d’Ancien Régime) sont considérés comme les patriciens des villes espagnoles. Ceux-ci s’engagent dans la résistance par raison politique : ne reconnaissant pas le transfert de la couronne aux Bonaparte, ils s’appuient sur leur position de représentants traditionnels de la communauté pour exiger la rupture avec le gouvernement qui collabore avec les Français à Madrid. Selon la doctrine pactiste, vieille doctrine héritée de la néoscolastique espagnole, les communautés sont liées à leur souverain par un pacte. Ce pacte est rompu car Napoléon n’a pas respecté les modalités de l’attribution de la souveraineté. Joseph n’a aucune légitimité et le serment prêté au prince des Asturies, Ferdinand, lors des dernières Cortes de 1789, a donc gardé toute sa valeur. Les différents arguments utilisés par ces deux groupes se renforcent et rejoignent les capacités de réception de la population, enclenchant ainsi la réaction patriotique et faisant triompher dans ces provinces l’idéal de résistance.
18Suite aux manifestations de la foule, les autorités se rassemblent au siège de l’autorité supérieure du lieu (palais du capitaine général, du gouverneur, ou hôtel de ville selon le rang de la ville) et procèdent à la nomination d’une junte de gouvernement, qu’il faut entendre comme un organe collégial extraordinaire composé de plusieurs responsables de différentes autorités de la ville (représentants du pouvoir royal, magistrats, regidores, ecclésiastiques, puissants du lieu et militaires en tant qu’experts). Aussitôt, on publie un manifeste expliquant à la population la nouvelle situation et justifiant la récupération de l’autorité royale au nom des droits bafoués de Ferdinand VII. Puis, dans les jours qui suivent, on organise la proclamation de ce roi. La proclamation d’un roi en Espagne réalise dans chaque ville la formalisation de son accès au trône. Il s’agit d’une cérémonie où le portrait du roi est acclamé au balcon de l’hôtel de ville à la suite d’une messe d’action de grâce et d’une procession solennelle derrière l’étendard royal. De ce fait, on convoque une fois de plus la population pour qu’elle manifeste son engagement à la cause patriote. Les slogans diffusés par le discours sont simples et facilement repris dans le peuple. Celui qui résume le mieux le contenu du patriotisme est la trilogie « Roi, Religion, Patrie ».
19Ailleurs, dans ces villes sous contrôle français, c’est la collaboration, ou plutôt la coopération, selon le terme employé à l’époque, qui est en place. Cette collaboration est multiforme. Nous sommes face à plusieurs types d’afrancesados. Distinguons tout d’abord les afrancesados par conviction : il s’agit de collaborateurs « idéologiques » qui s’engagent auprès de Joseph Ier pour réaliser leurs projets de réformes inspirés du modèle français. Il ne s’agit donc pas de « traîtres » à leur patrie puisqu’ils souhaitent travailler pour le progrès de leur pays. Citons parmi les plus célèbres, le banquier Cabarrus. Le deuxième type d’afrancesados est plus politique qu’idéologique. Ce qui leur importe est la continuité de l’État et non pas la fidélité dynastique. La résistance mène au chaos, le chaos à l’anarchie. Joseph, lui, incarne la stabilité, il faut donc le servir et permettre ainsi à la monarchie de fonctionner. Nous rencontrons ces hommes surtout parmi les secrétaires des ministères ou chez les conseillers de Castille et des Indes8. Le troisième type serait la collaboration par pragmatisme : on se place du côté de celui qui semble le plus fort et en 1808, Napoléon apparaît bel et bien comme l’homme fort de l’Europe. Cet engagement ne peut se résumer à de l’ambition personnelle, il peut se justifier par le but d’œuvrer pour le bien public. Enfin le dernier type de collaboration correspond à tous les acteurs « passifs » ou forcés, ceux qui n’ont pas clairement le choix, qui ne peuvent pas éviter de travailler avec les Français, ou qui ne peuvent pas fuir, même si en eux-mêmes ils refusent l’occupation et le changement dynastique. Cette dernière catégorie est la plus nombreuse surtout si l’on y comptabilise tous les assermentés de la monarchie joséphine, fonctionnaires de plus ou moins haut rang, titulaires de toutes sortes de charges qui devaient jurer fidélité à Joseph pour garder leur place9. Ils utiliseront plus tard l’argument du bouclier pour justifier leur coopération avec les Français : s’ils ne l’avaient pas fait, des Français auraient appliqué les mesures du gouvernement et certainement dans des conditions moins favorables pour les Espagnols.
