Les « anti-Lumières » et les oppositions intellectuelles à la révolution
p. 165-180
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Texte intégral
1Les oppositions idéologiques et théoriques, réunies derrière la notion d’anti-Lumières, ont fait l’objet, ces dernières années de nombreux renouvellements historiographiques. Sans exagérer une production dont je ne prétendrais pas donner une vision exhaustive, il n’en reste qu’à force de journées d’études, de colloques ou de publications, le mouvement des anti-Lumières s’est imposé aujourd’hui comme un champ de recherches particulièrement dynamique autour duquel se réunissent littéraires, philosophes, historiens et politistes de l’époque moderne et contemporaine. Les articles qui leur sont consacrés dans le Dictionnaire européen des Lumières de Michel Delon et dans le Dictionnaire de philosophie politique de Stéphane Rials et Philippe Raynaud1, illustrent, entre autres, ce succès. Sur ce terrain d’étude également, on peut dire que la fin des années 1980 et le bicentenaire de la Révolution marquent un véritable tournant. Depuis l’ouvrage majeur de Gérard Gengembre consacré à Bonald2, les travaux se sont multipliés et les perspectives ont progressivement changé. Longtemps abordés par les biais des critiques et des jugements acerbes de leurs adversaires consacrés, les porte-parole des anti-Lumières, considérés comme les représentants de pensées rétrogrades et archaïques, souffraient – c’est le moins que l’on puisse dire – d’une mauvaise réputation. Depuis, et répondant en cela au souhait exprimé en 1973 par Jean Deprun, on en sait un peu plus sur la manière dont les anti-Lumières peuvent « briller d’elles-mêmes3 ». Loin de vouloir réhabiliter des acteurs qui ont pris la plume pour combattre les Lumières et la Révolution, l’intérêt qui leur est aujourd’hui accordé est fondé, non seulement sur la nécessité de mieux connaître cette configuration particulière d’acteurs et de discours, mais aussi de s’interroger plus précisément sur les relations et les rapports, souvent complexes, entretenus entre les Lumières et les anti-Lumières, dont la confrontation toujours réactualisée, joue un rôle essentiel dans l’histoire politique, religieuse et intellectuelle des xviiie et xixe siècles, et plus particulièrement pendant la période révolutionnaire.
2Les anti-Lumières ont ainsi été déplacées des « marges » vers le cœur des dynamiques politiques, religieuses et sociales des années 1750-1830. Deux perspectives communes à la plupart des travaux méritent d’être soulignées. D’un côté, l’attention est désormais accordée à une chronologie ouverte qui, allant du xviiie au xixe siècle, englobe la Révolution et permet d’inscrire l’étude des trajectoires individuelles et l’analyse des textes dans des logiques plus larges. De l’autre côté, les études ont cherché à dépasser les frontières franco-françaises et à suivre le mouvement des anti-Lumières dans sa diversité géographique, en prenant en compte les singularités et les temporalités différentes qui le caractérise à l’échelle européenne. La question essentielle posée par ces travaux renvoie à celle posée par l’utilisation de catégories et de notions interprétatives, dont l’efficacité heuristique incontestable ne doit pas en masquer le caractère simplificateur et en occulter les limites méthodologiques. Érigée en système d’interprétation dès la première moitié du xixe siècle, l’opposition frontale entre les Lumières et les anti-Lumières apparaît comme un modèle de lecture susceptible de rendre compte des luttes intellectuelles, religieuses et politiques qui rythment le xviiie et une grande partie du xixe siècle, la période révolutionnaire en constituant indéniablement le moment d’exacerbation4. Or, le danger est de réduire ces luttes à des configurations d’idées et de discours, souvent produites d’une réification ou d’une approche téléologique, en occultant les ruptures et les logiques d’intérêts, individuels et collectifs, qui se cristallisent autour de cette opposition.
3En un mot, s’il est possible de dessiner les contours d’une sphère d’opposition aux Lumières et à la Révolution que l’on peut définir sous la notion d’anti-Lumières, il convient d’être particulièrement prudent quant à l’utilisation d’une notion faussement unificatrice. Les dilatations des perspectives chronologiques et géographiques, les nouvelles approches venues de l’histoire sociale des acteurs et des productions, ont justement permis de mettre en évidence les ruptures et les spécificités d’un mouvement dont la caractéristique essentielle est d’être profondément hétérogène et complexe.
