Esclavages, empires et révolutions
Les mondes caribéens coloniaux à l’épreuve des ruptures d’empire (1794-1802)
p. 81-102
Texte intégral
Introduction
1Le champ d’étude de l’histoire atlantique, construit sur la volonté de dépassement du cadre des relations entre empires et colonies, peut éluder la nature proprement impériale de certains aspects de l’espace atlantique à l’époque moderne. Cette tendance historiographique est avant tout due à l’évolution du champ d’étude depuis ses débuts.
2Jusqu’au milieu du vingtième siècle, les études portant sur les espaces aujourd’hui souvent compris dans l’orbite des études « atlantiques » en tout genre étaient dominées par les cadres de l’histoire impériale traditionnelle, elle-même fortement influencée par l’idéologie coloniale européenne. Ainsi, pour toute une génération d’historiens d’après-guerre, il était impérieux d’échapper à ce qui se concevait comme l’impasse d’une lecture de l’histoire européocentrée et impérialiste. Les pionniers de l’histoire atlantique – Robert Palmer et Jacques Godechot – s’inscrivirent dans cette évolution générale du cadre des études historiques. L’idée principale qui détermina leurs études était celle d’une unité géographique entre les différents ensembles continentaux ouverts sur l’océan Atlantique ; unité dont l’essor permit la constitution d’une culture politique commune tout au long de l’époque moderne et dont le triomphe se manifesta au cours de « l’ère des révolutions » – de la fin de la guerre de Sept Ans jusqu’au terme des indépendances des républiques latino-américaines – par la victoire de luttes politiques pour la liberté individuelle et l’idée de séparation des pouvoirs1.
3Cette perspective historiographique limitée dans son cadre chronologique et fortement axée sur le phénomène politique se poursuivit néanmoins sous l’égide de l’historien Bernard Baylin au tournant des années quatre-vingt-dix. Ce dernier organisa une série de séminaires en Atlantic History à l’université d’Harvard qui devinrent les lieux d’expression et d’élaboration des thèmes de ce champ de recherche pendant près de quinze ans. Leur tenue régulière permit aux participants de prolonger l’idée d’une unité culturelle entre les ensembles continentaux bordant l’Atlantique, mais cette fois en élargissant à l’ensemble de la période moderne le cadre chronologique qu’avait élaborés leurs prédécesseurs2. Insistant sur l’ensemble des échanges de toutes natures, aussi bien sociaux (migrations), économiques (commerce) que culturels (circulations des idées, pratiques, etc.) à l’intérieur et entre les différents espaces du « monde » atlantique, cette activité académique soutenue acheva la période d’expérimentation de ce champ d’étude et marqua son approfondissement. Ce mûrissement de l’intuition palmerienne finit de confirmer l’effacement des dynamiques « impériales » dans la production historique sur les espaces dits « atlantiques » à l’époque moderne3.
4Le fait colonial restait-il pertinent pour analyser « l’atlantique » à l’époque moderne ? Au regard de la persistance d’institutions et de pratiques sociales dans les divers territoires de l’espace atlantique dont l’origine se trouve dans la mise en place de mécanismes de dépendance au profit des métropoles européennes, il était tout à fait raisonnable de répondre positivement. La place de l’esclavage colonial dans le monde atlantique notamment tenait une place de poids dans cette perspective. Pourtant, il convient de rappeler que les liens entre esclavage et histoire atlantique furent loin d’être toujours évidents. Dans les études pionnières, Palmer et Godechot n’abordaient que rarement la question de l’esclavage ou des esclaves. Le champ d’étude sur l’Atlantique initialement centré sur le progrès d’une culture politique démocratique ne pouvait que difficilement intégrer cette institution « particulière » dans son récit. Pour celui-ci, l’esclavage n’était donc considéré que comme une forme de domination parmi d’autres d’un Ancien Régime atlantique hérité des débuts de la colonisation européenne finalement mis à bas par les révolutions. Cette place très marginale de l’esclavage colonial dans les études atlantiques eut des effets indéniables, parmi lesquels la mise à l’écart du phénomène révolutionnaire haïtien jusqu’au tournant du bicentenaire de la Révolution française4. Cet « impensé5 » historique a été aujourd’hui réparé par les historiens atlantiques qui reconnaissent notamment le processus révolutionnaire haïtien comme l’expression la plus manifeste de la place centrale du travail servile et des résistances qu’il suscita dans le monde atlantique6.
5Haïti fut le déclencheur d’une prise de conscience de l’esclavage par l’histoire atlantique. Par la suite, la connaissance de phénomènes majeurs liés au développement des sociétés esclavagistes des Amériques s’étoffa (le volume de la traite transatlantique, la composition démographique des plantations, et la vie des esclaves) et aboutit à des tentatives de synthèse parmi les plus remarquables de la recherche historique du siècle dernier7. Ce renouveau précisa la profondeur et la vitalité des phénomènes de tout ordre attachés aux rythmes de l’économie esclavagiste dans les Amériques et permit de transformer l’historiographie atlantique, notamment dans ses interrogations sur les liens entre révolutions atlantiques et esclavage.
6Afin de mieux analyser la place de l’esclavage dans leur champ d’étude, les historiens atlantiques adoptèrent un cadre élargi d’échelles d’analyses – alternant entre études de groupes, de cas (plantations, circulations de migrants) et macrostructures (production de denrée, commerce) – pour créer un récit pluriel de l’esclavage où la complexité des forces en présence et des acteurs permettait d’aller au-delà des récits centrés sur la lutte entre dominants et dominés. Ces études insistaient tout aussi bien sur la mobilité des colons, des planteurs, que sur celle des esclaves dans les Amériques, ainsi que sur les puissantes répercussions des politiques impériales sur la destinée de l’économie esclavagiste. Prises ensembles, elles formèrent un point d’observation nouveau sur les évolutions multiformes du monde atlantique durant la période charnière des révolutions durant laquelle des aspects centraux des empires européens (systèmes commerciaux exclusifs, économie de plantation) survécurent aux ruptures politiques provoquées par les révolutions8.
7Ce recentrement des études atlantiques d’un récit axé sur un avènement – celui des libérations nationales et de l’unité des territoires – à un autre plus soucieux des résistances de tous types – celle des dominants « contre » révolutionnaires et des dominés – ouvre un questionnement large sur la dichotomie traditionnelle entre « révolution » et « Ancien Régime », et ce en premier lieu dans les sociétés coloniales américaines. En fondant un récit de l’Atlantique révolutionnaire focalisé sur la place de l’esclavage, ces études, ainsi que la présente communication, souhaitent faire perdurer ces interrogations sur la rupture politique à l’échelle atlantique imaginée pour la première fois par Palmer et Godechot dans les années cinquante afin d’enrichir de manière problématique nos histoires du monde « atlantique » et de « l’ère des révolutions ».
Le volcan caribéen : révoltes, révolutions et rivalités internationales au cœur de l’économie coloniale et esclavagiste européenne (1789-1804)
8Les contestations et les luttes contre l’esclavage colonial atteignirent leur point culminant au cours des guerres de la Révolution française. Certes, la guerre de Sept Ans et plus particulièrement la guerre d’Indépendance américaine furent le théâtre d’intenses soulèvements d’esclaves, de recours massif à l’affranchissement militaire dans le cadre des conflits impériaux aux Amériques, et des premiers succès politiques du mouvement abolitionniste, notamment en Amérique du Nord. Les contrecoups de la Révolution française sur le système esclavagiste dans les Caraïbes furent néanmoins sans commune mesure avec les événements précédents. Contrairement à l’exemple britannique, ce moment eut peu de liens concrets avec le progrès de la pensée abolitionniste dans l’opinion publique métropolitaine9. Ce fut de manière plus indirecte, plus détachée des conceptions ou des souhaits d’un pouvoir métropolitain en plein bouleversement, que la Révolution produisit son effet : c’est par la réception des idées, des débats et des changement politiques liés au cours de la Révolution dans les colonies parmi les différentes catégories de la population coloniale qu’elle opéra des bouleversements dans l’ordre politique esclavagiste.
9Dès les premières nouvelles des événements révolutionnaires connues aux Antilles françaises, les luttes d’influence se déchaînèrent entre les soutiens de l’administration royale en place et les « patriotes » favorables à une révolution de palais pouvant satisfaire leurs intérêts : en Martinique, elle conduisit rapidement à l’établissement d’un pouvoir personnel autour d’une faction « patriote » menée par le planteur Louis-François Dubuc. À Saint-Domingue, l’intendant Barbé-Marbois fut chassé de l’île fin octobre 1789 sous la pression des petits blancs qui voulaient en finir avec les représentants de l’administration royale. Enfin, en avril 1790, toujours à Saint-Domingue, la mise en place d’une assemblée générale à Saint-Marc marqua l’apogée du mouvement indépendantiste qui recrutait surtout parmi les petits blancs et une partie des propriétaires. Ces luttes de pouvoir révélèrent la grande fragilité des sociétés coloniales où grands blancs, petits blancs et libres de couleurs se regroupaient dans diverses factions dont la composition et les revendications changeaient d’une colonie à l’autre, et parfois même à l’intérieur des colonies. Cette période de troubles intérieurs larvés mit à jour la multiplicité des tensions à l’œuvre dans ces sociétés où l’opportunisme, les chefs de clans et la fièvre politique l’emportaient facilement sur toutes considérations de loyauté ou d’idéologie à l’égard d’un quelconque pouvoir. Face à ce délitement intérieur, les esclaves ne furent évidemment pas en reste. À Saint-Pierre, en Martinique, un soulèvement de plusieurs centaines d’esclaves à l’été 1789 fut difficilement réprimé par les autorités, tandis qu’en Guadeloupe, en avril 1790, une révolte rassemblant près de cent esclaves sema peur et confusion parmi les libres10.
