Chapitre 9. La Compagnie et le contrôle de ses agents aux îles
p. 247-268
Texte intégral
1Les associés de la Compagnie des îles de l’Amérique savent que seule une saine gestion des établissements des Antilles peut leur permettre d’escompter de bons résultats et consacrer la réussite de leur entreprise. Aussi attachent-ils une attention particulière à la façon dont leurs agents interviennent. Ils exigent qu’ils suivent leurs ordres et leurs directives, et agissent toujours en leur nom et dans leur intérêt. Ils ne veulent pas qu’ils compromettent par leur attitude ce qui a été entrepris et portent atteinte à l’intégrité de la Compagnie. Mais les agents de la Compagnie sont-ils toujours attentifs à ses directives ? Ne commettent-ils pas des abus ? Comment la Compagnie les rappelle-t-elle à l’ordre et les sanctionne-t-elle ? Ces manifestations d’autorité peuvent-elles suffire à assurer un contrôle à distance efficace ?
Les attentes de la Compagnie
La Compagnie et l’autorité de ses agents
2Le principal souci de la Compagnie est de voir les prérogatives de ses agents respectées, car il en va de son autorité. Elle tient à ce qu’ils puissent accomplir leurs tâches à son service comme elle l’entend et qu’ils bénéficient de bonnes conditions pour les remplir. Elle appuie toujours leur autorité et est attentive à tous les événements (tensions, heurts, prises d’armes) qui se produisent dans les îles et qui pourraient compromettre leur situation.
3La Compagnie charge les capitaines généraux de soutenir tous ses agents dans l’exercice délicat de leurs fonctions, notamment quand il s’agit de percevoir les taxes. Les habitants supportent parfois mal leur présence et le font savoir. Les associés ordonnent ainsi en 1637 à d’Esnambuc d’empêcher que ses commis « ne soient troublés en la perception des droits de la Compagnie et qu’aucun n’entreprenne contre eux, [en] les mettant en sa garde et protection particulière1 ». Ses agents doivent être respectés dans leur intégrité physique.
4La Compagnie craint aussi que ses commis et ses juges ne puissent accomplir leur mission en raison des empiétements des capitaines généraux Elle doit alors intervenir pour rappeler les prérogatives des uns et des autres. Aussi prie-t-elle Poincy en 1644 « de ne prendre point d’aversion pour ses commis et ne les point obliger à quitter leur service étant personnes qui sont en la protection spéciale de la Compagnie, et qu’elle ne trouve pas si aisément des hommes fidèles et intelligents qu’elle s’en puisse défaire pour causes légères2 ». Il semblerait que le chevalier de Malte ait voulu destituer un de ses agents, mais nous ne savons pas de qui il s’agit car aucun nom n’est mentionné dans la délibération. La Compagnie soutient le plus souvent ses commis, mais elle les invite à ne pas affronter directement les gouverneurs et à faire preuve de diplomatie. Elle demande en 1637 à Gentil de composer avec d’Esnambuc et lui rappelle qu’il doit surtout veiller à ce que le pétun ou le coton ne soient pas remis à des particuliers par « vente échange, paiement de dettes ou autre chose que la Compagnie ne soit entièrement satisfaite de ses droits3 ». Il convient que les taxes soient perçues. Si les associés ménagent la susceptibilité des gouverneurs, ils n’en pensent pas moins.
5La Compagnie doit intervenir en de nombreuses occasions pour faire respecter l’autorité des juges qu’elle a commis et qui ne sont pas appréciés par les gouverneurs qui rendaient jusque-là la justice. Elle invite ainsi d’Esnambuc à autoriser « le juge et à lui faire tenir dans l’île le rang que la Compagnie lui a donné après le gouverneur et le sieur du Halde ». Elle lui laisse le soin de décider de l’appeler dans le conseil de guerre, mais insiste sur le fait qu’il doit lui donner en ce cas un rang honorable. Le 1er juillet 1639, la Compagnie rappelle à Poincy qu’il doit laisser juger les juges et ne pas s’immiscer dans ces procédures. Le ton demeure courtois mais ferme, « il sera bon néanmoins qu’il en laisse l’exercice [de la justice] parfois au juge auquel la Compagnie mandera de l’exercer4 ». Poincy réagit aussitôt à cette mise en cause. Il dit avoir été obligé de juger, et donc d’être juge et partie dans le procès La Grange, car ce dernier a récusé le juge nommé par la Compagnie5. Il nie juger en appel les procès des juges ordinaires6. Durant les années suivantes, la Compagnie renouvelle ses remarques. En 1640, elle lui demande de laisser œuvrer les juges qu’elle a commissionnés et de ne pas prendre connaissance des affaires. En 1644, elle lui reproche d’interdire au juge Mauger d’exercer7. Les gouverneurs trouvent d’autres moyens pour avoir un regard sur l’exercice de la justice. Ils offrent par exemple leur protection à certains magistrats en les faisant entrer dans leur clientèle. Si l’on en croit Dutertre, Regnould et Girault sont devenus des créatures de Poincy à Saint-Christophe8. L’attribution de la charge de sénéchal aux capitaines généraux des îles renforce leurs prérogatives en matière de justice. C’est probablement pour cette raison que la commission de sénéchal n’est pas donnée à Poincy par la Compagnie.
6L’une des plus fortes remises en cause du pouvoir d’un agent provient de Poincy et concerne Leumont. Les deux hommes sont souvent en conflit et l’affrontement quasi permanent, quoiqu’il se situe à Saint-Christophe, le siège de leurs pouvoirs respectifs, affecte l’ensemble des établissements français aux Antilles, car Leumont est l’intendant général et Poincy le lieutenant général du roi. Poincy trouve Leumont trop scrupuleux dans l’exercice de sa charge et trop curieux. Il le soupçonne aussi de médire sur son compte auprès des associés. Le commis Marivet tente comme il peut de concilier les deux hommes. Des attaques personnelles fusent de part et d’autre et alimentent les conversations dans les cases. Dutertre qui rapporte avec soin ces rivalités souligne en particulier la férocité des propos tenus contre Leumont. L’intendant est ainsi accusé de débauche et d’attitude licencieuse dans les locaux de la Compagnie9. Les associés ne discutent pas de ces accusations mensongères durant leurs réunions mensuelles et soutiennent d’une manière indéfectible leur intendant, mais ils l’invitent aussi à consulter Poincy pour prendre certaines décisions. Ils lui suggèrent en particulier de prendre son avis à propos des salaires des notaires en 164310. L’augmentation en 1644 des prérogatives de Leumont dans le domaine judicaire – il obtient le pouvoir de subdéléguer des juges au nom de la Compagnie11 – n’a pas dû être du goût de Poincy qui cherche par-dessus tout à l’écarter. Aussi quand Houël part en France pour ses affaires en 1644, l’envoie-t-il gouverner la Guadeloupe12. Leumont se heurte alors à Marivet qui assure l’intérim au nom de Houël, et, voyant son autorité bafouée, il repasse à Saint-Christophe13. Les rapports avec Poincy demeurent tendus et les contentieux entre Poincy et la Compagnie conduisent finalement à son expulsion de Saint-Christophe vers la Guadeloupe avec d’autres agents de la Compagnie, dont Marivet le Jeune, Feuillet, et Chevrollier en 164514.
Le suivi de l’action des agents
7Les états annuels demandés par la Compagnie à ses agents n’ont pas pour seule vertu la transmission des informations pour décider de l’orientation de sa politique15. Ils sont un moyen sûr de contrôler la mise en œuvre et le respect de ses décisions. Car si les associés ont choisi et nommé les titulaires des charges dans les îles, ils demeurent vigilants. Leur confiance n’est pas aveugle. Ils veulent des preuves des résultats obtenus. Ils n’hésitent pas à l’occasion à demander des explications et des éclaircissements. En 1639, ils s’inquiètent de savoir comment Fougeron, leur commis à Saint-Christophe, emploie les vivres et les esclaves et les « Sauvages » de la Compagnie16. Ils reprochent à du Parquet de ne pas avoir fait construire un hôpital. Le gouverneur de la Martinique leur rétorque « que ce serait une chose bien nécessaire, mais les habitants étant pauvres, ils ne le peuvent pas entreprendre17 ».
8L’examen des comptes est un autre moyen du contrôle. Il permet de s’assurer de la bonne gestion des deniers de la Compagnie par les agents, et de leur probité. Les états des comptes en sortie de charge, la plupart du temps effectués par un autre agent, les complètent avantageusement. Les négligences et les dissimulations apparaissent alors au grand jour. Le 26 juin 1642, les associés se montrent ainsi dubitatifs devant l’inventaire envoyé par du Saussay après le décès du commis général Pierre Merlin. Ils trouvent étrange en particulier « qu’il y ait si peu vu la quantité des choses envoyées pour les habitations et pour vêtir les Nègres18 ». Où sont passées les marchandises de la Compagnie ? Ils font part à Poincy de leurs remarques. Leur commis aurait-il été négligent ? Les associés sont d’une manière générale très attentifs à la façon dont leurs agents reçoivent, entreposent et redistribuent les marchandises qu’ils leurs ont envoyées. Ils attendent systématiquement un compte-rendu des arrivages afin de repérer quelques malhonnêtetés. En 1638, ils demandent ainsi au juge de Saint-Christophe de notifier les vivres et les armes qui sont passés de Saint-Christophe à la Martinique19. Les associés veulent que les registres soient à jour afin de savoir contre qui se retourner au cas où il y aurait des irrégularités. Lespérance doit établir la liste qui était dans les magasins quand Gentil est parti en France, ce qui a été envoyé de France depuis son départ, et ce qui a été envoyé à la Martinique20. Les associés disposent aussi pour leur examen des états des magasins des commis, des registres des receveurs dans les ports de France et des comptes-rendus des capitaines généraux.
Le recadrage de l’action des agents
9L’action des agents est encadrée par l’instruction qui leur est remise avec leur commission21. Certaines instructions sont plus générales et explicitent les missions d’une catégorie d’agents comme celles adressées aux commis et écrivains ou encore celles à l’attention des receveurs dans les ports de France en 163522. L’envoi des ordonnances royales et des délibérations de la Compagnie aux îles contribuent à cette volonté d’encadrement de l’activité de ses agents. L’exercice de la justice requiert particulièrement l’attention des associés qui ne manquent pas une occasion pour en rappeler les règles, en soulignant bien qu’aucune personne ne peut juger s’il n’a commission de la Compagnie23. Ils écrivent aux juges qu’ils doivent respecter le cadre de leur commission. Ainsi, Regnould, juge à Saint-Christophe, ne peut instruire et juger « aucun procès en autre qualité que celle de juge de ladite place24 ». Des points de procédures sont rappelés. En 1640, la Compagnie envoie aux juges les règles pour procéder aux adjudications et aux saisies des biens25.
