Chapitre 3. Les premières actions de la Compagnie
p. 89-106
Texte intégral
1Les discussions des associés avec la monarchie pour la réorganisation de la Compagnie et la rédaction du contrat qui les lie sont menées parallèlement aux négociations avec les capitaines Charles Liénard de L’Olive et Jean du Plessis pour la fondation d’un nouvel établissement dans une des îles des Petites Antilles. Les associés apportent un soin particulier au montage de l’opération et recherchent des partenaires économique et religieux pour faciliter sa mise en œuvre. L’enjeu est de taille. C’est leur première grande action, elle doit montrer la nouvelle dimension à laquelle ils aspirent. Elle est emblématique de la façon dont ils conçoivent la place que doit occuper la Compagnie dans le processus colonial.
Le contrat avec L’Olive et du Plessis
2Les associés rencontrent L’Olive et du Plessis au début de l’année 1635 à Paris, pour s’entendre sur les modalités de l’entreprise qu’ils envisagent et la nature de leurs commissions. Les deux capitaines leur soumettent une proposition de contrat qui est examiné le 4 février 1635, lors d’une réunion chez Fouquet. Certaines formulations qui ne leur conviennent pas sont rejetées, et peut-être quelques demandes sont-elles même repoussées car il est fait mention de « difficultés » dans le procès-verbal de la délibération, mais nous n’en connaissons malheureusement pas la teneur. Jacques Berruyer et Jean Cavelet du Herteley sont chargés de trouver un terrain d’entente avec L’Olive et du Plessis1. Les associés les reçoivent le 7 février pour les écouter présenter leur projet, mais les négociations achoppent sur certains points et la signature de l’accord est repoussée2. Les discussions reprennent à un rythme soutenu, et le 13 février, les parties s’accordent. Le contrat est porté à tous les associés de la Compagnie pour qu’ils en prennent connaissance et donnent leur accord3. Le 14 février, le contrat final est signé au domicile de François Fouquet par Berruyer, L’Olive et du Plessis. Les difficultés auront finalement été rapidement surmontées puisque l’affaire se conclut en dix jours. Toutes les parties tenaient assurément à réaliser cet accord4.
Les termes du contrat
3Le contrat est assez déséquilibré car la Compagnie s’engage peu tandis que les obligations des capitaines sont nombreuses.
4La Compagnie confie à L’Olive et du Plessis le commandement de l’une des îles qu’ils escomptent conquérir pour dix ans. La Guadeloupe, la Martinique et la Dominique sont mentionnées mais ils peuvent prétendre à une autre île entre le quinzième et le dix-septième degré. La conquête de plusieurs îles est même évoquée. En ce cas, il reviendra à chaque capitaine d’en commander une5. La Compagnie leur attribue 5 000 livres pour soutenir leur entreprise, dont 2 000 livres comptant sous huitaine et 3 000 livres en armes, mais elle « ne sera tenue d’aucune autre chose audits sieurs L’Olive et du Plessis ». Les 2 000 livres leur seront effectivement versés au moment de la signature du contrat, contrairement à ce qu’en dit le dominicain Dutertre. Le 14 février 1635, L’Olive et du Plessis confessent en effet « avoir reçu comptant de Jean Cavelet, écuyer, sieur du Herteley, l’un des dits associés et ayant charge pour la dite Compagnie, demeurant au Havre-de-Grâce, […] ladite somme de deux mille livres6 ». Ce sont les seuls engagements fermes de la Compagnie envers les deux capitaines. Elle ne promet rien au-delà de dix ans. La reconduction du contrat n’est pas évoquée7.
5L’Olive et du Plessis doivent de leur côté peupler, défendre et développer l’île qu’ils auront choisi d’habiter. La question du peuplement est le point le plus important du contrat. Elle occupe près de la moitié des articles. Les capitaines doivent faire venir 900 hommes en dix ans selon un calendrier précis, à savoir : 200 la première année, 100 durant les cinq années suivantes (soit un total de 500) et enfin 50 durant les quatre dernières années du contrat (soit 200 de plus). Les hommes que la Compagnie fera passer dans l’île de sa propre autorité, les clercs, les commis de la Compagnie, les serviteurs exemptés, les femmes et les enfants de moins de seize ans ne seront pas compris dans ce nombre. Tous ceux qui passeront aux îles s’engageront à rester au moins trois ans. La Compagnie espère qu’au terme des dix années écoulées la colonie s’établira à hauteur de 800 hommes, sans compter les femmes, les enfants, les religieux et prêtres séculiers et leurs serviteurs. La Compagnie, très attentive à l’encadrement spirituel de la colonie, impose aux capitaines de pourvoir à l’entretien des quatre religieux qu’elle nommera8. Le second souci de la Compagnie est d’assurer la défense de l’île qui sera conquise. Ainsi, les capitaines devront-ils bâtir des défenses pour assurer la « conservation des Français et la sûreté du commerce ». Un fort devra être édifié la première année et un second l’année suivante. Ils devront aussi construire des magasins pour la Compagnie. Ils payeront les officiers9. La Compagnie tente d’orienter la production. L’Olive et du Plessis devront favoriser les vivres, le sucre et le coton, et la culture du pétun sera limitée pour être de qualité10.
6La Compagnie se réserve de nombreux droits. Les droits d’entrée des deux cents premiers hommes sont portés à 1 000 livres. Les droits personnels qui devront lui être acquittés durant les cinq premières années seront de 60 livres par homme les années où il se fait du pétun et de 40 livres de coton les autres années, puis seront portées respectivement à 100 et 50 livres. Elle percevra un droit d’un dixième lors des mutations et ventes de terres et d’un dixième sur marchandises produites dans l’île. Elle recevra les deux tiers des mines découvertes et exploitées, la part du roi déduite. Enfin, elle se fera porter sans fret la marchandise qui lui appartient sur les navires appartenant aux deux capitaines dans la limite d’un dixième de la cargaison11.
7La Compagnie établit deux autres documents pour encadrer l’action des capitaines aux îles : une commission, le 27 février 1635, et une instruction, une semaine plus tard, le 7 mars 163512. Les deux documents reprennent les différents éléments du contrat. La commission est le document officiel qui atteste de la délégation de pouvoir de la part de la Compagnie aux deux capitaines. Elle insiste sur le caractère conjoint du gouvernement qu’elle leur confie, au cas bien entendu où ils ne conquièrent qu’une seule île. L’instruction livre par le menu leurs tâches, leurs pouvoirs et leurs obligations envers elle. Il s’agit pour la Compagnie de ne pas leur laisser trop de latitude. L’époque de d’Esnambuc est passée. Les capitaines généraux doivent être, selon elle, plus soumis à ses exigences.
Le contrôle de la Compagnie
8La Compagnie non seulement fixe les grandes missions des deux capitaines mais encore encadre leur action, notamment en matière de peuplement et de culture, en leur donnant un calendrier. La culture du pétun ne doit se faire, elle, qu’une année sur deux13. Ils ne sont pas libres d’entreprendre les choses comme ils l’entendent. La Compagnie entend que ses directives soient suivies. Le commis et les deux écrivains qu’elle envoie avec L’Olive et du Plessis en 1635 sont chargés de veiller au respect des engagements pris. Ils doivent notamment relever les noms des personnes qui arrivent afin de s’assurer du bon peuplement du nouvel établissement14. Il est clairement spécifié que « commis et écrivains tiendront la main à ce que les articles accordés par la Compagnie auxdits sieurs de L’Olive et du Plessis soient correctement exécutés, et en cas de défaut, seront obligés d’en donner avis aux directeurs de la Compagnie15 ». Ils doivent siéger au conseil de l’île et tenir un registre des délibérations16. La Compagnie charge l’écrivain Luc Meusnier de revenir au plus tôt en France rendre compte de la façon dont s’est passée l’installation17.
9Les associés se méfient peut-être un peu L’Olive et du Plessis car ils savent d’expérience que les capitaines sont parfois difficiles à manœuvrer. L’exemple de Roissey et d’Esnambuc nourrit leurs craintes. Nous ne savons pas l’impression que L’Olive et du Plessis ont laissée aux associés mais le fait que du Plessis parte avec sa femme et ses enfants a pu être apprécié comme un signe d’investissement personnel18. Il est d’un caractère posé, il est l’élément tempéré du projet, propre à apaiser les tensions et les rancœurs. Le père Raymond Breton, qui l’a connu, trace le portrait d’un homme de bien et fort pieux. Le dominicain Mathias Dupuis parle d’un bel esprit avantagé d’une rare éloquence. Dutertre évoque son esprit doux et son solide jugement19. Du Plessis bénéficie dans les chroniques de nombreuses louanges, comme pour mieux faire surgir le contraste avec L’Olive. Le propos est donc à manier avec prudence. L’Olive est plus sanguin20. Il a une certaine bonté naturelle, mais il n’est pas constant, il se range facilement à l’avis d’autrui, et se laisse entraîner. Il se montre parfois entêté. Il convient de le canaliser.
