Napoléon, l’Europe et le blocus continental
Application et réactions à partir de l’étude de trois villes portuaires : Bordeaux, Hambourg et Livourne
p. 71-90
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Index géographique : France
Texte intégral
1Au début du mois de novembre 1806, moins d’un mois après avoir battu les Prussiens à Iéna, les Français occupent Lübeck, mettent la ville à sac et rançonnent ses habitants. Le 19, les troupes du général Mortier s’emparent de Hambourg ; le lendemain, les Français pénètrent à Brême. Une fois assuré du contrôle des trois villes hanséatiques, ce qui lui semble permettre une surveillance efficace de la Mer du Nord et de la Baltique, Napoléon proclame le décret mettant les Îles britanniques en état de blocus à Berlin, le 21 novembre 1806.
2Plusieurs historiens ont souligné que ce décret manque d’originalité et qu’il cristallise des idées et des programmes antérieurs. Pour les commerçants français en particulier, il n’introduit pas de nouveautés significatives. Son importance capitale réside plutôt dans le fait que l’empereur veut désormais associer l’Europe entière à son offensive contre le commerce britannique. Cette volonté est évidente dès la proclamation même du décret : l’article 9 charge le ministre des Affaires Étrangères d’en transmettre une copie aux souverains d’Espagne, de Naples, de Hollande et d’Étrurie. Dans une lettre à Talleyrand, Napoléon le presse le jour même d’envoyer un courrier extraordinaire à ces souverains ainsi qu’à celui de Hambourg et ajoute : « Insistez pour que dans chacun de ces pays les mêmes mesures soient prises1 ». Bien qu’aujourd’hui la majorité des historiens soit d’accord avec Georges Lefebvre pour refuser de faire du blocus la « raison d’être » de l’Empire, la volonté d’appliquer avec plus de rigueur le décret de Berlin contribue à expliquer l’expansionnisme napoléonien après 18062.
3Par l’importance que l’empereur attache aux mesures prohibitives contre le commerce britannique, l’étude du blocus et particulièrement des réactions de rejet qu’il suscite et des difficultés de sa mise en vigueur, constitue un aspect essentiel pour appréhender la vision que Napoléon se fait des différents territoires composant l’Empire, soumis en théorie à la même législation, mais objets d’un traitement non uniforme en pratique. Cette contribution s’efforcera de comparer l’application du blocus dans trois villes maritimes de l’Empire, dont l’une, Bordeaux, appartenait à l’ « ancienne France » tandis que les deux autres, Livourne (1808) et Hambourg (1810), furent tardivement annexées à celle-ci3. Les ports permettent de mesurer l’impact du blocus de façon la plus sensible. Au-delà des différences dans le traitement réservé aux négociants français, allemands et toscans par Napoléon, cette étude permet également de saisir les similitudes dans les comportements des peuples européens, par-dessus les différences de langue et de culture. L’échec du blocus révèle enfin les limites d’un régime et d’un système administratif qui est souvent objet d’admiration.
Le blocus continental
4Il n’est pas question d’examiner en détail les dispositions prévues par le décret, car ce n’est pas tellement son contenu qui importe ici, mais la manière dont il fut appliqué et reçu. L’article 2 interdit tout commerce et toute correspondance avec la Grande-Bretagne, l’article 5 prévoit l’exclusion des ports de l’Empire des navires arrivant d’Angleterre ou des colonies britanniques. Le décret s’inscrit ainsi dans la continuité des mesures adoptées dès 1793, notamment de la loi du 10 brumaire an V (31 octobre 1796) interdisant l’importation en France de tout produit manufacturé anglais ou provenant du commerce anglais ; cette dernière mesure visait les tissus de coton indiens et marquait déjà, outre un souci de protection de l’industrie française, la volonté de frapper les intérêts commerciaux britanniques4.
5Aussi longtemps que l’Europe demeurait anti-française et que les navires neutres circulaient sans trop d’entraves, ces dispositions ne pouvaient ni affaiblir l’économie britannique ni contraindre les Anglais à la paix. Pour cette raison, la conquête militaire et la création d’États-satellites furent très tôt conçues en France comme le moyen le plus adéquat pour accroître l’impact de la guerre économique sur l’ennemi. Avancée en l’an III par Caillard, ministre plénipotentiaire français à Ratisbonne, l’idée de fermer le continent entier au commerce britannique avait été reprise en 1798 par Sieyès et Napoléon : déjà, on soulignait la nécessité de contrôler les côtes septentrionales allemandes, où les navires neutres débarquaient les produits anglais en grandes quantités. Il était donc logique que la France s’attaque tôt ou tard à la navigation neutre dans la mesure où celle-ci favorisait le commerce anglais. La loi du 29 nivôse an VI (18 janvier 1798) autorisait la saisie de tout bâtiment – pas seulement de sa cargaison – transportant des marchandises d’origine britannique, sans tenir compte de la nationalité de leur propriétaire. C’était la première mesure forte contre la navigation neutre. Après un retour à la normale pendant la paix d’Amiens, le décret du 1er messidor an XI (20 juin 1803) interdit l’importation non seulement des produits manufacturés, mais aussi des marchandises en provenance de la Grande-Bretagne ou de ses colonies, y compris les denrées coloniales. Toute importation en France devait désormais être accompagnée d’un certificat d’origine.
6Ce rappel des dispositions précédentes confirme que le décret de Berlin n’introduit pas de grands changements pour les négociants français : il se présente avant tout comme une déclaration de principe, non dépourvue d’un certain caractère grotesque si l’on considère que, après Trafalgar, c’était plutôt la Royal Navy qui mettait l’Europe en état de blocus. Le décret de Berlin peut aussi être interprété comme la riposte française à l’Ordre en Conseil de mai 1806, instituant le blocus des côtes comprises entre Brest et Hambourg. Le préambule du décret de Berlin indique clairement la volonté de présenter cette mesure comme une défense nécessaire face à l’arrogance britannique.
7La nouveauté réside dans la volonté de forcer l’Europe entière, bon gré, mal gré, à appliquer les dispositions anti-anglaises. Napoléon développe ainsi des idées en matière de guerre commerciale qui ne lui sont pas propres, mais auxquelles sa politique donne un sens nouveau. Au moment de la proclamation du blocus, l’empereur contrôle une partie importante des côtes européennes, soit directement, soit par l’intermédiaire des États-satellites et vassaux. L’étendue des territoires sous influence française allait ainsi s’accroître encore dans les mois suivants. À la suite des victoires militaires napoléoniennes, le blocus fut proclamé dans une aire géographique dépassant largement les frontières de l’Empire. À la fin de l’année 1807, la Russie, la Prusse et l’Autriche ont adhéré au blocus. Le bombardement anglais de Copenhague en septembre 1807 a poussé le Danemark aux côtés de Napoléon. Les ports hanséatiques et la Poméranie suédoise étaient aux mains des troupes françaises. Le Portugal, qui avait montré des réticences vis-à-vis du décret de Berlin, avait été occupé par l’armée impériale. En Méditerranée, l’Espagne a dû promulguer des dispositions commerciales contre la Grande-Bretagne, alors que les principaux ports italiens (Gênes, Livourne) sont contrôlés par les Français ou par des États-satellites ou alliés à la France (Ancône, Naples, Venise et Trieste).