10La Compagnie veut éviter les conflits d’intérêts et en particulier que les magistrats soient juges et parties. Ainsi, décide-t-elle en 1647 qu’ils ne pourront plus dorénavant continuer l’instruction des procès dans lesquels ils ont été pris à partie « jusqu’à ce que ladite prise à partie soit jugée audit conseil souverain conformément à l’usage en France26 ». Certaines affaires mettent à mal la réputation des juges et risquent d’entacher l’action de la Compagnie. Les associés s’en ouvrent à mots couverts à l’intendant Leumont en 1644. Ils l’invitent à évoquer avec le juge Millet tous les procès intentés où il y a « manifeste cause de suspicion contre les juges » et à régler les situations litigieuses27.
La Compagnie face aux abus de ses agents
11La Compagnie exige de tous ses agents, des plus importants aux plus humbles, une attitude exemplaire. Mais force est de constater qu’ils ne sont pas les modèles tant désirés, ni même les fidèles sur lesquels elle peut s’appuyer, car loin de la métropole, ils sont tentés d’outrepasser leurs droits et prérogatives, et provoquent des mécontentements et des désordres finalement funestes pour le développement de la colonisation et le respect de son autorité. Trois types d’attitude indélicate retiennent particulièrement l’attention de la Compagnie : la négligence dans l’exercice d’une charge qui compromet ses intérêts économiques, l’abus de position qui porte préjudice aux habitants et les monte inévitablement contre elle – les habitants ne distinguent pas l’homme de la charge qu’il occupe et pour eux, un agent de la Compagnie agit toujours au nom de la Compagnie, même dans ses excès –, et les mauvais comportements notamment en matière de mœurs qui heurtent les associés au plus haut point. Les agents qui se rendent coupables d’une attitude inqualifiable et sans honneur ne peuvent exercer un quelconque pouvoir au nom de la Compagnie de crainte qu’ils ne compromettent son autorité.
12La Compagnie prête toujours une oreille attentive aux plaintes qu’elle reçoit mais ne se contente pas de vagues accusations pour décider d’une mesure répressive. Elle veut décider en toute connaissance de cause en obtenant des précisions sur la situation de la part de ses autres agents et en obtenant la transmission de tous les documents nécessaires. Elle dispose d’un arsenal de mesures pour sanctionner ceux qui ne donnent pas satisfaction, depuis le simple rappel à l’ordre jusqu’à la révocation.
Les sanctions
13Les abus des agents consistent le plus souvent en pression pour obtenir des services personnels. Il en va des capitaines généraux comme des commis. En 1638, les habitants de Saint-Christophe se plaignent auprès de la Compagnie qu’ils sont contraints par les chefs et capitaines de l’île de délaisser la garde des forts pour être employés à leurs affaires. La Compagnie rappelle que seules les personnes exerçant une autorité – le capitaine général et le lieutenant général – peuvent exiger de corvées des habitants pour le bien de la collectivité comme les logements des religieux, l’entretien des bâtiments de la Compagnie et la construction des ouvrages publics28. La Compagnie se contente dans ce cas précis d’un rappel à l’ordre.
14Les prix excessifs exigés par les notaires et les sergents de justice font l’objet de nombreuses plaintes. La Compagnie se veut réactive et en appelle à la modération des salaires des sergents en 1641 « afin que nous n’en recevions aucune plainte à l’avenir29 ». Certains professionnels abusent de leur position pour s’imposer. Le chirurgien Bunoche oblige ainsi les habitants de Saint-Christophe en 1638 à recourir à ses services. La Compagnie critique vivement cet abus et rappelle aux habitants qu’ils peuvent choisir le praticien de leur choix30. Bunoche agit délibérément contre ses ordres car en 1636, elle avait très clairement édicté qu’il ne serait « rien payé par les habitants […] à aucun des chirurgiens qui sont dans l’île si ce n’est de gré à gré et selon les conventions qui seront faites avec les particuliers qui pourront choisir celui qu’ils estimeront le plus capable et le plus à leur gré ». La Compagnie est d’autant plus ferme sur cette question qu’elle entretient à ses frais le chirurgien « sans que pour ce il soit levé aucun droit sur les habitants31 ». Cette mise au point semble avoir porté car nous ne trouvons plus dans les délibérations de mentions de plaintes à ce propos.
15La Compagnie se contente donc généralement de réprimander les agents indélicats en espérant être entendue. Elle l’assortit parfois d’un rappel de leurs prérogatives et obligations et de quelques instructions complémentaires. Elle menace à plusieurs reprises de ne pas renouveler la commission d’un agent en raison de ses négligences. Les commissions sont établies en général pour trois ans, certaines uniquement pour une année. En 1643, la Compagnie indique très clairement à Leumont qui sollicite de nouvelles commissions pour les notaires et les sergents de Saint-Christophe qui ont fini leurs trois ans, que leur renouvellement dépendra des retours qu’elle aura de leur exercice. Elle demande aussi qu’ils modèrent leurs salaires32. Quand Petit sollicite en 1646 la continuation de sa commission de notaire, la Compagnie ne veut pas accéder tout de suite à sa requête et préfère attendre des nouvelles de Saint-Christophe avant de s’engager pour trois nouvelles années33. Nous connaissons plusieurs cas de révocation, mais les raisons ne sont pas jamais évoquées. En 1638, la Compagnie renvoie le greffier que le juge Boitière a nommé à Saint-Christophe34. Le 31 janvier 1642, elle révoque la commission de juge à Saint-Christophe de Regnould, celui-ci étant convoqué par le roi pour lui rendre compte de l’exercice de la justice35. Il semble s’agir davantage d’une mesure conservatoire, mais elle témoigne bien aux yeux des associés que ses agents doivent être exemplaires. La seule affaire sur laquelle nous soyons vraiment renseignés concerne Fougeron. Fougeron fait office de commis général de Saint-Christophe quand Jean Gentil part en France en 1639. Les associés le confirment dans cette charge le 2 mars 1639 à la mort de Gentil mais à titre provisoire, jusqu’à ce qu’une assemblée générale se prononce sur cette question36. L’homme a certainement à leurs yeux le mérite de l’avoir bien servi jusque-là. Il apparaît en effet en 1636 parmi les commis demandés par d’Esnambuc pour Saint-Christophe37. Mais il se révèle peu capable et surtout peu fréquentable. C’est un mauvais choix. La Compagnie reçoit en effet bientôt un courrier de l’un de ses agents à Saint-Christophe, le visiteur-peseur Jean-Étienne Toully, dans lequel il déplore le comportement de Fougeron. La Compagnie craint une dénonciation malveillante. Aussi, s’enquiert-elle auprès de Poincy et du père capucin Joseph de Caen, qui est dans l’île, de ce qu’ils pensent de Fougeron38. Les avis recueillis confirment les remarques de Toully. La conduite de Fougeron s’avère inqualifiable. Aussi la Compagnie décide-t-elle de le relever de sa charge de commis général de la Compagnie à Saint-Christophe le 7 septembre 163939. Les reproches qui lui sont adressés ne sont pas évoqués dans les réunions des associés. Il n’est pas semble-t-il très scrupuleux en affaire. Il ne prête pas toujours une grande attention aux intérêts de la Compagnie selon du Parquet qui rapporte plusieurs disputes entre Fougeron et Lespérance à propos des droits de la Compagnie40.
16Les comportements les plus indélicats conduisent à des poursuites judiciaires. Le commis général de la Guadeloupe, Morin, est accusé de nombreux manquements. Le gouverneur du Parquet l’accuse notamment d’avoir mal négocié le transport du pétun de la Compagnie sur le bateau du capitaine Grégoire, lorsqu’il a remplacé le commis particulier de la Martinique, Nicolas Marchand, qui, étant malade, ne pouvait accomplir cette tâche. Du Parquet ne se fait pas plus précis dans sa lettre à la Compagnie. Mais la sanction est immédiate. Morin est mis aux fers41. Un procès est attendu. Ce n’est pas le seul reproche qui lui est fait car l’acte d’accusation, rapporté par Dutertre, mentionne encore le rapt, l’adultère et le crime de lèse-majesté divine et humaine. L’affaire est grave. Le 29 octobre 1639, il est condamné à mort et exécuté42. Il n’est pas le seul à être inquiété pour des affaires de mœurs. Le lieutenant Desmarest mène une « vie dissolue » faite d’impiété, de libertinage et de concubinage public qui choquent les habitants qui en appellent aux autorités. En 1639, la Compagnie invite Poincy à le châtier s’il « ne change de vie43 ». Elle charge aussi en 1645 Houël de destituer les commis négligents et d’en nommer d’autres avec les mêmes émoluments. Il doit cependant en avertir l’intendant général et la Compagnie44.
De l’effectivité des sanctions
17Les sanctions décidées par la Compagnie ne sont pas toujours exécutées car les capitaines généraux interviennent pour protéger leurs proches45.
18En 1643, une violente altercation se produit entre Louis de Querengoan, sieur de Rosselan, et Jacques Chesneau dit Saint-André, commis général de la Compagnie à la Martinique. Des paroles et des injures sont proférées, et peut-être même davantage. La Compagnie expédie aussitôt une commission en blanc à l’intendant Leumont pour qu’il charge une personne de s’informer des violences faites à Saint-André et de poursuivre l’instruction du procès jusqu’au jugement. Elle revient aux juges Girault et Caruel. La Compagnie se plaint par ailleurs à du Parquet de l’attitude inqualifiable de son capitaine. Du Parquet prend aussitôt sa défense et convainc les associés d’intervenir auprès de Leumont « pour lever l’interdiction » à la condition expresse que Rosselan lui adresse personnellement sa requête46. Rosselan est un fidèle de du Parquet. Cela explique l’intervention du capitaine général. Du Parquet l’envoie plus tard avec trente-cinq ou quarante hommes prendre l’île de Sainte-Lucie. C’est, nous dit Dutertre, un « homme vaillant […] que la longue expérience dans les îles avait rendu digne de cet emploi47 ». La Compagnie n’a pas à regretter sa clémence car Rosselan se montre loyal envers elle. Il reconnaît ainsi l’autorité du nouveau lieutenant général du roi en 1646. En 1647, il participe avec les autres officiers de l’île au conseil de la Martinique convoqué par Jérôme du Sarrat, sieur de La Pierrière, commandant en l’absence de du Parquet qui est prisonnier de Poincy48.
19Charles Houël promet en 1645 aux habitants de la Guadeloupe la révocation du greffier du Pont dont ils se plaignent. Mais il ne respecte pas sa promesse et le laisse poursuivre sa charge49. Il est vraisemblable que la Compagnie n’a rien su de l’intervention de Houël car la requête des habitants était adressée au gouverneur et non à elle. Du Pont demeure aux ordres de Houël. Quand le gouverneur cherche à écarter Thoisy et à se rapprocher de Poincy, il déclare en se parjurant qu’il n’a pas procédé à l’enregistrement de sa commission de lieutenant général du roi pour les îles en 164550. Il expliquera par la suite dit cela déposé pressé par Houël51, mais cet aveu ne peut totalement occulter le fait qu’il lui est aussi bien redevable. Plein de remords et « pour décharger sa conscience », il rentre piteusement en France à la demande de Thoisy pour dénoncer les injustices de Houël52. Un autre cas de sanction d’un agent est rapporté par Dutertre. Il se produit vraisemblablement à la fin de l’existence de la Compagnie, peut-être un peu plus tard. Vigeon est accusé par du Parquet de bénéficier de nombreuses largesses des justiciables dans le cadre de ses fonctions de greffier de justice, ce qui est contraire à sa commission puisque ses émoluments se limitent à une taxe perçue sur chaque acte effectué. Il est cassé de sa charge par le gouverneur. Mais il peut rester dans l’île grâce à l’intervention de madame du Parquet en sa faveur53.