10L’historien David Geggus a compilé et affiné au cours des années un décompte précis des différents mouvements d’esclaves dans les Amériques de 1789 jusqu’au Congrès de Vienne. Bien qu’en soignant la distinction entre les conspirations – formes de révoltes regroupant peu d’esclaves appartenant généralement à une même plantation – et les révoltes – affichant plus de dix esclaves provenant de plus d’une seule plantation – la conclusion reste la même : les mouvements d’esclaves décuplèrent durant cette période, notamment après le déclenchement de l’insurrection dans la plaine Nord de Saint-Domingue11. Cette fièvre révolutionnaire dans les Antilles était principalement due à la situation d’incertitude politique créée par la Révolution française dans les îles françaises et à ses conséquences dans les plantations. La désintégration du faible degré d’unité de la population libre dans les colonies ouvrit la porte aux esclaves dont le nombre et la concentration démographique, notamment dans les grands domaines sucriers du Nord de Saint-Domingue, avaient considérablement augmenté dans les quelques années ayant précédé la révolte12. Il est également important de souligner que ces mouvements ne furent pas une simple réponse mécanique à un vide politique. L’enchaînement des révoltes entre les différentes îles souligne le rapide débordement des cadres nationaux, celles-ci ne s’étant pas limitées à un « domaine » impérial en particulier. La rapidité des communications entre les îles, la circulation des hommes de couleur, notamment les marins, dans le commerce intra-caribéen et intra-américain, la rhétorique employée par les esclaves ainsi que l’ampleur et le degré d’organisation des révoltes, tous ces aspects contribuèrent à former ce que l’historien Eugene Fox-Genovese avait identifié comme le passage d’une conception primitive de la révolte à la domination d’une idéologie « démocratique-bourgeoise » dans les objectifs des révoltes d’esclaves13.
11La multiplication des soulèvements et le progrès, parmi les esclaves, d’une nouvelle conscience de groupe marquée par une croyance forte en la destruction possible de l’esclavage, secouèrent les fondements de l’ordre social caribéen dès les premiers émois révolutionnaires. Dans l’incapacité d’agir et profondément divisées, les libres des îles françaises continuèrent pourtant d’être défiants envers le pouvoir métropolitain, qui finit par réagir. Entre 1790 et 1792, les premières commissions civiles à la Martinique et à Saint-Domingue parvinrent à quelques résultats sans pour autant parvenir à ramener le calme. La loi du 4 avril 1792 établissant la citoyenneté française pour tous les libres de couleur des colonies fut un tournant. Elle instaura un ordre politique nouveau pour la population libre des colonies françaises tout en assurant les moyens de cette ambition : quelque 6 000 troupes de lignes envoyées dans les îles avec deux nouvelles commissions civiles à leur tête – une pour Saint-Domingue, une autre pour l’ensemble des petites Antilles – chargées de mettre fin aux troubles et d’établir le nouveau régime légal. L’exercice de ce pouvoir révolutionnaire dont l’exemple le plus symbolique reste les deux commissaires de Saint-Domingue Étienne Polverel et Léger Félicité Sonthonax, ramena l’ordre dans les colonies. Cette situation ne fut que de courte durée puisqu’en juin 1793, à la suite d’une énième guerre des chefs entre le commissaire Sonthonax et le gouverneur général Galbaud, des émeutes ravagèrent le Cap-Français et mirent à feu la presque totalité de la ville, dispersant des milliers de colons et leurs esclaves à travers les Amériques. Ces combats dignes d’une guérilla moderne poussèrent les commissaires à annoncer leurs premières mesures d’émancipation d’esclaves durant l’été 179314.
12Entre-temps, la lente dissolution de l’ordre colonial dans les différentes îles françaises y avait envenimé la situation et avait créé des vagues successives de migrants parmi les libres « européens » qui, dans certains cas, comme notamment celui des exilés dominguois à Londres, multipliaient les ouvertures et les échanges auprès du ministère britannique pour le convaincre d’engager des opérations militaires contre les possessions françaises des Caraïbes. L’entrée en guerre du Royaume-Uni dans la coalition contre la république française en janvier 1793 accéléra le mouvement et mena aux premières tentatives d’invasions britanniques : à Tobago en février 1793, à la Martinique en juin, et à Saint-Domingue à la fin septembre. Le chaos politique qui régnait dans les îles françaises conjugué aux premières invasions britanniques convainquirent les commissaires de Saint-Domingue qu’une politique d’émancipation générale était la seule solution pour attacher les esclaves à la République et maintenir une forme de souveraineté sur l’île15.
13Après quatre ans de troubles, l’extension du conflit européen aux Antilles avait fini de briser l’ordre géopolitique et social de la région. Durant les mois qui suivirent l’émancipation proclamée par Sonthonax au Cap-Français, la Convention nationale confirma et étendit cette décision à l’ensemble de l’empire français le 4 février 1794 alors que les troupes britanniques sous le commandement de Charles Grey avaient déjà commencé leurs opérations dans les îles françaises en janvier. Cette série d’événements vint accélérer encore la rupture politique entamée dans les Caraïbes françaises quatre ans auparavant et mettre l’existence même de l’esclavage au cœur de la guerre qui opposait maintenant la France et le Royaume-Uni dans la région autour de deux stratégies impériales irréconciliables : l’émancipation révolutionnaire prônée par la France et la continuité impériale défendue par le Royaume-Uni.
14De l’insurrection de Saint-Domingue à la paix d’Amiens, révoltes d’esclaves, guerres révolutionnaires et rivalités impériales se superposent, s’influencent et se répondent. Les souverainetés impériales sur les différents domaines caribéens (hollandais, espagnols, britanniques, français) se font et se défont à un rythme soutenu, le tout en l’espace de quelques années. Soldats, migrants, esclaves et marchands se déplacent et sont déplacés dans l’ensemble des Caraïbes qui sont érigées en terrain de jeu diplomatique favori pour les différents belligérants ainsi que lieu d’expérimentations militaires, commerciales, politiques et sociales pour les pouvoirs et populations locales. Dans cette valse géopolitique, c’est en premier lieu l’afflux de soldats européens qui est à retenir. En 1794, l’expédition Grey forte de 12 000 soldats et dont les opérations s’étendent jusqu’à la fin de l’année répond à l’expédition Hugues formée au printemps. Première commission civile française portant le décret d’émancipation générale, cette dernière réussit à reprendre contrôle de la Guadeloupe aux Britanniques en décembre avant de poursuivre une série de mouvements offensifs vers les Petites Antilles britanniques (Grenade, Saint-Vincent et Sainte-Lucie). La réaction impériale britannique conclut cette escalade militaire en déployant près de 32 000 soldats dans les Caraïbes au cours de l’expédition Abercrombie qui commence ses opérations au printemps 179616.
15Le degré de logistique déployé, le coût humain et l’intensité des combats menés par les troupes européennes dans les îles font de ces opérations militaires le principal moteur de l’éclatement du cadre géopolitique des Caraïbes durant les guerres révolutionnaires. Les révoltes d’esclaves se propagent au-delà des îles françaises malgré la présence militaire accrue et gagnent en intensité durant ces années de guerre larvées qui ravagent les plantations antillaises. Cantonnée au domaine français avant 1793, la dynamique révolutionnaire s’étend désormais sur l’ensemble du bassin caribéen, suivant le rythme du conflit global en cours. Les répercussions de cet affrontement pan-caribéen sont multiples : frontières impériales mouvantes, bouleversement des circuits d’échange et des zones de production de l’économie de plantation, mise en question du tissu social des sociétés esclavagistes. Elles mettent l’ordre social esclavagiste des Caraïbes un temps en suspens tout en propageant l’idée d’une fin brutale de l’économie de plantation dans les Amériques. Elles enclenchent aussi un mouvement de fond parmi les planteurs, marchands, officiers, administrateurs déplacés et exilés qui, dans les braises des révoltes d’esclaves, imaginent la reconstruction du monde des plantations17.
L’empire républicain : les politiques de l’émancipation française (1794-1802)
16La situation d’anarchie presque complète – la « nullité absolue de système18 » – dans les îles françaises et l’urgence militaire présentée par les avancées militaires britanniques dans la région délimitèrent le contexte du passage du décret d’abolition du 4 février 1794. Une tradition historiographique insistant sur la portée cynique voir nationaliste de cette abolition a longtemps dominé les débats, s’appuyant notamment sur la célèbre apostrophe de Danton déclarant « c’est aujourd’hui que l’anglais est mort ! », preuve de l’évident opportunisme militaire ayant conduit à l’abolition19. Le long discours du député de Saint-Domingue Louis Dufay qui précéda l’intervention de Danton est pourtant tout aussi éclairant. En partie inspiré d’une correspondance avec le ministre plénipotentiaire français aux États-Unis Edmond-Charles Genêt, ce discours patiemment construit s’apparentait à un historique de la révolution de Saint-Domingue depuis le soulèvement d’août 1791. Il soulignait tout particulièrement la nécessité d’achever l’unité des couleurs dans la colonie pour créer un sursaut à l’heure d’une guerre inévitable mais aussi pour bâtir l’avenir d’une société déchirée par les luttes, les révoltes, et où beaucoup de planteurs blancs avaient déjà choisi l’exil. Il faisait également la part belle aux dénonciations à l’encontre des colons blancs, des « contre-révolutionnaires », « race privilégiée » responsable des querelles intestines au sein de la colonie depuis 1789 et artisan de la guerre avec les puissances dans l’espoir d’une mise sous tutelle britannique20. Autrement dit, si le débat exprime bien les considérations stratégiques de l’abolition dans le cadre des rivalités de puissance européennes dans les Caraïbes21, il dessine avec tout autant de précision et d’enthousiasme la nécessité d’une refonte institutionnelle et politique des colonies pour acter l’égalité civile sans distinction de couleur aux Antilles. Dès les premières nouvelles des affrontements au Cap-Français en juin 1793, et jusqu’à l’avènement du Consulat, ce projet hautement idéaliste fut soutenu par une partie importante des agents français – commissaires des colonies et consuls – en poste aux Amériques.