La Compagnie et les marchands de Dieppe
10Le contrat signé entre les associés et L’Olive et du Plessis n’est qu’un des volets de l’entreprise de colonisation d’une île nouvelle. Il est complété d’un accord avec un groupe de marchands dieppois qui désirent investir.
La recherche d’une association avec des marchands
11Il est vraisemblable que l’idée d’associer des marchands au projet de colonisation d’une île des Antilles vient des deux capitaines qui savent qu’ils ont besoin d’un financement particulier pour réussir leur affaire. Quand ils sont à Dieppe à la fin de l’année 1634, ils ont pu consulter quelques marchands pour recueillir leur avis. Il n’existe cependant aucun document qui permette de connaître ces éventuels contacts21. Le rôle important dévolu à ces marchands dans la colonisation a conduit Charles de Rochefort à écrire que les premiers Français qui abordèrent la Guadeloupe le firent pour leur compte et que L’Olive et du Plessis furent envoyés par eux22. Le propos est erroné. Les délibérations et les contrats attestent que L’Olive et du Plessis sont bien envoyés avec une commission de la Compagnie et agissent en son nom.
12Les associés acceptent certainement le principe d’une participation des marchands de Dieppe, car ils réalisent l’intérêt d’une telle entente. D’une part, les marchands dieppois peuvent donner un appui certain à l’entreprise. Les engagements pris par L’Olive et du Plessis n’ont pas levé toutes leurs inquiétudes. Une aide supplémentaire serait bienvenue. D’autre part, ils offrent des garanties. Dieppe occupe une place importante dans le paysage maritime français, et représente avec Le Havre les deux tiers du tonnage normand23. Les Dieppois sont impliqués dans le commerce transatlantique depuis qu’ils ont été chassés des Moluques qu’ils fréquentaient assidûment au xvie siècle24. Ils arment des navires pour les îles pour courir sus à l’Espagnol notamment vers Saint-Domingue. Ils sont aussi très présents dans les affaires du Canada25. Ils permettent ainsi aux associés de concentrer leur attention sur Saint-Christophe. La Compagnie des îles de l’Amérique sous-traite ainsi en quelque sorte la colonisation d’une île. Cette pratique ne semble pas totalement nouvelle. En effet en 1629, Jean Cavelet du Herteley a signé avec un groupe de marchands du Havre (Nicolas Bunoche, Jean de la Roche, Jean Cramollet, Charles Dubosc, François Rolland, Pierre Aubourg et Pierre Frémont), un accord pour faire passer à leurs frais quarante hommes à Saint-Christophe pour y cultiver du pétun26. Ces marchands étaient des habitués des affaires antillaises et connaissaient bien d’Esnambuc. Ils avaient participé à l’armement de l’Espérance en 162327. Cependant, ces ententes demeurent limitées avant 1635 et ne s’accompagnent pas de délégation de monopole. Le fait de confier par contrat une île aux marchands de Dieppe relève davantage de la logique des compagnies sous contractantes développée en Amérique du Nord à partir de 1632 par la Compagnie de la Nouvelle-France. À cette époque en effet, cette dernière, confrontée à de nombreuses difficultés, propose à ses associés qui n’ont pas vu le moindre bénéfice et témoignent de leur impatience, de mettre en valeur certains territoires en formant des compagnies28.
13L’entente avec les marchands de Dieppe possède d’autres vertus aux yeux des associés de la Compagnie des îles de l’Amérique. Elle leur permet de renforcer leurs liens avec le milieu marchand. Ils pensent vraisemblablement qu’en leur faisant une place dans leur projet colonial, ils pourront profiter de leur expertise. Ils envisagent peut-être aussi de développer leur activité à Dieppe et de favoriser leur implantation dans les ports de Normandie. D’ailleurs au mois de mars 1635, avant même la signature du contrat avec les marchands de Dieppe, la Compagnie nomme un receveur à Dieppe29. Les dix marchands qui s’associent pour négocier avec la Compagnie sont : Alexandre Sores, Mathurin de La Mare, Jacques Mel le Jeune, Jacques Faulcon le Jeune, Jacques Simon, sieur de La Hèvre, Nicolas Coupplier, François Caursois, Jacques de Genteville, Pierre Pollet et Salomon Faulcon30. Mais sont-ils au fait des affaires coloniales ? Ont-ils une expérience du commerce au lointain ?
Carte 4. Les implantations de la Compagnie en 1635.

14Nous avons peu de renseignements sur ces hommes mais il apparaît que plusieurs d’entre eux jouent un rôle important au sein de la communauté protestante dieppoise. Salomon Faulcon appartient à une vieille famille de la ville. Plusieurs chroniques dieppoises de la seconde moitié du xviie siècle indiquent que Jacques Faulcon l’aîné est un des membres de la délégation des protestants de la ville qui demande en 1620 la participation de ses coreligionnaires à l’élection des échevins. Jacques Faulcon le Jeune se rend auprès du roi Louis XIII mandaté par la communauté dieppoise pour se plaindre du montant des taxes exigées par le duc de Longueville31. La famille Mel anime la vie religieuse dieppoise. La maison de Jean Mel sert de lieu de culte des réformés notamment durant le siège de Dieppe en 158932. Un autre Jean Mel, écuyer celui-là, est député en 1635 auprès du roi pour demander la restitution des armes aux protestants pour lutter contre les Espagnols. Il est mandaté en 1637 par le consistoire pour porter des protestations au synode national33. Michel Mel, sieur d’Estrimont, offre en 1600 un champ pour bâtir un temple34. Quant à Jacques Simon, il s’agit peut-être du neveu de François Simon, ministre des États et dont le grand-père, Jean Simon, était marchand de laine à Rouen35. Il est probable, quand on sait le rôle structurant des solidarités confessionnelles à cette époque, que la plupart des marchands du groupe intéressé aux affaires des Antilles soient protestants.
15Les Faulcon sont particulièrement impliqués dans le commerce maritime. En 1628, Jacques Faulcon assure la garde des navires empêchés par les Cent-Associés de se rendre en Nouvelle-France. Il doit attester le 9 mai 1628 qu’ils ne contiennent que des marchandises pour la pêche36. Salomon Faulcon dispose de nombreux bateaux, il rappelle aux directeurs de la Compagnie le 5 mars 1636, que les navires qui vont aux îles lui appartiennent, mais peut-être s’exprime-t-il au nom des marchands37. Il mène les négociations avec les associés et les représente auprès d’eux. Jacques Mel n’ignore rien du commerce transatlantique. Il a fréquenté les îles du Cap-Vert et la côte de Gambie comme capitaine de navire. Ses affaires sont dans un triste état et en 1632, il est poursuivi par ses créanciers38. Ils cherchent certainement à s’établir aux Antilles car pour diversifier leurs affaires.
16Mais un autre élément a peut-être été décisif dans le rapprochement entre ces marchands dieppois et les associés de la Compagnie. Il apparaît en effet qu’Alexandre Sores est receveur du cardinal de Richelieu à Dieppe depuis au moins 1631. Il est chargé par l’inspecteur des ports, Infreville, de l’inventaire des débris d’un vaisseau du roi la Damoiselle39. N’aurait-il pas facilité les rapprochements entre les partis en jouant un rôle assez proche de celui de Cavelet du Herteley une dizaine d’années plus tôt au Havre ? Le cardinal est-il intervenu personnellement dans cette affaire ?
Les accords de 1635
17Des contacts plus ou moins formels entre les marchands et les associés ont vraisemblablement permis de trouver au début de l’année 1635 un terrain d’entente et d’élaborer un premier projet d’accord. La négociation finale est prévue à Paris le 18 avril 1635. La Compagnie charge Berruyer et Martin de Maunoy de les mener en son nom. Le 14 avril 1635, les marchands de Dieppe mandatent Salomon Faulcon pour les représenter40. Le 18 avril 1635, Martin, Berruyer et Faulcon se retrouvent à Paris. Le capitaine Jean du Plessis participe aussi en tant qu’observateur à la réunion car il est aussi intéressé à l’affaire41. Deux contrats sont ainsi signés entre les marchands et les associés, l’un le 18 avril 1635 et l’autre le 24 juin 163542.