Le difficile contrôle des capitaines généraux
20Les capitaines généraux, en raison de leur important pouvoir dont ils usent parfois comme ils l’entendent, apparaissent aux yeux de certains de leurs contemporains comme les véritables seigneurs des îles. Ils bénéficient de leur proximité avec les habitants et se présentent comme un rempart contre l’arbitraire de la Compagnie afin d’emporter leur adhésion54. La Compagnie ne transige pas sur le principe absolu du respect de son autorité et tente d’imposer ses décisions et ses arbitrages. Mais jusqu’où peut-elle aller ? Certains arrangements et compromis sont-ils envisageables ?
Le népotisme des capitaines généraux
21Les capitaines généraux ont une forte emprise sur les îles et les habitants en raison de leurs nombreuses prérogatives, de leur activité économique mais aussi de leur importante clientèle. Ils font participer leurs proches à leur fortune, comme tous les hommes qui ont une situation à cette époque. Le népotisme des capitaines généraux appartient au monde de l’Ancien Régime. Ces clientèles sont constituées d’une part des membres de leur famille qui se sont établis aux Antilles, et d’autre part des cadres militaires, capitaines, lieutenants et enseignes qui sont sous leur commandement. Les capitaines généraux mobilisent leurs réseaux pour recruter des hommes de leur pays. Ils font venir de nombreux parents qu’ils placent aux postes clefs de l’administration de l’île dans laquelle ils exercent leur autorité. Pierre Belain d’Esnambuc fait ainsi passer à Saint-Christophe plusieurs membres de sa belle-famille, les Dyel, en 1627 ; le contrat d’engagement du 13 janvier 1627 mentionne René Dyel, sieur du Parquet, Nicolas Dyel, Nicolas Dyel, seigneur de Vaudroques, Adrien Dyel, écuyer55. Trois neveux d’Esnambuc s’illustrent à ses côtés à Saint-Christophe. L’un est capitaine d’une compagnie de milice. Il est tué en 1629 lors de l’attaque de l’île par les troupes espagnoles commandées par don Fadrique de Tolède56. Un autre, Adrien Dyel de Vaudroques, le sert un temps à Saint-Christophe. Mais il ne reste pas dans les îles. Il y reviendra en 1658 pour s’occuper de ses neveux à la mort de leur père. Il est mort à la Martinique en 166257. Le dernier, Jacques Dyel du Parquet reçoit de d’Esnambuc le gouvernement de la Martinique, vraisemblablement en 163658.
22Jacques du Parquet fait à son tour venir à la Martinique les membres de sa famille. Ses nièces passent aux îles et s’y marient59. Trois de ses cousins, Jacques de Maupas de Saint-Aubin, Pierre et Jean Le Comte, sont capitaines à Saint-Christophe en 1645. Ils seront expulsés de l’île par Poincy alors en conflit avec du Parquet et trouveront refuge à la Martinique60. Jean Le Comte sera par la suite lieutenant à la Grenade. Du Parquet n’en est pas toujours satisfait, il considère qu’il suit mal ses instructions, mais il le maintient à son poste61. Un autre cousin de du Parquet, Charles de La Forge, est à la Martinique en 1646. Il commande l’île avec Jérôme du Sarrat, sieur de La Pierrière, quand du Parquet est prisonnier de Poincy62.
23Poincy fait lui aussi venir aux îles ses neveux et nièces qu’il comble de charges. Il confie à ses deux neveux, Robert de Longvilliers et Antoine de Longvilliers de Tréval, des commandements. Ils sont particulièrement exposés. Ils serviront d’otages durant les troubles qui touchent les îles en 164663. Tréval participe à la prise de l’île de la Tortue en 1652 avec le sieur de Fontenay64. Ses nièces servent à nouer des alliances et à renforcer les liens avec les capitaines de milice. L’une, Louise de Longvilliers de Poincy, épouse Claude Roy Courpon, sieur de La Vernade65. Il tente d’en marier une autre avec Sabouilly. En vain, car en 1645, Sabouilly passe au service du nouveau lieutenant général pour le roi, Patrocle de Thoisy. Poincy lui en tiendra rigueur et cherchera à l’éliminer pour réparer cet affront66. Poincy obtient en 1639 de la Compagnie l’érection en fief des terres qu’il a acquises de du Parquet avec les droits de basse et moyenne justice pour Robert de Longvilliers. Ce dernier doit la foi et l’hommage à la Compagnie. La prise de possession du fief est ainsi définie par les associés : « Ils [lui et ses successeurs après lui] s’adresseront au principal juge de la Compagnie en personne, deux mois après qu’ils seront seigneurs s’ils sont dans l’île et, s’ils sont hors de l’île, à l’un des directeurs de la Compagnie, trois mois après qu’ils seront seigneurs, et six mois après, ils rendront leur aveu et nombrement au principal juge de la Compagnie en ladite île, et à faute de faire la foi et hommage et rendre l’aveu dans ledit temps, la Compagnie pourra faire saisir le fief jusqu’à ce qu’il y ait été pleinement satisfait. » Ils devront en outre faire construire un bourg et une église. Le droit de mutation se monte à un canon de 12 livres de balle et un cent de balles pour être mis au principal fort de la Compagnie, et une année de revenu. Ils pourront avoir un juge pour rendre la justice dans le fief, mais l’appel sera fait devant le juge de la Compagnie dans l’île. Elle protège ses prérogatives. Les habitants du fief continueront de payer les droits personnels à la Compagnie et satisferont aux autres charges personnelles de l’île comme les autres habitants67. En 1641, la Compagnie donne la lieutenance générale de Saint-Christophe, devenue vacante après l’éviction de La Grange, à Longvilliers68. La commission ne sera cependant jamais exécutée.
24Charles Houël entraîne toute sa famille dans l’aventure guadeloupéenne. Son frère, le chevalier Houël, vient s’établir aux îles. Son neveu, Charles de Boisseret, marquis de Sainte-Marie, seigneur d’Herblay, l’assiste à la Guadeloupe en 1654. Il sera plus tard lieutenant aux îles de l’Amérique et colonel au gouvernement de Paris69. Un autre de ses neveux, Jacques de Boisseret, sera plus tard, en 1665, gouverneur de Marie-Galante70. Houël renforce encore ses appuis en épousant en 1654 Anne Hinselin71. Son beau-frère, Pierre Hinselin, l’assiste dans son gouvernement72. Toutes ces familles (Houël, Boisseret, Hinselin) sont étroitement liées. Son beau-frère Jean de Boisseret entre à son tour dans la Compagnie des îles de l’Amérique en 164373. Il participe souvent aux assemblées. Il veille ainsi sur ses intérêts et probablement aussi sur ceux de Houël quand ce dernier est à la Guadeloupe. Il devient directeur de la Compagnie lors de l’assemblée générale du 9 décembre 164474. Son cousin Lefèvre d’Ormesson, qui est maître des requêtes, possède une influence certaine qui lui permet d’intervenir dans ses affaires, notamment quand il est en conflit avec la veuve de Boisseret après l’achat de la Guadeloupe à la Compagnie75.
25Les capitaines généraux ont toute autorité sur « les capitaines, officiers et gens de guerre76 ». Ils nomment les officiers de compagnie de milice qui, composées des colons de chaque quartier d’habitation, assurent la défense des îles. Ainsi quand Auger demande la charge de sergent-major à la Compagnie, le renvoie-t-elle au capitaine général de l’île, le seul à même de le nommer selon elle77. Les officiers dépendent entièrement des capitaines généraux. Ils ne peuvent sortir des îles et venir en France sans sa permission, ou celle de la Compagnie, sous peine de perdre leur charge78. Ils exercent une autorité considérable sur les quartiers et jouent un rôle important dans la société coloniale79. Ils en sont des cadres structurants. Saint-Christophe compte huit compagnies en 1646 d’après le carme Maurile de Saint-Michel. La première est celle de Poincy, elle est dite la Compagnie colonelle, le sieur de la Montagne en est le lieutenant. Les autres compagnies portent le nom de leurs capitaines, La Vernade, Aubert, Girault, Grenon, Aulnais, etc.80. La Martinique et la Guadeloupe comptent chacune quatre compagnies81.
26Les capitaines de Saint-Christophe reçoivent 4000 livres de pétun, les lieutenants, 2000 et les enseignes, 1500 à l’époque de d’Esnambuc. Plus tard, la Compagnie leur attribue une somme de 10 livres de pétun levée sur chaque travailleur qu’ils se partagent82. Les officiers participent activement au commerce des îles. Le sieur de La Tour Courpon, capitaine d’une compagnie à Saint-Christophe, vend 3000 livres de tabac en 1640 à un marchand nantais. L’enseigne Regnaud Sanson et le capitaine Alexandre de Marseille traitent avec le portugais Jean Rodriguez de Moira pour acquérir des draps de Carcassonne83. Certains capitaines sont précieux car ils ont su nouer des alliances avec les Indiens en épousant des femmes indigènes. Ils sont profondément impliqués dans la vie coloniale. Louis de Querengoan, sieur de Rosselan, est capitaine du quartier du Prêcheur à la Martinique. Sa femme est une Indienne. Ils ont trois ou quatre enfants. Le carme Maurile de Saint-Michel raconte qu’« elle vaut beaucoup à son mari, à cause du trafic et commerce qu’elle a avec les autres Sauvagesses ». Il a grâce à cette union acquis le respect des Indiens84. Un autre officier, l’enseigne La Verdure, est marié avec une Indienne christianisée, « laquelle est fort sage et judicieuse », souligne le carme85.
27La Compagnie garde cependant en partie la main sur les officiers en pourvoyant aux privilèges. Ainsi en 1637, c’est elle qui décharge les lieutenants, les enseignes et les sergents des droits personnels qui lui sont dus. Elle leur attribue aussi des hommes déchargés des droits à raison de deux pour un lieutenant et d’un pour un enseigne. Ils bénéficient de nouvelles exemptions en 1638 : un capitaine peut avoir jusqu’à six serviteurs, et un lieutenant, quatre86. La Compagnie surveille les nominations des officiers de milice et tente parfois d’imposer un de ses hommes. En 1638, elle demande à du Parquet de donner au sieur de La Vallée la charge de premier capitaine de la Martinique pour le récompenser de son gouvernement de l’île après la capture de du Pont par les Espagnols. La commission est établie le 5 janvier 1639 au nom de la Compagnie. C’est la seule commission d’officier connue qui émane d’elle. La Vallée se présente à du Parquet et lui prête « le serment avec les cérémonies accoutumées » quand il arrive à la Martinique. En 1639, la Compagnie avise son commis Morin des droits dont il bénéficie87. La Compagnie lutte contre les abus des officiers. En 1638, elle rappelle à l’ordre le capitaine Saint-Martin à Saint-Christophe pour avoir fait exécuter des corvées aux habitants88. En 1641, elle demande à Poincy d’agir contre le capitaine du Pont dont la conduite à susciter plusieurs plaintes. C’est un homme de mauvaise vie qu’elle trouve peu soucieux de son service. Il doit mal s’acquitter de sa tâche. Elle invite Poincy à lui donner un emploi dans une autre île89.
