Chapitre VII. La traction et le matériel roulant
p. 215-254
Texte intégral
1Les leçons et collections du Conservatoire des arts et métiers s’intéressent au chemin de fer non seulement du point de vue de l’infrastructure, mais également du côté de la traction et du matériel roulant. L’établissement s’est attaché, depuis le début des années 1830 et jusqu’à la fin de la période qui nous intéresse, à expliquer ce qu’étaient les trains et comment étaient construits les véhicules qui les composaient. Il s’agit pour les auditeurs et les visiteurs d’acquérir des connaissances essentielles sur le travail des ateliers de construction mécanique d’où sortent la plupart des locomotives en usage sur le réseau, sur les organes incontournables liés au fonctionnement de ces machines et sur les principes physiques qui s’y appliquent. La locomotive, comme exemple de machine à vapeur, est un objet d’étude très important pour le corps professoral, et notamment pour ce qui concerne la mécanique appliquée. Les dispositions particulières de ce type de machine à vapeur, la chaudière tubulaire ou la coulisse de Stephenson sont autant d’éléments qui méritent d’être montrés et expliqués.
2Ouvriers et mécaniciens peuvent ainsi développer une culture ferroviaire qui leur sera utile pour intégrer une industrie en pleine expansion depuis la fin des années 1830. Dans un premier temps, les leçons restent très générales et se contentent de décrire ce qu’est une locomotive à vapeur, s’appuyant sur des représentations visibles dans les collections. Au fur et à mesure de la croissance de l’industrie française des locomotives, les enseignements mettent l’accent sur des « éléments détachés » qui font l’objet de toutes les attentions des savants et ingénieurs alors qu’apparaît une filière d’excellence en France.
L’industrie française de la locomotive
3Comme le notent les auteurs du Guide du mécanicien constructeur et conducteur de machines locomotives en 1851, « les chemins de fer français étaient restés, jusqu’à l’année 1845, tributaires des ateliers anglais ; l’augmentation des droits à l’importation des machines locomotives et le développement considérable qu’a pris à cette époque notre réseau, a imprimé une impulsion remarquable à nos ateliers de construction, qui jusque-là n’avaient construit qu’un nombre assez restreint de machines1 ». Pour autant, on constate la coexistence de plusieurs constructeurs français de locomotives, situés essentiellement là où l’on trouve un tissu mécanicien de base, comme à Paris, à Lyon ou en Alsace.
Les premières locomotives en France
4En 1828, Robert Stephenson expédiait en France deux locomotives d’un type primitif, antérieur à la Fusée, tel qu’on pouvait en voir sur la ligne Stockton-Darlington : l’une était acquise par Marc Seguin et devait lui servir à l’élaboration de sa propre machine construite à Perrache2 ; l’autre partait dans les ateliers d’Alexis Hallette (1788-1846), mécanicien d’Arras. En 1831, François Noël Mellet et Charles Joseph Henry, fondateurs de la Compagnie du chemin de fer de la Loire, importaient une locomotive Stephenson sous franchise douanière, livrée au printemps 1832, comme l’indiquent Claude Pouillet et César Nicolas Leblanc : « MM. Mellet et Henry ont fait venir en 1831 une machine de Stephenson destinée à leur chemin de fer d’Andrézieux à Roanne, et ils ont eu l’extrême obligeance de nous en communiquer les dessins avec plusieurs notes intéressantes sur le service qu’on en obtient3. » Cette locomotive est aussitôt représentée dans le Portefeuille industriel par quatre plans commandés à Leblanc (inv. 13571.752), série d’épures où l’on peut voir une élévation et des coupes. Une seconde machine était acquise auprès de Fenton, Murray and Jackson à Leeds, et livrée en août 18324. Pouillet et Leblanc relatent une autre importation : en 1833, l’ingénieur britannique Henry Hinde Edwards (1800-1861), directeur de la fonderie de Chaillot, faisait entrer une locomotive de type 020 construite à Newcastle par Robert Stephenson. « La fonderie de Chaillot a fait venir une de ces machines en 1833 comme modèle de construction ; et M. Edwards a bien voulu la mettre à notre disposition pour nous permettre d’en dessiner toutes les pièces dans le plus grand détail pour le portefeuille du Conservatoire. C’est au moyen de ces documents précis que nous avons pu faire exécuter un modèle de la machine de Stephenson et que nous pouvons aujourd’hui en offrir une description à nos lecteurs5. » Cette locomotive nous est connue par treize plans exécutés par Leblanc en 1834-1835 pour le Portefeuille industriel (inv. 13571.751) et le modèle au 1/5 réalisé par Eugène Philippe et livré au début de l’année 1833 (inv. 04044). Véritables documents d’exécution, les planches présentent de multiples détails, s’attardant en particulier sur la structure de la chaudière, les bielles, l’excentrique et ses leviers de commande, les soupapes à vapeur ou encore les ressorts. Il semble que Chaillot ait construit deux locomotives pour le Lyon-Saint-Étienne en 18346, et deux autres machines en 1836, mais comme le note François Crouzet, cette activité ne semble pas avoir été développée au-delà. Le mécanicien parisien François Cavé (1794-1875) a construit six locomotives pour le Paris-Saint-Germain, dont la première, la Gauloise7, serait sortie de ses ateliers en 18378. La même année, le Lyonnais Tourasse construisait sa première locomotive à quatre roues, pour le service du Lyon-Saint-Étienne9. En octobre 1838, le Creusot produisait sa première locomotive, la Gironde, pour les lignes de Paris à Saint-Germain et de Paris à Versailles Rive droite (fig. 19). Le Portefeuille industriel en donnait les détails de la distribution et des échappements dès 1841-1842 (inv. 13571.760), alors que les autres machines de la série étaient en cours de construction. En Alsace, Stehelin et Huber, installés à Bitschwiller, livraient leur première machine en octobre 1838 pour le Paris-Saint-Germain ; André Koechlin et Compagnie, à Mulhouse, livrait en août 1839 la Napoléon pour la ligne Mulhouse-Thann10. Du côté de la Normandie, la compagnie Allcard et Buddicom était fondée en 1841 avec des capitaux britanniques pour fournir et maintenir le parc de locomotives de la ligne Paris-Rouen, ouverte en 1843. En 1842, le Portefeuille industriel illustrait l’une des machines de la première série sortie des ateliers de Petit-Quevilly (inv. 13571.759) : les épures d’Armengaud permettaient d’apprécier la construction simple mais robuste de ces machines. F. Crouzet a noté que huit entreprises françaises au moins s’étaient lancées dans la production de locomotives en France entre 1837 et 184211. Elles répondent aux commandes des premières lignes, dans le bassin stéphanois, dans le Gard, en proche banlieue parisienne et en Alsace. En 1842, la production française égalait la production étrangère (cent deux machines des deux côtés), et à partir de 1843, on comptait plus de machines françaises qu’étrangères. Annonçant les résultats de l’adjudication de la fourniture de locomotives pour la ligne reliant Lille à la frontière, le Journal des chemins de fer mentionne neuf constructeurs : André Koechlin et Compagnie (Mulhouse) ; Schneider et Compagnie (Le Creusot) ; Anzin (Anzin) ; Hallette (Arras) ; Cavé (Paris) ; Dietz (Paris) ; Allcard et Buddicom (Rouen) ; Benet et Compagnie (La Ciotat)12. Suivront bientôt la compagnie de Jean-Jacques Meyer à Mulhouse, d’où sort la première locomotive en 1842 pour le Strasbourg-Bâle, et l’atelier de Clément-Desormes13, à Oullins, dont la production commence en 1844.
5Les collections révèlent une partie de la production en France, mais également des machines importées sous la monarchie de Juillet par les premières compagnies. En 1837, un dossier du Portefeuille industriel illustrait ce qui semblait pouvoir devenir un nouveau standard, à savoir la Victorieuse, locomotive de type Patentee construite à Newcastle pour le service du Paris-Versailles Rive gauche (inv. 13571.750) : deux épures (avec légers rehauts d’aquarelle) laissant voir une machine basée sur la structure des Planet Engines, allongée du côté du foyer. Un modèle réduit, réalisé par Eugène Philippe en 1839, représente le châssis de cette machine (inv. 02549), mettant en évidence le mécanisme de distribution de la vapeur. L’une des quatre machines de type Long Boiler, breveté par Stephenson en 1841, commandées par le Paris-Orléans en 1842, est représentée l’année suivante dans le Portefeuille industriel (inv. 13571.749) par une série d’épures rehaussées qui ne laisse pas voir l’élévation latérale mais de nombreuses coupes et des détails sur divers éléments constitutifs (châssis et mécanisme, distribution et course du piston, cylindres, bielles et excentriques, essieux coudés, régulateur d’admission).
6À côté des machines anglaises, une industrie française de construction de locomotives s’est ainsi peu à peu installée en suivant le développement des premières lignes. Sa production reste modeste jusqu’au milieu des années 1840, non seulement car la demande reste encore très limitée en France, mais aussi par l’entrée en nombre sur le territoire de machines anglaises, pouvant servir, nous l’avons vu, de modèles aux constructeurs français ou bien employées pour la traction des trains. Cette jeune industrie française, déjà relativement concentrée, va tirer parti du développement des chemins de fer d’intérêt général définis par la loi du 11 juin 1842, et dont les premiers tronçons commencent à être mis en service, mais surtout de la loi du 9 juin 1845 pour la réforme des droits de douane. Favorisant l’importation des matières premières nécessaires à la production, cette loi taxait fortement les produits finis : pour les locomotives, les droits s’élevaient ainsi à 30 % de la valeur des machines importées14.
Figure 19. – Jacques Eugène Armengaud, Mouvement et distribution de la Gironde, lavis de couleurs sur traits de crayon et d’encre, 1841-1842. Musée des Arts et Métiers, Portefeuille industriel, inv. 13571.760.

© Musée des Arts et Métiers-Cnam/photo Dephti Ouest.
Le démarrage de 1845-1846
7La fermeture du marché français et les commandes de machines pour les lignes de l’étoile Legrand ont entraîné une forte demande de locomotives pour les constructeurs français. Deux cent quatre-vingt-dix machines ont ainsi été construites en 1846-1847, répondant aux commandes de la ligne du Nord et de l’axe Paris-Strasbourg. Le Chatelier indique ainsi : « Le chemin de fer du Nord, à lui seul, a absorbé presque tous les moyens de fabrication pendant l’année 184615. » Au Creusot, les usines de Schneider et Compagnie ont fait édifier un atelier dédié à la production des locomotives16. D’autres constructeurs sont apparus sur le marché, comme la maison parisienne Derosne et Cail. Spécialisée dans les machines de sucrerie, elle a reçu une commande de sept locomotives pour la ligne du Nord par l’État en 1844. Vers 1846, l’entreprise a été sollicitée directement par le Nord pour la fourniture de seize Long Boilers avec tenders et pièces de rechange17. Ces machines nous sont connues par un dossier du Portefeuille industriel exécuté au moment même de la construction (inv. 13571.756) : les planches, malheureusement anonymes, sont de belles épures rehaussées de lavis brun et d’aquarelle et permettent de voir la circulation de l’eau à l’intérieur de la machine. Elles sont, dans les collections, rapidement mises en perspective avec un modèle réduit de Pierre Clair, acquis lors de l’Exposition universelle de 1851 à Londres, d’une Long Boiler de Robert Stephenson (inv. 04601), dont la coupe permet également de découvrir l’intérieur de la chaudière. Derosne et Cail devait devenir le deuxième constructeur français de locomotives, notamment grâce à l’exclusivité de la production des machines de vitesse de Thomas Crampton. Armengaud indique en 1848 que « quelques locomotives de ce genre fonctionnent en Angleterre, et on commence à en exécuter de semblables chez MM. Derosne et Cail18 ». Une machine de la série livrée en 1849 à la Compagnie du Nord est représentée dans le Portefeuille industriel l’année suivante (inv. 13571.937, fig. 20), de même que son tender (inv. 13571.960). Toujours chez Derosne et Cail, notons la construction de cinquante-six locomotives de type 030 ou Mammouth pour le Paris-Orléans en 184719, et d’une autre série de ces mêmes machines pour le Paris-Lyon en 1850, reproduite dans le Portefeuille industriel la même année (inv. 13571.939). Soulignons enfin le dossier relatif à une locomotive de type 021 de J.-F. Cail et Compagnie20, présentée à l’Exposition universelle de 1855 au cours de laquelle l’entreprise reçut une Grande Médaille d’honneur saluant la qualité de sa production (inv. 13571.1175)21.