18Les termes du contrat du 18 avril 1635 sont relativement simples. La Compagnie confie aux marchands de Dieppe le soin de réaliser les engagements qu’elle a pris envers la monarchie en échange d’une partie des privilèges qui lui ont été concédés. Ainsi, les marchands sont-ils chargés du peuplement de l’île que les deux capitaines L’Olive et du Plessis se sont proposés de conquérir. Ils doivent y faire passer 2 500 Français en six ans. La Compagnie se décharge ainsi presque intégralement sur les marchands de la question du peuplement des îles. Elle avait promis au roi de faire passer au total 4 000 hommes, en comptant les habitants déjà présents à Saint-Christophe. Il ne lui reste donc plus qu’à faire passer en propre quelques centaines de Français pour honorer sa part du contrat avec la monarchie. Les conditions qui sont faites aux Français qui s’établiront dans l’île sont celles évoquées dans le contrat signé avec L’Olive et du Plessis. Ils devront rester dans l’île trois ans et ne paieront chacun 60 livres de pétun à la Compagnie pendant six ans par an et 10 % des fruits de la terre et des marchandises chacun, et seulement 40 livres de coton et 10 % des fruits les années où il ne sera pas fait de pétun. Ils recevront des terres en toute propriété, mais elles reviendront à la Compagnie si elles ne sont pas travaillées pendant deux ans. Ils devront en outre verser 20 livres de pétun ou de coton aux marchands pour la traversée. Les marchands devront aussi satisfaire à quelques obligations envers la Compagnie. Ils devront prendre à bord de chaque navire trois personnes qu’elle a désignées et lui réserver un onzième du tonnage du navire pour ses marchandises, le tout sans frais, ni pour les hommes ni pour le fret43.
19Les marchands reçoivent le monopole du commerce de la Guadeloupe pour huit ans, jusqu’au 1er mai 1643, « ainsi que sa majesté l’a accordé à ladite Compagnie ». Ils sont assurés de voir les contrevenants poursuivis de la même façon que s’ils avaient directement remis en cause le privilège de la Compagnie. La Compagnie des îles de l’Amérique se réserve cependant le droit de récupérer son monopole contre le versement d’une indemnité de 100 000 livres44. Le contrat évoque ensuite les cas de force majeure qui peuvent empêcher d’honorer certaines clauses de celui-ci comme le naufrage, la prise des navires et le décès des engagés avant leur arrivée aux îles. Les marchands disposeront alors d’une année supplémentaire pour acheminer les 2 500 Français45. Le contrat est signé par Faulcon, du Plessis et Martin de Maunoy le 18 avril 1635. Berruyer n’assiste probablement pas aux derniers échanges puisqu’il ne signe le contrat chez maître Jérôme Cousinet, le notaire habituel de la Compagnie, que le mois suivant, le 10 mai 163546. Ce contrat ne se substitue pas à celui qui a été signé en février entre la Compagnie et L’Olive et du Plessis, il le complète. La Compagnie garde la maîtrise de la colonisation car elle détient un privilège royal, mais elle en délègue l’exécution aux marchands de Dieppe qui disposeront sur place de commis pour conduire leurs affaires. L’Olive et du Plessis commanderont de leur côté les hommes et organiseront la vie de la colonie. Les accords signés sont communiqués aux différents partenaires. Martin de Maunoy remet à Salomon Faulcon le texte du traité signé entre la Compagnie et les deux capitaines, tandis que du Plessis signe le traité convenu entre la Compagnie et les marchands de Dieppe47.
20De retour à Dieppe, Faulcon rend compte de sa mission à ses collègues, mais il doit affronter de vives critiques de leur part. Ils lui reprochent en effet d’avoir fait trop de concessions et redoutent une dépense excessive « qui serait capable de les ruiner ». Il a pour eux outrepassé son mandat. La déclaration de guerre de la France à l’Espagne les inquiète fortement. Ils craignent le pire48. Le 18 juin 1635, ils donnent une procuration à Mathurin de La Mare, Jacques Faulcon le Jeune, Jacques Simon et Alexandre Sores pour renégocier le contrat avec les directeurs de la Compagnie49. Mais ceux-ci refusent de revenir sur ce qui a été signé. Ils balaient les arguments avancés par les marchands de Dieppe. Pour eux, Salomon Faulcon avait une procuration générale qui lui permettait de s’engager comme il l’a fait. Par ailleurs, ils rappellent aux marchands de Dieppe que l’état de guerre est perpétuel dans les îles et n’a pas attendu la déclaration de guerre. L’échange est houleux. Les représentants des marchands répliquent au contraire que les risques ont décuplé et qu’ils redoutent désormais les attaques des corsaires dunkerquois dans la Manche. Les directeurs demeurent inflexibles et en appellent au respect du droit. Le contrat signé doit être exécuté. Cependant, ils consentent à certains aménagements afin de ménager leurs partenaires. Ils promettent ainsi d’étendre jusqu’au 14 février 1645 le droit de traite concédé aux marchands. Par ailleurs, le fret supplémentaire que la Compagnie fera porter par leurs navires conduira à l’acquittement d’un droit à hauteur d’un huitième des marchandises transportées (soit 12,5 %) et non de 8 % comme il était stipulé dans le contrat précédent50. Les marchands acceptent le compromis. Le nouveau contrat est signé le 24 juin 1635 au domicile de François Fouquet. Cela pourrait montrer que Fouquet s’est saisi en partie du dossier pour qu’il soit traité au plus haut niveau et avec le plus de solennité possible. Les deux contrats du 18 avril et du 24 juin sont lus et approuvés lors de l’assemblée générale de la Compagnie le 5 décembre 163551.
Les vicissitudes d’un accord
21Les délibérations de la Compagnie montrent que les relations entre les associés et les marchands de Dieppe deviennent très rapidement tendues, et que l’implication d’un nouveau partenaire dans le processus de colonisation, si elle était désirée et souhaitée, ne débouche pas sur les succès escomptés.
22Les premières difficultés surgissent au début de l’année 1636, quand les marchands normands, inquiets du coût de l’entreprise dans laquelle ils se sont engagés, désirent que la Compagnie participe financièrement aux opérations d’embarquement. Les associés réunis pour l’occasion chez Fouquet ce 5 mars 1636 apprécient modérément la requête et remettent leur décision à plus tard. Les accrocs se répètent. Salomon Faulcon avoue aux associés qu’il ne pourra pas prendre les quatre tonneaux et les trois hommes de la Compagnie sur le bateau qu’il affrète à Dieppe, car il est plein. L’argument dénote une certaine mauvaise volonté car les marchands savent bien leurs obligations. Les associés ne veulent pas poursuivre la querelle et se montrent sur ce point compréhensifs, mais ils réclament que Faulcon passe les hommes et les marchandises promis sur un prochain bateau. Ils ne se contentent pas de vagues promesses sur ce sujet et exigent un accord écrit. Personne ne veut la rupture. Chacun espère encore la réussite de l’entreprise. Les marchands escomptent, comme le souligne Salomon Faulcon, « retirer des profits plus grands et plus prompts de la dite île52 ». Dans cet esprit, Faulcon attire l’attention de la Compagnie sur la vulnérabilité de l’établissement de la Guadeloupe face à d’éventuelles attaques ennemies. Les associés y envoient aussitôt des armes et des munitions. Ils s’empressent d’apaiser les tensions entre L’Olive et les marchands de Dieppe en l’invitant à les satisfaire et à bien accueillir leur commis. Mais les associés ne veulent pas pour autant voir leurs intérêts compromis et restent ferme sur le fond.
23Les marchands honorent en partie leur contrat, du moins dans un premier temps. Ils financent l’expédition de L’Olive et du Plessis en 163553. Ils affrètent quelques mois plus tard le navire du capitaine Labbé. Il arrive à la Guadeloupe le 16 septembre 1635 avec cent quarante colons et des vivres pour un mois54. Le 5 mars 1636, ils tiennent un bateau prêt à partir pour la Guadeloupe avec des vivres et des manœuvriers55. En février 1637, ils préparent un autre bateau. Les associés insistent à cette occasion auprès de Salomon Faulcon pour qu’il satisfasse aux bonnes conditions de traversée des capucins56. Jacques Mel s’engage pour sa part à fournir à la Guadeloupe quatre canons et des balles le 19 mai 163557. La Compagnie fait respecter le monopole qu’elle a concédé aux marchands de Dieppe en spécifiant aux capitaines qui vont aux îles qu’ils ne peuvent aller à la Guadeloupe58.