28Les relations entre les capitaines généraux et leurs officiers s’avèrent plus complexes qu’il n’y paraît au premier abord. Les capitaines généraux sont certes leur supérieur, et leur protecteur en de nombreux cas, mais ils doivent aussi relayer et appuyer leurs demandes auprès de la Compagnie, s’ils comptent bénéficier de toute leur confiance. Les officiers de Saint-Christophe reprochent à Poincy de ne pas intervenir auprès de la Compagnie pour les défendre quand leur sont retranchés des droits qu’ils avaient du temps de d’Esnambuc90. Les ressentiments accumulés risquent d’alimenter des mouvements d’humeur et des séditions. Aussi les capitaines généraux n’hésitent-ils pas en certains cas à se débarrasser des officiers réfractaires à leur autorité. Ainsi, Poincy destitue-t-il en 1639 les officiers qu’il juge trop proches de son lieutenant général La Grange et en nomme-t-il de nouveaux91. Le règlement des litiges et les choix de personnes pour occuper les charges sont un exercice délicat. Les capitaines généraux ne peuvent contenter tout leur monde. Ils doivent trancher. La lieutenance générale de Saint-Christophe est ainsi disputée en 1643 entre le neveu de Poincy, Longvilliers, et l’un de ses capitaines, La Vernade. La Vernarde supplie alors la Compagnie de lui accorder la lieutenance générale de l’île de Saint-Christophe promise à Longvilliers, assurant que ce dernier s’en est volontairement départi en sa faveur. Les associés sont embarrassés car la commission est déjà rédigée au nom de Longvilliers quoiqu’elle n’ait toujours pas été envoyée. Ils ne goûtent guère ces petits arrangements et décident finalement de ne pas pourvoir la lieutenance générale. Ils ne veulent pas totalement cependant mécontenter de La Vernade et lui assurent qu’ils se souviendront de ses mérites92.
29Les interventions des capitaines généraux dans les nominations sont acceptées par les associés quand elles leur conviennent. Ils avalisent ainsi le choix de d’Esnambuc de placer à la Martinique son neveu du Parquet car il est gage de stabilité93. Mais ils s’opposent à L’Olive en 1638 qui veut confier à son beau-frère la lieutenance générale de la Guadeloupe en lui reprochant d’outrepasser ses droits. Ils exigent par ailleurs la preuve de sa vertu94. Poincy échoue aussi en 1639 à obtenir pour son fidèle Sabouilly, une charge qui conforterait son pouvoir, malgré ses nombreuses lettres aux associés où il souligne ses compétences. Les associés ne donnent pas suite tout en promettant vaguement « qu’il ne manquera pas d’emploi convenable à son mérite lorsque l’occasion s’en présentera dans la Guadeloupe95 ». En attendant, la charge reste vacante et en 1641 elle va à Aubert96. La pugnacité de Poincy finira par payer. En 1644, Sabouilly obtient enfin la lieutenance générale de l’île97.
Les manquements des gouverneurs
30Les relations entre les capitaines généraux et la Compagnie connaissent de nombreux accrocs. Les motifs de mésententes ou de conflits ne manquent pas. Mais si la Compagnie n’a pas eu pendant de longues années la volonté de lutter contre l’affirmation des pouvoirs locaux, il en est différemment à partir de son rétablissement en 1635. Les associés entendent bien être écoutés et obéis et n’admettent aucune remise en cause de leur autorité. Ils fustigent les négligences dans l’exercice des charges et dans l’application des contrats qui compromettent la réussite de la colonisation des îles. Dutertre souligne que les gouverneurs sont finalement de piètres auxiliaires de la Compagnie car ils ne songent « qu’à se rendre maîtres et propriétaires des îles dont ils [ont] le gouvernement » et ne se mettent pas en peine de maintenir son autorité98. L’examen des délibérations de la Compagnie permet de ramener les choses dans de justes proportions car les chroniqueurs, trop impliqués dans les affaires, ont parfois noirci le tableau ou effectué des raccourcis dommageables pour la bonne compréhension des choses.
31Tous les capitaines généraux aimeraient conduire les affaires des îles comme ils l’entendent. Certains s’affranchissent assez aisément des directives de la Compagnie, d’autres en ont une interprétation très personnelle. Ils prennent parfois des initiatives sans en avertir la Compagnie. La Compagnie n’apprécie guère ce genre d’attitude. Elle reproche à d’Esnambuc d’engager trop de dépenses en son nom et de ne pas faire rentrer les droits de la Compagnie. Le 7 mai 1636, elle critique l’exemption des droits qu’il a accordée aux Français qui passent de Saint-Christophe à la Martinique car c’est une perte sèche pour ses finances. Elle ne revient pourtant pas sur ce qu’il a promis aux habitants pour ne pas provoquer leur colère et ne pas contester publiquement la parole d’un gouverneur. La Compagnie désapprouve l’approvisionnement de la colonie auprès des marchands et des navires hollandais et anglais qui vendent, selon elle, à des prix prohibitifs, et lui rappelle qu’il ne doit rien acheter au nom de la Compagnie99. Elle remarque aussi que d’Esnambuc se sert pour son usage personnel des esclaves noirs et des Indiens qui travaillent sur son habitation. Tant et si bien qu’à sa mort, ces biens sont considérés comme ceux du gouverneur, et que la Compagnie a tout le mal du monde à les récupérer. Elle doit alors ordonner à son commis de saisir la justice pour obtenir la reconnaissance de son droit. Il faut dire que bon nombre de particuliers ont aussi bénéficié des largesses de d’Esnambuc sur le dos de la Compagnie100. Les directeurs ont cependant relativement confiance en lui pour la conduite des affaires de Saint-Christophe. Ils lui demandent ainsi son avis à propos de l’envoi d’un juge pour prévenir les désordres101. Charles Houël dépense lui aussi sans compter à la Guadeloupe. Il engage de nombreuses dépenses, use de lettres de changes et laisse la Compagnie régler les factures. Ses dépenses sont jugées excessives pour de maigres résultats102. Les délibérations de la Compagnie montrent un mécontentement évident, voire un certain agacement.
32Les capitaines généraux tardent aussi à mettre en œuvre ses décisions. La Compagnie doit ainsi rappeler à plusieurs reprises à L’Olive de faire construire une habitation pour les pères dominicains. Il consent finalement le 13 novembre 1636 à leur octroyer une terre pour s’établir, après un énième sermon des associés103. Les retards dans l’exécution des ordres de la Compagnie sont souvent soulignés par les chroniqueurs. Cela n’empêche pas L’Olive de demander toujours davantage de gratification, et de les recevoir. En 1637, il obtient pour lui seul une commission de capitaine général de la Guadeloupe104.
33Parfois, les capitaines généraux s’opposent avec véhémence aux décisions de la Compagnie. L’arrivée du juge Chirat à la Martinique n’est pas du goût du gouverneur du Parquet qui n’en veut pas et le fait savoir. Sa réaction était certainement attendue car son opposition à cette nomination était connue des associés à qui il avait adressés à plusieurs reprises des courriers en ce sens. Mais les associés considèrent qu’il est de leur devoir d’assurer dans toutes les îles la justice et que ce n’est plus aux gouverneurs de rendre la justice. Le 17 août 1639, du Parquet se fend d’une lettre aux associés dans laquelle il lui fait part de sa déception. Il avoue n’avoir aucun grief contre Chirat, à qui il a expliqué sa position quand il est arrivé dans l’île105. Les associés se veulent fermes et chargent Poincy de relever du Parquet de sa charge s’il s’obstine, et de « commettre telles personnes qu’il avisera pour le gouvernement de l’île jusqu’à ce que par la Compagnie, il y ait été pourvu106 ». Le chevalier de Malte tente de faire fléchir le gouverneur de la Martinique, en vain. Il prend cependant sur lui de nommer Chirat au nom du roi pour achever le procès de Morin107. Du Parquet sachant l’opposition des habitants à l’établissement d’un juge, les laisse exprimer leur mécontentement. L’un de ses officiers, La Vallée, se charge de porter leurs revendications. Chirat ne sait que faire. Les associés sont particulièrement irrités de l’attitude de du Parquet. Ils le réprimandent à nouveau, n’osant aller jusqu’à la rupture. Le 3 mars 1640, ils confirment Chirat dans sa mission et exigent qu’il lui soit donné une habitation, des terres et « une personne qui puisse écrire sous lui108 ». Mais, sur place, la position de Chirat devient de plus en plus inconfortable. Il est sommé de quitter la Martinique et de repasser en France avec sa femme et sa famille109. La Compagnie durcit alors le ton et menace du Parquet de poursuites. Elle promet à Chirat un autre emploi s’il veut retourner aux îles, avec l’exemption pour ses hommes de tous droits personnels dus à la Compagnie et une avance de 300 livres pour son transport110. Chirat réclame 5000 livres de dommages et intérêts et le paiement de ses gages. La Compagnie décide de lui payer ce qu’elle lui doit en pétun et de lui prêter jusqu’à 1000 livres en argent s’il retourne à la Martinique en qualité de juge111.
34Les capitaines généraux font parfois courir de grands risques aux établissements français par leur attitude. L’Olive est coupable de négligences qui mènent la colonie de la Guadeloupe au bord de la ruine. En 1635, il ne suit pas les ordres de la Compagnie de faire des provisions à la Barbade. Il passe son chemin, si bien qu’au bout de quelques mois à la Guadeloupe sans nourriture ni graines à semer, les Français sont aux abois112. Les sujets de désaccord entre la Compagnie et L’Olive sont nombreux, mais l’un des plus manifestes concerne la politique à mener à l’égard des Indiens. L’Olive ne cache pas son hostilité envers eux, ce qui compromet pour la Compagnie la bonne entente sur l’île et la survie de la colonie. Il ne mène pas la politique prudente qu’elle exige à leur égard. Elle s’inquiète de ses desseins belliqueux à la mort de du Plessis et lui écrit le 2 avril 1636 pour lui demander d’« être en intelligence avec les Sauvages » et de pas leur faire la guerre ni aucun déplaisir113. Le dominicain Raymond Breton qui est alors présent dans l’île rapporte que L’Olive, seul maître de la Guadeloupe, les traite sans ménagement alors qu’ils assurent leur ravitaillement en vivres. L’Olive entend notamment les déloger des lieux où ils sont établis pour y déplacer son quartier. La méfiance s’installe entre les Français et les Indiens. L’Olive devient de jour en jour de plus en plus soupçonneux. Il craint que les Indiens ne viennent commercer que pour mieux espionner. Les esprits s’échauffent. Quelques colons particulièrement remontés contre les Indiens veulent les tuer. Le dominicain tente de dissuader L’Olive de toute provocation. Il monte en chaire pour mettre en garde contre toute action qui serait contraire aux volontés du roi et de la Compagnie. Le capitaine n’entend rien et déclenche les hostilités. Les opérations menées contre les Indiens ruinent l’approvisionnement de l’île et L’Olive doit aller chercher des vivres à Saint-Christophe. En octobre 1636, les Indiens font une descente sur le Grand Carbet où ils surprennent les Français. Il y a deux Français tués et deux blessés114. Dans les autres établissements français, on craint des représailles des Indiens. L’état de guerre perdure pendant plusieurs années à la Guadeloupe. Il faudra toute la sagesse d’Aubert pour que les fils du dialogue se renouent entre Français et Indiens115. Dans ce concert d’accusation, seul Mathias Dupuis trace un portrait plus nuancé de L’Olive. Il est vrai qu’il n’était pas présent dans les îles à cette époque, mais pas davantage que Dutertre qui, lui, ne se prive pas de le charger. Dupuis lui trouve des circonstances atténuantes. Ainsi, ne l’accuse-t-il pas d’avoir voulu la guerre contre les Caraïbes, la faute en est, selon lui, à la nature humaine : « ce serait un miracle si deux nations se pouvaient accorder longtemps ensemble ». L’entente entre les Français et les Indiens lui semble bien illusoire. Il loue même à certains moments la politique du gouverneur : « nous pouvons dire ici à la louange de monsieur de L’Olive, gouverneur pour lors de la Guadeloupe, qu’il fit autant qu’il pouvait faire pour la subsistance de sa maison116 ».