8Si certains constructeurs français ont rapidement fermé leurs portes, comme Hallette à Arras ou Meyer à Mulhouse, d’autres ont connu un fort développement. C’est par exemple le cas d’Ernest Gouin et Compagnie, future Société de construction des Batignolles, créée ex nihilo par Gouin à Paris, qui livra ses premières locomotives en 1847. Une seule de ses locomotives est représentée dans les collections, par un modèle sommaire d’une machine-tender articulée, offerte par l’entreprise en 1865 (inv. 07363). Il s’agit ici d’un modèle qui n’est pas destiné à être admiré pour sa facture mais bien d’une pièce facilement explicable, munie de poignées pour agir sur les roues ou présenter le principe de l’articulation à l’aide d’une cheville ouvrière. Près de Strasbourg, l’usine de Graffenstaden a connu un essor remarquable dès 1844 et sa production a touché les chemins de fer, tant par la construction d’équipements et de matériel fixe que par la fabrication des locomotives. Le Portefeuille industriel garde la trace de deux machines livrées à la Compagnie de l’Est vers 1880 (inv. 13571.2088 et 2089) : ces documents ont été offerts par la Compagnie via Léon Barthélemy Regray (1833-1886), polytechnicien, ingénieur en chef depuis 1873 du matériel22 dont ils portent la signature. Ces plans, parmi lesquels figurent plusieurs « bleus », permettaient au Conservatoire d’actualiser ses collections en présentant des locomotives récemment produites, distinguées à l’Exposition universelle de 1878. Parmi les autres sociétés importantes, citons la Compagnie de Fives-Lille, même si aucune de ses locomotives ne figure dans les collections à l’exception d’une voiture automotrice de 1881 (Portefeuille industriel, inv. 13571.2183).
Figure 20. – A. Grabit, Locomotive système Crampton par Mr Ch. Derosne et Cail, lavis de bleu sur trait de crayon et d’encre, 1850. Musée des Arts et Métiers, Portefeuille industriel, inv. 13571.937.

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9Tout en restant attentif à la production étrangère, notamment anglaise, le Conservatoire, à travers ses collections, manifeste le plus grand intérêt pour les constructeurs français de locomotives. C’est l’occasion d’établir un point de comparaison entre les deux pays. Les représentations de locomotives « entières » demeurent toutefois secondaires, contrairement aux différents « éléments constitutifs » sur lesquels nous reviendrons plus loin. L’établissement ne cherchait pas à former un ensemble complet, listant tous les types de locomotives produits, mais bien la mise en évidence des locomotives reconnues pour leurs qualités et leur construction, ou pour leur caractère innovant.
Une filière d’excellence
10En 1860, John Robinson (1823-1902), représentant la firme Sharp, Roberts and Company, était auditionné par le Conseil supérieur de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie. Répondant aux questions d’Eugène Rouher (1814-1884), ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, au sujet de l’application de législation douanière, Robinson indiquait : « J’ai vu à peu près tous les ateliers de construction [de locomotives] de France, ceux de M. Cail, de M. Gouin, de M. Koechlin, ceux du Creuzot [sic] ; et partout je n’ai trouvé que des machines très-bien confectionnées23. » Robinson relevait toutefois une construction moins perfectionnée du point de vue des machines-outils, rappelant que l’entreprise Sharp-Roberts construisait elle-même les machines nécessaires à la production des locomotives.
11Cette remarque d’un industriel anglais rappelle qu’en 1855, 94 % des locomotives en circulation étaient françaises et que les constructeurs français exportaient près de 40 % de la production24. Elle met en lumière la qualité des locomotives françaises, qui répondaient à plusieurs objectifs tant en termes de vitesse, de puissance, de sécurité, de fiabilité et d’économie. La plupart des compagnies françaises ont privilégié l’acquisition de petites séries dont les machines étaient spécialement disposées pour des usages particuliers. Après les machines Long Boiler, adaptées au service des trains mixtes et de marchandises, on a ainsi fait appel aux Rear Driver de Stephenson mais surtout aux Crampton pour les trains rapides de voyageurs. D’autres machines ont été essayées pour ce genre de trains, mais seules les locomotives rapides de Victor Forquenot de La Fortelle, sur le Paris-Orléans, ont offert des performances notables. Pour les trains de marchandises, plus lourdement chargés, plusieurs compagnies ont adopté le type Mammouth, à six roues couplées, tandis que Jules Petiet, ingénieur du Nord, s’est intéressé aux machines Engerth. Il ne s’agit pas ici de détailler les multiples variantes de ces séries25, mais plutôt de relever cette diversification des types et les nombreuses innovations qui ont été progressivement introduites dans les locomotives françaises. L’absence de charbon à haut pouvoir calorifique à bon marché a incité les ingénieurs des compagnies ferroviaires à rechercher des solutions pour optimiser le combustible brûlé. Plusieurs perfectionnements ont donc été apportés aux locomotives, touchant non seulement leur allure (par exemple avec l’allongement du faisceau tubulaire des chaudières pour accroître la surface de chauffe, comme sur les Long Boilers) et certains de leurs composants (surfaces de grille et foyers, emploi de la détente variable, du freinage à contre-vapeur, utilisation de la double expansion, alimentation de la chaudière par l’injecteur d’Henri Giffard…). Les locomotives françaises se distinguent par une construction très sophistiquée, reposant sur une main-d’œuvre formée et compétente dans le domaine de la mécanique.
12De ce point de vue, transmettre les connaissances techniques relatives à la construction des locomotives et au progrès de cette filière s’est révélé des plus pertinents. L’existence d’un secteur français dynamique et pourvoyeur d’emploi pouvait inciter ouvriers et techniciens à approfondir et diversifier leurs connaissances dans ce domaine grâce au Conservatoire des arts et métiers. La locomotive, comme machine à vapeur, et ses différents éléments constitutifs sont donc des objets d’étude pour les enseignements du Conservatoire, notamment de mécanique appliquée, qui trouvent écho dans les collections d’objets et de dessins. L’institution a bien joué un rôle de diffuseur de l’innovation, notamment dans le domaine ferroviaire, de par la présentation d’objets illustrant des innovations marquantes dans ses galeries.
La locomotive, une machine à vapeur
13La locomotive a occupé une place notable dans les enseignements du Conservatoire des arts et métiers. Son étude a permis d’illustrer certains principes communs à toutes les machines à vapeur en mettant l’accent sur certaines dispositions particulières, comme l’emploi de la haute pression et l’accroissement de la vitesse des pistons. Il ne s’agissait pas, pour les professeurs, d’apprendre à leurs auditeurs comment l’on conduit une locomotive, mais d’expliquer, à travers son fonctionnement, ce qu’est une machine à vapeur et comment on doit la contrôler. C’est aussi l’occasion de mettre en exergue quelques innovations marquantes qui, générées par l’évolution de la locomotive, ont pu bénéficier à l’ensemble des machines à vapeur.
Un objet d’étude (mécanique et thermodynamique)
14Charles Dupin est le premier à présenter la locomotive à vapeur dans les cours de mécanique appliquée, au début des années 1820. La quatorzième leçon de la troisième année de son enseignement, portant sur la « dynamie », nous intéresse tout particulièrement. Intitulée « Machines à vapeur à moyenne et à haute pression », elle comprend un passage relatif aux locomotives à vapeur26. Abordant la question de la machine à haute pression d’Oliver Evans (1755-1819), Dupin poursuit avec les locomotives :
« En 1802, MM. Trevithick et Vivian prirent en Angleterre un brevet d’invention pour une machine à vapeur à haute pression, sans condensation, appliquée à tirer des voitures sur des routes ordinaires. Ayant trouvé de trop grandes difficultés pour mettre leurs idées en pratique ; ils se bornèrent à chercher le moyen d’appliquer la force de la vapeur au tirage des chariots sur les routes-ornières.
En 1804, cette nouvelle conception fut réalisée sur la route en fer de Merthyn Tydvil [sic]27, dans le pays de Galles.
En 1811, M. Blenkinsop introduisit l’usage d’ornières dentées sur lesquelles roulaient des roues de chariot, pareillement dentées et mises en mouvement par la force de la vapeur. Cette amélioration permit de suivre des pentes plus ou moins fortes, sans craindre que la machine ne glissât sur les ornières comme sur des plans inclinés.
En 1812, MM. Edwards et William Chapman prirent une patente pour faire agir leur machine motrice sur une chaîne étendue dans toute la longueur de la route et bien fixée aux extrémités. Cette chaîne faisant un double tour dans une gorge creusée sur un cylindre horizontal mis en mouvement par la force de la vapeur. C’est un moyen comparable à celui que les marins emploient pour se haler sur une ancre, avec un cabestan.
On doit à M. Brunton un système ingénieux, qui fait agir la force de la vapeur sur des leviers ou jambes artificielles, par lesquelles le chariot à vapeur est poussé sur la route comme une brouette est poussée par l’ouvrier qui la dirige28. »
15La leçon se termine avec la description d’une des locomotives construites dans les ateliers de Killingsworth sous la direction de George Stephenson, probablement vers 1816. Dupin fait office de précurseur, car la question de la traction par machine à vapeur demeure très peu abordée en France avant que ne soit relayé le concours de Rainhill, en 1829. Le discours du professeur doit être rapproché de l’article d’Andrieux sur le chariot à vapeur de John Blenkinsop (1783-1831) paru en 181529, repris sans addition par Borgnis en 181830, ou d’une note de 1826 où l’on soulignait les imperfections de la locomotive, tant en termes de performances, de conception que de coûts31.
16Au début des années 1840, Arthur Morin approfondit la question. S’appuyant sur des cas concrets tirés des premières locomotives opérationnelles circulant en France, il présente les meilleures dispositions pour obtenir de bonnes performances. Il sélectionne soigneusement les exemples à partir des expériences et études conduites par les ingénieurs des premières compagnies ferroviaires. Dans l’avant-propos des leçons consacrées aux machines à vapeur, Morin écrit :
« L’exposition des formules théoriques du calcul de l’effet utile des machines à vapeur adoptées par M. Poncelet dans ses leçons à l’école de Metz est suivie de la discussion des hypothèses sur lesquelles elles sont fondées. De nombreux résultats d’observations faites avec l’indicateur de la pression en France et en Angleterre justifient ces hypothèses, et montrent que, pour les machines bien proportionnées, il existe un rapport sensiblement constant entre l’effet utile réel et l’effet théorique déduit de ces formules.
L’application des règles ordinaires du mouvement des fluides à la circulation de la vapeur depuis la chaudière jusqu’au cylindre, à travers les divers conduits et orifices qu’elle traverse, me permet de montrer l’influence fâcheuse qu’exercent les étranglements des passages, les proportions trop restreintes des orifices, l’emploi des tuyaux d’un trop petit diamètre, etc., et explique comment, dans certaines machines mal proportionnées, il existe entre la chaudière et le cylindre des différences de pression parfois très considérables. L’application de ces règles aux locomotives, et la comparaison des résultats que l’on en déduit avec ceux qu’ont fournis les intéressantes recherches de MM. Gouin et Lechatelier [sic], montrent l’importance des bonnes proportions, et mettent sur la voie de plusieurs perfectionnements à introduire dans ces machines32. »
17Morin fait ici référence aux Recherches expérimentales sur les machines locomotives, publiées en 1845 par Ernest Gouin et Louis Le Chatelier. Cet ouvrage récent relatait les expériences que les deux ingénieurs avaient conduites pour « étudier expérimentalement toutes les circonstances de l’emploi de la vapeur dans les machines locomotives ». Ils cherchaient en effet à appliquer l’indicateur de Watt à la mesure des tensions variables de la vapeur dans les cylindres, transposant sur la locomotive des travaux précédemment réalisés sur des machines fixes. Il s’agissait de mieux connaître les phénomènes de tension de la vapeur et de communiquer ces résultats aux praticiens33.
18La cinquième leçon, ouvrant le chapitre « Du calcul du travail développé par la vapeur dans les machines », s’achève sur les difficultés et inconvénients pratiques des hautes pressions. Morin y indique : « On limite généralement la pression à celle de cinq ou six atmosphères au plus ; on étend l’emploi de la détente dans des limites beaucoup plus éloignées que par le passé, et l’on y joint celui de la condensation pour la plupart des grandes machines. Quant aux machines sans détente ni condensation, leur usage est limité aux machines-outils à action directe de la vapeur, et aux locomotives, auxquelles cependant on essaie avec succès depuis quelque temps d’appliquer la détente dans des limites aussi étendues que le comporte la nature de leur service34. » Il faut ici rapprocher cette remarque des objets et documents de la collection acquis à partir de 1845 et démontrant le fonctionnement – et l’intérêt – de la détente de la vapeur appliquée aux locomotives : locomotive avec détente Meyer (Portefeuille industriel, inv. 13571.762, acheté en 1842) ; locomotive avec détente variable Stephenson (Portefeuille industriel, inv. 13571.749, acheté en 1843) ; distribution Meyer appliquée aux locomotives (modèle d’Eugène Philippe, inv. 03080, acheté en 1845) ; détentes variables appliquées aux locomotives (Portefeuille industriel, inv. 13571.755, acheté en 1846) (fig. 21).
