1La partie précédente a montré toute l’ambivalence des rapports sociaux dans lesquels sont pris les enquêtés, entre autonomie et domination. Cette dernière partie traite de la manière dont l’institution, par le biais des entraîneurs, se saisit du sport et le codifie pour inculquer des normes sportives et morales afin de rendre les jeunes hommes du quartier plus conformes aux normes dominantes. On envisage ainsi d’exposer un ensemble de stratégies mises en œuvre par les enquêtés dans le cadre de ces rapports sociaux ambivalents. Il s’agit d’analyser plus précisément les manières dont les entraîneurs essaient, par un travail prolongé d’inculcation de normes sportives et morales, de rendre les enquêtés plus conformes à la fois aux normes dominantes des couches populaires respectables et à certaines normes des couches moyennes. On verra que, paradoxalement, le rapport aux pratiques sportives est ajusté au style de vie populaire comme on l’a particulièrement vu dans la première partie de l’ouvrage, mais il marque aussi une rupture avec le milieu social d’origine des enquêtés et ses normes. Si l’institution sportive, après les avoir d’abord sélectionnés, sépare les enquêtés des profanes, c’est aussi pour mieux les « rendre » au monde qui les entoure, a priori plus ajustés à certaines normes dominantes. Attribuant au sport des fonctions sociales spécifiques, communiquant aux enquêtés leur vision du monde, les entraîneurs s’emparent du sport comme vecteur d’acculturation des jeunes garçons du quartier, qui se l’approprient, et instituent le dispositif socio-sportif de la salle comme « école de la vie », plus ouverte au monde des « autres » (chapitre v). Si les enquêtés appartiennent plutôt au pôle conforme des classes populaires, la relation au pôle déviant est apparue comme relativement ambivalente et assez déterminante dans leur socialisation. Le contrôle de la violence ainsi que la rupture avec l’univers de la « rue » et de la délinquance sont des éléments structurants dans la socialisation sportive observée au cours de l’enquête. Dans le cadre de cette action socialisatrice et d’une quête de respectabilité, les entraîneurs charismatiques transmettent, non sans résistance, une certaine vision du monde, ajustée aux conditions d’existence des enquêtés, mais qui tend également vers une acculturation partielle et cherche à détourner les jeunes sportifs de la déviance (chapitre vi).