Chapitre 18. Les limites de l’action économique de la Compagnie
p. 497-521
Texte intégral
1La capacité de la Compagnie à réorienter la production des îles s’avère finalement réduite. Mais les nouvelles cultures envisagées sont-elles forcément un gage de réussite économique ? Le coton et le gingembre s’avèrent d’un faible profit1. Dans ces conditions, la poursuite du pétun n’est pas si absurde. La politique de la Compagnie connaît peut-être d’autres limites. La structure de l’économie antillaise et la conduite de la colonisation doivent être interrogées. Ne compromettent-elles pas elles aussi les projets de développement envisagés ? Les petites propriétés favorisées par les donations de terres aux habitants par la Compagnie sont-elles en mesure de produire ce qui est attendu, et à une grande échelle ? Les investissements consentis par les acteurs de la vie économique insulaire sont-ils à la hauteur des enjeux ? D’ailleurs, possèdent-ils l’expertise nécessaire pour affiner leur stratégie ? Les résultats économiques des îles peuvent-ils suffire à la Compagnie pour lui assurer un revenu ?
Un monde de petits exploitants
2Les terres qui ont été prises aux Indiens sont données par les autorités coloniales, selon différentes modalités selon les époques, aux Français pour qu’ils puissent s’établir aux îles. Les petites exploitations dominent ainsi le paysage antillais de la première moitié du xviie siècle.
La répartition de la terre
3La documentation du temps de la première compagnie dite de Saint-Christophe ne précise pas le régime de la terre. Tout au plus est-il mentionné dans le contrat de 1626 entre la monarchie et les associés que les habitants doivent leur donner une partie de leur récolte2. Le versement en nature d’une partie de la récolte s’apparente au champart. Les terres à cette époque sont distribuées aux habitants par le capitaine général d’Esnambuc3. Les interventions des agents de la Compagnie en matière économique semblent se limiter alors à la régulation des échanges et à la perception des taxes.
4La situation est plus claire à partir de 1635. La Compagnie tient désormais du roi toutes les terres en propiété et en seigneurie qu’elle distribue en censives aux habitants4. Ils s’engagent à cultiver celles qu’ils ont reçues. Ils doivent verser au receveur des droits de la Compagnie une redevance annuelle d’une livre de coton pour 20 pas de large5. En 1638, le tarif est abaissé à une livre de coton net par an pour 300 toises de terre6. Mais la Compagnie impose un certain nombre d’obligations aux heureux propriétaires. Ainsi les terres concédées qui ne seront pas cultivées pendant deux ans retourneront à la Compagnie7. Les attributions de terre suivent une procédure. Elles sont effectuées par les commis de la Compagnie. Les contrats de 1635 et de 1642 établissent clairement que gouverneurs ne peuvent « s’entremettre » dans leur distribution8. Mais, en de nombreuses occasions, la Compagnie leur laisse le soin d’y pourvoir. Ainsi permet-elle aux deux capitaines L’Olive et du Plessis de distribuer « raisonnablement » des terres pour les cultiver à tous les Français qui passeront à la Guadeloupe9. Elle confie à du Parquet la supervision de la distribution des terres opérée par le commis de la Compagnie aux Français qui iront à la Martinique « en lieu commode de proche en proche et en quantité raisonnable10 ». Il s’agit vraisemblablement de mieux faire respecter la répartition des terres en la faisant exécuter par un homme d’autorité et non par un simple administrateur de la Compagnie. Les commis doivent établir des contrats pour chaque concession afin d’éviter les litiges entre les colons et les usurpations de terres, et de percevoir le cens dû à la Compagnie et les taxes. En 1636, la Compagnie leur envoie pour cela des contrats en blanc. En 1638, elle leur promet des formulaires imprimés11. Les commis tiennent vraisemblablement des registres de terre.
5La politique de la Compagnie vise au début de la colonisation à fixer la population en donnant aux habitants les moyens de subvenir à leurs besoins. Ils reçoivent chacun une terre de 200 pas de large sur 1000 pas de hauteur à défricher, ce qui équivaut à 19 hectares. Avec le temps, elle aurait été réduite d’après Dutertre à 500 pas, soit la moitié, pour satisfaire vraisemblablement les nouveaux arrivants12. Les maîtres de case peuvent en espérer davantage à Saint-Christophe s’ils ont plus de 50 hommes à leur service. Mais dans des limites raisonnables. Une délibération de la Compagnie de 1638 établit que le commis général de la Martinique ne peut distribuer aux maîtres de case plus 10 arpents de terre13. Les exploitations sont donc petites, et elles le demeurent durant les décennies suivantes. À la Guadeloupe, la moitié des proprié tés comptent moins de 10 « carrés », donc près de 10 hectares, d’après le terrier de 1671. Elles n’occupent que 4,06 % des terres. Elles sont un peu moins nombreuses à la Martinique, mais elles en représentent pus du tiers (36 %), ce qui correspond à 5,40 % des terres14. Les petits propriétaires travaillent eux-mêmes le sol, et bien souvent seuls. En 1664, 308 habitations de la Martinique sur 684 n’emploient aucun esclave et 225 moins de 5. En 1671, un tiers des habitations de la Guadeloupe fonctionne sans esclave, ni serviteur15.
6La crainte de la Compagnie est que les Français délaissent l’exploitation du sol. Et s’ils quittent définitivement les îles pour rentrer en France ou pour aller peupler une autre île, ils doivent satisfaire à plusieurs exigences pour se séparer de leur terre. Ils ne doivent pas « dégrader » leurs habitations et leurs jardins ou déplacer des équipements comme les colombiers. Ils ne peuvent vendre leur bien que lorsqu’ils sont en France, et à quelqu’un qui n’est encore jamais allé aux îles et qui s’engage à y passer dans les trois mois16. Tout est fait pour préserver les habitations et protéger l’appareil de production.
La Compagnie et la formation des grandes exploitations
7Les associés estiment-ils pouvoir se reposer sur les petites habitations pour développer la production ? Si les délibérations n’abordent jamais cette question, un certain nombre de mesures prises semblent favoriser la formation de grandes exploitations et montrer que les petites exploitations ne possèdent pas à leurs yeux les atouts suffisants pour atteindre les buts qu’ils ont définis17. En 1636, ils accordent ainsi des exemptions des droits aux maîtres de cases les plus importants. Ceux qui ont au moins six personnes à leur service ne paieront que quarante livres de pétun par an pour chacune. Ils seront responsables personnellement de la perception des droits individuels de tous ceux qui sont sous leur autorité18. Les associés concèdent aussi à quelques colons privilégiés de vastes étendues de terres, en tout cas sensiblement au-dessus de la moyenne observée, vraisemblablement pour les récompenser des services qu’ils leur ont rendus ou pour les appuyer dans leurs projets de culture. Les délibérations en donnent quelques exemples. Ainsi, la veuve de Sébastien Leclerc, Marie Lenoir, reçoit-elle 200 arpents à Saint-Christophe et 300 à la Martinique. Elle demande à passer douze personnes et leur famille pour y travailler. Elle n’en obtient finalement que six de la Compagnie19. Le cas le plus évident est bien entendu celui de Daniel Trezel à la Guadeloupe.
Tableau 38. Les concessions exceptionnelles de terres par la Compagnie20.

Note21
Sources : ANOM, F2A13 ; ANOM, F3221.
8Les associés soutiennent la formation d’un marché foncier, certainement afin de permettre l’agrandissement des exploitations. Mais les terres ne peuvent être vendues qu’à certaines conditions. Elles ne peuvent par exemple n’être cédées qu’à des sujets français sous peine d’être saisies22. Une taxe doit être acquittée à la Compagnie, elle correspond en 1636 à 10 % du prix de vente. En 1638, ce droit de mutation est abaissé à un vingtième du prix de vente (5 %) en cas de vente, et d’une année de revenu en cas de donation23. Cependant, la plupart des colons ont peu d’espoir de s’agrandir car le marché est particulièrement tendu en raison de la pression démographique et du peu de terres disponibles. La situation est difficile à Saint-Christophe où les habitations sont, nous dit Dutertre, « hors de prix24 », mais dans les autres îles, il demeure des espaces à mettre en valeur. Houël dispose de terres à la Guadeloupe qu’il peut distribuer aux colons en 1651. La Grande-Terre n’est pas encore colonisée. La Martinique n’est, elle, pas entièrement défrichée en 166025. Le prix de la terre augmente tout autant dans les îles anglaises, vraisemblablement pour les mêmes raisons. Un arpent de terre coûte ainsi 1 livre 30 (unité de la Barbade) en 1640 à la Barbade, 4 livres 70 en 1645, et 5 livres 50 en 165026. Il existe aussi un trafic des habitations. Certains colons se spécialisent dans la formation de belles habitations qu’ils revendent ensuite aux nouveaux arrivants. L’Anglais Richard Ligon y voit un certain avantage : « il est plus avantageux et plus sûr à un homme qui [a] de l’argent, des marchandises ou du crédit, d’acquérir une habitation garnie et pourvue de valets, d’esclaves, de chevaux, de bétail, d’ânes, de chameaux, et avec un moulin à sucre, que de commencer à s’habituer dans un lieu où l’on peut avoir une terre pour rien en donnant seulement une petite rente tous les ans, mais où il faut souffrir de grandes incommodités et attendre longtemps le profit ou le plaisir qui en peut revenir27 ». Ce mouvement des prix conduit progressivement à la concentration de la terre entre les mains de grands propriétaires. Quelques colons se constituent ainsi de grandes habitations de plusieurs centaines d’hectares qu’ils vont pouvoir consacrer à la culture de la canne28.
9Mais la taille des habitations dépend avant tout des disponibilités financières des colons. Aussi ne serait-il pas étonnant de trouver parmi les principaux propriétaires fonciers les capitaines généraux et les marchands. L’absence d’actes notariés pour la première moitié du xviie siècle ne permet pas d’établir un état foncier des îles et d’être catégorique sur ce point. Mais quelques documents et descriptions des établissements français suggèrent une part active des autorités locales dans la production. La Grange achète en 1638 plusieurs « belles » habitations à Saint-Christophe et « prend des terres vacantes à sa volonté pour agrandir la sienne ». Rochefort signale qu’au début des années cinquante les principaux propriétaires à Saint-Christophe sont Poincy et les membres de sa famille (Longvilliers, Tréval et Bénévent), les capitaines de milice (Aubert, Lespérance, Girault) et quelques habitants fortunés comme Belleteste, Bonhomme et Bonnemère29. Le terrier plus tardif de 1671 indique très nettement que les principaux possédants sont les capitaines généraux et les ordres religieux suivis par les capitaines et lieutenants de milice. Charles Houël est le principal propriétaire foncier de la Guadeloupe avec 9477 « carrés », dont 9050 au Petit-Cul-de-Sac et treize concessions de terre à Basse-Terre et la Côte-au-vent30. La tendance aperçue dans les années quarante ne ferait donc que s’accentuer par la suite, notamment à l’époque des seigneurs-propriétaires. Les grands propriétaires n’exploitent pas directement toutes leurs terres et en laissent une partie en ferme. Ainsi, la veuve de L’Olive, Marie Philbert, afferme sa plantation de Saint-Christophe en 1647 pour quatre ans à Jacques Reblon, sieur des Patisseaux, un Nantais de la Fosse. Le croît des animaux et tout le revenu seront partagés à la fin, un tiers pour Patisseaux et les deux tiers pour la veuve. Patisseaux reçoit la confiance de la veuve qui lui laisse le soin de recouvrir ses créances dans l’île, en lui en abandonnant d’ailleurs les deux tiers31.
