Chapitre 6. La gouvernance de la Compagnie
p. 153-175
Texte intégral
1La colonisation et le développement des îles à des milliers de kilomètres de la métropole nécessitent anticipation et réactivité. Si la Compagnie repose sur les associés qui lui donnent ses grandes orientations et la finance, les directeurs assurent la mise en œuvre et le suivi des opérations. Leur capacité à gérer des dossiers de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes est mise à rude épreuve. De quels outils disposent-ils pour conduire l’entreprise ? La réalité des affaires à traiter ne risque-t-elle pas de conduire certains associés qui s’avèrent indispensables à s’accaparer le pouvoir ? Qui sont les associés qui président finalement aux destinées de la Compagnie ? Constituent-ils pour autant un noyau dur assurant l’esprit de la Compagnie ?
La montée en puissance des directeurs
L’importance des affaires à traiter
2Les prérogatives des directeurs s’étendent naturellement au fur et à mesure du développement de la Compagnie. À la supervision des opérations pour la colonisation, s’ajoutent la gestion des partenariats, les questions financières et le suivi des litiges. Ces derniers retiennent une bonne part de leur attention et deviennent avec le temps et l’accumulation des difficultés leurs principales préoccupations.
3Les affaires que traitent les directeurs sont fort diverses. Le montage des opérations de la Compagnie est complexe. Les directeurs contractent de nombreux emprunts pour payer les marchandises et les armes et pourvoir aux frais d’un départ. Les agents de la Compagnie aux îles et dans les ports engagent toutes sortes de dépenses par lettres de changes pour préparer les expéditions. Les directeurs ont aussi la tâche délicate d’affronter les créanciers quand ils ne peuvent honorer les remboursements, et de négocier avec eux pour trouver un arrangement, en général un nouvel échéancier. Le 15 décembre 1642, la Compagnie promet de rembourser Jean Rozée pour ses investissements le 15 juin 1643. Mais elle réalise bientôt qu’elle ne dispose pas des liquidités suffisantes pour honorer cet engagement. Elle lui propose alors un nouvel arrangement. Elle lui demande d’emprunter la somme qui lui est due, et dont il a besoin pour ses propres affaires, qu’elle s’engage à lui rembourser avec les intérêts quand elle aura vendu son pétun1. Il est vraisemblable que la situation d’associé de Jean Rozée a favorisé cet arrangement.
Tableau 5. Les procès de la Compagnie.
année | personne incriminée | cause | juridiction |
1635 | la Cie contre ? | arrivée illégale de pétun | table de marbre de Rouen |
1639 | la Cie contre les marchands de Dieppe | non-respect des engagements | table de marbre de Paris |
1642 | la Cie contre Michel | Grand conseil | |
1645 | la Cie contre les héritiers de | non-respect des engagements | Grand conseil |
1646 | la Cie contre Poincy | rébellion | Grand conseil |
1646 | Poincy contre la Cie | non-respect des engagements | |
1646 | les artisans contre la Cie | non-paiement des gages | Honfleur et La Rochelle |
1646 | la Cie et la duchesse d’Aiguillon | problème de paiement | |
1647 | la veuve de L’Olive contre la Cie | non-versement des indemnités | Grand conseil |
4Les directeurs assurent encore le suivi des procédures entamées par la Compagnie à l’encontre des capitaines de navires qui se sont rendus aux îles sans congé, des marchands qui n’honorent pas leur contrat, des agents peu scrupuleux des intérêts de la Compagnie ou encore des associés qui ne respectent pas leurs engagements. Les différends sont portés devant les juridictions compétentes. Les directeurs suivent les dossiers aux différentes étapes, et consultent et préparent les défenses. Ils en rendent compte régulièrement aux assemblées. Le procès intenté par la Compagnie contre Poincy au Grand conseil retient particulièrement leur attention. L’affaire traîne en longueur. Aussi est-il décidé le 15 mai 1648, de remettre toutes les procédures commencées entre les mains de Jacques Berruyer, pour qu’il en assure le suivi et « d’en prendre le soin sans aucune discontinuation jusqu’au jugement et donner avis à la Compagnie de temps à autre de l’état dudit procès2 ». Les directeurs doivent aussi répondre devant les tribunaux aux accusations qui sont portées contre la Compagnie.
Les nouvelles prérogatives des directeurs
5Les directeurs ne peuvent bien souvent attendre la réunion mensuelle des associés quand la situation exige une prise de décision rapide. Ils convoquent alors des assemblées extraordinaires. Deux se tiennent au mois de mars 1640, les 7 et 13 mars, « attendu le nombre d’affaires sur lesquelles il est nécessaire de délibérer avant le partement du vaisseau de la Compagnie pour les îles3 », et trois au mois de mai, le 2 mai, le 5 mai et le 14 mai. Mais cela ne peut toujours suffire. Les associés décident pour cela de confier de nouveaux pouvoirs aux directeurs et même de leur permettre de donner procuration à un associé de leur choix pour agir en leur nom et à leur place en cas d’absence ou de maladie. Les directeurs reçoivent ainsi la possibilité d’organiser la vie des établissements français et les envois de marchandises vers les îles. Ils peuvent nommer à toutes les charges et offices. En 1637, ils décident ainsi des juges et du lieutenant général de la Compagnie à la Guadeloupe. Inquiets de l’état de santé du gouverneur de L’Olive en 1638 et d’une possible vacance du pouvoir dans l’île s’il ne trépasse, les associés, qui redoutent l’attente de la convocation d’une assemblée générale pour choisir son successeur, donnent aux directeurs la possibilité de nommer un nouveau capitaine en cas de décès4. Ils leur confient aussi la tâche de surveiller les agents de la Compagnie. Le choix de Jean Rozée comme directeur en 1639 peut se comprendre comme une volonté d’avoir un homme sur place pour contrôler les receveurs de la Compagnie dans les ports normands du Havre et de Dieppe, qui sont leurs principales bases, et éviter des déplacements longs et coûteux pour les finances de la Compagnie des directeurs habitant à Paris. Rozée est en effet domicilié à Rouen. Les directeurs peuvent aussi donner « des terres des îles en fief ou autrement à telles redevances et personnes qu’ils aviseront en une des assemblées des premiers mercredis des mois ». En 1638, la Compagnie les charge de s’occuper des affrètements des bateaux pour les îles et de nommer les capitaines5. Il apparaît pourtant qu’ils ont déjà usé de cette initiative auparavant. Il s’agit peut-être de régulariser une situation existante. En effet, Berruyer est en 1635 à Dieppe pour acheter des armes pour Saint-Christophe et superviser leur envoi. Il est à nouveau à Dieppe le 26 mars 1636, vraisemblablement dans le même but6. En 1637, il est à La Rochelle. Il négocie le départ du capitaine Jean Gandouin pour les îles. Berruyer retourne à Dieppe en 1638 pour s’occuper du contentieux avec le capitaine Coquet à propos du passage de quatre capucins7. Berruyer se déplace beaucoup. Il prend le pas sur les receveurs de la Compagnie qui étaient jusque-là chargés de négocier avec les capitaines. En 1643, un autre directeur, Pierre Chanut, se rend à La Rochelle. Il en rapporte des lettres du gouverneur Charles Houël, qui y attend son bateau pour aller à la Guadeloupe8.
6Cependant, si leurs pouvoirs ont été amplifiés, les directeurs ne peuvent décider de tout. Les contrats qui engagent la Compagnie nécessitent l’assentiment de tous les associés. Ils doivent aussi se justifier devant l’assemblée générale en produisant un bilan de l’action menée durant l’année écoulée et un état financier.
L’accaparement de la direction
7L’accès à la direction est en principe ouvert. Les articles de la société l’ont ainsi établi. Le mode de désignation – l’élection lors de l’assemblée générale annuelle – permet à chacun des associés de se présenter et d’espérer recueillir les suffrages de ses confrères. Quatorze associés exercent ainsi la charge de directeur entre 1635 et 1648 : Guénégaud, Martin de Maunoy, Bardin, Berruyer, Cavelet du Herteley, Chanut, Rozée, Fouquet, de Loynes, Ladvocat, de Ricouart, Dalesse, Cazet et Boisseret, soit 32,5 % d’entre eux. Cela atteste de l’intérêt de nombreux associés pour les choses de la Compagnie. Mais il convient de nuancer, car ils n’exercent bien souvent qu’un seul mandat de deux ans, en général en association avec les hommes les plus influents de la société qui se distinguent par leurs nombreux mandats et exercent la réalité du pouvoir : Berruyer, Martin de Maunoy, Nicolas Fouquet et dans une moindre mesure, Chanut et de Loynes. Rozée figure par exemple aux côtés de Martin de Maunoy, Chanut et Nicolas Fouquet ; Ladvocat est en compagnie de Berruyer, Nicolas Fouquet et de Loynes. Nicolas Fouquet rejoint la direction à deux reprises en 1640 et en 1646, mais il ne délaisse jamais d’observer la Compagnie en soutenant entre-temps son fidèle ami Pierre Chanut à la direction. Berruyer arrive, lui, régulièrement aux responsabilités. Il est directeur à trois reprises en 1635, en 1642 et en 1645. Il exerce donc cette charge pendant neuf ans sur les treize années de la Compagnie pour lesquelles nous connaissons les membres de la direction (1635-1647). Il est directeur par intérim en 16399. Quand il n’est pas directeur, il s’arrange pour garder un œil sur la direction par homme interposé (François Dalesse, son gendre)10. La Compagnie demeure finalement entre les mains d’un très petit groupe qui, s’il fait des ouvertures, n’en demeure pas moins assez jaloux de ses prérogatives.
Tableau 6. Les directeurs de la Compagnie.
1635 | Guénégaud, Martin de Maunoy, Bardin et Berruyer |
1636 | Guénégaud, Martin de Maunoy, Bardin et Berruyer |
1637 | Martin de Maunoy, Berruyer et Cavelet du Herteley |
1638 | Martin de Maunoy, Berruyer et Cavelet du Herteley |
1639 | Martin de Maunoy, Chanut et Rozée |
1640 | Martin de Maunoy, Chanut et Rozée, puis Chanut, Rozée, N. Fouquet et de Loynes |
1641 | Chanut, Rozée, N. Fouquet et de Loynes |
1642 | Berruyer, Ladvocat, N. Fouquet et de Loynes |
1643 | Berruyer, Ladvocat, de Ricouart et Chanut |
1644 | Dalesse, Cazet, de Ricouart et Chanut |
1645 | Berruyer, Boisseret, Dalesse et Cazet |
1646 | Berruyer, Boisseret, N. Fouquet et de Loynes |
1647 | N. Fouquet, de Loynes et deux autres |
8Durant les deux premières années de la Compagnie des îles de l’Amérique, ce sont les associés « historiques » de 1626 (Jean Bardin, Gabriel de Guénégaud, Isaac Martin de Maunoy) qui sont à la direction. Martin de Maunoy est ainsi directeur de façon ininterrompue de 1635 à sa mort en 1640. Leurs décès conduisent les associés à confier les rênes de la Compagnie à de nouveaux hommes. Pierre Chanut à peine entré dans la Compagnie (juin 1638), en devient le directeur (décembre 1638). François Dalesse, de la même façon, est accepté dans la Compagnie en 1642 et est choisi comme directeur au mois de mars 164411. L’arrivée de Ladvocat aux affaires en 1642 peut s’expliquer par une volonté de rééquilibrage de l’équipe de direction au côté de Nicolas Fouquet et de Julius de Loynes. On assiste ensuite à de nombreux changements avec l’arrivée aux responsabilités de Dalesse, Cazet, de Ricouart et Boisseret. L’équipe de direction de 1645 est constituée principalement d’hommes nouveaux dans la Compagnie : Dalesse, Cazet et de Ricouart, mais Chanut veille et Dalesse est surveillé par son beau-père, Berruyer.