4Il n’est pas fortuit de constater que l’intérêt actuel dont sont l’objet les anti-Lumières a été largement suscité par les spécialistes, historiens ou littéraires, du xviiie siècle comme l’illustrent, la liste n’est pas exhaustive et ne concerne que la France, les colloques consacrés à Fréron en 1990 et en 2000, aux ennemis de Diderot en 1991 et aux adversaires des Lumières en 2000. Le renouvellement profond de l’histoire culturelle qui caractérise depuis longtemps l’historiographie de cette période, en permettant de porter un regard nouveau sur les Lumières elles-mêmes, a ouvert la voie à de nouvelles interrogations, justifiant ainsi la nécessité de mieux comprendre les logiques et les enjeux du combat mené par leurs adversaires. Non contents de faire émerger un mouvement qui restait jusqu’alors méconnu, ces nombreux travaux permettent de mesurer la complexité du clivage Lumières/anti-Lumières et apportent, même s’ils méritent d’être encore approfondis, des éclairages nouveaux sur les enjeux d’une confrontation qu’on ne saurait réduire à la seule « République des Lettres ». Les perspectives nouvelles qui ont été ouvertes sont en effet le produit d’un déplacement important. Longtemps restée l’apanage des historiens des idées, pensons aux travaux de Paul Bénichou5, de Georges Gusdorf ou, selon des perspectives différentes, d’Isaiah Berlin6, qui demeurent des références incontournables, l’étude des anti-Lumières s’est progressivement dirigée vers une histoire sociale des acteurs et des œuvres, s’interrogeant plus précisément sur les trajectoires individuelles et collectives en terme d’intérêt et de stratégie7, sur les modes de sociabilité et sur les relations au pouvoir, sur les modalités de construction, de diffusion et d’appropriation des textes8. À l’historicisation des parcours biographiques et à la contextualisation des œuvres, s’est ajoutée une prise en compte plus précise de la diversité des acteurs et des différentes formes d’opposition aux Lumières et aux productions qui s’y rattachent. Ainsi, aux côtés de ceux qui continuent d’occuper la position d’auteurs « vedettes » dans le Panthéon des anti-Lumières (pensons à Nonnotte ou à Fréron), l’intérêt s’est progressivement déplacé vers les minores, auteurs occasionnels ou secondaires, dont la prise en compte a permis, non seulement de mesurer l’extrême hétérogénéité d’un mouvement qui ne saurait être réduit à un groupe spécifique, mais aussi la grande diversité des pratiques et des intérêts, parfois contradictoires, qui se cristallisent autour du combat contre des Lumières dont les représentations varient selon les attaques dont elles sont la cible. Si l’on peut mettre en exergue un certain nombre de thèmes autour desquels se construit l’opposition aux Lumières (stigmatisation du discours philosophique assimilé à la licence, à la décadence, à la destruction des bases sociales – la famille – et politique – la Monarchie –…), il n’en reste que, l’ouvrage de Didier Masseau le montre parfaitement, les anti-Lumières ne forment pas un bloc aux prises de position cohérentes. S’attachant à étudier les logiques sociales, politiques et religieuses qui animent ceux qui s’engagent contre les Lumières, l’auteur souligne la diversité des acteurs qui composent cette « nébuleuse » et la variété des instruments qu’ils utilisent pour conquérir un espace public dont ils participent (on voit là toute l’ambiguïté des réflexions menées par les porte-parole de l’église catholique à partir des années 1770 autour de la censure de l’imprimé) largement à la construction et à l’élargissement. Des apologistes catholiques qui s’attaquent au « tolérantisme », aux écrivains qui tentent de se construire une réputation en s’attaquant aux « monstres » des Lumières, en passant par les parlementaires opposés aux réformes, le jeu des alliances et des regroupements plus ou moins ponctuels ne saurait ainsi occulter l’hétérogénéité d’un mouvement au sein duquel chaque acteur, selon ses intérêts et la stratégie qu’il suit, construit une représentation différente des Lumières. Si les études mériteraient encore d’être précisées en prenant en compte les tensions qui traversent le monde des sciences par exemple, les perspectives ouvertes par cette nouvelle appréhension des anti-Lumières sont importantes. Car, au-delà même de l’hétérogénéité du groupe, c’est bien la nature complexe du clivage entre les Lumières et leurs adversaires dans la seconde moitié du xviiie siècle qui peut ainsi être repensée en profondeur. Loin d’être deux systèmes théoriques qui s’opposent frontalement, le clivage entre Lumières et anti-Lumières varie selon les luttes politiques, religieuses ou intellectuelles dans lesquelles il est mobilisé ; un clivage d’autant plus complexe qu’il ne confronte pas des courants de pensée homogènes et cohérents, mais traverse l’ensemble des groupes sociaux et des ordres de l’Ancien Régime, se juxtaposant et donnant forme et expression aux tensions qui divisent leurs membres. On le voit, s’interroger sur les anti-Lumières et sur le combat que livrent ses représentants, c’est s’interroger aussi bien sur les luttes institutionnelles qui traversent la République des Lettres que sur les conflits qui divisent les membres de l’église catholique (pensons ici aux luttes entre catholiques et jansénistes, mais aussi aux luttes qui traversent le courant janséniste comme l’ont montré les travaux de Monique Cottret et de Catherine Maire), et à celles qui divisent les élites politiques, judiciaires et administratives durant la seconde moitié du xviiie siècle. C’est dire l’extrême diversité de ce combat et des formes qu’il prend, constatation que les travaux portant sur d’autres espaces européens confirment largement. Loin d’être une réaction d’hostilité uniforme à la prétention universelle de la philosophie française, le mouvement anti-Lumières, particulièrement dynamique en Europe dans la seconde moitié du xviiie siècle, s’inscrit à chaque fois dans les logiques de conflits politiques, religieux ou intellectuels qui traversent les différents états et évolue selon le contexte et les intérêts des acteurs9. En France comme en Europe, il faut se garder de réifier un groupe et mouvement théorique qui, en dépit des contacts et des « transferts », se caractérise par sa très forte diversité à tel point d’ailleurs que l’utilisation de la notion d’anti-Lumières est de plus en plus questionnée par des chercheurs qui mettent en évidence son ambiguïté et cherchent à s’en détacher.
5De fait, la mise en évidence de cette très grande hétérogénéité a permis de revisiter la nature particulièrement complexe de la lutte Lumières/anti-Lumières qui, au fil des études, est marquée par des effets de brouillage. Les biographies individuelles et collectives, les études portant sur les réseaux de sociabilité, sur les objets et les formes de l’affrontement, ont en effet mis en exergue l’extrême perméabilité et fluidité de ces notions. Ainsi, après avoir longtemps cherché à rendre compte de leur opposition inconciliable, les recherches actuelles semblent au contraire tendre à mettre l’accent sur les transferts, dialogues, chevauchements entre Lumières et anti-Lumières. Parmi de nombreux exemples, le numéro de la revue Dix-huitième siècle publié en 2002 sous le titre « Christianisme et Lumières » est tout à fait significatif : à travers les objets d’analyse choisis (l’abbé Bergier, bibliophile, fréquentant le cercle d’Holbach, favorable à la tolérance envers les protestants et auteur d’un des ouvrages les plus marquants contre la philosophie, Le Déisme réfuté ; le Journal encyclopédique ou les « apologistes conciliateurs10 »), il s’agit plutôt de remplacer l’idée d’un affrontement frontal par le thème du « clair-obscur ». En outre, l’intérêt porté au renouvellement de l’apologétique et de l’exégèse biblique par le biais des « contacts » entre Lumières et anti-Lumières ou aux différentes appropriations de l’œuvre de Rousseau11, montre encore qu’il s’agit désormais de dépasser l’opposition pour aboutir à l’idée d’une imprégnation des anti-Lumières par les Lumières et vice versa. Ces interprétations aboutissent à insister plutôt sur les formes d’échanges, de dialogues et mettent en exergue les conditions d’une « culture commune » des élites sociales et culturelles, le risque étant désormais d’occulter les conflits dont les enjeux ne sauraient être recherchés du côté des seuls débats littéraires, philosophiques ou scientifiques.