10Les habitations sucrières sont généralement plus grandes que les autres. Nous en avons la preuve manifeste avec le terrier de 1671, et il en est vraisemblablement de même durant les décennies précédentes. En 1671, une habitation de cannes recouvre en moyenne 50 hectares à la Martinique contre 15 hectares pour une plantation de pétun32.
11Le processus de concentration des terres que nous constatons dans les années quarante et cinquante se poursuit. En 1671, les habitations de plus de 100 « carrés » à la Guadeloupe, sont peu nombreuses (45) mais elles couvrent 70,28 % des terres. Elles tournent en moyenne autour de 738 « carrés » (700 hectares). Les habitations de plus de 100 « carrés » ne sont pas plus nombreuses à la Martinique, elles ne représentent que 4,43 % des habitations, mais elles occupent 43,27 % de la surface cultivée. Elles sont en moyenne de 295 « carrés » (390 hectares). Les très grandes habitations de la Guadeloupe (plus de 300 « carrés ») représentent 61,04 % des terres. Elles sont quinze33. La concentration des terres est moins forte à la Martinique et laisse la place à une propriété moyenne. Les habitations sont généralement de 30,2 « carrés » à la Martinique (39 hectares) contre 50,7 « carrés » à la Guadeloupe (50 hectares)34.
Tableau 39. La structure foncière de la Martinique en 1671.

Source : C. Schnakenbourg, « Le “terrier” de 1671… », op. cit., p. 43.
Tableau 40. la structure foncière de la Guadeloupe en 1671.

Source : C. Schnakenbourg, « Le “terrier” de 1671… », op. cit., p. 42.
La difficile mise en valeur des terres
12Les terres sont dures à travailler, ce qui compromet l’espoir de la Compagnie de voir une exploitation optimale du potentiel agricole des îles. Les opérations à mener sont nombreuses. Il faut déboiser, dessoucher, labourer, semer. Les terrains sont accidentés car les îles sont montagneuses. La pente est forte et le terrain est dur. Il y a peu d’outils pour travailler ou alors, ils sont de médiocre qualité35. Le travail est pénible. Par ailleurs, les ressources en eau ne sont pas toujours suffisantes pour des cultures exigeantes comme le coton ou la canne à sucre. Dans ces conditions, le rendement du sol est faible. Poincy s’en ouvre dès 1640 aux associés. Il rapporte avoir pu trouver pour lui-même une réponse adéquate en découvrant « une fontaine36 ». De la même façon, il n’y a ni rivières ni fontaines à Saint-Martin. Aussi les habitants ne font-ils que du pétun et du très médiocre indigo, « qui n’y peut pas être bien bon, à cause qu’elle est destituée des bonnes eaux qui sont absolument nécessaires pour en faire de bon », ajoute Dutertre. Les habitants ont fait des citernes pour couvrir leurs besoins37. C’est d’ailleurs le manque d’eau qui conduit les Français à abandonner Saint-Eustache conquise par Cahusac en 1629 malgré son intérêt stratégique38. À l’opposé, le grand nombre de rivières fait, selon Dutertre, la valeur de la Guadeloupe39. La Martinique n’a ni puits ni fontaine en 1645 mais elle bénéficie de nombreuses rivières et torrents qui dévalent les montagnes40.
13Les cultures sont aussi régulièrement saccagées par les rongeurs et les oiseaux. Les rats sont une plaie pour les habitants. Ils ruinent en quelques nuits une habitation. En 1635, ils ravagent les ceps de vigne des capucins de Saint-Christophe, ce qui représente un préjudice de 30000 écus d’après les pères. Ils s’en prennent aussi aux cannes. Les habitants utilisent des chiens et des chats pour les traquer. Ils prennent aussi quelques précautions en suspendant leur garde-manger aux arbres41.
14Les associés savent les difficultés des habitants et tentent d’y répondre. En 1638, ils envoient des seaux et des pelles pour les briquetiers. En 1640, ils promettent à leur agent à la Martinique des haches, pelles, houes, bèches et autres ustensiles pour remuer la terre et travailler au fort. Ils exigent des artisans qui passent aux îles qu’ils emportent leurs instruments de travail42. Mais ils ne sont pas toujours écoutés sur ce point et en 1639, du Parquet insiste auprès d’eux sur la nécessité qu’ils viennent avec leurs outils43. En 1645, Berruyer charge Manichet d’acheter des outils et de les faire charger sur le vaisseau qui est prêt à partir pour la Guadeloupe à l’attention du commis de la famille44. Les associés assouplissent les règles qui prévalent pour la mise en valeur des terres. Ils laissent davantage de temps aux habitants pour satisfaire leurs engagements. En 1636, la terre ne retourne à la Compagnie que si elle n’a pas été travaillée durant deux ans en 1636. En 1638, ce délai passe à trois ans45. En 1639, les associés abaissent les censives à une livre de coton par arpent. Ils réduisent aussi les taxes sur les terres et les productions, voire les droits sur les habitants en cas de mauvaises récoltes46.
Les besoins de l’économie antillaise
15L’économie insulaire manque cruellement de bêtes de trait pour tirer les carrioles, exécuter de gros travaux et faire fonctionner les moulins. En 1640, Poincy déplore le peu de charroi47. Mais la documentation est relativement pauvre sur ce sujet pour en mesurer la réalité. Les chroniqueurs indiquent qu’il a bien des chevaux à Saint-Christophe, notamment sur l’habitation de Poincy à la Montagne, et à la Martinique48, mais ils n’en disent pas le nombre. Poincy semble attentif à cette question car il noue un partenariat commercial avec les Hollandais de Curaçao pour obtenir des chevaux et du bétail en échange de haricots49. Aubert introduit les premiers chevaux à la Guadeloupe au début des années quarante50. Les associés n’accordent qu’une attention modérée à ces questions et en laissent l’entière responsabilité à leurs agents. Houël a des bêtes. Il fait rouler les chariots et labourer la terre avec les bœufs51. Nous ne savons cependant pas le nombre d’animaux appartenant à la Compagnie52. Tout au plus pouvons relever que Houël vend à un maître sucrier hollandais qui vient du Brésil en 1654 « dix bœufs, dix vaches, deux cavales et deux charrettes neuves53 ». Il semblerait que seuls les grands propriétaires soient en mesure d’acquérir de tels animaux. Dutertre note qu’à la fin des années quarante, les chevaux sont encore rares dans les îles. Pierre Pelleprat relève en 1655 que « les Français ne se servent ni de bœufs ni de chevaux dans la culture des terres ». Il n’y voit pas un handicap car ils ont des esclaves54. Encore faut-il pouvoir les acheter.
16Le manque de main-d’œuvre est en revanche souvent évoqué par les associés lors de leurs réunions mensuelles et dans les courriers qu’ils adressent à leurs agents. Les engagés ne suffisent pas. Les colons ont besoin de bras. Les artisans sont peu nombreux dans les îles. Le jésuite Jacques Bouton relève en 1640 que faute d’ouvriers, la pierre, la chaux et les briques des îles ne sont pas utilisées pour les bâtiments et qu’on s’en tient à des constructions légères en roseaux couvertes de feuilles de palmiers comme les font les Indiens. Mais il ajoute aussitôt que cela n’est pas si grave en raison du « peu de nécessité qu’il y a de se mieux couvrir55 ». Le gouverneur du Parquet ne se satisfait pas de cette situation et se plaint vigoureusement de n’avoir pas assez de « maçons, briquetiers, tailleurs de pierre, faiseurs de chaux, charpentiers, menuisiers, serruriers, taillandiers, cloutiers, couvreurs, et autres ouvriers » pour assurer la construction des bâtiments voulus par la Compagnie sur l’île56.
La Compagnie face au manque de main-d’œuvre
17La Compagnie promet tout spécialement de faire venir dans les îles des hommes qui puissent bâtir – des maçons, des briquetiers, des tuiliers, des charpentiers – et fabriquer ou réparer des objets en fer comme les chaudronniers. Le 7 mai 1636, elle s’engage à envoyer deux briquetiers et deux chaufourniers, quatre maçons, quatre charpentiers et six sieurs de long57. Le 3 décembre 1636, elle recherche des salpêtriers, des scieurs de long, des serruriers et des maçons. Le 1er juillet 1637, elle veut envoyer deux ou trois salpêtriers avec des gages de 120 francs par an. Elle s’engage à prendre en charge leur passage et à leur donner 20 livres pour rejoindre Le Havre ou Dieppe pour s’embarquer. Le 16 juillet 1637, il est encore question de faire passer cinquante artisans, armuriers, charpentiers, maçons, scieurs de long, briquetiers. Le 7 octobre 1637, la Compagnie veut faire passer deux charpentiers de chaloupe, et des charpentiers de maisons et des armuriers58. En 1639, elle promet d’envoyer à la première occasion deux salpêtriers dans les îles et un ou deux potiers de terres à Saint-Christophe59.
Tableau 41. Les recrutements d’artisans projetés par la Compagnie.
année | métiers mentionnés |
1635 | 2 briquetiers, 2 maçons, 2 charpentiers, 2 chaudronniers, 2 serruriers, 2 scieurs de long |
1636 (1) | 2 briquetiers, 2 chaufourniers, 2 serruriers, 4 maçons, 4 charpentiers, 6 scieurs de long |
1636 (2) | 5 ou 6 salpêtriers, charpentiers, serruriers, maçons, scieurs de long |
1637 (1) | 1 charpentier |
1637 (2) | 2 ou 3 salpêtriers |
1637 (3) | 50 artisans : armuriers, charpentiers, maçons, scieurs de long, briquetiers |
1637 (4) | 2 charpentiers de chaloupe, charpentiers de maisons |
1638 | 1 serrurier, 1 potier de terre et autres |
1639 (1) | 2 salpêtriers, 1 ou 2 potiers de terre |
1639 (2) | 1 charpentier ou serrurier |
1640 | 2 charpentiers, 2 scieurs de long, 1 menuisier, 1 salpêtrier, 1 potier de terre |
Source : ANOM, F2A13.
18Les artisans sont recrutés par les receveurs de la Compagnie dans les ports de France aux conditions qu’elle a définies. Elle demande en 1640 à Manichet « qu’il fasse diligence » pour chercher des ouvriers (deux charpentiers, deux scieurs de long, un menuisier, un armurier, un salpêtrier, un potier de terre) en leur promettant des gages raisonnables. Elle souhaite que ses agents retiennent les artisans aux îles. Elle charge Aubert de tout faire pour persuader un certain charpentier échappé de Cuba de demeurer à la Guadeloupe60. La Compagnie impose à ses partenaires ou à ses agents de faire passer des artisans à leurs frais. Le dieppois Pierre Baffe, nouvellement pourvu d’un office de contrôleur visiteur et peseur de pétun à la Martinique en 1639, a « la charge d’y passer cette année et d’y mener à ses dépens avec lui un charpentier ou serrurier marié, lequel mènera sa femme61 ».
Tableau 42. Les gages des artisans recrutés à La Rochelle vers 1645.
métier | montant des gages |
charpentier de marine | 340 livres |
maître charpentier | 135 livres |
charpentier de gros œuvre | 120 livres |
scieur de long | 60-80 livres |
tonnelier | 75-100 livres |
cordonnier | 100 livres |
maçon | 100 livres |
Source : G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 160.