Tableau 7. La durée de l’exercice des directeurs (1635-1647).
nombre de directeurs ayant exercé | nombre d’années de mandat |
0 | 1 an |
9 | 2 ans |
0 | 3 ans |
1 | 4 ans |
2 | 5 ans |
1 | 6 ans |
0 | 7 ans |
1 | 8 ans |
0 | Plus de 8 ans |
Les hommes forts de la Compagnie
9Les hommes qui sont à la direction sont assurément les hommes forts de la Compagnie. Mais ils ne sont pas les seuls. D’autres associés sont omniprésents. Ils sont de toutes les réunions et exercent une profonde influence sur leurs confrères par leurs avis éclairés et la hauteur de leurs vues. Jacques Berruyer et François Fouquet dominent ainsi chacun à leur façon la Compagnie. Ils y sont entrés au moment de sa reformation ou peu de temps avant. Ils se distinguent des associés de 1626 par leur connaissance du monde maritime et colonial et leur implication dans de nombreuses compagnies de commerce.
Tableau 8. La participation aux assemblées de la Compagnie des associés (1635-1648).
taux de participation | |
Isaac Martin de Maunoy | 97,9 % |
François Fouquet | 92,5 % |
Jacques Berruyer | 90 % |
Nicolas Fouquet | 72,4 % |
Étienne d’Aligre | 65 % |
Julius de Loynes | 65 % |
La cheville ouvrière, Berruyer
10Jacques Berruyer appartient à une vieille famille de Touraine depuis de nombreuses générations au service du roi. Son père Jean Berruyer († 1602), écuyer, seigneur de Bernesault, était capitaine des ports de Saint-Pierre-du-port et des Grandes-Dalles en Normandie. Il a servi successivement les rois, François II, Charles IX, Henri III et Henri IV12. Jacques Berruyer suit ses pas. Il effectue pour le roi de France des missions dans les Flandres en 1630 dont nous ne savons malheureusement rien13. Il est en 1635 capitaine des ports de Veulettes et Petites-Dalles-en-Caux14. Son frère, Jean Berruyer, est capitaine de la Tour de Cordouan15.
11Jacques Berruyer est impliqué depuis plusieurs années dans les affaires américaines. Il participe à la Compagnie de la Nouvelle-France avec son frère Georges Berruyer. Il investit ensuite dans la Compagnie de Miscou en 1636, pour laquelle il assure la collecte des cotisations. Il tient l’habitation de la baie de Miscou avec Antoine Cheffault et Jean Rozée16. Il investit aussi dans la Compagnie des Indes orientales de Rigault17. Il entraîne ses parents dans ses aventures. Son parent, André Berruyer, sieur de Bernesault, avocat au parlement, détient aussi une part de la Compagnie. Il sera directeur de la Compagnie du Canada en 165718.
12Jacques Berruyer est l’âme de la Compagnie des îles de l’Amérique. Il le restera jusqu’à la liquidation. Il est de loin l’associé le plus présent aux réunions avec Martin de Maunoy, mais sur une période plus longue, et quand il ne peut se déplacer pour assister aux débats, comme le 31 janvier 1635, il se fait représenter. Au regard des procès-verbaux des assemblées pour lesquelles nous avons la liste des présents, il apparaît qu’il n’a été absent qu’à dix réunions entre 1635 et 1648. Ces absences sont assez dispersées, en général, elles se produisent une fois par an (1635, 1636, 1638, 1639, 1642, 1644, 1645 et 1646), ce qui laisse penser qu’il n’a pu se libérer. Berruyer occupe de nombreuses responsabilités au sein de la Compagnie (direction, surveillance des comptes), et bénéficie de nombreux relais. Il fait entrer dans la Compagnie des îles de l’Amérique son gendre François Dalesse en 1642 en lui faisant acquérir les deux parts de Claude de Launay Razilly. Le 24 février 1642, il est admis en son sein19. À la mort de son gendre, Berruyer reçoit une procuration de sa veuve, Denise-Marie, pour la représenter à l’assemblée20. Il est de toutes les négociations pour le compte de la Compagnie. Il signe les contrats avec Richelieu en 1635 et en 1642 au nom des associés21.
Les hommes du cardinal
13Le rôle et la place de François Fouquet dans la Compagnie sont d’une autre nature. Fouquet est avant tout un fidèle de Richelieu. Il lui doit sa fortune. Ils partagent un même idéal politique – le service du roi – et religieux – l’affirmation des idéaux de la Contre-Réforme –. François Fouquet devient l’un des principaux conseillers du cardinal en 1626 quand il se distingue en tant que juge dans le procès de la conspiration de Chalais. Il est conseiller d’État. Richelieu lui confie de nombreuses missions, notamment diplomatiques, qui exigent de la délicatesse22. C’est un homme de confiance. Il participe au conseil de Marine en 1624, mais pour Daniel Dessert, ce n’est qu’à partir de 1635 qu’il exerce véritablement une activité dans le domaine de la mer en devenant conseiller du roi en son conseil d’État et de la Marine23. L’importance de son rôle auprès du cardinal est savamment entretenue par la tradition familiale. Nicolas Fouquet présente dans ses écrits, son père comme le principal collaborateur de Richelieu pour les affaires maritimes24. Il précise qu’il « agissait au nom et par ordre de monsieur le cardinal, et encore en son nom propre et privé nom, en qualité d’associé » et lui rendait compte dans le détail de tous les embarquements25.
14Pourtant, malgré cela, François Fouquet ne participe pas à la création des premières compagnies de commerce voulues par Richelieu. Il n’apparaît pas en 1626 lors de la création de la Compagnie dite de Saint-Christophe, ni même lors de celle de la Nouvelle-France en 1627. Comment l’expliquer ? Est-ce à dire que ce domaine ne l’intéresse pas ou qu’il n’y a pas intérêt ? C’est en 1635 qu’il prend ses premières parts dans les compagnies. Son inventaire après décès montre qu’il possédait de multiples participations dans les affaires commerciales, notamment américaines26. Assurément, l’année 1635 signe un tournant dans sa carrière. François Fouquet s’affirme au moment des négociations pour la reformation de la Compagnie et devient une pièce maîtresse du jeu de Richelieu. Au mois de janvier 1635, il acquiert pour lui-même et Richelieu des parts dans la Compagnie dite de Saint-Christophe pour 4300 livres27. Il est possible que l’entrée de Fouquet dans la Compagnie soit justement faite à dessein pour influer sur les discussions. Il participe à l’accord passé par la Compagnie pour la colonisation de la Dominique, de la Martinique et de la Guadeloupe en février 1635 avec les capitaines L’Olive et du Plessis28. François Fouquet joue dans la Compagnie un rôle plus important qu’il n’apparaît dans les délibérations. Les lettres venant des îles que nous connaissons, écrites par les gouverneurs, les commis et les religieux, lui sont toutes adressées et non aux directeurs qui pourtant, assurent la conduite de la Compagnie29. Quand les dominicains abordent à la Guadeloupe en 1635, ils font dire trois messes, l’une pour le roi, l’autre pour monsieur le président Fouquet et les associés, et la dernière pour le noviciat30. Le rôle de François Fouquet est essentiel. C’est lui qui organise les réunions qui conduisent à la reformation de la Compagnie. Il acquiert aussi de nombreuses parts qu’il revend aussitôt à des proches. Ainsi une grande partie de l’actionnariat apparaît orientée par Fouquet, sinon par Richelieu. Mais si Fouquet est la voix de Richelieu, au point d’être un intermédiaire recherché, il n’exerce pas de responsabilité dans la Compagnie. Il n’est pas directeur, il laisse ce soin à d’autres. Comme Richelieu n’est présent à aucune des assemblées de la Compagnie – seul le contrat de rétablissement de la Compagnie en 1635 porte sa signature, il est d’ailleurs signé chez lui –, il lui faut pouvoir compter sur quelqu’un pour le représenter. C’est le rôle qui est dévolu à François Fouquet. Il est l’œil, les oreilles et la bouche de Richelieu. Martin de Maunoy, fin connaisseur du monde maritime, agit davantage en tant qu’expert dans la Compagnie.
15Mais François Fouquet est de santé fragile. Il est malade, il souffre d’hydropisie. Son état s’aggrave en 1638, il « est au plus mal et en danger » écrit son ami Vincent de Paul après avoir reçu un courrier alarmant de sa part au mois de juin31. Il délaisse petit à petit ses obligations. Il prend soin d’assurer sa relève en favorisant l’entrée de son fils Nicolas dans la Compagnie. La mort de François Fouquet conduit le cardinal à reconsidérer son investissement dans la Compagnie. À qui confier le rôle si précieux de porte-parole ? Nicolas Fouquet se place dans les pas de son père. Il a reçu de lui une de part dans la Compagnie des îles en juin 163832. Il est présenté aux associés le 2 juin 163833. Nicolas Fouquet est assurément un homme fortement intéressé par les affaires marchandes. L’inventaire de ses biens montre qu’il a des participations dans la Compagnie du Cap-Nord et dans la Compagnie des Indes orientales34. Il dit avoir envoyés des vaisseaux en Amérique35. Il fait armer des navires pour la course, comme les autres ministres de l’époque. Il s’associe dans cette affaire avec Jacob Duquesne. D’où le souci de s’assurer une base de départ ; ce sera Concarneau. Il entraine ainsi son cousin, Christophe Fouquet de Chalain, dans l’aventure canadienne36. Il connaît bien le monde maritime. À la mort de son père, il s’en entretient avec le cardinal. Il participe par la suite avec Étienne d’Aligre, Pierre Chanut, Denis Marin et Colbert au conseil consacré aux affaires de la Marine et du commerce37. Fouquet s’est constitué une importante clientèle dans la Marine de France, parmi laquelle on compte nombre de capitaines et d’officiers supérieurs, et notamment le vice-amiral Neuchèze38. Voulant assurer sa part dans la direction des affaires, il avance à Isaac de Pas, marquis de Feuquières, l’argent nécessaire à l’achat de la charge de vice-roi d’Amérique au duc d’Anville « pour empêcher en partie qu’elle ne tombât entre les mains de personnes qui nous eussent traversés39 ». Il se plaît à dire qu’il a été l’homme de Mazarin pour les affaires coloniales comme son père, François, l’avait été pour le cardinal de Richelieu40. Le propos est exagéré et correspond à une volonté d’asseoir sa légitimité dans ce domaine. S’il a pu exercer une quelconque influence dans les affaires maritimes auprès de Mazarin, il semble que cela est plus tardif et se place dans les années cinquante. Mais à cette heure, la Compagnie des îles de l’Amérique a cessé d’exister, et ce n’est qu’avec le temps que Nicolas Fouquet entre dans la clientèle de Mazarin41, dont le point d’aboutissement est l’obtention de la surintendance des finances en 1653 à laquelle il aspirait.