20Tout ceci n’est pas spécifique à l’Espagne de 1808 et renvoie à un schéma que nous pouvons retrouver ailleurs, dans l’espace comme dans le temps en de pareilles circonstances. En revanche, à la faveur de ce contexte, un phénomène nouveau et strictement espagnol se développe : l’apparition et l’affirmation de l’idée de nation espagnole.
Le fait national en Espagne
21Certainement jamais avant 1808 les Espagnols ne s’étaient pensés en terme de nation. Eux-mêmes expriment leur étonnement face à la force avec laquelle s’impose l’idée qu’ils forment une seule et même nation. Plutôt que de reprendre les arguments conceptuels argumentés dans le discours, je m’attacherai à repérer les manifestations de cette idée dans les gestes et les pratiques de l’époque.
22Mais avant, il faut expliquer nécessairement ce que signifie cette idée nationale. Tout d’abord, à mon sens, il ne s’agit pas de nationalisme, dans le sens où la nation serait la mesure de toute action politique. Il ne s’agit pas non plus seulement de nationalité au sens de revendication identitaire même si cette dimension n’est pas absente du discours patriotique pour valoriser l’originalité espagnole face à la France, mais elle n’épuise pas toute la définition de la nation. Il s’agit plutôt de la nation comme construction d’une communauté de destin, devant beaucoup aux notions de respublica et de droit des peuples, c’est-à-dire des notions qui furent utilisées par les patriotes français de 178910. Cette idée de nation naît du constat de l’équivalence du soulèvement dans toutes les régions libres de troupes napoléoniennes. Cette équivalence est d’abord transmise par la presse. Les journaux fondés par les juntes sont à l’affût des nouvelles provenant des régions voisines. Les proclamations patriotiques circulent et sont publiées dans des villes différentes. Les Espagnols y apprennent qu’ailleurs, au même moment, au nom des mêmes principes, d’autres Espagnols ont participé au même mouvement, qui apparaît par conséquent unanime. Les barrières entre les régions tombent, ainsi que l’indiquent de nombreux manifestes relatant le soulèvement à travers la péninsule. On y occulte le fait que les villes sous contrôle français sont restées calmes pour ne faire apparaître qu’une dimension patriotique globale concernant l’ensemble des Espagnols.
23Avec un décalage chronologique normal, les péninsulaires apprennent que dans les colonies, les Américains réagissent de la même façon. En dépit d’une certaine confusion liée aux problèmes de communication, les territoires d’outremer se prononcent pour Ferdinand VII et les proclamations du nouveau roi donnent lieu là-bas aussi à des manifestations populaires de soutien à la cause patriote. Le discours patriotique de la péninsule est repris par les créoles11. Les « frères américains » se mobilisent pour la « mère patrie » en publiant des textes enflammés et plus concrètement en récoltant des dons. Au regard de la fragmentation régionale produite par l’histoire de la monarchie catholique, les principes unitaires du patriotisme créent les possibilités d’une conscience nationale moderne. Les Espagnols se perçoivent comme membres d’une nation unie, ayant un passé commun, unie par des intérêts communs et unie dans un même objectif : faire valoir ses droits bafoués par l’immixtion de Napoléon dans les affaires de leur pays.
24Cette idée nationale n’est pas absente chez les afrancesados. Elle s’exprime différemment. La dimension du droit des peuples n’apparaît pas mais celle de respublica est bien présente. Selon l’expression employée a posteriori par un afrancesado, Juan Llorente, les souverains passent mais la nation demeure. Servir celui-ci ou celui-là n’a de sens que si à travers eux on sert la nation12 ; se ranger du côté de Joseph Bonaparte prend sens dans le cadre d’une défense de la monarchie. En effet, la guerre contre l’Empire français pourrait déboucher sur un démembrement du territoire espagnol. L’intégrité territoriale et l’unité nationale fonctionnent donc aussi comme argument des collaborateurs, qui comptent également sur les progrès que pourrait tirer la nation de l’instauration d’un nouveau régime monarchique. Cet autre argument peut être utilisé à juste titre car le changement dynastique imposé par Napoléon s’accompagne d’une réforme profonde de la monarchie espagnole. À Bayonne, l’empereur rédige lui-même un projet de constitution pour l’Espagne. Il souhaite la présenter à une assemblée de représentants du royaume. La méthode a déjà été employée pour l’Italie en 1801 et en 180513. Le 15 juin 1808, des Cortes, terme espagnol signifiant assemblée du royaume sont ouvertes à Bayonne. Y sont convoqués des députés des villes espagnoles, des nobles et le haut clergé. Six députés représentent également les territoires d’outremer. Fait totalement inédit dans l’histoire de la monarchie catholique, des Américains sont associés aux prises de décisions politiques. La mesure témoigne de l’intérêt porté par les Français aux colonies espagnoles, principales sources de richesses de la péninsule et enjeu géostratégique de premier ordre dans la lutte avec l’Angleterre.