19Dans la sixième leçon, « Vérification de ces hypothèses. Discussions des hypothèses admises dans les formules précédentes », Morin s’attache à montrer par de nombreux exemples l’intérêt et l’utilité des formules pour déterminer le travail des machines à vapeur, qu’elles soient fixes, embarquées sur des navires ou des locomotives. Il reprend de nouveau le mémoire de Gouin et Le Chatelier, et va proposer une interprétation des expériences réalisées sur la Gironde, locomotive de type Patentee, première construite par les usines du Creusot en 1838, commandée par le Versailles Rive droite. Le professeur rappelle qu’il s’établit, pendant l’admission, une pression constante dans le cylindre et que, pendant l’émission, la pression résultante devient aussi à peu près constante. Les valeurs constatées dépendent de l’ouverture du régulateur et de la vitesse de marche35. Morin rend compte de certains résultats, notamment de la différence de pression dans les cylindres et la chaudière, et analyse une courbe reproduite par Gouin et Le Chatelier qu’il reprend dans son propre cours : « On remarque que, dans la courbe pleine, l’avance à l’admission déterminée par le règlement des tiroirs, et qui est indiquée par la courbe ponctuée, est notablement diminuée, ce qui provient des flexions des bras de leviers et des torsions des arbres pendant la marche en charge. On voit aussi que l’avance à l’échappement, très sensible dans la marche lente, devient très faible en service courant, ce qui explique l’excès de la pression résistante aux premiers instants de l’échappement. On doit conclure de ces remarques que, dans ces machines, dont les tiroirs sont soumis à de grandes pressions, il importe de proportionner les pièces de transmission du mouvement de manière à ce qu’elles n’éprouvent que de très faibles flexions ou torsions36. » S’ensuit un tableau qui souligne l’influence de l’ouverture du régulateur sur les différences de pressions. Morin expose ainsi des éléments fondamentaux pour la conduite d’une locomotive à vapeur, de manière à contrôler au mieux l’admission de la vapeur et donc agir sur la vitesse de l’engin. Il enchaîne en abordant une question fondamentale, celle de la quantité d’eau entraînée par la vapeur. L’eau étant incompressible, sa présence dans les cylindres peut être préjudiciable aux performances de la locomotive, mais également à la durée de vie des pièces mécaniques37. Morin achève sa leçon en rappelant la nécessité de donner un peu d’avance à l’admission pour garantir une pression constante, qu’il importe de régler correctement les tiroirs pour ce faire, que les locomotives sont plus particulièrement sensibles à ce principe.
Figure 21. – Jacques Eugène Armengaud, Nouvelle Locomotive de M.M. Meyer et Cie, épure rehaussée, vers 1842. Musée des Arts et Métiers, Portefeuille industriel, inv. 13571.762.

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20La huitième leçon poursuit l’illustration de données et théories générales à certaines machines, et plus particulièrement de l’utilisation de la détente variable. Morin, pour en montrer l’application aux locomotives, reprend le cas de la Gironde. Le professeur invite les auditeurs à consulter le troisième volume de la Publication industrielle de Jacques Eugène Armengaud38, puis applique une série de formules permettant de déterminer les pertes de pression. Il poursuit :
« L’application que nous venons de faire des formules à la circulation de la vapeur dans les locomotives ne doit être regardée que comme un moyen de reconnaître l’influence relative des diverses causes qui occasionnent des différences de pression, bien plus que comme une méthode exacte pour apprécier ces pertes. Il faudrait comparer les pertes réelles avec celles que donnent ces formules, et joindre à celles que nous avons cherché à estimer l’influence des refroidissements intérieurs et extérieurs, pour pouvoir se flatter d’obtenir des résultats exacts. Mais, quoi qu’il en soit, l’on voit que dans la machine la Gironde les principales pertes de force vives et, par suite, les principales différences de pression sont dues :
1o Au rétrécissement inutile du passage dans la partie supérieure du dôme, dont la dimension générale est beaucoup trop petite ;
2o À l’étranglement variable produit par le régulateur, seul moyen que possède le conducteur de cette machine d’en modifier la puissance, parce qu’elle est à détente fixe ;
3o À l’étranglement des lumières produit par le tiroir lui-même au moment de la plus grande ouverture ;
4o À l’introduction dans le cylindre39. »
21En délivrant ces informations on ne peut plus pratiques et concrètes, Morin met en évidence quelques principes à prendre en compte pour la construction des machines à vapeur, et notamment les locomotives.
22Après un long passage dédié aux proportions à donner aux différents éléments constituants des machines à vapeur, Morin traite, en ouverture de la dix-septième leçon, de la réglementation des machines locomotives à détente variable. « La disposition que nous avons décrite est aussi employée avec une modification qui consiste à placer la glissoire dans la boîte à vapeur, et à la faire mouvoir sur le tiroir, qui est alors dressé sur ses deux faces et percé de deux ouvertures correspondantes aux lumières du cylindre. La fermeture ou l’ouverture des orifices du tiroir dépend alors des positions relatives de la glissoire par rapport à ces orifices40. » Morin donne la description d’une planche détaillant le fonctionnement de cette glissoire. Il poursuit :
« Sans entrer dans plus de détails sur cette distribution, nous nous contenterons de faire remarquer qu’elle donne au mécanicien toute la latitude nécessaire pour faire varier entre des limites suffisamment étendues la puissance de la machine.
Il existe beaucoup de dispositions analogues, proposées ou exécutées pour des machines fixes ou locomotives ; mais les exemples précédents suffiront, je pense, pour mettre à même d’en tracer et d’en discuter les courbes de réglementation41. »
23Après avoir donné quelques cas concrets de machines fixes et de machines de bateaux, Morin rappelle que
« l’avance à l’admission doit être très petite, et quoiqu’on l’ait réglée […] à 1/90 ou 1/100 de la course, cela semble encore trop fort. […] Mais il faut observer que cette quantité dépend de la différence entre la pression dans la chaudière et celle qui a lieu à la fin de l’échappement, et quoi doit être d’autant plus grande que cette différence est plus faible, ce qui explique comment cette avance à l’admission peut dans les machines à basse pression s’élever à 1/40 de la course. Il faut, de plus, remarquer que par l’effet de l’inégalité de dilatation des tiroirs et des cylindres, et par celui des flexions de pièces de transmission dans les changements de direction de mouvements si brusques dans les locomotives, ainsi que par le jeu qui s’accroît entre les articulations, les avances réglées au repos ne sont pas les avances en marche. Il sera donc nécessaire de vérifier l’état de la réglementation pendant la marche, soit à l’aide de l’indicateur, soit avec [un] appareil […]. On fixera donc la valeur absolue de cette avance pour la course de gauche à droite.
Quant à l’avance à l’échappement, elle peut, comme on l’a vu, s’élever à 1/15 ou 1/20 de la course pour les machines à basse pression et même pour les machines fixes à haute pression. Dans les machines locomotives elle n’est guère que de 1/25 de la course ; mais cette proportion semble beaucoup trop faible, d’après les expériences citées de MM. Gouin et Lechatelier [sic], qui montrent que la pression résistante dans ces machines est trop considérable42. »
24Les leçons de Morin permettent ainsi, au milieu des années 1840, de constater les recherches en cours pour perfectionner les locomotives à vapeur. Sujet d’étude en soi, la locomotive permet, grâce aux expériences dont elle fait l’objet, de mieux connaître les lois physiques (notamment mécaniques et thermodynamiques) qui s’opèrent dans la machine. C’est aussi l’occasion, pour les auditeurs, d’approfondir leurs connaissances quant à la construction des locomotives et à leur fonctionnement. Dans un second temps, le cours semble s’attarder sur plusieurs éléments constitutifs, et en particulier sur la chaudière.
La chaudière
25À partir des années 1850, le Conservatoire poursuit l’enrichissement des collections ferroviaires, mais aux représentations de locomotives « complètes », il privilégie celles relatives à des éléments constitutifs. L’industrie française de construction de locomotives est alors en plein essor, les séries de machines se multiplient et se diversifient, et l’institution cherche à mettre en avant des composants essentiels, communs aux différentes locomotives. Si Morin s’était attardé sur la détente variable, son successeur, Henri Tresca, va longuement s’intéresser à la chaudière. Comme Morin, il s’appuie sur des résultats d’expériences. D’une manière générale, les questions relatives aux chaudières intéressent les compagnies ferroviaires et les constructeurs, et Tresca va aborder plusieurs points précis qui traitent de questions spécifiquement ferroviaires. Le troisième chapitre, relatif aux différents systèmes de chaudières à vapeur, comporte ainsi une section entièrement dédiée aux chaudières de locomotives.
26Tresca s’attache en premier lieu à donner une définition des chaudières tubulaires et de leurs caractéristiques principales :
« On désigne particulièrement, sous ce nom, les chaudières dans lesquelles la fumée est obligée de passer par un grand nombre de tubes de petit diamètre, qui présentent une grande surface de chauffe et qui ont permis de réduire, dans une proportion considérable, le volume des anciens appareils de vaporisation.
Certaines chaudières de locomotives atteignent et dépassent même 100 mètres carrés de surface de chauffe, et constituent certainement les plus puissants appareils que l’on puisse obtenir sous un aussi petit volume. Les métaux employés pour la construction des tubes sont le fer, le cuivre rouge et le laiton. Les tubes de cuivre sont certainement les meilleurs, en ce qu’ils peuvent plus facilement être réparés en cas de détérioration ; mais leur prix élevé leur fait souvent préférer les tubes de laiton et les tubes de fer43. »
27Tresca fait ensuite référence aux travaux de Joël Barlow (1755-1812), dont le brevet, pris en France le 24 août 1793, est le plus ancien concernant la chaudière tubulaire.
« Malgré l’antériorité incontestable des idées de Joël Barlow, Seguin en France, Stephenson en Angleterre, sont considérés comme les inventeurs de la chaudière tubulaire appliquée aux locomotives, et en fait, les générateurs de ces puissantes machines n’ont pas cessé d’être construits, depuis lors, sur le système tubulaire, qui est également appliqué maintenant aux machines de bateau. Seulement les formes de la chaudière de locomotive sont plus cylindriques, c’est-à-dire plus robustes, et un grand développement est donné au foyer […], qui doit suffire à une très-grande consommation de combustible.
On sait en effet, que, dans les locomotives, le courant d’air est très-rapide, par suite de l’échappement de la vapeur dans la cheminée.
Cette nécessité d’un grand foyer oblige à augmenter la largeur de la boîte à feu […], conduit à des formes rectangulaires et, par conséquent, exige l’emploi d’armatures très-puissantes dans cette partie de la construction. […]
Le foyer, disposé pour brûler du coke, peut recevoir un chargement très-épais de combustible ; aussi la porte […] est-elle très-élevée, ce qui rend le nettoyage de la grille presque impossible. Le parcours affecté à une même machine est toujours assez court pour que la grille ne puisse entièrement être engorgée, et, lorsqu’elle a terminé son service, le chauffeur n’a généralement d’autre moyen de nettoyage que l’enlèvement complet de la grille. La substitution de machine qu’exige cet état de choses, se fait dans les trains les plus directs, avec une telle rapidité que c’est à peine si les voyageurs s’en aperçoivent. Elle est du reste, pour eux, une garantie d’autant plus grande que la machine est toujours visitée, et réparée s’il y a lieu, avant cette mise en service, qui dure à peine quelques heures.
Si nous considérons les chaudières de locomotives, dans lesquelles les gaz brûlés se rendent directement dans la cheminée par les tubes, nous voyons qu’aucune autre disposition non tubulaire ne saurait présenter, au point de vue de la surface de chauffe, un aussi grand résultat44. »
28Tresca poursuit son exposé avec des formules permettant de connaître précisément la surface de chauffe des chaudières tubulaires et déterminer la meilleure structure en fonction de la puissance souhaitée, afin de choisir entre peu de tubes de grands diamètres et de nombreux tubes de petit diamètre. Le professeur note :
« La petitesse des tubes et leur rapprochement les uns des autres rendent les incrustations fort à craindre autour de leur surface extérieure, entourée d’eau de tous côtés ; de là des réparations fréquentes et des frais d’entretien considérables.