6Plutôt que de se contenter de constater les glissements et les chevauchements entre Lumières et anti-Lumières, certains travaux novateurs cherchent à en révéler les enjeux politiques et les implications sociales. Pierre Serna a ainsi montré que loin d’être restés archaïques ou complètement passéistes face aux mouvements intellectuels ou théoriques de la seconde moitié du xviiie siècle, les adversaires des Lumières ont largement eu recours aux instruments de leurs ennemis. L’auteur étudie les modalités à partir desquelles une partie de la noblesse française des dernières années de l’Ancien Régime, soucieuse de défendre ses privilèges et sa position sociale, s’approprie les critiques des Philosophes et construit un nouveau système rationnel, une idéologie du sang et du pedigree12, en s’appuyant sur les travaux de Buffon et de Lavater. Au risque de brouiller complètement la frontière entre Lumières et anti-Lumières et ainsi de nier les oppositions au profit d’une représentation « consensuelle » du groupe des élites sociales et culturelles, il s’agit de replacer l’opposition Lumières/anti-Lumières dans un contexte précis en montrant d’une part, comment les enjeux politiques, sociaux ou religieux se greffent sur les luttes littéraires et scientifiques, et d’autre part, comment ces luttes viennent à leur tour exacerber les conflits à l’extérieur de la République des Lettres. Cette constatation confirme encore l’idée selon laquelle les notions de « Lumières » et d’« anti-Lumières » doivent être utilisées avec prudence. Si elles peuvent servir à désigner des prises de position idéologiques de certains acteurs, elles ne sauraient être les seuls outils d’analyse d’un monde social et politique dont les logiques ne cessent d’évoluer. C’est particulièrement le cas pour les années 1780-1789 qui méritent, selon nous, de faire l’objet de nouvelles recherches. Si les travaux de Robert Darnton restent incontournables sur cette période, il nous semble en effet nécessaire de revisiter les luttes interprétées à l’aune des notions de « Lumières », « seconde Lumières » et « anti-Lumières » à partir d’une prise en compte plus précise des logiques sociales qui s’affrontent dans les espaces religieux, politique et intellectuel et qui contribuent à leur radicalisation13. Une connaissance plus précise de cette période permettrait incontestablement de mieux comprendre la formalisation théorique de la pensée contre-révolutionnaire (à partir de 1789, la pensée anti-Lumière reste en effet une source théorique essentielle de la pensée contre-révolutionnaire), mais plus encore d’en comprendre les contradictions et les divergences internes.
7Comme le souligne Darrin McMahon, les instruments utilisés par les opposants aux Lumières dans la seconde moitié du xviiie siècle jouent un rôle essentiel dans la « prise de parole » contre-révolutionnaire14. Mieux, ils confèrent à l’action politique de la Contre-Révolution une efficacité réelle qu’on ne saurait ignorer après les travaux de Timothy Tackett sur les luttes politiques au sein de l’Assemblée constituante15. L’édit de tolérance en faveur des protestants (1787), la convocation des états généraux et les premiers événements de 1789, qui apparaissent comme autant de « preuves » de la décadence d’une France pécheresse subissant les assauts de l’irréligion, de l’incrédulité et de l’anarchie, constituent autant de fondements d’une « histoire immédiate » qui, écrite par les opposants à la Révolution, puise ses sources dans la lutte menée contre les Lumières. La construction théologique (et téléologique) dont des Lumières désormais accusées d’être responsables d’une Révolution refusée, sont l’objet, va en effet constituer dès le printemps 1789, le cadre de construction du discours contre-révolutionnaire auquel elle confère une efficacité et une légitimité indéniables durant tout le processus révolutionnaire. Certes, là encore, il s’agit de ne pas tomber dans le piège de la réification : le combat des anti-Lumières sous la Révolution, s’il s’approprie des héritages et s’appuie sur les outils forgés dans les luttes antérieures, s’adapte au nouveau contexte et aux nouveaux adversaires en subissant d’importantes transformations sur le plan théorique et pratique, et cela durant toute la période révolutionnaire. Si de nouveaux représentants émergent, la lutte contre les Lumières menée sous l’Ancien Régime ne conduisant pas nécessairement à embrasser la contre-révolution, le mouvement mené contre une Révolution « fille des Lumières » reste encore très hétérogène durant toute la période, même si la radicalisation du combat introduit progressivement une plus grande cohérence théorique. Le mérite de l’ouvrage de D. McMahon, mais aussi des recherches biographiques sur certains acteurs et sur les outils de diffusion de leurs idées (pensons en particulier à la presse), ont permis d’éclairer d’un jour nouveau le rôle joué par l’opposition aux Lumières dans le processus révolutionnaire. Si les recherches sont encore à faire sur ce terrain (les orateurs et les porte-parole contre-révolutionnaires restent, à quelques exceptions près, encore largement méconnus), il apparaît que le combat contre les Lumières sert, d’une part, de support à la construction d’une posture politique qui ne cessera de se renforcer et, d’autre part, de fondement essentiel à la prise de parole et à l’action contre-révolutionnaire. Loin d’être le produit d’une stratégie de déni de l’événement ou d’une vision nostalgique d’un passé qui disparaît, il apparaît tout au contraire que la lutte anti-Lumières va permettre à la Contre-Révolution de trouver là un terrain particulièrement idoine pour mener son combat. D. McMahon montre ainsi comment la construction de la filiation « Lumières/ Révolution » appuyée sur la théorie du complot a joué un rôle essentiel, non seulement dans l’interprétation de l’événement, mais aussi dans la participation particulièrement active des contre-révolutionnaires aux débats politiques, la notion de « philosophes » servant d’outil de stigmatisation à l’instar de celle « d’aristocrate » dans le discours révolutionnaire. On voit là comment le combat mené contre les Lumières sert d’instrument à l’action et à la prise de parole contre-révolutionnaire dont l’efficacité peut se mesurer, sous la Constituante, dans l’opposition à la Déclaration des droits de l’homme, stigmatisée comme produit de l’abstraction philosophique.