19La Compagnie espère convaincre les artisans de partir aux îles en leur proposant des conditions privilégiées. Elle obtient en 1635 de la monarchie que tous les artisans « qui passeront èsdites îles, et y séjourneront pendant six années consécutives, et y exerceront leur métier, [seront] réputés maîtres de chef-d’œuvre, et [pourront] tenir boutiques ouvertes en toutes les villes du royaume, à la réserve de la ville de Paris, en laquelle ne pourront tenir boutique ouverte que ceux qui auront demeuré et pratiqué leur métier èsdites îles pendant dix années62 ». Le privilège concédé est considérable et la Compagnie entend bien s’en servir d’argument pour faire venir aux îles les artisans qui sont nécessaires. Elle invite Cavelet du Herteley à faire placarder cette disposition particulière dans les paroisses normandes pour en faire la publicité63. La Compagnie couvre les frais de voyage des artisans qui partent avec leurs épouses. Les femmes qui rejoignent leur mari bénéficient d’une aide de la Compagnie. En 1637, la femme d’un charpentier de Saint-Christophe reçoit une avance de 60 ou 80 livres qui seront retenus sur les gages de son mari64. La Compagnie leur offre des terres pour qu’ils bâtissent leur maison et cultivent des vivres pour leur besoin en un lieu précis qu’elle leur indique65. Elle mène aussi une politique salariale incitative pour faire venir les artisans. En 1637, elle promet aux salpêtriers qu’elle envoie aux îles 120 francs de gages par an, la prise en charge de leur passage, et 20 livres pour gagner Le Havre ou Dieppe et acheter quelques rafraîchissements66. Les artisans obtiennent en général des gages en argent. Les menuisiers qui partent de La Rochelle en 1650 demandent entre 180 et 260 livres67. Mais dans leur désir d’envoyer des artisans, les directeurs n’oublient jamais de calculer le coût que cela peut représenter. Aussi préconisent-ils d’envoyer les artisans trois par trois sur les navires qui passent aux îles68 car le voyage ne leur coûte rien puisque c’est une des obligations des capitaines qui ont obtenu un congé que de les prendre à leur bord.
20Les efforts déployés par la Compagnie ne donnent que des résultats modestes. Le manque d’artisans est un des faits les plus notables dans les îles selon Dutertre69. Cette situation est assez générale dans les Antilles. Richard Ligon note que pendant longtemps les ouvriers ont manqué à la Barbade. La situation s’améliore au fil des ans avec l’arrivée de charpentiers et de maçons qui sont « de très bons maîtres en leur métier », mais il n’en demeure pas moins qu’ils sont peu nombreux en 164770.
21Les artisans qui viennent aux îles n’exercent pas ou peu leur art et s’adonnent comme les autres à la production du pétun ou d’une autre culture d’exportation, ce qui laisse penser qu’elles leur apparaissent comme plus rentables que leur métier. Dutertre, en observateur attentif, note ainsi que de nombreux artisans « trouvent mieux leur compte à être maîtres que valets, je veux dire, à acheter une habitation et à la faire valoir, que de travailler pour les autres, de là vient qu’ils sont rares, et que le peu qu’il y en a, exige des salaires excessifs […] : et parce qu’ils gagnent beaucoup en peu de temps, ils ont bientôt acheté une habitation. Après quoi, ils n’exercent plus leur art ou leur métier que par manière d’acquit, pour se défaire peu à peu de leurs pratiques ». Les interdictions de faire du pétun formulées par la Compagnie afin qu’ils ne délaissent pas l’exercice de leur métier pour lequel ils ont été sollicités ne sont pas suivies71. Faute d’artisans disponibles, les colons envoient des serviteurs ou des esclaves se former auprès d’un maître. Le métier de torqueur s’apprend facilement aux îles, « ce sont ordinairement de pauvres garçons qui ayant achevé leurs trois ans de service s’adonnent à ce travail », ajoute Dutertre72. De nombreux esclaves noirs de la Guadeloupe et à la Martinique, sont aussi formés à ce métier. Charles Houël place deux esclaves noirs comme apprentis chez un coutelier de la Guadeloupe. D’autres sont chez des charrons. Les artisans sont contents de bénéficier d’aides à discrétion. Mais la formation des esclaves rencontre des réticences car il est craint qu’ayant appris à manier le fer, ils n’usent de leur savoir dans une révolte où « ils pourraient beaucoup nuire73 ». Le florentin Cosimo Brunetti note en 1660 qu’on manque de maçons à la Martinique et qu’ils sont souvent chers74. Quelques auteurs relativisent le manque d’artisans aux îles. Ils n’y voient pas un handicap pour le développement de la colonie car, disent-ils, les gens sont trop pauvres pour avoir recours à leurs services et que leur art n’est pas toujours d’une grande nécessité. Richard Ligon semble se satisfaire du faible nombre d’artisans à la Barbade car en 1647 les besoins ne sont pas si grands selon lui75.
22Les cultures d’exportation, notamment la canne à sucre et l’indigo nécessitent une main-d’œuvre nombreuse qui pour l’heure n’existe pas dans les îles. Les engagés et les esclaves ne sont pas assez nombreux. Les chroniqueurs soulignent que les esclaves manquent pour accomplir toutes les tâches de production et assurer le développement des îles. La formation d’un marché de traite est appelée des vœux des observateurs. Brunetti préconise en 1660 d’intensifier la venue des esclaves en favorisant la traitre régulière de deux ou trois navires vers la Guinée et l’Angola76. En 1669, le gouverneur de Baas, souligne que le développement du sucre souffre du manque d’esclaves, ce qui indique combien ils importent pour cette activité77.
Le niveau des investissements dans la production
23Les investissements aux îles consistent en achats de terres, de matériel, de bêtes et d’esclaves. Leur niveau est difficile à établir faute d’avoir les livres de compte des sociétés et des habitations de l’époque, mais il apparaît que la Compagnie est de loin le plus gros investisseur dans les îles. Elle réalise d’une part les infrastructures propres à supporter et à dynamiser l’activité économique comme les entrepôts et les moulins. Elle fait construire des chemins et aménager les havres. Le coût réel de ces travaux est modéré car ils reposent en grande part sur le travail fourni par les engagés et les colons exerçant la garde des forts. La Compagnie investit d’autre part dans la production. Elle a des habitations à Saint-Christophe et à la Guadeloupe avec de nombreux serviteurs et esclaves où elle fait faire des vivres, du pétun et du sucre.
24La Compagnie aide aussi parfois financièrement les nouveaux établissements. En 1626, elle s’engage à supporter « tous les frais et dépenses qu’il conviendra faire, fournir et avancer pour l’exécution de ladite entreprise » à Saint-Christophe. Elle rembourse les premiers frais de d’Esnambuc à hauteur de 3000 livres. En 1635, elle dégage 2000 livres pour l’installation de L’Olive et du Plessis à la Guadeloupe78. Mais les deux capitaines doivent eux-mêmes faire bâtir forts et magasins. Les marchands de Dieppe qui se sont associés à L’Olive et du Plessis, pourvoient aux autres nécessités. Par la suite, la Compagnie ne finance plus les fondations et les capitaines qui partent à la conquête d’une île le font entièrement à leur frais. Mais elle facilite l’installation des colons en les exonérant des droits. Les préparatifs de l’expédition engloutissent bien souvent l’essentiel des ressources des capitaines et il ne leur reste plus grand-chose ensuite pour réaliser un projet économique et soutenir la production. Ils perçoivent certes une partie des droits personnels en tant que gouverneur, mais ils ne peuvent espérer tirer qu’un maigre revenu de leur entreprise.
25La Compagnie soutient l’investissement en offrant aux entrepreneurs des privilèges et des exemptions. Elle se fait à l’occasion banquier et avance les sommes nécessaires pour réaliser les investissements. Le cas de Trezel est le plus évident. Elle lui avance de l’argent pour acheter des terres et constituer une grande habitation dans l’île de la Guadeloupe79.
26Les capitaines généraux investissent eux aussi beaucoup dans les îles dont ils tiennent le gouvernement, en profitant des conditions générales offertes par la Compagnie. Ils bénéficient notamment des allégements de charges concernant la main-d’œuvre. Ils ont de nombreux serviteurs exemptés des droits et obtiennent des esclaves sur les prises de navires sans rien débourser. Ils paient en revanche comme les autres producteurs leurs taxes à la Compagnie. Poincy et du Parquet ont ainsi de vastes domaines sur lesquelles ils font travailler plusieurs centaines de personnes de toutes conditions. Ils ont leurs propres entrepôts et moulins. Ils se font bâtir de somptueuses demeures en briques et en pierre qui symbolisent leur pouvoir80. Mais cela ne suffit pas à dynamiser le secteur de la construction car bon nombre d’habitants se contentent de simples cases.
27Nous sommes moins bien renseignés sur l’implication des autres investisseurs privés (marchands, habitants, artisans), qu’ils opèrent à titre individuel ou au sein d’associations plus ou moins étendues, mais qui ne regroupent en général que quelques personnes, dans le développement des îles81. Nos connaissances se limitent bien souvent au nombre d’engagés qu’ils passent aux îles pour satisfaire à la mise en valeur de leurs terres. Le nombre important de petites structures de production suggère un niveau relativement faible des investissements. Il arrive que des habitants se mettent ensemble pour valoriser leur travail et vraisemblablement réduire leurs coûts. Les engagés, qui décident de rester aux îles une fois leur contrat achevé, se mettent parfois ensemble pour exploiter en commun une terre sur laquelle ils se partagent à égalité l’autorité sur les serviteurs et les esclaves. Ce type de société s’appelle aux îles le « matelotage ». Elle dure le temps de leur célibat et « lorsque l’un des deux hommes se marie, ils se séparent, et l’on partage les serviteurs, tant Français engagés que les Nègres esclaves, l’habitation est appréciée, et celui à qui elle échoit est obligé d’en payer la moitié à l’autre82 ». L’habitation est de faible rendement et le peu d’argent que reçoit celui qui part ne peut lui permettre de s’établir. Aussi, bien souvent dans les premières décennies de la colonisation, la société se poursuit-elle après le mariage de l’un des deux associés et celui qui n’est pas marié demeure sur place. Les incidents inhérents à ce type de cohabitation conduisent finalement les gouverneurs à obliger le célibataire à quitter la case de son matelot après son mariage83.
28Les données dont nous disposons sont malheureusement trop parcellaires pour que nous puissions estimer le montant des investissements consentis aux îles par les différents opérateurs et mesurer leur impact sur l’économie insulaire.
La circulation monétaire
29L’économie des Petites Antilles françaises est marquée par une faible circulation de monnaie métallique. Une monnaie en nature ou plus exactement une référence monétaire en nature84, sert aux échanges. Tout est calculé en livres de pétun. Les gages versés, les taxes à acquitter, la prise en charge des frais des religieux sont estimés et versés en pétun par la Compagnie. L’Anonyme de Saint-Christophe rapporte qu’au début des années quarante tout se négocie en livres de pétun85. Toutes les marchandises ont leur prix en pétun. Dans les années soixante, la livre de sucre se substitue à la livre de pétun. Mais il s’agit toujours d’une unité en nature86. Il est possible que sur certaines habitations la livre de pétun continue de servir d’unité de référence pour les transactions et le paiement des sommes dues. La production au sein d’une même habitation des vivres et des biens nécessaires à la vie quotidienne des habitants permet tout de même de s’affranchir d’un échange monétaire87.