Il est d’ailleurs indispensable que ces tubes soient toujours couverts d’eau. Si quelques-uns d’entre eux viennent à être émergés, ils rougissent sous l’action des gaz de la combustion et le métal dont ils se composent n’offre plus alors la résistance nécessaire à l’action de la pression considérable à laquelle ces chaudières fonctionnent ; ils s’écrasent et se fendent fréquemment dans le sens de la longueur45. »
29Tresca souligne que les chaudières tubulaires adaptées aux locomotives ont servi de modèle aux locomobiles. Il poursuit avec les chaudières de bateaux, puis revient aux chaudières de locomobiles en prenant l’exemple de la machine de Tuxford, que le Conservatoire des arts et métiers avait acquise dans le cadre de l’Exposition universelle de Londres en 1851 (inv. 05017) : cette machine puissante mais compacte était fort utile pour fournir la force nécessaire à la réalisation d’expériences46. Viennent ensuite plusieurs considérations sur différentes dispositions de chaudières. Tresca clôt le chapitre en rappelant que « pour les machines locomotives, la chaudière tubulaire à corps cylindrique et boîte à feu rectangulaire, avec échappement de la vapeur dans la cheminée » est la disposition idéale47. L’exposé, clair et didactique, permet immédiatement de comprendre comment on construit une chaudière de locomotive, quels sont les atouts et les faiblesses d’un tel dispositif. La suite du cours mobilise davantage les résultats d’expériences, mettant en lumière l’attention portée par le professeur aux recherches les plus récentes. On entrevoit également les relations qu’il pouvait entretenir avec les constructeurs et les ingénieurs des compagnies ferroviaires pour suivre de près ces informations.
30Le chapitre sur l’utilisation des gaz dans les chaudières est ainsi l’occasion de relater les expériences pour connaître la composition des gaz par Félix Joseph Foucou et Amiguis. Plus loin, Tresca rend compte des travaux de John Dewrance (vers 1803-1861), superintendant du chemin de fer de Liverpool à Manchester, et Edward Woods (1814-1903), ingénieur de cette même compagnie, sur la vaporisation dans les tubes :
« MM. Dewrance et Woods […] ont fait, dès 1842, des expériences sur l’efficacité des différentes parties de la surface du [sic] d’un appareil tubulaire.
À cet effet leur chaudière tubulaire était divisée en six compartiments […]. Dans le premier compartiment, chaque décimètre carré de surface de chauffe vaporisait, à fort peu près, une quantité d’eau égale à celle fournie par une égale surface de la boîte à feu. Cette vaporisation était réduite au tiers dans le second compartiment, et, dans les divisions suivantes, la vaporisation a été tellement faible qu’on est resté dans le doute sur la question de savoir s’il y avait réellement une production quelconque de vapeur.
MM. Dewrance et Woods ont donc été amenés à conclure que, dans une chaudière tubulaire de locomotive, du modèle de celle qui avait servi à leurs expériences, les quinze premiers centimètres de tube ont un effet évaporatoire supérieur à celui de toute la partie restant du tube, sur une longueur de 1 m 50 environ.
Mais il faut remarquer que l’effet doit être tout autre en service courant, parce que le tirage étant alors rendu beaucoup plus énergique au moyen de l’échappement de la vapeur dans la cheminée, l’action refroidissante de la première partie du tube est moins efficace, et laisse plus d’utilité aux parties suivantes48. »
31Cette expérience est complétée par celle de Charles Wye Williams (1779-1866), réalisée avec un seul tube.
32Dans le chapitre traitant des résultats des expériences, Tresca présente deux machines fixes équipées de chaudières tubulaires. Il ne s’agit certes pas de chaudières de locomotives, mais le contexte de leur utilisation nous intéresse particulièrement. La première, visible à l’Exposition de 1855, a en effet été construite par la Compagnie de Lyon.
« Dès la première application des chaudières tubulaires aux machines fixes nous voyons que l’utilisation du combustible est la même que pour les bonnes chaudières à bouilleurs ; seulement la vaporisation par mètre carré de surface de chauffe se trouve notablement amoindrie, par suite de l’augmentation du rapport entre la surface de chauffe et celle de la grille.
La proportion de la surface libre de cette grille est d’ailleurs notablement plus grande et l’on brûle par mètre carré de grille plus de 100 kilogrammes de houille.
Toute la fumée devant passer par les tubes, il ne sera pas inutile d’examiner leur section totale qui remplace ici celle des carneaux49. »
33La seconde chaudière a été établie par Alfred Nozo (1814-1872) aux ateliers de La Chapelle de la Compagnie du Nord, en 1854. Les résultats sont jugés « très-favorables » et ont permis de « préconiser l’emploi général des chaudières tubulaires, comme devant remplacer les chaudières à bouilleurs. » Plus loin, Tresca note : « Sous le rapport de la production, ce générateur est le plus puissant appareil que nous ayons vu, et le soin apporté à l’agencement de toutes ses parties est des plus remarquables. Nous ne serons pas indiscrets en donnant avec détails les dimensions des diverses parties dont il se compose ; il peut être intéressant de pouvoir, sous un volume relativement réduit, concentrer, dans quelque circonstance spéciale, une aussi grande puissance de vaporisation50. » Les conclusions de Nozo sur l’utilisation des chaudières fixes tubulaires sont rapportées plus loin et complétées par les expériences de Léopold Chavès, inspecteur du service des eaux au chemin de fer du Nord : « M. Chavès a, sous sa direction, sur toute la ligne du Nord, le service de l’eau nécessaire aux diverses stations. Suivant les circonstances, cette eau est fournie à bras d’hommes ou par une machine à vapeur, et le travail, auquel nous nous proposons d’emprunter quelques chiffres, a principalement pour objet d’établir une comparaison entre les divers modes employés. Ce n’est qu’accessoirement, et seulement pour un petit nombre de machines à vapeur, que M. Chavès a fait connaître les chiffres de vaporisation, les seuls que nous ayons ici à considérer51. » Tresca note l’intérêt de données issues d’expériences conduites lors du service normal. Il met en lumière l’avantage d’utiliser des chaudières tubulaires pour ce genre d’activités. Il conclut quelques pages plus loin sur les conditions d’application des chaudières tubulaires aux machines fixes, et rappelle que la surchauffe de la vapeur semble une solution prometteuse, encore en cours d’expérimentation, notamment au chemin de fer du Nord. Il permet en effet de limiter l’un des principaux inconvénients des chaudières tubulaires, à savoir l’entraînement d’eau.
34Tresca traite ensuite des dimensions à donner aux chaudières des locomotives.
« Pour connaître les proportions généralement adoptées dans la construction des chaudières des machines locomotives, il suffit de relever et de comparer leurs éléments dans les machines en usage sur les différentes lignes.
On connaît aussi, avec une exactitude suffisante, la consommation du combustible, puisqu’elle est un des éléments importants de l’exploitation, et que chacun des chauffeurs est intéressé à la diminution de dépense qu’il réalise.
La quantité d’eau vaporisée ne donne pas lieu à un contrôle de même nature, en telle sorte qu’il faut rechercher, dans certaines expériences spéciales, le chiffre de la vaporisation par kilogramme de combustible.
Notre but étant seulement d’indiquer, d’une manière générale, pour les chaudières des locomotives, les mêmes données que celles recueillies pour les autres chaudières, nous pourrons nous contenter de quelques évaluations moyennes, d’autant plus exactes que toutes les chaudières des locomotives sont, à très-peu de différence près, de même construction, et qu’elles différaient même très peu dans leurs dimensions principales, jusque dans ces derniers temps. […]
Au point de vue du rapport entre la surface de chauffe et la surface de grille, nous avons extrait, du tableau général, donné par M. J. Gaudry, dans son Traité des machines à vapeur, toutes les indications relatives, aux machines à voyageurs, qui renferment, à la fois, ces deux éléments de la question.
Pour les machines à marchandises, dont la vaporisation est plus grande, la grille a généralement une surface variable suivant la nature du combustible ; la surface de chauffe s’élève à 100 mètres carrés, et le rapport diffère très-peu de 8052. »
35Tresca mentionne ici les informations recensées par Jules Gaudry à partir de constatations faites sur des machines de Cavé, Stephenson, Sharp-Roberts, Buddicom, Hawthorn, Shart, Cail, Hallette et Polonceau, sur les lignes de Versailles (Rive gauche ou Rive droite ?), de Saint-Germain, de Rouen, d’Orléans, de l’Est, de Lyon et de Troyes53.
36Tresca complète ce panorama avec les résultats d’expériences réalisées par Isambard Kingdom Brunel (1806-1859) et Daniel Gooch (1816-1889), relatées par Louis Le Chatelier54, et relate des expériences sur la consommation en combustible et en eau des chaudières de locomotives réalisées sur la ligne du Nord55 et sur la ligne de Toulon à Marseille56. Pour finir, Tresca s’intéresse à la question des nouvelles locomotives et de leur puissance :
« Le trafic des chemins de fer ayant beaucoup augmenté sur certaines lignes, et les rampes à franchir étant, sur certains points, beaucoup plus grandes, on a été conduit à construire des machines, et par conséquent, des chaudières beaucoup plus puissantes, dans lesquelles la surface de chauffe a été portée jusqu’à 213 mètres carrés. Les grandes machines à quatre cylindres, dans lesquelles la Compagnie du chemin de fer du Nord a dû placer horizontalement la cheminée, par suite du peu d’espace laissé libre entre le haut de la chaudière et le dessous des ouvrages d’art, sont, avec les locomotives de montagne du Semmering, les types les plus nouveaux de ces puissants appareils. A l’occasion de l’exposition universelle de Londres, les auteurs de ces systèmes ont fait connaître, dans des publications spéciales, tous les détails de construction qui s’y rapportent. […]
Il résulte que la surface de chauffe totale, dans laquelle on a compris celle des réchauffeurs employés dans les nouvelles machines du chemin du Nord, s’élève quelquefois jusqu’au centuple de la surface de grille, mais que cependant le rapport s’abaisse quelquefois jusqu’au chiffre 60.
Quant à la section libre, formée par l’ensemble des tubes, elle est en général inférieure au quart et quelquefois au sixième de la surface de la grille. […] Le fonctionnement des chaudières locomotives est surtout remarquable par la rapidité des courants gazeux ; et il ne donne une bonne utilisation de la chaleur développée qu’à la faveur d’une surface de chauffe très-grande par rapport à la surface de la grille57. »
37Tresca propose ainsi un tour d’horizon complet quant à la construction des chaudières de locomotives. Il s’arrête non seulement sur la structure de ces éléments mais en explique le fonctionnement et comment on peut en tirer le meilleur parti. Le cours, publié en 1863, rend compte des recherches les plus récentes, et relate certaines des pistes présentées à l’Exposition universelle de Londres, en 1862. Les données chiffrées et très documentées indiquent que Tresca avait accès à un grand nombre d’informations techniques, et qu’il disposait d’un réseau actif dans le monde ferroviaire.
De l’utilité de la connaissance de la locomotive
38L’industrie ferroviaire française de la locomotive s’est organisée relativement tôt, dès la fin des années 1830, et a connu un essor rapide et intense à partir de 1845. La production, destinée aussi bien au marché intérieur qu’à l’exportation, est reconnue pour sa qualité. Cela signifie que, comme pour la construction des lignes, la production du matériel de traction a constitué un secteur dynamique, pourvoyeur d’emplois. À ce titre, l’apport du Conservatoire des arts et métiers est significatif.
39Collections et enseignements offrent en effet la possibilité d’approfondir les connaissances des auditeurs et des visiteurs sur la construction des machines en général, et sur les locomotives en particulier. Les notions essentielles relatives au mécanisme de ces machines (système bielle-manivelle, par exemple) et à la thermodynamique (conservation de la pression et de la température, circulation des fluides, tirage) sont sommairement expliquées mais malgré tout transmises. La structure même des machines est abondamment décrite, tout comme le choix des matériaux et les points essentiels sur lesquels l’attention des constructeurs doit s’attarder. Les notions liées à la démarche expérimentale sont également communiquées : le respect d’un protocole, l’observation attentive des organes, le compte rendu des résultats peuvent sensibiliser les auditeurs à davantage de rigueur dans leur travail. Forts de ce bagage, ils peuvent sans doute se former plus rapidement et être ainsi opérationnels en intégrant une entreprise de construction ou les services d’entretien d’une compagnie ferroviaire.