17Cette formulation embryonnaire de ce qui se présenta comme l’abolitionnisme républicain sous la période directoriale se développa sous trois aspects : le premier était militaire et lié à la dynamique idéologique prise par la guerre impériale aux Caraïbes après le décret d’émancipation ; le deuxième était légal et s’inscrivait dans le cours d’une législation métropolitaine redéfinissant le cadre constitutionnel de l’empire par l’intégration des colonies à la République ; enfin, le dernier était diplomatique, marqué par l’évolution des rapports entre les empires européens et la France dans une période ou la république tenta de construire un équilibre géopolitique sur le continent, le tout imprimant un rythme particulier à une stratégie d’empire certes fragile mais aussi résolument inédite dans le monde colonial caribéen.
L’esclavage, l’abolition et la guerre
18Pour comprendre la force de l’abolitionnisme républicain, il est essentiel de s’étendre sur la relation privilégiée qu’il entretint avec le cours de la guerre impériale dans les Caraïbes. Des succès militaires dépendait en partie la pérennité de l’abolition. Le succès de l’expédition Hugues en Guadeloupe pesa donc considérablement dans la brève histoire de l’empire républicain. L’expulsion des troupes britanniques de l’ensemble de l’île entre juin et décembre 1794 fut une manœuvre à l’éclat retentissant qui redonna l’initiative militaire aux armées républicaines dans la région. Son succès fût avant tout dû aux mesures d’affranchissement général prises par les commissaires dès les tous premiers combats. Dans la droite ligne des instructions du comité de Salut public, celles-ci permirent aux régiments français d’avoir une supériorité numérique ainsi que des soldats acclimatés, deux avantages inestimables pour mener un effort de guerre aux Antilles souvent coûteux en hommes. Les proclamations et les correspondances de Hugues ne s’y trompaient pas : l’émancipation était une arme redoutable ayant redonnée l’avantage militaire aux français à la Guadeloupe22.
19La guerre émancipatrice tant désirée par les futurs Girondins en Europe au printemps 1792 trouva donc sa forme la plus aboutie dans les Antilles sous les Montagnards puis les Thermidoriens deux ans plus tard. Pour Hugues, il ne faisait aucun doute que, si les combats s’étendaient au reste des îles, les esclaves rejoindraient les rangs français et reproduiraient le miracle de la Guadeloupe. Ainsi, une fois la reconquête terminée, le commissaire profita de l’initiative retrouvée pour fomenter une série de soulèvements des populations de couleur dans les petites Antilles britanniques (Grenade, Saint-Vincent, Sainte-Lucie, Dominique) grâce à l’action de différents agents français. Ces missions menées par des fidèles de Hugues se retrouvèrent vite livrées à elles-mêmes, sans véritable buts définis par le commissaire ou la métropole. Le message émancipateur prit donc vite les accents d’une manœuvre de guérilla généralisée à moindre coût visant à profiter de la dynamique militaire avantageuse pour affaiblir les forces du rival britannique dans la région23. Cette stratégie fut marquée par des tentatives multiples pour rallier les faveurs des populations Caribs – peuples issus du métissage entre Amérindiens et esclaves et présent dans certaines îles – et francophones des îles britanniques24.
20Le coup d’arrêt mis aux différentes guérillas et l’arrivée des premiers renforts britanniques mirent un terme à cette phase militaire de l’émancipation. Après cet échec, la mise à disposition de navires (frégate, avisos) pour la guerre de courses constitua le principal expédient financier de la diplomatie d’un Hugues privé de ressources et d’instructions de la part de la métropole. À l’intérieur de l’île, l’émancipation eut aussi grand mal à sortir de sa phase militaire. D’une certaine manière, celle-ci se prolongea dans le régime social précaire instauré par Hugues. La reprise de contrôle de l’île inaugura une période de dictature militaire ou les propriétés furent séquestrées par l’administration républicaine et distribuées aux plus proches alliés du commissaire, tandis que le produit des plantations encore opérantes était presque entièrement pris par les différents agents d’une administration grandissante (ordonnateurs, receveurs) afin de soutenir l’effort de guerre dans les colonies britanniques et la guerre de course25.
21L’histoire de l’émancipation fut toute autre à Saint-Domingue. Avant l’arrivée tardive du décret d’émancipation métropolitain, autour du 20 juin 1794, un processus d’émancipation avait vu le jour du fait de la confrontation entre les conceptions politiques révolutionnaires des commissaires, proches de l’abolitionnisme et du courant de pensée anticolonial des Lumières, et des conséquences radicales qu’avait entraîné l’établissement de différents foyers insurrectionnels d’esclaves dans la colonie. Les tentatives des commissaires pour affranchir les esclaves entre mai et août 1793, rapidement suivies de l’émancipation générale décidée par Sonthonax le 29 août 1793, résolurent partiellement cette confrontation en élaborant un régime légal nouveau dans la colonie. Celui-ci fut consolidé par l’établissement des premiers règlements de culture ébauchant une tentative de redistribution du produit des plantations vers ceux que les autorités désignaient à présent comme « cultivateurs26 ».
22Ces mesures produites par l’effet de circonstances exceptionnelles et prises en toute indépendance de la métropole furent décisives pour les débuts d’un abolitionnisme républicain dont les bases légales vinrent par la suite s’affirmer. L’arrivée tardive du décret d’émancipation métropolitain à Saint-Domingue vers la fin juin 1794 fut l’acte fondateur de cette tentative de reconstitution de la société coloniale. Il concourut, d’abord, sous le commandement du général Étienne Laveaux, à la mise sous tutelle des chefs révoltés qui se coupèrent de leurs alliés traditionnels au Nord (espagnols) ou de potentiels soutiens à l’Ouest (les Britanniques). Il inspira, ensuite, la multiplication de règlements de culture généralisant la règle du quart du revenu de plantation renversé aux cultivateurs qui réorganisaient avec succès les quartiers nouvellement gagnés à la cause républicaine. Sur le plan militaire, le décret conventionnel fut aussi une réussite. Il affaiblit drastiquement la possibilité d’une occupation profitable pour les Britanniques maintenant réduits à défendre quelques places à la loyauté peu assurée. Sur le plan politique, il amorça l’unité politique entre une partie des administrateurs républicains, certains officiers libres de couleur dits « anciens libres », et les anciens chefs africains dits « nouveaux libres » récemment ralliés à la République27.
L’abolition et la loi
23Le rétablissement de la situation militaire grâce à l’émancipation trouve un soutien politique constant en métropole où une opinion abolitionniste se forme autour de représentants sous la Convention nationale thermidorienne et dans les conseils du Directoire. Sous l’égide de la commission des colonies dite Garran-Coulon, œuvre des colons « patriotes » émigrés en métropole et mise en place pour instruire l’action des commissaires civils revenus en France en juillet 1794, l’émancipation ressort renforcée et lavée de tout soupçons28. Le rapport officiel des débats célèbre l’émancipation alors que les nouvelles des armées victorieuses à la Guadeloupe affluent à Paris. La Convention octroie la citoyenneté et le grade de commandant d’armée à plusieurs chefs ralliés à la République à Saint-Domingue, parmi lesquels Toussaint Louverture, et, par-dessus tout, les colonies françaises sont explicitement désignées dans les articles fondamentaux de la Constitution de l’an III qui les reconnaissent comme « parties intégrantes de la République29 ». Après une période d’effacement de la question coloniale, la constitution d’une troisième commission civile à la fin 1795 relance les débats. Le choix des membres ne laisse pas de doute sur la fibre abolitionniste de cette commission : Sonthonax, Julien Raimond, Leblanc et Giraud sont des fermes soutiens des lois reconnaissant et défendant la citoyenneté de tous aux Antilles. Les instructions des commissaires sont sans équivoque sur la nature politique de leur mission : l’émancipation doit vaincre les ennemis et devenir la nouvelle loi de l’empire. Enfin, la dernière grande loi au sujet des colonies dans les assemblées du Directoire est celle du 1er janvier 1798 (12 nivôse an VI). Elle reprend et codifie une partie des dispositions énoncées par les lois précédentes ainsi que les pratiques initiées par les différentes autorités civiles dans les colonies, réitérant le principe constitutionnelle d’isonomie républicaine tout en étendant sa conception, notamment l’article XVII déclarant : « Tout individu noir, né en Afrique, ou dans les colonies étrangères, transféré dans les îles françaises, sera libre dès qu’il aura mis le pied sur le territoire de la République pour acquérir le droit de citoyen. »
24Sur le plan des armes et de la loi, les politiques d’émancipation signifièrent bien une volonté de rupture avec le régime social et légal de l’Ancien Régime. Dans la pratique, elles se heurtèrent néanmoins à de nombreux obstacles qui limitèrent fortement les conceptions révolutionnaires qu’elles portaient. Du point de vue de l’organisation sociale, le rôle des « cultivateurs » s’apparenta à celui d’un travail forcé sous contrôle d’une nouvelle aristocratie militaire accaparant les terres séquestrées par la République et reproduisant les rythmes de travail de la plantation esclavagiste. L’économie d’extraction de denrées, véritable pierre angulaire du régime colonial mercantile et esclavagiste, ne fut que très partiellement altérée par la politique d’émancipation. À Saint-Domingue, les nouveaux gérants des plantations séquestrées s’évertuaient à restaurer le travail à la chaîne sur les quelques grandes sucreries encore en état, tandis que la production de café – propice à une propriété de taille moyenne voire petite et moins coûteuse en main-d’œuvre – retrouvait son éclat et signalait la montée en puissance d’une classe d’hommes de couleurs acquise à la hiérarchie sociale et raciale traditionnelle30. À la Guadeloupe, Hugues s’opposa vivement aux principes de la tenue d’élections, ridiculisant les principes de ses collègues et clamant l’impossibilité d’intégrer les colonies au système métropolitain, celles-ci devant rester exclusivement des zones de travail31. Cette difficulté pour construire une base sociale solide aux lois républicaines abolitionnistes devint vite le symptôme de l’échec d’une politique qui ne put se décliner en dehors d’un cadre extrêmement militarisé et hiérarchisé où les commissaires métropolitains et leurs principaux relais parmi les hommes de couleur constituaient le seul véritable point de repère du nouvel horizon social imaginé par la loi en métropole.