30Les pièces qui circulent dans les Petites Antilles françaises sont en général des pièces de huit espagnoles, les réaux, qui sont d’usage courant dans toute la zone caraïbe88. La monarchie s’accommode de cette situation mais se montre soucieuse des parités monétaires. L’ordonnance du 13 décembre 1650 fait défense de recevoir des réaux d’Espagne, venant du Pérou, au-dessus de leur poids et en fixe la valeur89. Mais ces pièces peuvent-elles suffire à l’animation de l’économie locale ? Certains observateurs de la vie antillaise perçoivent la faiblesse du numéraire comme une entrave au développement de l’activité, d’autres s’en satisfont90. Les Anglais connaissent cette même rareté de la monnaie métallique dans leurs établissements d’Amérique et craignent que cela n’affecte le commerce virginien91. Mais la Compagnie des îles de l’Amérique ne peut intervenir dans ce domaine qui relève de la monarchie. Cosimo Brunetti préconise en 1660 de créer une monnaie particulière pour les îles92. Cette question est au centre des préoccupations des décideurs lors de la constitution de la Compagnie des Indes occidentales en 1664 car il convient alors de « faciliter à tous les sujets le commerce desdits pays ». Finalement, Louis XIV autorise la frappe d’une monnaie particulière pour les îles et la Terre Ferme en 167093. Cependant, il faut attendre l’arrêt de 1672, que Robert Richard appelle « la charte monétaire des colonies d’Amérique », pour que « tous les contrats, billets, comptes, achats et paiements [soient] faits […] au prix d’argent en livres, sols et deniers ainsi qu’il se pratique en France94 ». La décision royale n’empêchera pas les échanges en produits. Le pétun sert encore d’unité de compte à Saint-Domingue à la fin du xviie siècle95. Savary des Bruslons note dans son célèbre dictionnaire paru au début du xviiie siècle qu’aux îles, le commerce se fait par l’échange, et qu’on emploie « que peu ou point d’argent96 ».
31Mais ce manque de numéraire aux îles est-il vraiment un handicap ? L’économie locale semble assez bien se satisfaire de cette situation. En revanche, quand les colons ou engagés reviennent en France avec leur pécule en pétun, ils doivent se soumettre aux conditions du marché pour l’écouler. La principale difficulté réside donc dans les rapports des Petites Antilles avec le monde extérieur. Mais tant que les produits d’exportation sont demandés et que les cours sont élevés, ils servent à payer les marchandises importées. Les marchands utilisent sinon abondamment les lettres de change libellées en livres tournois, avec le risque qu’elles ne puissent être tirées en France, faute de solvabilité de leur tireur97. Le 6 octobre 1647, Jean Boivin se plaint ainsi à son frère de ne pouvoir récupérer l’argent que lui doivent plusieurs habitants de l’île de la Guadeloupe98. La Compagnie n’honore pas toujours les lettres de change qui ont été tirées sur son compte par ses agents. Le 26 août 1646, elle sursoit au paiement des lettres de change faites par Houël, Marivet et Le Gay à la Guadeloupe, n’ayant aucun fonds99. Le crédit est assez répandu aux îles. On paie rarement comptant. Les jésuites achètent d’ailleurs à la Martinique des terres, des esclaves et des meubles « à crédit selon l’usage des îles » souligne le père Hallay100. La Compagnie entend pour cela réguler les taux d’usure qu’elle fixe en 1645 au denier 10. Les capitaines de navire peuvent vendre leurs marchandises aux habitants à crédit au denier 7101.
32Ces limites affectent tous les espaces d’outre-mer au début de la colonisation et ne sont pas exceptionnelles.
Une économie dépendante
33L’économie des Petites Antilles repose sur la production des cultures d’exportation afin de satisfaire les besoins de la métropole, à l’instar de celle des autres colonies. Mais l’évolution des cours lui échappe. Elle subit la pression du marché. La marge de manœuvre de la Compagnie est d’autant plus étroite qu’elle doit opérer dans le cadre que lui a imposé le pouvoir.
La faiblesse de l’industrie
34Les établissements antillais ne possèdent aucune industrie dans la première moitié du xviie siècle, ni pour transformer les produits agricoles, à l’exception du sucre et de l’indigo, ni pour fabriquer des objets dont les colons ont besoin102. Les produits d’exportations sont uniquement conditionnés pour pouvoir affronter le voyage. Le pétun est par exemple juste mis en rouleau.
35Les habitants attendent les navires qui viennent de métropole pour avoir des meubles, des habits, des ustensiles103. Il n’existe pas de structures de production comme les scieries ou les ateliers de fabrication de meubles aux îles. Il manque aussi de produits pour l’entretien des embarcations. Les associés sont contraints d’envoyer de métropole ce qui est nécessaire pour le radoub des barques et des chaloupes, des cordages et des haussiers104. Les outils dont disposent les habitants demeurent simples.
36Les îles peinent à développer des industries pour leurs propres besoins car elles possèdent peu de matières premières. Le secteur de la construction manque de matériaux. Le 7 mai 1636, la Compagnie s’inquiète de savoir s’il existe dans les îles de la pierre, de la chaux et de la terre pour fabriquer des tuiles et des briques. Elle envisage d’envoyer sur place de la brique et de la chaux pour les premières constructions105. Mais les habitants ne semblent pas se soucier de travailler ces matériaux. En 1660 il n’existe aucun fourneau à la Martinique pour cuire des tuiles et des briques. On n’en fait qu’à Saint-Christophe. Tout est importé par les Hollandais qui les vendent « à vil prix106 ». Il est certain que cela ne favorise guère le développement des ateliers. La Compagnie envoie de nombreuses matières premières aux îles. En 1639, elle invite les capitaines de navires à emporter du fer et du charbon107. Le bois demeure une des rares matières premières exploitées par les habitants tant pour la construction que pour l’exportation, mais il commence à manquer à Saint-Christophe dans les années cinquante à cause des très nombreux défrichements. Les Français doivent alors le faire venir des autres îles comme Saba. La Martinique et la Guadeloupe sont mieux pourvue dans ce domaine108.
Tableau 43. Les exportations de matières premières vers les îles par la Compagnie.

Source : ANOM, F2A13.
37La monarchie a accordé le droit aux habitants de forger des armes pour se défendre109 mais il n’existe que quelques forgerons aux îles qui ne peuvent tout au plus que réparer des outils. Ils ne disposent pas d’équipements pour effectuer de gros ouvrages110. Les suggestions du père Bouton en faveur d’une industrie textile n’ont pas été suivies, faute d’avoir pu trouver les ouvrières et ouvriers nécessaires au filage du coton et au tissage des toiles111.
Les échanges avec les Indiens
38Une partie de l’économie insulaire repose sur les Indiens. Ils apportent les vivres nécessaires quand ils viennent à manquer. Les premiers établissements leur doivent souvent leur survie. Daniel Le Hirbec souligne en 1642 que les échanges entre Français et Indiens à la Martinique sont nombreux : « à présent on est en paix avec eux, qui est un grand bien et repos pour lesdits habitants, auxquels ils servent beaucoup d’autant qu’ils ont toujours quelque chose de bon d’eux pour peu de chose ». Les Indiens viennent souvent commercer à la Guadeloupe au début des années cinquante d’après Raymond Breton. Les échanges se font aussi avec ceux de la Dominique et « lorsque l’on passe par ladite île l’on traite presque toujours quelque chose d’eux » précise Le Hirbec112.
39La Compagnie favorise ces échanges pour conforter la paix avec les Indiens. Ils sont un élément de la diplomatie. Le 5 mai 1640, les associés ordonnent à Manichet d’envoyer pour 200 livres de marchandises (haches, couteaux, rassades) à Aubert et pour être distribuées aux Indiens qui traiteront avec les habitants. En 1641, ils le chargent Manichet d’expédier pour environ 100 livres de traite à Aubert pour les Indiens qui viennent à la Guadeloupe. En 1642, un établissement est envisagé à la Dominique pour faire du commerce113. Les Indiens sont toujours avides d’objets en fer et en particulier d’outils. L’Anonyme de Carpentras rapporte ainsi que les Indiens de la Guadeloupe ont une grande nécessité de haches en fer qui leur paraissent plus efficaces que leurs outils en bois114. Ils recherchent aussi les armes à feu et de la toile, pour faire des voiles à leurs pirogues. Les Français espèrent obtenir en retour des écailles de tortue – le caret – qui sont particulièrement recherchées en Europe pour faire des peignes, des boîtes ou des ornements d’objets115. Tout est basé sur le troc.
Tableau 44. Les types de produits échangés entre Français et Indiens.
produits indigènes | produits européens |
lits en coton | haches, serpes et couteaux |
paniers | aiguilles, épingles et hameçons |
arcs et flèches | cristal, rassades |
animaux | miroir |
fruits | toile |
écailles de tortue | eau-de-vie |
Source : DT/1667, t. 2, p. 385 et 467 ; Bouton, p. 112 ; Chev, p. 186 ; BRET/RF, p. 75.
40Ces échanges sont lucratifs et enrichissent les Français selon Jean-Baptiste Dutertre car les Indiens « ne connaissant pas la valeur des choses, ils les donnaient pour des bagatelles, et pour lors un Sauvage eut donné son lit de coton pour un verre d’eau-de-vie ou pour un petit couteau ». Une tortue vaut une serpe ou une hache. En fait, les Indiens savent ce qu’ils veulent et ne se laissent pas faire par les Français qui ne comprennent pas leur logique d’échange qui leur semble peu en rapport avec la valeur des objets, ce dont ils se félicitent116. Mais avec le temps, les Indiens se font plus exigeants. Le dominicain note qu’« ils ne sont plus si niais qu’ils ont été, et comme ils connaissent le besoin qu’ils ont eu de leurs lits après les avoir vendus, ils n’en vendent plus. C’est pourquoi la plupart des lits de coton qui sont aux îles, nous sont venus de Terre Ferme117 ». Les circuits d’échanges s’ouvrent de plus en plus vers les autres espaces de la Caraïbe, même s’ils se limitent aux côtes et n’affectent pas l’intérieur du continent. L’île de la Grenade où sont établies des communautés galibi et caraïbe joue un rôle essentiel pour les Français désireux de commercer avec les Indiens de la Terre Ferme118. Les échanges avec les Indiens se limitent aux produits courants et n’alimentent qu’à la marge le commerce transatlantique.
À qui profite l’économie antillaise ?
41La production et le commerce antillais ne sont ni mesurables ni quantifiables, car il n’existe aucune donnée chiffrée. Les rares évaluations tentées par les historiens ne concernent qu’une production (le sucre ou le tabac) et un seul établissement à un moment donné. Elles sont sujettes à de larges interprétations et débats. Les rapports officiels et les récits des voyageurs permettent cependant d’envisager une croissance de l’économie des Petites Antilles. Les défrichements sont nombreux et l’espace cultivé grandit. Assurément la production augmente. Mais l’économie des îles est-elle rentable ? que rapporte-t-elle aux habitants et surtout à la Compagnie ?
De la rentabilité des habitations
42Le rendement des habitations est vraisemblablement médiocre malgré la fertilité des terres vantée par les chroniqueurs, en raison du manque d’outils et de main-d’œuvre, à l’image de celui des régions agricoles françaises de l’époque119. Les jugements des contemporains sur le profit des cultures d’exportation sont cependant assez contradictoires. En 1657, le jésuite Jean Hallay écrit ainsi que le profit du pétun et du sucre est grand. Brunetti parle d’habitations particulièrement rentables où le maître peut tirer entre 8000 et 10000 livres de rente. Mais pour le gouverneur de la Tortue, Le Vasseur, seuls les grands propriétaires peuvent espérer tirer un quelconque profit de leurs habitations120. Cette diversité des jugements sur l’état économique des îles peut s’expliquer en partie par la très grande hétérogénéité des situations de production et l’évolution constante des cours des matières premières. Ainsi l’indigo, qui en 1646 est très rentable, s’avère quelques années plus tard peu intéressant121.