40N’ayant que peu d’informations sur les auditeurs au xixe siècle, il est difficile de savoir précisément quelle fut la portée de ces enseignements et s’ils furent effectivement utiles pour rejoindre le monde ferroviaire. Un cas particulier peut nous intéresser, même s’il faut le considérer avec prudence pour deux raisons. Il s’agit de Jules César Houel, dont la carrière fut remarquable. Issu d’une famille modeste (son père était sous-officier de l’armée de Napoléon Ier), il se forma non pas au Conservatoire mais à l’École d’arts et métiers d’Angers (promotion 1832). Embauché comme ajusteur, puis contremaître et enfin chef d’atelier, il fut recruté en 1844 par Jean-François Cail pour diriger la production des locomotives, en particulier la commande de la Compagnie des chemins de fer du Nord. Comme le rappelle C. Day, chez Cail, Houel créa un bureau d’études et chargea les contremaîtres de surveiller l’exécution des plans et dessins venus du bureau d’études58. Au début des années 1860, il quitta Cail et fut l’un des fondateurs de Fives-Lille. Houel était également impliqué au Conservatoire : en 1849, il fournissait une liste classée méthodiquement de « tous les éléments de la construction tels qu’écrous, boulons, polis, paliers59 » pour en faire reproduire les dessins et il siégea, à partir de 1853, au Conseil de perfectionnement60. Le parcours de Houel, sans être une exception, n’est pas non plus le plus courant ; bien des élèves des écoles d’arts et métiers ont fait des carrières honorables sans pour autant accéder à des fonctions aussi importantes et même recevoir la Légion d’honneur61. Houel n’est en outre pas passé par le Conservatoire, dont l’enseignement était différent de celui des écoles d’arts et métiers, en particulier vis-à-vis du dessin. On peut toutefois supposer que certains auditeurs du Conservatoire ont pu, à l’issue de leur « formation », intégrer comme lui des entreprises de construction mécanique comme ajusteurs ou contremaîtres.
Qualité d’exécution et fiabilité
41Au-delà des divers types représentés, les collections permettent d’apprécier des locomotives qui ont été sanctionnées, pour la plupart d’entre elles, par la pratique, et qui font office de références de par la qualité de leur construction et leur fiabilité. Pour reprendre le cas de la Victorieuse, les frères Armengaud soulignent la réussite de la conception de cette machine : « La bonne disposition de cette belle machine, justement appelée la Victorieuse, la précision avec laquelle elle fonctionne, la facilité et la promptitude avec lesquelles on peut la conduire, et les avantages qu’elle présente dans tout son ensemble, nous ont engagé à la donner comme modèle, persuadés que les mécaniciens qui le suivront seront toujours certains de réussir, en y apportant les mêmes soins, la même sévérité d’exécution62. » La simplification des commandes du poste de conduite est ainsi mise en avant dans la légende explicative accompagnant le dossier no 750 du Portefeuille industriel. Pourtant, ce type reste sans descendance, rapidement supplanté par les machines Long Boiler.
42Les machines Buddicom, même si elles peuvent être critiquées pour une consommation élevée de coke, intéressent les contemporains par leur construction relativement légère et la facilité de leur entretien courant : « Ces machines se font remarquer par la simplicité de leur construction, par la facilité et l’économie des réparations et par leur poids qui est de 12 tonnes 1/2, sans charge63. » Elles sont d’ailleurs distinguées en 1844 à l’Exposition des produits de l’industrie. À la même époque, le Paris-Orléans a pris livraison de machines Long Boiler de Stephenson et ses administrateurs se louaient de leur choix : « La perfection avec laquelle [ces locomotives] sont exécutées ne laisse rien à désirer et nous ne pouvons que nous applaudir du choix qui a été fait64. » On retrouve cette qualité de construction dans la représentation d’une Long Boiler de Derosne et Cail dans le Portefeuille industriel en 1846 (inv. 13571.756).
43Remarquée à l’Exposition de 1855, la locomotive pour trains de voyageurs de type 021, à quatre roues couplées, est représentée dans le Portefeuille industriel (inv. 13571.1175). La qualité de sa construction, due aux ateliers Derosne et Cail, y est remarquée, comme le note Henri Tresca : « Cette machine, remarquable échantillon de la fabrication de MM. Cail et Cie, a le singulier mérite de n’avoir pas été faite spécialement et soignée en vue de l’Exposition. C’est une machine fort bien faite, semblable en tout à celles qui sortent journellement des ateliers de ces constructeurs, dont l’habileté et la bonne et consciencieuse exécution sont généralement reconnues65. » Son poids est ainsi bien réparti pour limiter le porte-à-faux, et l’essieu avant a été chargé, ce qui évite les sorties de voie.
44Intéressants points de comparaison, les représentations de locomotives anglaises saluées à l’Exposition universelle de 1862 permettent de juger des spécificités britanniques tout en insistant sur certains éléments parfaitement bien exécutés. Eugène Flachat notait ainsi à propos d’une machine de Great Eastern (inv. 13571.1519) : « Cette machine, comme toutes celles qui sortent des ateliers fondés à Newcastle par les deux Stephenson, est exécutée avec une grande perfection66. »
Le matériel roulant, entre métallurgie, mécanique et carrosserie
45La construction du matériel roulant n’a pas, semble-t-il, autant intéressé les professeurs du Conservatoire que celle des locomotives. Comme le souligne François Caron, la technologie du matériel roulant dérivait de celle des voitures routières. De ce point de vue, le travail du charron et du carrossier était fort bien connu : le Portefeuille industriel et les collections de modèles comportaient en effet de nombreuses pièces illustrant la construction et la variété des voitures, charrettes et fardiers67. Le matériel ferroviaire présentait toutefois des variantes significatives, liées à la circulation sur des rails et en convois.
Les principes généraux
46Pour chaque wagon ou voiture68, on retrouve un châssis formé d’un cadre en bois ou en fer, reposant généralement sur deux essieux et comportant des chaînes pour l’attelage des véhicules entre eux et des tampons pour absorber les chocs. Le châssis supporte une caisse dont la forme est adaptée à l’usage. Charles Dupin, décrivant les chemins de fer ou de bois d’Angleterre, parle de « chariots » et indique :
« On doit préférer ceux qu’on emploie aux environs de Newcastle, lesquels portent 2 500 kilogrammes et pèsent 1,500 kilogrammes, à ceux qu’on emploie aux environs de Glasgow, lesquels ne portent que 600 kilogrammes et pèsent 300 kilogrammes.
La caisse de ces chariots est un tronc de pyramide quadrangulaire évasée et découverte par le haut. […]
Il y a des crochets à l’avant et à l’arrière du chariot, pour y fixer à volonté la corde de traction. Les roues, en fer moulé, ont 6 à 7 décimètres de diamètre ; leur largeur horizontale est de 15 à 16 centimètres ; elles présentent un rebord qui reste en dedans de la route en fer ; enfin la largeur de la voie est de 14 à 15 décimètres69. »
47Cette description n’est pas sans rappeler les wagons primitivement employés sur d’autres lignes anglaises ou françaises, dont les collections rendent compte dès le début des années 1830. En 1833, venant à la suite du modèle de locomotive Planet Engine de Stephenson (inv. 04044), Eugène Philippe livrait trois modèles de wagons : le premier pour le transport de marchandises, le deuxième pour la houille, le troisième pour le fer (inv. 04045, 04046 et 04047, fig. 22). La facture assez sommaire de ces trois wagons est conforme à l’usage : comme l’écrit bien plus tard Charles Couche, « le matériel à marchandises est établi, naturellement, d’après les mêmes principes que le matériel à voyageurs, mais plus grossier70 ». Ici, les caisses, en bois, sont montées sur un châssis également en bois, renforcé par une armature en fer. Les roues sont en fer, à rayons. En 1835, Leblanc exécutait pour le Portefeuille industriel dix plans des wagons du chemin de fer de la Loire (inv. 13571.688). Cinq planches se rapportaient aux wagons pour le transport du charbon ; les cinq autres illustraient le transport de marchandises. On pouvait ainsi constater la très grande proximité avec le matériel utilisé outre-Manche à la même époque. La diversité des usages était également mise en avant sur les dessins du matériel utilisé sur les deux lignes de référence à l’époque dans le Portefeuille industriel, à savoir de Londres à Birmingham (dossiers 686 et 691) et de Paris à Saint-Germain (dossier 690). Pour cette dernière en particulier, plusieurs dessins détaillent le matériel spécialement construit pour le transport de marchandises et de houille, preuve que la ligne n’était pas seulement destinée, comme on le dit souvent, au seul transport de voyageurs (fig. 22).
Figure 22. – Wagon tombereau pour le transport de la houille, modèle au 1/5 d’Eugène Philippe, 1833-1834. Musée des Arts et Métiers, inv. 04046.

© Musée des Arts et Métiers-Cnam/photo Michèle Favareille.
48Pour ce qui est des voitures pour voyageurs, les cas du Londres-Birmingham et du Paris-Saint-Germain rappellent que la construction des véhicules reprend les principes en vigueur sur les voitures sur routes. Les voitures de première classe sont ainsi pourvues d’une caisse analogue à ce que l’on trouvait sur les diligences. D’ailleurs, dans le dossier no 690, les dessins de voitures de voyageurs du Paris-Saint-Germain sont intitulés « Diligences et berlines pour voyageurs », références explicites au roulage. L’espace intérieur est divisé en compartiments accessibles par des portières latérales, sans circulation intérieure possible. On constate une stricte hiérarchisation de confort entre les différentes classes, avec l’absence de vitres par exemple pour les voitures de troisième classe, qui s’apparentent à des chars à bancs. Du point de vue de la construction, les châssis sont généralement en fer, mais les caisses sont entièrement en bois, d’où des risques élevés de casse ou d’incendie.
49Comme pour les locomotives, les représentations « complètes » de voitures pour voyageurs sont relativement peu nombreuses dans les collections. Après les premières entrées des années 1830, il faut en effet attendre l’Exposition universelle de 1851 pour que les collections s’enrichissent de quelques illustrations de véhicules anglais (notamment avec une voiture quelque peu atypique de William Bridges Adam [1797-1872], conçue pour être capacitaire et stable – Portefeuille industriel, inv. 13571.1089, enregistré en 1852). Une autre exposition, celle de 1867 à Paris, est l’occasion d’acquérir un intéressant modèle de voiture-lits américaine, mettant en évidence la différence de conception du matériel des deux côtés de l’Atlantique et les choix commerciaux et techniques des compagnies américaines (inv. 07659). Du côté du matériel pour marchandises, la série est plus importante. Profitant là aussi des expositions universelles, le Conservatoire met en avant la variété des constructions en fonction des usages. En 1851, le Portefeuille industriel s’enrichit de dossiers sur les wagons anglais (inv. 13571.1031 et 1066) ; en 1855, ce sont dix-huit lavis représentant des wagons à bestiaux, à marchandises, un truck à équipages et un wagon à bagages du Paris-Lyon qui rejoignent le Portefeuille (inv. 13571.1176, 1178, 1179, 1180 et 1181). En 1866, la Compagnie du Nord offrait trois modèles de wagons à bagages avec service télégraphique, wagon pour le transport du coke et wagon pour le transport de la houille, confirmant la spécialisation du matériel et actualisant la présentation des collections (inv. 07465 à 07467). Lors de l’Exposition de 1878, le Conservatoire put repérer des wagons employés pour des travaux de terrassement ou des chantiers, avec des caisses inclinables (inv. 13571.1727, inv. 08959 et 08960), un wagon spécial pour le transport de troncs d’arbres ou d’affûts de canons, construit au Creusot (inv. 13571.2027) et une série relative au porteur Decauville (inv. 10403).
50Comme pour les locomotives, il ne s’agit pas de constituer un fonds exhaustif de la construction des voitures et wagons, mais de mettre en évidence certaines dispositions intéressantes du point de vue de la construction ou de l’usage. À cet égard, le sort fait par le Conservatoire aux pièces détachées et éléments constitutifs est des plus éclairants.
Les éléments constitutifs
51Dès les années 1830, une attention particulière est accordée à des éléments constitutifs des voitures et wagons qui doivent être construits avec le plus grand soin, pour garantir la longévité du matériel, la sécurité et le confort. Le dossier no 690, déjà cité à plusieurs reprises, met ainsi en avant certaines pièces comme les roues, les ressorts de traction, les boîtes à graisse ou l’attelage. Ce dernier point fait d’ailleurs l’objet d’un dossier spécial dans le Portefeuille industriel (inv. 13571.681, entré en 1846), rappelant le danger que pouvait constituer une rupture d’attelage et des moyens à mettre en œuvre pour absorber les chocs entre véhicules au moment du démarrage ou du freinage des trains. Les représentations du matériel pour voyageurs comportent très souvent des vues des châssis, des dispositions pour assurer leur solidité, les ressorts employés pour les suspensions, ou encore les freins utilisés. Il faut toutefois attendre les années 1880 pour que des éléments liés au confort des passagers, et notamment au chauffage, fassent leur entrée : cela dit, il semble que les compagnies ferroviaires ne se soient pas plus intéressées à ces aspects que cela avant les années 1870, avec un principe « d’incommodité calculée » pour inciter les voyageurs à se diriger vers des places de première classe (sans succès toutefois)71.