8La situation en 1807 était donc favorable à un durcissement des dispositions du blocus. Le décret de Fontainebleau le 13 octobre 1807 et les deux décrets de Milan les 23 novembre et 17 décembre 1807, accentuent le caractère offensif de la politique commerciale napoléonienne et éliminent les ambiguïtés et les incertitudes soulevées par le décret de Berlin. Les denrées coloniales et de nombreux autres articles sont déclarés britanniques par nature, donc toujours saisissables, à moins d’être pourvus d’un certificat, délivré par le consul français du port d’embarquement, attestant leur origine licite. Les navires ayant fait escale en Grande-Bretagne sont de bonne prise, ainsi que leur cargaison, sans qu’importe la nationalité des propriétaires et du pavillon. Enfin, Napoléon déclare « dénationalisé » et saisissable tout navire ayant fait l’objet d’une visite anglaise. C’est une mesure de représailles aux Ordres en Conseil des 11 et 18 novembre 1807 qui instituent un blocus rigoureux de tous les ports du continent européen n’admettant pas le pavillon anglais – c’est-à-dire, toute l’Europe sauf la Suède – et qui obligent tout navire se rendant dans un de ces ports à subir une visite et à payer à la Grande-Bretagne un droit de 25 % de la valeur de la cargaison, ou à se procurer une licence britannique autorisant le trajet5.
9À la fin de 1807, les Anglais ne permettent aux Neutres que de se rendre en Grande-Bretagne ou de naviguer sous leur permission. Cela rend le navire et la cargaison de bonne prise pour les Français. Sous les effets croisés des dispositions impériales et britanniques, le commerce neutre devient impossible, ce qui pousse les États-Unis à renoncer à tout trafic avec l’Europe. Jusque-là, la navigation des pays neutres, des Américains et des Danois en particulier, avait prospéré. Si les marchandises provenaient de territoires non-britanniques, si elles appartenaient à des négociants alliés ou neutres et étaient transportées sur des navires neutres, alors elles étaient admises en France. La fin de la navigation neutre en 1807 affecte sérieusement les trafics maritimes de tous les ports sous domination napoléonienne, y compris ceux de l’ancienne France.
10Ce durcissement des dispositions s’accompagne de la volonté d’en assurer le respect. Partout où l’application du blocus semblait insatisfaisante, l’intervention napoléonienne est brutale : ainsi, Livourne et la Toscane sont annexés en 1808, la Hollande, les côtes de la Mer du Nord jusqu’à Lübeck en 1810. L’expansion de l’empire, après la proclamation du blocus, vise essentiellement au contrôle du littoral européen. Ces nouvelles annexions ne tiennent pas compte des désirs des élites et des populations locales, et ne peuvent qu’accroître les inquiétudes qui s’ajoutent aux griefs soulevés dans les États vassaux par les conséquences du ralliement à la politique commerciale de l’Empire. Car, si les gouvernements ne sont pas insensibles aux arguments protectionnistes ni aux avantages fiscaux qu’on tire après 1810 en appliquant le tarif de Trianon, imposant lourdement toute importation de produits coloniaux, il était en revanche clair que le système de navigation avec licence mis en place dès 1809, avantageait la France par rapport à ses alliés. Dans tous les cas, ce sont les consommateurs qui font les frais de cette politique qui accroît démesurément le prix des denrées. Le blocus contribue ainsi à détacher du régime une bonne partie des populations européennes et à éloigner les alliés. Mais il soulève aussi des mécontentements dans l’ancienne France, notamment dans les ports. Dans l’immédiat, il posait aux négociants de l’Europe entière un formidable défi.
La réponse du négoce maritime
11Comme lors des précédents conflits maritimes, les négociants s’adaptent au contexte de guerre avec une étonnante souplesse. Ils utilisent les possibilités commerciales que leur offre le régime, la course et les licences de navigation, et ils s’adonnent, là où ils en ont la possibilité, aux trafics illicites. Pour ceux-ci, ils peuvent s’appuyer partout sur une population largement solidaire.
12En ce qui concerne les moyens légaux de poursuivre l’activité marchande, le premier constat qui s’impose est que l’Empire n’offre pas à tous ses sujets les mêmes possibilités. Les ports de l’ancienne France ont notamment un traitement de faveur dans la concession des licences de navigation par rapport aux ports de l’Europe annexés à l’Empire. Bordeaux paraît même privilégiée par rapport aux autres villes françaises, vraisemblablement en raison de l’impression qu’a produite sur Napoléon sa visite de la cité girondine en avril 1808. Privée de l’apport des navires neutres et connaissant une activité corsaire limitée, la situation à Bordeaux était dramatique. Pour éviter de mécontenter à la fois les négociants et les propriétaires, c’est-à-dire les notables sur lesquels le régime prétendait s’appuyer, et pour réanimer quelque peu les activités du port et donner ainsi du travail à une population réduite au chômage, Napoléon décide quelques jours à peine après son séjour dans la ville d’autoriser à nouveau les relations maritimes de long cours, tout en les soumettant au contrôle étroit de l’État. Avant tout autre port français, Bordeaux reçoit ainsi dès 1808 une quinzaine de licences d’armement. Dans les années suivantes, le système de navigation sous licence se généralise et ne cesse d’évoluer. La flexibilité du système est pourtant réduite, les exigences des négociants ne sont prises en compte que dans la mesure où elles ne se heurtent pas aux impératifs de la politique. Le succès de ces autorisations dans le monde marchand varie par conséquent dans le temps et dans l’espace, en fonction de la compatibilité des dispositions françaises, anglaises et américaines.
Tableau 1 : Licences et permis américains délivrés et retirés à Bordeaux, Hambourg et Livourne6
13Le port de Bordeaux est, sans aucun doute, plus favorisé que tout autre dans l’Empire. La ville reçoit un tiers du total des licences de 1809-1810, dites « d’ancien système », réservées exclusivement aux ports de l’« ancienne France », malgré les demandes réitérées provenant des villes annexées et des alliés. Quant aux différentes séries des licences et permis créés après juillet 1810, le tableau 1 permet de souligner le traitement différent réservé par le régime napoléonien à Bordeaux et aux deux autres ports.

14n licences simples et diverses, licences pour l’importation des grains, licences hanséatiques, permis ottomans.
15m Permis américains, permis pour l’importation du riz des États-Unis et permis délivrés à Bordeaux pour armer vers les États-Unis sous pavillon français.
16L’écart entre les licences délivrées et celles effectivement retirées et payées par les armateurs montre que les opérations autorisées correspondent imparfaitement aux exigences des négociants de Hambourg et de Livourne, qui n’enlèvent qu’un tiers des licences, alors que celles de Bordeaux semblent mieux répondre aux besoins, puisque la moitié fut écoulée. Mais Bordeaux profite surtout de la concession des permis américains, ce qui, après la révocation de l’embargo américain en 1809 et plus encore après les rétablissements de bonnes relations diplomatiques entre la France et les États-Unis en 1810, lui permet de maintenir avec ce pays des trafics supérieurs à ceux de tous les autres ports français additionnés.