43À l’époque de la Compagnie, les habitations, si elles ne sont pas très productives, suffisent aux colons qui ont obtenu une concession de terre. Les petites exploitations de pétun, qui dominent dans le paysage antillais jusqu’aux années cinquante, exigent peu d’investissements et de main-d’œuvre, et les coûts de production sont réduits. Les colons peuvent vivre sur leur terre en profitant des vivres qu’ils cultivent dans leur jardin. Cependant, il ne faut pas que les difficultés perdurent car ils ne peuvent tenir ainsi bien longtemps. Dutertre laisse entendre qu’avec un peu de bien, un habitant peut vivre assez facilement aux îles : « un habitant qui a deux bons Nègres peut vivre fort à son aise et honorablement, car ils lui peuvent fournir chacun de leur travail 17 ou 18 cents livres de tabac, sans les vivres qu’ils font, et il s’est trouvé des habitants à la Martinique qui, louant leurs esclaves à d’autres Français à un certain prix par mois, y trouvaient aussi bien leur compte qu’à les faire travailler122 ». Le dominicain se montre peut-être optimiste. Tous les habitants n’ont pas de serviteurs ou d’esclaves. La situation des petits producteurs a vraisemblablement tendance à se détériorer tout au long de la première mpitié du xviie siècle, ce qui anime le mouvement de vente des habitations et la concentration des propriétés entre les mains de quelques uns.
44Les maîtres des exploitations sucrières réalisent des investissements plus importants en terre, en matériel et en personnel. Une fois les emprunts remboursés, ils peuvent facilement entretenir leurs serviteurs en les nourrissant avec les vivres produits sur l’habitation. Ils peuvent affronter les difficultés d’une mauvaise récolte. Frédéric Mauro avance même qu’au Brésil le maître peut vivoter même si le bénéfice net est inférieur à zéro car l’investissement est déjà réalisé, que les serviteurs peuvent vivre sur l’exploitation, et que les coûts en personnels sont réduits en raison du choix d’une main-d’œuvre d’esclaves123. Si ses dettes sont importantes, il demeure tout de même dans une situation assez précaire. En cas de difficultés prolongées, il ne peut faire face à ses obligations envers ses créanciers.
45Si les habitations permettent malgré leur taille et la situation du marché de faire vivre la population de l’île, le gain pour la Compagnie est faible. Dutertre lui reproche pourtant de prendre le peu de revenu des habitants en prélevant des taxes. Plus d’un habitant vit selon lui difficilement malgré les gains espérés de la vente de sa production124. Mais la Compagnie exploite-t-elle à ce point les habitants au risque de compromettre son projet de développement économique ? Les nombreuses exemptions qu’elle accorde pour favoriser les productions montrent à l’évidence qu’elle se montre à leur écoute. Les récriminations des habitants à son encontre sont pour une part une posture, ce qui n’exclue pas qu’ils soient parfois l’objet d’abus de commis et se sentent exploités. Les habitations de la Compagnie ne lui rapportent pas grand-chose, mais certaines lui coûtent et la mettent en difficulté au niveau financier.
46La Compagnie ne peut concilier aisément les deux objectifs prioritaires qui lui ont été assignés à savoir peupler et développer la production, à moins d’accepter de ne tirer aucun revenu de son entreprise, voire de perdre de l’argent. Les intérêts des uns et des autres ne se confondent pas. Donner des terres à tous les habitants ne suffit pas à dynamiser la production à laquelle elle aspire. La Compagnie tire donc au final peu de choses de ces productions. Mais elle profite de la concentration des habitations en percevant des taxes, les fameux lods et vente, à chaque transfert de propriété. Il serait exagéré de dire que l’intérêt seigneurial et fiscal l’emporte sur l’intérêt économique et commercial au point de s’y substituer car une fois les propriétés constituées, les cessions se font plus rares et cette source de revenu se tarie. Par ailleurs, comme elle perçoit les taxes en nature et que les principaux produits qu’elle reçoit connaissent une chute importante des cours, le bénéfice est faible.
Les profits commerciaux
47L’importance du commerce antillais est difficile à évaluer faute d’éléments concernant les volumes et la valeur des produits échangés entre la métropole et les îles. Colbert parle en 1663 d’un commerce assez consistant. Pour lui, les Hollandais achètent pour deux millions de livres de sucre, un million de livres de pétun, bois, indigo et coton dans les îles françaises et introduisent pour trois millions d’esclaves de Guinée125. Ce ne sont que des estimations. Il n’existe pas à l’époque de la Compagnie de registres compilant les données d’entrées et de sorties des ports avec leurs destinations. Le seul indicateur qui puisse nous donner un aperçu de l’évolution de la situation, c’est la capacité de fret annuelle des navires qui vont vers les Antilles. Nous ne connaissons pas tous les navires qui sont allés aux Antilles ni leur tonnage, mais les informations dont nous disposons peuvent nous donner un ordre de grandeur. Leur nombre est assez constant entre 1635 et 1651 et le flux de marchandises est plutôt régulier, hormis quelques années. L’action de la Compagnie dans le domaine commercial est donc limitée au niveau global, mais déterminante au niveau antillais. Les ports français qui sont les plus impliqués dans le trafic semblent tirer un grand bénéfice du commerce antillais qu’ils alimentent avec les produits de leur arrière-pays. Le Havre envoie de cette façon de nombreuses marchandises aux îles. Les Nantais exportent des toiles et du vin de pays. En 1646, Martin Badaud, un marchand de la Fosse, vend pour 600 livres de toiles à un habitant de Saint-Christophe avec lequel il est associé. Thébaud Guillon emporte une cargaison de vin sur la Notre-Dame armée par le notaire nantais Louis Brétineau126. L’absence de données sur les cargaisons des navires rend impossible l’évaluation quantitative et en valeur de l’activité commerciale. La question des coûts et des profits du trafic transatlantique est aussi rendue délicate en raison des difficultés à dissocier la part du transport de celle du commerce127. Elle demeure ouverte. Quelques fragments recueillis par Marcel Delafosse montrent que le trafic est rentable. Un compte partiel du navire le Saint-Antoine établit que la valeur des marchandises embarquées à La Rochelle se monte à 4907 livres (hors victuailles) et celle des marchandises rapportées des îles à 15000 livres128. Bréard évalue les bénéfices d’un retour des Antilles à 55 % au xvie et au xviie siècle129. Mais il n’entre pas dans le détail. Les prêteurs à la grosse aventure, fréquemment sollicités à La Rochelle et qui sont bien souvent dans le même temps des bourgeois et maîtres de navire, ont des taux de profit très avantageux, autour de 30 %130. Encore faut-il revenir chargé de marchandises et ne pas connaître trop de mésaventures (manque de vent, ouragan, avaries, attaque de pirates). Le taux de profit semble donc dans ces conditions assez réduit au xviie siècle131.
48Ce commerce profitable aux marchands satisfait les colons, mais il lui échappe en mais il échappe en grande partie à la Compagnie à cause de la très forte implication des Hollandais dans celui-ci, et des capitaines qui viennent sans congé. Elle tire tout de même quelque bénéfice du commerce qu’elle entreprend aux îles. Les navires qu’elle affrète, transportent des marchandises qui sont revendues avec succès aux habitants. Elle effectue ainsi de belles opérations. Mais cela ne suffit pas à lui assurer des recettes confortables.
La Compagnie, la conjoncture économique et l’État
49Les résultats économiques de la Compagnie sont à apprécier à l’aune du contexte général. L’Europe est marquée entre la fin du xvie siècle et le début du xviiie siècle par un mouvement de longue durée marqué par la contraction de l’espace cultivé et la baisse du rendement moyen des céréales. C’est la dépression (phase B). Immanuel Wallerstein parle à ce propos d’une perte de la force d’accélération de l’agriculture et de l’industrie. Les prix augmentent, le stock monétaire se rétrécit et le crédit se contracte132. D’une façon plus fine, deux périodes se distinguent à l’époque de la Compagnie : 1620-1640 et 1640-1660. De 1620 à 1640, le mouvement demeure positif, alimentée en grande partie par le développement des monnaies de cuivre et l’essor pré-industriel, mais la conjoncture se retourne en 1640 et devient franchement négative jusqu’en 1660 avec les guerres et les échecs des Européens dans le commerce au lointain133. Mais le contexte économique général influe-t-il sur l’activité commerciale ? La question a été âprement discutée par les historiens. Pour Ruggiero Romano, il s’agit avant tout d’une crise de production de la vieille Europe, quoiqu’il répugne au terme de « crise », qui ne semble pas directement impacter le commerce international, d’ailleurs peu important dans l’économie générale de cette époque qui est essentiellement constituée par la production et non par la distribution, qui continue de croître avec l’intervention de nouveaux opérateurs, principalement les Hollandais et les Anglais134. Cependant, les prix des objets manufacturés en Europe et indispensables aux colonies ont fortement augmenté, ce qui a pu influer sur les échanges en valeur sinon en volume. L’absence cependant de données ne permet pas de savoir exactement quel en fut l’impact. Par ailleurs, il est possible que le contexte économique de l’Europe ait conduit les financiers à modérer leurs investissements et les marchands à limiter leur ambition de trafiquer au lointain. La situation du commerce intercontinental varie selon les espaces considérés au xviie siècle. Selon Frédéric Mauro, certaines zones comme l’Asie sont davantage affectées que d’autres. L’Europe, une partie de l’Amérique et l’Afrique demeurent en revanche stables135. Si le contexte économique général a pu peser sur le développement des Antilles, il n’a pas été un frein. Les Antilles demeurent un pôle actif en termes de production et d’échange. La France semble aussi dans ce contexte morose moins affectée que les autres états européens sur le plan économique. Certes, la production agricole du royaume baisse et la pression fiscale s’accroît, mais la population se maintient136. La contraction du marché est donc limitée.
50La politique économique de l’État est aussi à prendre en compte. Le soutien de la monarchie française à l’économie coloniale ne se limite pas à l’octroi de privilèges à la Compagnie des îles de l’Amérique, quoiqu’ils soient un élément essentiel de sa politique d’expansion outre-mer. Elle mène aussi une politique tarifaire pour favoriser l’entrée des produits antillais sur le marché national, que la métropole ne peut produire pour répondre à la demande intérieure et se défaire des intermédiaires étrangers, en espérant en réexporter une partie vers d’autres pays pour que la balance commerciale soit excédentaire. Elle espère ainsi attirer les métaux précieux, seuls capables, selon les mercantilistes, de donner davantage de moyens à l’État et de renforcer sa puissance137. Le 17 novembre 1629, la monarchie exempte le pétun des îles des droits et taxes d’entrée dans le territoire français au prétexte de « favoriser l’établissement et accroissement de la Compagnie qui a été dressée pour le bien général du commerce de notre royaume138 ». Les pétuns provenant des autres régions sont taxés à hauteur de 30 sols la livre (soit 150 livres le cent pesant). Les droits sur le pétun sont abaissés à 7 sols la livre en 1632 (soit 35 livres le cent), mais ils sont encore suffisants pour décourager les importateurs139. L’intérêt de la monarchie pour le pétun ne retombe pas. En 1664, les nouveaux tarifs douaniers de Colbert préservent le pétun des îles françaises qui n’est imposé qu’à 4 livres le cent alors que celui venant du Brésil et de Virginie ou transitant par un pays étranger, l’est à 13 livres le cent140. L’indigo étranger est lui aussi taxé plus fortement que celui qui vient d’Amérique141.