24Mais en 1638, la Compagnie ne peut que constater les manquements des marchands. Elle les menace le 7 juillet 1638 d’engager des poursuites s’ils ne satisfont pas à leurs obligations59. Les délibérations de la Compagnie n’abordent pas le fond de l’affaire, mais il doit être question du peuplement de la Guadeloupe. En effet, les engagés ne sont pas nombreux. L’Olive reproche ouvertement aux marchands de ne pas lui envoyer suffisamment d’hommes. Il est cependant difficile de vérifier d’une quelconque façon le nombre de personnes embarquées en l’absence d’archives à Dieppe pour cette époque. L’Olive en est réduit pour avoir suffisamment de main-d’œuvre pour faire les vivres à prolonger les contrats des engagés. Il saisit aussi les hommes envoyés à un particulier, Sovilard dit La Mare. Ce dernier se jugeant spolié se plaint à la Compagnie60. Les associés interviennent auprès des deux partis afin de ramener tout le monde à la raison. Ils rappellent aux marchands de Dieppe leurs obligations le 6 octobre 1638. Le ton se veut ferme. Ils menacent de leur demander des dédommagements. Ils chargent leur commis à la Guadeloupe, Volery, de transmettre à L’Olive une sommation pour qu’il remette les hommes qu’il a pris à La Mare. Les associés ne sont pas satisfaits de son action et le rendent pour une bonne part responsable de l’état de l’île. Ils l’invitent à respecter lui aussi le contrat qu’il a signé61. Le dominicain Raymond Breton, qui est alors à la Guadeloupe au côté de L’Olive et qui recueille ses confidences, souligne les manquements des marchands et rapporte qu’il ne satisfait pas au contrat en ne leur fournissant pas les produits attendus62. La situation ne s’améliore guère et le 6 avril 1639, la Compagnie prévient à nouveau les marchands de Dieppe qu’elle va saisir la justice. Elle tente cependant de trouver un dernier arrangement afin d’éviter un procès. Le 1er juillet 1639, elle croit encore pouvoir négocier avec eux pour faire avancer la colonisation de la Guadeloupe63. Mais les discussions n’arrivent pas à débloquer la situation malgré une évidente bonne volonté des associés. Les marchands expliquent à Jean Rozée, l’un des associés de la Compagnie, qu’ils estiment avoir rempli en grande partie leur contrat et disent réfléchir à des propositions pour arranger le reste. Ils promettent de venir à Paris pour s’en expliquer. Cependant, ils ne prendront jamais la peine de se déplacer malgré les nombreuses sollicitations. Le 7 septembre 1639, la rupture est consommée. La Compagnie dépose un recours devant le juge de la table de marbre du palais à Paris64. Le contrat est rompu en 1640. La délibération du 4 avril 1640 mentionne ainsi « le désistement des sieurs Faulcon, Lamare et autres marchands de la ville de Dieppe, par traité avec la Compagnie desquels ils se sont départis65 ».
25Les marchands de Dieppe participent à une dernière opération le 6 juin 1640 en fournissant cent mousquets et bandoulières pour la Guadeloupe sur les navires affrétés par la Compagnie qui s’apprêtent à partir de Dieppe66. Il est probable que l’envoi a été programmé de longue date. Mais le contentieux avec la Compagnie demeure. Les marchands de Dieppe doivent aussi rendre des comptes à L’Olive. Sa veuve leur intente finalement à son tour un procès67.
26Les réticences des marchands et leur mésentente avec L’Olive n’ont pas permis la mise en valeur de la Guadeloupe. La Compagnie des îles de l’Amérique se retrouve à nouveau seule pour conduire la colonisation des Antilles. Cette désillusion ne conduit pas les marchands de Dieppe à se désintéresser au commerce colonial puisque nous retrouvons Jacques Mel comme actionnaire de la Compagnie française de l’Orient en 1642 pour un huitième68.
La réorientation du choix missionnaire
27La colonisation d’une île nouvelle des Antilles conduit tout naturellement les associés à rechercher des religieux. Richelieu s’investit personnellement dans cette affaire en imposant les dominicains du faubourg Saint-Germain, d’où leur surnom de jacobins. Il demande au pape un bref qui établisse leur mission69. Le choix du cardinal est singulier et demande à être éclairci. En effet, jusque-là, ce sont les capucins de Normandie qui ont présidé aux destinées des Français à Saint-Christophe. Ils avaient été choisis par d’Esnambuc, qui en bon Normand, avait privilégié les pères de sa province70. Les capucins ont été d’une façon générale très sollicités pour les missions américaines, que ce soit en Guyane ou en Acadie, et ont reçu l’appui de la monarchie71. C’est Louis XIII qui, ayant eu écho de la mission des pères Alexis de Saint-Lô et Bernardin de Renoüard au Cap-Vert, sollicite le 30 septembre 1635 le supérieur de la province de Normandie pour envoyer de nouveaux religieux en Afrique. Le 4 janvier 1636, il charge le comte de Noailles de demander au pape les facultés pour les missionnaires du Cap-Vert et de Saint-Christophe. Le dicastère romain chargé des missions, la Congrégation de la Propagande de la Foi, autorise les capucins de Normandie à entreprendre des missions en Asie, en Afrique, et en Amérique72. Le conseiller du cardinal, le père Joseph du Tremblay, la fameuse « éminence grise », lui-même capucin et préfet des missions pour son ordre, a peut-être joué aussi un rôle à ce titre, quoiqu’il se soucie surtout des missions au Proche Orient73. Les calculs politiques et diplomatiques ne sont pas à dédaigner. Le père Joseph est d’ailleurs accusé d’user des capucins pour servir les intérêts du roi74. Le recours aux dominicains en 1635 apparaît comme une nouveauté mais signifie-t-il pour autant un changement d’orientation de la mission par le pouvoir ?
Richelieu et les jacobins du noviciat
28L’intervention de Richelieu dans le choix des missionnaires est éminemment politique. Ils sont à ses yeux l’un des piliers de la colonisation. Ils apportent l’encadrement spirituel nécessaire aux colons et accomplissent la tâche d’évangélisation qui fonde la conquête des îles. Richelieu veut des religieux sur lesquels il puisse compter et à qui donner sa confiance. Dans cette optique, il s’immisce dans les affaires internes des ordres en France. Ainsi, en 1638, à la mort du père Joseph, entend-il imposer comme préfet des missions des capucins le père Hyacinthe de Paris75.
29L’attention de Richelieu pour les dominicains vient certainement du fait qu’il s’agit d’un ordre dont il a soutenu personnellement le mouvement de réforme amorcé par Sébastien Michaelis. Il a sa part dans le rassemblement au faubourg Saint-Jacques des religieux qui aspirent à une plus grande perfection sous la conduite du père Jean-Baptiste Carré76. Mathias Dupuis établit pour sa part un lien entre la fondation du noviciat et l’envoi des missionnaires dominicains, comme s’il s’était agit d’un plan concerté pour aider à l’évangélisation des îles77. Cette attention du cardinal pour l’ordre de saint Dominique donne lieu quelques décennies plus tard à un panégyrique du père André Chevillard dans lequel il raconte qu’il se serait adressé les larmes aux yeux, aux pères dominicains pour louer leur mission : « O que vous êtes heureux ! mes pères, de ce qu’il plaît à la divine bonté vous appeler les premiers dans une contrée d’infidélité pour la conversion des pauvres gentils78. » Le choix de l’ordre étant fait, il reste aux associés à s’entendre avec le père Carré sur les conditions matérielles de la mission. François Fouquet est chargé par la Compagnie de s’entendre avec lui. Le 7 mars 1635, 400 livres sont provisionnées pour couvrir les frais de voyage à Dieppe des pères qui partiront aux îles et l’achat d’ornements d’Église79. Le père Carré constitue la première mission composée de Pierre Pélican, qui en est le supérieur, Nicolas Breschet, Raymond Breton et Pierre Griffon de la Croix80. La mission est approuvée par la Propagande de la Foi. Le pape Urbain VIII concède le 12 juillet 1635 les privilèges aux quatre dominicains pour dix ans81.
30Les capucins ne sont cependant pas écartés de la mission aux Antilles en 1635. Ils demeurent à Saint-Christophe, les dominicains ne sont prévus que pour la Guadeloupe, ils n’entrent donc pas en concurrence. Par ailleurs, la Compagnie continue de demander tout au long de la décennie des missionnaires capucins pour poursuivre la mission. Elle promet à d’Esnambuc quatre pères le 5 décembre 1635 pour Saint-Christophe. Six religieux partiront finalement durant l’été 163682. La monarchie assure la mission des capucins de son soutien en 163683. Les capucins ont encore un grand rôle à jouer ne serait-ce que parce que le père Carré n’entend pas développer la présence des dominicains aux îles.
31Y a-t-il une discussion entre Richelieu et les associés à propos du choix des missionnaires ? Des désaccords ont-ils vu le jour ? Il est difficile de répondre sur ces points. Mais le cardinal a eu la sagesse d’introduire les dominicains aux Antilles à la faveur de l’exploration d’une île nouvelle afin de ne pas provoquer de conflit au sein de la Compagnie.