52Parmi ces éléments constitutifs, les essieux tiennent une place particulière. Arthur Morin leur consacre un passage dans la partie de son cours consacrée à la résistance des matériaux :
« Altération des essieux par la prolongation de leur service. – Les accidents si graves qu’entraîne la rupture d’un essieu de machine locomotive et même d’un wagon ont justement préoccupé l’attention publique, et l’on s’est demandé s’il ne serait pas prudent de prescrire une limite de chemin parcouru au delà de laquelle tous les essieux du matériel des chemins de fer devraient être réparés ou visités soigneusement. On conçoit facilement que cette mesure éprouve quelque opposition de la part des ingénieurs chargés du matériel des compagnies, auxquelles elle imposerait des dépenses et des contrôles. Mais l’intérêt public et l’intérêt bien entendu des compagnies elles-mêmes est que la question soit examinée avec soin et que la vérité étant une fois connue, toutes les mesures nécessaires soient prises.
« Pour m’éclairer sur cette question importante, j’ai eu recours à deux hommes parfaitement compétents et dont la longue expérience donne à leur opinion et aux faits qu’ils ont observés une grande autorité. Ce sont MM. Marcoux et Arnoux, tous deux anciens officiers d’artillerie, le premier directeur du matériel du service des malles-postes, et le second administrateur des messageries générales. Je ne puis mieux faire que de transcrire textuellement les notes qu’ils ont bien voulu me donner à ce sujet72. »
53Charles Marcoux (1780-1853) et Claude Arnoux sont, comme Morin, capitaines d’artillerie. Leur expérience touche avant tout les essieux de voitures sur routes, bien qu’Arnoux se soit également intéressé aux chemins de fer. Marcoux insiste sur l’importance des vibrations comme facteur de dégradation des essieux en fer, et donne les moyens de repérer les fissures. Arnoux compare les ruptures d’essieux en bois et d’essieux en fer. Il propose un certain nombre de mesures pour limiter les risques de ruptures. Morin traite ainsi d’une question qui occupe les constructeurs et les compagnies ferroviaires. La catastrophe de Meudon, le 8 mai 1842, est sans doute encore présente dans les mémoires : on attribuait la cause du déraillement d’un train revenant de Versailles à la rupture d’un essieu de l’une de ses locomotives, la Mathieu Murray73. Bien que l’instabilité de la locomotive soit peut-être davantage impliquée que la rupture d’un essieu, il n’en demeure pas moins que les matériaux sélectionnés et le mode opératoire pour fabriquer les essieux concentrent l’attention74. Il faut sans doute rapprocher ce discours sur les essieux de la représentation d’une machine à faire les essieux par Koechlin (Portefeuille industriel, inv. 13571.805, achat en 1842).
La construction et l’entretien du matériel ferroviaire
54La transmission des connaissances techniques relatives à la construction et à l’exploitation des lignes de chemin de fer repose non seulement sur la représentation des différents composants du système technique ferroviaire, comme les infrastructures ou le matériel de traction et remorqué, mais également sur les moyens mis en œuvre pour produire et utiliser ces éléments. Le Conservatoire des arts et métiers a consacré une part importante des collections aux outils, à l’équipement et à l’organisation du travail en lien avec la construction et la maintenance des infrastructures et du matériel ferroviaires. On se focalise ici davantage sur la pratique en s’intéressant aux gestes, aux savoir-faire, aux moyens utiles pour gagner en productivité. Pour autant, il ne s’agit pas d’apprendre à se servir de ces outils, mais bien de voir comment des machines couramment employées dans les ateliers de construction mécanique peuvent être appliquées à l’univers ferroviaire. Comme pour les locomotives, le matériel et les infrastructures, l’institution repère des solutions éprouvées par l’expérience, en France ou à l’étranger, dont l’usage présente un intérêt pour l’industrie et les compagnies de chemins de fer. Elle s’intéresse également à l’organisation spécifique des ateliers de ces entreprises, mettant en avant certaines dispositions spécifiquement étudiées pour répondre à des exigences particulières, comme le pesage par exemple.
55Les représentations des outils et machines-outils employés dans les ateliers de construction mécanique en général occupent une place primordiale dans les collections du Conservatoire, depuis les origines de l’institution. Le fonds s’enrichit très régulièrement, avec des machines de taille réelle, des modèles mais surtout des séries conséquentes dans le Portefeuille industriel. On touche ici directement à l’organisation de la production et du travail dans les ateliers, les manufactures et les usines.
Outils et machines-outils
56Les outils et machines-outils utilisés dans les ateliers de construction et d’entretien du matériel ferroviaire sont principalement représentés dans le Portefeuille industriel. Seules exceptions notables, un modèle réduit d’un tour à tourner les roues de wagons, par Camille Polonceau, donné lors de l’Exposition universelle de 1855 (inv. 06221), et des outils de réglage des pistons de locomotives, offerts par le PLM en 1868 (inv. 08023). Quarante et un dossiers rejoignent le Portefeuille entre la fin des années 1830 et la fin du xixe siècle. Ce mode de représentation se destine principalement au personnel encadrant75 : c’est aux chefs d’ateliers, aux contremaîtres voire aux ingénieurs en charge de l’organisation des usines que le Conservatoire s’adresse à travers ces documents.
57C’est encore le dossier 686 sur la ligne de Londres à Birmingham qui forme le point de départ, avec un plan à l’encre d’une machine à emmancher et démancher les roues (planche no 7). La force de l’eau est employée pour agir sur un piston pour « appuyer » sur une roue à emmancher sur un essieu, ou pour « tirer » la roue vers le haut dans le cas contraire. On ne voit d’ailleurs, sur ce dessin, qu’une seule étape de l’opération. En effet, comme l’indique Louis Le Chatelier : « La portée de calage est la partie de l’essieu qui s’engage dans le moyeu de la roue ; elle est exactement tournée comme le trou qui doit la recevoir, et dans lequel elle entre à frottement dur. Le plus souvent on emmanche les roues de machines sur leurs essieux, au moyen de la presse hydraulique ; on consolide l’assemblage par une ou plusieurs clavettes en acier ou fer trempé76. » Exécuté vers 1838, le document est intéressant car il représente un équipement que l’on pouvait voir en Angleterre à l’époque et révèle l’attention que Conservatoire pouvait porter à la pratique dans les chemins de fer outre-Manche. Le plan n’est pas suffisamment précis pour servir à l’exécution d’une autre machine, identique à celle-ci ; il permet seulement de saisir le fonctionnement de cet équipement et d’envisager, si cela est pertinent, son achat ou l’étude d’une construction similaire.
58À l’exception des dessins d’une machine à scier les bouts de rails employée à la Compagnie des forges et fonderies d’Alais, dans le Gard (inv. 13571.689, fig. 23), donc relatifs à l’élaboration d’un élément d’infrastructure, les dossiers présentent des machines et des outils destinés à la construction ou à la maintenance des locomotives et des wagons, et notam ment pour tout ce qui a trait aux roues et aux essieux. Un grand nombre d’entre eux illustre ce que l’on peut voir dans les ateliers des compagnies ferroviaires ou des constructeurs français. En 1842, Armengaud livre ainsi un dessin d’une machine à monter et démonter les roues de locomotives, à rapprocher du dispositif employé sur le Londres-Birmingham, précisant qu’il s’agit d’un équipement que l’on trouve en Angleterre mais aussi en France, sur les lignes de Paris à Orléans, à Versailles (Rive droite ?) et Saint-Germain (inv. 13571.684) ; ici, le fonctionnement est des plus simples, l’ouvrier n’ayant qu’à manipuler une vis pour démonter les roues. Toujours en 1842, le même Armengaud représentait une machine à faire les rainures des essieux de locomotives en usage dans les ateliers de la maison Koechlin, à Mulhouse (inv. 13571.805). La machine comprend un chariot mobile portant une fraise qui attaque le métal pour creuser des rainures. Ces dernières sont ménagées pour recevoir des clavettes associant la roue à l’essieu. En 1846, c’est au matériel du constructeur parisien François Cavé que le Conservatoire porte son attention avec un dossier consacré à une grande cisaille pour araser les jantes des roues de locomotives, dont les dessins sont exécutés par Armengaud (inv. 13571.791). La force est ici fournie par une machine à vapeur, et l’outil a été conçu pour exécuter rapidement un travail net et précis77. Mentionnons, en 1851, les dessins d’un tour à roues de locomotives, de la maison J.-F. Cail et Compagnie, dont la principale innovation était de tourner en simultané deux roues pour un résultat plus homogène (inv. 13571.1007). Là aussi, on retient la rapidité, la simplicité et la qualité d’exécution avec cette machine78.
Figure 23. – Jacques Eugène Armengaud, Machine à scier les bouts de rails, plan à l’encre avec rehauts d’aquarelle, vers 1841. Musée des Arts et Métiers, Portefeuille industriel, inv. 13571.689.

© Musée des Arts et Métiers-Cnam/photo Dephti Ouest.
59En 1851, le dessinateur J. Garnier réalisait cinq dossiers relatifs à des chariots roulants pour voitures, d’un usage répandu dans les ateliers (inv. 13571.1001), à un four à ressorts (inv. 13571.1005) et à des fours et une machine à cintrer les bandages (inv. 13571.1000, 1002, 1003 et 1004). Les dessins et les légendes explicatives ne font ici pas directement référence à une compagnie ferroviaire ou à un constructeur en particulier. Il semble que l’institution ait porté son attention sur des appareils et outils d’un usage courant, en mettant en avant des dispositions généralement éprouvées par la pratique.
60Les expositions universelles sont autant d’occasions de compléter le fonds avec des représentations de machines et outils utilisés en France ou à l’étranger, sélectionnés et récompensés pour leur qualité, leur fiabilité ou leur fonctionnement. À Londres en 1851, sept types de chariots roulants pour locomotives et wagons employés en Angleterre, notamment sur le Great Western, sont ainsi représentés : on met ici l’accent sur des questions relatives à la solidité de ces équipements ou sur leur installation dans les ateliers (inv. 13571.1023 et 1043). La dimension comparative du dossier met en lumière les variantes possibles en fonction des usages, selon que les chariots doivent déplacer des locomotives ou des châssis de wagons. En 1855 à Paris, un seul dossier est acquis, dédié à une mortaiseuse pour moyeux de roues de wagons, par Dubied et Ducommun, à Mulhouse (inv. 13571.1216). On revient sur la question de l’assemblage des roues avec les essieux, la mortaiseuse agissant sur le moyeu des roues. Les observateurs signalaient là aussi la simplicité d’usage et le faible encombrement de cette machine très bien exécutée79. Lors de l’Exposition de 1862 à Londres, le Portefeuille industriel s’enrichit de deux dossiers relatifs à des tours pour roues de locomotives : le premier, de la firme Beyer, Peacock and Company, installée à Gorton, près de Manchester, permet de tourner simultanément les deux roues d’un essieu de locomotive, ou encore de tourner des roues isolées et aléser des bandages. Sa stabilité et son fonctionnement simple et fiable étaient alors mis en avant (inv. 13571.1508). Le second offre un point de comparaison intéressant : il s’agit d’un tour de Richard Hartmann (1809-1878), ingénieur mécanicien à Chemnitz, en Saxe Royale : ses produits étaient réputés pour leur solidité et leur simplicité d’utilisation, bien qu’ils n’aient « pas cet aspect de fini parfait que présentent les outils anglais et ceux de quelques-uns de nos constructeurs80 » (inv. 13571.1509).
61À partir des années 1860, le Portefeuille se focalise davantage sur les compagnies et constructeurs français. Sans doute faut-il y voir le signe de la maturité de ces entreprises, qui exportent alors et fournissent la plupart des compagnies ferroviaires du pays. Notons par exemple une machine à laminer les bandages des ateliers du PLM (inv. 13571.1674), une machine à mortaiser les moyeux des roues en fer des ateliers d’Ivry du Paris-Orléans (inv. 13571.1900)81, un alésoir horizontal pour les boîtes à graisse de locomotives, de J.-F. Cail et Compagnie (inv. 13571.1901)82, un laminoir à bandages de William et John Galloway and Sons, à Manchester, employé aux Forges de Fourchambault (inv. 13571.1947), un four pour tremper les boudins des bandages des roues de locomotives circulant dans des courbes de petit rayon, acquis à l’Exposition de 1878 (inv. 13571.2095), un alésoir pour coussinets de wagons par Chaligny et Guyot-Sionnest (inv. 13571.2105), une machine à fraiser et couper les brancards de wagons par Charles Donnay (inv. 13571.2132) ou encore une fosse à descendre les roues de locomotives de la Compagnie du Nord (inv. 13571.2168).