8Sans qu’il soit question ici d’indiquer précisément les multiples transferts théoriques et conceptuels entre le combat anti-Lumières et le combat contre la Révolution, deux remarques peuvent être faites. La réactualisation du combat mené contre des Lumières, réinterprétées et reconstruites dans le nouveau contexte révolutionnaire selon une vision caricaturale et manichéenne, rend possible, dès le début du processus révolutionnaire, l’action rapide et efficace d’une opposition politique qui s’adapte dans la durée. Les attaques contre les « Philosophes » en 1789 laissent place à celles contre les « Idéologues » sous le Directoire. Rapidement, dès le printemps 1789, la construction de la filiation Lumières/Révolution permet l’intervention de porte-parole qui s’érigeant en « Cassandre » et en « Sauveurs » d’une France minée par les complots, vont progressivement renforcer leurs interventions dans l’espace politique en utilisant les instruments qu’ils ne cessent de dénoncer, en particulier la presse. Efficacement, la théorie du complot, hérité des luttes antérieures, qui ne va cesser d’être réaffirmée au fil du processus révolutionnaire, confère – face à un événement dont les contemporains ne cessent de souligner le caractère surprenant et incompréhensible – une rationalité susceptible d’appuyer l’offensive politique de la Contre-Révolution qui ne peut être considérée comme une simple réaction ou réponse au processus révolutionnaire. Certes fantasmagorique16, cette rationalité qui amalgame protestants, jansénistes, francs-maçons comme les alliés des philosophes et des révolutionnaires, rend possible la construction d’un discours cohérent susceptible de servir de cadre commun à l’expression des oppositions les plus diverses à la Révolution, politiques, religieuses ou intellectuelles. La publication du Dictionnaire des grands hommes en 1790 par Rivarol ou le recueil de caricatures de Royer-Brun en 1792, illustrent parfaitement ce phénomène.
9En servant de matériau à la construction d’un régime d’historicité fondée sur une vision providentialiste, le combat mené contre les Lumières permet en effet à la Contre-Révolution de forger une représentation totalisante et globalisante de la Révolution et de ses acteurs qui contribue, non seulement à l’efficacité du combat théorique menée par les contre-révolutionnaires dans la durée, mais aussi à forger une cohérence à ce combat. L’étude des conditions de l’imprégnation du discours contre-révolutionnaire par le discours anti-Lumières, de même que l’analyse des modalités des actions, des pratiques, des prises de parole et de leur diffusion des représentants de ce courant restent encore largement à faire. Je pense qu’il serait particulièrement utile de réfléchir au rôle joué par les luttes contre les Lumières menées au sein de l’espace intellectuel, en particulier dans les lettres et dans les sciences, pour comprendre comment le discours contre-révolutionnaire se charge d’influences diverses pour investir des terrains sur lesquels on ne l’attendrait pas. De la même manière, l’étude de la constitution de cadres de solidarités, de formes de sociabilité, dans la continuité des études menées sur les réseaux de libraires et d’imprimeurs, comme le fait Annie Duprat17, permettrait indéniablement de mieux comprendre comment ce courant d’opposition aux Lumières participe à la construction de ou des identités politiques contre-révolutionnaires. Il y a bien ici un chantier à ouvrir concernant la construction d’une culture politique spécifique dont il faudrait approfondir l’analyse des pratiques ainsi que des modalités de sa construction et de sa diffusion. Là encore, l’hostilité aux Lumières masque une profonde hétérogénéité au sein même de la pensée contre-révolutionnaire. Si certains s’appuient sur cette dénonciation pour s’enfermer dans une vision nostalgique de l’Ancien Régime, d’autres, à l’inverse (ce sera le cas d’un Bonald), y puisent les fondements théoriques d’une conception sociale et politique utopique18 qui, à certains égards, rappelle celle des Jacobins étudiés par P. Higonnet19. S’il convenait ainsi de préciser les contours théoriques de la pensée contre-révolutionnaire, il s’agirait également d’être plus attentif au rôle joué par cette confrontation entre Lumières et anti-Lumières dans la dynamique politique de la Révolution.
10Selon Darrin McMahon, la lutte menée par les anti-Lumières, et leur confrontation de plus en plus violente avec les représentants des Lumières, jouent un rôle essentiel, sinon moteur, au sein du processus révolutionnaire, participant largement à la radicalisation des luttes politiques. Il souligne en effet que le discours politique fondé sur l’opposition aux Lumières aboutit à faire émerger progressivement l’idée d’une lutte inconciliable entre le « Bien et le Mal » et transforme ainsi le combat politique en combat idéologique. Le discours politique disparaissant progressivement derrière une vision morale du conflit qui rend impossible toute possibilité de conciliation entre partisans et adversaires de la Révolution, ce processus s’inscrivant parfaitement dans l’étude menée par T. Tackett sur le rôle joué par les députés les plus hostiles à la Révolution dans la radicalisation du conflit politique sous la Constituante.