25Le projet constitutionnel comporte un double objectif : exporter des idées proches de celles de la France post-révolutionnaire comme la liberté civile et l’égalité juridique, et satisfaire aussi les Espagnols éclairés qui n’avaient pu faire aboutir leur programme de réformes sous le règne de Charles IV. Entretenu par la correspondance de Murat dans l’idée que les Espagnols fondent sur lui leurs espoirs de sortie de la crise, Napoléon pense pouvoir mettre à bas l’Ancien Régime. N’a-t-il pas dit lui-même « les Espagnols sont comme les autres peuples, ils seront trop heureux d’accepter les constitutions impériales14 ». Pourtant les premières discussions qu’il a avec les membres du Conseil de Castille l’obligent à réviser son projet. Puis, les remarques des députés des Cortes modifient encore plus le texte. L’empereur doit renoncer à introduire le Code civil. Des privilèges nobiliaires tels que le majorat sont maintenus, les libertés provinciales, les fueros, sont conservées pour la Navarre et les Provinces basques, enfin, à titre d’exemple des renoncements en matière religieuse, l’Inquisition n’est pas abolie.
26Même si cette constitution, jurée à Bayonne par les députés et Joseph Bonaparte le 8 juillet, ne liquide pas totalement l’Ancien Régime espagnol, elle n’en représente pas moins une rupture majeure. Elle est, d’une part, le premier texte constitutionnel écrit. D’autre part, la séparation des pouvoirs y est affirmée et on y retrouve plusieurs marques d’institutions typiquement napoléoniennes comme le Sénat ou le Conseil d’État15. Les concessions faites aux Espagnols présents aux Cortes de Bayonne par l’empereur s’expliquent facilement en raison des circonstances. Quand se discutent les articles de la constitution, les nouvelles du soulèvement des provinces sont connues. Les députés des régions entrées en résistance ne sont pas venus à Bayonne mais d’autres non plus, en particulier des évêques. Pour asseoir la nouvelle dynastie il faut bien prendre en compte les remarques de ces Espagnols qui, eux, sont prêts à collaborer. En raison de l’état de guerre qui dure tout au long du règne contesté de Joseph Ier, cette constitution ne pourra jamais être appliquée.
27Paradoxalement, c’est dans le camp patriote, pourtant au départ considéré comme plus réactionnaire, que l’on rencontre l’aboutissement politique le plus radical des projets nationaux. Nous pouvons suivre à grandes lignes la logique qui conduit d’une réaction de défense patriotique – le soulèvement contre la France en 1808 – au déclenchement d’une révolution–la proclamation de la souveraineté nationale en 1810. Un problème fondamental se pose aux responsables patriotes. La souveraineté est éclatée en de multiples points, c’est-à-dire dans chaque junte de gouvernement provincial. Le problème est politique tout autant que stratégique. Il faut donc s’unir, ce qui devrait se faire facilement puisque tous ces patriotes travaillent dans le même but. Les premiers appels à l’union apparaissent dès le 1er juin 1808 mais la dynamique ne prend forme qu’après la victoire de Bailén, le 19 juillet 1808 quand les troupes napoléoniennes doivent se retirer au nord de la Castille, libérant la capitale Madrid aux premiers jours d’août. Dans la suite de l’été 1808, les juntes réussissent à s’entendre pour mettre en place un gouvernement central qui réunirait en un seul lieu l’autorité royale. La Junte centrale, installée officiellement dans le palais royal d’Aranjuez le 25 septembre 1808, est composée de deux députés de chaque junte siégeant dans une ville capitale de province ou d’anciens royaumes. La justification de son pouvoir est double. D’une part, elle tire sa légitimité de la doctrine pactiste qui affirme que, lorsque le souverain est empêché de régner, la souveraineté revient aux royaumes, en vertu du pacte originel passé entre les communautés et leur roi. Leurs représentants, en l’occurrence les députés des juntes provinciales, ont donc le droit d’instaurer un gouvernement supplétif. D’autre part, la reconnaissance par la population du pouvoir suprême exercé localement par les juntes assure une légitimité directe à leurs membres. Nous pourrions dire pour schématiser que la Junte centrale a une double mission : assurer la permanence du pouvoir royal et prendre en compte la volonté de la population. Tout se joue donc autour de la question de la représentation. La Junte centrale représente le roi et en même temps le peuple soulevé.