17Privilégiés par rapport aux autres villes, les négociants de Bordeaux ne manquent pas de profiter de la situation, quitte à forcer le sens des dispositions prévues pour réaliser des expéditions plus avantageuses. Les irrégularités sont fréquentes. On constate, par exemple, de nombreux départs de navires qui précèdent l’arrivée de la licence à Bordeaux, mais surtout de fausses déclarations sur la cargaison, ce que l’on retrouve partout ailleurs dans les ports de l’Empire. Puisque les licences obligeaient à exporter la contre-valeur de l’importation, la maison Clamageran de Bordeaux déclarait par exemple à la Douane en 1813 une exportation de vin trois fois plus grande en quantité et sept fois plus élevée que la valeur réelle : fausse déclaration sans risques, car les contrôles de la Douane et de la police à Bordeaux semblent être pratiquement inexistants7.
18Les opportunités commerciales offertes aux négociants des ports par le régime napoléonien peuvent se résumer à la concession de licences de navigation et à la possibilité d’armer des corsaires. Par ailleurs, ces avantages étaient largement réservés aux négociants de l’ancienne France. Napoléon réalisait parfaitement que sa politique nuisait aux intérêts des villes portuaires, mais il considérait que celles-ci devaient être sacrifiées temporairement aux exigences de la guerre commerciale. Quant à la prospérité des négociants étrangers, même dans les régions annexées, elle n’était pas une priorité. Napoléon pensait qu’une fois brisée la suprématie anglaise sur les mers, le commerce maritime aurait pu reprendre rapidement. Les négociants, toutefois, n’étaient nullement disposés à attendre passivement le retour à la paix. Les ports aux marches de l’Empire, c’est-à-dire les ports annexés, pouvaient profiter de la proximité des frontières et de l’éloignement de Paris pour essayer d’organiser d’efficaces circuits de contrebande.
19En premier lieu, les négociants modifient les routes commerciales : c’est un moyen pour mettre les marchandises interdites hors d’atteinte et pour les introduire ensuite là où les contrôles sont moins efficaces. Dans le nord de l’Europe, les trafics s’étaient déplacés une première fois vers l’est après l’occupation d’Amsterdam, ce qui avait énormément profité aux villes hanséatiques. Après l’annexion de la côte de l’Allemagne septentrionale en décembre 1810, on assiste à un nouveau déplacement des routes maritimes vers la Baltique. Les marchandises, convoyées par la marine britannique, transitent alors par la Suède, qui demeure un allié douteux de la France, même après l’installation de Bernadotte. De la Baltique, les produits sont ensuite transportés vers Leipzig et redistribués en Europe occidentale. De nombreux négociants bordelais et hambourgeois se rendent vers les pays de la Baltique afin de participer à ces opérations. En revanche, dans l’Europe du sud, on utilise la route qui, de Salonique, mène à travers les Balkans en Autriche et dans l’Allemagne du sud. Malgré l’énorme détour, il semble que les profits, à Vienne, pouvaient varier entre 25 % et 70 % selon les produits8.
20Parallèlement, le négoce met en place des entrepôts stratégiques dans lesquels on stocke les marchandises dont l’importation dans l’Empire est interdite ou fortement taxée. Selon des chronologies variables, ce sont, dans l’Europe du nord, les ports d’Emden (en Prusse), de Tonningen (au Danemark), de Göteborg (en Suède) mais, surtout, l’île danoise de Helgoland que les Anglais ont occupée en 1807. Dans la Méditerranée, ce sont Gibraltar et Malte. C’est à partir de ces entrepôts que les marchandises sont introduites dans l’Empire avec de faux papiers et, souvent, grâce à la complaisance des fonctionnaires impériaux chargés de les vérifier. Comme le remarque un rapport de Beugnot en 1809 :
« Tout ce que le génie de la contrebande a d’invention et de ressources est employé particulièrement dans les Duchés de Schleswig, aux embouchures de l’Elbe, du Weser et de l’Ems. Helgoland est toujours le grand entrepôt. Toutes ces marchandises s’introduisent en Allemagne par ruse, ou après avoir reçu quelque part un baptême chèrement acheté9 ».
21Les côtes de la Mer du nord sont mal surveillées par l’armée impériale, mobilisée encore, en 1809, à l’apogée commerciale de Helgoland, par les campagnes d’Autriche et d’Espagne. Les saisies sont tellement rares qu’il est possible de s’assurer contre tout risque à un taux modéré (6 %-8 %). Dans les Pyrénées, à l’autre bout de l’Empire, la contrebande de grande envergure, par bandes armées, profite notamment à quelques négociants bordelais, comme en témoigne ce rapport de gendarmerie en 1810 :
« Les rapports qui me parviennent des départements frontières d’Espagne annoncent que la contrebande qui s’exerce […] fait depuis quelque temps des progrès qui méritent une attention sérieuse. Il résulte […] qu’il part de Pau chaque semaine une quantité considérable de sucres et d’autres denrées coloniales destinées pour Bordeaux et Paris. Cette contrebande favorisée par un grand nombre d’habitants se fait par bande de deux à trois cents hommes10 ».
22Toutefois, la proximité des frontières favorise surtout les négociants de Hambourg et de Livourne. Hambourg n’est situé qu’à un quart d’heure de marche de la ville danoise d’Altona. À plusieurs reprises et jusqu’en 1810, le Danemark est relativement ouvert au « commerce » américain, ou à ce qui se prétendait tel. D’énormes quantités de denrées coloniales parviennent ainsi à Altona. Quant à Livourne, son statut de ville frontalière lui vient du régime douanier particulier qui y institue un port franc, ayant l’étendue de toute la ville à l’intérieur des murailles. D’octobre 1808 à la fin de l’année 1810, il est donc possible d’y importer toute marchandise (à l’exclusion des produits anglais) et de l’entreposer sans payer de droits. La tentation est évidemment grande de transporter par la suite ces denrées en fraude dans l’Empire.
23Tant à Hambourg qu’à Livourne, une foule de personnes se chargeait de transporter chaque jour de petites quantités de marchandises au-delà de la ligne des Douanes. Cette fraude, que les contemporains appelaient « filtration », occupe rapidement plusieurs milliers de personnes : un sixième de la population de Hambourg et de Livourne vit principalement grâce à ce genre de revenus. La filtration était avant tout exercée par les classes populaires, touchées par la diminution des trafics portuaires et par la crise des manufactures urbaines liées au commerce maritime. Parmi les fraudeurs, il n’y a cependant pas que des gens très pauvres ou des chômeurs. En août 1810 à Livourne, on avait fouillé le prêtre qui accompagnait jusqu’au cimetière les corps des personnes décédées à l’hôpital. Le cimetière se trouvait dans le faubourg, au-delà de la ligne des Douanes. Sous sa soutane, l’écclésiastique cachait un tissu de mousseline et six pièces de nankin. Ce cas rappelle la découverte faite lors d’inhumations au cimetière de Hambourg : un cercueil provenant du faubourg de l’Hamburgerberg, suivi par le pasteur et une petite foule de personnes, ne contenait pas de dépouille, mais du sucre et du café ! Le nombre excessif « d’enterrements » avait fini par éveiller l’attention des douaniers. Au-delà de l’anecdote, ces modalités révèlent toute une population complice s’adonnant à la fraude, apparemment sans aucune retenue. Les autorités constataient d’ailleurs que l’infraction à la loi n’était pas jugée infamante au sein des sociétés portuaires. Le commissaire général de police de Livourne remarquait ainsi que :
« La contrebande est une espèce de délit dont peu de gens rougissent, on la regarde comme une petite guerre, et il est bien certain que l’homme qui ferait à ce métier une grande fortune ne perdrait rien dans l’opinion publique. Il serait seulement envié de beaucoup de personnes affligées de n’avoir pu l’imiter11 ».