11Plus encore, à travers la théorie du complot et de la condamnation morale de la Révolution, D. McMahon montre comment l’offensive menée au nom de l’hostilité aux Lumières a largement participé à la radicalisation de la violence politique sous la Révolution. Au-delà du discours de peur et d’effroi que les anti-Lumières ne cessent de diffuser, la dénonciation de plus en plus virulente de dangers fantasmatiques, le tableau d’une France en proie à tous les désordres, constituent autant de fondement d’une rhétorique de la haine qui joue un rôle essentiel dans la radicalisation de la politique révolutionnaire. En utilisant les mêmes outils de combat (presse, caricatures…) pour fustiger leurs adversaires, ils ont incontestablement joué un rôle, non seulement dans la « mobilisation des esprits », mais aussi, et ce n’est pas un paradoxe, dans la mise en place d’une violence révolutionnaire censée répondre aux menaces et aux attaques lancées par des anti-Lumières qui, à leur tour – ce sera particulièrement le cas durant la Terreur –, se servent de cette violence pour consolider et légitimer davantage leur hostilité absolue au processus révolutionnaire, la violence se présentant ainsi comme un fondement essentiel de la stratégie politique des anti-Lumières. De fait, cette interprétation prend nettement le contre-pied des analyses qui, pensons à celle de Patrice Gueniffey20, considèrent la figure de la « conspiration » ou le thème du complot comme des « maladies infantiles » du discours révolutionnaire, en particulier jacobin et y voient la source des dérives et des violences sanguinaires de la Révolution. D. McMahon met en exergue le caractère « idéocratique » du discours contre-révolutionnaire fondé sur la lutte contre les « Lumières » et déplace l’analyse de la radicalisation du processus révolutionnaire vers la confrontation dialectique entre Lumières et anti-Lumières.
12Naturellement, le risque est grand, et malheureusement encore très répandu dans les productions récentes21, de réduire l’interprétation de la violence révolutionnaire et plus généralement des conflits politiques, sociaux ou religieux, à une confrontation de discours qui aurait entraîné un emballement de la mécanique révolutionnaire. C’est d’ailleurs, il me semble, le risque de l’étude menée par D. McMahon. Si le combat entre Lumières et anti-Lumières semble jouer un rôle moteur dans le processus révolutionnaire, il ne saurait être considéré comme un cadre d’interprétation exclusif et autonome. De fait, je pense que l’étude de cette lutte, certes cruciale durant la Révolution, doit être replacée dans une analyse plus précise des phénomènes sociaux, religieux et politiques sur lesquels elle se juxtapose et contribue indéniablement à radicaliser. Encore une fois, une connaissance plus précise des enjeux qui entourent les prises de positions individuelles et collectives des anti-Lumières durant la Révolution est donc encore largement nécessaire pour montrer les nuances et les divergences d’un mouvement qui demeure encore largement hétérogène et reste caractérisé par des effets de brouillage. Si cette notion d’anti-Lumières peut être opératoire pour faire émerger et approfondir l’étude de certains phénomènes et aspects théoriques de la pensée contre-révolutionnaire, elle ne saurait masquer les logiques complexes qui se cristallisent autour de l’hostilité à la Révolution, constatation que les études portant sur d’autres espaces européen viennent confirmer. Il apparaît qu’en Europe, la lutte contre les Lumières constitue, selon des temporalités et des modalités différentes aux différents états, un des fondements essentiels de l’opposition à la Révolution française. Mais, là encore, les résistances et oppositions européennes à la France ne peuvent être réduites à la lutte entre Lumières et anti-Lumières. Certes, à partir des recherches portant sur la circulation des hommes et des idées (les traductions, les réseaux de sociabilité et d’échanges à travers les lieux d’émigration par exemple22), l’accent est mis sur une certaine homogénéité théorique qui trace les contours de ce que l’on peut appeler une « internationale noire23 ». Néanmoins, sous l’apparente homogénéité, les différentes formes d’opposition à la Révolution qui s’expriment à l’échelle européenne dans la lutte menée contre les Lumières ne forment pas un « bloc ». Comme l’ont montré les études de Anna-Maria Rao24 sur l’Italie, de Michael Wagner25 sur l’Angleterre ou de Jordi Canal26 sur l’Espagne, on ne peut réduire les conflits et ces résistances anti-françaises, pouvant donner lieu à des sentiments xénophobes, à une opposition théorique aux idées des philosophes français. Si l’unité doctrinale déjà mise en évidence par Jacques Godechot ne doit pas être négligée, il convient en effet de prendre en considération les fondements sociaux, politiques et religieux et les temporalités différentes qui rendent à chaque fois ces conflits spécifiques : le combat anti-Lumières s’ancre en effet dans des logiques internes qu’il convient de mettre en relief, ce qui rend particulièrement hétérogène la configuration des anti-Lumières à l’échelle européenne.
13Ce que l’on peut néanmoins constater, c’est que le clivage Lumières/anti-Lumières joue incontestablement un rôle moteur dans les conflits militaires, en lui conférant une portée idéologique particulièrement marquée (pensons par exemple, à la manière dont est construite en France la lecture idéologique de l’assassinat de Radstadt). Cette constatation se vérifie au sein même des différents États : on peut ainsi mesurer ces résonances idéologiques forgées par le combat anti-Lumières dans les conflits armés et les guerres civiles, aussi bien en Vendée qu’en Allemagne ou en Espagne, comme l’ont montré les études réunies dans le colloque organisé en 2000 par Jean-Clément Martin, La Contre-Révolution en Europe27. Si elle n’en est pas la cause, la lutte anti-Lumières se greffe sur les conflits et lui confère non seulement une portée universelle et totalisante, mais aussi en modèle l’interprétation historique et la mémoire forgée sur les « mythes anti-Lumières28 ». On comprend dès lors qu’il convient d’être très prudent concernant la relation qui est souvent faite entre le mouvement des anti-Lumières et la construction du nationalisme. Là encore, une tendance à la simplification et à la réification est souvent de mise. Les travaux sur l’Espagne menés par Lluis Roura29, Jean-Philippe Lluis ou Jordi Canal sont à ce titre particulièrement importants car ils tentent de préciser les conditions dans lesquelles se formalise un discours politique « nationaliste » autour du combat contre les Lumières et la Révolution, en inscrivant cette analyse dans les spécificités des luttes qui traversent l’ensemble du corps social et politique espagnol ; par là, ils mettent en cause, ou précisent, les interprétations traditionnelles qui postulent un lien organique entre « nationalisme » et anti-Lumières en Europe30. La nécessité de ne pas réifier des groupes qui n’ont jamais existé et de ne pas occulter les phénomènes sur lesquels vient se greffer le combat entre Lumières et anti-Lumières, évitant ainsi de faire de cette lutte un processus théorique ou discursif autonome, paraît d’autant plus nécessaire lorsqu’on se penche sur la période consulaire et impériale.
