17. Les émotions musicales, la communication politique et le bien commun
p. 209-216
Texte intégral
La musique offre aux passions le moyen de jouir d’elles-mêmes.
Friedrich Nietzsche
1La musique est une forme d’expression à la fois plurielle et singulière, de par ses diverses formes stylistiques (rythme, tonalité, harmonie) et les contenus des œuvres (paroles, symbolique de l’œuvre, l’imaginaire de l’œuvre). La musique est depuis toujours utilisée par les détenteurs du pouvoir, qu’il soit politique, religieux ou économique (Horkheimer, Adorno, 1974). Tout d’abord parce qu’elle est source de rassemblement (fêtes, chants, danses) et de plaisir esthétique (plaisir, émotion, mémoire/souvenir). Ensuite parce qu’elle participe à la construction d’un univers symbolique1 visant à assurer la cohésion d’une communauté donnée à travers des pratiques ritualisées (hymnes nationaux, cérémonies religieuses, marches militaires, etc.). Les usages musicaux traversent les siècles et les sociétés humaines (Blacking, 1980), pouvant être considérés comme des praxis culturelles universelles et des « agencements collectifs d’énonciation2 » intemporels (Higham et al., 2012).
2Dans toutes les sociétés humaines, la musique présente des affinités plus ou moins fortes avec les rituels et liturgies dans lesquels elle s’intègre. La musique est le reflet d’un ordre politique et social, ce qui permet de la situer dans un rapport à la politique symbolique et au travail politique en général. Par exemple, les hymnes participent à la définition et à la légitimation d’un régime politique. La musique, et plus spécifiquement les chants, sont utilisés pour répandre, d’une manière populaire et accessible à tous, les mots d’ordre du système politique en place (Dompnier, 1996). Inversement, la musique peut également servir de contrepouvoir ou d’outil critique (Carles, Comolli, 2000). D’ailleurs, il arrive qu’une même musique soit utilisée tant par un régime que par ses opposants. Toutefois, ce qui va nous intéresser ici, ce sont les caractéristiques de la musique dans la communication politique et plus spécifiquement dans le marketing politique.
3S’inspirant très largement du modèle étatsunien, les campagnes de communication partisane française depuis les années 19603 obéissent de plus en plus aux logiques propres au monde de la publicité4. Il est d’ailleurs très courant d’observer que les campagnes électorales sont l’œuvre de publicitaires (Albouy, 1994). Le volet musical de la communication politique n’échappe pas à ce constat5. Le marketing politique est une des formes de la communication politique. Il vise à promouvoir un projet, un candidat, un dirigeant, une cause politique sur le modèle des techniques publicitaires6.
4Ainsi, l’introduction du marketing dans les stratégies partisanes – et notamment dans la communication électorale des partis politiques – amplifie les caractéristiques préexistantes d’usage de la musique dans les modes d’organisation, de fabrication, de diffusion et de réception des campagnes électorales. C’est parce qu’elle a une capacité à fédérer des émotions (Weber, Dampierre, Chavy, 2003), que la musique fait partie des outils symboliques7 privilégiés dans les stratégies de production et de légitimation de l’imaginaire. Les usages de ses formes et contenus tant sémiologiques que sémantiques permettent de produire et structurer les émotions, comme le sentiment d’appartenance, la sensation de « bien être », l’identité sociale, politique, culturelle, etc.
5Dans ce chapitre il s’agira de montrer que l’usage du système émotionnel par le biais de la musique participe à la production de grands récits sur le bien commun, entendus comme un ensemble des pratiques discursives et narratives qui donnent aux émotions une place stratégique de réenchantement politique. Le propos s’organise en deux temps. D’abord nous présenterons l’enjeu méthodologique et la méthode permettant de saisir les émotions musicales en politique. Dans un second temps, nous aborderons l’exposition musicale de grands récits sur le bien commun en nous appuyant sur les clips de campagne de différents partis politiques pendant les campagnes présidentielles françaises de 1981 à 2012.
