Conclusion
p. 255-256
Texte intégral
1Au Conservatoire des arts et métiers, collections exposées, ressources iconographiques et documentaires et enseignements ont fonctionné de concert, au xixe siècle, pour diffuser des connaissances techniques générales utiles à l’industrie et aux compagnies ferroviaires. Celles-ci sont rassemblées de manière raisonnée, et concernent principalement la construction et l’entretien des infrastructures, des locomotives et du matériel remorqué. L’établissement ne semble pas chercher à élaborer un « catalogue » exhaustif qui listerait la totalité des locomotives, wagons, voitures ou types d’ouvrages d’art existant, mais bien de sélectionner des éléments pertinents dont la connaissance doit se révéler utile. L’ensemble témoigne de l’expertise que le Conservatoire tient à la disposition des industriels, compagnies ferroviaires et constructeurs.
Le relais d’une pratique mécanicienne générale
2Le Conservatoire n’a en effet pas vocation à « enseigner » la pratique de la conduite des trains, de l’utilisation des machines et outils équipant les ateliers de construction et d’entretien. En 1828, Jean-Baptiste Say rappelait ainsi : « Les manufacturiers […] se plaignent de manquer de bons chefs d’ateliers, c’est-à-dire de gens capables de raisonner leur art, ayant assez de fermeté pour commander les autres ouvriers et assez de probité pour mériter la confiance du maître. Il [Say] croit que nos Ecoles publiques ne se rendront véritablement utiles que par-là. Les simples ouvriers se forment mieux et plus promptement dans les ateliers particuliers ; et d’ailleurs que serait-ce pour la France 100 ou 150 ouvriers que les Écoles de Châlons et d’Angers pourraient fournir par an, tandis que si tout ou une bonne partie de ces Élèves étaient propres à faire des chefs, on rendrait un service important aux manufactures1. » L’institution cherche en revanche à relayer des aspects plus généraux de la pratique dont les nombreuses sollicitations stimulent la recherche scientifique plus fondamentale et expérimentale2.
3L’établissement ne se substitue pas aux ingénieurs des compagnies ferroviaires ou aux constructeurs. Il ne semble pas s’immiscer dans les choix que ces derniers peuvent faire, mais porte plutôt une attention très régulière à des dispositifs et procédés qui méritent d’être relayés. Cela explique notamment l’absence de séries qui recenseraient de manière exhaustive toutes les variantes de locomotives, de voitures et wagons, de rails, de ponts ou d’ateliers ferroviaires. Le Conservatoire met davantage l’accent sur des points qui ont été sanctionnés par l’expérience, qui ont fait leurs preuves et qui peuvent intéresser le monde industriel en général, et pas seulement le secteur ferroviaire3.
Convergences et rapprochements
4L’institution semble en revanche se faire l’intermédiaire (ou le relais) d’un dialogue constant entre la construction mécanique, les recherches plus théoriques sur le mouvement, la mécanique des fluides et la chaleur, et leurs diverses applications industrielles, entre autres ferroviaires.
5La locomotive est ainsi l’une des illustrations de la machine à vapeur. Sa présentation au Conservatoire à travers les résultats d’expériences précises, sa construction, son fonctionnement ou son entretien intéressent sans doute les constructeurs de locomotives et les compagnies ferroviaires, mais également les mécaniciens en général, qu’ils travaillent pour l’industrie ferroviaire, la construction de machines, outils et machines-outils ou les compagnies maritimes.
6Du côté du matériel roulant, plus que la description des véhicules, on s’intéresse au Conservatoire à divers éléments plus courants, comme les ressorts, les châssis ou le graissage, qui peuvent trouver un écho qui dépasse les seuls constructeurs de voitures et wagons.
7La recension de l’équipement et de la structuration des ateliers ferroviaires est également intéressante : les outils et machines qu’on peut y voir appartiennent généralement à des « familles » beaucoup plus vastes que l’on retrouve dans tous les ateliers de construction mécanique. On peut voir à travers les collections du Conservatoire leurs adaptations au secteur ferroviaire, pour des usages précis, mais leur description et leur explication peut intéresser bien au-delà.
8La diffusion des connaissances techniques relatives à la construction, à l’entretien et à l’exploitation des chemins de fer revêt donc au Conservatoire une approche particulière, volontairement généraliste et transversale, qui aborde la construction mécanique de manière globale ainsi que d’autres secteurs industriels intégrés et concentrés. En ce sens, l’établissement répond à ses exigences d’utilité pour l’industrie, face à un secteur pourvoyeur d’emplois en pleine expansion.
Notes de bas de page
1 Conseil de perfectionnement, séance du 24 octobre 1828. Archives du Cnam, 2AA/1.
2 François Caron, « Introduction », op. cit.
3 Nathan Rosenberg notait ainsi que l’industrialisation s’était caractérisée par l’introduction d’un nombre relativement réduit de procédés largement répandus dans de différentes industries. Nathan Rosenberg, « Economic development and the transfer of technology : some historical perspectives », op. cit., p. 556.
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