L’abolition et l’étranger : quelle diplomatie pour l’abolition ?
25Dans ses rapports avec l’étranger, la rupture proclamée par l’empire républicain révéla également des limites claires. Par le traité de Bâle de juillet 1795 établissant la paix avec l’Espagne, la colonie de Santo-Domingo – frontalière de Saint-Domingue sur l’île d’Hispaniola – fut cédée à la France, ce qui posa la question de l’émancipation dans les territoires acquis par la voie diplomatique. Philippe Roume – membre de la première commission civile de 1791 à Saint-Domingue, de nouveau choisi comme agent pour accompagner Sonthonax et ses acolytes, et enfin nommé en qualité de représentant de l’autorité française à Santo-Domingo peu après l’arrivée de la commission vers juin 1796 – prît vite le rôle de premier intéressé à ce sujet. Posté à Santiago, à la frontière avec la province nord de la partie française, il fit face à de nombreuses difficultés quant à la question de l’abolition sur un territoire cédé, et, conjointement, à celle de la conformité de cette disposition avec les traités de paix. Un point ne faisait pas de doute : dans le cas où la colonie serait effectivement sous la souveraineté française, la loi de la République devait s’y étendre. Pourtant, l’établissement de cette souveraineté n’était pas chose aisée. Depuis le début des troubles liés à la Révolution, gouverneurs et officiers espagnols ne se privaient pas d’armer les esclaves rebelles de la colonie française et même d’intégrer certains de leurs chefs dans leurs corps d’officiers. Ainsi, dès les termes de la paix connus à Santo-Domingo, l’opposition des autorités fut immédiate et rendit la prise de possession de la colonie, préalable à l’intégration par la loi du territoire à la république, rapidement illusoire32.
26Attribuer l’échec de la prise de possession à des vues diplomatiques contraires aux intérêts français des autorités espagnoles explique seulement en partie les difficultés posées par la question de l’émancipation. Les commissaires et Roume notaient bien que, malgré les tentatives engagées pour acter la prise de possession, les obstacles à la cession étaient nombreux. Dans leurs correspondances, les agents français insistaient sur les considérations politiques des autorités espagnoles à Santo-Domingo qui s’efforçaient de semer le doute sur le régime français parmi les habitants. On blâmait « les idées qu’on s’est efforcées d’infuser dans l’esprit de ses habitants » et plaignait « les malheureux qu’on égare et qu’on tourmente en leur inspirant des craintes chimériques33 ». Une fois prise en compte, l’influence des autorités sur les habitants ne suffisait néanmoins pas à expliquer la résistance de la population espagnole à la cession. Les quelques lettres de résidents de la colonie reçues par les agents français révélaient une inquiétude généralisée face à la large présence d’hommes de couleur parmi les troupes françaises chargées de la prise de possession, ce qui, pour une grande partie d’entre eux, ressemblait au prélude d’une insurrection d’esclaves. Ainsi, la confiance des agents français dans la supériorité du régime de la liberté générale ne pouvait emporter l’adhésion de tous34. Pour les habitants d’une colonie où les plantations étaient encore largement intactes, on ne faisait que peu de distinctions entre la loi de l’émancipation et l’insurrection d’août 1791. Dans ces conditions, la prise de possession paraissait impraticable, voire impossible.
27La proclamation d’un Etat allié de la république française, la république batave, en 1795 – faisant suite à l’invasion des Provinces-Unies par la République – démontra avec tout autant de force l’impasse diplomatique dans laquelle se trouva l’émancipation après les traités de paix de l’été 1795. Contrairement au cas de Santo-Domingo, le poids des volontés politiques françaises sur la république batave était beaucoup plus net. Les patriotes hollandais – favorables à la forme républicaine unitaire de gouvernement et à l’influence française – dominaient les nouvelles assemblées. Ceci était de bonne augure pour ceux qui souhaitaient voir l’abolition républicaine s’étendre progressivement en Europe par l’adoption du principe légal français, et non pas par la voie militaire telle que pratiquée par Hugues et, dans une moindre mesure, à Santo-Domingo. Là aussi, les espoirs furent vite déçus. Début 1798, lors des débats portant sur l’adoption d’une constitution pour la nouvelle république batave, la question du statut de ses colonies déclencha bien un débat sur une possible adoption du régime d’abolition français. Le sujet fut débattu, et les protestations et prises de parole des représentants favorables à la loi française d’abolition furent entendues, mais l’idée d’intégrer le modèle français n’aboutit pas. L’influence politique française n’eut pas là non plus l’effet escompté. Jugée plus propices à aliéner l’alliée batave qu’à le rapprocher de la France, cette question de l’adoption du décret n’impliqua que très faiblement les partisans de l’abolition et resta lettre morte35.
28Dans les deux cas, on notait une certaine réticence envers le « système » français non seulement par son côté tout à fait radical et dangereux pour les sociétés de plantation, mais aussi par méfiance envers ses apparentes visées politiques, l’abolition n’étant perçu que comme le corollaire d’une expansion française dans les Caraïbes au détriment des « petites » nations.
29Dans cette question des rapports entre l’abolition et l’étranger, le rôle joué par les esclaves fut également primordial. Pour les esclaves originaires de colonies françaises et déplacés au gré des révoltes et des invasions, le décret d’émancipation pouvait être une manière légale d’obtenir la liberté. Pour que cette liberté soit reconnue, certains esclaves tentèrent donc de démontrer leur origine française par divers moyens, celle-ci étant considérée de facto comme synonyme d’affranchissement immédiat. Ce fut par exemple le cas d’une certaine Marie-Louise, esclave née à Saint-Domingue, et de sa fille Mélanie, toutes deux déclarées libres par les autorités de Pennsylvanie en 1806 qui, après un examen minutieux de leur cas se fondant sur le précédent de l’abolition française de 1794, ainsi que sur le droit de citoyenneté intégral de l’État de Pennsylvanie pour tout esclave né en dehors de l’État et amené à y résider établi par un amendement à la loi d’abolition graduelle de 1780, reconnurent leur statut de libres initialement établi par le décret d’émancipation français. Cet exemple dévoile les contours d’une culture légale d’affranchissement pour les personnes de couleur dans les Amériques au lendemain de l’émancipation française qui pût s’exprimer à différents degrés selon les régions36. L’abolition créa les conditions d’un progrès d’une culture légale déjà mûre qui ouvrait à toute personne la possibilité de revendiquer sa liberté auprès de la justice. Pour beaucoup d’esclaves, l’appartenance à la citoyenneté française devint pour un temps synonyme d’une liberté protégée par un droit attaché à la personne qui dépassait le cadre légal et territorial traditionnel de l’affranchissement dans les sociétés coloniales américaines37.
30La profondeur de cette culture est difficile à estimer précisément, et bien qu’elle se soit probablement manifestée dans la plupart des territoires ayant reçu des esclaves d’origine française au gré des successives vagues de migrations s’étant produites dans les Caraïbes à cette époque, elle eut aussi maintes limites. L’idée d’une liberté transcendant les frontières et les lois particulières se heurta aux pratiques du commerce d’esclaves dans les zones intéressées. Pour les réfugiés domingois arrivés à Charleston en Caroline du Sud, les recours judiciaires n’aboutirent pas car les lois de l’État protégeaient la propriété humaine et fixaient le statut légal des esclaves. Confortés dans leurs droits, les propriétaires pouvaient aussi aisément se protéger dans le cas d’une revendication d’affranchissement immédiat par des esclaves attentifs aux nouvelles en provenance de la métropole et des Caraïbes. De la même manière, cette confiance dans la justice du droit particulier esclavagiste se reflétait dans le refus catégorique des différentes sociétés esclavagistes de considérer sérieusement les demandes des esclaves dits français, bien souvent assimilés à un véritable fléau public à cause de leur supposée propension à la révolte38. En août 1796, le ministre plénipotentiaire Adet fît part de « ventes criminelles » d’esclaves domingois récurrentes à Charleston, se plaignant d’une pratique courante mais sur laquelle il n’agit pas beaucoup39. Pour les esclaves comme pour les législateurs métropolitains, les limites de la politique d’émancipation résidaient donc dans l’inadéquation entre la norme légale nouvelle définie par la loi et la difficulté à construire celle-ci parmi des espaces et des individus presque tous acquis au maintien de l’esclavage.