24À la fin de l’année 1810, l’annexion de Hambourg à l’Empire et la suppression du statut de port franc à Livourne mettent fin à la filtration dans ces deux villes. Les autorités ne se faisaient pas pour autant d’illusions sur la possibilité d’arrêter entièrement la fraude :
« Depuis longtemps la contrebande se faisait à Livourne par filtration, quinze à vingt mille individus […] passaient chacun une petite quantité de marchandises qui à la fin de la journée faisait une masse considérable. Cette contrebande ne se fait plus […] Elle tenait à la franchise de la ville ; celle qui existera dorénavant paraît devoir se faire par la côte et par forte partie12 ».
25La contrebande sur les côtes posait aux autorités des problèmes aussi graves que ceux rencontrés dans la répression de la filtration. Malgré des effectifs toujours plus nombreux, les douanes ne pouvaient contrôler efficacement des milliers de kilomètres de côtes, nuit et jour, surtout là où les fraudeurs disposaient d’un entrepôt de marchandises à proximité de la côte. En Toscane, l’île d’Elbe avait ce rôle de base logistique. Le paludisme sévissant dans la Maremme gênait l’organisation d’un service de patrouille efficace, comme le constate le préfet :
« On regarde l’isle d’Elbe comme un dépôt de contrebande que l’on verse en suite en fraude sur le continent, les côtes n’étant et ne pouvant être suffisamment gardées par les Douanes, qui surtout pendant l’été ne peuvent ex poser leurs préposés dans l’air infect de la Maremme sans les livrer à une mort certaine13 ».
26Dans cette situation, les autorités ne pouvaient découvrir un débarquement clandestin qu’en cas de délation. Ou alors, il fallait que quelque chose ne fonctionne pas comme prévu chez les contrebandiers. Ainsi, en juin 1812, la police récupérait des tissus de mousseline et de percale échoués près de la côte de Hourtin, en Gironde, qui étaient vraisemblablement le résultat d’un débarquement clandestin manqué14.
27Les délations et les erreurs des contrebandiers étaient trop rares pour aider le pouvoir à contrôler le littoral, surtout dans des régions récemment annexées, que les douaniers connaissaient mal. Les entreprises de contrebande d’une certaine envergure mettaient d’ailleurs en scène plusieurs dizaines de gens armés, qui avaient aisément le dessus sur la petite patrouille qui avait eu la malchance de les surprendre. En février 1813, un rapport de Hambourg signalait qu’une
« bande de 40 fraudeurs a surpris deux malheureux préposés et les a tellement maltraités de coup de bâtons qu’ils ont été laissés pour morts sur la place, et qu’ils ont effectivement perdu la vie trois ou quatre jours après15 ».
28En ville, les affrontements atteignaient rarement ce niveau dramatique. Toutefois, les accrochages étaient multiples. La volonté d’empêcher la « filtration » rendait nécessaires les contrôles aux portes des villes, ce qui provoquait des frictions quotidiennes entre la population et les agents sur place. C’est en termes de conflit que les autorités percevaient leurs rapports avec une large partie de leurs administrés. Ainsi, le directeur de police de Livourne, un Français, n’hésitait pas à opposer « une masse immense de contrebandiers » aux agents « accablés journellement d’injures, de railleries et assaillis quelquefois par des violences16 ». Pour contrecarrer l’action des douanes et rendre leurs perquisitions inefficaces, les fraudeurs mettent au point de véritables stratégies, qui reposent avant tout sur leur écrasante supériorité numérique. À Livourne, les préposés des Douanes
« éprouvent sans cesse de la résistance de la part même de ceux qui sont trouvés en flagrant délit. S’agit-il de visiter un ou plusieurs individus ? Aussitôt, il se rassemble autour des employés une foule de monde qui n’a d’autre but que de détourner leur attention et de favoriser la fraude17 ».
29Le chargé d’affaires danois décrit dans ses mémoires des comportements collectifs de défense semblables, adoptés par les habitants de Hambourg :
« Dès qu’un visage inconnu apparaissait au poste [c’est-à-dire, un préposé non corrompu], des mesures stratégiques étaient prises ; on formait une colonne épaisse, quelques-uns de plus chargés étaient offerts à sa tête, et les restants passaient à pas de charge pour le plus grand amusement des présents18 ».
30Ces comportements, que l’on retrouve en Méditerranée comme en Mer du Nord, exaspéraient les douaniers et les gendarmes stationnés aux portes des villes. Leur réaction était souvent violente. Les rapports de police nous plongent dans une réalité d’abus quotidiens : querelles, bagarres, rixes, coups, fouilles corporelles répétées sur des femmes, certes contrôlées par un personnel féminin mais souvent en présence des douaniers19, ainsi qu’une infinité de petites vexations. Les tracasseries des préposés restaient largement impunies, car leur administration les protégeait et refusait presque systématiquement de donner l’autorisation nécessaire pour les poursuivre.
31Dans ce contexte, l’atmosphère était explosive. Par leur présence, les douaniers et leurs nouvelles frontières rappelaient chaque jour aux habitants des territoires annexés à l’Empire les inconvénients du nouveau régime. L’étincelle qui mit le feu aux poudres à Hambourg en février 1813, se produisit justement aux portes de la ville ; le mouvement s’en prit à certaines administrations françaises – les douanes et les droits réunis – mais pas à tous les représentants du régime napoléonien. Même si l’historiographie allemande a, par la suite, fait de cette insurrection un moment fort de la prétendue réaction nationaliste à l’occupation française (le centenaire tombant en 1913 aidant), il convient de rappeler que la révolte se fit aux cris de « Alexandre [le tsar de Russie] nous donne du café et du sucre », et que les notables locaux, les bons bourgeois de la ville, s’empressèrent de demander l’accord du préfet pour s’armer contre les rebelles, identifiés comme la « populace » dans les rapports des autorités locales, et pour appeler au secours les troupes danoises afin de rétablir l’ordre le plus rapidement possible.
32Sans forcément le manifester physiquement, l’opinion populaire était contre les douaniers. En août 1810 à Livourne, on retrouva sur la place Napoléon l’affiche ci-dessous expliquée20. En passant outre la signature de l’avis, qui mériterait à elle seule un long commentaire sur la réception de quelques principes révolutionnaires par les classes populaires toscanes, il convient de souligner, en revanche, que ces préposés des douanes qui attiraient les foudres de l’auteur anonyme de cette affiche n’étaient pas des Français, mais bel et bien des Toscans ; l’empereur, vraisemblablement influencé par la bonne renommée de l’administration de Pierre Léopold en Toscane, avait largement confié l’administration au personnel local, alors que les villes hanséatiques avaient été véritablement « colonisées » par un personnel extérieur.