35Mais les relations les plus complexes sont certainement celles entretenues entre la Compagnie et Poincy. La Compagnie tente de réfréner à plusieurs reprises les ambitions du chevalier de Malte et d’éviter son immixtion dans toutes les affaires. À Saint-Christophe même, son attitude agace et énerve. Il s’attire des critiques. Les tensions avec les pères capucins de l’île sont vives. Les pères n’ont pas leur langue dans leur poche. Le procureur fiscal de Saint-Christophe, Bonnefoy, tente dans une lettre qu’il adresse aux associés le 24 octobre 1639 de minimiser les incidents. Selon lui, des accusations mensongères ont irrités Poincy à leur endroit. Il invite la Compagnie à intervenir car les capucins, menés par le père Marc de Montivilliers, sont particulièrement remontés et menacent de quitter l’île et de laisser les habitants sans secours spirituel117. La Compagnie se décide à écrire le 26 juin 1642 à Poincy « pour rétablir les pères capucins dans la fonction des choses de la religion pour les raisons qui seront étendues dans les lettres118 ». Les tensions entre Poincy et les capucins connaissent des raisons plus profondes parmi lesquelles le soutien qu’ils ont apporté à La Grange en 1638 est un élément essentiel.
36Toutes ces critiques entament certainement la confiance que la Compagnie a placée en lui mais elle l’assure de son soutien car elle lui reconnaît des qualités. Il obtient en 1639 de bons accords avec les Anglais sur le partage de l’île et sur la culture du pétun, qui lui valent sa reconnaissance et l’octroi de cinquante gardes et domestiques à son service exempts des droits personnels119. Il sait aussi assurer la paix dans l’île. Il se défait assez facilement des séditieux qui se soulèvent en 1641 contre son autorité. Ce petit groupe d’habitants nostalgiques de l’époque du capitaine d’Esnambuc prend les armes parce que Poincy leur a interdit d’aller à bord des navires chercher des marchandises. Un certain Clément Bugaud se met à la tête du mouvement à la Pointe-de-Sable. Poincy envoie Sabouilly rassurer les habitants et traquer les mutins qui s’enfuient et passent en Guyane120. Poincy n’est pas avare de formules pour se mettre en avant auprès des associés et souligner son rôle déterminant en toutes choses. Il se montre ainsi incontournable. Il sait valoriser son travail en soulignant les efforts déployés pour faire face aux difficultés rencontrées. Il rapporte par exemple dans le détail les discussions tendues avec les Anglais lors de la négociation du nouveau traité pour mieux mettre en valeur sa réussite121. Il se présente comme un homme aimé des habitants et garant de la paix dans les îles122. Il adresse aussi de nombreux courriers aux associés pour montrer combien il les sert bien. L’homme sait se faire affable.
37Les associés ne sont pas dupes mais ils le soutiennent encore. Cependant, ils n’entendent pas qu’il s’affirme trop. Ils ne nomment pas ses candidats aux charges. La reconduction de la commission de capitaine général de Poincy pour trois nouvelles années le premier mai 1641 est une décision bien pesée, elle n’est pas totalement enthousiaste. Les associés lui promettent d’intervenir auprès du roi pour le renouvellement de sa commission de lieutenant général des îles123. C’est le choix de la raison et de l’efficacité. Cependant, les associés ont mal évalué dans cette affaire les tensions qui pouvaient exister dans l’île. La reconduction de la commission n’est en effet pas du goût de tout le monde. Poincy a de nombreux détracteurs qui font courir la rumeur selon laquelle ses pouvoirs ont été réduits par la Compagnie qui ne lui témoigne plus sa confiance. Ils contrefont une commission qu’ils font circuler dans l’île. Poincy accuse un certain Desmarets, un ancien capitaine, d’en être l’auteur et le fait mettre aux fers. Dutertre, qui a connu l’homme, est septique sur son rôle réel, car il est frustre et de peu d’esprit. Il l’imagine mal avoir monté toute cette affaire, mais son tempérament – il est brutal – a pu lui valoir des inimitiés et conduit à cette dénonciation. Desmarets est jugé et condamné à mort pour crime « de lèse-majesté divine et humaine124 ». Il proteste de son innocence, mais ni les pleurs de sa femme, ni les suppliques des capucins n’infléchissent Poincy. Le juge confie, piteux, aux capucins qu’il ne pouvait faire autrement que suivre les ordres de Poincy et le condamner à mort. Des amis de Desmarets le font cependant échapper. Il se réfugie chez les Anglais. Les deux gardes qui l’ont laissé fuir sont condamnés à mort puis exécutés tandis que deux autres soldats coupables de négligence sont exilés à la Guadeloupe et voient leurs biens confisqués125. Les Anglais finissent par livrer Desmarets à Poincy sous la menace de ses armes. L’ancien capitaine est décapité le 7 septembre 1641126. L’épisode ne signifie pas la fin des mécontentements mais la poigne de fer de Poincy fait taire leur expression au grand jour.
Les actes d’autorité de la Compagnie
38L’attitude insolente des capitaines généraux conduit la Compagnie à les réprimander fortement et à remettre en cause leur commission.
Le retrait de L’Olive
39Le gouvernement de L’Olive ne satisfait pas les associés. Ils lui reprochent d’avoir failli à la Guadeloupe et de ne pas avoir respecté le contrat signé en 1635. Dès 1638, ils s’inquiètent du peu de progrès dans la colonisation, et le menacent via leur commis Volery127. Le 19 février 1640, ils chargent Poincy d’intervenir en leur nom auprès de L’Olive pour « qu’il lui fasse entendre les grands dommages et intérêts que la Compagnie prétend contre lui pour n’avoir fait passer le nombre d’hommes qu’il était obligé » et de négocier avec lui la fin de son contrat128. Le 20 juillet 1641, L’Olive se résout à abandonner sa charge de capitaine général de la Guadeloupe pour 120000 livres de pétun de pétun payables en quatre années « tant pour gratification que pour le paiement de toutes ses habitations, et ce faisant toutes les habitations, armes, canons et autres ustensiles demeureront au profit de la Compagnie avec la disposition du gouvernement ». Le contrat qui le liait à la Compagnie est aboli129. L’Olive réalise une jolie opération. De toute façon, il n’a plus aucun espoir de mener à bien son entreprise à la Guadeloupe. Ses partenaires dieppois l’ont lâché et les engagés, qui étaient venus avec lui en 1635, préfèrent rentrer en France130. Bref, L’Olive est en 1641 un homme seul, et qui plus est malade, qui n’obtient qu’un peu de répit grâce aux bains qu’il prend dans l’île voisine de Nevis. Il reçoit bientôt une partie de la somme promise – 60000 livres – mais le reste demeure en revanche en souffrance durant de longues années. Cela n’est pas du fait de la Compagnie car L’Olive est engagé dans de nombreuses procédures qui s’emboîtent les uns les autres et ralentissent le processus d’indemnisation. Il doit notamment affronter ses anciens associés, les marchands de Dieppe, qui ont saisi le Grand conseil131. Pour la Compagnie, l’essentiel est obtenu. L’Olive s’est dessaisi de sa charge. Elle peut à nouveau y pourvoir comme elle l’entend.
L’insubordination de Le Vasseur
40Le cas du gouverneur de la Tortue, Le Vasseur, est plus délicat. Cet ancien compagnon de confession réformée de d’Esnambuc a été envoyé par Poincy fin août 1640 pour prendre cette île peuplée de boucaniers, dont un bon nombre de Français, qui est sous l’autorité d’un Anglais. Au mois de novembre 1640, Le Vasseur débarque à la Tortue et en prend le commandement132. Le contrat qu’il signe avec Poincy le place sous l’autorité du roi et de la Compagnie. Les droits seront levés pour la Compagnie qui devra en retour assurer le ravitaillement des habitants133. Cependant, rapidement l’homme se comporte en tyran et renie toute allégeance. Sûr de son fait, il se fend d’une lettre aux associés en octobre 1642 dans laquelle « il fait entendre être grandement fortifié et muni de canons, armes et munitions et qu’il ne tient que de Dieu ladite île et semble n’avoir besoin de personne pour sa consécration ». La Compagnie ne pouvant tolérer cette prétention ordonne alors à Poincy, qui l’y a envoyé, de rétablir son autorité134. Elle le rend d’une certaine façon responsable de la situation. Poincy tente de se dédouaner en rapportant à Fouquet qu’il a seulement chargé Le Vasseur de s’emparer de l’île. Les associés semblent se ranger à ses arguments et promettent l’île à son neveu s’il se débarrasse de Le Vasseur. Poincy écarte l’option militaire car il sait que le Vasseur a fortifié l’île, aussi tente-t-il de le faire venir à Saint-Christophe pour s’en saisir, mais ce dernier, sentant le piège, ne vient jamais135. Le Vasseur conforte chaque jour davantage son emprise sur l’île. L’opposition qu’il offre aux Espagnols de Santo Domingo venus attaquer l’île en 1643 établit définitivement son pouvoir136. Le 2 mars 1644, la Compagnie demande une nouvelle fois à Poincy de surprendre Le Vasseur à la Tortue137. Cette insistance de la Compagnie trouve probablement son origine dans le traitement des affaires religieuses par Le Vasseur. Après s’être montré tolérant dans un premier temps, il s’en prend bientôt aux catholiques de l’île, fait brûler la chapelle et chasse le père capucin Marc de Montivilliers138. Le trafic venant de La Rochelle et de Hollande se poursuit et contribue à peupler l’île qui compte 500 habitants dont 50 Anglais139. L’insubordination de Le Vasseur est bientôt connue dans toutes les îles et porte atteinte au crédit de la Compagnie. Poincy ne se résout toujours pas à intervenir dans cette affaire mais tente de faire croire aux associés qu’il se préoccupe de la situation. Dans une lettre adressée à Fouquet, il indique y avoir envoyé son neveu Robert de Longvilliers et le sieur de La Vernade avec trente ou quarante hommes pour y faire une habitation. Mais Dutertre doute de cette version des événements, « cela n’est pas très authentique », souligne-t-il. Exquemelin pense de son côté que Poincy a envoyé ses parents à la Tortue pour s’assurer de la fidélité de Le Vasseur dont il doutait140. Quelques temps plus tard, alors qu’il a lui-même rompu avec la Compagnie, il opère un complet revirement en déniant à la Compagnie, avec une totale mauvaise foi et en contradiction avec les actes qu’il a signés avec Le Vasseur, toute prétention sur l’île de la Tortue : « Ces messieurs n’ont aucunement mis la main à la conquête de cette île ». Il n’hésite pas à vanter la sagesse de son gouvernement141. Les relations entre Poincy et Le Vasseur sont complexes. Le chevalier de Malte a organisé et soutenu l’expédition de Le Vasseur jusqu’à pourvoir à son acheminement en achetant une barque flamande de 8 ou 9 tonneaux142. Il lui offre aussi des conditions exceptionnelles. Poincy tente par la suite de se désolidariser de Le Vasseur pour ne pas perdre de crédit auprès des associés. Il écrit ainsi à Fouquet qu’il n’a envoyé aucun homme de Saint-Christophe pour ne pas dépeupler l’île et que la commission qu’il lui a remise consiste uniquement à faire la guerre aux ennemis de la France143, ce qui est en contradiction avec le mémoire de 1640 et les articles de gouvernement de 1641. Il faudra attendre l’assassinat de Le Vasseur par deux de ses capitaines en 1652 pour que Poincy charge le chevalier de Fontenay d’intervenir à La Tortue pour y établir l’autorité du roi144. Mais, à cette époque, la Compagnie des îles de l’Amérique a cessé d’exister, et Poincy agit pour son propre compte.