Le contre-modèle britannique : conservation, expansion et adaptation du système esclavagiste (1794-1802)
31La Grande-Bretagne rentra en guerre contre la France dans le but de maintenir une suprématie commerciale et navale acquise au cours du siècle. Parmi les puissances qui composaient la coalition, elle voulait avant tout être la police des mers et usait de sa marine pour contrôler le commerce transatlantique et asphyxier le rival français. Les trois Ordres en Conseil de 1793 vinrent définir les contours légaux de cette ambition autorisant la capture de tout navire, sous pavillon neutre ou ennemi, portant approvisionnement pour les îles françaises. Par ces mesures, la thalassocratie britannique put se déployer au large de l’Amérique du Nord et dans la mer des Caraïbes en 1793 et 1794 en multipliant les prises et bloquant les routes commerciales vers les Antilles françaises. Cet engagement ne demeura pas longtemps au stade des embargos. Dès le retour de la guerre sur le continent, le Cabinet britannique manifesta une volonté d’intervention plus directe, notamment dans les Antilles, afin de frapper au cœur le potentiel naval et commercial français40.
32La première vague d’opérations militaires entreprises entre septembre 1793 et juin 1794 prit vite une tournure défavorable. Le climat tropical et la fièvre jaune décimèrent les régiments britanniques qui arrivèrent trop tard pour mener un combat efficace. À Saint-Domingue, la guérilla menée depuis les foyers de révolte serviles restants et dans les poches de résistance française concentrées dans l’Ouest et le Nord bloqua toute avancée significative. La prise de la Martinique et de la Guadeloupe début 1794 put un temps sonner comme des succès, mais le prix humain en était si élevé et les bénéfices éventuels si lointains qu’on ne se réjouissait pas d’une telle conquête. La contre-offensive française à l’été 1794 et la série d’invasions subie par les îles anglaises en 1794-1795 finirent de convaincre le Premier ministre William Pitt et l’architecte de l’expédition Grey – le ministre de la Guerre Henry Dundas –, que les objectifs initiaux ne pourraient être atteints en l’état.
33La mise en place de l’expédition Abercrombie et son arrivée dans la région début 1797, changea la nature des objectifs de guerre britanniques. Certes, parmi les quelques 32 000 troupes détachées dans les Caraïbes au printemps 1796, plus d’un tiers fut envoyé combattre à Saint-Domingue pour tenter de forcer une reddition française41, mais la multiplicité des opérations britanniques dans l’ensemble de la région montrait que les priorités avaient changé. L’affaiblissement du rival français avait laissé place à des tentatives d’expansion territoriale aux dépens des nouveaux rivaux espagnols et hollandais. Entre 1796 et 1804, les colonies de Guyane hollandaise (Essequibo, Demerara, Berbice), Trinidad, Porto-Rico, la province de Buenos Aires ainsi que le Suriname furent l’objet d’opérations militaires de la part des Britanniques. Pour une partie d’entre elles, il s’agissait principalement d’éteindre toute velléité de compétition navale de la part de la République française et de ses alliés. De manière générale, ces opérations menèrent à l’intégration du territoire au domaine impérial. Le développement de ces nouvelles acquisitions sous la tutelle britannique durant cette période témoignait aussi bien des visées stratégiques nouvelles du Cabinet que d’une volonté d’expansion territoriale désirée et soutenue par les maisons de commerce ainsi qu’une partie des planteurs42.
34Là aussi, de la même manière que pour l’exemple français, c’est le cours de la guerre qui fit basculer la stratégie britannique. En Europe, le renversement d’une partie de la coalition européenne en 1795 vers la République française à la suite de l’invasion de la Hollande et des traités de paix fut l’élément déclencheur de ce glissement vers une stratégie d’expansion territoriale dans les Caraïbes. De l’autre côté de l’Atlantique, les colonies hollandaises se retrouvaient dans l’expectative. Les corsaires de Hugues rôdaient, et les garnisons britanniques attendaient fiévreusement les renforts tant attendus pour mettre fin aux troubles dans les îles en état de siège. À l’ampleur de la guerre que se livraient Français et Anglais dans les petites Antilles s’ajoutait un nouvel enjeu : la question de la souveraineté politique dans les îles néerlandaises. L’incertitude dans laquelle se trouvaient les territoires Hollandais marqua le point de départ d’un décuplement des activités militaires terrestres par les Britanniques dans la région. Dans les possessions guyanaises, dès les premières nouvelles de l’invasion de la Hollande, les luttes de factions se déchaînèrent dans la colonie entre une partie des propriétaires hollandais dits « patriotes » soutenant un gouvernement profrançais pour la colonie et les planteurs anglophones favorables au statu quo. Dans le cas de Demerara, principal établissement de la Guyane hollandaise, et peuplé majoritairement de planteurs anglophones émigrés de la Barbade, les circonstances prirent vite l’allure d’une opportunité immanquable pour les Britanniques. L’idée d’une opération pour mettre fin aux troubles et assurer la continuité du gouvernement en place gagna vite les esprits des amiraux en poste à la Barbade qui envoyèrent des renforts à destination de la capitale Stabroek en juillet 1795. En peu de temps, les patriotes furent défaits. Cette victoire fut suivie d’une révolté d’esclaves qui mit la survie de la colonie en jeu. L’action du Major Creagh permit d’en venir à bout et acheva de convaincre le commandement britannique sur place de la nécessité d’une prise de possession pour empêcher toutes nouvelles menaces43.
35En avril 1796, la tutelle britannique était fermement installée. La première période de gouvernement britannique sur la colonie qui s’étendit jusqu’à la rétrocession aux Hollandais à la paix d’Amiens s’avéra une opération économique fructueuse, au contraire des campagnes dans les îles françaises. Ce succès économique se réalisa grâce au progrès intense de l’économie de plantation dans la colonie, soutenue tout du long par la mise à disposition des réseaux de traite britanniques auprès des planteurs. Les prémices de cette activité économique décuplée se dessinèrent dès avant la prise de possession parmi les nombreux mémoires des comités de marchands londoniens et des planteurs priant les ministres Dundas et le président du Board of Trade Lord Hawkesbury – tous deux soutiens du lobby West India – de considérer les avantages commerciaux pouvant être tirés d’une prise de possession britannique44. Les résultats de l’occupation britannique confirmèrent les ambitions pressantes des intérêts mercantiles britanniques. Entre 1795 et 1798, la colonie augmenta rapidement sa capacité de production dans différentes denrées (sucre et coton principalement). Les défrichements furent entrepris et des zones anciennement peu développées virent leur population servile monter en flèche45. Les recensements tenus pour Demerara et la colonie voisine d’Essequibo, toutes deux sous tutelle britannique, exposaient clairement le développement intense de l’économie de plantation durant ces années. La colonie devint le deuxième territoire britannique recevant le plus d’esclaves derrière la Jamaïque sur la période 1796-180046. Le nombre d’esclaves à Demerara, pourtant déjà élevé en 1795, augmenta de près 31 % en trois ans. Le renforcement de l’économie de plantation par les Britanniques était bien le signe d’un changement d’objectif. Pour établir une suprématie commerciale, on s’activait à l’expansion du domaine impérial sur des territoires nouvellement conquis. Dans une zone dominée politiquement par les planteurs, ce processus signifiait la protection des différents chaînons commerciaux et humains (trafic négrier, défrichement de terre, accès sûr au marché européen, etc.) alimentant les marchés transatlantiques.
36Après les territoires hollandais en Guyane, les opérations s’orientèrent vers les possessions espagnoles dans les Caraïbes. La prise de la colonie espagnole de Trinidad en avril 1797 ouvra cette campagne espagnole et contribua avec tout autant de force au changement plus large de la stratégie britannique vers l’expansion territoriale durant cette période. Précédant les échecs navals devant San Juan à Porto-Rico et dans la province de Rio de la Plata, l’invasion réussie de Trinidad eut la particularité d’être également facilitée par la présence d’une population de propriétaires d’immigration récente (francophone et en provenance de la Grenade, de Saint-Vincent, Martinique et Guadeloupe) et acquise aux Anglais. Cette prise fut moins suivie en amont par l’opinion publique proesclavagiste à Londres, une absence marquée qui fut en fin de compte largement compensée par les initiatives prises sur place. En effet, dès les premiers mois de la présence militaire britannique, les échanges entre le gouverneur Thomas Picton et Henry Dundas ne trompaient en rien : si l’île avait encore peu développé son système de plantation, l’on pourrait facilement y remédier en mettant à disposition les réseaux marchands négriers britanniques auprès des planteurs47.