62Dès la fin des années 1870, le Portefeuille témoigne en outre de l’entrée massive d’appareils de mesure et de vérification, signes d’une exploitation plus rationnelle des chemins de fer. Citons par exemple les dossiers relatifs à un appareil pour peser les quatre angles d’une voiture, utilisé par la Compagnie du Nord (inv. 13571.2020), une machine à essayer les chaînes par traction directe, employée dans les ateliers parisiens du PLM (inv. 13571.2055), un compas calibré pour mesurer l’usure des coussinets sans lever les voitures de la Compagnie du Nord (inv. 13571.2056) ou encore un wagon-dynamomètre utilisé pour diverses expériences par la Compagnie de l’Est (inv. 13571.2090).
L’organisation des ateliers ferroviaires
63Outre les outils et machines utilisés dans les ateliers, les collections du Conservatoire ont relayé l’organisation générale de ces bâtiments, laissant entrevoir la répartition des espaces et la division du travail. Les dossiers du Portefeuille industriel relatifs aux lignes de Londres à Birmingham et de Paris à Saint-Germain comportent ainsi chacun des plans d’ateliers. Dans le premier cas, il peut s’agir des ateliers de Wolverton, destinés aux locomotives, ou bien de Camden, pour les voitures et wagons. Dans le second cas, on peut considérer l’atelier de construction des Batignolles avec un focus sur l’installation des forges. Il faut attendre 1879 pour que cette approche soit de nouveau privilégiée, avec l’entrée d’un grand dessin représentant le plan des ateliers de Bordeaux de la Compagnie du Midi (inv. 13571.2013). L’espace est strictement organisé avec une division très nette des locaux en fonction des besoins. Les ateliers comprennent deux corps de bâtiments de part et d’autre d’une rotonde couverte en demi-lune pour locomotives. Un bâtiment abrite les ateliers dédiés au montage et à l’ajustage, équipés de tours (à roues motrices, à roues de support, à fileter, à boulons, à cadre de relevage, à roues de wagons, à fraiser les tubes, à recentrer, tours en l’air, tours à chariot, tours sphériques, tours à banc interrompu), de machines à percer (à col-de-cygne, sur colonnes, à engrenages, à percer et à aléser), de machines à raboter (limeuses, limeuses doubles, étaux limeurs), de machines à mortaiser, à tarauder, à cisailler, à poinçonner, à cisailler, de meules, de grues, de scies, de machines à faire les étoquiaux83. Sous la rotonde se trouve le bâtiment des forges avec des tables à cintrer, puis un atelier où l’on travaille les ressorts. On voit encore un autre bâtiment qui comprend un immense atelier de charronnage, avec un local où sont entreposés des modèles. L’ensemble est alimenté en eau depuis quatre grands réservoirs. Deux « générateurs », sans doute des machines à vapeur, sont installés contre chacun des deux grands bâtiments latéraux. La circulation du matériel se fait à l’aide de voies et de plaques tournantes.
64En 1884-1887, le Portefeuille industriel s’enrichissait de vingt-cinq nouvelles épures relatives aux nouveaux ateliers de la Compagnie du Nord, à Hellemmes (inv. 13571.2258, 2260, 2273, 2297 et 2302). Construits à la fin des années 1870, ces ateliers, très modernes, pouvaient servir de référence et lister les principales activités qui y étaient abritées. Ils étaient divisés en deux grandes sections. La première, dédiée à la traction, comprenait des ateliers de montage, d’ajustage, de chaudronnerie, une forge, un bureau de dessin, un service pour les essieux, une fonderie de cuivre et de fer, un parc à roues, un atelier de peinture. La seconde, pour le matériel roulant, comportait des ateliers spéciaux pour le travail du bois, pour le fumage et le flambage des bois, pour la peinture ou pour le travail des bâches. On retrouve des machines à percer, à raboter, à mortaiser et à faire les tenons. Les toitures vitrées laissent passer un maximum de lumière et sont pourvues de gouttières pour l’écoulement des eaux pluviales. Locomotives et wagons circulent sur des voies intérieures, reliées par des plaques tournantes et des chariots. L’espace est rigoureusement organisé, de même que la division du travail.
Un matériel adapté à l’industrie ferroviaire
65La représentation des outils, machines-outils, équipements et ateliers de construction de matériel dans les collections ne semble pas devoir être perçue comme une volonté du Conservatoire des arts et métiers de recenser tout ce qui était spécifiquement utilisé dans l’industrie ferroviaire. Il y a là un moyen de montrer, parmi bien d’autres secteurs, quelques applications significatives et innovantes de la construction mécanique. L’ensemble peut être vu de différentes manières. D’un point de vue « ferroviaire », il est intéressant de connaître l’existence, le principe et le fonctionnement de machines, d’outils et d’organisations sanctionnées par l’expérience. Avec un regard plus général sur les constructions mécaniques, on peut également constater l’adaptation d’outils et machines plus courants à des usages spécifiques. D’ailleurs, les dossiers du Portefeuille industriel précédemment mentionnés ne sont pas classés dans les chapitres relatifs aux chemins de fer ou aux locomotives : la plupart d’entre eux portent en effet la mention « outils » ou « machines-outils », ou bien encore la référence à une catégorie encore plus précise, comme « machines à vapeur » ou « grues ».
66La quasi-totalité de ces équipements n’ont en effet pas été conçus ex nihilo par des constructeurs de matériel ferroviaire. Il s’agit, la plupart du temps, d’outils et de machines-outils d’un usage courant dans la construction des machines qui ont ici été adaptés à un usage spécifique. Les collections ne reflètent pas de règles codifiées précises pour élaborer ces dispositifs : c’est au fur et à mesure, avec la pratique, ses aléas et ses retours d’expériences, que ce matériel qui paraît très opérationnel a été construit. Deux ensembles particuliers permettent de le constater. Le premier concerne le pesage appliqué aux chemins de fer. La question dépasse la seule évaluation du poids des locomotives et des wagons, pour laquelle les ponts à bascule traditionnellement employés sur les routes sont tout à fait utiles. Dans l’univers ferroviaire, le pesage revêt une importance particulière car il permet « de régler […] les ressorts des locomotives qui, par suite d’une action quelconque, se tendent et se détendent. Il arrive, dès lors, qu’un ressort trop tendu ou trop faible fait [sic] porter à la roue qui lui correspond soit un poids plus fort, soit un poids moins fort que celui que ladite roue devrait porter84 ». Un premier dessin vient illustrer ce problème dès 1850 dans le Portefeuille industriel (inv. 13571.967). À l’Exposition universelle de 1855, la section des appareils de pesage incluse dans la IVe classe (mécanique générale appliquée à l’industrie) comprenait plusieurs exemples de dispositifs perfectionnés de pesage pour chemins de fer. Le Conservatoire des arts et métiers profita de cette occasion pour acquérir quatre modèles réduits montrant plusieurs dispositions mécaniques afin de peser séparément chaque essieu de locomotive. Deux d’entre eux proviennent de la firme autrichienne K. K. Landesbefugte Maschinenfabrik von H. D. Schmid, Nachfolger Rollé und Schwilgué, dont la qualité des produits fut distinguée par le jury (inv. 06274 et 06275) ; un autre illustre le travail de l’Usine de Graffenstaden, dans le Bas-Rhin, avec un pont à bascule ayant reçu la sanction de l’expérience et exécuté avec le plus grand soin (inv. 06459)85 ; le dernier, de la maison lyonnaise Béranger et Compagnie, avait été salué une première fois à l’Exposition des produits de l’industrie de 1849, puis de nouveau en 1855 pour la simplicité de son fonctionnement (inv. 06460). Les collections témoignent également des recherches de Charles Bricogne (1816-1898), ingénieur aux chemins de fer du Nord, pour le pesage des quatre angles d’une voiture, présentées à l’Exposition universelle de 1878 (inv. 13571.2020). Treize autographies du fonds offert en 1884 par la Compagnie des chemins de fer du Midi révèlent la variété des ponts à bascule alors utilisés, avec des dispositions variant selon les dimensions et le poids des véhicules (inv. 13571.2242). En 1893, le dynamomètre conçu par Jules Digeon pour équilibrer plus simplement les romaines lors du pesage était à son tour représenté dans le Portefeuille industriel (inv. 13571.2538). Avec ces éléments, le Conservatoire illustre quarante ans de progrès dans le pesage du matériel ferroviaire. On a ici une sorte de synthèse transversale, ces collections pouvant intéresser les constructeurs de matériel de pesage tout comme les constructeurs et exploitants de matériel ferroviaire, avec en outre la convergence d’appareils de mesure et de contrôle.
67On peut faire une remarque analogue pour les appareils d’alimentation en eau des locomotives. Il ne s’agit pas, à proprement parler, de machines ou d’outils pour la construction ou l’entretien du matériel ferroviaire, mais d’équipements nécessaires à l’utilisation et au fonctionnement de ce matériel. Grues et pompes hydrauliques fournissent en effet l’eau indispensable à la génération de vapeur dans les chaudières des locomotives. Un premier modèle réduit d’Eugène Philippe illustre ce dispositif dès 1839 (inv. 02564) : de belle facture, il est semblable à un équipement alors largement répandu, avec un tuyau en col-de-cygne permettant de viser la réserve d’eau du tender, et une poignée reliée à une chaîne pour déclencher l’écoulement de l’eau ; il est complété par d’autres représentations dans le Portefeuille industriel entrées de 1840 à 1855 (inv. 13571.814, 815, 1190 et 1191). Il s’agit, comme très souvent, d’épures rehaussées qui mettent en lumière les différentes dispositions des grues alimentaires en fonction de la configuration des lieux et de l’emplacement des réservoirs et châteaux d’eau. Le dossier no 2242, cité plus haut, comporte seize autographies figurant plusieurs détails. On retrouve ici aussi une dimension transversale, touchant les constructeurs de matériel hydraulique et ferroviaire.
Conclusion
68Les installations relatives à la construction des locomotives et du matériel de traction, ainsi que le fonctionnement des différents engins et véhicules ferroviaires sont largement abordés dans les leçons et les collections du Conservatoire. Auditeurs du haut enseignement et visiteurs des galeries peuvent ainsi découvrir et apprendre comment sont conçus, construits et utilisés les locomotives, voitures et wagons. Le Conservatoire des arts et métiers transmet ainsi des connaissances essentielles qui pourront servir pour rejoindre ou évoluer dans les entreprises de construction et les compagnies de chemin de fer.
69Au-delà des représentations de véhicules « complets », certains organes retiennent plus spécialement l’attention et font l’objet d’explications approfondies. Là encore, le corps enseignant de l’institution démontre son implication et son attention pour des travaux récents. Il y a manifestement une démarche reposant sur des recherches bibliographiques et la sollicitation d’un réseau d’expertise pointu pour recueillir des données fiables et exploitables, présentées dans les leçons ou utilisées comme critères pour enrichir les collections. La description des outils et machines-outils utilisés dans les ateliers de construction et de maintenance des locomotives et du matériel vient compléter ces illustrations tout en restant ancrée dans la pratique.
70Ce fonds rappelle que les ateliers de construction et d’entretien du matériel ferroviaire mobilisaient trois grands types de compétences : on y trouve en effet du personnel opérationnel du point de vue de la manutention du matériel, capable d’utiliser des engins de levage (comme des chèvres, des grues ou des crics) et les moyens de déplacer le matériel (à l’aide de chariots à vapeur, par exemple) ; le travail des ateliers nécessite également la maîtrise du métal et de sa mise en forme, soit par la transformation de l’état de la matière à l’aide de fours, ou bien par le travail mécanique avec des laminoirs, alésoirs, perceuses, mortaiseuses ou tours. Tous ces savoir-faire et outils convergent vers les ateliers ferroviaires qui ont eux-mêmes fait l’objet d’une attention particulière de la part du Conservatoire.
Notes de bas de page
1 Louis Le Chatelier, Eugène Flachat, Jules Alexandre Petiet et Camille Polonceau, Guide du mécanicien constructeur et conducteur de machines locomotives, op. cit., p. 15-16.
2 Michel Cotte, Le Choix de la révolution industrielle. Les entreprises de Marc Seguin et ses frères (1815-1835), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Carnot », 2007 ; François Crouzet, « L’industrie française des locomotives », op. cit.
3 Claude Pouillet et César Louis Nicolas Leblanc, Portefeuille industriel du Conservatoire des arts et métiers, ou atlas et description des machines, op. cit., p. 55. Charles Dupin était membre du Conseil d’administration de la compagnie.
4 Louis-Joseph Gras, Histoire des premiers chemins de fer français, Paris, Théolier, 1924 cité dans Jacques Payen, La Machine locomotive en France. Des origines au milieu du xixe siècle, op. cit. Voir également les travaux de Jean-Claude Faure et Gérard Vachez, La Loire, berceau du rail français, Saint-Étienne, Association des Amis du rail en Forez, 2000.