16Nicolas Fouquet n’est pas l’âme de la Compagnie comme aime à le dépeindre son accusateur Talon lors de son procès42. Il faut noter que Fouquet ne participe pas à toutes les assemblées ordinaires et ne semble s’investir personnellement qu’à quelques rares périodes durant lesquelles il en assure la conduite. Ses charges le retiennent en général loin de Paris. Jusqu’où Fouquet est-il prêt à aller avec la Compagnie des îles ? A-t-il cru à l’avenir de la Compagnie ? Daniel Dessert note que Nicolas Fouquet rapidement s’aperçoit des difficultés des compagnies et se défait de nombreuses participations, sauf de celles du Canada par « piété familiale et sentiment religieux », et vraisemblablement de celles des îles qui lui tiennent à cœur43. On peut discuter de la motivation de Fouquet. Ses activités maritimes et coloniales vers les Antilles dans les années cinquante montrent à l’évidence qu’il veut y faire des affaires, et peut-être entrevoit-il déjà de poursuivre la Compagnie défunte.
17D’autres créatures de Richelieu sont à même de relayer la parole de Richelieu dans la Compagnie après la mort de François Fouquet, comme Julius de Loynes et Étienne d’Aligre. Julius de Loynes, sieur de La Ponterie, entre dans la Compagnie le 3 août 1639 en acquérant la part de Thomas Morant44. C’est un homme expérimenté et fidèle. Il est commissaire de la Marine en Picardie puis en Normandie45. Son influence est forte et redoutée. Plus d’un général a perdu la confiance du cardinal suite à une de ses interventions. Sourdis lui doit sa disgrâce46. Il assure le lien entre le cardinal et les amiraux et généraux lors de la Guerre de Trente ans. Il transmet les ordres de Richelieu et l’informe en tout47. Il devient en 1637, à la mort d’Isaac Martin de Maunoy, secrétaire général de la Marine48, et reprend son rôle comme spécialiste des questions maritimes dans la Compagnie. Quant au rôle d’animateur qu’avait François Fouquet dans la Compagnie, il semble revenir à Étienne d’Aligre, le fils du chancelier de Louis XIII. Il est reçu en la Compagnie le 12 décembre 1640 après avoir acquis le tiers des deux quarante-cinquièmes de Cavelet du Herteley49. Dès le 2 janvier 1641, toutes les réunions se font désormais à son domicile. C’est lui qui est chargé par les associés de s’enquérir en tout auprès de Richelieu. Il devient l’un des piliers de la Compagnie. Il remplace avantageusement François Fouquet.
L’information, une clé pour la direction des affaires
18La bonne conduite des affaires de la Compagnie nécessite d’avoir des informations sur la situation des établissements français des îles. La correspondance joue dans la prise de décision un rôle essentiel. Les courriers sont pour cela envoyés en plusieurs exemplaires pour éviter qu’ils ne se perdent lors d’un naufrage ou d’une saisie du navire. En 1637, les directeurs adressent ainsi au sieur du Halde ses lettres de provision en double par deux navires différents. Ils intiment aussi à leurs commis de rédiger leurs lettres en plusieurs exemplaires et de les envoyer sur des bateaux différents afin d’être certains qu’elles arrivent à destination50. Cette pratique est assez courante dans le monde atlantique afin d’assurer la transmission des informations. Les particuliers font de même. Ainsi, Charles Houël, gouverneur de la Guadeloupe, envoie plusieurs procurations (une le 13 novembre 1648 et l’autre le 14 mars 1649) à son beau-frère Jean de Boisseret pour qu’il le représente à l’assemblée de la Compagnie au cas où un document se perdrait51. Les capitaines de navires assurent le port des lettres que leur remettent les commis pour le compte de la Compagnie. Les associés attendent avec impatience les arrivées des navires et sont inquiets quand ils n’ont pas de courriers. En 1639, ils interrogent les capitaines Desforges, Digard et Poictou pour savoir pourquoi ils sont revenus sans lettres. Les associés doivent craindre de voir leurs agents ne pas les tenir au courant de la situation. Ils rappellent alors aux commis généraux qu’aucun bateau ne doit quitter les îles sans lettres adressées aux directeurs52. Les courriers sont parfois confiés à des passagers, en général des marchands, qui se rendent aux îles. Ainsi le gouverneur de la Martinique, du Parquet dit-il avoir reçu une lettre de la Compagnie par l’intermédiaire d’un certain monsieur Girard et une autre des mains de l’entrepreneur de sucre, Trezel53. Les courriers mettent en général deux mois pour arriver à destination54.
19Nous savons par les délibérations de la Compagnie l’abondance de la correspondance échangée chaque mois entre les directeurs et leurs agents dans les îles. Chaque réunion de la Compagnie commence en effet par la lecture des lettres reçues. Nous en connaissons malheureusement rarement le détail55. Les informations contenues dans la correspondance suffisent-elles pour prendre des décisions ? Les directeurs sont-ils bien au fait de la situation dans les îles ? N’y a-t-il pas de manipulation et de falsification des informations de la part de certains agents ? Il semble que la pluralité des sources auxquelles les associés ont accès leur permet d’avoir une vision plus objective des choses. Ils ne se laissent pas entraîner par le discours d’un seul. Ils percent rapidement à jour le double jeu de Poincy qui sait particulièrement bien mettre en avant son action et dire sa fidélité envers la Compagnie. La transmission de l’information connaît certaines contrariétés qui appartiennent à l’Ancien Régime – la lenteur des transports, l’irrégularité des liaisons transatlantiques et les dangers de la mer – qui peuvent peuvent provoquer un décalage important entre le moment de l’alerte et la prise de décision56.
La correspondance des directeurs
20Les délibérations montrent que les directeurs entretiennent ainsi une abondante correspondance. Le décompte n’est pas aisé car les mentions sont parfois assez générales, il est alors indiqué « plusieurs lettres » sans davantage de précision. Les indications sont plus développées pour les envois que pour les réceptions ; les délibérations n’évoquent pas toute la correspondance, mais la partie la plus significative. Les dates des courriers sont rarement mentionnées.
21La grande préoccupation des associés est que leur autorité soit respectée et leurs ordres suivis dans les îles. Chaque réunion, chaque assemblée produit son lot de décisions qui sont aussitôt expédiées aux gouverneurs et aux commis. Les associés leur transmettent aussi les références des textes officiels (délibération, contrat, loi, règlement) auxquels ils peuvent se référer dans la gestion des affaires. Les associés décident ainsi lors de l’assemblée du 28 juillet 1641 d’envoyer aux commis qui sont dans les îles, un extrait des dernières délibérations qui ont été faites à propos de la perception des droits personnels et des exemptions57. Il convient d’être compris pour être obéi. Leurs agents les informent en retour de leur action dans les îles et de la bonne réception des instructions. Les associés entendent aussi que leurs décisions soient connues des habitants et décident lors de l’assemblée du 7 mai 1636 que les ordonnances soient publiées dans les îles au nom du roi et des seigneurs de la Compagnie. Les plus importantes devront être portées sur le registre du commis général ou du juge ou du greffier58. Ils renforcent encore le 5 janvier 1639 cette publicité en ordonnant que tous ses ordres et règlements soient adressés aux capitaines généraux, juges et commis généraux de chacune des îles et qu’ils en aient chacun une copie59. Ils adressent des copies des délibérations aux particuliers qui en font la demande. Les dominicains de la Guadeloupe reçoivent ainsi en 1639, comme ils l’espéraient, un extrait de la délibération de la Compagnie datée du premier décembre 1638 rappelant leurs engagements. Il est reproduit par Raymond Breton dans sa relation en 1647. Breton donne aussi un extrait de la délibération du 5 octobre 1639 signé du secrétaire de la Compagnie, le sieur de Beauvais, dans cette même relation60.
22Les associés répondent systématiquement aux nombreuses sollicitations, requêtes, plaintes et demandes de gratification. En général, le directeur, le secrétaire ou un des associés qui a une compétence dans le domaine incriminé ou qui a suivi le dossier, est chargé de la rédaction du courrier pour éclaircir un point ou réaffirmer la position de la Compagnie. Les associés communiquent à leurs agents des renseignements sur la situation économique en métropole pour les aider dans leur tâche en matière économique notamment. Ils renseignent par exemple Poincy en 1641 sur le prix du pétun61.
23La part la plus importante de la correspondance à l’arrivée provient des capitaines généraux, notamment Poincy, et des commis, principalement Gentil. Poincy écrit beaucoup. Il se montre un agent zélé de la Compagnie. Il l’informe en tout et relativement en détail. Il a compris l’importance de ses courriers pour se faire entendre des associés. Mais nous avons aussi des quelques lettres des procureurs, et des juges. Bonnefoy écrit à Fouquet le 24 octobre 1639, et Chirat fait de même le 8 novembre 163962.
Tableau 9. Les principales correspondances au départ et à l’arrivée.
courriers reçus par la Cie de | courriers envoyés par la Cie à |
Poincy 10 | 30 |
du Parquet 4 | 8 |
d’Esnambuc 4 | 8 |
du Halde 6 | 2 |
Aubert 1 | 4 |
L’Olive 4 | 5 |
Gentil 5 | 5 |
Leumont 1 | 9 |
Source : ANOM, F2A13.
24Les commis de la Compagnie doivent informer régulièrement les associés des affaires des îles. Ils font chaque année un état de l’île arrêté au 31 décembre et certifié par les capitaines, qui comporte les hommes qui sont dans l’île, ceux qui sont arrivés dans l’année et ceux qui sont partis ou décédés, les marchandises envoyées pour la Compagnie, les marchandises transportées avec le nom des capitaines et des navires, et un état des habitations, avec le nom des chefs de famille et leur profession63. Le premier « mémoire au vrai des Français qui étaient à Saint-Christophe, de leur qualité, des armes qu’il y avait et de l’état des forts et de ce qu’il était nécessaire de leur envoyer pour la défense et conservation de ladite île » date de 1635 et émane de Gentil. Mais il n’est pas parvenu entre les mains des associés car il a été saisi par les corsaires dunkerquois64. En 1638, les associés demandent à Volery le nombre des Français qui sont dans l’île de la Guadeloupe, leur qualité et leur sexe. Ils veulent aussi un état des armes et munitions disponibles. Ils lui demandent en 1640 de rapporter l’évolution de l’établissement de la Guadeloupe65. Les commis ont semble-t-il à la lecture des délibérations de la Compagnie, envoyé de nombreux états financiers, mais aucun document de ce type n’est parvenu jusqu’à nous. Les associés attachent une grande importance aux documents de leurs agents. Ainsi, quand leur commis général à Saint-Christophe, Gentil, décède en 1639 en rentrant en France, ils chargent leur receveur à Nantes, Jacques Fernandes, de prendre les papiers de la Compagnie qui sont dans son coffre et de les leur adresser à Paris66.