Les réticences du père Carré
32Il n’est pas dit que le père Carré ait spécialement goûté l’annonce du cardinal. Il ne peut cacher sa perplexité. Il craint que sa maison ne puisse assumer cette tâche, rapporte Raymond Breton84. Il faut certainement comprendre que la fondation du noviciat de la rue Saint-Jacques étant récente, les effectifs sont peu nombreux et qu’il y a peu de novices (ils sont deux ou trois seulement selon Breton). Carré juge que tous les hommes du noviciat de la rue Saint-Jacques lui sont nécessaires. Par ailleurs, la vocation du noviciat est l’observance et la recherche de la perfection. La mission n’est pas pour lui un objectif prioritaire. Mais il ne peut résister à son puissant protecteur et doit se résoudre à envoyer des pères aux Antilles85. Il tente cependant de ménager les intérêts du noviciat en intervenant dans le processus de désignation des missionnaires. Ainsi modifie-t-il la composition de la première mission (Dominique Gardes, Nicolas Brechet, Vincent Michel et Raymond Breton) car le tirage au sort effectué après l’office ne lui convient pas. Pierre Pélican remplace ainsi Dominique Gardes et Griffon de la Paix, Vincent Michel. Les deux religieux lui semblent trop prometteurs pour son ordre pour être ainsi envoyés à l’aventure86. Carré obtient de la Compagnie une terre pour l’établissement des pères et la garantie de pouvoir les faire revenir en France si besoin est à ses frais et sans la permission du gouverneur, mais à la condition qu’il reste sur place quatre religieux et qu’ils avertissent au moins les autorités de la Guadeloupe de leurs intentions. Les dominicains ne dépendent donc que de leur supérieur dans l’île87. Cependant Carré n’hésite pas à faire rentrer les pères envoyés en 1635 dès qu’il connaît les conditions déplorables dans lesquelles ils doivent exercer leur ministère. Il rappelle même de Dieppe les pères qui s’apprêtent à partir. Il se montre très critique sur l’appui qui leur est apporté et n’envoie finalement que très peu de religieux du noviciat quand il dirige l’institution88.
La conquête de la Guadeloupe et de la Martinique
L’Olive, du Plessis et la Guadeloupe
33Aussitôt les discussions achevées et les documents établis à Paris, L’Olive et du Plessis gagnent Dieppe pour y recruter des hommes et un équipage. Dutertre dit qu’ils en trouvent 500 qu’ils répartissent sur le navire du capitaine Fel, qui emporte 400 hommes, et le petit navire de David Michel89. Ce chiffre correspond aux engagements pris par les deux capitaines et les marchands de Dieppe. Les premiers doivent en effet passer 200 Français la première année et les seconds, 300 en avril 163590. Les dominicains rejoignent L’Olive et du Plessis dans le port normand. Ils quittent la France le dimanche 20 mai 163591. La traversée dure cinq semaines et deux jours et se passe sans difficultés majeure. Le jour de la saint Jean-Baptiste, les navires arrivent en vue de la Martinique où L’Olive et du Plessis comptent établir la colonie. Le lendemain, ils abordent l’île92. Ce doit être le 25 juin ou le 27 juin 1635, les sources divergeant sur ce point93. Les pères Pierre Pélican et Pierre Gryphon de la Croix descendent à terre avec une dizaine de personnes pour réciter des prières. Ils attachent une croix à un arbre et entonnent le Te deum laudamus devant quelques indigènes attirés par cette étrange cérémonie. Les pères les invitent ensuite à venir baiser le crucifix, en leur offrant du vin pour les amadouer. On avait du les renseigner sur la façon de se concilier les Indiens en leur faisant des cadeaux. L’Olive et du Plessis placent les armes du roi peintes sur un grand écusson94. Les deux capitaines pourtant ne trouvent pas l’île propre à accueillir leur colonie et tout le monde repart. Le 28 juin, ils sont devant la Guadeloupe, mais ils mettent un jour à trouver un endroit pour mouiller. Ils débarquent le jeudi 29 juin, veille des apôtres saint Pierre et saint Paul. Le père Pélican célèbre la messe sur l’île. Une croix est plantée le 8 juillet au fort Saint-Pierre que viennent de bâtir les Français. Les dominicains font construire une première chapelle en roseaux. Les deux capitaines font décharger les bateaux et procéder aux premières installations. Ils s’établissent chacun en un lieu. La colonie est fondée. Le 12 juillet, ils reçoivent de la part de Richelieu « des paquets » nous dit Chevillard95, vraisemblablement de nouvelles instructions pour conduire leur entreprise. L’opération est suivie avec attention depuis Paris. La conquête de l’île est bientôt saluée et fait les titres de la Gazette. Le rôle de la Compagnie est bien mis en évidence96.
La riposte de d’Esnambuc
34Les ambitions affirmées de L’Olive aux îles ont pour conséquence directe la prise de contrôle de l’île de la Martinique par d’Esnambuc. Ce dernier est rapidement au courant de l’intention de son ancien lieutenant d’obtenir une commission de la Compagnie et du roi. Il active les préparatifs de son côté, craignant d’être pris au dépourvu. Le jésuite Pierre Pelleprat souligne sans ambiguïté que l’intervention d’Esnambuc a pour but de protéger ses intérêts, « Monsieur de Nambuc […] avait dessein d’envoyer une colonie française dans l’île de la Guadeloupe : mais il fut prévenu par messieurs de L’Olive et du Plessis, qui y menèrent des habitants de France, l’an 1635. C’est pourquoi craignant que quelque autre ne s’emparât aussi de la Martinique, il y passa dès cette même année » écrit-il97.
35Vers la fin du mois de juin 1634, d’Esnambuc envoie Jean du Pont en France pour recruter des hommes. Il s’entend le 22 décembre 1634 avec Sollier, le capitaine de la Petite Notre-Dame pour passer quatre-vingt-treize hommes. Ils quittent la France le 28 avril 163598. Cela contredit une nouvelle fois Dutertre qui veut que d’Esnambuc ait recruté principalement ses hommes à Saint-Christophe99. D’Esnambuc jette son dévolu sur la Martinique car la Guadeloupe, pourtant plus proche et qu’il ambitionnait de contrôler, vient de lui être soufflée par L’Olive et du Plessis. Le 15 septembre 1635, il aborde l’île en compagnie de Jean du Pont, avec un petit contingent et en prend possession au nom du roi, du cardinal de Richelieu et des seigneurs de la Compagnie. Il y fait planter la croix et arborer le pavillon de France, puis il repasse à Saint-Christophe en laissant sur place du Pont pour administrer l’île100. Le père jésuite Jacques Bouton est plus précis sur ces événements dans sa relation. Il indique ainsi que d’Esnambuc a envoyé dans un premier temps quatre-vingts hommes (vraisemblablement ceux venus de France) sous la conduite du Jean du Pont habiter la Martinique, puis dans un deuxième temps un renfort de quarante hommes de Saint-Christophe sous la conduite de Philippe Le Vayer, sieur de La Vallée, un fidèle de d’Esnambuc, qui le servira lui et sa famille tout au long de sa vie101. D’Esnambuc écrit au cardinal y avoir fait arborer ses armes. Il lui adresse même un petit plan du fort au tracé incertain pour lequel il sollicite son indulgence. Il espère de lui une commission102. Ce petit fort, le fort Saint-Pierre dispose d’une centaine d’hommes avec des munitions et des vivres103. L’installation des Français ne se fait cependant pas sans difficultés. Seul Rochefort parle d’une intervention paisible104. Les Indiens de la Martinique, soutenus par ceux des îles voisines de la Dominique et de Saint-Vincent, attaquent bientôt les Français. Ces derniers réussissent à les repousser dans la partie orientale de la Martinique, la Cabesterre, tandis qu’ils occupent la partie occidentale. Finalement, un accord est passé et la paix établie consacrant le partage de l’île entre Français et Indiens. Du Pont part sur un navire porter la nouvelle à d’Esnambuc quand il est surpris par une tempête qui le pousse sur les côtes de Saint-Domingue où il est arrêté par les Espagnols. Il restera trois ans entre leurs mains105. Le sieur de La Vallée assure un temps le gouvernement de la Martinique106.
36Si les arguments avancés par d’Esnambuc dans les actes de prise de possession sont religieux (il agit « pour l’augmentation de la foi catholique, apostolique et romaine107 »), il en est différemment dans sa lettre à Richelieu dans laquelle il souligne les avantages stratégiques de la position pour lutter contre les Espagnols. Il déclare ainsi avoir occupé la Martinique « sachant que la place est d’importance, et pour tirer un grand avantage sur l’Espagnol108 ». Il est vrai que les Espagnols y avitaillent volontiers, quoique moins souvent qu’à la Guadeloupe ou à la Dominique109.
37Le 12 novembre 1635, d’Esnambuc informe le cardinal qu’il envisage de prendre possession de la Dominique. Il est prêt. L’homme ne manque pas d’arguments. Il avance que les Anglais s’apprêtent à se rendre maîtres de l’île110. Le 17 novembre 1635, il conquiert la Dominique, en compagnie du capitaine Pierre Baillardel et du sieur de La Vallée, des intimes. Il ne reste pas et laisse le commandement à La Vallée111. Nous avons déjà parlé de lui, nous n’insisterons pas. Baillardel est lui un compagnon de longue date de d’Esnambuc. Il était avec lui en 1623 sur l’Espérance112. C’est un homme de confiance.
38D’Esnambuc poursuit son offensive dans les Antilles. Son attention se porte ensuite sur l’île de Saba. Elle est dûment convoitée par les Anglais qui y ont débarqué en 1632 après un naufrage. Mais ils n’y sont pas restés113. D’Esnambuc donne une commission en 1635 au sieur Potel pour la conquête de l’île et en avise la Compagnie114. Il passe pour un homme averti et « l’un des mieux entendus des îles en fait d’habitation ». Il est protestant115. Il peut s’agir d’Abel Postel dont on note la présence à Saint-Christophe le 18 avril 1639116. Motey dit sur son compte qu’il est soldat de métier et qu’il fut un temps en garnison au Havre. Il le nomme Abel Postel dit Laboullaye117. Le 2 juillet 1636, la Compagnie s’inquiète de l’exécution de la commission donnée118. En fait, elle est restée lettre morte. L’île de Saba échappera aux Français. Les Hollandais venus de l’île de Saint-Eustache voisine s’y établissent en 1640119.
