Introduction à la troisième partie
p. 219
Texte intégral
1La première partie s’est focalisée sur les empreintes inédites et la deuxième sur les ressources de politisation, dans les deux cas à partir d’enquêtes discutant la place des émotions sur un terrain précis et autour de données inédites. La troisième partie accueille l’analyse de six auteurs connus et reconnus pour leur volonté de construire un cadre conceptuel situant les émotions en dialogue avec les disciplines parentes de la science politique. Philippe Braud ouvre le bal en proposant, comme à son habitude, d’aller plus loin par rapport aux avancées – déjà considérables – qu’il a formulées en sociologie politique pour lever les ambiguïtés et les lourds malentendus qui entourent l’opposition classique entre l’émotionnel et le rationnel. En centrant l’analyse sur les discours politiques en France, il montre comment l’appel aux émotions collectives et l’évocation des sentiments personnels révèlent une baisse significative de la distance sociale entre l’élu et l’électeur. Crystal Cordell engage un exercice analogue en philosophie politique en revenant sur la construction genrée des affects. Les stéréotypes sur le courage et la politesse nous racontent la façon dont l’homme écrit son histoire en qualifiant les passions sociales. Où l’on constate que les glissements sémantiques des deux derniers siècles n’empêchent pas (entre autres) la persistance de la référence à la citoyenneté virile. Jean-Louis Marie et Yves Schemeil reviennent sur les fondamentaux de la psychologie en insistant sur l’omniprésence de l’image dans la politique. La cognition chaude bouscule les savoirs, elle impose une révolution dans les méthodologies d’enquêtes et un effort sans précédent pour intégrer les résultats protéiformes des recherches en cognition. Sophie Wahnich questionne l’emballement des recherches contemporaines sur le cognitivisme, les neurosciences et l’histoire des sciences en rappelant les fonctions guerrières du savoir scientifique. La disqualification des émotions populaires sous la Révolution française (et donc d’une analyse historique de l’esthétique des émotions) a privé la science politique de clefs de lecture qui semblent pourtant plus que jamais nécessaires pour comprendre les évolutions contemporaines du corps social. Enfin Marc Abélès part de l’anthropologie politique pour discuter le lien complexe entre le pouvoir et la négativité. Revenant sur ses enquêtes et prenant appui sur les travaux d’Elias Canetti sur l’altérité, il montre comment la question de la maîtrise de la mort constitue une émotion centrale pour les élus. Malgré des trajectoires scientifiques distinctes et des références conceptuelles fort éloignées, les six auteurs partagent en commun une ambition de confrontation intellectuelle située au carrefour des disciplines. Cette troisième partie donne à voir un carrefour au sens presque routier du terme : une intersection, des branches d’entrée et de sortie, un sens giratoire, des problèmes de priorité…
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La proximité en politique
Usages, rhétoriques, pratiques
Christian Le Bart et Rémi Lefebvre (dir.)
2005
Aux frontières de l'expertise
Dialogues entre savoirs et pouvoirs
Yann Bérard et Renaud Crespin (dir.)
2010
Réinventer la ville
Artistes, minorités ethniques et militants au service des politiques de développement urbain. Une comparaison franco-britannique
Lionel Arnaud
2012
La figure de «l'habitant»
Sociologie politique de la «demande sociale»
Virginie Anquetin et Audrey Freyermuth (dir.)
2009
La fabrique interdisciplinaire
Histoire et science politique
Michel Offerlé et Henry Rousso (dir.)
2008
Le choix rationnel en science politique
Débats critiques
Mathias Delori, Delphine Deschaux-Beaume et Sabine Saurugger (dir.)
2009