25Les associés reçoivent aussi des comptes-rendus des conseils de gouvernement des îles. En septembre 1637, ils attendent la copie du contrat qui a été signé le 15 juillet 1637 avec les Anglais de Saint-Christophe par Gentil et le juge Boitière, vraisemblablement commandités par du Halde, et le gouverneur Thomas Warner67. Poincy envoie à Paris l’ordonnance du conseil de Saint-Christophe le 30 mars 1640 à propos des taxes pour les obligations68.
Les courriers des voyageurs
26Les associés reçoivent aussi des courriers de la part des voyageurs et des missionnaires. Le père jésuite Jacques Bouton de retour de la Martinique, dédie la relation aux relation aux « messieurs de la Compagnie des îles de l’Amérique ». Elle s’apparente à un rapport. Bouton souligne les commodités et les incommodités de l’île, indique les emplacements des colons, leur nombre, les cultures pratiquées et suggère même le développement de l’activité sucrière et des salines69. Il dessine aussi les contours d’une politique religieuse à destination des Indiens et des esclaves noirs dans le chapitre xi de qu’il intitule « du fruit spirituel qu’on peut espérer de cette île ». Mais il ne dit pas tout dans sa relation car, précise-t-il, il ne peut raconter toutes les commodités de l’île de la Martinique car elles concernent avant tout « les personnes qui gouvernent et non pas les particuliers70 ». Cela permet d’envisager qu’il s’est entretenu de plusieurs points de vive voix ou par courrier avec les associés. Les associés mentionnent le 2 janvier 1641 un mémoire sur l’encadrement religieux des habitants qu’il est difficile d’identifier71. S’agit-il de la relation de Bouton ? La Brève relation de capucin Pacifique de Provins publiée en 1646 à son retour de voyage a dû intéresser les associés, quoiqu’elle ne leur soit pas particulièrement destinée72. Le capucin y livre en effet une description des îles et dresse des perspectives de colonisation. Il souligne ainsi que si, à la Guadeloupe, « les messieurs de la Compagnie persistent dans leur dessein de la cultiver [la vigne] ici, […] je ne doute point que, dans peu d’années, cette seule île n’en fournisse toute la France73 ». La relation du père Raymond Breton de 1647 dont il existe une copie à la Bibliothèque nationale de France a peut-être aussi été connue des associés74.
Les archives de la Compagnie
27Le développement des activités de la Compagnie a généré la production d’un grand nombre d’instructions et d’ordres. Aussi, afin de permettre aux directeurs de se référer aux décisions passées et de dire plus facilement le droit, est-il décidé en 1642 que « tous les titres, papiers, lettres, mémoires et autres pièces de la Compagnie seront reçues et inventoriées et mises en liasses distinctes et séparées » par N. Fouquet et Berruyer avec l’aide de Chanut75. Il n’est pas fait état dans les délibérations des registres des actes et de la comptabilité des commis. Les archives de la Compagnie sont probablement alors déposées chez d’Aligre où se tiennent à partir de 1642 toutes les réunions de la Compagnie. Mais où sont-elles passées ensuite ? Aucun fonds public ne les répertorie. Jacques de Dampierre a tenté au début du xxe siècle d’en retrouver la trace dans les grands dépôts institutionnels, notamment à la Bibliothèque nationale, en regardant en particulier les papiers de Colbert, essentiellement les Mélanges et les Cinq-Cents, et le fonds Clairambault, aux Archives nationales et aux Archives du ministère des affaires étrangères. En vain. Il n’a pas davantage trouvé trace de documents dans les archives coloniales, aujourd’hui les archives d’outre mer76. Les copieux inventaires de la correspondance antillaise faits par Étienne Taillemite dans les années 1950 et 1960 ne mentionnent que de la documentation postérieure à 166077. Les fonds d’archives connus n’ont pas trace de documents touchant à la Compagnie. Mais faut-il s’en étonner ? Les archives de la Compagnie des Indes occidentales qui lui succède en 1664 ont elles aussi complètement disparu à l’exception de quelques « épaves » dans la série F2A (15 à 17) et de lettres dans la série B78. Mais les papiers de la Compagnie ont-ils vraiment disparu ?
28Au milieu du xviie siècle, le dominicain Jean-Baptiste Dutertre affirme que les documents de la Compagnie ou touchant à la Compagnie qu’il donne dans son Histoire des îles des Antilles habitées par les Français, sont tirés des originaux qui figuraient dans les papiers de François Fouquet79. Un tel fonds documentaire existait donc bel et bien encore dans les années 1660, mais le dominicain ne dit pas où il se trouvait alors. Il est vraisemblable qu’une partie des papiers (du moins la plus ancienne) a été gardée par François Fouquet qui organisait chez lui les réunions des directeurs de la Compagnie. Ils ont pu passer à sa mort à son fils Nicolas. Ils ont dû être saisis avec les autres papiers de Nicolas Fouquet en 1661. Jacques de Dampierre pense en dernière hypothèse que les papiers touchant à la Compagnie ont pu être rendus au fils de Nicolas Fouquet. Ils demeureraient alors dans des archives familiales. Pourtant, les recherches de Dampierre du côté du maréchal de Belle-Isle, petit-fils de Nicolas Fouquet, et du maréchal de Castries, à qui sa fortune a été léguée, Belle-Isle étant mort sans héritiers directs en 1761, n’ont rien donné80. D’autres pistes sont à envisager. Qui, par exemple, a reçu les archives de la Compagnie une fois celle-ci dissoute ? D’Aligre ou Berruyer ? En ce cas, elles auraient suivi un itinéraire similaire à celui du manuscrit des délibérations de la Compagnie et passer de famille en famille à l’occasion des mariages et des héritages. Nicolas Fouquet atteste pour sa part en 1666 que les papiers de la Compagnie sont conservés chez la veuve du secrétaire de la Compagnie Jean de Beauvais81. Nous n’avons pu remonter cette piste prometteuse. Les directeurs ont peut-être gardé par-devers eux les nombreuses lettres et rapports qui leur étaient directement adressés.
Les visites et les convocations
29Les associés disposent d’autres sources d’information. Ils invitent tous ceux qui reviennent des îles ou sont de passage en métropole à venir les visiter pour échanger avec eux sur la vie antillaise, et recueillir de vive voix de précieux renseignements. Ainsi le 2 avril 1636, ils enjoignent Dyel du Vaudrocq, neveu de d’Esnambuc, qui est arrivé de Saint-Christophe, de « faire un petit voyage à Paris pour instruire ceux qui ont soin des affaires de la Compagnie de l’état de l’île de Saint-Christophe et de la Martinique ». En 1641, ils chargent Berruyer de prendre en charge les frais de voyage de Thibault (150 livres) et Degays (36 livres) de l’île de Ré à Paris pour parler des affaires à la Compagnie82. Quand la Compagnie apprend en 1640 que Morin dit Des Ormeaux de Honfleur, qui a fait passer avec lui de nombreux hommes à la Martinique, est en France, elle l’invite à se venir devant elle pour présenter ses requêtes83. Certains particuliers viennent à Paris de leur propre initiative, bien souvent pour régler quelque affaire. La veuve de du Plessis se rend par exemple chez François Fouquet pour assister à l’assemblée des associés le 2 juillet 1636. La démarche est souvent payante. La veuve reçoit outre les 2000 livres de pétun promis le 2 avril, douze hommes déchargés des droits de la Compagnie et deux cents livres en argent pour l’aider à rentrer84. Cela ne clôt pas pour autant le litige avec la Compagnie car un procès s’ensuivra.
30La Compagnie convoque parfois ses agents à Paris. L’écrivain Luc Meusnier, qui part avec L’Olive et du Plessis en 1635 vers les îles nouvelles, doit rentrer en France au plus tôt afin de rendre compte de la façon dont s’est passé l’installation des Français85. En 1635, elle invite son commis à Saint-Christophe, Gentil, de revenir en France pour livrer un état de la situation dans l’île. Deux cents livres lui sont accordées pour couvrir ses frais86. La Compagnie demande en 1640 à son commis Fougeron de venir en France présenter ses comptes. Elle charge Poincy de faciliter sa venue. Merlin obtient de tenir en son absence les comptes aux mêmes conditions87. En 1641, elle attend la venue à Paris de son receveur à Nantes, Jacques Fernandes88.
31Les capitaines généraux ne se déplacent pas en France, mais envoient des tiers porter leurs requêtes devant les associés. Ainsi L’Olive, en difficulté dans les îles après avoir attaqué les Caraïbes et ne pas avoir su faire suffisamment d’approvisionnement, charge le dominicain Pierre Pélican de plaider sa cause auprès des associés quand il repasse en France. Le bon père a su les convaincre car ils renouvellent la commission de L’Olive le 2 décembre 163789. Poincy, toujours prudent, ne fait jamais le voyage en Europe. Il charge toujours des intermédiaires de ses intérêts. En 1641, il envoie Aubert pour proposer aux associés la vente de Saint-Christophe aux Anglais90. Son neveu, Robert de Longvilliers, agit pour son compte à Paris. Il remet sa lettre de démission du gouvernement de Saint-Christophe aux directeurs. Il reçoit une lettre de cachet pour son oncle alors qu’il attend son navire à La Rochelle pour rentrer aux îles91.
32Au plus fort des querelles dans les îles au milieu des années quarante, le gouverneur de la Guadeloupe, Charles Houël s’embarque pour la France pour plaider sa cause auprès des associés dans le conflit qui l’oppose à son ancien lieutenant général, Aubert92. C’est l’unique fois qu’un gouverneur accomplit ce périple. Il assiste aux assemblées de la Compagnie du 9 décembre 1644 et du 6 janvier 164593. Il a tout le loisir de donner sa version des événements. Aubert avait fait le voyage en France quelque temps plus tôt dans les mêmes intentions94. Il n’est pas dit que cela conduise les associés de la Compagnie à y voir plus clair dans ces affaires.
Les adresses au pouvoir
33La Compagnie ne s’affranchit jamais totalement du principal ministre, le cardinal de Richelieu, d’autant plus qu’il est un des associés et qu’il dispose en son sein de nombreuses créatures. Elle requiert son avis sur les sujets sensibles qui touchent notamment à la politique extérieure de la France. Elle sait à l’occasion utiliser son entregent pour défendre ses intérêts.