Saisir les émotions dans la musique : éléments de méthode
6De toutes les formes artistiques, la musique est sans doute celle qui pose le plus de problèmes aux sciences sociales, comme on peut en juger par le peu de pages que celles-ci lui ont consacrées en tant qu’objet à part entière. La musique a le plus souvent été abordée avec réserve – pour ne pas dire avec un certain embarras – par les chercheurs de manière générale (Campos, Donin, Keck, 2006). De ce fait, la musique et ses usages sont souvent traités en science politique sous l’angle de pratiques culturelles (écoute, production, pratique amateur ou professionnelle, etc.) et/ou comme phénomènes culturels (construction et/ou affirmation identitaire d’un groupe socialement, culturellement et politiquement constitué à travers l’utilisation que ce groupe fait de la musique). Ces études excluent ainsi le discours esthétique musical, c’est-à-dire la mise en exergue des relations entre la forme et le contenu de l’objet musical8.
7Dans nos recherches doctorales, nous observons que l’utilisation de la musique tend principalement vers des usages marketing, basés sur le modèle de la communication publicitaire. Les modes de production du clip politique sont pensés sur le modèle du clip publicitaire d’un produit marchand. Employé dans une variété de domaines comme le cinéma, le théâtre, l’enregistrement et le mixage de musique, le concert, le développement de jeux vidéos ou la publicité, le marketing sonore implique généralement la manipulation d’objets musicaux (Schaeffer, 1977). Sous-champ du marketing sensoriel9, il a pour objectif de séduire le consommateur tout en accroissant son bien-être dans le but d’influencer la perception ou le comportement qu’il aura vis-à-vis d’un produit ou au sein d’un point de vente.
8Ce constat nous amène à dire qu’il est nécessaire de s’intéresser non pas aux usages de la musique dans le marketing politique mais aux usages implicites de la grammaire musicale, c’est-à-dire le tempo (le rythme), à l’influence des modes (mode majeur, mode mineur), à la hauteur des sons (registres grave, médium ou aigu) ainsi qu’aux éléments exogènes à la musique comme l’influence du timbre sur les « évocations émotionnelles » (le timbre des instruments, associé à une certaine interprétation musicale), les genres musicaux10 ou encore le contexte (de diffusion et de réception). S’accordant avec les thèmes et lignes directrices des campagnes électorales, tous ces éléments favoriseraient l’émergence d’expressions émotionnelles spécifiques (Yvart, Di Giacomo, Hautekèete, 2004).
9Ce qui fait qu’une musique touche un individu répond à des paramètres tout à fait subjectifs qu’il est néanmoins possible d’objectiver. Jacob Jolij, chercheur en neurosciences de l’université de Groningen aux Pays-Bas, a identifié trois critères conférant à une pièce musicale son caractère positif, théorisé sur l’équation d’une combinaison de paroles positives (L), d’un tempo de 150 battements par minute (BPM) et d’une série de notes en mode majeur (K) pour produire la chanson « feel good » idéale (FGI).