37Après la mise en route d’un approvisionnement en captifs, les projets mercantiles du ministère et des gouverneurs britanniques soulevèrent les contestations des abolitionnistes au Parlement. La question de l’abolition immédiate de la traite subissait alors les pires difficultés dans un contexte international facilitant l’assimilation des écrits abolitionnistes à une propagande anti-nationale visant à détruire les intérêts politiques et commerciaux de l’empire alors en pleine lutte contre la France. L’expansion des économies de plantation dans les territoires conquis semblaient accentuer un peu plus l’idée d’un affaissement définitif de la cause abolitionniste au Parlement. Paradoxalement, ce fut justement l’extension de la traite britannique amorcée par le virage expansionniste de l’expédition Abercrombie qui redonna de la force à la campagne abolitionniste qui put dès lors s’appuyer sur la menace d’une croissance toujours plus grande du trafic négrier en l’absence de mesures. Le cas de Trinidad parvint à cristalliser l’opinion du Parlement sur la question de l’abolition. L’idée d’une abolition définitive ne revint pas à l’ordre du jour, mais plusieurs lois furent alors votées pour limiter la distribution des terres dans la colonie, ce qui permit de donner un coup d’arrêt presque immédiat au commerce d’esclaves48. Pour les abolitionnistes, l’exemple de Demerara constituait un précédent qu’on ne pouvait se permettre de répéter à Trinidad. La propagande intense des comités de marchands ne put rien y changer. Les abolitionnistes étaient en possession d’une victoire inespérée leur offrant une voie légale à suivre pour éteindre progressivement les nouveaux foyers de développement de la traite britannique.
38La diplomatique britannique dans les Caraïbes durant les guerres révolutionnaires façonna un renforcement généralisé de l’économie de plantation. Les planteurs des différentes îles britanniques, au même titre que leurs congénères des îles conquises, se déplaçaient massivement vers les nouvelles frontières de plantation. Si les demandes toujours plus fortes des industriels textiles britanniques pour du coton à filer à bon prix et l’essor des raffineries de sucre destiné à compenser l’écroulement des circuits de redistribution français furent les éléments moteurs de cette fièvre productrice, c’est bien l’afflux migratoire à l’intérieur des Caraïbes qui la rendit possible. À Demerara, les colons de la Barbade étendirent la culture du coton dans de nouvelles zones jusqu’alors délaissées. À Trinidad, les planteurs réfugiés de la Martinique et de la Guadeloupe maintinrent l’accroissement de la production sucrière tandis que ceux en provenance des îles anglaises commençaient à affluer49.
39Afin de construire leur hégémonie sur la région, les Britanniques souhaitaient se poser comme garants d’une continuité de l’économie de plantation face à un régime français promoteur de danger et de désordre. Cette stratégie fut en tout point efficace, notamment pour établir une unité entre les différentes administrations des îles conquises. À Essequibo, le gouverneur Van Batenburg fustigeait le « système destructeur d’émancipation des noirs » promu par le régime français. À Trinidad, Thomas Picton n’hésitait pas à alarmer du danger qu’une influence française grandissante sur les provinces espagnoles pourrait provoquer dans la région50. Le déchaînement de cette peur française était un recours habituel pour les officiers britanniques qui voulaient obtenir un soutien naval et militaire plus important. Elle ne traduisait nullement la réalité des rapports de force. Après l’offensive de Hugues en 1794-1795, les capacités militaires françaises dans la région se limitèrent à la guerre de course et à de rares tentatives de soulèvements.
40Du côté britannique, les pertes étaient énormes, mais les généraux parvinrent à les pallier notamment par l’établissement progressif des West India Regiments. Ces groupes de soldats apparurent dès 1795 pour lutter contre les guérillas françaises dans les îles britanniques. Composés d’hommes de couleur – libres ou, le plus souvent, esclaves – recrutés dans les différentes colonies britanniques, ils jouèrent un rôle de premier plan dans la reconquête des Petites Antilles britanniques. Leurs effectifs augmentèrent sous l’expédition Abercrombie et, malgré l’opposition farouche des planteurs, ils devinrent l’une des raisons majeures du relèvement britannique après 1796. Appelés à des missions de surveillance et de maintien de l’ordre dans les colonies, ils assuraient le déploiement des troupes européennes sur les différents théâtres d’opération (Saint-Domingue, Guyane, Trinidad). Malgré une tentative d’insurrection au sein du 8e West India regiment en 1799 et une certaine réticence de la part des colons pour remplir les quotas, le maintien de ces unités sur toute la durée de la guerre resta la preuve des changements profonds provoqués par les guerres révolutionnaires dans l’empire britannique. Malgré l’opposition des planteurs, les responsables métropolitains considéraient qu’une élite d’hommes de couleurs incorporée à l’armée était plus à même à défendre le régime de plantation que les milices des colons ou les troupes européennes. Au même titre que l’émancipation française, dont les effets furent notables dans la promotion sociale des hommes de couleur, les régiments britanniques accélérèrent la mobilité sociale offerte aux hommes de couleur en temps de guerre51.
Conclusion : les Caraïbes en 1802. Quelles ruptures ? Quels empires ?
41Du début des hostilités entre la République et les puissances membres de la première coalition jusqu’à la paix d’Amiens, les Caraïbes furent au cœur des enjeux diplomatiques européens. Or, contrairement aux grands conflits du siècle passé, le rythme de la guerre impériale fut cette fois déterminé par une autre variable qui redéfinit les traditionnels enjeux de puissance : celle de la survie de l’économie de plantation et du travail servile. Posée dès les premiers mouvements parmi les esclaves et les populations de couleur dans les colonies françaises en 1789, la question de la survie du modèle productif de la plantation était déjà bien engagée lorsque la Grande-Bretagne rentra en guerre contre la France début 1793. Au cours de la décennie qui suivit, révoltes et rébellions se succédèrent dans l’ensemble des Caraïbes et dans le golfe du Mexique : Saint-Domingue, la Guadeloupe, Grenade, la Louisiane, Demerara, la Jamaïque, tous ces territoires furent frappés par des soulèvements d’esclaves composites qui exploitaient les conflits en cours afin de s’extirper de leur condition et détruire l’ordre des plantations. De manière plus instable et plus radicale que par les formes d’émancipations courantes (affranchissement légal, métissage, etc.), l’ère des révolutions dans les Antilles peut donc s’apparenter à une révolution démocratique durant laquelle les dominés, inspirés par les conceptions politiques révolutionnaires européennes, utilisèrent toutes les armes en leur possession pour détruire le despotisme des plantations et tenter de créer une société nouvelle. Dans ce sens, la défaite des troupes napoléoniennes face à l’armée indigène de Saint-Domingue en 1804 peut faire figure d’apogée : le point de chute de l’horizon révolutionnaire dessinée par les premières révoltes de 1789.
42Au-delà de l’influence naturelle exercée par l’exemple haïtien, cet écrit a essayé de montrer que l’ère des révolutions aux Caraïbes fût une période à l’héritage politique complexe ou la multiplication des révoltes serviles, hormis dans le cas haïtien, ne produisit nullement un démembrement de l’édifice colonial. À de nombreux égards, le système des plantations sortit renforcé de la période. Les planteurs exilés des îles françaises trouvèrent des points de chute dans l’ensemble de la région pour reconstruire leurs activités. Les colons des établissements vulnérables, comme ceux de la Guyane hollandaise, mais aussi ceux du Suriname passé sous contrôle britannique après 1804, ou ceux plus envieux des opportunités ouvertes par la chute de l’eldorado de Saint-Domingue – les planteurs espagnols de Cuba ou les francophones de la Louisiane par exemple – firent plus que passer entre les mailles du filet. Ils posèrent les bases d’un nouveau développement de l’économie de plantation dans l’ensemble des Caraïbes en imaginant de nouveaux circuits d’approvisionnement en main-d’œuvre, en perfectionnant la culture de nouvelles denrées, en s’adaptant aux nouvelles configurations du marché européen, et en renforçant les dispositifs coercitifs de travail des esclaves dans les colonies. Plutôt qu’un moment de rupture révolutionnaire, l’ère des révolutions dans les Caraïbes peut se penser comme le moment d’une rupture impériale durant laquelle les empires européens et leur relais de pouvoir traditionnels dans les îles parvinrent à forcer le maintien – voire à « améliorer » si l’on s’en tient à une analyse strictement économiste – du système global de l’esclavage dans l’économie-monde atlantique.
Notes de bas de page
1 Godechot Jacques, Histoire de l’Atlantique, Paris, Bordas, 1947 ; Godechot Jacques et Palmer Robert R., « Le Problème de l’Atlantique du xviiie au xxe siècle », Relazioni del X Congresso Internazionale di Scienze Sotriche, Florence, C. G. Sansoni, 1955 ; Palmer Robert R., The age of democratic revolutions: a political history of Europe and America 1760-1800, Princeton University, 1959-1964.
2 Baylin Bernard, Atlantic History: Concept and Contours, Harvard University Press, 2005, chap. 2 : « On the contours of Atlantic History », p. 57-112.
3 Parmi les interprétations les plus ambitieuses de ce décentrement, de l’impérial vers l’atlantique, l’ère des révolutions inaugurerait un vaste mouvement de décolonisation à l’échelle atlantique : Serna Pierre, « Toute révolution est guerre d’indépendance », in Pierre Serna, Jean-Luc Chappey, Bernard Gainot, Guillaume Mazeau et Frédéric Régent, Pourquoi faire la Révolution ?, p. 19-49.