Les avis du cardinal
34La correspondance de Richelieu ne laisse pas apparaître un souci particulier pour les affaires des îles, sauf quand elles sont menacées par une intervention extérieure, et ses mémoires ne mentionnent les Antilles que pour expliquer l’envoi de l’escadre de Cahusac en 162995. Il n’apparaît jamais dans les assemblées de la Compagnie. Les associés cependant lui envoient les causes qui relèvent de la défense et des intérêts de l’État et qui nécessitent son aval. Il est aussitôt consulté quand la Compagnie envisage de prendre le contrôle d’une île nouvelle, car elle peut être convoitée par d’autres puissances et devient alors un élément de la politique étrangère de la France. Le mémoire de Martin de Maunoy sur Saint-Christophe et les autres îles lui est remis pour qu’il le transmette au roi et reçoive son avis96. Ils lui remettent encore un rapport que Poincy leur a adressé touchant aux affaires de la Tortue et à la sauvegarde des îles en novembre 164097. La Compagnie charge cette même année de Loynes d’informer le cardinal de son intention de « prendre possession des îles qui sont ès environs de celles qui sont tenues par la Compagnie lesquelles ne sont habitées par aucun prince chrétien ». Elle veut « savoir sa volonté sur une affaire de telle importance98 ». De Loynes s’acquitte de sa tâche à merveille. Le cardinal l’assure du soutien du roi dans cette entreprise et lui transmet ses recommandations. Louis XIII invite les associés à agir prudemment en ne dépeuplant pas entièrement l’île de Saint-Christophe, qu’il veut conserver « pour son service et le bien de la Compagnie », et d’y laisser bon nombre d’hommes pour la conserver en toute sûreté. La Compagnie se félicite de l’appui obtenu. Elle écrit aussitôt à Poincy pour travailler au peuplement des îles99. Il est vraisemblable que la pression des puissances européennes pour prendre le contrôle des îles n’est pas étrangère à la décision royale.
35Parfois, les associés attendent avec impatience les instructions du cardinal qui tardent à venir. En 1640, ils reçoivent une proposition de Poincy concernant le transport de la colonie de Saint-Christophe dans les îles voisines qu’ils transmettent le 7 mars 1640 à Richelieu. Mais ce dernier ne leur répond pas aussitôt et les associés s’impatientent car Aubert, qui leur a porté la requête, doit bientôt regagner les îles. Berruyer reconnaît devant les associés le 2 mai 1640 que « monsieur le cardinal n’a point encore donné ses ordres ». De Loynes, pressé par la Compagnie, se rend auprès de Richelieu pour savoir enfin sa réponse100. Il apparaît donc que la sollicitation du cardinal dans un certain nombre d’affaire ralentit la prise de décision et nuit à la réactivité de la Compagnie.
36Plusieurs documents laissent entendre que Richelieu aurait octroyé des congés aux capitaines pour aller aux îles alors même que le contrat de 1635 établit clairement que ni le roi, ni le grand maître et surintendant de la navigation et du commerce de France ne peuvent en accorder et qu’ils relèvent uniquement de la compétence de la Compagnie101. En 1635, le dieppois Raoul Languillet part pour la Gambie, la Guinée et les îles du Pérou sur l’Espérance « suivant et conformément au congé […] obtenu du cardinal de Richelieu » est-il dit dans son contrat. En 1638, le capitaine Jean Danriot se prévaut lui aussi d’un congé que lui aurait adressé le cardinal pour gagner Saint-Christophe102. Richelieu interviendrait-il plus directement dans les affaires de la Compagnie, jusqu’à décider en lieu et place des associés ? Mais il est possible que les capitaines attribuent à Richelieu ce qu’ils ont reçu en réalité de la Compagnie. Il semble qu’il intervienne peu dans ses affaires. Il a confiance dans la structure et dans les hommes qui conduisent la Compagnie. La Compagnie se distingue donc du pouvoir politique. Pourtant, Richelieu est perçu par bon nombre d’observateurs comme le véritable chef de la Compagnie. Aussi sa mort en 1642 ne peut que conduire selon eux, à la ruine de la Compagnie103. Il apparaît en revanche certain qu’André Lesbahy a obtenu son congé de la reine Anne d’Autriche, en tant que grand maître et surintendant de la navigation et commerce de France, le 5 janvier 1649 pour aller aux îles104.
Les sollicitations d’interventions en haut lieu
37Les associés ne s’adressent pas uniquement à Richelieu pour obtenir quelque avantage ou pour protéger leurs intérêts, même s’il reçoit l’essentiel de leurs demandes. Ils sont amenés pour traiter certaines affaires ou trouver au plus vite des solutions à une difficulté nouvelle, à écrire directement au chancelier ou au Grand conseil, selon la nature du problème rencontré. Les associés escomptent parfois obtenir des aménagements particuliers, voire des faveurs, dans des dossiers délicats qui risquent de porter atteinte à leur prestige ou à celui d’une personne très haut placée. Il est difficile de vérifier l’étendue des sollicitations de la Compagnie et la façon dont elle a pu mobiliser ses réseaux pour influencer les décideurs politiques. Il est possible que les associés les plus proches du pouvoir aient usé de leurs entrées et aient appuyé certaines demandes de la Compagnie. Quand elle cherche en 1643 à négocier les droits d’entrée des pétuns en France avec les fermiers des cinq grosses fermes qui gèrent les impôts indirects au nom du roi105, elle peut compter sur les relations de quelques associés, eux-mêmes traitants, comme Sébastien Cazet106. En 1645, elle charge Nicolas Fouquet de convaincre la reine et le chancelier de lui confier par commission l’exercice de la justice souveraine dans les îles107. Ces interventions des associés sont interprétées comme autant de passe-droits par le gouverneur Poincy, qui dénonce en 1646 « le crédit et l’autorité que certains associés ont au conseil », alors qu’il est en conflit avec la Compagnie108. Il croit en fait voir dans les procédures menées contre lui devant les plus hautes instances de l’État, la main des associés. Il leur prête en fait plus d’influence qu’ils n’en n’ont réellement.
38Mais il apparaît qu’en certaines occasions, les associés usent de leur entregent. Le 26 juin 1642, les associés décident d’intervenir auprès du chancelier Pierre Séguier pour obtenir la rémission d’un de ses officiers, La Fontaine, pour le crime qu’il a commis. Les faits remontent au mois de juin 1641. Guillaume Tabouelle dit La Fontaine, enseigne d’une compagnie à Saint-Christophe, a une dispute assez violente avec Pierre Lefebvre, notaire du lieu, qui dégénère. Le notaire est tué. Il s’agit peut-être d’un duel. La Fontaine est jugé à Saint-Christophe, reconnu coupable, et ses biens sont saisis. Il demande alors à la Compagnie d’obtenir rémission de la mort de Pierre Lefebvre. La Compagnie promet de s’occuper de son cas et indique qu’en cas de refus du chancelier, elle reprendra toute l’affaire avec les juges de Saint-Christophe, car elle leur semble plus complexe qu’il n’y paraît. Elle permet à La Fontaine de retourner à Saint-Christophe avec sa famille pour y travailler et de recouvrer ses biens dans l’attente de sa décision. Toutes les poursuites sont suspendues jusqu’à ce qu’elle ait statué sur son sort109. Assurément, la Compagnie tient à ses officiers et sait les protéger.
39La Compagnie se sent aussi obligée vis-à-vis des puissants. Elle accorde ainsi en 1638 à Antoine Gallois dit La Verdure, arboriste du frère du roi, le duc d’Orléans, une exemption des droits dus à la Compagnie pour lui et cinq hommes pour son habitation de Saint-Christophe110. Il semblerait que le duc l’ai chargé de récolter des plantes pour les jardins de ses résidences de Blois et du Luxembourg111. Quelques mois plus tard, la Compagnie lui accorde à la demande de sa femme, Marie Maugendre, des terres pour faire une habitation à la Martinique. Le commis de la Compagnie est chargé de passer le contrat112. La Verdure a vraisemblablement aussi une habitation à la Guadeloupe, car il fait un échange de propriétés avec les dominicains de l’île113. Mais en 1639, La Verdure se trouve dans une situation délicate. Sa vie commune avec Marie Maugendre fait l’objet de nombreux commentaires car la preuve du décès du premier mari de celle-ci n’a pas été apportée. Elle est donc suspectée de bigamie. D’autres se demandent même s’ils sont vraiment mariés et s’ils ne vivent pas tout simplement en dehors du mariage, en concubinage. Une procédure judiciaire est finalement engagée contre La Verdure. Il est jugé à Saint-Christophe le 12 avril 1639. Ses biens sont saisis. Il sollicite alors l’intervention de la Compagnie. Il bénéficie d’un traitement de faveur, car la Compagnie lui permet, « en conséquence de la recommandation que monseigneur le duc d’Orléans a fait faire », de retourner à Saint-Christophe à la charge de s’y comporter en homme de bien. Ses biens lui sont rendus mais il lui est interdit de ramener Marie Maugendre jusqu’à ce qu’il ait justifié que son premier mari est décédé et qu’il l’a épousée114. Les choses finissent par s’arranger. En 1641, Marie Maugendre, qui sait se rendre indispensable à la Compagnie en envoyant des femmes dans les îles pour les y marier, obtient 200 livres pour repasser aux Antilles115. Il est vraisemblable que ce trafic de filles à marier a excité bien des jalousies et est à l’origine des difficultés de La Verdure. Il semble aussi que Marie Maugendre a sollicité le duc d’Orléans quand elle était en France pour qu’il intervienne116. L’attention donnée à La Verdure par les associés s’explique par le rang de son protecteur. Peuvent-ils refuser quelque chose au frère du roi ? Mais elle trouve peut-être son origine dans les relations complexes nouées entre Richelieu et le duc d’Orléans, faites de tensions et d’appuis intéressés. Albert Anthiaume relève par exemple que le cardinal lui devait d’avoir obtenu le gouvernement de Honfleur en 1626117. Le cardinal se sent-il pour autant son obligé et a-t-il pesé sur les associés de la Compagnie dans le cas de La Verdure ? Il est impossible de le dire. Les associés n’entretiennent pas de relations privilégiées avec le duc dans la mesure où ils sont des proches de Richelieu et qu’il s’oppose à lui, sauf peut-être Claude Mallier du Houssay qui est premier aumônier de la duchesse douairière d’Orléans118.
40Gaston d’Orléans manifeste de l’intérêt pour les îles en plusieurs occasions. Il assiste ainsi à Paris en 1649 au baptême d’un jeune Indien caraïbe venu avec le dominicain Pierre Coliard119. Il est proche de François-Christophe de Lévis-Ventadour, comte de Brion et vice-roi de l’Amérique, qui a été à son service comme premier écuyer120. Le gouverneur de la Martinique, du Parquet, lui adresse au début des années cinquante des idoles précolombiennes pour visiblement enrichir sa collection121. Gaston d’Orléans est, il est vrai, un grand mécène et un collectionneur. Il possède un riche ensemble de cartes et de plans qui se trouve de nos jours à la Bibliothèque nationale de France122. Il est curieux des nouveautés du monde. Étienne de Flacourt lui apporte en 1650 la pervenche de Madagascar123. Cependant, les îles occupent une faible place dans la vie du duc d’Orléans. Il ne les évoque pas dans ses mémoires124.