33La lecture « nationaliste » de l’opposition des populations annexes au Grand Empire aux fonctionnaires chargés de l’application du blocus paraît inadéquate, d’autant plus que les mêmes conflits se retrouvent le long des frontières de l’ancienne France, dans les Pyrénées comme sur la frontière rhénane, parmi des populations soumises depuis longtemps au gouvernement parisien. Il convient simplement de constater que dans les régions annexes, le conflit économique provoqué par le blocus contribue à exacerber l’opposition contre les Français. Seuls au milieu d’une population hostile, les fonctionnaires avouaient parfois leur désarroi, y compris le préfet de Livourne qui, en 1810, admettait que « toutes les précautions qu’on prenait ne pouvaient empêcher que les deux portes de Livourne fussent encombrées d’une immense foule de fraudeurs21 ». Une efficace répression de la contrebande s’avérait finalement impossible.
L’impossible répression de la contrebande
34Au-delà des variantes locales, la généralisation de la contrebande dans l’Empire remet en cause l’efficacité du régime napoléonien lorsqu’il s’agit d’imposer sa législation commerciale. Plusieurs facteurs expliquent cet échec.
35En premier lieu, les effectifs des administrations chargées des contrôles, c’est-à-dire de la police, les douanes et la gendarmerie, étaient manifestement insuffisants. On dénombrait 200 douaniers dans toute la direction de Livourne et il n’y en avait que 300 à Hambourg pour surveiller une ligne frontalière d’une centaine de kilomètres. Quant aux effectifs de la police, ils étaient dérisoires. En 1811, les agents de police de Livourne avaient été réduits à 22, afin de pouvoir augmenter les misérables salaires qu’ils percevaient. Tout en gardant les meilleurs, le commissaire ne se faisait pas d’illusions sur ses hommes : « Les agents de police sont tous très mauvais et surtout très négligents dans le service22 ». À Hambourg, il n’y avait que 30 agents pour 100 000 habitants. Bien que le nombre de douaniers dans l’ensemble de l’Empire n’ait pas cessé d’augmenter depuis la proclamation du blocus continental – de 23 000 en 1806 à 35 000 en 181323 – le ministre du Trésor Mollien estimait que le nombre des contrebandiers était cinq fois supérieur à celui des effectifs des douanes.
36Ce personnel peu nombreux recevait de surcroît des rétributions modestes. Un préposé des douanes gagnait 500 francs par an ; un commissaire de police de Hambourg percevait 1 800 francs par an, un agent 600 : des sommes modiques, que l’on peut comparer au franc et demi par jour que l’Empire payait aux ouvriers pour les travaux publics. De plus, les paiements se faisaient avec de grands retards : les agents de police de Hambourg ne reçurent leur traitement de février à juillet qu’en octobre 1811. Il est évident qu’un douanier ou un agent de police, mal rétribué, n’était pas insensible à la corruption. Le commissaire général de police de Livourne demandait ainsi à son supérieur :
« Comment empêcher qu’un préposé qui avec 40 francs par mois a à peine ici de quoi vivre et à qui, lorsqu’il est stationné seul, sur le glacis, l’on propose 200 ou 300 francs pour qu’il fasse semblant de dormir pendant une demie heure, n’accepte la proposition24 ? »
37La corruption était partout courante, dans les villes annexées comme à Bordeaux, où le négociant Lainé informait son correspondant que les marchandises souhaitées par celui-ci seraient certainement découvertes par les douanes, à moins de verser de fortes sommes aux agents25. La corruption était généralisée à Livourne ; ainsi, le commissaire général de police constatait :
« C’est une chose que vous savez mieux que moi, c’est par les douaniers que se fait la plus grande partie de la fraude. Le Directeur [de la Douane de Livourne] convient ici que les deux tiers de ses préposés étaient corrompus26 ».
38Loin de se limiter à favoriser la fraude par des contrôles superficiels, certains agents des différentes administrations font eux-mêmes la contrebande. En mars 1810, on arrête à Livourne à la sortie de la Porte des Capucins cinq gendarmes qui transportaient 34 kg de cacao en fraude. La Marine y mettait aussi du sien : en janvier 1813, 67 kg de sucre furent ainsi saisis à Livourne sur une goélette en service, provenant de Porto Ferraio27. Ces pratiques devaient être d’autant plus diffuses, qu’une large impunité couvrait ces agents fautifs, passibles en théorie de la peine de mort.
39Certes, les douaniers et les gendarmes n’étaient pas tous corrompus. Parfois d’ailleurs, s’ils fermaient les yeux, ce n’était pas tant par avidité que par instinct de survie, car les contrebandiers n’hésitaient pas à passer aux voies de fait. Quoi qu’il en soit, l’État ne disposait pas d’un personnel suffisamment nombreux, suffisamment protégé et suffisamment rétribué pour contrecarrer les initiatives des contrebandiers. De plus, les dispositions adoptées pour accroître le zèle de ses agents finissaient paradoxalement par produire l’effet contraire.
« Les préposés des douanes sont et ne peuvent être que des gens de la dernière classe payés médiocrement ; il est difficile qu’ils résistent à l’appât d’un gain considérable et facile ; – déclarait le commissaire de police de Livourne – D’un autre côté ils ont dans les saisies une part considérable, d’où il résulte que d’un côté pour partager les bénéfices des fraudeurs et de l’autre pour avoir part des saisies sur ceux qui ne s’entendent pas avec eux, les Douaniers sont et doivent être par la nature des choses les plus grands partisans de la fraude28 ».
40Malgré son animosité manifeste vis-à-vis de l’administration des douanes, le commissaire de police de Livourne met en lumière, dans ce rapport, l’un des mécanismes pervers des institutions napoléoniennes. En premier lieu, les douaniers, qui touchaient une partie importante de la valeur des saisies, ne pouvaient souhaiter la cessation complète de la contrebande sous peine de voir disparaître cet indispensable revenu complémentaire. Deuxièmement, depuis l’an X (la pratique existe encore de nos jours en France) l’administration des douanes a la faculté de transiger avec les fraudeurs : en versant une somme convenue, toute procédure judiciaire est suspendue29. Les douaniers alternaient savamment corruption, saisies et transactions :
« Dans le premier cas, les douaniers partageront les profits illicites de la fraude, et dans le second cas ils auront pour eux la chance des saisies qui leur procureront des profits licites : ceci dérive naturellement de l’axiome établi chez les douaniers qu’il ne faut pas détruire la contrebande, parce que pour cueillir un fruit ce serait folie que de couper l’arbre par le pied30 ».
41Le choix de la Douane semble clair : parmi plus de deux cents fraudeurs arrêtés dans les 18 mois qui suivent son installation à Livourne, il n’y a que huit condamnations à la prison. Souvent, les préposés laissent tout simplement partir le fraudeur, et ne gardent que la marchandise. La raison était simple :
« S’il [le fraudeur] est misérable et si personne ne vient à son secours, il n’y a pas lieu à transaction parce qu’elle n’offrira aucun bénéfice : on laisse aller le misérable, et le procès verbal est dressé contre un inconnu qui n’a pu être atteint31 ».