4 L’historiographie atlantique cite aujourd’hui volontiers les deux ouvrages de C. L. R. James et Eric Williams comme point de départ dans l’historiographie atlantique de l’esclavage, alors même que James et William écrivirent avant l’élaboration du concept, se gardant même bien de se rattacher à cette même historiographie par la suite : James Cyril Lionel Robert, Les Jacobins Noirs : Toussaint-Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, Paris, Éditions Amsterdam, 2008 (traduction de l’anglais : Pierre Naville, 1re éd. : 1938) ; Williams Eric, Capitalism and Slavery, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1944.
5 Trouillot Michel-Rolph, Silencing the Past: Power and the Production of History, Boston, Beacon Press, 1995, p. 70-107.
6 La plupart des études sur Haïti ont aujourd’hui un ancrage atlantique, au même titre que les études portant sur l’esclavage colonial aux Amériques : Dubois Laurent, Avengers of the New World, Harvard University Press, 2005. À noter également l’importance du concept de « Black Atlantic » dans ce mouvement : Gilroy Paul, Black Atlantic: Modernity and Double Consciousness, Cambridge, Harvard University Press, 1993.
7 Parmi les travaux de synthèse sur l’histoire de l’esclavage ayant émergé de cet élargissement des problématiques de l’histoire atlantique : Eltis David et Richardson David (dir.), Atlas of the Transatlantic Slave-Trade, Yale University Press, 2010 ; Burnard Trevor et Heuman Gad (dir.), Slavery: Critical Concepts in Historical Studies, Londres, Routledge, 2014.
8 Ferrer Ada, Freedom’s Mirror: Cuba and Haiti in the Age of Revolution, New York, Cambridge University Press, 2014 ; Lavina Javier et Zeuske Michael (dir.), The Second Slavery: mass slaveries and modernity in the Americas and in the Atlantic Basin, Zürich, Lit, 2014 ; Tomich Dale W. (dir.), The politics of the Second Slavery, New York, SUNY Press, 2016.
9 Drescher Seymour, Capitalism and Antislavery: British Mobilization in Comparative Perspective, New York, Oxford University Press, 1986, p. 50-67.
10 Nicolas Armand, Histoire de la Martinique : Tome 1, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 240-243 ; Pérotin-Dumon Anne, Etre patriote sous les tropiques, Basse-Terre, Société d’histoire de la Guadeloupe, 1985, p. 137-138 ; Frostin Charles, Les Révolutions Blanches à Saint-Domingue, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008 (1975), p. 234-235.
11 Geggus David, « Slavery, War, and Revolution in the Greater Caribbean, 1789-1815 », in David B. Gaspar et David Geggus (dir.), A Turbulent Time: The French Revolution and the Greater Caribbean, Indiana University Press, 1997, p. 1-51 ; Geggus recensait alors 62 révoltes et conspirations durant la période. Mais dans Geggus David, « Slave rebellion during the Age of Revolution », in Wim Klooster et Gert Oostindie (dir.), Curacao in the Age of Revolutions, 1795-1800, Leyde, Brill, 2011, p. 23-56, il en recense cette fois 92 dans un décompte plus étayé.
12 Slave-trade voyages, [http://www.slavevoyages.org/estimates/NBxul5kH], consulté le 2 mai 2018. Près de 200 000 esclaves ont été débarqués à Saint-Domingue entre 1786 et 1790. Geggus David, « The French Slave Trade: An Overview », William and Mary Quaterly, 58, 1, 2001, p. 119-138. En 1790 seulement, la ville du Cap voit débarquer 19 000 esclaves à son port. Frostin Charles, Les Révoltes Blanches, op. cit., p. 261 : selon ces chiffres, à Saint-Domingue, la population servile atteint le nombre de 465 000 en 1789, soit une croissance de près de 36 % du nombre d’esclaves en l’espace de trois ans.
13 Genovese Eugene D., From Rebellion to Revolution: Afro-American Slave Revolts in the Making of the New World, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1979.
14 Pour une reconstruction des événements à Saint-Domingue : Popkin Jeremy, You Are All Free: The Haitian Revolution and the Abolition of Slavery, New York, Cambridge University Press, 2010.
15 Frostin Charles, « L’intervention britannique à Saint-Domingue en 1793 », Revue Française d’Histoire d’outre-mer, nos 176-177, 1962, p. 293-365 ; Duffy Michael, Soldiers, Sugar and Seapower, Oxford, Clarendon Press, 1987, p. 34-37.
16 Duffy Michael, « British Attitudes to the West Indian Colonies », in David B. Gaspar et David Geggus (dir.), A Turbulent Time: The French Revolution and the Greater Caribbean, op. cit., p. 82-84.
17 Gómez Alejandro E., Le spectre de la révolution noire : l’impact de la révolution haïtienne dans le monde atlantique, 1790-1886, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
18 C’est l’expression de Edmond-Charles Genêt, ministre plénipotentiaire aux États-Unis en 1793, pour décrire la situation dans les Antilles françaises aux lendemains de l’émancipation de Sonthonax : Centre des archives diplomatiques de La Courneuve (CADC), correspondance politique des consuls, vol. 39, circulaire du ministre Genêt aux consuls français des États-Unis, 11 novembre 1793, fos 231-235, fo 233. Le ministre parle d’une « colonie volcanisée, que par le fait qu’elle se trouvait réduite à une nullité absolue de système ».
19 Bénot Yves, La Révolution Française et la Fin des Colonies, Paris, La Découverte, 2004 (1988), p. 8-10.
20 Bouloiseau Marc, Reinhard Marcel et Lefebvre Georges (dir.), Archives Parlementaires première série tome 84, Paris, CNRS Éditions, 1962, p. 276-283 ; CADC, correspondance politique des consuls, vol. 39, Genêt au ministre de la Marine, 15 octobre 1793, p. 263-275.
21 L’opportunité présentée par l’émancipation des esclaves pour mener la guerre aux Antilles est assumé sans ambages par le comité de Salut public dans ses instructions à la commission Hugues : Centre d’accueil et de recherche des Archives nationales (CARAN), correspondance reçue, Guadeloupe, C7A47, supplément aux instructions données par le comité de Salut public, fos 126-128 : « Les colonies des Isles sont prospères, tranquilles et fidèles à la République. Elles ont bien résisté aux insinuations anglaises. Il s’agit de les maintenir dans cette opinion nationale et de les garantir des pièges que l’astuce britannique va leur tendre, en se servant du décret qui consacre la liberté des Noirs. »
22 CARAN, correspondance reçue, Guadeloupe, C7A47, proclamation aux citoyens de la Guadeloupe, 22 juillet 1794, fo 16 : « Le bienfaisant décret du 16 pluviôse, en nous assurant nos colonies, nous assure aussi la destruction de celles de nos ennemis, et ces hommes, jadis avilis, dégradés par l’esclavage […] Ils feront plus : ils porteront cette liberté dans les colonies anglaises. » Régent Frédéric, Esclavage, Métissage et Liberté : la Révolution Française en Guadeloupe 1789-1802, Paris, Grasset, p. 273-275.
23 Jenkins H. J. K., « Guadeloupe, Savagery and emancipation: British comment of 1794-1796 », Revue Française d’Histoire d’Outre-Mer, no 240, 1980, p. 325-331 ; Dubois Laurent, « The price of Liberty: Victor Hugues and the administration of freedom in Guadeloupe (1794-1798) », William and Mary Quaterly, 56, 2, 1999, p. 363-392.
24 Elles connurent quelques succès. Pour ne citer qu’un exemple, la révolte de Julien Fédon à Grenade, débutée en mars 1795 et qui s’acheva péniblement en juin 1796. Soutenue par des émissaires guadeloupéens, elle vit les insurgés prendre le contrôle de l’île pendant près d’une année : Craton Michael, Testing the Chains: Resistance to Slavery in the British West Indies, Ithaca, Cornell University Press, 1982, p. 183-190 et 207-208 ; Cox Edward L., « Fedon’s rebellion 1795-1796: Causes and consequences », Journal of Negro History, 67, 1, 1982, p. 7-19.
25 Rodigneaux Michel, La Guerre de course en Guadeloupe, xviiie-xixe siècles ou Alger sous les tropiques, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 80-92.
26 Stein Robert L., « The Abolition of Slavery in the North, West, and South of Saint-Domingue », The Americas, 41, 3, 1985, p. 47-55.
27 Comme le résumait Laveaux, des grands obstacles s’opposaient au succès durable de cette unité qui ne subsistait dans l’immédiate que par le zèle des agents et de chefs : CARAN, CC 9 A 9, Laveaux au comité de Salut public, 22 septembre 1794 (1er vendémiaire an III) : « Résumé de toutes mes observations et réflexions : Tous les habitants propriétaires, gérants, et ouvriers, sont tous généralement ennemis jurés de la liberté générale. De tous ceux que je connais je n’en peux citer même parmi les hommes de couleur que peu, qui soient amis sincères de la Colonie et de la liberté générale […] Tous les propriétaires, gérants, ceux mêmes qui étant nos ennemis, se sont rendus à nous, auront toujours dans l’âme le désir d’une contre-révolution. »
28 Sur la préparation de la commission : Gauthier Florence, « La Révolution Française et le problème colonial : le cas Robespierre », Annales d’histoire de la Révolution française, 288, 1992, p. 188-189. Sur le déroulement des débats et la victoire de la position favorable au soutien de la politique de Polverel et Sonthonax ainsi que du décret d’émancipation de février 1794 : Popkin Jeremy, « Thermidor, Slavery and the “Affaire des Colonies” », French Historical Studies, 38, 1, 2015, p. 68-70.