14La période qui s’ouvre avec la mise en place du régime consulaire marque indéniablement une étape importante dans l’histoire des anti-Lumières. À partir du début de l’année 1800, bénéficiant des mesures qui permettent le retour des émigrés et plus généralement des vaincus politiques sur le devant de la scène publique, les anti-Lumières apparaissent en effet en position de conquérants. Depuis longtemps, les études portant sur les Idéologues ont mis en évidence une transformation des rapports de force entre les défenseurs et les adversaires des Lumières, une transformation largement en faveur de ces derniers. En outre, les travaux portant sur les représentants des anti-Lumières pendant cette période, je pense en particulier à ceux sur Bonald ou Chateaubriand, qui ont montré qu’en dépit d’une réappropriation d’héritages antérieurs (la vision manichéenne de la Révolution), leur combat s’était profondément transformé aussi bien dans ses assises théoriques, voire esthétiques, que dans les moyens de conquérir l’opinion publique. Ces transformations, dont les modalités restent encore largement à étudier, permettent indéniablement aux anti-Lumières d’investir de nouveaux terrains de batailles, comme la littérature, la science mais aussi la famille ou l’enseignement, déplacements qui leur permettent de lutter de manière particulièrement efficace contre leurs adversaires et de mettre en place ce que l’on peut définir comme un véritable projet politique, aux fondements peut-être utopiques, mais qui ne peut se réduire à un simple retour à l’Ancien Régime. Il apparaît encore que faire du combat des « anti-Lumières » la perpétuation de prises de position, de pratiques ou de théories antérieures, ne repose sur rien. De fait, et sans entrer ici dans les détails, il est admis que les anti-Lumières ont réussi sous le Consulat à fragiliser, voire à détruire, les principaux fondements de ce qui constituait, depuis la recomposition politique des Thermidoriens, la légitimité de l’entreprise culturelle et politique menée, au nom des Lumières, par le régime directorial et les Idéologues31. La réorganisation en 1803 de l’Institut national, institution savante mais aussi politique, marque indéniablement une étape importante dans ce processus, signant la défaite de la figure symbolique du « Savant-Législateur » et du pouvoir omnipotent d’une Raison analytique accusée d’être mortifère pour l’ordre social et politique au profit de la valorisation de la figure de l’Écrivain sacré, médiateur entre les hommes et Dieu, et de la poésie, support des sentiments. C’est donc particulièrement dans la perspective de l’opposition contre les Idéologues que les anti-Lumières sont étudiées, au risque d’ailleurs comme c’est encore trop souvent le cas, de réifier des catégories, dont j’ai montré dans mon travail sur la Société des Observateurs de l’homme qu’elles méritaient d’être revisitées32.
15Or, il me semble qu’en plus du risque d’autonomiser la lutte Lumières/anti-Lumières dans la sphère des idées et des théories, et, finalement de n’y voir qu’une des étapes de la fameuse transition entre « Lumières » et « Romantisme », cette approche commune à de nombreux travaux réduit la portée et les enjeux des prises de position anti-Lumières. Plus précisément, les études actuelles ne posent pas précisément la question des rapports entre les anti-Lumières et l’entreprise de recomposition politique et sociale entreprise sous l’égide de l’état napoléonien. Si cette question est parfois posée par spécialistes de l’histoire religieuse33, elle est trop souvent évacuée lorsqu’il s’agit des problèmes touchant à la mise en place des nouvelles formes de légitimation et de domination sociale et politique de cette période. Au lieu de réduire les relations entre les anti-Lumières et l’état bonapartiste à un jeu d’influences intellectuelles ou d’alliances tactiques (comme le fait D. McMahon), le combat mené contre les Lumières doit être réinscrit dans les dynamiques sociales et politiques qui traversent la période. En effet, il apparaît qu’on occulte trop souvent le fait que cette bataille a pu s’inscrire dans le jeu de concurrence et de pouvoir au sein des élites sociales, politiques, religieuses ou intellectuelles. Cela peut d’ailleurs rendre compte des prises de position inattendues ou des alliances apparemment contre-nature qui rendent complexes les efforts de classification. Si, comme le prétend Antoine Casanova34, Bonaparte est resté fidèle aux Lumières, il n’empêche que les représentants du mouvement qui se reformalise à cette période derrière le flambeau de l’hostilité aux Lumières ont joué un rôle essentiel, et au-delà même de la religion, dans l’entreprise de recomposition sociale et politique menée par le régime. Je ne parlerais pas de « victoire des anti-Lumières » sous l’Empire, mais il me paraît indéniable que leurs représentants ont participé activement, à travers leurs réflexions sur la place de l’État, le rôle de la religion, de l’imprimerie ou la critique de l’individualisme, à la consolidation du régime et de ses institutions, ainsi qu’à la construction et à la légitimation du pouvoir des élites sociales. Mais, là encore, l’usage des « étiquettes » mérite d’être interrogé.
16Les historiens des idées de cette période allant du Directoire à l’Empire, nous ont habitués à des découpages consacrés et statufiés comme, par exemple, le fameux conflit entre « Idéologues » – héritiers des Lumières – et leurs adversaires. Or, lorsqu’on étudie précisément les prises de position qui s’expriment, la réalité apparaît comme beaucoup plus complexe et la validité des découpages, voire leur efficacité interprétative, pose de nombreux problèmes. Comment en effet interpréter les prises de position particulièrement hostiles aux Lumières d’un Roederer alors que, dans le même temps, ce dernier apparaît comme l’une des figures majeures du combat en faveur de la défense de ces mêmes Lumières35 ? Cette difficulté renvoie à celle posée par l’ouvrage d’Antoine Casavona qui tend à se faire le défenseur d’un Bonaparte « héritier des Lumières », sans s’interroger précisément sur les véritables enjeux de la position que ce dernier occupe dans le conflit entre partisans et adversaires des Lumières au risque, de ce fait, de ne pas comprendre les enjeux du conflit lui-même.