42La fréquence des procès verbaux dressés contre des inconnus se retrouve partout dans l’Empire et elle est effectivement suspecte. Il est vrai que les institutions judiciaires auraient été complètement débordées si elles avaient dû instruire des centaines de procédures. L’impunité devenait ainsi une nécessité reconnue par les autorités sur place. Plusieurs raisons empêchaient de livrer un combat sans merci à une population entière et, entre autres, les hésitations des fonctionnaires sur place, confrontés quotidiennement à des populations hostiles. Même lorsqu’ils étaient dévoués au régime et incorruptibles, ils se rendaient compte que la répression de la contrebande risquait de poser un grave problème d’ordre public. À Hambourg, le directeur général de la police s’interrogeait sur l’opportunité politique de réprimer la filtration, qui permettait aux indigents de survivre32, alors que son homologue à Livourne constatait que « ce régime particulier [de douanes] exaspère une population de 60 000 âmes et leur fait maudire le jour où leur pays a été réuni à l’Empire33 ». Sans aucun doute, les contrôles qui accompagnent l’exécution du blocus continental ont contribué à éloigner toute sympathie qui pouvait encore subsister vis-à-vis du régime napoléonien.
43Le pouvoir judiciaire révélait lui aussi des défaillances. Les enquêtes n’arrivaient pas à démanteler les réseaux de contrebande et, la plupart du temps, le régime n’atteignait que les simples porteurs34, sans poursuivre les négociants mandataires. D’ailleurs, ceux-ci n’hésitaient pas à se procurer un appui au sein des administrations impériales, en associant par exemple des fonctionnaires à leurs entreprises de contrebande. Ainsi, au printemps 1811, le directeur des Domaines et de l’Enregistrement de Bordeaux, Charles- Jean-René Magnan, fut impliqué dans un plan complexe pour débarquer des produits manufacturés de la Grande-Bretagne sur les côtes du département de la Gironde35.
44Toute enquête judiciaire butait sur la difficulté de remonter jusqu’aux organisateurs de la contrebande. Les représentants de l’État avaient du mal à s’assurer la collaboration des experts, notamment celle des interprètes pour interroger les équipages de navires étrangers sur une éventuelle escale en Grande-Bretagne36. Le commissaire général de police de Bordeaux avouait avoir finalement réussi à trouver un interprète qui
« n’a voulu continuer à me prêter son ministère, qu’autant que son nom ne paraîtrait en rien. Il a ensuite mis beaucoup de délicatesse à refuser les honoraires qui lui étaient dus pour cet objet. Pressé par moi sur les motifs de sa répugnance à m’assister, il m’a observé qu’il n’y avait pas de navire, venant du nord qui n’arrivât d’Angleterre ou qui n’y eût touché ; qu’il y avait à Bordeaux un accord cimenté par l’intérêt, entre les négociants, les courtiers, les capitaines et les équipages de navires, pour prendre toutes les mesures capables de déjouer la surveillance des administrations des douanes, de la marine et de la police d’État. Il a ajouté que si l’on venait à savoir que quelqu’un tenant comme lui au commerce, eût prêté son ministère d’une manière quelconque, pour amener la conviction qu’un navire arrive d’Angleterre, ou y a touché, il serait honni, bafoué par les négociants qui lui ôteraient tout moyen de travailler37 ».
45L’élite marchande et les professions para-mercantiles n’étaient pas les seules à faire bloc contre les autorités chargées de la répression de la contrebande. Les classes populaires, dans les villes portuaires comme dans les régions frontalières, étaient elles aussi hostiles. Si les délateurs ne manquaient pas, la règle était plutôt le silence et la solidarité vis-à-vis des personnes arrêtées. Cette solidarité pouvait aller jusqu’à les libérer par la force des mains des douaniers ou des agents de police : ainsi, à Lübeck, une quarantaine de personnes avaient relâché un contrebandier lors de son transfert en prison. Il était accusé d’avoir pris d’assaut un poste de douane avec d’autres contrebandiers et d’avoir tué deux préposés38.
46Dans ce climat de résistance, Napoléon opte pour une législation impitoyable, qui prévoit la peine de mort pour la contrebande en bande armée et jusqu’à six mois de prison pour le simple porteur (décret de Fontainebleau du 18 octobre 1810). Les tribunaux ordinaires et les cours prévôtales des douanes sont alors créés pour juger ce type de délits39. Le recrutement de ces tribunaux fut particulièrement laborieux, surtout dans les départements annexés, où il fallait trouver un personnel bilingue et compétent, alors que se posait partout le problème des liens entre le personnel judiciaire et le négoce local. À Livourne, une rumeur persistante voulait qu’un des juges ainsi que le procureur impérial fussent intéressés dans des maisons de commerce locales40. À Bordeaux, le mariage unissait parfois les familles du négoce à celle des juges : Nicolas Buhan, courtier d’assurance, était le fils du procureur de la Cour prévôtale d’Agen et le neveu d’un des juges assesseurs au tribunal des Douanes de Bordeaux. En 1813, il épousa la fille d’un négociant de Bordeaux41.
47Les hésitations des tribunaux chargés de la répression de la contrebande à prononcer des condamnations peuvent dériver des liens avec le monde du commerce, mais elles s’expliquent aussi par la crainte des conséquences fâcheuses d’une répression excessive. Si l’opinion publique eut en horreur les cours prévôtales42, l’analyse de l’activité de ces tribunaux spéciaux à Bordeaux, Hambourg et Livourne révèle en fait leur indulgence vis-à-vis des prévenus. Réticente à prononcer des peines extrêmement sévères, que le code ne lui permettait pas d’atténuer, la cour condamnait souvent un ou deux prévenus et acquittait tous les autres. Pas plus que la surveillance sur le terrain, la voie de la répression judiciaire n’était en mesure de réduire la contrebande qui minait de l’intérieur les objectifs poursuivis par le décret de Berlin.
48Des procédures extrajudiciaires furent parfois mises en œuvre dans des départements annexés. Ainsi, à Hambourg, une institution de légitimité douteuse, la Commission pour le recouvrement des capitaux ennemis, se chargea d’enquêter et d’engager des procédures contre les négociants ayant encore des relations avec la Grande-Bretagne. Créée par le gouverneur général des villes hanséatiques, le maréchal Davout, elle avait pour but principal de rechercher les fonds appartenant aux Anglais qui se trouvaient dans les mains des négociants hambourgeois. Véritable organisme inquisitorial qui s’arrogeait le droit de convoquer et d’interroger les négociants suspectés d’après les informations recueillies par l’examen des correspondances privées ainsi que par les délateurs, cette Commission était inconstitutionnelle. Le maréchal Davout l’avait créée en 1811 pour faire face aux problèmes particuliers que posait l’annexion des départements hanséatiques, mais il n’avait plus le titre pour en officialiser l’existence en 1812, lorsque le régime constitutionnel fut entré en vigueur dans les départements hanséatiques.