Notes de bas de page
1 Délibération, le 4/02/1635, p. 246.
2 Délibération, le 7/02/1635, p. 246.
3 Délibération, le 13/02/1635, p. 247. La minute qui figure dans les archives du notaire Cousinet est signée par tous les associés (ANF, MC, étude LI, 493, Articles proposés par MM. de la Cie des îles de l’Amérique aux Srs. de L’Olive et du Plessis, Paris, le 13/02/1635, 6 fol).
4 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 25. Le contrat est mal connu des historiens qui s’en remettent en général à l’extrait – en fait un résumé – donné par Dutertre dans son Histoire générale des Antilles, et qu’il dit être de la main du secrétaire de la Compagnie, Jean de Beauvais (Extrait du contrat de la Cie avec les Srs. de L’Olive et du Plessis, le 14/02/1635, dans D1667, t. 1, p. 66-69). La présentation de l’extrait en deux parties, les dix promesses de la Compagnie d’une part, les dix-huit promesses des capitaines, d’autre part, ne respecte pas celle du document original qui figure dans le manuscrit des délibérations. Dutertre n’a jamais vu le document original.
5 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 17.
6 Ibid., p. 16 et 24. Dutertre soutient qu’ils n’auraient touché que 1500 livres sur les 2 000 promises. Il est permis de douter de la même façon de son propos quand il dit que les capitaines auraient dépensé ces 1 500 livres pour acheter quatre canons, cent mousquets, cent piques et cent cuirasses (DT/1667, t. 1, p. 69), car c’est à la Compagnie que revient la charge de porter les armes. Elle a prévu un budget de 3 000 livres pour cela.
7 Les conditions de la fin de leur commandement sont en revanche évoquées. Ainsi, « quand ils n’auront plus de commandement, la Compagnie disposera desdites armes », ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 17.
8 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 18-20.
9 Ibid., p. 17-18.
10 Ibid., p. 21.
11 Ibid., p. 20 et 23-24.
12 ANOM, F2A13, Com. à L’Olive et du Plessis, Paris, le 27/02/1635, p. 79 ; ANOM, F2A13, Instruction aux Srs. de L’Olive et du Plessis, Paris, le 7/03/1635, p. 79-81.
13 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 18 et 21.
14 Délibération, le 7/03/1635, p. 249 ; ANOM, F2A13, Com. de principal commis à Thireul, Paris, le 7/03/1635, p. 79-81 ; ANOM, F2A13, Com. d’écrivain à Meusnier, Paris, le 7/03/1635, p. 82 ; ANOM, F2A13, Com. d’écrivain à Volery, Paris, le 7/03/1635, p. 82-83
15 ANOM, F2A13, Instruction donnée par MM. de la Cie des îles de l’Amérique aux commis et écrivains, Paris, le 7/09/1635, p. 87.
16 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 22.
17 Délibération, le 7/03/1635, p. 249-250 ; ANOM, F2A13, Com. d’écrivain à Meusnier, Paris, le 7/03/1635, p. 82.
18 Mademoiselle du Plessis donnera naissance à un enfant après une grossesse difficile aux îles. L’enfant ne connaîtra pas son père puisque du Plessis décède le 4 décembre 1635, le jour de la sainte-Barbe (Bret/RF, p. 89 ; DT/1667, t. 1, p. 83). Mademoiselle du Plessis s’établit avec ses enfants à Saint-Christophe à la fin de l’année (Bret/RF, p. 90). L’un de ses fils, Charles, se noie le 21 novembre 1637 lors du naufrage de la pirogue qui le transporte (Bret/RF, vr, p. 99 ; Bret/RF, vp, p. 105).
19 Bret/RF, p. 89 ; Dupuis, p. 3 ; DT/1667, t. 1, p. 76.
20 Le propos de Rochefort est à ce sujet assez clair : « il était autant remuant que son collègue avait été doux et modéré » (Rochefort, t. 2, p. 16). Chevillard écrit qu’il n’a pas de parole (Chev, p. 32).
21 Il est possible qu’ils aient passé un accord car le contrat signé entre les associés et les marchands de Dieppe le 18 avril 1635 parle de « conventions faites par lesdits sieurs de L’Olive et du Plessis avec ledit sieur Faulcon et ses associés » (ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe pour la Guadeloupe, Paris, le 18/04/1635, p. 28). Si un tel texte a existé, nous n’en avons pas la trace.
22 Rochefort, t. 2, p. 16. Dutertre en profite pour critiquer une fois de plus les conclusions hâtives et les propos contraires à la vérité historique véhiculés par Rochefort (DT/1667, t. 1, p. 64).
23 J. B. Collins, « La flotte normande au commencement du xviie siècle : Le Mémoire de Nicolas Langlois (1627) », Annales de Normandie, 34e année, n° 4, 1984, p. 377. L’entrée royale du 3 août 1647 dans la ville de Dieppe consacre l’importance de la place aux yeux de la monarchie.
24 Mémoires chronologiques pour servir à l’histoire de Dieppe, t. 1, p. 348. Sur la présence des Dieppois en Asie, voir aussi Ph. Haudrère, L’empire des rois, op. cit., p. 134. En 1625, cinq navires dieppois partent pour le Canada note le chroniqueur de la cité normande David Asseline (D. Asseline, Les antiquités et chroniques de la ville de Dieppe, op. cit., t. 2, p. 231).
25 Mémoires chronologiques pour servir à l’histoire de Dieppe, t. 1, p. 348 et 363. Le mémoire de Nicolas Langlois de 1627 ne mentionne cependant pas une grande activité des Dieppois vers les îles (J. B. Collins, « La flotte normande au commencement du xviie siècle… », op. cit., p. 364).
26 AD 76, TH, Contrat, le 28/05/1629. Pub. dans Barrey, p. 169-171.
27 AD 76, TH, reg. 159, Charte-partie, le 1/05/1623. Pub. dans Barrey, p. 85-88.
28 G. Carpin, Le réseau du Canada, op. cit., p. 139-140. Deux compagnies voient ainsi le jour pour le Cap-Breton (1633) et l’Acadie (1634). Deux compagnies particulières se succèdent sur le Saint Laurent en 1632 et 1638. Deux autres compagnies sont constituées dans le cadre de seigneuries : la Compagnie de Beaupré (1636) et la Société de Notre-Dame de Montréal (M. Trudel, La seigneurie des Cent-Associés, op. cit., t. 1, p. 168).
29 Délibération, le 7/03/1635, p. 249.
30 ANOM, F2A13, Procuration, Dieppe, le 14/04/1635, p. 30 ; ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe pour la Guadeloupe, Paris, le 18/04/1635, p. 26 ; ANOM, F2A13, Procuration, Dieppe, le 18/06/1635, p. 34.
31 G. Daval, J. Daval, Histoire de la Réformation à Dieppe, 1557-1657, Rouen, Impr. de Espérance Cagniard, 1878, t. 1, p. 206 et t. 2, p. 5 ; D. Asseline, Les antiquités et chroniques de la ville de Dieppe, op. cit., t. 2, p. 209.
32 G. Daval, J. Daval, Histoire de la Réformation à Dieppe, op. cit., t. 1, p. 141 et 153.
33 Ibid., t. 2, p. 48 et 82.
34 Ibid., t. 1, p. 163.
35 É. Lesens, « La colonie protestante hollandaise… à Rouen au xviie siècle », Bulletin de la commission de l’histoire des églises wallonnes, Paris, Fischbacher, t. 5, 1892, p. 212.
36 R. Le Blant, « Les débuts difficiles de la Compagnie de la Nouvelle-France… », op. cit., p. 29.
37 Délibération, le 5/03/1636, p. 258.
38 AD 76, 2E1/1106, Protêt en date du 10 mai 1632 à l’encontre de Jacques Mel, cité dans J.-C. Germain, « La belle-famille du flibustier Charles Fleury : les Loyson d’Amsterdam et de Rouen et leurs alliés », GHC, 2013, p. 10/23. [en ligne : www.ghcaraibe.org/articles/2013-art09.pdf]
39 Sommaire du voyage fait par le Sr. d’Infreville, Paris, le 23/03/1631, dans Sourdis/C, t. 3, p. 185 et 209-201 ; ANOM, F2A13, Procuration, Dieppe, le 18/06/1635, p. 35.
40 ANOM, F2A13, Procuration, Dieppe, le 14/04/1635, p. 30-31 ; AN, MC, étude LI, 493, Procuration, Dieppe, le 14/04/1635, pas de n° de fol.
