Introduction de la troisième partie
p. 171-172
Texte intégral
1La maîtrise des codes sémiotiques du colonisateur anglo-américain permit aux Amérindiens d’établir relation en composant des textes conformes aux conventions linguistiques et narratives de la culture dominante. En retraçant leurs vies, les autobiographes inséraient aussi dans le discours dominant un point de vue amérindien à la fois sur leurs sociétés et sur l’expérience de la colonisation. En combinant leur double position d’observateur et de participant dans leurs textes, ils montrent comment les peuples autochtones durent composer avec une puissance coloniale dont l’hégémonie bousculait tous leurs repères. Ils montrent aussi comment, pour ne pas périr, ils mirent en œuvre une poét(h)ique de la relation et pratiquèrent un « art de la rectification » destiné à réinstaurer une forme d’équilibre vital tel que Gary Urton l’a analysé chez les peuples quechuas1.
2Si la colonisation peut être envisagée comme l’apparition d’un déséquilibre dans les sociétés amérindiennes nécessitant le recours à une rectification afin de retrouver un état d’équilibre, la créolisation peut être vue comme une forme de rectification énoncée par les autobiographes amérindiens. Leurs textes donnent la mesure de l’ampleur des déséquilibres introduits par la colonisation tout en proposant des solutions pour se recomposer dans le nouveau nomos, notamment par le biais de structures fondamentales de leurs sociétés, comme la famille et l’éducation. Les autobiographes émirent cependant des doutes au sujet des possibilités réelles d’intégration des Amérindiens à la société anglo-américaine en dépit des efforts de rectification accomplis. Cette vision pessimiste amena des autobiographes à se demander si cet état ne serait pas plus facilement accessible dans un au-delà ultra-mondain à défaut d’être réalisable sur terre, sur leur terre maintenant contrôlée par des puissances hostiles.
Notes de bas de page
1 Gary Urton, The Social Life of Numbers: A Quechua Anthology of Numbers and Philosophy of Arithmetics, Austin, University of Texas Press, 1977, p. 15, 54, 58, 100, 145-146, 158, 182 et 213-218.
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