49Son existence éphémère – elle cesse toute activité en avril 1812 – témoigne de pratiques expéditives mises parfois en œuvre dans les territoires annexés. Mais son histoire révèle également certaines limites du régime napoléonien : la somme la plus importante saisie par la commission, soit 180 000 francs de lettres de change payées par les Rothschild de Londres via la maison « Osy & Co » de Hambourg et destinées aux Rothschild de Francfort, fut restituée par ordre exprès de Napoléon. Toute l’opération était liée à la tentative, à laquelle participaient aussi les Rothschild installés en France, de faire sortir des piastres et des guinées d’Angleterre, ce qui était encouragé par la France. En réalité, ces transactions servaient à couvrir le paiement des subsides aux troupes de Wellington sur le continent, mais les banquiers impliqués avaient le soutien de Napoléon qui ne pouvait se passer de l’appui de la finance internationale.
* * *
50Le régime fut incapable d’endiguer la fraude qui sévissait le long des frontières terrestres et maritimes de l’Empire. Pour les spécialistes du régime napoléonien, souvent éblouis par la rationalité du modèle administratif français, le constat des « brèches » dans la mise en exécution du blocus continental est salutaire, car il les empêche de confondre le modèle avec la réalité. Ce décalage entre la lettre de la loi et son application concrète renvoie au rôle fondamental de médiation exercé par les différents fonctionnaires sur place. Certains furent amenés à mitiger leur action pour éviter de pousser une population entière à la révolte. Dans les territoires annexés, là où l’empereur avait laissé en place un personnel originaire de la région, comme en Toscane, cette médiation penche vers une connivence généralisée. Mais même lorsque le personnel sur place est français, comme à Hambourg, la corruption contribue souvent à en atténuer le zèle. Au-delà des frontières politiques anciennes et nouvelles, les négociants européens savent trouver les moyens de poursuivre leurs activités.
51La micro-histoire de la contrebande à l’époque napoléonienne révèle ainsi les limites du contrôle exercé par l’État moderne sur les régions frontalières et sur leurs populations. L’étude des résistances de ces sociétés à l’emprise étatique – dans ce cas, sur le terrain de l’économie – montre des populations solidaires, ayant leurs propres codes de comportement et n’hésitant pas à affronter ouvertement les représentants de l’État, qu’ils parlent la même langue ou pas. Fortes de leur nombre, de leur connaissance des lieux supérieure à celles des agents envoyés de l’extérieur et qui leur permettait d’exploiter à fond les faiblesses du régime, les populations urbaines et rurales de l’Empire déjouent largement, pendant plusieurs années, les tentatives d’appliquer une législation qui s’opposait radicalement à leurs intérêts économiques fondamentaux. Des comportements similaires se retrouvent d’un bout à l’autre de l’Empire, au-delà des frontières linguistiques et malgré un passé institutionnel qui différencie radicalement l’histoire des trois villes portuaires examinées. La similitude de ces comportements, que l’on soit dans l’ancienne France ou dans les territoires annexés, incite à relativiser l’importance de l’élément « nationaliste » dans l’explication des réactions de rejet que la politique napoléonienne a inspirées en Toscane comme à Hambourg. Finalement, les troupes du duc d’Angoulême sont reçues à Bordeaux avec un enthousiasme comparable à celui réservé par les Hambourgeois aux troupes « libératrices » russes. Une bonne partie du conflit qui oppose les populations annexes au régime napoléonien trouve ses origines dans la politique économique de l’empereur, et notamment dans la politique du blocus. Si l’on y ajoute le durcissement fiscal et la conscription, il n’est pas besoin de rechercher davantage les causes de la légende noire de l’Empire dans les pays annexés. Il serait en revanche intéressant d’étudier comment ces éléments de mécontentement ont été ensuite manipulés pour construire un discours nationaliste ; le cas de l’insurrection de Hambourg en février 1813 étant, à cet égard, une parfaite illustration.
Notes de bas de page
1 Correspondance de Napoléon 1er, publiée par l’ordre de l’Empereur Napoléon III, Paris, Imprimerie Impériale, 32 vols., 1859-1869 : vol. XIII, nº 11 282, p. 554, Berlin, 21 novembre 1806. Ibidem, vol. XIV, nº 11 378, p. 27-28, à Louis Bonaparte : « Je vous recommande bien la stricte exécution de mon décret sur le blocus d’Angleterre, sans quoi nous ne finirons jamais ».
2 Voir sur ce point controversé Georges Lefebvre, Napoléon, Paris, PUF (Peuples et civilisations), 5e éd. revue et augmentée, 1965, p. 238-239. Marcel Dunan, « Napoléon et l’Allemagne », in Napoléon et l’Europe, 1961, p. 63-78, écrivait : « L’obsession du blocus, l’idée de fermer coûte que coûte le commerce et le continent à la marine britannique, à la contrebande […] devaient en effet aboutir au monstrueux empire des 130 départements » (p. 75) Cf. aussi Stuart Woolf, Napoléon et la conquête de l’Europe, Paris, Flammarion, 1990, p. 49-53.
3 Pour une étude plus poussée de ces trois villes, cf. Silvia Marzagalli, « Les boulevards de la fraude ». Le négoce maritime et le blocus continental, 1806-1813. Bordeaux, Hambourg, Livourne, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1999, 396 p.
4 Pour une analyse de l’évolution de la législation commerciale à l’époque révolutionnaire et napoléonienne, cf. Marzagalli, op. cit., chapitre 2.
5 G. Lefebvre, op. cit., 1965 : 257-262. Sur ces Ordres en Conseil, voir François Crouzet, « Groupes de pression et politique de blocus ; remarques sur les origines des Ordres en Council de novembre 1807 », Revue historique, a. 86, t. CCXXVIII, juill.-sept. 196, p. 245-72. Une note ministérielle française du 25 janvier 1810 destinée aux États-Unis précise les conditions qui « dénationalisent » un navire visité par les Anglais : une visite comportant le contrôle des papiers de bord afin de vérifier la véridicité du pavillon est admissible. En revanche, toute vérification de la propriété de la cargaison et tout prélèvement de marins ou de passagers légitime la saisie française du navire : voir Correspondance de Napoléon Ier, op. cit., vol. XX, nº 16 169, p. 143.
6 Marzagalli, op. cit., p. 120-137.
7 Marzagalli, « Les boulevards », op. cit., p. 138-143.
8 F. Crouzet, L’économie britannique et le blocus continental, 1806-1813, Paris, PUF, 2 vols., 1958 (réimpression Paris, Economica, 1987, avec une introduction de l’auteur), p. 693-695.
9 Archives Nationales, Paris, [AN], AFIV1839B, dossier I, nº 6, rapport de Beugnot, commissaire impérial dans le Grand-Duché de Berg, Düsseldorf, 19 mars 1809.
10 AN., F78777, chemise « objets généraux », rapport de l’inspecteur général de la gendarmerie impériale au ministre de la Police, Paris, 30 août 1810.
11 AN, F78852, dossier 8538, rapport du commissaire général de police de Livourne au troisième arrondissement de police, 23 juillet 1811.
12 AN, F78847, dossier 4184, rapport du commissaire général de police de Livourne au troisième arrondissement de police, 28 novembre 1810.