10Les éléments de la grammaire musicale sont des outils de communication et de marketing à part entière, car en plus d’être utilisée, la musique est commandée par les agences de communication et faite sur mesure pour les besoins des différentes campagnes. La formule de Jolij rappelle que les compositeurs se servent du langage et de la syntaxe musicale – dont ils maîtrisent les codes – en fonction d’un cahier des charges indiquant les émotions musicales et l’identité sonore voulant être suscitées (Cooke, 1959). Il est donc indispensable d’avoir connaissance des éléments de grammaire musicale, en plus des éléments de contexte politique et communicationnel. Allier l’esthétique d’une musique avec les éléments exogènes permet d’analyser la musique dans le marketing politique notamment par le lien qui semble se faire entre systèmes de tonalités et affects (Cessac, 2004). Le tableau ci-dessous servira de modèle idéal-typique :
11En s’appuyant sur le rôle joué par la grammaire musicale, nous relevons cinq fonctions de la musique politique. En premier lieu, la musique a une fonction poïétique se rapportant à son esthétique. Ici, la musique est utilisée pour ses processus symboliques présents dans les formes et contenus de la musique. La deuxième fonction est affective. Elle concerne l’utilisation d’une musique empruntée à un répertoire préexistant. Le témoignage d’un porte-parole, d’un emblème d’une époque ou d’une société est davantage recherché à travers la musique pour rappeler un souvenir, susciter une réaction affective, issue de l’expérience personnelle de chacun et/ou l’expérience d’un groupe social et politique. L’Internationale11 par exemple qui est un chant symbole des luttes sociales à travers le monde. La troisième fonction est démarcative. Elle vise à pouvoir opérer une distinction de candidats dans un contexte de communication et de compétition électorale, surtout lorsque ceux-ci utilisent les mêmes procédés sémantiques. Cette fonction interagit avec la fonction implicative qui a pour objet de renforcer le contact, concrétisant sous une forme musicale l’impact du message dans la mémoire de l’auditeur. Centrée sur le destinataire, elle illustre la relation entre le message et le récepteur. En fait, elle insère le destinataire dans le message. Quatre fonctions répondent à cette stratégie de persuasion : la fonction injonctive (l’interpellation), la fonction mnémonique (la reconnaissance et l’acquiescement), la fonction conative (la référence aux goûts présumés, l’hommage) et la fonction ludique (l’humour par la connivence). Dans tous les cas, il y a l’idée d’impliquer directement le récepteur, par la musique, dans une collaboration mentale et un agrément implicite visant à le convaincre. Enfin la fonction de la musique est dite décorative quand le compositeur se trouve dans l’obligation d’écrire une musique pour un candidat déjà fortement connotée dans l’esprit du public visé. Par exemple, une musique stéréotypée pour renseigner sur l’origine (réelle ou affichée) du candidat.
12C’est à partir de tous ces éléments qu’il sera possible de saisir les dynamiques émotionnelles et politiques de construction de grands récits sur le bien commun à partir de la musique dans le marketing politique.
Le cas d’étude : les émotions musicales en politique
13Au préalable, il est important de dire que les usages et la place de la musique varient selon les situations de communication politique. Le médium de diffusion (télévision, internet), le lieu (physique, virtuel) de diffusion (meeting, manifestation, mouvements sociaux, fête populaire), le type de communication (spot de campagne, Lipdub), la période de diffusion (période électorale ou hors électorale), le type de public visé (militant, sympathisant, électeur d’une sensibilité politique adverse), la forme de communication (musique informative/musique affective12), etc. participent à des dynamiques d’usages différentes.
14L’hymne est la forme prototypique que prend la musique lorsqu’elle est mise au service de la politique institutionnelle. Désignant un chant ou poème composé en l’honneur d’un dieu ou d’un héros, elle est souvent intégrée dans des liturgies et rituels politiques et partisans. On peut citer par exemple l’hymne Maréchal nous voilà !13 ou l’hymne de l’URSS14. Les chercheurs en science politique ayant travaillé sur ces questions s’accordent pour dire que le chant et son contenu sémantique sont les principales forces de l’hymne. Pour Nathalie Dompnier :
« Le chant s’inscrit pleinement dans les mises en scène du politique. Loin d’être anecdotique, il participe à construire l’image du pouvoir. […] La musique chorale possède des propriétés qui en font un instrument de propagande unique et efficace. »
Dompnier, 1996, p. 121
15Plus que producteur de grands récits sur le bien commun, l’hymne (diffusé et/ou chanté par les individus lors de cérémonies) est un médium de diffusion efficace des mots d’ordre et des imageries d’un régime et système politiques.