Un tournant dans la politique de la Compagnie
41En 1644, les relations entre la Compagnie et les gouverneurs sont fortement ébranlées. Les associés n’ont plus une totale confiance en Houël et Poincy. Houël déçoit. Son départ mal négocié de la Guadeloupe en 1644 a plongé l’île dans la crise. Les associés, s’ils ne lui en tiennent directement rigueur, savent que c’est son absence qui est la cause de tout. Le 29 mai 1645, Houël, de retour à la Guadeloupe, refuse d’appliquer les sanctions voulues par la Compagnie à l’encontre des séditieux et accorde une amnistie générale145. Mais qui va lui en faire le reproche et le réprimander ? Il sait manœuvrer en se montrant dans le même temps intraitable sur la question des droits de la Compagnie en refusant aux habitants des exemptions et en se ralliant au nouveau lieutenant général du roi pour les îles146. Mais le crédit de Houël est fortement entamé à Paris. Certains associés envisagent très sérieusement sa destitution. Dutertre rapporte ainsi qu’en 1644 « [les seigneurs de la Compagnie] étaient déjà insatisfaits de sa conduite et commençaient à douter de toutes les belles espérances qu’il avait données, et même quelques-uns furent d’avis de ne pas le laisser retourner à la Guadeloupe147 ». Nous ne savons pas qui sont les associés qui s’exprimèrent ainsi.
42La position de Poincy se fragilise elle aussi. Les plaintes continuelles des habitants et des capucins ont entamé le capital dont il disposait encore auprès des associés. Il perd un soutien de poids en 1642 avec la mort de Richelieu. Poincy sent qu’il n’a plus la confiance des associés. Prudemment, le 16 avril 1644, il se démet de sa charge de capitaine général de Saint-Christophe et propose son neveu pour lui succéder tout en assurant la Compagnie de sa fidélité148. La Compagnie établit Robert de Longvilliers comme gouverneur de Saint-Christophe le 3 juin 1644 pour trois années. Longvilliers qui s’est pour l’occasion rendu à Paris, prête serment le 6 janvier 1645 entre les mains de d’Aligre149. Sabouilly devient quant à lui lieutenant général à Saint-Christophe150. La Compagnie promet encore à Poincy de lui envoyer une commission de sénéchal pour l’un de ses neveux151. Poincy demeure lieutenant général du roi pour les îles. Il a pu se croire protégé. Sa stratégie cependant ne paie pas. La Compagnie, lasse de voir les gouverneurs se quereller et désireuse de rétablir entièrement et pleinement son autorité, s’adresse à la reine-régente Anne d’Autriche pour qu’elle nomme un nouveau lieutenant général car elle ne souhaite pas le renouvellement de la commission de Poincy. Aubert qui est venu plaider la cause du chevalier de Malte devant les associés se montre très offensif, il « pousse les choses un peu loin » écrit même Dutertre en reprenant certainement un propos tenu par l’un des hommes présents lors de cette entrevue. Les associés outrés promettent de couper la tête de Poincy s’il venait en France152. Anne d’Autriche propose la charge de lieutenant général pour les îles à l’un de ses proches, Noël Patrocle de Thoisy, et invite les associés à traiter avec lui153. Le 16 avril 1644, ils concluent ensemble un contrat. La présentation de Thoisy par le grand maître, chef et surintendant général de la navigation et du commerce de France, Armand de Maillé, intervient le 26 décembre 1644154. La Compagnie obtient une lettre de cachet le 16 février 1645 pour aviser Poincy de cette décision. Elle est donnée à Robert de Longvilliers, qui attend son navire à La Rochelle pour qu’il la remette à son oncle. Le roi désire le retour de Poincy en France155. La commission de Thoisy est établie le 20 février 1645. Quelques jours plus tard, il reçoit la charge de sénéchal à Saint-Christophe de la Compagnie156.
43Poincy redoutait cette décision car il écrivait à Jacques Berruyer quelques mois auparavant qu’au cas où sa commission de lieutenant général ne serait pas renouvelée, il aimerait pouvoir rester dans les îles157. Il n’est donc pas surpris. Mais il est contrarié. La question est de savoir si Compagnie est en mesure de faire accepter les décisions prises sans provoquer de crise majeure car Poincy est un homme puissant et bien implanté à Saint-Christophe. Va-t-il se soumettre au désir du roi et de la Compagnie ? Par ailleurs, quelle attitude vont adopter les autres gouverneurs ? L’arrivée d’un nouvel acteur dans le jeu antillais ne risque-t-il pas de modifier les équilibres jusque-là établis ? Il en va de la crédibilité de la Compagnie.
Notes de bas de page
1 Délibération, le 16/07/1637, p. 300.
2 Délibération, le 3/06/1644, p. 471.
3 Délibération, le 16/07/1637, p. 301.
4 Délibération, le 16/07/1637, p. 300 ; Délibération, le 1/07/1639, p. 357.
5 DT/1667, t. 1, p. 159. Le juge dont il s’agit est Regnould.
6 DT/1667, t. 1, p. 159.
7 Délibération, le 13/03/1640, p. 387 ; Délibération, le 6/08/1643, p. 457 ; Délibération, le 2/03/1644, p. 467.
8 DT/1667, t. 1, p. 132 ; Délibération, le 6/08/1643, p. 457.
9 DT/1667, t. 1, p. 221.
10 Délibération, le 10/05/1643, p. 454.
11 Délibération, le 2/03/1644, p. 466 ; ANOM, F2A13, Com. à Leumont au fait de la justice, Paris, le 2/03/1644, p. 209-210.
12 Com. de gouverneur de la Guadeloupe à Leumont, Basse-Terre, Saint-Christophe, le 17/10/1644, dans DT/1667, t. 1, p. 243-244 ; BnF, ms fr. 18593, Apologie pour la défense des habitants de l’isle Sainct Christophle, fol. 405r.
13 DT/1667, t. 1, p. 248.
14 Ibid., p. 261. Ils arrivent à la Guadeloupe le 9 juillet 1645.
15 ANOM, F2A13, Articles accordés entre les associés de la Compagnie, Paris, le 13/02/1635, p. 11 ; ANOM, F2A13, Instruction donnée par MM. de la Cie des îles de l’Amérique aux commis et écrivains, Paris, le 7/09/1635, p. 84-88.
16 Délibération, le 1/07/1639, p. 359.
17 Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 110.
18 Délibération, le 26/06/1642, p. 431.
19 Délibération, le 6/10/1638, p. 340.
20 Délibération, le 6/10/1638, p. 340.
21 ANOM, F2A13, Instruction pour le Sr. Gentil, Paris, le 3/09/1636, p. 103-114 ; ANOM, F2A13, Instruction pour le Sr. Morin, Paris, le 2/09/1637, p. 115-121 ; ANOM, F2A13, Instruction pour le Sr. Merlin, Paris, le 4/07/1640, p. 154-159 ; ANOM, F2A13, Instruction pour le Sr. Chesneau dit Saint André, Paris, le 6/02/1641, p. 162-163 ; ANOM, F2A13, Instruction au Sr. Marivet, Paris, le 31/01/1642, p. 170-171 ; ANOM, F2A13, Instruction au Sr. Leumont, Paris, le 1/10/1642, p. 177-184 ; ANOM, F2A13, Instruction à M. de Leumont, Paris, le 1/09/1646, p. 230-232.
22 ANOM, F2A13, Instruction donnée par MM. de la Cie des îles de l’Amérique aux commis et écrivains, Paris, le 7/03/1635, p. 82-83 ; ANOM, F2A13, Instruction aux receveurs, Paris, le 7/03/1635, p. 89-91. La Compagnie adresse aussi des instructions aux capitaines et lieutenants généraux.
23 Délibération, le 3/02/1645, p. 480.
24 Délibération, le 7/03/1640, p. 381.
25 ANOM, F2A13, Ordre et formalités qui seront tenus et observés par les juges des îles de l’Amérique, Paris, le 19/02/1640, p. 148-150.
26 Délibération, le 26/03/1647, p. 504.
27 Délibération, le 2/03/1644, p. 467.
28 Délibération, le 7/07/1638, p. 331.
29 Délibération, le 5/10/1639, p. 374 ; Délibération, le 13/09/1641, p. 421 ; Délibération, le 4/03/1643, p. 445. Dutertre souligne d’une façon générale l’avarice des commis (DT/1667, t. 1, p. 20).
30 Délibération, le 7/07/1638, p. 331. On compte à cette époque Girault parmi les autres chirurgiens dans l’île (Délibération, le 2/07/1636, p. 274).
31 Délibération, le 3/09/1636, p. 279 ; Délibération, le 7/05/1636, p. 267.
32 Délibération, le 10/05/1643, p. 454.
33 Délibération, le 2/03/1646, p. 501.
34 Délibération, le 2/06/1638, p. 327 ; ANOM, F2A13, Com. de greffier, Paris, le 3/09/1636, p. 96-97. Chirat l’a nommé en vertu d’une commission du 3 septembre 1636 qui lui a été remis en blanc.