28Entre septembre 1808 et janvier 1810, date à laquelle la Junte centrale est renversée au cours d’une émeute à Séville et remplacée par un Conseil de régence, la représentation de la nation prend le pas sur celle du roi. Ce glissement est le produit d’un phénomène essentiel qui se produit durant ces deux années cruciales. Malgré les discours juridico-politiques expliquant les raisons du transfert de la souveraineté, la source primordiale de la légitimité vient finalement de l’accord de la population. Le gouvernement patriote est obligé de vérifier régulièrement cet accord avant tout par la mise en place de nouvelles relations politiques entre lui et les gouvernés. La Junte centrale, suivant en cela les juntes provinciales, s’adresse à la population au moyen de proclamations imprimées, de journaux patriotiques qu’elles financent ou qu’elles contrôlent elles-mêmes16. On observe à cette époque un développement impressionnant de la presse17, dans laquelle on explique la situation politique, on critique l’ancien gouvernement qui a mené à cette solution et finalement on exprime l’attente de réformes qui mettraient par la suite les Espagnols à l’abri de telles crises. Pour stimuler l’ardeur patriotique, on laisse les particuliers publier des textes du même genre.
29Le public – la nation pourrait-on dire en extrapolant – est de plus en plus pris en compte. La circulation des idées permet l’émergence de l’opinion publique au sens d’un espace de débats, plus ou moins consensuels, comme l’Espagne n’en a jamais connu. En même temps, les patriotes réalisent que l’ambivalence représentative de la Junte centrale n’offre pas une base stable au gouvernement. Les Anglais, qui soutiennent la Junte centrale, demandent une clarification des institutions politiques patriotiques. Comme représentation du roi, il vaudrait mieux un conseil de régence plutôt qu’une junte, mais comme représentation de la nation, cette junte composée d’une trentaine de députés est insuffisante. Ainsi naît l’idée de la convocation des Cortes. Mais quelle sorte de Cortes et pour quoi faire ? Pour répondre à la question, les membres de la Junte centrale, à la suite du décret du 22 mai 1809 annonçant l’ouverture prochaine de Cortes extraordinaires, instituent une consultation nationale sollicitant des rapports auprès de différentes autorités. Tous les Espagnols qui le désirent sont également invités à envoyer leurs réponses à la Junte18.
30S’en tenir à l’ancienne forme, c’est-à-dire à des représentants de villes privilégiées, est unanimement rejeté. Tous les responsables patriotes sont conscients que l’ensemble des Espagnols doit avoir accès à la représentation ne serait-ce qu’en juste récompense des services rendus à la cause de la résistance. Dans la deuxième moitié de l’année 1809, on s’achemine vers la convocation de Cortes nationales qui seraient l’assemblée de tous les Espagnols, intégrant également une représentation des Américains. Le programme qu’on leur assigne n’est pas seulement la désignation formelle du gouvernement au nom de Ferdinand VII mais aussi la réforme de la monarchie. Une formule pourrait résumer le mouvement : si les Espagnols luttent pour leur patrie et leur roi ce n’est pas pour revenir au système antérieur qui a prouvé son échec. La presse d’opinion, pendant ces quelques mois abreuve ses lecteurs de notions politiques nouvelles : volonté générale, séparation des pouvoirs, gouvernement représentatif, élection de représentants proportionnellement à la population, etc.19 Les rédacteurs de cette presse d’opinion, faisant œuvre de pédagogie politique, se présentent eux-mêmes comme l’expression de la volonté générale.
31Bien évidemment en Espagne à cette époque, le processus est limité à un petit nombre de personnes, qui sont les médiateurs de la modernité. Il s’agit d’un cercle restreint qui touche les hommes proches du pouvoir dans les deux villes, Séville et Cadix, qui sont les réduits patriotes en ces années d’avancée extrême de l’occupation napoléonienne. Ils se connaissaient pour la plupart avant les événements de 1808 et possèdent une formation littéraire et juridique qui doit beaucoup à la culture française de la fin du xviiie siècle. Ils ont expérimenté les débats d’idée dans les académies ou les tertulias (un genre de salons typiquement espagnols dédiés à la civilité20). Certains travaillent dans les bureaux de la Junte centrale, d’autres sont des publicistes.