16En France, la prégnance du marketing dans la communication politique depuis 1981 (Albouy, 1994) revisite cette configuration. En effet, on assiste à la disparition progressive des paroles au détriment de slogans (« le changement, c’est maintenant15 » par exemple) ou de l’absence totale de paroles. Depuis la campagne des présidentielles de 1981, on observe une tendance à l’uniformisation des usages musicaux dans les campagnes électorales, uniformisation qui procède de la professionnalisation de la communication politique. La production musicale est régie par les mêmes critères de production marketing que les affiches politiques (Gourévitch, 1998 ; Luciole, 1991) ou certaines rhétoriques discursives (Ballet, Braud, 2012). En plus de contribuer aux réflexions sur les (re)définitions du champ politique et le positionnement des partis sur l’échiquier politique, ces éléments interrogent en outre la capacité de la « musique marketing » à diffuser ou à produire de grands récits sur le bien commun.
17Les communicants ont de plus en plus recours à une musique instrumentale (sans parole ni slogan) en totale adéquation avec les thèmes de campagne, les discours des candidats et l’imagerie des clips. Dans la mesure où il est de plus en plus difficile d’établir un lien entre l’identité politique d’un parti et son identité musicale, nous défendons l’idée selon laquelle les éléments esthétiques et exogènes de la musique (formes esthétiques, genre musical, contexte, influence des timbres, etc.) doivent être mis en lien avec les enjeux et types de campagne. Une partie de la méthodologie de notre recherche repose sur l’idée de faire émerger, par comparaison, l’influence respective des variables sociopolitiques partisanes (types de parti, évolution du contexte politique et communicationnel global, positionnement politico-idéologique, thèmes de campagne, etc.) corrélées aux occurrences et rhétoriques musicales, prises dans leurs dimensions structurelles de forme et de contenu comme dans leurs dimensions émotionnelles et affectives. Il y aurait une forte corrélation entre les usages des esthétiques musicales (influence des modes, du tempo, de la hauteur des notes) – inhérentes aux stratégies du marketing politique – et les dimensions émotionnelles supposées que procurent ces esthétiques. C’est en tout cas une de nos hypothèses qui renvoie à une très vieille question dans l’Histoire de la musique quant à l’influence et aux effets des modes (mineur ou majeur) sur les émotions16. L’articulation entre les thèmes de campagnes et les esthétiques musicales permettraient de confirmer ou d’infirmer le rôle des émotions musicales dans la construction de grands récits sur le bien commun.
18Le matériau empirique que nous mobilisons est composé de clips de campagne. Ces derniers, en tant qu’ils sont une production d’acteur, sont révélateurs des dynamiques et processus sociaux de production d’un type de communication politique. Devant être conforme à la Décision n° 2012-135 du 20 mars 2012 du CSA relative aux conditions de production de programmation et de diffusion des émissions de la campagne en vue de l’élection du président de la République française pour le premier et le second tours du scrutin, les clips constituent, entre autres, les ultimes documents diffusés aux électeurs avant qu’ils se rendent aux urnes. Ils obéissent ainsi à un processus de production technique millimétré. Pour cette contribution, nous avons limité notre corpus aux spots de campagne et extraits musicaux utilisés par quatre candidats17 lors des campagnes présidentielles de 1988 et de 2012, premiers et seconds tours, élaborés par les représentants de deux partis politiques : le Parti socialiste et le RPR-UMP. Voici les quelques tendances (non-exhaustives) qui se dégagent de cet échantillon.
19Tout d’abord, une corrélation existe entre musiques utilisées dans les clips de présentation des candidats. Chirac (1988) et Hollande (2012), candidats non-présidents, mobilisent davantage des éléments musicaux évoquant le romantisme se traduisant par l’usage de tonalités mineures, de tempos lents, d’harmoniques consonantes, le tout dans un volume plutôt doux. Le caractère romantique des pièces de musique est d’autant plus renforcé par la présence de piano symbolisant la douceur en apportant un caractère brillant à une mélodie et de violon suggérant, quant à lui, la délicatesse ainsi que le réconfort. L’usage de ces éléments musicaux marque une idéalisation du candidat, l’imagination l’emporte sur le sens des réalités. Les musiques utilisées pour présenter les candidats-présidents en exercice Mitterrand (1988) et Sarkozy (2012) mobilisent davantage une esthétique majeure, aux rythmes marqués, à l’harmonie dissonante et à un fort volume. L’usage de ces éléments renvoie à l’expression de la majesté du pouvoir qu’incarnent les présidents sortants, candidats à leurs réélections. Contrairement aux candidats non-présidents, la musique doit rendre compte d’une forme de gravité, de solennité. La présence de cuivres (notamment dans la musique de campagne de Nicolas Sarkozy) appuie le caractère triomphant et majestueux présent dans la construction stylistique de l’orchestration musicale. Les thèmes de campagne de 1988 et 2012 peuvent également être corrélés aux expressions émotionnelles présentes dans la grammaire musicale.