51Cependant, le soutien de l’État à l’économie antillaise connaît des limites car il convient de préserver les intérêts des Français de métropole dont les productions pourraient être menacées. Intérêts coloniaux et intérêts nationaux ne se rejoignent pas toujours. Le pétun des îles quoique protégé par des tarifs douaniers dissuasifs doit faire face à la production nationale, elle aussi encouragée par l’État. Les premières graines de pétun ont été introduites en France par Jean Nicot après un voyage dans la péninsule ibérique et remises aux jardiniers de Marie de Médicis vers 1570 pour en essayer la culture142. Le 29 avril 1626, le parlement de Rouen enregistre les lettres-patentes qui autorisent René de Montesson « à mettre en lumière » la culture du pétun pendant vingt ans143. Est-il l’origine de la culture du pétun en Normandie à Pont-de-l’Arche et à Léry dont parlent les auteurs du xviiie siècle144 ? La production française de tabac demeure difficile à établir pour cette époque. L’État y a-t-il trouvé un grand intérêt ? Rien n’est moins sûr. L’impôt sur le pétun ne donnerait qu’un revenu moyen de 150000 livres après 1626145. Par ailleurs, la consommation du pétun est très encadrée dans les grands centres urbains. Le règlement général de police de Paris du 30 mars 1635 réserve la vente du pétun aux apothicaires et une ordonnance d’un médecin est indispensable pour être délivré. Les contrevenants s’exposent à une amende de 90 livres parisis146. La donne change en 1674 quand la monarchie établit le monopole de la transformation et de la vente du tabac en France à travers la Ferme du tabac147.
52L’indigo des îles est lui pénalisé depuis que les producteurs de pastel se sont opposés à son utilisation par les teinturiers français. Henri IV par trois déclarations datées du 27 août 1598, du 13 septembre 1599 et du 15 avril 1601 en interdit l’usage148. Cette mesure est assez générale en Europe afin de protéger les productions locales. L’indigo est aussi interdit en Angleterre et en Saxe. De nouvelles interdictions sont prononcées en France en 1609, en 1624 et en 1642149. Il peut en revanche être revendu à l’étranger. Les producteurs antillais peuvent toujours envoyer leur indigo en France pour le réexporter vers d’autres places européennes. Mais le havrais Isaac Boivin n’arrive pas à écouler l’indigo de Saint-Christophe en 1647150. Il n’est pas interdit de penser que l’indigo est utilisé clandestinement par les teinturiers et mélangé avec du pastel comme Joseph Du Fresne de Francheville le raconte pour le xviiie siècle151. Mais les associés sont-ils intervenus auprès de la monarchie pour mieux protéger les productions antillaises ? Les délibérations n’évoquent pas de discussion sur cette question. Il faudra attendre les années soixante pour voir un assouplissement de la législation sur l’indigo en France, Colbert espérant un développement des cultures coloniales152.
53La monarchie se montre finalement assez peu soucieuse à cette époque du développement économique des îles et du commerce antillais, ce qui fait mentir de nombreux mercantilistes. Elle laisse la Compagnie gérer la situation en vertu des privilèges qu’elle lui a concédés. Mais attend-elle quelque chose des îles ? Richelieu ne comptait pas beaucoup sur leur richesse. Le peu d’attention de Mazarin laisse entrevoir le même sentiment. L’intérêt de la monarchie pour les colonies d’Amérique glisserait-il vers des considérations plus politiques (la lutte contre l’Espagne) au détriment des considérations économiques ?
Notes de bas de page
1 C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 24 et 28.
2 MAE, MD, Am., 4, Contrat pour l’établissement des Français à l’île Saint-Christophe, Paris, le 31/10/1626, fol. 65. Pub. dans Margry, p. 100.
3 Com. de Richelieu aux Srs. d’Esnambuc et du Rossey, Paris, le 31/10/1626, dans DT/1667, t. 1, p. 13 ; DT/1667, t. 2, p. 453.
4 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 3.
5 Délibération, le 7/05/1636, p. 266 ; Délibération, le 3/09/1636, p. 279.
6 Délibération, le 4/08/1638, p. 333-334. Trezel bénéficie d’une remise car il ne verse qu’une livre de coton pour 600 toises (Délibération, le 6/04/1639, p. 355).
7 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 21 ; Délibération, le 7/05/1636, p. 266.
8 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 4 ; ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 44. Les associés réaffirment cette disposition lors de plusieurs réunions (Délibération, le 7/05/1636, p. 264 ; Délibération, le 4/08/1638, p. 334).
9 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 19.
10 Délibération, le 5/10/1639, p. 373.
11 Délibération, le 7/05/1636, p. 264 ; Acte, p. 373 ; Délibération, le 4/08/1638, p. 334.
12 ANOM, F2A13, Instruction pour le Sr. Gentil, Paris, le 3/09/1636, p. 107 ; DT/1667, t. 2, p. 453. Lacour parle de concessions de 100 pas sur 500 pas à la Guadeloupe, il a probablement mal lu Dutertre (A. Lacour, Histoire de la Guadeloupe, Fort-de-France, E. Kolodziej, 1979, t. 1, 1635-1789, p. 100).
13 Délibération, le 6/10/1638, p. 343. Cela équivaudrait à 3,41 hectares. C’est peu.
14 C. Schnakenbourg, « Le “terrier” de 1671… », op. cit., p. 42-43. En 1671, le pas d’arpentage à la Guadeloupe vaut 3 pieds mesure de Paris (soit 0,974 m), et le « carré » de 100 pas de côté 0,9486 hectare. Le pied de la Martinique est de 3,5 pieds de Paris (soit 1,137 m), et le « carré » est de 1,2927 hectare (ibid., p. 41).
15 J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 1, p. 30 ; F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 25.
16 Délibération, le 5/01/1639, p. 349.
17 La question de la structure agraire des îles a peu retenu l’attention des historiens qui se sont consacrés à l’étude de l’économie insulaire, mais il est vrai qu’ils regardent avant tout la fin du xviie siècle et le xviiie siècle. Ils ne produisent que quelques lignes sur la production durant les premières décennies de la colonisation. Seul Jacques Petitjean Roget consacre de belles pages à la concentration de la propriété à la Martinique (J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., 2 t.). Voir aussi C. Schnakenbourg, « Le “terrier” de 1671… », op. cit. ; E. Revert, La Martinique. Étude géographique, Paris, Nouvelles éditions latines, 1949.
18 Délibération, le 7/05/1636, p. 266.
19 Délibération, le 4/03/1637, p. 292.
20 Les équivalences en hectares sont indicatives. Elles ont été calculées sur la base du pas du roi de 0,974 m.
21 ANOM, F3221, Traité entre les directeurs des isles de l’Amérique et le Sr. de Dalleville, Paris, le 18/04/1646, fol. 242. Cette donation est assez hypothétique dans la mesure où les terres sont situées sur la Grande-Terre qui n’est pas à cette époque tenue par les Français.
22 Délibération, le 1/09/1638, p. 338.
23 Délibération, le 7/05/1636, p. 266 ; Délibération, le 4/08/1638, p. 334.
24 DT/1667, t. 2, p. 454.
25 MSM, p. 215 ; C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 24. La disponibilité des terres doit attirer les colons. En 1671, le processus de concentration dans la Grande-Terre est peu important ; les petites et moyennes habitations (moins de 100 « carrés ») sont les plus nombreuses et occupent 82,42 % de l’espace cultivé (C. Schnakenbourg, « Le “terrier” de 1671… », op. cit., p. 45). En 1679, Blénac écrit à Colbert que toutes les terres de la Martinique sont concédées (ANOM, C8A2, Blénac à Colbert, la Martinique, le 23/09/1679, cité par A. Ly, La Compagnie du Sénégal, op. cit., p. 26).
26 R. R. Menard, Sweet Negotiations, op. cit., p. 27. Une habitation de 500 acres vaut 400 livres en 1640, et 7000 en 1648 (M. Devèze, Antilles, Guyanes, la mer des Caraïbes, op. cit., p. 202).
27 DT/1667, t. 2, p. 454 ; R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, op. cit., p. 37.
28 M. Devèze, Antilles, Guyanes, la mer des Caraïbes, op. cit., p. 183 ; P. Butel, Histoire des Antilles françaises, op. cit., p. 78.
29 DT/1667, t. 1, p. 127 ; Rochefort, t. 2, p. 41.
30 C. Schnakenbourg, « Le “terrier” de 1671… », op. cit., p. 43. Charles Houël acquiert une grande partie de ses domaines entre 1653 et 1656 (ANOM, F318, La Guadeloupe. Sur les possessions de M. Houël et la vente qu’il en a fait, fol. 7).
31 L. Merle, G. Debien, « Colons, marchands et engagés à Nantes au xviie siècle », op. cit., p. 10.
32 F. Régent, La France et ses esclaves, op. cit., p. 104.
33 C. Schnakenbourg, « Le “terrier” de 1671… », op. cit., p. 42 ; E. Revert, La Martinique, op. cit., p. 224-226.
34 C. Schnakenbourg, « Le “terrier” de 1671… », op. cit., p. 44. La plus grande habitation de la Martinique, celle de Barbier, couvre 1200 « carrés » (env. 1560 hectares), et celle de la Guadeloupe appartient à Houël et couvre 9050 « carrés » (env. 8593 hectares).
35 M. Devèze, Antilles, Guyanes, la mer des Caraïbes, op. cit., p. 183.
36 Poincy, Mémoires envoyés aux seigneurs de la Cie des îles de l’Amérique, Saint-Christophe, le 15/11/1640, dans J. Rennard, Tricentenaire, op. cit., p. 104. Selon Dutertre, les principales rivières de l’île sont dans la partie anglaise (DT/1667, t. 2, p. 7).
37 DT/1667, t. 2, p. 32.
38 Ibid., t. 1, p. 27.
39 Ibid., t. 2, p. 19 ; PDP, p. 31 ; Relation des îles de l’Amérique écrite par un gentilhomme écossais, dans Voyageurs anonymes aux Antilles, op. cit., p. 275.
40 Les jugements sur la Martinique sont très contrastés et montrent que bien souvent les éléments dont disposent les chroniqueurs sont très parcellaires. Certains auteurs déplorent assez curieusement le peu de cours d’eau (PDP, p. 30 ; Rochefort, t. 1, p. 80) tandis que d’autres comme Brunetti s’extasient devant « la quantité de[s] rivières et de[s] fontaines, [et] des eaux très excellente qu’on y boit » (C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 23 ; DT/1667, t. 2, p. 25).
41 BnF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 86v ; MSM, p. 167 ; DT/1667, t. 2, p. 136 et 303-305.
42 Délibération, le 2/06/1638, p. 328 ; Délibération, le 19/02/1640, p. 376 ; Délibération, le 1/12/1638, p. 346.
43 Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 110.
44 Délibération, le 31/03/1645, p. 487.
45 Délibération, le 7/05/1636, p. 266 ; Délibération, le 4/08/1638, p. 334.
46 Délibération, le 7/09/1639, p. 367.
47 Poincy, Mémoires envoyés aux seigneurs de la Cie des îles de l’Amérique, Saint-Christophe, le 15/11/1640, dans J. Rennard, Tricentenaire, op. cit., p. 104.
48 Rochefort, t. 2, p. 48 ; C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 29. Poincy a des chevaux sans que nous en sachions leur usage. Il y a dans les années cinquante des compagnies de milice à cheval.