29 Gainot Bernard, « La Constitutionnalisation de la liberté générale sous le Directoire : 1795-1800 », Les Abolitions de l’esclavage, de Sonthonax à Schoelcher : 1793-1794-1848, Paris/Vincennes, Éditions de l’UNESCO/Presses universitaires de Vincennes, 1995, p. 213-229.
30 Parmi les correspondances montrant les limites de la politique d’émancipation, et la difficulté d’imaginer une organisation sociale non tournée vers la production de denrées et l’exportation : CARAN, CC9 A 14, Julien Raimond au ministère de la Marine, 10 septembre 1797 (25 fructidor an V). « Quant à moi je ne me permettrai qu’une seule réflexion ; que la France soit juste qu’elle respecte son ouvrage, et Saint-Domingue lui est inviolablement attaché, et le commerce retirera bientôt les mêmes avantages qu’il a momentanément perdues, et les propriétaires […] peuvent non seulement réparer leurs pertes, mais retrouver une fortune plus solide, et au lieu d’esclaves toujours prêts à prendre les armes pour changer leur fort, des associés utiles et des amis fidèles. » Voir aussi Lundahl Mats, « Toussaint Louverture and the War Economy of Saint-Domingue, 1796-1802 », Slavery and Abolition, 6, 2, 1985, p. 122-138.
31 CARAN, C7A4 49, Hugues au citoyen Fourniol, député de la Martinique, 16 décembre 1796 (26 frimaire an V), fos 65-67 : « Je n’ai pas cru devoir assembler le peuple Noir pour nommer des députés, je ne le ferai jamais : l’honneur et ma conscience me le défendent. Je ne me fais pas un jeu de ce qu’il y a de plus sacré dans la société, non. Montre ma lettre au ministre […] dites-leur que, jamais il [Hugues] n’incendiera et que, sous le vain mot de liberté il ne fera pas le sacrifice du sang européen et ne fera verser que celui des anglais », fo 66. C7A 49, Hugues au ministre, 25 octobre 1797 (4 brumaire an VI), fos 226-227 : « D’abord nous ne cesserons de vous le répéter, la Constitution Française est impraticable, quand même toutes les volontés de l’administration pour l’exécuter dans ces colonies », fo 226.
32 La volonté de Roume de maintenir une correspondance avec le président de l’audiencia Don Joaquin Garcia est limpide sur ce point : la prise de contrôle de Santo-Domingo et l’extension de l’abolition sont des sujets rapidement mis de côté par les autorités républicaines : CARAN, CC9 A 12, président de la commission à Roume, 25 fructidor an IV (10 septembre 1796) : « Quoiqu’avantageuse qu’ait paru d’abord la cession de la partie espagnole, il est impossible de se dissimuler que ce n’est qu’à la paix que la France pourra se promettre de voir ses espérances réalisées. Jusqu’au moment où nous aurons eu la paix ou formé une coalition de puissances maritimes capable d’en imposer à l’Angleterre pour conserver la balance politique des nations commerciales ; notre situation sera très précaire aux colonies. Mais en attendant la Révolution s’y mûrit, et quelques efforts que cette puissance rivale fasse pour arrêter ses progrès, ses efforts, pour être ralentis, n’en sont pas moins certains. »
33 CARAN, CC9 A 12, Pascal à Roume, 19 thermidor an IV (6 août 1796).
34 Déposition de Pierre Clamer Clément, habitant demeurant dans la paroisse de Banique depuis 18 ans, premier jour complémentaire de l’an IV (17 septembre 1796) : « Lorsque les Républicains vinrent prendre possession de Banique les habitants eurent peur des troupes noires et s’enfuirent […] Ajoute que la répugnance des habitants de cette partie de l’Isle ci-devant est pour les troupes noires, républicaines, est presqu’invincible en ce moment que s’il venait des blancs républicains en prendre possession, on pourrait compter sur la fidélité de la plus grande partie des habitants, mais que s’il vient des noirs, et surtout rien que des noirs, les anglais ennemis éternels des républicains et quelques espagnols car il s’en trouve d’ainsi disposés, tourneront au détriment de la République. »
35 BNF, Ms-6339, papiers Henri Grégoire, extraits des délibérations du Corps législatif, en avril et mai 1797, au sujet de la charte à donner aux colonies orientales et occidentales. Le représentant Pieter Vreede, figure des patriotes, dénonce même dans son rapport du 22 avril 1797 sur la charte à donner aux colonies orientales et occidentales « le malheureux exemple de nos frères français, qui avec la meilleure intention ont fait naître dans quelques-unes de leurs colonies une infinité de maux en place des bienfaits qu’ils ont cru de répandre ». Sens Angélie, « La Révolution Batave et l’esclavage. Les (im)possibilités de l’abolition de la traite des Noirs et de l’esclavage, (1780-1814) », Annales d’Histoire de la Révolution française, 326, octobre-décembre 2001, p. 67-69.
36 Manuscript collection of the Pennsylvania Society for promoting the abolition of slavery, vol. 6, déposition de Jean-Baptiste Lapointe, 167. Sur la question de la reconnaissance légale du statut de libre dans les Amériques : Scott Rebecca J. et Hébrard Jean, Freedom Papers: An Atlantic Odyssey in the Age of Emancipation, Cambridge, Harvard University Press, 2012.
37 Sur la fonction sociale de l’affranchissement dans les sociétés esclavagistes : Patterson Orlando, Slavery and Social Death, Cambridge, Harvard University Press, 1982, p. 217-218.
38 Aje Lawrence, « L’évolution de la perception de la France et des français en Caroline du Sud à l’heure des révolutions française et de Saint-Domingue », Revue de la Société d’études Anglo-Américaines des xviie et xviiie siècles, 69, 2012, p. 97-98.
39 CARAN, CC9 A 11, Adet à Létombe, 15 novembre 1796 (25 brumaire an V).
40 « The Acts, Orders in Council, etc. of Great-Britain [on trade], 1793-1812 », [http://www.napoleon-series.org/research/government/british/decrees/c_britdecrees1.html]. Dès avant le début des hostilités, l’opinion britannique était convaincue qu’affaiblir les colonies françaises équivaudrait à détruire la marine française et, par le même biais, son statut d’unique puissance navale pouvant rivaliser avec la Grande-Bretagne. Duffy Michael, Soldiers, Sugar and Seapower, op. cit., p. 23-24.
41 Geggus David, Slavery, War and Revolution, Oxford, Clarendon Press, 1982, p. 192-193.
42 Pour une vue d’ensemble de l’expansion impériale britannique Durant les guerres révolutionnaires, et en premier dans les Caraïbes : Ehrman John, The Younger Pitt: The Consuming Struggle, Stanford, Stanford University Press, 1996, p. 420-424. Sur l’importance des colonies de Guyane hollandaise dans l’expansion de l’économie de plantation britannique : Drescher Seymour, Econocide: British Slavery in the Era of Abolition, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1977, p. 75-77.
43 Ces succès étaient rendus aisés par le large soutien dont bénéficiaient les britanniques au sein de la population majoritairement anglophone. The National Archives, CO 111/3, mémoire du Major Creagh, Londres, 3 novembre 1800, fos 137-142.
44 The National Archives, CO 111/2, Edmund Barker and Benjamin Hopkinson to Henry Dundas, June 5th 1795, fos 3-4 ; Memorials of the British Proprietors of estates in the Dutch colonies of Demerara, Berbice and Essequibo, to Henry Dundas, 1795, fos 13-14.
45 The National Archives, General Account of the Colony of Demerara and its dependencies for the year 1795-1798, CO 111/3, fos 230-232. Trois districts de Demerara voient une croissance de plus de 50 % de leur population servile durant cette période, tous situés à proximité de Statbroek et de l’embouchure du fleuve Demerara : Mahaica, East Sea Coast, et West Bank.
46 Slave-trade voyages : [http://www.slavevoyages.org/estimates/gtPxNZCx], consulté le 4 mai 2018. La Guyane hollandaise reçoit près de 33 000 esclaves. La Jamaïque en reçoit 78 000.
47 La prise de l’île, située à quelques kilomètres des provinces de la capitainerie du Venezuela, inspire des projets de culture et de commerce dont les détails sont transmis à Picton : The National Archives, WO 1/93, Mr Duff memorial, April 1797, fos 25-28 : « In short time this province is confesseably allowed to be the most thriving country of all those under the Spanish Dominion in America, and in proportion, as they may have opportunities and the means of providing themselves with slaves. »
48 Robinson Alexandra, « Transatlantic Interchange in the Age of Revolution: The Caribbean Residence of James Stephen and British Abolitionism », in Franca Dellarosa (dir.), Slavery: Histories, fictions, memory: 1760-2007, Naples, Liguori, 2012, p. 19-35, p. 30 ; Drescher Seymour, Econocide, op. cit., p. 104-108.
49 The National Archives, CO 111/2, Copy of the Memorials of the British West India Planters and Merchants Proprietors of Estates and effects in Demerara and the other Dutch settlements on the continent of South America, fos 22-27 ; WO 1/93, R. Woodford to Henry Dundas, May 7th 1797, fos 687-695, fo 689.
50 The National Archives, CO 111/3, Van Batenburg au Duke of Portland, February 29th 1799, fos 199-200, fo 200 ; WO 1/93, Picton to Henry Dundas, April 21st, 1798, fos 345-352, fo 347.
51 Buckley Roger N., Slaves in Red Coats, New Haven, Yale University Press, 1979.
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