35 ANOM, F2A13, Révocation de la com. de juge de Saint-Christophe, Paris, le 31/01/1642, p. 169.
36 Délibération, le 2/03/1639, p. 353. Aucune commission ne lui est adressée.
37 Délibération, le 3/09/1636, p. 279. D’Esnambuc demande quatre commis le 7 mai 1636, pour percevoir les droits de la Compagnie. Les associés promettent de lui envoyer aussitôt les hommes demandés (Délibération, le 7/05/1636, p. 262).
38 Délibération, le 1/07/1639, p. 360. Le père Joseph de Caen appartient à la mission conduite par Raphaël de Dieppe en 1636 (Godefroy de Paris, « Introduction générale », op. cit., p. XXVIII ; APF, Acta, 12, Rome, le 23/03/1637, fol. 265).
39 Délibération, le 7/09/1639, p. 367.
40 Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 112.
41 Ibid.
42 DT/1667, t. 1, p. 113.
43 Délibération, le 7/09/1639, p. 364.
44 Délibération, le 3/03/1645, p. 482.
45 Mais les mauvais agents du pouvoir sont-ils blâmés en métropole ? Les abus des offciers royaux échappent en bien des cas, sauf cas exceptionnels, aux sanctions. Ils sont couverts et protégés (M. Vonach, « Introduction », dans A. Follain, (dir.), Contrôler et punir les aganets du pouvoir xve-xviiie siècle, Dijon, EUD, 2015, p. 9 et suiv.).
46 Délibération, le 7/10/1643, p. 462 ; ANOM, F2A13, Com. à Girault et Caruel, Paris, octobre 1643, p. 207 ; Délibération, le 1/06/1644, p. 471.
47 DT/1667, t. 1, p. 435.
48 DT/1667, t. 1, p. 342 ; Délibération des officiers de la Martinique, le 15/01/1647, dans DT/1667, t. 1, p. 371. Les autres officiers présents sont : Louis Michel, sieur de la Renardière, lieutenant d’une compagnie, Claude de Beaujeu, sieur de La Haye, écuyer, lieutenant, Yves le Cercueil, sieur le Fort, enseigne d’une compagnie colonelle, Nicolas le Chandelier, dit la Fortune, et Pierre Godefroy, sieur de la Houssaye, enseignes.
49 DT/1667, t. 1, p. 271. Du Pont a probablement été commis par la commission en blanc du 30 septembre 1643 envoyée par la Compagnie (ANOM, F2A13, Com. de greffier civil et criminel, Paris, le 30/09/1643, p. 205-206).
50 Acte de la prise de possession à la Guadeloupe de la charge de lieutenant général, le 2/06/1645, dans DT/1667, t. 1, p. 269.
51 DT/1667, t. 1, p. 315 et 344.
52 Thoisy à Poincy, Saint-Christophe, le 24/01/1647, dans DT/1667, t. 1, p. 376.
53 DT/1667, t. 2, p. 445.
54 Poincy excelle dans ce rôle en proclamant avoir « réprimé l’insatiable avarice de certains directeurs de la Compagnie et l’oppression qu’ils voulaient faire à ce pauvre peuple » (BnF, ms fr. 18593, Apologie pour la défense des habitants de l’isle de Sainct Christophle, fol. 2).
55 AD 76, TH, reg. 183, Contrat d’engagement, le 13/01/1627. Pub. dans Anth, t. 2, p. 533-537 ; J. Petitjean Roget, La société d’habitation, op. cit., t. 2, p. 1498-1501. Sa sœur aînée, Adrienne Belain, a épousé Pierre Dyel de Vaudroques en 1589. Leur identification n’est pas aisée car les degrés de parenté ne sont pas donnés et que les mêmes prénoms, Nicolas Adrien ou Jacques, sont portés de génération en génération dans la famille Dyel. La Chesnaye s’arrange avec les générations dans sa tentative d’établir les différentes branches de la famille Dyel (ACB/D, t. 7, 1865, p. 160 et suiv.). Pierre Margry a défait les écheveaux familiaux en 1863 pour tenter d’en donner une lecture satisfaisante à partir des registres paroissiaux. Adrienne Belain et Pierre Dyel ont eu quatre fils : Pierre Dyel de Vaudroques, Nicolas Dyel du Parquet, Adrien Dyel de Vaudroques et Jacques Dyel du Parquet. Trois sont partis avec d’Esnambuc pour les îles. Un seul, Pierre Dyel de Vaudroques, est resté en Normandie. Il est mort en 1644 à Calleville (Margry, p. 11-12, 72 et tableau VII).
56 DT/1667, t. 1, p. 29-30.
57 Margry, p. 72.
58 I. Guët, Le colonel François de Collart, op. cit., p. 44.
59 Marie, fille de Michel Dyel, seigneur de Graville, épouse le 23 février 1658 le lieutenant de milice Jean-Baptiste Crocquet. Isabeau, fille de Pierre Dyel, est née en 1631. Elle épouse le capitaine de milice Joinville de Francillon qui commande au Prêcheur (ACB/D, t. 7, 1865, p. 165 ; J. Petitjean Roget, « Les femmes des colons… », op. cit., p. 192).
60 DT/1667, t. 1, p. 295.
61 Anonyme de Grenade, L’Histoire de l’île de la Grenade, op. cit., p. 144 et 147. Jean Le Comte est le fils de l’une des sœurs du père de du Parquet.
62 J. Petitjean Roget, E. Bruneau-Latouche, Personnes et familles à la Martinique, op. cit., t. 2, p. 557.
63 MSM, p. 101 ; DT/1667, t. 1, p. 322.
64 DT/1667, t. 1, p. 177 ; A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 82.
65 J. Petitjean Roget, « note 3 », dans Histoire de l’isle de Grenade en Amérique : 1649-1659, Montréal, PU de Montréal, 1975, p. 88.
66 DT/1667, t. 1, p. 261. Sabouilly ne devra son salut qu’à la fuite à Saint-Eustache. Il sera ensuite protégé par Charles Houël.
67 Délibération, le 7/09/1639, p. 365-366.
68 Délibération, le 1/05/1641, p. 409 ; ANOM, F2A13, Com. de lieutenant général à Lonvilliers, Paris, le 1/05/1641, p. 161-162. La Compagnie ne se hâte pas dans cette affaire malgré les pressions de Poincy. Elle prend son temps. Il apparaît qu’elle y réfléchit depuis février 1640 (Délibération, le 19/02/1640, p. 377).
69 Houël au chevalier Houël, Basse-Terre, le 8/07/1654, dans DT/1667, t. 1, p. 470 ; Bréard, p. 182-186. Il est le fils de sa sœur, Madeleine, et de Jean de Boisseret.
70 DT/1667, t. 3, p. 216.
71 DT/1667, t. 1, p. 549. Le père d’Anne Hinselin est correcteur à la chambre des comptes (Ph. Rossignol, B. Rossignol, « 1660 : Les Caraïbes sur les bras ! », GHC, 19, 1990, p. 188).
72 Pierre Hinselin devient plus tard lieutenant du gouverneur de la Guadeloupe, Claude-François Du Lion, puis gouverneur de la Guadeloupe de 1679 à sa mort en 1695 (Ph. Rossignol, B. Rossignol, « 1660 : Les Caraïbes sur les bras ! », GHC, 19, 1990, p. 188).
73 Boisseret acquiert de Chanut un quarante-cinquième de la Compagnie, par contrat du 23 avril 1643. Il est reçu en la Compagnie le 10 mai 1643 (Délibération, le 10/05/1643, p. 452).
74 Délibération, le 9/12/1644, p. 474. Il est poursuivi en 1645 (Délibération, le 6/12/1645, p. 496).
75 D’Ormesson à Houël, Paris, le 16/03/1657, dans DT/1667, t. 1, p. 558-560. D’Ormesson appartient, avec Pierre Chanut, à la commission d’arbitrage visant à étudier le différent entre Charles Houël et ses neveux le 18 octobre 1660 (DT/1667, t. 1, p. 571 ; A. Dessalles, Histoire des Antilles, 1847, t. 1, p. 187).
76 Com. de Richelieu aux Srs. d’Esnambuc et du Rossey, Paris, le 31/10/1626, dans DT/1667, t. 1, p. 14 ; ANOM, F2A13, Com. de lieutenant général à du Parquet, Paris, le 12/12/1637, p. 123.
77 Délibération, le 6/01/1638, p. 318. Rochefort dit à propos d’Auger qu’il est major à Saint-Christophe en 1650, au moment où il reçoit le gouvernement de Sainte-Croix (Rochefort, t. 2, p. 20).
78 Délibération, le 6/10/1638, p. 340.
79 Le protestant Rochefort écrit en 1658 : « Chaque quartier est rangé sous certains chefs et capitaines qui y commandent », Rochefort, t. 2, p. 48.
80 MSM, p. 136. Rochefort compte douze compagnies de gens à pied à Saint-Christophe une décennie plus tard, auxquelles il faut ajouter les compagnies à cheval (Rochefort, t. 2, p. 48).
81 DT/1667, t. 1, p. 316 ; P. Butel, Histoire des Antilles françaises, Paris, Perrin, 2002, p. 41.
82 DT/1667, t. 1, p. 158 ; Délibération, le 2/12/1637, p. 315.
83 AD 44, 4E2, étude Bachelier, 101, Contrat de vente, Nantes, le 18/05/1643, p. 137 ; AD 44, 4E2, étude Bachelier, 101, Contrat de vente, Nantes, le 18/05/1643, p. 149 ; G. Saupin, « Les marchands nantais et l’ouverture de la route antillaise », op. cit., p. 178-179.
84 MSM, p. 107 ; DT/1667, t. 1, p. 435. Rosselan est un breton de l’évêché de Léon. Il devient plus tard gouverneur de Sainte-Lucie en 1650 (DT/1667, t. 2, p. 36).
85 MSM, p. 180-181. En 1653, un certain François La Verdure est massacré à Marie-Galante par les Indiens (Ordre de Houël au chevalier Houël, la Guadeloupe, le 20/10/1653, dans DT/1667, t. 1, p. 419). Il doit s’agit du même homme.
86 Délibération, le 7/01/1637, p. 287 ; Délibération, le 1/12/1638, p. 346.
87 Délibération, le 4/08/1638, p. 334 ; Délibération, le 5/01/1639, p. 350 ; ANOM, F2A 13, Com. de premier capitaine à La Vallée, Paris, le 5/01/1639, p. 141-142 ; Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 111 ; Délibération, le 7/09/1639, p. 370.
88 Délibération, le 2/06/1638, p. 327. Il doit s’agir du capitaine qui prend possession de l’île de Saint-Martin en 1638 au nom du roi (DT/1667, t. 1, p. 410).
89 Délibération, le 6/06/1641, p. 413.
90 DT/1667, t. 1, p. 158.
91 Ibid., p. 132.
92 Délibération, le 2/09/1643, p. 458-459. En 1641, Poincy obtient pour son neveu la lieutenance générale de l’île de Saint-Christophe (ANOM, F2A13, Com. de lieutenant général à Poincy, Paris, le 1/05/1641, p. 161-162).