49 DT/1667, t. 2, p. 289-290. Ce marché date vraisemblablement de la deuxième moitié des années cinquante car Dutertre ne l’évoque pas dans la première édition de son Histoire publiée en 1654. L’inventaire après-décès de Poincy montre qu’il a accumulé un nombre considérable de bestiaux (ANOM, C8B1, n° 6, IAD de Poincy, le 12/04/1660 et le 21/04/1660, 24 p.).
50 DT/1654, p. 332.
51 Délibération, le 3/11/1645, p. 495 ; DT/1654, p. 332 ; DT/1667, t. 2, p. 289.
52 L’un des contrats de vente de la Guadeloupe à Boisseret en 1649 évoque seulement la vente des « bestiaux », sans donner davantage de précision (DT/1667, t. 1, p. 444).
53 Ibid., t. 1, p. 464.
54 Ibid., t. 1, p. 424 ; P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 50. Ce constat est fait plusieurs décennies plus tard par un autre jésuite, Jean Mongin (J. Mongin à une personne de condition du Languedoc, Saint-Christophe, mai 1682, dans M. Chatillon, L’évangélisation des esclaves au XVIIe siècle, op. cit., p. 128-129). Il faut noter à la même époque une faiblesse relative du bétail en France (J.-M. Boehler, A. Antoine, F. Brumont, L’agriculture en Europe occidentale à l’époque moderne, Paris, Belin, 2000, p. 48).
55 Bouton, p. 32.
56 Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 110.
57 Délibération, le 7/05/1636, p. 265.
58 Délibération, le 3/12/1636, p. 287 ; Délibération, le 1/07/1637, p. 297 ; Délibération, le 16/07/1637, p. 299 ; Délibération, le 7/10/1637, p. 309.
59 Délibération, le 1/07/1639, p. 360 ; Délibération, le 3/08/1639, p. 362.
60 Délibération, le 5/05/1640, p. 396 ; Délibération, le 22/12/1641, p. 434.
61 Délibération, le 5/01/1639, p. 350.
62 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 5. En métropole, l’accession au rang de maître est réservée à ceux qui ont fait un chef-d’œuvre. Ils sont évalués par leurs pairs.
63 Délibération, le 7/05/1636, p. 269.
64 Délibération, le 3/06/1637, p. 294 ; Délibération, le 4/03/1637, p. 291 ; Délibération, le 19/02/1640, p. 376.
65 Délibération, le 4/06/1636, p. 270-271.
66 Délibération, le 1/07/1637, p. 297.
67 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 117.
68 Délibération, le 7/05/1636, p. 265.
69 DT/1667, t. 2, p. 468.
70 R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, op. cit., p. 72.
71 Délibération, le 16/07/1637, p. 299.
72 DT/1667, t. 2, p. 469. Le travail du torqueur consiste à faire des rouleaux de pétun avec une corde, en prenant soin de placer les grandes feuilles à l’extérieur et les petites à l’intérieur. Le dominicain veut croire qu’un bon torqueur gagne aisément 4000 ou 5000 livres de pétun par an. Le placement de jeunes garçons et des esclaves pour apprendre le métier de torqueur s’observe encore dans les îles à la fin du xviie siècle.
73 DT/1667, t. 2, p. 470.
74 C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 28 ; DT/1667, t. 2, p. 468.
75 R. Ligon, Histoire de l’isle des Barbades, op. cit., p. 72.
76 C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 30.
77 ANOM, C8A1, Lettre de de Baas, la Guadeloupe, le 26/12/1669, fol. 14v et 21r.
78 MAE, MD, Am., 4, Contrat pour l’établissement des Français à l’île Saint-Christophe, Paris, le 31/10/1626, fol. 65. Pub. dans Margry, p. 100 et 102 ; ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 16.
79 Délibération, le 13/03/1640, p. 386.
80 DT/1667, t. 2, p. 9-10 et 451 ; MSM, p. 115. Le château de Poincy, appelé la Montagne car il est sur un morne, en est l’exemple le plus significatif. Il est construit en 1640 et compte quatre étages de 7 à 8 toises de largeur et une terrasse à l’italienne. Elle est ceinte de remparts et de fossés. La demeure de du Parquet est moins élevée et plus simple. Les cases des autres notabilités des îles (grands propriétaires, capitaines et des lieutenants de milice) sont bien plus modestes.
81 La documentation sur ces sociétés de marchands demeure rare. Il faut attendre l’ordonnance de commerce de 1673 pour que les actes de société générale ou en commandite établis sous seing privé ou devant notaire soient enregistrés au greffe de la juridiction consulaire. L’examen des constitutions et des dissolutions de sociétés permet de calculer le coefficient d’investissement et de vérifier la bonne santé des affaires économiques. Mais de nombreuses sociétés se font encore verbalement (Édit du roi servant pour le commerce, Saint-Germain-en-Laye, mars 1673, dans Ordonnances de Louis XIV, Paris, Chez les associés, 1673, p. 20 et suiv. ; J.-P. Poisson, « Constitutions et dissolutions des sociétés commerciales à Paris au xviiie s. d’après les registres du greffe de la juridiction consulaire », Bulletin de la Société d’histoire de Paris et de l’Ile de France, 101-102, 1974-1975, p. 103 et 106).
82 « Toutes les meilleures familles qui sont aujourd’hui dans les îles ont commencé comme cela », ajoute le dominicain (DT/1667, t. 2, p. 453-454). Le matelotage est favorisé par du Parquet à la Grenade en 1650 (ibid., t. 1, p. 428).
83 DT/1667, t. 2, p. 453. Pour Dutertre, l’imprudence des femmes est souvent à l’origine de conflit et d’incidents.
84 Frédéric Mauro distingue quatre cas d’économie monétaire en milieu d’économie ouverte ou semi-ouverte : l’économie monétaire reposant sur la monnaie métallique, l’économie monétaire reposant sur une monnaie en nature, l’économie monétaire métallique et l’économie de troc (F. Mauro, L’expansion européenne, op. cit., p. 322).
85 Anonyme de Saint-Christophe, Relation des îles, op. cit., p. 120.
86 La capitation est établie en livres de sucre à Saint-Christophe en 1660 (P. Butel, Histoire des Antilles françaises, op. cit., p. 72).
87 Rochefort parle ainsi d’une économie qui repose sur les échanges de marchandises (Rochefort, t. 2, p. 34).
88 AD 76, B, Rapport du capitaine, le 25/05/1649. Pub. dans R. Richard, « À la Tortue et à Saint-Domingue, 1649 », op. cit., p. 452. Sur l’importance des réaux dans la zone caraïbe, voir R. Richard, « À propos de Saint-Domingue : la monnaie dans l’économie coloniale (1674-1803) », Revue d’histoire des colonies, 41, n° 142, premier trimestre 1954, p. 28 ; C. Marichal, « La piastre ou le real de huit en Espagne et en Amérique : une monnaie universelle (xvie-xviiie siècles) », Revue européenne des sciences sociales, XLV-137, 2007, p. 118 et suiv.
89 Déclaration du roi touchant la monnaie, le 13/12/1650, dans MDSM/Loix, t. 1, p. 70. Cette question de la valeur des monnaies étrangères a fait l’objet d’une déclaration royale en 1639 (Déclaration du Roy portant que les espèces d’or ne seront exposées que pour le prix de leur juste poids, le 18/11/1639, Paris, Sébastien Cramoisy, 1639).
90 C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 31. Pour l’Anonyme de Saint-Christophe « le commerce se fait en échange […], étant comparable le séjour des dites îles à l’ancien âge du siècle d’or, auquel on vivait sans souci et sans argent, […] et n’importe de quelle façon l’on vive pourvu que l’on ait ses nécessités à suffisance et à peu de peine, l’or et l’argent n’étant point faits pour la nourriture et aliment de l’homme », (Anonyme de Saint-Chistophe, Relation des îles, op. cit., p. 120).
91 Sir John Harvey to sec. Windebank, Londres, le 26/06/1636, dans CSP, t. 1, p. 238.
92 « Il serait fort avantageux d’y introduire la monnaie » précise à ce propos Brunetti (C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 31).
93 Il s’agit d’introduire 100000 livres en pièces d’argent et de cuivre (Déclaration du roi portant qu’il sera fabriqué une monnaie particulière pour les îles et terre ferme de l’Amérique, Saint-Germain-en-Laye, le 19/02/1670, dans E. Zay, Histoire monétaire des colonies françaises d’après les documents officiels, Paris, J. Montorier, 1892, p. 41-43. La monnaie est frappée à l’hôtel des monnaies de Paris (Arrêt du conseil d’État, le 24/03/1670, dans E. Zay, Histoire monétaire des colonies françaises, op. cit., p. 44).
94 Arrêt du conseil d’État, le 18/11/1672, dans R. Richard, « À propos de Saint-Domingue : la monnaie…, op. cit., p. 28. Le cours des espèces de France circulant aux Antilles est établi à 133 % de leur valeur. Cette attention de la monarchie pour la monnaie semble trouver ses origines dans la pensée de Philippe de Béthune qui préconise d’interdire la circulation des pièces étrangères en France et de les porter à la fonte afin de frapper de nouvelles pièces et de fonder un espace monétaire national (J.-Y. Grenier, Histoire de la pensée économique et politique, op. cit., p. 113).
95 R. Richard, « À propos de Saint-Domingue : la monnaie… », op. cit., p. 23 et suiv.
96 J. Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, t. 1, 1726, p. 1262.
97 Les lettres de change ont pour les marchands toutes les vertus. Jacques Savary écrit ainsi à leur propos en 1675 : « Il est certain qu’il n’y a rien de plus utile à l’état et au public, que l’usage des lettres et des billets de change ». Il en souligne cependant les limites car elles peuvent conduire à bien des faillites (J. Savary, Le parfait négociant, op. cit., 2e partie, p. 121 et suiv.).
98 Arch. municip. du Havre, fonds Boivin-Colombel, 49Z 06, J. Boivin à I. Boivin, Saint-Christophe, le 6/09/1647.
99 Délibération, le 23/08/1646, p. 502.
100 BnF, coll. Moreau, n° 841, J. Hallay, Relation des Isles de la Martinique et de Saint-Christophle, fol. 162r.
101 Délibération, le 3/03/1645, p. 481.
102 Les manufactures sont interdites en Nouvelle-France (J. Mathieu, La Nouvelle-France, op. cit., p. 110).
103 C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 29.
104 Délibération, le 6/06/1641, p. 413. Les haussiers sont de gros cordages pour le gréement et l’amarrage des navires.
105 Délibération, le 7/05/1636, p. 265.
106 C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 28.
107 Délibération, le 7/09/1639, p. 368.
108 DT/1667, t. 2, p. 10 ; C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 31.
109 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 3.
110 Dutertre ne note à son époque que la présence de quelques charrrons et couteliers (DT/1667, t. 2, p. 470).
111 Bouton, p. 82.
112 D. Le Hirbec, Voyages, op. cit., p. 22 ; Bret/A, p. 158.
113 Délibération, le 2/05/1640, p. 395 ; Délibération, le 22/12/1641, p. 434 ; Délibération, le 3/04/1642, p. 425.
114 Anonyme de Carpentras, Relation d’un voyage infortuné, op. cit., p. 40.
115 DT/1667, t. 2, p. 467 ; Rochefort, t. 1, p. 241.
116 DT/1667, t. 2, p. 385 et 467. Dans le même ordre d’idée, le sieur de La Borde écrit : « s’ils ont en fantaisie d’avoir une serpe, ou un couteau, et que n’en ayant pas, vous leur vouliez donner dix fois plus en d’autres marchandises, ils préféreront la serpe, et le couteau », La Borde, Relation de l’origine, mœurs, coutumes, religion, guerres et voyages des Caraïbes, Paris, Henri Justel, 1674, p. 17.