41 ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe pour la Guadeloupe, Paris, le 18/04/1635, p. 25 et 30. Du Plessis ratifie d’ailleurs l’accord qui est conclu entre les marchands et les associés.
42 Dutertre donne dans son histoire un extrait du premier contrat (sans en préciser la date) signé par Jean de Beauvais tiré, dit-il, des papiers de François Fouquet (DT/1667, t. 1, p. 70). Le dominicain ne connaît pas l’existence du second contrat.
43 ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe pour la Guadeloupe, Paris, le 18/04/1635, p. 26-29.
44 Ibid., p. 27-28.
45 Ibid., p. 26.
46 Ibid., p. 30.
47 ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe pour la Guadeloupe, Paris, le 18/04/1635, p. 28.
48 ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe, Paris, le 24/06/1635, p. 32. Louis XIII déclare la guerre au roi d’Espagne le 19 mai 1635 (V.-L. Tapié, La France de Louis XIII et de Richelieu, op. cit., p. 455).
49 ANOM, F2A13, Procuration, Dieppe, le 18/06/1635, p. 34-35.
50 ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe, Paris, le 24/06/1635, p. 32-34.
51 Délibération, le 5/12/1635, p. 254-255.
52 Délibération, le 5/03/1636, p. 257-259.
53 DT/1667, t. 1, p. 75.
54 DT/1667, t. 1, p. 81-82.
55 Délibération, le 5/03/1636, p. 258.
56 Délibération, le 4/02/1637, p. 290. Il doit s’agir des pères Mariam et Polycarpe de Vire. Ils arrivent le 11 juin 1637 dans l’île (Bret/RF, vr, p. 99).
57 Les pièces ont été livrées mais ne lui seront jamais payées. Il demande en 1644 de pouvoir les récupérer. La Compagnie fait des difficultés et demande à vérifier que les pièces lui appartiennent vraiment (Délibération, le 9/12/1644, p. 475). La Compagnie ordonne à Houël de rendre les canons en 1648 (Délibération, le 8/05/1648, p. 507).
58 Elle avertit notamment Jean Danriot en 1639 et Geffin Morin en 1640 (Barrey, p. 219).
59 Délibération, le 7/07/1638, p. 333.
60 Bret/RF, vp, p. 107 ; Délibération, le 4/08/1638, p. 335.
61 Délibération, le 6/10/1638, p. 341.
62 Bret/RF, vp, p. 107. Breton est repris par les chroniqueurs Dupuis et Dutertre. Pour ce dernier, les marchands de Dieppe sont de bien peu de secours pour les habitants qui meurent de faim. Dupuis pense pour sa part que les marchands ne veulent tout simplement plus investir dans l’entreprise de la Guadeloupe (DT/1667, t. 1, p. 81 ; Dupuis, p. 37).
63 Délibération, le 6/04/1639, p. 356 ; Délibération, le 1/07/1639, p. 360.
64 Délibération, le 7/09/1639, p. 363-364.
65 Délibération, le 4/04/1640, p. 390. En 1644, il est rappelé que « lesdits marchands de Dieppe […] ont été déchargés des obligations envers ladite Compagnie pour la peuplade de ladite île » (Délibération, le 9/12/1644, p. 476).
66 Le navire doit essentiellement ravitailler Saint-Christophe. Il poursuivra cependant exceptionnellement jusqu’à la Guadeloupe (Délibération, le 14/05/1640, p. 400).
67 Bret/RF, vp, p. 114.
68 J.-C. Germain, « La belle-famille du flibustier Charles Fleury : les Loyson d’Amsterdam et de Rouen et leurs alliés », GHC, p. 10/23. [en ligne : www.ghcaraibe.org/articles/2013-art09.pdf]
69 Bret/RF, p. 85 ; DT/1667, t. 1, p. 72.
70 Godefroy de Paris, « Introduction générale », dans Pacifique de Provins, Le voyage de Perse et Brève relation du voyage des îles de l’Amérique, Assise, Collegio S. Lorenzo da Brindisi dei Fr. Minori Cappuccini, 1939, p. XXVI et XXIX.
71 Les capucins Yves d’Évreux et Claude d’Abbeville s’établissent ainsi à Saint-Louis-de-Maragnon (Yves d’Évreux, Suite de l’histoire des choses plus mémorables advenues en Maragnan ès années 1613 et 1614 [1615], Paris, F. Huby ; Claude d’Abbeville, Histoire de la mission des Pères Capucins en l’île de Maragnan et terres circonvoisines, Paris, F. Huby, 1614). Six pères capucins accompagnent Isaac de Razilly en Acadie en 1632 (G. Havard, C. Vidal, Histoire de l’Amérique française, Paris, Flammarion, 2003, p. 59). Bernardin de Renoüard et Alexis de Saint-Lô embarquent pour l’Afrique en 1634 à Dieppe sur les deux navires de la Cie du Cap-Vert (Alexis de Saint-Lô, Relation du voyage du Cap-Verd, Paris, François Targa, 1637, p. 1 et 13).
72 ANOM, F352, Le roi au provincial des capucins de Normandie, au camp devant Saint-Mielle, le 30/09/1635, fol. 16 ; J.-R. de Benoist, Histoire de l’Église catholique au Sénégal du milieu du XVe siècle à l’aube du troisième millénaire, Paris, Clairafarique/Karthala, 2008, p. 45 ; APF, Acta, 8, Rome, le 13/06/1633, fol. 243. Les facultés pour les capucins partis au Cap-Vert sont données le 11 février 1636 (APF, Acta, 12, Rome, le 11/02/1636, fol. 18). Une liste des missionnaires capucins est établie le 23 mars 1637 par la Propagande de la Foi (APF, Acta, 12, Rome, le 23/03/1637, fol. 265).
73 Le père Joseph est chargé des missions d’Orient en 1625 (Godefroy de Paris, « Introduction générale », op. cit., p. XI). Il laisse au père Léonard de Paris le suivi des provinces anglaise et canadienne (P. Benoît, Le père Joseph, l’éminence grise de Richelieu, Paris, Perrin, 2007, p. 212).
74 M. Carmona, Richelieu, Paris, Marabout, 1986, p. 431.
75 APF, SOCG, 138, Hyacinthe de Paris à la Propagande de la Foi, Paris, le 24/12/1638, fol. 29 et 32. Cependant, malgré la volonté du roi et du cardinal, Hyacinthe de Paris ne sera pas choisi par le général des capucins Giovanni da Moncalieri. La préfecture des missions des capucins français en Amérique restera entre les seules mains de Léonard de Paris (APF, SOCG, 138, Moncalieri et Léonard de Paris, Paris, le 12/02/1639, fol. 35 ; APF, SOCG, 138, Moncalieri à la Propagande de la Foi, Paris, le 10/02/1639, fol. 38 et 41 ; APF, SOCG, 138, Léonard de Paris à Ingoli, Paris, le 17/04/1639, fol. 33 et 45). Léonard de Paris se défait bientôt de cette charge et Archanges des Fossés en hérite (APF, SOCG, 138, Léonard de Paris à Ingoli, Paris, le 1/06/1639, fol. 34 et 44 ; APF, SOCG, 138, Léonard de Paris à Ingoli, Paris, le 26/01/1640, fol. 80 et 87). Il sera l’animateur durant toute la décennie des missions des capucins aux Antilles.
76 C. Fabre, Dans le sillage, op. cit., p. 19. L’ordre dominicain a connu plusieurs réformes, mais c’est en 1569 que le chapitre général de Rome érige en province la congrégation dite de France en province, sous le nom de province occitaine. Les chapitres généraux suivant insistent sur la nécessaire réforme et sur l’existence au sein de chaque province de couvents dédiés à l’observance. Le roi Henri IV appuie ces réformes. Une nouvelle congrégation réformée, érigée en 1608, devient lors du chapitre général de Rome de 1629, la congrégation Saint-Louis, principalement constituées de couvents des provinces occitaines et de Provence (B. Montagnes, « Sébastien Michaelis et les débuts de la congrégation occitaine réformée 1608-1616 », dans B. Montagnes, Les Dominicains en France et leurs réformes, Paris, Cerf, 2001, p. 91-96).
77 Dupuis, p. 4. Raymond Breton parle de Richelieu comme d’un bienfaiteur du noviciat (Bret/B, p. 164 ; DT/1667, t. 1, p. 71).
78 Chev, p. 19.
79 Délibération, le 7/03/1635, p. 249.
80 BNF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 88r ; Bret/A, p. 138 ; Bret/RF, p. 85 ; DT/1667, t. 1, p. 71.
81 APF, Congressi, AA I, Décret de la Propagande de la Foi, Rome, le 19/06/1634, fol. 150v-151r ; Bulla missionis. Facultates concessae a Sanctissimo Domino Nostro, Domino Urbano, Rome, le 12/07/1635, dans Bret/RF, p. 85-86 ; Chev, p. 19. La mission est confirmée et ses privilèges sont accrus le 4 mars 1644 par le pape Urbain VIII (APF, Congressi, AA I, Les dominicains à la Propagande de la Foi, la Guadeloupe, vers le 11/09/1646, fol. 152r-153v ; APF, Congressi, AA I, Copie des facultés données à Armand de La Paix, la Guadeloupe, le 12/01/1647, fol. 154r-155v).