13 AN, F121944, rapport du préfet de la Méditerranée au ministre de l’Intérieur, 12 juillet 1811.
14 AN, F76344, rapport du commissaire général de police de Bordeaux au ministre de la Police, 6 juin 1812.
15 AN, BB3187, dossier C27998, lettre du procureur général de la Cour prévôtale de Hambourg, Garreau, au ministre de la Justice, Hambourg, 20 février 1813. D’autres incidents, moins graves, sont signalés aux AN, AFIV1654A, plaquette 3, nº 239, rapport de Saulnier, 23 novembre 1811. Des agressions contre les patrouilles en service également en Toscane : AN, F78848, dossier 4205, agression à trois préposés de ronde par des inconnus, le 2 septembre 1809.
16 AN, F78845, dossier 2663, lettre du directeur général de police en Toscane, Dubois, au troisième arrondissement de police, Florence, 11 septembre 1810.
17 Archivio di Stato di Livorno, Prefettura del Mediterraneo, f.20, dossier III, correspondance entre le directeur des douanes de Livourne et le préfet, 21 février 1809.
18 Johann Georg Rist, Lebenserinnerungen, Gotha, Fr. Perthes (Hrg. von G. POEL, 3e éd.) : 2 vols., vol. ii, p. 107-109.
19 « Cet état des choses irrite et désespère la population ; il n’y a rien de plus révoltant en effet que de se voir enlever au nom de la loi sa femme ou sa fille pour être dépouillée jusqu’à la chemise et visitée », AN, F78842, dossier 695, rapport du commissaire général de police de Livourne au troisième arrondissement de police, 15 juin 1809. Les députés hanséatiques au Corps Législatif présentent à leur tour de vives remontrances contre les fouilles des dames distinguées : AN, F1E60, procès-verbal de la 5e séance, point 32, Paris, juin 1812. Voir des remarques semblables du général Morand : « Rien n’est plus dégoûtant de cette fouille que l’on exerce sur des femmes, des filles et des gens de toute condition, et la rudesse avec laquelle elle se fait » : AN, AFIV1653, plaquette 9, Morand au ministre de la Guerre, 10 septembre 1810.
20 AN, F78846, dossier 2879, annexe à la lettre du commissaire général de police du 13 août 1810, trouvé le matin du 14 ; dans un style très populaire, l’avis dit « On ordonne à tout habitant de Livourne ou de ses faubourgs de ne pas recevoir chez soi les préposés de la douane pour boire, manger ou dormir, ça sera le véritable moyen de sortir de la ville cette race de chiens, assassins et voleurs fichus. Dehors, dehors, race maudite ! (signé :) La raison et la Justice droits de gens ».
21 AN, F78847, dossier 4184, rapport du préfet de la Méditerranée, 26 octobre 1810.
22 Archivio di Stato di Livorno, Prefettura del Mediterraneo 33, lettre du commissaire général de police au préfet, 31 janvier 1811.
23 Jean Clinquart, L’Administration des douanes en France sous le Consulat et l’Empire, Neuilly-sur- Seine, Association d’Histoire de l’Administration de Douanes françaises, 1979, p. 151.
24 AN, F78847, dossier 4184, lettre du commissaire général de police de Livourne au troisième arrondissement de police, 8 septembre 1810.
25 Cité par Henry Sée, « Le commerce de Bordeaux à l’époque napoléonienne d’après la correspondance d’Honorat Lainé », Revue d’histoire économique et sociale, XXI (1933), p. 37-50, p. 41.
26 AN, F78847, dossier 4184, rapport du commissaire général de police de Livourne au troisième arrondissement de police, 28 novembre 1810.
27 AN, F73811, bulletin de police de villes, Livourne, nº112, 29 janvier 1813. La crainte de la Douane à intervenir, en risquant des conflits avec la Marine, qui de son côté considérait ces contrôles comme de véritables affronts, rendait problématique toute inspection à bord : AN, F78852, dossier 8538A, rapport du commissaire général de police de Livourne, 23 juillet 1811 : « si les recherches sont infructueuses, ce qui arrive souvent, les marchandises étant bien cachées, ce sont des cris interminables ».
28 AN, F78847, dossier 4184, rapport du commissaire général de police de Livourne au troisième arrondissement de police, 28 novembre 1810.
29 La possibilité de transiger directement avec l’administration avait été accordée par décision consulaire le 14 fructidor an X, afin d’adoucir les rigueurs d’une législation fortement répressive, dans laquelle on ne reconnaissait aucune circonstance atténuante, en particulier l’ignorance des dispositions de la part des prévenus.
30 AN, F78846, dossier 3148, rapport du commissaire général de police de Livourne au troisième arrondissement, 21 mai 1810.
31 Ibidem.
32 AN, F76348, lettre du directeur général de police de Hambourg au ministre de la Police, 26 février 1811.
33 AN, F78845, rapport du commissaire général de police de Livourne au troisième arrondissement, 16 avril 1810.
34 « Il n’est que trop vrai qu’on atteint rarement les commettants des colporteurs et que ceux ci sont presque toujours les seuls qu’on peut convaincre et punir » : AN, F78777, chemise « objets généraux », lettre du procureur général de la Cour prévôtale d’Agen, Buhan, au deuxième arrondissement de police, 6 août 1812.
35 AN, BB18362, dossier 7425C2, pièces diverses, et F122011, état des arrêts rendus par la Cour prévôtale d’Agen.
36 AN, F78553, dossier 7301 P2, rapport du commissaire général de police de Bordeaux, P. Pierre, au ministre de la Police, 16 septembre 1808.
37 AN, F78553, dossier 7301 P2, rapport du commissaire général de police de Bordeaux, P. Pierre, au ministre de la Police, 16 septembre 1808.
38 AN, F73060, bulletin du directeur général de police de Hambourg, d’Aubignosc, n° 56, 1er février 1813. Pour le crime dont il était accusé, voir ibidem, bulletin n° 44 du 28 janvier 1813.
39 Jusqu’à cette date, la contrebande était jugée par les tribunaux de première instance, créés par la loi du 27 ventôse an VIII (18 mars 1800), qui avaient montré en général une attitude très indulgente. Cf. Roger Corbaux, Ma « pentière » lorraine. Crimes de contrebande. Douaniers et contrebandières au temps du blocus continental, Aurillac, Gerbert, 1979, p. 16-26.
40 AN, F78851, dossier 7506, correspondances diverses, mai à juillet 1811. Les informations se trouvent sur un brouillon anonyme non daté, intitulé « Notes sur quelques membres du Tribunal ordinaire de Douane de Livourne ». Le ministre de la Police écrivit au préfet et au commissaire de police de Livourne pour vérifier le bien-fondé de ces accusations, et il reçut des opinions moins négatives. Voir aussi F78853, dossier 9058, rapport du commissaire général de police, 20 septembre 1811.
41 Contrat de mariage aux Archives départementales de la Gironde, 3E 31 437, 30 mai 1813.
42 Celle de Hambourg est restée, dans la mémoire des contemporains, un « tribunal de sang » (Blutgericht) : RIST, op. cit., vol. II, p. 109. Pour l’opinion défavorable à Bordeaux, voir AN, F76344, rapport du commissaire général de police à Bordeaux, P. Pierre, 21 mai 1812.
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