117 DT/1667, t. 2, p. 467.
118 Les Galibis sont apparentés aux Indiens du continent. C’est la raison pour laquelle le jésuite Denys Mesland qui veut évangéliser les Indiens de Terre Ferme se rend dans l’île (P. Pelleprat, Relation, op. cit., 2e partie, p. 2-3 ; Anonyme de Grenade, L’Histoire de l’île de la Grenade, op. cit., p. 145 ; Bret/D). Plusieurs Français les fréquentent. Le capitaine La Rivière est un habitué des eaux grenadines où il pêche. Il traite avec de nombreux Indiens à la fin des années quarante (Anonyme de Grenade, L’Histoire de l’île de la Grenade, op. cit., p. 141).
119 Les rendements calculés par les historiens pour l’agriculture française sont de 1 grain semé pour 7 grains récoltés dans le meilleur des cas. Il est en moyenne compris entre 4 et 6. Les mauvaises récoltes sont récurrentes (J.-M. Boehler, A. Antoine, F. Brumont, L’agriculture en Europe occidentale à l’époque moderne, op. cit., p. 208 ; F. Delleaux, Histoire économique de l’Europe moderne xve-xviiie siècle, Paris, Colin, 2015, p. 23) On ne dispose pas de tels chiffres pour les Antilles.
120 BnF, coll. Moreau, n° 841, J. Hallay, Relation des Isles de la Martinique et de Saint-Christophle, fol. 159v ; C. Brunetti, « Relation des isles de l’Amérique », op. cit., p. 28 ; Arch. municip. du Havre, fonds Boivin-Colombel, 49Z 06, J. Le Vasseur à I. Boivin, la Tortue, juillet 1646.
121 Maurile de Saint-Michel écrit à ce propos : « une des choses les plus chères de ce pays, est l’indigo, dont nos principaux Français faisaient grand trafic de mon temps », (MSM, p. 129).
122 DT/1667, t. 2, p. 525.
123 F. Mauro, L’expansion européenne, op. cit., p. 341.
124 DT/1667, t. 2, p. 462.
125 Discours sur les manufactures du royaume, 1663, dans Colbert/L, t. 2-1, p. CCLIX. Les premières données sur le commerce extérieur de la France sont fournies en 1664 par les fermiers généraux à Colbert sur certains produits comme les articles manufacturés, les eaux-de-vie, le vin et le sel (G. Daudin, Le rôle du commerce dans la croissance : une réflexion à partir de la France du XVIIIe siècle. Thèse de doctorat, Paris, 2001, t. 1, p. 149). Le commerce colonial est mieux connu à partir de 1716 quand l’administration établit des tableaux en valeur par pays et par an. Ambroise Marie Arnould, le sous-directeur du bureau de la Balance du commerce en 1789, a repris toutes les données du siècle et les a publiés en 1791 avec quelques correctifs. Ces chiffres ont fait l’objet de nombreux commentaires (ibid., t. 1, p. 176 et suiv.). Il apparaît que le commerce colonial de la France occupe une place non négligeable dans le commerce extérieur. En 1743, les importations (hors colonies) se montent à 117,5 millions de livres et celles venant de l’Amérique française à 51,2 millions de livres (P. Villiers, J.-P. Duteil, L’Europe, la mer, et les colonies, op. cit., p. 87). Mais l’espace colonial n’est pas le même qu’au xviie siècle. Il est bien plus vaste.
126 G. Saupin, « Les marchands nantais et l’ouverture de la route antillaise », op. cit., p. 182.
127 J. R. Bruijin, « Dutch Ship Owning 1600-1800 », dans J. D. Tracy (éd.), The Rise of Merchant Empires, op. cit., p. 179 et 182. Le fret (le shipping) est d’autant plus rentable que le commerce est assuré. Le fret seul n’est pas toujours très rentable constate Wilfrid Brulez (W. Brulez, « Shipping Profits in the Early Modern Period », The Low Countries Yearbook 1981, Acata historicae neerlandicae 14, 1981, p. 65-84).
128 M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op cit., p. 260.
129 1492-1992. Des Normands découvrent l’Amérique, op. cit., p. 123.
130 Delafosse s’appuie sur un ensemble de 37 contrats des années 1645-1647 (M. Delafosse, « La Rochelle et les îles… », op cit., p. 245).
131 J. R. Bruijin, « Dutch Ship Owning 1600-1800 », op. cit., p. 182. Voir aussi R. Davis, « English foreign trade », Economic history review, 7-2, 1954, p. 150-166 ; W. Brulez, « Shipping Profits in the Early Modern Period », op. cit., p. 65-84.
132 I. Wallerstein, Le système du monde du XVe à nos jours, t. 2, Le mercantilisme et la consolidation de l’économie monde européenne, Paris, Flammarion, 1984, p. 18-19 et 22. Ces variations connaissent de multiples facteurs d’explications. W. W. Rostow a montré d’une façon générale, et Frédéric Mauro et Pierre Chaunu l’ont constaté de la même façon pour le capitalisme commercial, que les phases peuvent être expliquées par plusieurs facteurs : les progrès techniques, l’expansion de nouvelles ères géographiques, l’affirmation de nouvelles sources monétaires et la guerre, qui se combinent entre eux (F. Mauro, L’expansion européenne, op. cit., p. 313). Sur l’interprétation de cette crise profonde qui a suscité un débat historiographique important dans les années 1960, invitant Roland Mousnier, Éric J. Hobsbawm, Pierre Vilar, Pierre Chaunu, René Baehrel… pour ne citer qu’eux, nous renvoyons aux pages qu’Immanuel Wallerstein lui a consacrées (I. Wallerstein, Le système du monde du XVe à nos jours, t. 2, Le mercantilisme et la consolidation de l’économie monde européenne, op. cit.).
133 F. Mauro, L’expansion européenne, op. cit., p. 313.
134 R. Romano, Conjonctures opposées : la “crise” du XVIIe siècle en Europe et en Amérique, Genève, Droz, 1992, p. 218 et 222.
135 F. Mauro, 1961, cité par I. Wallerstein, Le système du monde du XVe à nos jours, t. 2, Le mercantilisme et la consolidation de l’économie monde européenne, op. cit., p. 22. Le Brésil connaît lui une contraction de ses échanges et une baisse de sa production de sucre à partir de 1650 (F. Mauro, L’expansion européenne, op. cit., p. 312). Le commerce de la France vers le Levant s’effondre et passe de 25 millions de livres en 1635 à 2,5 millions de livres en 1660 (F. Delleaux, Histoire économique de l’Europe moderne xve-xviiie siècle, op. cit., p. 121).
136 J. de Vries, « The Economic Crisis of the Seventeenth Century after Fifty Years », The Journal of Interdisciplinary History, 40-2, 2009, p. 171-172.
137 A. Clément, « “Du bon et du mauvais usage des colonies” : politique coloniale et pensée économique française au xviiie siècle », Cahiers d’économie Politique, 2009-1, n° 56, p. 102-103. Sur les liens entre politique coloniale et politique économique voir aussi : Y. Charbit, « Les colonies françaises au xviie siècle : mercantilisme et enjeux impérialistes européens », Revue européenne des migrations internationales, 22-1, 2006, p. 183-199 ; A. Clément, « Les mercantilistes et la question coloniale aux xvie et xviie siècles », Outre-mers, 2005, p. 167-202.
138 Déclaration du roi pour lever sur le pétun et tabac trente sols d’entrée par livre, excepté sur celui des îles, Paris, le 17/11/1629, dans MDSM/Loix, p. 23.
139 S. Gray, V. J. Wycoff, « The International Tobacco Trade in the Seventeenth Century », Southern Economic Journal, 7, 1940, p. 7.
140 J. Du Fresne de Francheville, Histoire du tarif de mil six cens soixante-quatre, Paris, De Bure, 1746, t. 2, p. 750 ; S. Gray, V. J. Wycoff, « The International Tobacco Trade in the Seventeenth Century », op. cit., p. 7.
141 Le tarif de 1621 établit un droit d’entrée de l’anil ou de l’inde fine de Barbarie à 30 sols le cent, et à 3 livres pour celui venant du Portugal. Les tarifs de 1632 et 1638 taxent à 12 livres le cent pesant d’inde fine ou anil du Portugal, de Barbarie, de Venise (J. Du Fresne de Francheville, Histoire du tarif de mil six cens soixante-quatre, op. cit., t. 2, p. 553).
142 M. Mauguin, Études critiques sur l’administration de l’agriculture en France, Paris, Jules Tremblay, gendre et successeur, 1876, t. 1, p. 111.
143 É.-H. Gosselin, Documents authentiques et inédits ; op. cit., p. 131. La culture du tabac se répand ensuite à Saint-Cyr-du-Vaudreuil, à Notre-Dame-du-Vaudreuil, aux Damps, et surtout à Léry. Colbert en déplore la culture en 1676 (Colbert à l’intendant de Rouen, Versailles, le 26/06/1677, dans Colbert/L, t. 2-1, p. 376-377).
144 Encyclopédie méthodique. Commerce, op. cit., t. 3, 1784, p. 732 ; G.-T. Raynal, Histoire philosophique et politique, op. cit., t. 4, 1780, p. 294. Le 1er août 1721, la production de tabac est interdite dans le royaume sauf dans les marges.
145 M. Mauguin, Études critiques sur l’administration de l’agriculture en France, op. cit., t. 1, p. 174. Le bail de l’impôt du tabac est consenti en 1674 à 500000 livres et à 600000 livres en 1680 lors de son renouvellement.
146 Règlement général pour la police de Paris, Paris, le 30/03/1635, dans N. de La Mare, Traité de la police, ou l’on trouvera l’histoire de son établissement, Paris, Jean et Pierre Cot, 1705, t. 1, p. 122.
147 J. Du Fresne de Francheville, Histoire du tarif de mil six cens soixante-quatre, op. cit., t. 2, p. 751 ; S. Gray, V. J. Wycoff, « The International Tobacco Trade in the Seventeenth Century », op. cit., p. 7. En 1681, l’entrée du pétun est restreinte à huit ports de France dont La Rochelle, Rouen et Dieppe.
148 J. Du Fresne de Francheville, Histoire du tarif de mil six cens soixante-quatre, op. cit., t. 2, p. 553.
149 M. Pastoureau, Bleu, op. cit., p. 113.
150 Arch. municip. du Havre, fonds Boivin-Colombel, 49Z 06, J. Boivin à I. Boivin, Saint-Christophe, le 6/09/1647.
151 J. Du Fresne de Francheville, Histoire du tarif de mil six cens soixante-quatre, op. cit., p. 553 ; J.-M. Boehler, A. Antoine, F. Brumont, L’agriculture en Europe occidentale à l’époque moderne, op. cit., p. 237.
152 En 1664, Colbert attend un développement de la culture du coton et de l’indigo (ANOM, C8B1, n° 13, Colbert à Prouville, le 22/09/1664, 18 p.). En 1672, il se résout à son utilisation à titre provisoire dans les manufactures d’Abraham van Robbais à Abbeville et Sedan (M. Pinault, « Savants et teinturiers », dans Sublime indigo, op. cit., p. 135). L’indigo n’est définitivement autorisé dans tout le royaume qu’en 1737 (M. Pastoureau, Bleu, op. cit., p. 113).
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