20Les interventions des candidats François Mitterrand (1988) et François Hollande (2012) sur les thématiques comme l’égalité et la justice (sociale) fonctionnent avec des pièces musicales aux tonalités plutôt majeures ponctuées par un tempo lent, des harmonies consonantes et modérées avec un volume doux renvoyant à la sérénité. Les clips traitant des thématiques du rassemblement, du redressement de la France et du travail mobiliseront l’expression émotionnelle de l’effroi et de la majesté ayant les dissonances harmoniques comme éléments musicaux communs.
21Les clips traitant des thématiques du rassemblement, du redressement de la France et du travail mobiliseront l’expression émotionnelle de l’effroi et de la majesté ayant les dissonances harmoniques comme éléments musicaux communs. Ce constat s’applique pour les candidats de gauche comme de droite (Hollande 2012 et Sarkozy 2012). Il subsiste cependant quelques différences d’usages de la grammaire musicale, notamment liées aux histoires sociales et politiques des formations partisanes. Les thèmes de l’égalité et de la justice (sociale) fonctionnent avec des pièces musicales aux tonalités plutôt majeures ponctuées par un tempo lent, des harmonies consonantes et modérées avec un volume doux renvoyant à la sérénité (Mitterrand 1988 et Hollande 2012).
22Notre travail sur archives sonores et clips officiels montre que les communicants cherchent un relais émotionnel dans la musique. Les dynamiques esthétiques spécifiques au support musical hors et dans le marketing politique agissent en interaction extrêmement étroite avec les lieux, avec les acteurs de la scénographie, avec des éléments d’ordre rhétorique. La musique s’articule avec le métalangage des silences, les sons d’applaudissements, les images des clips, les discours, le timbre de la voix des candidats, etc. Néanmoins, les tonalités, les rythmes et les tempos contribuent à produire le « mot d’ordre » de la campagne de façon plus festive, agréable ainsi qu’à susciter une ambiance globale, bien qu’il ne puisse pas être sérieusement envisageable de s’abstraire du contexte de production et de diffusion des campagnes électorales. L’esthétique musicale peut être envisagée comme élément de (re)construction de l’identité d’un candidat en campagne ou d’un parti politique.
Conclusion
23La musique participe à la production de grands récits sur le bien commun en ce sens où elle est pratique discursive et narrative qui donne aux émotions une place stratégique de réenchantement politique. Les éléments de la grammaire musicale s’articulent étroitement avec les thématiques de campagne et contribuent à en appuyer émotionnellement les discours, les images, les liturgies et rituels partisans. On notera que les communicants utilisent les esthétiques musicales pour les émotions auxquelles elles renvoient dans une logique de marketing publicitaire. Toutefois, la sollicitation des émotions par l’ouïe reste difficile à analyser, en science politique notamment, la discipline n’étant méthodologiquement et épistémologiquement pas armée pour ça. Saisir les émotions par le son pour affiner notre compréhension du politique est donc un double défi qu’il faut relever.