Après Richelieu
41La conduite des affaires de la Compagnie semble moins retenir l’attention de la monarchie après la mort de Richelieu, ce qui peut laisser craindre aux associés un abandon ou une remise en cause de la politique maritime et coloniale de la France. Certes dans un premier temps, la présence des proches du cardinal aux postes-clefs laisse espérer la continuation de son œuvre. Son neveu Armand de Maillé, duc de Fronsac et marquis de Brézé, qui avait la survivance de la grande-maîtrise et surintendance de la navigation et commerce de France depuis 1636, lui succède alors dans cette charge. Son oncle, le commandeur Amador de La Porte, reçoit le gouvernement du Havre125. Cependant, Maillé-Brézé ne joue pas un grand rôle dans les affaires antillaises. Il ne fait que pourvoir aux charges126. Il est bien plus préoccupé par la guerre sur mer127. Sa victoire à Carthagène le 14 septembre 1643 est dignement célébrée et le roi Louis XIII fait frapper une monnaie pour commémorer l’événement128. Les parents de Richelieu ne durent pas à leur charge. La Porte se démet de son intendance générale de la navigation et commerce de France le 3 mai 1644. Il meurt à Paris, le 31 octobre 1644129. Maillé-Brézé est tué au combat à Ortibello le 14 juin 1646. La charge de grand maître demeure entre les mains d’Anne d’Autriche130.
42Le nouveau contexte politique – la minorité royale –, fait d’incertitudes et de complots n’est assurément pas propice. Le roi Louis XIV est encore un enfant. La régence est une période délicate. La France connaît aussi et surtout la guerre. Tout cela monopolise l’attention du premier ministre, le cardinal Jules Mazarin. Il y emploie toute son énergie et y consacre toutes les finances disponibles du royaume131. Mazarin ne s’intéresse pas beaucoup à cette époque aux colonies et aux compagnies, ni à la marine et au commerce. Ce ne sont pas ses priorités132. Ce n’est que plus tard, dans les années cinquante, une fois le calme revenu, que Mazarin intervient pour financer des compagnies au Levant, à Madagascar et en Guyane. Il soutient la nouvelle Compagnie de la Chine en 1660 et réorganise la Compagnie du Nord en 1657 pour la pêche à la baleine133. Cependant, il ne favorise toujours pas les Antilles. Il préfère donner des gages à l’Angleterre dont il veut se faire un allié dans sa lutte contre les Habsbourg dans l’Atlantique Nord en invitant Olivier Cromwell à investir l’espace antillais alors que la force espagnole décline, sans toutefois se prononcer sur l’avenir des possessions françaises134. Assurément, la politique coloniale de Mazarin est plus complexe qu’il n’y paraît et mériterait des éclaircissements.
43Les entreprises coloniales et commerciales au lointain pâtissent de cette situation. La Compagnie de la Nouvelle-France doit concéder en 1645 son monopole de traite en Amérique du Nord (à l’exception de l’Acadie) à la Communauté des habitants. La Compagnie est finalement dissoute le 24 février 1663135. La situation de la Compagnie des Indes orientales est comparable. À partir 1648, le gouverneur du comptoir de Madagascar, Étienne de Flacourt, ne peut plus compter sur l’aide de la métropole en raison des événements de la Fronde. Il accumule cependant des informations qui seront précieuses pour la reprise de la colonisation sous Colbert136. Les entrepreneurs dieppois ne peuvent compter que sur leurs propres forces après la mort du cardinal de Richelieu pour lutter contre les assauts des puissances et défendre leurs intérêts outre-mer137.
44Les associés de la Compagnie des îles de l’Amérique déplorent d’une façon générale l’attitude de Mazarin. Nicolas Fouquet parle de « l’abandonnement que monsieur le cardinal de Mazarin [a] fait de ces compagnies138 ». Moins direct et plus diplomate, Pierre Chanut souligne un manque d’attention depuis la mort de Richelieu139. Tous les chroniqueurs soulignent que la mort de Richelieu a été préjudiciable à la Compagnie qui a perdu son principal soutien140. Les historiens du xviiie siècle reprennent comme une litanie le peu d’appui du pouvoir durant la minorité royale et la guerre civile141. Ils accablent le pouvoir en place et semblent exonérer les associés de toute responsabilité dans le déclin de la Compagnie. Il convient d’avoir une approche plus mesurée des choses. Il est tout autant caricatural d’attribuer le (prétendu) échec de la Compagnie à son inefficacité dans le commandement comme le fait Jacques de Dampierre142.
45Mais la situation de la Compagnie n’est pas seulement due au peu de considération de Mazarin pour ses affaires. La guerre contre l’Espagne perturbe les liaisons maritimes et commerciales et refroidit les ardeurs des armateurs les plus timorés. François Charpentier ne souligne-t-il pas en 1664 que « le commerce ne saurait être en vigueur que durant la paix, qui est à l’égard d’un État, ce que le repos d’esprit est à l’égard d’un particulier143 » ? Le dominicain Raymond Breton note ainsi que le nouveau prieur du noviciat de Paris, Joseph Roussel, ne répond pas aux lettres des pères des îles durant les trois années de son activité « à cause des troubles survenus à Paris144 ».
46En fait, la monarchie n’a pas totalement abandonné ses colonies. La reine régente Anne d’Autriche accorde quelques attentions aux affaires antillaises. Elle accède aux demandes de la Compagnie en faisant nommer un de ses fidèles, Patrocle de Thoisy, lieutenant général pour le roi dans les îles en 1644145 et en favorisant les projets de développement des missions notamment. Elle appuie Léonor de La Fayolle dans son désir d’accompagner aux îles des jeunes filles de Saint-Joseph pour les marier. La publication en 1644 de la lettre de madame de la Fayolle à mademoiselle de l’Estang racontant son arrivée à la Guadeloupe lui est d’ailleurs dédiée146. Anne d’Autriche reçoit le père capucin Pacifique de Provins qui veut construire des écoles pour les Indiens et invite le gouverneur Charles Houël à lui apporter son appui. Le religieux promet de la tenir informée de sa mission et promet à son protecteur le duc d’Anville de lui « donner une petite heure de divertissement à la lecture » de sa relation de voyage aux îles147. Elle soutient aussi le projet de séminaire pour les missions d’Amérique porté par le duc de Ventadour148. Les Antilles ne figurent pas la seule préoccupation de la reine mère. Elle suit aussi les affaires du Canada149. La dimension religieuse retient plus particulièrement l’attention d’Anne d’Autriche. Au risque d’en oublier les autres.
Notes de bas de page
1 Délibération, le 3/06/1643, p. 474.
2 Délibération, le 15/05/1648, p. 509.
3 Délibération, le 7/03/1640, p. 382.
4 Délibération, le 1/12/1638, p. 346-347 ; Délibération, le 2/12/1637, p. 312 ; Délibération, le 3/12/1636, p. 286.
5 Délibération, le 1/12/1638, p. 347.
6 Délibération, le 7/03/1635, p. 248 ; Délibération, le 5/09/1635, p. 253 ; Délibération, le 2/04/1636, p. 260. C’est d’ailleurs lors de ce dernier déplacement à Dieppe qu’il apprend, probablement de la bouche d’un capitaine revenant des îles, la mort de du Plessis et les desseins belliqueux de L’Olive à l’égard des Indiens.
7 Délibération, le 3/06/1637, p. 293 ; Délibération, le 3/03/1638, p. 323.
8 Délibération, le 3/06/1643, p. 456.
9 Jean Rozée, accaparé vraisemblablement par ses propres affaires, lui donne une procuration le 30 décembre 1638 pour exercer la charge à sa place (Délibération, le 5/01/1639, p. 348).
10 Délibération, le 24/02/1642, p. 423
11 Délibération, le 24/02/1642, p. 421 ; Délibération, le 2/03/1644, p. 465.
12 J.-B. de L’Hermite-Souliers, Inventaire de l’histoire généalogique de la noblesse de Touraine, op. cit., p. 89.
13 Ibid.
14 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 1.
15 J.-B. de L’Hermite-Souliers, Inventaire de l’histoire généalogique de la noblesse de Touraine, op. cit., p. 89.
16 R. Le Blant, « La première compagnie de Miscou, 1635-1645 », RHAF, 17-3, 1963, p. 363.
17 Formation et Statuts de la Cie de Madagascar, 1656, dans A. Malotet, Étienne de Flacourt, op. cit., p. 306.
18 G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 446.
19 Le contrat est passé devant Moufle et Chaussière, notaires au châtelet de Paris le 25 janvier 1642, (Délibération, le 24/02/1642, p. 421). François Dalesse a épousé Denise-Marie Berruyer, la fille de Jacques Berruyer, (J.-B. de L’Hermite-Souliers, Inventaire de l’histoire généalogique de la noblesse de Touraine et pays circonvoisins, Paris, Veuve Alliot et Gilles Alliot, 1669, p. 89).
20 Délibération, le 1/12/1645, p. 496.
21 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 1 ; ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 41.
22 D. Dessert, Fouquet, op. cit., p. 40 et 43-45.
23 Ibid., p. 40 et 128 ; États statistiques de la marine de France 1631-1639, dans Sourdis/C, t. 3, p. 366.
24 « C’était sur mon père seul, tant qu’il a vécu, sur lequel le feu roi, et ce grand ministre, se reposaient de tous les soins et de toutes les affaires de la mer », Fouq/D, t. 3, 1665, p. 349.
25 Fouq/D, t. 3, 1665, p. 350 ; Fouq/D, t. 8, 1666, p. 57.
26 AN, MC, étude LI, 505, IAD de Fr. Fouquet, Paris, le 4/08/1640, item 66 et 67. Il a investi 3 450 livres dans la Cie de la Nouvelle-France. Fouquet poursuit les années suivantes par des acquisitions dans la Cie de Beaupré et îles d’Orléans (en 1638) et dans des compagnies dépendantes (ANF, MC, étude LI, 505, IAD de Fr. Fouquet, Paris, le 4/08/1640, item 68, 71, 72 et 73). Il investit dans la Cie du Sénégal, Cap-Vert et Gambie le 27 janvier 1635 (ANF, MC, étude LI, 505, IAD de Fr. Fouquet, Paris, le 4/08/1640, item 74).
27 AN, MC, étude XXIV, 342, Acte, Paris, le 16/01/1635, cité par D. Dessert, Fouquet, op. cit., p. 128-129.
28 Le contrat final est signé à son domicile rue de Jouy (ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 25).
29 Il en est ainsi de la Lettre de du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 109. Du Parquet la signe d’un « votre très humble et très obéissant serviteur ».
30 BnF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 86r.
31 Vincent de Paul à Jean Becu, Paris, le 2/06/1638, dans Vincent de Paul, Correspondance, entretiens, documents, Paris, Cabalda, t. 1, 1920, p. 480 ; Vincent de Paul à Lambert aux Couteaux, le 1/11/1638 dans Vincent de Paul, Correspondance, op. cit., t. 1, p. 519 ; Fr. Fouquet à Vincent de Paul, le 2/06/1638, citée dans Vincent de Paul, Correspondance, op. cit., t. 1, p. 519, note n° 1. Sur les relations entre Vincent de Paul et François Fouquet voir D. Dessert, Fouquet, op. cit., p. 57 et 372.
32 AN, MC, étude LI, 499, Acte de vente, Paris, le 1er/06/1638, pas de n° de fol. Il a reçu les deux parts que son père tenait de Bardin-Royer.
