Introduction à la première partie
p. 23-24
Texte intégral
1Dans un contexte de montée de l’éclectisme des goûts culturels des classes supérieures1, de désagrégation de la classe ouvrière, d’extraversion des classes populaires et d’inégalités croissantes, peut-on admettre qu’il existe des cultures de classe ? Assiste-t-on à un affaiblissement des frontières symboliques entre les groupes sociaux ? Peut-on parler d’une segmentation (selon des critères de genre, ethno-raciaux, générationnels, etc.) des classes populaires contemporaines en termes de pratiques culturelles ? En quoi les pratiques sportives étudiées participent-elles, ou non, des clivages sociaux des sociétés française et étasunienne ?
2Il s’agit, dans les pages qui suivent, d’entrer dans l’univers culturel des jeunesses de deux quartiers populaires en France et aux États-Unis et tenter de saisir la relation entre les pratiques sportives des enquêtés et leur univers social. Pour ce faire, on utilisera le prisme de sports au sein desquels on manipule spécifiquement la force physique et le combat et qui sont doublement codifiés2 : d’une part, du point de vue des normes sportives et, d’autre part, du point de vue des normes sociales. On commencera par montrer comment les salles de sport étudiées s’inscrivent dans des quartiers paupérisés et ségrégués et selon quels principes, sportifs et sociaux, elles constituent des espaces hiérarchisés et classants. Pour mieux saisir cet univers culturel, on portera une attention particulière au processus de double socialisation, sportive et « sociale », des corps de ces jeunes garçons qui appartiennent pour une grande part aux couches stabilisées des classes populaires et pour certains aux couches plus précaires ou en ascension, et pour la plupart aux groupes ethno-raciaux stigmatisés. Sans présumer de l’homogénéité des causes de l’engagement dans ces pratiques sportives, on tentera d’expliquer ce qui pousse des jeunes garçons socialisés dans ces quartiers à pratiquer la musculation et les sports de combat et en quoi elles participent du style de vie du pôle conforme des fractions masculines des classes populaires auquel appartient une grande partie des enquêtés (chapitre i). On s’arrêtera ensuite sur un aspect important de ces pratiques sportives : la manière dont elles sont liées aux rapports sociaux de sexe en ce qu’elles reposent sur la masculinité des enquêtés tout en la redéfinissant d’un double point de vue, à la fois « populaire » et « respectable » (chapitre ii).
Notes de bas de page
1 Peterson Richard A. et Kern Roger M., « Changing Highbrow Taste : From Snob to Omnivore », American Sociological Review, vol. 61, no 5, 1996, p. 900-907. López Sintas Jordi et García Álvarez Ercilia, « Omnivores Show up Again : The Segmentation of Cultural Consumers in Spanish Social Space », European Sociological Review, vol. 18, no 3, 2002, p. 353-368.
2 Gaudin Benoît, « La codification des pratiques martiales : une approche socio-historique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 4, no 179, 2009, p. 4-31.
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