82 Délibération, le 5/12/1635, p. 255 ; Délibération, le 2/07/1636, p. 273. Le groupe compte cinq pères Raphaël de Dieppe, Joseph de Caen, Archange du Havre, Jean-Baptiste des Andelys, Pacifique d’Eu et un frère, Paulin de Rouen (APF, Acta, 12, Rome, le 23/03/1637, fol. 265 ; Godefroy de Paris, « Introduction générale », op. cit., p. XXVII-XXVIII).
83 ANOM, F352, Le roi au provincial des capucins de Normandie, au camp devant Saint-Mielle, le 30/09/1635, fol. 16 ; ANOM, F352, Lettre du roi, Fontainebleau, le 4/06/1636, fol. 24 ; ANOM, F352, Le roi à d’Esnambuc, Fontainebleau, le 9/07/1636, fol. 33 ; APF, SOCG, 145, Anne d’Autriche à Houël, Fontainebleau, le 11/09/1646, fol. 102.
84 Bret/B, p. 164.
85 La proximité des deux hommes est grande. Carré a aussi su rendre de nombreux services au cardinal. Voir à ce sujet N. Maillard, Droit, réforme et organisation nationale d’un ordre religieux en France : le cas de l’ordre des frères prêcheurs (1629-1660). Thèse de doctorat, université de Toulouse 1, 2005. Le père Carré est le confesseur de la nièce de Richelieu, la duchesse d’Aiguillon (Fr. Bluche, Richelieu, op. cit., p. 206).
86 Le père Vincent Michel partira plus tard en mission aux Antilles (Bret/B, p. 172).
87 Délibération, le 4/06/1636, p. 272.
88 Bret/B, p. 168 et 208. De 1648 à 1656, il n’y a que trois dominicains du noviciat à œuvrer aux îles.
89 DT/1667, t. 1, p. 75-76. Le dominicain André Chevillard mentionne pour sa part de 600 hommes sous le commandement des deux capitaines (Chev, p. 23). Breton parle de 400 hommes mais il ne compte peut-être que ceux qui étaient sur le vaisseau (Bret/B, p. 166).
90 ANOM, F2A13, Traité de la Cie avec L’Olive et du Plessis, Paris, le 14/02/1635, p. 18 ; ANOM, F2A13, Traité avec les marchands de Dieppe pour la Guadeloupe, Paris, le 18/04/1635, p. 26.
91 Bret/RF, p. 86 ; BnF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 85r. Dutertre dit qu’ils quittent Dieppe le 25 mai 1635 (DT/1667, t. 1, p. 75).
92 BnF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 85r.
93 DT/1667, t. 1, p. 76 ; Chev, p. 23-24. Breton qui était présent ne donne pas de date mais il dit qu’ils passent ensuite à la Guadeloupe le 29 juin 1635 (Bret/RF, p. 87 ; Bret/A, p. 138).
94 BnF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 85r ; Bret/A, p. 138 ; DT/1667, t. 1, p. 76-77.
95 BnF, ms fr. 15466, P. Pélican à J.-B. Carré, la Guadeloupe, le 28/05/1635, fol. 86v ; Bret/RF, p. 87 ; DT/1667, t. 1, p. 76-77 ; Anonyme de Grenade, L’Histoire de l’île de la Grenade en Amérique, dans Voyageurs anonymes aux Antilles, op. cit., p. 141 ; Chev, p. 27.
96 Exploits et logement des Français dans l’isle de la Guadeloupe, dans La Gazette, le 26/02/1638, p. 89-92.
97 P. Pelleprat, Relation des missions des R.P. de la Cie de Jésus dans les isles et dans la Terre Ferme de l’Amérique Méridionale, Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1655, 1re partie, p. 6-7. Rochefort suit son analyse (Rochefort, t. 2, p. 17).
98 J. Petitjean Roget, « Saint-Christophe… », op. cit., p. 44. Jean du Pont est né en 1603. Il est originaire de la paroisse d’Ouville-la-Rivière dans la vicomté d’Arques (AD 76, TH, Délibération, le 28/04/1635, cité par Anth, t. 2, p. 149).
99 « Pour réussir dans cette entreprise, il prit environ cent hommes des vieux habitants de l’île de Saint-Christophe, tous gens de main, accoutumés à l’air, au travail, et à la fatigue du pays, et qui étaient très habiles à défricher la terre, à la cultiver et y planter des vivres, et fort adroits pour y dresser des habitations » DT/1667, t. 1, p. 101.
100 Acte de prise de possession de la Martinique, la Martinique, le 15/09/1635, dans Margry, p. 7-8. Dutertre dit que d’Esnambuc a quitté Saint-Christophe au début du mois de juillet et a abordé la Martinique cinq ou six jours après, ce qui est manifestement erroné au vu des documents (DT/1667, t. 1, p. 101). La date de l’arrivée d’Esnambuc à la Martinique n’est pas sûre car dans une lettre adressée au cardinal de Richelieu, il la place le premier septembre 1635 (D’Esnambuc à Richelieu, Saint-Christophe, le 12/11/1635. Pub. dans Margry, p. 54).
101 Bouton, p. 35-36. La Vallée est fait premier capitaine de la Martinique en 1639 par les associés de la Compagnie pour les services rendus. Il sert ensuite du Parquet. En 1658, du Parquet sera le parrain de son enfant (ANOM, F2A13, Com. de premier capitaine de la Martinique, Paris, le 5/01/1639, p. 141-142 ; Délibération, le 5/01/1639, p. 350 ; Du Parquet, Saint-Christophe, le 3/04/1639, dans DT/1667, t. 1, p. 111 ; DT/1667, t. 1, p. 521).
102 D’Esnambuc à Richelieu, Saint-Christophe, le 12/11/1635. Pub. dans Margry, p. 54.
103 DT/1667, t. 1, p. 101.
104 Il écrit ainsi : « monsieur d’Esnambuc […] les mit en la paisible possession de cette terre » (Rochefort, t. 1, p. 78).
105 DT/1667, t. 1, p. 102-103 ; Bouton, p. 35-38 ; P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 5.
106 Délibération, le 4/08/1638, p. 334.
107 Acte de prise de possession de la Martinique, la Martinique, le 15/09/1635, dans Margry, p. 7-8.
108 D’Esnambuc à Richelieu, Saint-Christophe, le 12/11/1635. Pub. dans Margry, p. 54.
109 J.-P. Moreau, Les Petites Antilles, op. cit., p. 135-136. Les routiers espagnols mentionnent les lieux possibles de mouillages.
110 D’Esnambuc à Richelieu, Saint-Christophe, le 12/11/1635. Pub. dans Margry, p. 54-55.
111 Acte de prise de possession de la Dominique, le 17/11/1635, dans Margry, p. 8-9.
112 AD 76, TH, reg. 159, Charte-partie, le 1/05/1623. Pub. dans Barrey, p. 86. Il s’installe par la suite à la Martinique. En mai 1659, il capture des Indiens de Saint-Vincent qui étaient en pirogues au large de la Terre-Ferme et les vend comme esclaves (Anonyme de Grenade, L’Histoire de l’île de la Grenade, op. cit., p. 240 ; P. Pelleprat, Relation, op. cit., 1re partie, p. 71 et 2e partie, p. 16).
113 J. Hartog, History of Saba, op. cit., p. 17 et 75.
114 Délibération, le 2/07/1636, p. 276.
115 DT/1667, t. 1, p. 426 et t. 2, p. 422. C’est ce même Potel qu’Aubert envoie à la fin des années trente pour reconnaître les possibilités d’établissement à la Grenade.
116 Ph. Rossignol, B. Rossignol, « 1660 : Les Caraïbes sur les bras ! », GHC, n° 19, 1990, p. 189.
117 H. R. du Motey, Guillaume d’Orange, cité par Ph. Rossignol, B. Rossignol, « 1660 : Les Caraïbes sur les bras ! », op. cit., p. 189. D’autres colons portent le nom de Potel mais ils viennent plus tardivement aux îles. Jacques Potel dit Cherbourg est recensé à Cabesterre à la Guadeloupe en 1664. Il a alors 41 ans. Il serait donc né vers 1623. Un autre homonyme Jacques Postel décède le 7 juillet 1660. Il a un frère Geffin Potel (Ph. Rossignol, B. Rossignol, « 1660 : Les Caraïbes sur les bras ! », op. cit., p. 188-189).
118 Délibération, le 2/07/1636, p. 276.
119 D. Watts, The West Indies : Patterns of Development, Culture and Environmental Change, Cambridge UP, 1994, p. 141 ; Rochefort, t. 1, p. 102-103).
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