17Par ailleurs, et dans la continuité de ce qui précède, cette tendance à utiliser les notions de Lumières/anti-Lumières a pour effet de faire oublier la profonde diversité de ce mouvement et des intérêts des acteurs qui peuvent s’y rattacher. La question mériterait naturellement d’être précisée, mais il semble que c’est durant la période impériale, et en fonction des positions qu’ils occupent au sein des institutions d’état, que se construit, au sein même des anti-Lumières, un clivage important qui ne cessera de rejouer pendant tout le xixe siècle36 et, aura des conséquences importantes sur « l’histoire des droites » en France. À ce titre, l’étude des anti-Lumières sous le Consulat et l’Empire mériterait sans aucun doute de figurer parmi les « voies nouvelles pour l’histoire du premier Empire » auxquels nous invite Natalie Petiteau37, non seulement pour préciser la nature des conflits qui traversent les espaces politique, religieux et intellectuel38, mais plus encore pour comprendre les fondements et les contradictions du régime napoléonien.
18Ainsi, il semble que l’intérêt actuel porté aux anti-Lumières permet incontestablement de revisiter des phénomènes importants dans la période allant de la seconde moitié du xviiie siècle au premier xixe siècle. Si les recherches sur ce terrain restent encore largement à mener, les travaux récents ont ouvert des perspectives nouvelles et enrichissantes, permettant en particulier de réaliser un véritable travail sur les catégories d’interprétation historique et les problèmes posés par l’identité des groupes sociaux et politiques. Néanmoins, le danger reste celui de ne pas s’enfermer dans une histoire « internaliste » des anti-Lumières qui ne saurait être réduite à un seul courant d’idées ou de théories. La tendance à voir fleurir du côté des philosophes, des politistes, voire des historiens, des travaux qui, s’enfermant dans une démarche généalogiste des idées et des théories39, cherchent à mesurer la plus ou moins grande « modernité politique » des anti-Lumières, me semble sur ce point complètement opposée à une démarche, que je considère comme proprement historique, soucieuse d’ancrer l’histoire intellectuelle dans l’histoire sociale.
Notes de bas de page
1 Jean Domenech, « Anti-Lumières », dans M. Delon (dir.), Dictionnaire européen des Lumières, Paris, PUF, 1997, p. 83-89 ; Mark Lilla, « Les Anti-Lumières », dans S. Rials, P. Raynaud (dir.), Dictionnaire de philosophie politique, Paris, PUF, 1996 (rééd. 2003), p. 16-19. Voir aussi Karina Williamson, « Counter-Enlightenment », dans John W. Yolton, The Blackwell Companion to the Enlightenment, Oxford, Blackwell, 1992.
2 Gérard Gengembre, La contre-révolution ou l’histoire désespérante, Paris, Imago, 1989.
3 Jean Deprun, « Les Anti-Lumières », Histoire de la philosophie, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1973, t. II.
4 Cf. J. G. A. Pocock, « Enlightenment and Counter-Enlightenment, Revolution and Counter- Revolution, A Eurosceptical Enquiry », History of Political Thought, 20, 1999.
5 Paul Bénichou, Le sacre de l’écrivain, Paris, José Corti éditions, 1973.
6 Isaiah Berlin, Le bois tordu de l’humanité. Romantisme, nationalisme et totalitarisme, Paris, Albin Michel, 1992, 265 p. ; idem, « Joseph de Maistre and the Origine of Facism », The Crooked Timber of Humanity, London, Fontana, 1992 ; idem, Le mage du Nord, critique des Lumières : J. G. Harmann, 1730-1788, Paris, PUF, 1997.
7 Comme nous y invite Didier Masseau, « l’analyse sociologique des gens de lettres sous l’Ancien
Régime [et nous ajoutons, sous la Révolution] éclaire d’un jour singulier la lutte antiphilosophique. Les motivations personnelles reposant sur les enjeux de carrière, la lutte pour la conquête des institutions culturelles d’État et les reconnaissances symboliques l’emportent souvent sur les visées idéologiques », Les ennemis des philosophes, Paris, Albin Michel, 2000, p. 39.
8 « Littérature antiphilosophique et contre-révolutionnaire au xviiie siècle », Revue de l’Université d’Ottawa, 54, juillet-septembre 1984 ; Jochen Schmidt (ed.), Aufklärung und Gegenaufklärung indereuropäischen Literatur, Philosophie und Politik von der Antike bis zur Gegenwart, Darmstadt, Wissenschafttide Buchgesellschaft, 1989.
9 Comme l’illustre l’étude biographique menée par W. E. R. Velema sur Élie Luzac (1721-1796), protestant exilé à Leyde, imprimeur de L’Homme machine de La Mettrie en 1747 et porte-parole des « anti-Lumières » lorsqu’éclate le mouvement patriotique hollandais dans les années 1780. W. E. R. Velema, Enlightenment and Conservatism in the Dutch Republic : The Political Thought of Elie Luzac, Asse/Maastricht, 1993.
10 « Christianisme et Lumières », Dix-huitième siècle, n° 34, 2002.
11 Greame Garrard, Rousseau’s Counter-Enlightenment : a republican critique of the Philosophes, Albany, State University of New York, 2003.
12 Pierre Serna, « Le Noble », dans M. Vovelle (dir.), L’homme des Lumières, Paris, Seuil, p. 83 : « Répétons notre hypothèse : la noblesse n’est pas dominée, pas plus qu’elle n’est réactionnaire, passéiste ou dégénérée, bien au contraire, elle entretient un dialogue avec les Lumières, comprend le nouveau discours et ses critiques sévères »
13 Cf. Darrin McMahon, « The Counter-Enlightenment and the low-life of Literature in pre- Revolutionary France », Past and Present, 159, 1998, p. 77-112.