33 Délibération, le 2/06/1638, p. 326.
34 D. Dessert, Fouquet, op. cit., p. 131 ; Fouq/D, t. 8, 1666, p. 52 ; Ph. Haudrère, L’empire des rois, op. cit., p. 135-136. Jean-Christian Petitfils évalue les participations de Nicolas Fouquet dans les compagnies à 40000 livres (J.-C. Petitfils, Fouquet, op. cit., p. 544). Le directeur du comptoir dans l’île, Étienne de Flacourt, lui rend hommage en lui dédiant son histoire de l’île de Madagascar en 1658 (É. de Flacourt, Histoire de la Grande Isle, op. cit., p. 380 et 392). Le jésuite Pierre Pelleprat lui dédicace sa relation des missions dans les îles en 1655 (P. Pelleprat, Relation, op. cit.).
35 Fouq/D, t. 2, 1665, p. 341.
36 D. Dessert, Fouquet, op. cit., p. 134 ; R. Baudry, « Quelques documents nouveaux sur Nicolas Denys », RHAF, 9-1, 1955, p. 18.
37 Fouq/D, t. 3, 1665, p. 350 ; Fouq/D, t. 2, 1665, p. 342.
38 Ph. P. Boucher, « Comment se forme un ministre colonial. L’initiation de Colbert 1651-1664 », RHAF, 37, n° 3, 1983, p. 435. Neuchèze est son obligé comme il le souligne en 1657 « monsieur le commandeur de Neuchèze me doit le rétablissement de sa fortune » (Projet de Saint-Mandé, dans D. Dessert, Fouquet, op. cit., p. 359).
39 Fouq/D, t. 8, 1666, p. 63-64. Il déboursera pour cela 90 000 livres (Bibliothèque de l’Arsenal, ms 7167, Estat des biens de M. Foucquet au mois de septembre 1661, fol. 172, cité par J.-C. Petitfils, Fouquet, op. cit., p. 542). Feuquières parle de 30 000 écus (Lettre de Feuquières, Fontainebleau, le 5/10/1661, dans G. Marcel, Le surintendant Fouquet, op. cit., p. 7-8).
40 Fouq/D, t. 3, 1665, p. 350-351. Un proche de Fouquet, Pierre Chanut, dit de la même façon qu’il « a rendu souvent compte du progrès de nos colonies audit seigneur cardinal de Richelieu » (BnF, ms fr. 17964, Chanut à Lionne, le 5/09/1648. Pub. dans A. Ojardias, « Un diplomate riomois au xviie siècle », op. cit., p. 186).
41 J.-C. Petitfils, Fouquet, op. cit., p. 96 et suiv. En 1650, Mazarin est certain de la fidélité de Fouquet. Il écrit à son sujet à Le Tellier en 1650 : « il était très important de mettre dans cette place un sujet dont l’affection et la fidélité fussent bien assurés ; et, comme on ne peut douter de celle de monsieur Fouquet […] je le fis pressentir », Mazarin à Le Tellier, Bourg, le 28 septembre/1650, dans Mazarin/L, t. 3, p. 825.
42 Fouq/D, t. 8, 1666, p. 58.
43 Il se détache de la Cie des Indes orientales. Mais il a peu investi dans celle-ci, pas plus de 2 000 livres (D. Dessert, Fouquet, op. cit., p. 133).
44 Il a acquis le 11 juillet 1639 la part de Thomas Morant (Délibération, le 3/08/1639, p. 361).
45 Il est en 1636 commissaire ordinaire de la Marine et sert au Havre. Il reçoit un appointement de 1000 livres (États statistiques de la marine de France 1631-1639, dans Sourdis/C, t. 3, p. 506).
46 J. Bergin, Pouvoir et fortune de Richelieu, op. cit., p. 59.
47 M. de Noyers à Sourdis, Orléans, le 7/02/1637, dans Sourdis/C, t. 1, p. 269 ; Richelieu à Sourdis, Amiens, le 21/10/1636, dans Sourdis/C, t. 1, p. 151.
48 Il conservera son poste à la mort de Richelieu et passera au service de son successeur à la charge de grand maître, le marquis de Maillé-Brezé (J. Bergin, Pouvoir et fortune de Richelieu, op. cit., p. 59).
49 Le contrat est passé devant Richer et Parque, notaires, le 5 décembre 1640 (Délibération, le 12/12/1640, p. 404).
50 Délibération, le 2/12/1637, p. 311 ; Délibération, le 5/09/1635, p. 254.
51 DT/1667, t. 1, p. 443.
52 Délibération, le 2/03/1639, p. 352-353.
53 Du Parquet à Fouquet, Saint-Christophe, le 17/08/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 109.
54 Les associés lisent le 4 août 1645 les dépêches des îles datées du 7 juin (Délibération, le 4/08/1645, p. 493).
55 Jean-Baptiste Dutertre donne un certain nombre de lettres et d’extraits dans son Histoire générale des Antilles. Les lettres remises par les associés à Richelieu ont passé dans les papiers ministériels. On en trouve des copies à la BnF, au MAE et aux AN.
56 S. Marzagalli, « La circulation de l’information et les réseaux marchands à l’époque moderne », dans S. Laurent (éd.), Entre l’État et le marché : l’information et l’intelligence économique en France (xviiie-xxe siècles), Paris, Nouveau Monde éditions, 2010, p. 17.
57 Délibération, le 28/07/1641, p. 417.
58 Délibération, le 7/05/1636, p. 264.
59 Délibération, le 5/01/1639, p. 349.
60 Bret/RF, vp, p. 108-109 et 112-113 ; Délibération, le 1/12/1638, p. 343-345.
61 « Pour satisfaire à ce qu’a désiré ledit sieur de Poincy par ses dernières lettres lui sera envoyé mémoire du temps entemps de la valeur du pétun, facture et prix des marchandises », Délibération, le 6/06/1641, p. 411-412.
62 Chirat à Fouquet, le 8/11/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 114 ; Bonnefoy à Fouquet, le 24/10/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 132.
63 ANOM, F2A13, Instruction donnée par MM. de la Cie des îles de l’Amérique aux commis et écrivains, Paris, le 7/09/1635, p. 85-88.
64 Délibération, le 25/08/1635, p. 251.
65 Délibération, le 7/07/1638, p. 333 ; Délibération, le 14/05/1640, p. 399.
66 Délibération, le 2/03/1639, p. 353.
67 Délibération, le 2/09/1637, p. 305 ; V. Langford Oliver, The History of the Island of Antigua, Londres, Mitchell and Hughes, 1894, t. 1, p. X.
68 Le document est examiné par les associés le 13 septembre 1641 (Délibération, le 13/09/1641, p. 420).
69 Ibid., p. 82-83 et 85.
70 Bouton, p. 85.
71 Délibération, le 2/01/1641, p. 405.
72 PDP, p. 23.
73 Ibid., p. 35.
74 BnF, ms fr 24974, Relation de l’Isle de la Guadeloupe faire par des missionnaires dominicains à leur Général en 1647, c.1647, 172 fol.
75 Délibération, le 24/02/1642, p. 424.
76 J. de Dampierre, Essai sur les sources, op. cit., p. 212.
77 É. Taillemite, Inventaire de la série colonies C8A. Martinique (correspondance à l’arrivée), t. 1, Paris, IN, 1967 ; t. 2, Paris, SEVPEN, 1971 ; t. 3, Paris, Archives nationales, 1984 ; É. Taillemite, Correspondance au départ avec les colonies. Inventaire analytique, t. 1, colonies B1 à37, 1654-1715, Paris, IN, 1983.
78 É. Taillemite, Inventaire de la série colonies C8A. Martinique, op. cit., t. 1, p. 5.
79 Il dit notamment avoir « trouvé l’original de cette lettre [de du Parquet] dans les papiers de feu monsieur le président Fouquet », DT/1667, t. 1, p. 109. Il donne aussi un extrait original du contrat avec les marchands de Dieppe de 1635 signé de Beauvais (en fait un résumé des principales clauses) tiré des papiers de Fouquet (DT/1667, t. 1, p. 69). Les papiers devaient être particulièrement bien ordonnés. François Fouquet est un homme de papiers. Il sait classer et archiver les documents. N’a-t-il pas été chargé en 1635 d’inventorier les papiers de Puylarens, un favori de Gaston d’Orléans, frère du roi ? (D. Dessert, Fouquet, op. cit., p. 44).
80 J. de Dampierre, Essai sur les sources, op. cit., p. 211-213.
81 Fouq/D, t. 8, 1666, p. 55.
82 Délibération, le 2/04/1636, p. 261 ; Délibération, le 22/12/1641, p. 436.
83 Délibération, le 19/02/1640, p. 380 ; Délibération, le 7/03/1640, p. 382.
84 Délibération, le 2/07/1636, p. 273-274.
85 Délibération, le 7/03/1635, p. 249-250 ; ANOM, F2A13, Com. à Meusnier, Paris, le 7/03/1635, p. 82.
86 Délibération, le 7/03/1635, p. 249. Cela n’a pu suffire à couvrir ses frais et le 7 mai 1636, la Compagnie lui accorde 400 livres « pour le voyage qu’il a fait en France […] et pour récompense de ses services » Délibération, le 7/05/1636, p. 267-268.
87 Délibération, le 7/03/1640, p. 381 ; Délibération, le 14/05/1640, p. 398 ; Délibération, le 4/07/1640, p. 403.
88 Délibération, le 7/07/1641, p. 415.
89 DT/1667, t. 1, p. 94 et 98 ; ANOM, F2A13, Com. de capitaine général à L’Olive, Paris, le 2/12/1637, p. 124.
90 DT/1667, t. 1, p. 146.
91 Lettre de cachet, Paris, le 16/02/1645, dans DT/1667, t. 1, p. 256-257 ; Lettre de cachet, Paris, le 10/03/1645, dans DT/1667, t. 1, p. 257.
92 DT/1667, t. 1, p. 238-239 ; Dupuis, p. 70-74.
93 Délibération, le 9/12/1644, p. 474 ; Délibération, le 6/01/1645, p. 476.
94 DT/1667, t. 1, p. 239.
95 Le cardinal adresse plusieurs lettres à ses conseillers lors de la prise de contrôle de Saint-Christophe par les Anglais en 1629 (MAE, France, 10, Richelieu à Châteauneuf, le 9/10/1629, fol. 65 ; MAE, France, 40, Richelieu à Châteauneuf, le 17/10/1629, fol. 29 ; MAE, France, 40, Richelieu à Châteauneuf, le 28/10/1629, fol. 51. Pub. dans Richelieu/L, t. 3, p. 444-447, 450 et suiv. et 454-456).
96 Délibération, le 6/06/1640, p. 401.
97 Poincy, Mémoires envoyés aux seigneurs de la Cie des îles de l’Amérique, Saint-Christophe, le 15/11/1640, dans J. Rennard, Tricentenaire, op. cit., p. 101-113.