32Entre janvier et septembre 1810 selon les régions, les Espagnols sous contrôle patriote élisent leurs représentants aux Cortes. La procédure électorale choisie par la Junte centrale est en elle-même une rupture avec l’ordre ancien. Le scrutin est très large, le plus large possible pour l’époque puisqu’il n’exclut que les femmes et les hommes dépendants. Nous avons là une première manifestation concrète de la représentation nationale. Pour représenter les provinces occupées ainsi que les Amériques en attendant l’arrivée des titulaires, le gouvernement a décidé de faire élire des députés suppléants parmi les natifs de ces provinces réfugiés à Cadix. Ceci permet de retrouver parmi ces députés des hommes participant à ces nouvelles formes de la politique moderne, instruits des affaires publiques et perméables aux idées réformatrices. Ils composent presque la moitié des présents quand s’ouvrent les sessions des Cortes le 24 septembre 1810 et vont influencer les premiers débats de l’assemblée. Ce jour-là, les députés votent la souveraineté de la nation. Un mois plus tard, ils votent la liberté de la presse ; ce même mois d’octobre, ils élisent les membres du conseil de régence, pouvoir exécutif responsable devant la nation. La première phase de la révolution espagnole est donc consommée : la souveraineté a changé légalement de titulaire et les bases de la monarchie ont été radicalement transformées.
33Au mois de décembre une commission de constitution est mise en place. Ses travaux prolongent ceux d’un comité consultatif mis en place par la Junte centrale pour préparer la convocation des Cortes. Ce comité, la Junte de législation, s’était prononcé pour l’instauration d’une monarchie constitutionnelle unitaire basée sur la séparation des pouvoirs garantissant les libertés publiques et l’égalité civile21. En mars 1812, cette constitution libérale est proclamée, clôturant la deuxième phase de la révolution. À la différence de celle de Bayonne, la constitution de Cadix est progressivement appliquée au fur et à mesure que le territoire de l’Espagne est libéré des Français. Les municipalités sont élues par la population, le nombre d’ecclésiastiques limité dans les conseils, et des couvents sont fermés, vendus comme biens nationaux. En 1813, l’Inquisition est abolie. Paradoxalement, le retour de Ferdinand VII et avec lui de l’absolutisme en 1814, met provisoirement fin à la première expérience constitutionnelle espagnole22.
34La lutte contre l’envahisseur, qui insiste sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, permet aux patriotes espagnols d’inventer une solution à la crise de leur Ancien Régime. Au-delà du refus passif des mesures dictées par l’extérieur, ils revendiquent l’idée de liberté. Leur solution est celle du libéralisme concrétisé par la monarchie constitutionnelle. C’est un régime modéré qui pourrait faire penser à la monarchie anglaise mais qui s’en éloigne par l’affirmation de l’unicité de la représentation nationale. En fait, cette constitution se rapproche du modèle français de 1791, moment où la nation prit en charge le pouvoir souverain sans écarter totalement le roi. N’oublions pas qu’en 1808, en 1810 ou en 1812, les patriotes espagnols agissent au nom de Ferdinand VII, captif en France. Cette influence française fut ressentie et les députés des Cortes de Cadix ont dû rassurer le public lors des débats en prenant leurs distances vis-à-vis de la constitution française qui était connue des Espagnols éclairés. En 1812, il était bien sûr impossible de se référer à un modèle pris chez l’ennemi.
Notes de bas de page
1 Gonzalo Anes, El siglo de las luces. Historia de España (dir. M. Artola), t.4, Madrid, Alianza Editorial, 1994, p. 310-311.
2 Carlos Monton, La revolución armada del Dos de mayo en Madrid, Madrid, Ediciones Istmo, 1983, p. 45.
3 A. Grasset, La guerre d’Espagne, Paris, Berger-Levrault, 1914, vol.1, p. 403-408.
4 Manifiesto o declaración de los principales hechos que han motivado la creacíon de esta Junta suprema de Sevilla, Séville, 17 juin 1808.
5 L’expression doit beaucoup au succès de l’ouvrage d’un des témoins de l’époque, le comte de Toreno, Historia del levantamiento, Guerra y Revolucion de España, Madrid, 1835. Voir le récit des événements dans Miguel Artola, La España de Fernando VII, Historia de España, T. XXXII, Madrid, España Calpe, 1968, p. 48-68.