Notes de bas de page
1 Il est intéressant de situer la politique symbolique par rapport au travail politique en général. La politique symbolique ou le travail de la politique symbolique est le travail sur la représentation du réel c’est-à-dire la définition des luttes pour la définition des situations, pour la qualification des groupes, pour le formatage des cadres de pensée (en termes de lutte des classes, d’ordre, etc.). Les moyens de la politique symbolique peuvent se manifester par des objets symboliques, des objets matériels surinvestis de sens (monuments, lieux, drapeau) ou faits de langage (la laïcité par exemple), narration, etc.
2 « Je voudrais dire ce que c’est qu’un style. C’est la propriété de ceux dont on dit d’habitude “ils n’ont pas de style…” Ce n’est pas une structure signifiante, ni une organisation réfléchie, ni une inspiration spontanée ni une orchestration, ni une petite musique. C’est un agencement, un agencement d’énonciation » (Deleuze, 1999).
3 La campagne de Jean Lecanuet pour l’élection présidentielle de 1965, au travers de la première communication télévisuelle, marque les débuts du marketing politique en France.
4 Via ses outils et/ou de ses techniques (storytelling, teasing, etc.)
5 Dès la campagne présidentielle française de 1981, les candidats François Mitterrand (PS) et Jacques Chirac (RPR) font appel à la même agence de communication pour composer l’hymne de chacun des candidats. Les usages du marketing publicitaire (en général) à des fins politiques interrogent le clivage politique et partisan entre deux formations (une de “gauche” et une de “droite”) faisant appel aux mêmes communicant(s).
6 En faisant appel notamment à l’utilisation de campagnes « publicitaires » dans les médias, la distribution de tracts ou le démarchage, par opposition aux formes historiques de la communication politique que sont, par exemple, les débats publics ou les meetings.
7 Ensemble de stratégies hétérogènes, impliquant la production d’objets symboliques (l’art, la peinture, la musique, le théâtre, le texte, le discours, etc.) et leur mobilisation dans des relations de pouvoir, mises en œuvre par des acteurs et des institutions (État, Église, partis politiques, mouvements sociaux, organisations non gouvernementales) visant à la légitimation et/ou la contestation d’un ordre social.
8 On peut citer ici les travaux de Philippe Carles et Jean-Louis Comolli sur la dimension politique des structures musicales du jazz ou encore les récents travaux de Jann Pasler sur la dimension musicale de l’identité française et républicaine (Pasler, 2015).
9 Le marketing sensoriel est une technique marketing qui sollicite un ou plusieurs des cinq sens du consommateur. Son objectif est de séduire le consommateur tout en accroissant son bien-être dans le but d’influencer favorablement son comportement vis-à-vis d’un produit ou au sein d’un point de vente.
10 À ce jour, on référence environ 1371 genres et sous-genres musicaux. Voir [http://everynoise.com/engen-remap.html].
11 Chant révolutionnaire dont les paroles furent écrites en 1871 par Eugène Pottier et la musique composée par Pierre Degeyter en 1888.
12 La musique apporte une information spécifique et/ou elle accentue un discours, des images, etc.
13 Maréchal, nous voilà ! est une chanson française à la gloire du maréchal Pétain. Les paroles sont d’André Montagard, qui en a aussi coécrit la musique avec Charles Courtioux. En réalité plagiée sur l’air d’opérette La Margoton du bataillon de Casimir Oberfeld (mort en janvier 1945 en déportation à Auschwitz).
14 Adopté le 15 mars 1944 en remplacement de l’Internationale – qui était devenue l’hymne national du pays en 1922 – il resta en usage jusqu’en 1990. La musique est composée par Aleksandr Alexandrov et les paroles écrites par Sergueï Mikhalkov. Cet hymne est redevenu l’hymne national de la Fédération de Russie en 2000 mais avec de nouvelles paroles.
15 En 3’58, 20 fois est prononcé le mot « changement » et 33 fois le mot « maintenant ».
16 Voir notamment les travaux du compositeur et théoricien français de la musique Jean-Philippe Rameau.
17 François Mitterrand (PS, 1988), Jacques Chirac (RPR, 1988), Nicolas Sarkozy (UMP, 2012) et François Hollande (PS, 2012).
Auteur
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