14 Darrin McMahon, Enemies of the Enlightenment. The French Counter-Enlightenment and the Making of Modernity, Oxford, University Press, 2001.
15 Timothy Tackett, Par la volonté du peuple. Comment les députés sont devenus révolutionnaires, Paris, Albin Michel, 1996.
16 Cf. sur le thème du complot franc-maçon, l’ouvrage de Pierre-Yves Beaurepaire, L’Europe des francs-maçons (xviiie-xxie siècle), Paris, Belin, 2002.
17 Annie Duprat, « Un réseau de libraires royalistes à Paris sous la Terreur », AHRF, 2000, p. 45-68. Voir, plus généralement, Frédéric Barbier et al. (dir.), L’Europe et le livre. Réseaux et pratiques du négoce de librairie, xvie-xixe siècle, Paris, Klincksieck, 1996.
18 Voir pour l’Italie, S. N. Eisenstadt, Fondamentalismo e modernità. Eterodossie, utopismo, giacobismo nella construzione dei movimenti fondamentalisti, Rome/Bari, 1994.
19 Patrice Higonnet, Goodness beyond Virtue : Jacobins during the French Revolution, Cambridge/London, Harvard University Press, 1998.
20 Patrice Gueniffey, La politique de la Terreur, Paris, Fayard, 2000.
21 David W. Bates, Enlightenment Aberrations. Error and Revolution in France, Ithaca/London, Cornell University Press, 2002.
22 Harvey Chisick, The Production, Distribution and Readership of a Conservative Journal of the Early French Revolution : The Ami du Roi of the Abbé Royou, Philadelphia, 1992 ; Kristy Carpenter and Philip Mansel, The French Émigrés and the Struggle against Revolution, 1789-1814, London, Macmillan Press, 1999 ; Simon BURROWS, French Exile Journalism and European Politics, 1792- 1814, The Royal Historical Society, The Boydel Press, 2000.
23 Darrin McMahon, « Seeing the Century of Lights as a Time of Darkness : the Catholic counter- Enlightenment in Europe and the Americas 1750-1799 », dans Florence Lotterie, Darrin McMahon (dir.), Les Lumières européennes dans leurs relations avec les autres grandes cultures et religions, Paris, Champion, 2002, p. 81-104.
24 Anna-Maria Rao (dir.), Folle contre-rivoluzionarie, Rome, Carocci, 2000.
25 Michael Wagner, England und di französishe Gegenrevolution, 1789-1802, Munich, Oldenbourg, 1994.
26 Jordi Canal, El Carlismo, Madrid, Alianza Editorial, 2000.
27 Jean-Clément Martin (dir.), La Contre-Révolution en Europe. xviiie-xixe siècle. Réalités politiques et sociales, résonances culturelles et idéologiques, Rennes, PUR, 2001.
28 Jean-Clément Martin (dir.), La guerre civile entre mémoire et histoire, Université de Nantes, Ouest Éditions,
1995, « introduction »: « Il n’est pas possible de parler d’une contre-révolution théorique dans ces années de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle, sans prendre le risque de créer un groupe qui n’a jamais existé, de chercher un parti là où il n’y eut que des rencontres et des hasard, là où finalement, les expressions mêmes de la contre-révolution ne se réduisirent pas à des revendications politiques ou religieuses, mais ouvrirent les voies nouvelles de la littérature en forgeant l’image du poète romantique, puis de l’écrivain »
29 Lluis Roura, « La contre-révolution en Espagne et la lutte contre la France, 1793-1795 et 1808-1814 », dans J.-C.Martin (dir.), La contre-révolution en Europe. xviiie-xixe siècle. Réalités politiques et sociales, résonances culturelles et idéologiques, Rennes, PUR, 2001, p. 205-219.
30 Jean-Philippe Lluis, « Nation et contre-révolution dans l’Espagne de la fin du xviiie siècle », Siècle, 9, Clermont-Ferrand, Université Blaise-Pascal, 1999, p. 101-114.
31 François Azouvi (dir.), L’Institution de la Raison, Paris, Ehess, 1992, 262 p.
32 Jean-Luc Chappey, La Société des Observateurs de l’homme. Des anthropologues sous Bonaparte, Paris, Société des études robespierristes, 2002.
33 Voir les travaux de François Laplanche, en particulier La Bible en France entre mythe et critique : xvie-xixe siècle, Paris, Albin Michel, 1996.
34 Antoine Casanova, Napoléon et la pensée de son temps : une histoire intellectuelle singulière, Paris, Boutique de l’Histoire, 2001.
35 Jean-Luc Chappey, « Le xviie siècle comme enjeu philosophique et littéraire au début du xixe siècle », Quelques « dix-septième siècle »: fabrications, usages et réemplois, Cahiers du Centre de Recherches historiques, 2002, n° 28-29, p. 101-115.
36 Voir par exemple Jeremy D. Popkin, « Conservatisme, journalisme et opinion publique sous la Restauration : le paradoxe du succès de Joseph Fiévée », dans J.-C. Martin, La contre-révolution en Europe, op. cit., p. 193-204.
37 Natalie Petiteau, Voies nouvelles pour l’histoire du Premier Empire, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2003.
38 On lira sur les enjeux du rejet de la philosophie des Lumières du corpus universitaire sous l’Empire, l’ouvrage de Dinah Ribard, Raconter, Vivre, Penser. Histoires de philosophes 1650-1766, Paris, Vrin, 2003.
39 Philippe Raynaud, « Lumières et Anti-Lumières. De la Révolution française au romantisme politique », dans La Révolution française entre Lumières et Romantisme, Actes du colloque de mai 1989, Cahiers de philosophie politique et juridique, n° 16, Université de Caen, 1989, p. 181-192.
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