98 Délibération, le 2/05/1640, p. 392.
99 Délibération, le 6/06/1640, p. 401.
100 Délibération, le 7/03/1640, p. 382 ; Délibération, le 2/05/1640, p. 393 ; DT/1667, t. 1, p. 188. Il est possible que Poincy ait averti auparavant par courrier la Compagnie de ce projet. Les associés font état lors de la réunion du 7 mars 1640 de plusieurs mémoires envoyés par le commandeur de Malte à Paris qu’ils ont remis au cardinal (Délibération, le 7/03/1640, p. 381-382).
101 ANOM, F2A13, Contrat du rétablissement de la Cie des îles de l’Amérique, Paris, le 12/02/1635, p. 4. La disposition est rappelée dans le nouveau contrat de 1642 (ANOM, F2A13, Contrat entre la Cie et le cardinal, Paris, le 29/01/1642, p. 43).
102 AD 76, TH, reg. 206, Charte-partie, le 4/08/1635. Pub. dans Anth, t. 2, p. 553-554 ; AD 76, TH, Contrat, le 13/12/1638. Pub. dans Anth, t. 2, p. 555. Si on peut penser que le congé de Languillet a pu être concédé en 1634, donc avant le nouveau contrat, le second cas est plus équivoque.
103 C’est l’avis de l’auteur de la relation anonyme connue sous le nom de Relation du gentilhomme écossais vraisemblablement rédigée vers 1659-1660 (Relation des îles de l’Amérique écrite par un gentilhomme écossais, dans Voyageurs anonymes aux Antilles, op. cit., p. 274).
104 AD 76, B, Rapport du capitaine, le 25/05/1649. Pub. dans R. Richard, « À la Tortue et à Saint-Domingue, 1649 », Anuario de estudios americanos, 29, 1972, p. 451).
105 Délibération, le 10/05/1643, p. 453.
106 Cazet prend part aux baux de la ferme générale du convoi de Bordeaux et de la ferme générale des cinq grosses fermes. Il est lié par alliance au financier François Leblanc et est le cousin germain du fermier général Oudart de Gomont (D. Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand siècle, op. cit., p. 250, 253 et 553).
107 Délibération, le 3/03/1645, p. 483.
108 BnF, ms fr. 18593, Apologie pour la défense des habitants de l’isle Sainct Christophle, fol. 398.
109 Délibération, le 26/06/1642, p. 429-430. Une lettre de rémission est une lettre par laquelle le roi accorde son pardon pour un crime ou un délit. Sur les procédures de rémission à l’époque moderne, voir en particulier M. Nassiet, « L’exercice de la rémission et la construction étatique (France, Pays-Bas) », Revue historique, 661, 2012, p. 3-26.
110 Délibération, le 3/03/1638, p. 324. Gallois exerce comme chirurgien à Saint-Christophe (Chev, p. 156).
111 Gallois a mission « de faire rechercher des plantes et autres raretés exquises qui se pourront trouver dans l’île Saint-Christophe », Gaston d’Orléans à La Grange, Paris, le 13/03/1639, cité dans G. Dethan, La vie de Gaston d’Orléans, Paris, Éd. Fallois, 1992, p. 233. Voir aussi P. Gatulle, Gaston d’Orléans, Seyssel, Champ vallon, 2012, p. 279. Gaston d’Orléans (1608 -1660) est un grand amateur de botanique. Il fait réaliser de somptueux jardins dans ses nombreuses résidences. Robert Morison, surintendant des jardins du roi d’Angleterre Charles II, le qualifie « de patron et mécène véritablement royal de tous les botanistes, prince clairvoyant et versé dans l’art botanique » (ibid., p. 267).
112 Délibération, le 4/08/1638, p. 334.
113 Vers 1640, Armand de la Paix et Jean-Baptiste Dutertre obtiennent de La Verdure un terrain que ce dernier avait eu de du Rivage et de Boulanger (Bret/RF, p. 114).
114 Délibération, le 5/10/1639, p. 373.
115 Délibération, le 5/12/1641, p. 431.
116 G. Debien, « Les femmes des premiers colons aux Antilles 1635-1680 », Note d’histoire coloniale, XXIV, 1952, p. 8.
117 Richelieu au duc d’Orléans, le 18/10/1626, citée dans Anth, t. 2, p. 123. Anthiaume émet cependant quelques doutes sur cette lettre et se demande si Honfleur n’a pas été cité en lieu et place du Havre, car c’est justement à cette date que Richelieu obtient le gouvernement du Havre. Il ne tient pas longtemps Honfleur puisque Georges Brancas de Villars apparaît dans la documentation comme gouverneur de la place en 1627 (Anth, t. 2, p. 124).
118 Ch.-L. Richard, Dictionnaire universel dogmatique, canonique, historique, géographique et chronologique des sciences ecclésiastiques, Paris, Jacques Rollin/Charles-Antoine Jombert/Jean-Baptiste-Claude Bauche, 1762, t. 5, p. 208.
119 Bret/A, p. 150 ; DT/1667, t. 1, p. 425.
120 C. Constant, « note », dans N. Goulas, Mémoires de Nicolas Goulas, gentilhomme ordinaire de la chambre du duc d’Orléans, Paris, Renouard/H. Loones, t. 2, 1879, p. 27.
121 DT/1667, t. 2, p. 370. Le bateau malouin qui emporte la précieuse cargaison est saisi par les Espagnols qui en découvrant les idoles accuse le capitaine d’idolâtrie. Il est envoyé devant l’Inquisition. La consultation des lettres de du Parquet adressées au duc qui accompagnaient les idoles innocente le capitaine qui est relâché.
122 Voir Ch. du Bus, Gaston d’Orléans et ses collections topographiques, Paris, IN, 1941, 35 p.
123 L. Allorge, « Le voyage des plantes », dans Le voyage des plantes : le jardin botanique de la Marine 1766-1890, Musée Balaguier de la Seyne-sur-mer, 2008, p. 11. Voir aussi M. Thireau et al., « L’œuvre ichtyologique de Charles Plumier aux Antilles », dans C. Demeulenaere (dir.), Explorations et voyages scientifiques de l’Antiquité à nos jours, Paris, CTHS, 2008, p. 51.
124 Mémoires de Gaston, duc d’Orléans, Paris, Foucault, 1824.
125 M. Vergé-Franceschi, Chronique maritime de la France, op. cit., p. 368-369. Maillé-Brezé a été choisi très tôt par Richelieu. Il l’a formé. Il lui confie le commandement de la flotte du Ponant en remplacement de Sourdis qui vient d’en être relevé. Il est général des galères en 1639 (ACB/D, t. 9, p. 320). Voir aussi R. La Bruyère, La marine de Richelieu. Maillé-Brézé, général des galères, grand amiral (1619-1646), Paris, Plon, 1945 ; É. Taillemite, Dictionnaire des marins français, Paris, Tallandier, 2002.
126 Il donne le 9 septembre 1645 la commission de lieutenant général pour le roi dans les îles à Patrocle de Thoisy (Com. de lieutenant général pour le roi aux îles, Paris, le 9/09/1645, dans DT/1667, t. 1, p. 284-285).
127 Maillé-Brézé à son père, Milly, 1644, dans Lettre inédite du jeune amiral A.-J. de Maillé-Brézé, duc de Fronsac (XVIIe siècle), Angers, Germain et G. Grassin, 1887, p. 13).
128 M. Vergé-Franceschi, Chronique maritime de la France, op. cit., p. 371.
129 Ibid., p. 373.
130 Ibid., p. 374. Anne d’Autriche garde la charge jusqu’en 1650. Elle revient ensuite à César, duc de Vendôme (MDSM/Loix, p. XXVIII ; R. Mousnier, Les institutions de la France, op. cit., t. 2, p. 113).
131 J. Savary, Le parfait négociant, op. cit., liv. 2, p. 121 ; Ph. P. Boucher, Les Nouvelles-Frances, op. cit., p. 50 ; G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 165.
132 Ph. P. Boucher, Les Nouvelles-Frances, op. cit., p. 50 ; Fr. Bluche, Louis XIV, Paris, Pluriel, 1994, p. 55.
133 Ph. P. Boucher, « Comment se forme un ministre colonial… », op. cit., p. 432-433 ; J.-C. Petitfils, Fouquet, op. cit., p. 303. Dès 1653, l’intendant des finances, Jean-Baptiste Colbert, adresse un mémoire à Mazarin dans lequel il préconise de « développer les colonies et les attacher commercialement à la France » (Ph. Boucher, « Comment se forme un ministre colonial… », op. cit., p. 432).
134 Mazarin à de Baas, Fontainebleau, le 8/05/1654, dans Mazarin/L, t. 6, p. 159 ; Mazarin à de Baas, Paris, le 20/05/1654, dans Mazarin/L, t. 6, p. 164.
135 Arrêt du conseil, Paris, le 6/03/1645, dans Édits, … concernant le Canada, op. cit., p. 28-29 ; Délibération de la Cie de la Nouvelle-France, le 24/02/1663, dans Édits, … concernant le Canada, op. cit., p. 30. Voir M. Trudel, La seigneurie des Cent-Associés, op. cit., t. 1, p. 171 et suiv.
136 P. Haudrère, L’empire des rois, op. cit., p. 136-137.
137 Mémoires chronologiques pour servir à l’histoire de Dieppe, t. 1, p. 372.
138 Fouq/D, t. 8, 1666, p. 53 et 59.
139 BnF, ms fr. 17964, Chanut à Lionne, le 5/09/1648, fol. 661v-667. Pub. dans A. Ojardias, « Un diplomate riomois au xviie siècle », op. cit., p. 186.
140 Relation des îles de l’Amérique écrite par un gentilhomme écossais, dans Voyageurs anonymes aux Antilles, op. cit., p. 274.
141 A. F. Prévost, Histoire générale des voyages, Paris, Didot, t. 15, 1759, p. 446.
142 Pour lui, le mauvais secondement des agents de la Compagnie explique en grande partie son échec (J. de Dampierre, Essai sur les sources, op. cit., p. 205).
143 F. Charpentier, Discours d’un fidèle sujet du roy, op. cit., p. 4.
144 Bret/B, p. 182.
145 DT/1667, t. 1, p. 251.
146 Ibid., t. 1, p. 226 ; Madame de la Fayolle à mademoiselle de l’Estang, Saint-Christophe, le 12/12/1643, dans Relation de ce qui s’est passé à l’arrivée des filles de Saint Joseph en l’Amérique, Paris, Pierre Targa, 1644, p. 2.
147 APF, SOCG, 145, Anne d’Autriche à Houël, Fontainebleau, le 11/09/1646, fol. 102 ; PDP, p. 23.
148 Brevet du roi, le 31/03/1646, dans H. Provost, « Établissement du séminaire royal pour les missions d’Amérique », RHAF, 9- 4, 1956, p. 509-510.
149 Anne d’Autriche au Sr. d’Aulnay de Charnisay, Fontainebleau, le 27/09/1645, dans Collection de manuscrits… relatifs à la Nouvelle-France, op. cit., vol. 1, p. 119 ; Lettre d’Anne d’Autriche, Paris, le 13/04/1647, dans Collection de manuscrits… relatifs à la Nouvelle-France, op. cit., vol. 1, p. 125-126.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008