93 ANOM, F2A13, Com. de lieutenant général à du Parquet, Paris, le 2/12/1637, p. 123-124.
94 Délibération, le 7/07/1638, p. 333.
95 Délibération, le 7/09/1639, p. 365.
96 Délibération, le 4/04/1640, p. 391 ; ANOM, F2A13, Com. de lieutenant général à Aubert, Paris, le 4/04/1640, p. 150-151.
97 Délibération, le 3/06/1644, p. 472. La commission est de trois ans à compter du premier janvier 1645. Nous n’avons pas trace de la commission.
98 DT/1667, t. 1, p. 438.
99 Délibération, le 7/05/1636, p. 263-264 ; Délibération, le 16/07/1637, p. 299.
100 Délibération, le 2/06/1638, p. 327.
101 Délibération, le 7/05/1636, p. 262.
102 Délibération, le 6/01/1645, p. 477-478.
103 Bret/RF, p. 94. Le contrat est établi au début de l’année suivante (Contrat de donation des terres aux religieux de l’ordre de frères prêcheurs, le 26/01/1637, dans Bret/RF, p. 94 ; DT/1667, t. 1, p. 96).
104 Délibération, le 7/10/1637, p. 309. Dutertre pense que Richelieu est intervenu dans cette affaire pour le soutenir (DT/1667, t. 1, p. 97).
105 Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 109.
106 Délibération, le 7/09/1639, p. 370.
107 DT/1667, t. 1, p. 113. Morin est condamné à mort le 29 octobre 1639 (ibid.). Morin a été particulièrement négligent lors de l’embarquement du pétun de la Compagnie sur le bateau du capitaine Grégoire (Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 112).
108 Délibération, le 13/03/1640, p. 387.
109 Délibération, le 13/03/1640, p. 387.
110 Délibération, le 22/12/1640, p. 403-404.
111 Délibération, le 7/07/1641, p. 415-416.
112 DT/1667, t. 1, p. 78-79.
113 Délibération, le 2/04/1636, p. 260.
114 Bret/RF, p. 92-93 ; DT/1667, t. 1, p. 84-92. Les chroniqueurs dénoncent la politique guerrière voulue par L’Olive. Rochefort dit ainsi de L’Olive qu’« il se souilla de plusieurs cruautés que les barbares n’eussent pas voulu exercer à l’endroit de leurs plus grands ennemis », Rochefort, t. 2, p. 16). Chevillard écrit que L’Olive n’a pas tenu sa parole et fit une guerre déplorable (Chev, p. 32).
115 DT/1667, t. 1, p. 192-193. Rochefort dit ainsi d’Aubert : « pendant tout le temps que monsieur Aubert a gouverné l’île de la Guadeloupe, la paix qu’il a faite avec les Caraïbes a été inviolablement entretenue de part et d’autre au grand profit des deux nations » (Rochefort, t. 2, p. 33).
116 Dupuis, p. 24 et 26-27.
117 Bonnefoy à Fouquet, le 24/10/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 132.
118 Délibération, le 26/06/1642, p. 430.
119 Délibération, le 1/07/1639, p. 358. Le traité avec les Anglais apparaît dans Le Mercure françois (Récit du voyage et de l’arrivée aux Antilles du commandeur de Poincy, dans Le Mercure françois, op. cit., t. 23, p. 330-332).
120 DT/1667, t. 1, p. 166-167.
121 Poincy aux associés, le 15/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 140.
122 Poincy aux associés, le 5/11/1640, cité dans DT/1667, t. 1, p. 151.
123 Délibération, le 1/05/1641, p. 408 ; ANOM, F2A13, Com. de capitaine général à Poincy, Paris, le 1/05/1641, p. 160-161 ; DT/1667, t. 1, p. 161.
124 DT/1667, t. 1, p. 161-162. Il est condamné à faire amende honorable, nu, en chemise et la torche au poing devant la chapelle de Basse-Terre et à avoir la tête tranchée (ANOM, F352, Mention du jugement du conseil de guerre tenu à Saint-Christophe qui condamne le Sr. Desmarets, 1641, fol. 260). Il s’agit vraisemblablement du même Desmarets que la Compagnie invite à châtier en 1639 pour sa mauvaise conduite (Délibération, le 7/09/1639, p. 364).
125 DT/1667, t. 1, p. 163 ; ANOM, F352, Mention du jugement du conseil de guerre tenu à Saint-Christophe, 1641, fol. 259.
126 DT/1667, t. 1, p. 164.
127 Délibération, le 6/10/1638, p. 341.
128 Délibération, le 19/02/1640, p. 378 ; Délibération, le 6/06/1640, p. 402.
129 Délibération, le 22/12/1641, p. 435.
130 DT/1667, t. 1, p. 144.
131 Délibération, le 12/12/1645, p. 497.
132 Poincy, Mémoires envoyés aux seigneurs de la Cie des îles de l’Amérique, Saint-Christophe, le 15/11/1640, dans J. Rennard, Tricentenaire, op. cit., p. 112 ; BnF, Cinq-Cents Colbert, 43, Poincy à Richelieu, Saint-Christophe, le 2/12/1640, fol. 479-480. Pub. dans P. de Vaissière, Saint-Domingue, op. cit., p. 377-378 ; DT/1667, t. 1, p. 169 et suiv. ; A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 76-77 ; La prise de l’isle de la Tortue près de celle de Saint-Christophle par les François, dans La Gazette, le 1/02/1641, p. 45 et suiv.
133 Articles passés entre Poincy et Le Vasseur, La Montagne, le 2/11/1641, dans DT/1667, t. 1, p. 588-590.
134 Délibération, le 10/05/1643, p. 453.
135 Délibération, le 10/05/1643, p. 453 ; DT/1667, t. 1, p. 173-174.
136 P.-F.-X. Charlevoix, Histoire de l’île espagnole, op. cit., t. 3, p. 16-17 ; A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 78-79.
137 Délibération, le 2/03/1644, p. 466.
138 DT/1667, t. 1, p. 173 ; P.-F.-X. Charlevoix, Histoire de l’île espagnole, op. cit., t. 3, p. 19 ; A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 79.
139 G. Debien, Les engagés pour les Antilles, op. cit., p. 81.
140 DT/1667, t. 1, p. 172 ; A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, op. cit., p. 79.
141 BnF, ms fr. 18593, Apologie pour la défense des habitants de l’isle Sainct Christophle, fol. 402v et 403r.
142 La prise de l’isle de la Tortue près de celle de Saint-Christophle par les François, dans La Gazette, le 1/02/1641, p. 46.
143 DT/1667, t. 1, p. 174.
144 DT/1667, t. 1, p. 176-177 ; A.-O. Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers, Paris, PUPS, 2005, p. 76 ; A. Langford, A relation concerning Tortugas and his Majesty’s right thereunto, 1664, dans CSP, t. 5, p. 241-242. De Fontenay est nommé par Poincy gouverneur pour le roi, de la Tortue et de la côte de Saint-Domingue (Copie des concordats entre Poincy et le chevalier de Fontenay, Basse-Terre de Saint-Christophe, le 29/05/1652, dans DT/1667, t. 1, p. 591-593).
145 Bret/RF, p. 122 ; Bret/B, p. 178.
146 DT/1667, t. 1, p. 268 et 270-271.
147 Ibid., p. 262.
148 BnF, ms fr. 18593, Poincy à Berruyer, le 16/04/1644, dans Inventaire des pièces que produit le Sr. de Thoisy, fol. 394r ; Arrêt du conseil d’État, Paris, le 25/02/1647, dans DT/1667, t. 1, p. 380.
149 ANOM, F2A13, Com. de gouverneur à Lonvilliers, Paris, le 3/06/1644, p. 210-211 ; Acte de la prestation de serment, Paris, le 6/01/1645, dans DT/1667, t. 1, p. 237-238. Assez curieusement, cette venue de Robert de Longvilliers à Paris et cette prestation de serment ne sont pas évoquées dans les délibérations de l’assemblée générale du 6 janvier 1645.
150 Délibération, le 3/06/1644, p. 472.
151 Délibération, le 3/06/1644, p. 471. Elle reviendra sur cette décision quelques mois plus tard en confiant cette commission à Patrocle de Thoisy (ANOM, F2A13, Com. de sénéchal à Saint-Christophe à Thoisy, Paris, le 5/02/1645, p. 228-229).
152 DT/1667, t. 1, p. 259.
153 Ibid., p. 251. La monarchie assume pleinement sa décision « j’avais résolu de retirer le sieur commandeur de Poincy de la fonction », comme pour exprimer que personne ne lui a pas guidé sa conduite (Lettre de cachet à Lonvilliers, Paris, le 22/08/1645, dans DT/1667, t. 1, p. 277). La famille de Thoisy est au service d’Anne d’Autriche depuis de nombreuses années. Patrocle de Thoisy, le père, était un des officiers de sa maison. Il a payé sa fidélité d’un exil à l’époque de Richelieu. Son frère lui a succédé dans la charge d’écuyer ordinaire (DT/1667, t. 1, p. 251). Nicolas Goulas (1603-1683), gentilhomme ordinaire de la chambre du duc d’Orléans, fait de Thoisy le frère du beau-fils de mademoiselle d’Anse, femme de l’apothicaire de la reine (N. Goulas, Mémoires de Nicolas Goulas, Paris, Renouard/H. Loones, t. 2, 1879, p. 2316).
154 ANOM, F352, Traité de M. Patrocle de Thoisy, le 16/04/1644, Paris, fol. 307-308v ; ANOM, F2A13, Nomination du Sr. Patrocle pour la charge de lieutenant général des îles de l’Amérique, Toulon, le 26/12/1644, p. 218.
155 Lettre de cachet à Poincy, Paris, le 16/02/1645, dans DT/1667, t. 1, p. 256-257 ; Lettre de cachet à Lonvilliers, Paris, le 10/03/1645, dans DT/1667, t. 1, p. 257. Les lettres sont effectivement remises à Longvilliers qui en accuse réception le premier avril 1645 (BnF, ms fr. 18593, Gorge à Berruyer, le 4/04/1645, citée dans Inventaire des pièces que produit le Sr. de Thoisy, fol. 394v ; BnF, ms fr. 18593, Récépissé de Lonvilliers, le 1/04/1645, citée dans Inventaire des pièces que produit le Sr. de Thoisy, fol. 394v).
156 ANOM, F2A13, Com. de lieutenant général pour sa majesté, Paris, le 20/02/1645, p. 219 ; ANOM, F2A13, Com. de sénéchal à Saint-Christophe à Thoisy, Paris, le 25/02/1645, p. 228-229.
157 BnF, ms fr. 18593, Poincy à Berruyer, le 16/04/1644, dans Inventaire des pièces que produit le Sr. de Thoisy, fol. 394r. Poincy accepte de façon sybilline son sort : « si la Compagnie ne trouve pas à propos j’y sois continué, je la supplie d’avoir pour agréable que je demeure dans la maison que mon neveu de Longvilliers a fait bâtir sur les acquisitions que j’ai faites en cette île » (BnF, ms fr. 18593, Poincy à Berruyer, le 16/04/1644, dans Inventaire des pièces que produit le Sr. de Thoisy, fol. 394r).
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