6 Jean-René Aymes, » Le discours clérical contre-révolutionnaire en Espagne (1789-1795) », Les Révolutions ibériques et ibero-américaines à l’aube du xixe siècle, Actes du colloque, Presses Universitaires de Bordeaux, 1989, p. 25-43 et Lluis Roura, « La Guerra de la Convencion, la ocupacion napoleonica y la primera crisis del Antiguo Régimen », G. Burron -A. Ramos (éd), Intervencion exterior y crisis del Antigua Régimen en España, Huelva, Universidad de Huelva, 2000, p. 13-31. Durant cette Guerre de la Convention, les Espagnols expérimentent plusieurs éléments caractéristiques de la lutte patriotique : la guerrilla, l’exhortation au combat par le discours, la mobilisation de toutes les autorités, civiles comme militaires…
7 Cf. l’analyse de la composition des juntes et la signification de ces institutions dans R. Hocquellet, Résistance et révolution durant l’occupation napoléonienne en Espagne, 1808-1812, Paris, La Boutique de l’histoire, 2001, p. 140-153.
8 La figure emblématique de ce type de collaborateur est José Ceballos. Il est successivement secrétaire d’État de Charles IV, puis de Ferdinand VII entre mars et mai 1808, puis de Joseph Ier jusqu’en août 1808 avant de rejoindre les patriotes de la Junte centrale en septembre 1808 pour occuper le même poste. Il incarne ainsi véritablement et personnellement la continuité du gouvernement de la monarchie.
9 Miguel Artola, Los Afrancesados, Madrid, 1982, p. 38-40.
10 Jean-Yves Guiomar, La Nation entre l’histoire et la raison, Paris, La Découverte, 1990, p. 116 et 120.
11 François-Xavier Guerra, « Lógicas y ritmos de las revoluciones hispánicas », Revoluciones hispánicas, independencias americanas y liberalismo español, F.-X. Guerra dir., Madrid, Editorial Complutense, 1995, p. 14-46.
12 Juan Llorente, Representacion a su Majestad el señor Don Fernando VII, 1814.
13 Réunion des notables cisalpins à Lyon en 1801 et des sénateurs de Gènes à Milan en 1805. Stuart Woolf, Napoléon et la conquête de l’Europe, Paris, Flammarion, 1990, p. 159.
14 Cité par Georges Lefebvre, Napoléon, Paris, Felix Alcan, 1935, p. 253.
15 Cf. le texte constitutionnel dans L. Connard, La Constitution de Bayonne, 2 t., Bibliothèque d’Histoire Moderne, Paris, 1910 et son analyse détaillée dans Mercader Riba, José Bonaparte, Rey de España (1808-1813), Estructura del Estado español bonapartista, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones cientificas, 1983.
16 R. Hocquellet, « La publicidad de la Junta central española (1808-1810) », Los espacios publicos en Iberoamérica (dir. François-Xavier Guerra et Annick Lempérière), Fondo de Cultura Economica, Mexico, 1999, p. 140-167.
17 Pas moins de vingt-six nouveaux journaux voient le jour entre juin et septembre 1808 dans des villes de toutes tailles. Cf. Coleccion documental del Fraile, Servicio Historico Militar, Madrid.
18 L’ensemble de ces réponses forment la Consulta al país dont les dossiers sont conservés à l’Archivo del Congreso de los diputados, Madrid, série General, leg. 6.
19 Parmi les principaux journaux de ce type de presse, l’un porte le titre emblématique de « El Voto de la Nacion española » (Séville, décembre 1809-janvier 1810).
20 La tertulia principale est celle que tenait le jeune poète Manuel Quintana à Madrid avant 1808. Quintana est, en 1809, le premier secrétaire du secrétariat général de la Junte centrale et à ce titre le rédacteur des proclamations et des préambules des décrets. Cf. Albert Derozier, Quintana et la naissance du libéralisme en Espagne, Paris, Les Belles Lettres, 1968.
21 Francisco Tomas y Valiente, « Genesis de la Constitución de 1812. I. De muchas leyes a una sola constitución », Anuario de Historia del derecho español, Madrid, n° 65, 1996, p. 13-125.
22 En 1820, suite à une nouvelle révolution libérale, la constitution de Cadix est proclamée. Le Trienio liberal s’achève en 1823 avec l’invasion des troupes françaises, les « Cent mille enfants de Saint Louis », venues prendre la défense de Ferdinand VII.
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