5 Claude Pouillet et César Louis Nicolas Leblanc, Portefeuille industriel du Conservatoire des arts et métiers, ou atlas et description des machines, op. cit., p. 55.
6 Mercure ségusien, 8 juin 1834, cité par Louis-Joseph Gras, Histoire des premiers chemins de fer français, op. cit.
7 Veuve Leblanc, Recueil des machines, instrumens et appareils qui servent à l’économie rurale, Paris, Chez l’Auteur, s. d., p. 5-12.
8 Jules Gaudry, Notice sur François Cavé, constructeur de machines, Paris, Librairie de la Société des ingénieurs civils, 1875. Jacques Payen considère cette date avec prudence et relaie une remarque de Lucien-Maurice Vilain qui indiquerait une date de sortie plutôt vers la fin des années 1830.
9 « Notice biographique sur M. Tourasse, auteur du touage à vapeur », Le Génie industriel, 1857, XIII, no 77, p. 265-267.
10 François Crouzet, « L’industrie française des locomotives », op. cit., p. 221.
11 Ibid., p. 223.
12 « Résultats d’adjudication », Journal des chemins de fer, 11 novembre 1843, 2e année, no 84, p. 749.
13 Fils de Nicolas Clément dit Clément-Desormes, professeur de chimie appliquée au Conservatoire.
14 François Caron, Histoire économique de la France. xixe-xxe siècle, op. cit. ; François Crouzet, « L’industrie française des locomotives », op. cit.
15 Louis Le Chatelier, « Rapport sur le concours pour le perfectionnement de la construction des machines locomotives », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, avril 1849, 48e année, no 88, p. 176-182.
16 Louis Bergeron, Le Creusot : une ville industrielle, un patrimoine glorieux, Paris, Belin-Herscher, 2001.
17 La Compagnie du Nord passa commande de douze machines à Cavé, de douze à Hallette et de seize à Derosne et Cail. Alfred Hallette, « Nouvelle locomotive à cylindres extérieurs et à détente variable, employée au chemin de fer du Nord, construite sur les dessins de M. Clapeyron, Ingénieur du Gouvernement », in Jacques Eugène Armengaud (dir.), Publication industrielle des machines, outils et appareils les plus perfectionnés et les plus récents dans les différentes branches de l’industrie française et étrangère, Paris, Chez l’Auteur, 1847, vol. V, p. 35-76.
18 Jacques Eugène Armengaud, « Locomotive à cylindres extérieurs, avec roues motrices placées à l’arrière, par M. R. Stephenson, constructeur à Newcastle », in Jacques Eugène Armengaud (dir.), Publication industrielle des machines, Paris, Chez l’Auteur, 1848, vol. VI, p. 369-373.
19 « Rapport de l’Assemblée générale des actionnaires du Paris-Orléans, 3 mars 1847 », Journal des chemins de fer, 6 mars 1847, p. 176.
20 Raison sociale adoptée dès 1848.
21 Henri Tresca (dir.), Visite à l’Exposition universelle de Paris, en 1855, Paris, Hachette, 1855.
22 « Compagnie des chemins de fer de l’Est. Direction. État de Service de M. Regray ». Dossier de légion d’honneur, Archives nationales, LH/2287/17.
23 Conseil supérieur de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie, Enquête. Traité de commerce avec l’Angleterre. Industrie métallurgique, Paris, Imprimerie impériale, 1860, vol. 2.
24 Jacques Payen, La Machine locomotive en France. Des origines au milieu du xixe siècle, op. cit., p. 35-36 ; Georges Ribeill, La Révolution ferroviaire, op. cit., p. 263 ; François Crouzet, « L’industrie française des locomotives », op. cit., p. 242.
25 Voir à ce propos les travaux de Lucien-Maurice Vilain sur le matériel de traction des anciens grands réseaux.
26 Charles Dupin, Géométrie et méchanique des arts et métiers et des beaux-arts. Cours normal à l’usage des Artistes et des Ouvriers, des Sous-Chefs et des Chefs d’ateliers et de manufactures ; Professé au Conservatoire royal des arts et métiers, tome troisième : Dynamie, op. cit., p. 435-448.
27 Il s’agit de Merthyr Tydfil.
28 Charles Dupin, Géométrie et méchanique des arts et métiers et des beaux-arts. Cours normal à l’usage des Artistes et des Ouvriers, des Sous-Chefs et des Chefs d’ateliers et de manufactures ; Professé au Conservatoire royal des arts et métiers, tome troisième : Dynamie, op. cit., p. 446-447.
29 Andrieux, « Description d’un chariot à vapeur (steam carriage) imaginé par M. Blenkinsop pour le transport du charbon de terre », op. cit.
30 Giuseppe Antonio Borgnis, Traité complet de mécanique appliquée aux arts. Composition des machines, Paris, Bachelier, 1818, p. 123-127. Le prénom de Borgnis est parfois francisé en Joseph Antoine.
31 « Note sur les machines à vapeur locomotives », Bulletin de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, avril 1826, 25e année, no 262, p. 111-117.
32 Arthur Morin, Leçons de mécanique pratique à l’usage des auditeurs des cours du Conservatoire des arts et métiers, et des sous-officiers et ouvriers d’artillerie, 3e partie : Des machines à vapeur, op. cit., p. ii-iii.
33 Alexandre Gouin et Louis Le Chatelier, Recherches expérimentales sur les machines locomotives, Paris, L. Mathias, 1845. Voir p. 1 et p. 39.
34 Arthur Morin, Leçons de mécanique pratique à l’usage des auditeurs des cours du Conservatoire des arts et métiers, et des sous-officiers et ouvriers d’artillerie, 3e partie : Des machines à vapeur, op. cit., p. 79.
35 Arthur Morin, Leçons de mécanique pratique à l’usage des auditeurs des cours du Conservatoire des arts et métiers, et des sous-officiers et ouvriers d’artillerie, 3e partie : Des machines à vapeur, op. cit., p. 103-104.
36 Ibid., p. 104-105.
37 Ibid., p. 106-108.
38 Ibid., p. 141. Morin fait référence à Jacques Eugène Armengaud, « Machine locomotive La Gironde (à six roues), construite par MM. Schneider, du Creuzot, et marchant sur les chemins de fer de Versailles et de Saint-Germain, avec Application de la détente, par M. Clapeyron », in Publication industrielle des machines, outils et appareils les plus perfectionnés et les plus récents dans les différentes branches de l’industrie française et étrangère, Paris, Chez l’Auteur, 1843, vol. III, p. 97-150.
39 Arthur Morin, Leçons de mécanique pratique à l’usage des auditeurs des cours du Conservatoire des arts et métiers, et des sous-officiers et ouvriers d’artillerie, 3e partie : Des machines à vapeur, op. cit., p. 148-149.
40 Ibid., p. 297.
41 Ibid., p. 300.
42 Ibid., p. 309-310.
43 Arthur Morin et Henri Tresca, Mécanique pratique. Des machines à vapeur. Production de la vapeur, op. cit., p. 252.
44 Ibid., p. 253-255.
45 Ibid., p. 257.
46 Henri Tresca précise d’ailleurs : « La machine locomobile qui fonctionne dans les galeries du Conservatoire n’est pas une machine d’atelier, et elle n’est pas recommandable sous le rapport de l’économie de combustible : c’est une machine spéciale, montée sur roue, facilement transportable d’un lieu à un autre, et particulièrement applicable dans les exploitations agricoles de quelque importance. » Lettre d’Henri Tresca à Duchemin aîné, fabricant de toiles à voile à Denan (Dinan), 16 septembre 1853. Archives du Cnam, 5AA/3.
47 Arthur Morin et Henri Tresca, Mécanique pratique. Des machines à vapeur. Production de la vapeur, op. cit., p. 259.
48 Ibid., p. 344-345.
49 Ibid., p. 444-445.
50 Ibid., p. 445.
51 Ibid., p. 458.
52 Arthur Morin et Henri Tresca, Mécanique pratique. Des machines à vapeur. Production de la vapeur, op. cit., p. 481-482.
53 Jules Gaudry, Traité élémentaire et pratique de la direction, de l’entretien et de l’installation des machines à vapeur fixes, locomotives, locomobiles et marines : à l’usage des propriétaires d’usine à vapeur, mécaniciens et agents-réceptionnaires, Paris, Victor Dalmont, 1856.
54 Arthur Morin et Henri Tresca, Mécanique pratique. Des machines à vapeur. Production de la vapeur, op. cit., p. 483 ; le professeur cite Louis Le Chatelier, Eugène Flachat, Jules Alexandre Petiet et Camille Polonceau, Guide du mécanicien constructeur et conducteur de machines locomotives, op. cit., p. 101.
55 La comparaison porte sur quatre machines à dôme carré, type Stephenson, une machine Crampton et une machine à marchandises à dôme carré ; d’autres expériences sont menées sur le Vauban et la Mulhouse, les machines 62 et 154 de l’Orléans, deux locomotives à voyageurs de l’Est, une locomotive mixte de Lyon.
56 Sur la ligne de Toulon à Marseille. Gustave Noblemaire (1832-1934), polytechnicien et ingénieur des Mines, avait été chargé depuis 1860 du contrôle de la ligne de Lyon à la Méditerranée par la rive gauche du Rhône. Attaché par la suite aux chemins de fer du nord de l’Espagne, il succède à Paulin Talabot en 1881 à la direction du PLM.
57 Ibid.
58 Charles R. Day, Les Écoles d’arts et métiers : l’enseignement technique en France xixe-xxe siècles, op. cit., p. 319.
59 Lettre d’Arthur Morin à Jean-Baptiste Dumas, ministre de l’Agriculture et du Commerce, 14 novembre 1849. Archives du Cnam, 5AA/1.
60 Lettre d’Arthur Morin à Pierre Magne, ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, 14 décembre 1853. Archives du Cnam, 5AA/3. Morin écrit : « M. Houel, Ingr Civil : Chef des ateliers de la maison J.-F. Cail et Cie, et l’un de nos ingénieurs les plus distingués. Il a rempli cette année les fonctions d’Inspecteur des Ecoles d’arts & métiers. Son expérience des travaux, des besoins de l’instruction pratique serait d’un grand secours. »
61 Archives nationales, LH/1311/24.
62 Jacques Eugène Armengaud et Charles Armengaud, L’Industrie des chemins de fer, op. cit., p. 92-93.
63 Louis Le Chatelier, Eugène Flachat, Jules Alexandre Petiet et Camille Polonceau, Guide du mécanicien constructeur et conducteur de machines locomotives, op. cit.
64 Procès-verbal de l’assemblée générale du Paris-Orléans, 6 octobre 1842, p. 22-23, cité par Jacques Payen, La Machine locomotive en France. Des origines au milieu du xixe siècle, op. cit., p. 139-140. Voir inv. 13571.756.
65 Henri Tresca (dir.), Visite à l’Exposition universelle de Paris, en 1855, Paris, Hachette, 1855, p. 295.
66 Eugène Flachat, « Section III, locomotives », in Michel Chevalier (dir.), Exposition universelle de Londres de 1862. Rapports des membres de la section française du jury international sur l’ensemble de l’exposition, Paris, Napoléon Chaix, 1862, vol. 2, p. 313-380, et notamment p. 360-361.
67 Lionel Dufaux, « Les collections automobiles du Musée des arts et métiers », Rétro-Tourisme, 2013, no 1.
68 Au xixe siècle, le terme le plus employé est celui de wagon. Nous choisissons d’appliquer, autant que possible, les dénominations actuelles distinguant les wagons (pour le transport des marchandises et des animaux) des voitures (pour le transport de passagers).
69 Charles Dupin, Géométrie et méchanique des arts et métiers et des beaux-arts. Cours normal à l’usage des Artistes et des Ouvriers, des Sous-Chefs et des Chefs d’ateliers et de manufactures, tome deuxième : Méchanique, op. cit., p. 325-327.
70 Charles Couche, Voie, matériel roulant et exploitation technique des chemins de fer. Matériel de transport, Paris, Dunod, 1870, vol. 2., p. 191.
71 François Caron, Histoire des chemins de fer en France : 1740-1883, op. cit. ; id., « Le Chemin de fer, un système technique », op. cit.
72 Arthur Morin, Leçons de mécanique pratique. Résistance des matériaux, op. cit., p. 348-349.
73 François Caron, Histoire des chemins de fer en France : 1740-1883, op. cit., p. 307.
74 Auguste Perdonnet, Traité élémentaire des chemins de fer, op. cit., p. 150.
75 Voir supra.
76 Louis Le Chatelier, Eugène Flachat, Jules Alexandre Petiet et Camille Polonceau, Guide du mécanicien constructeur et conducteur de machines locomotives, op. cit., p. 235.
77 Jacques Eugène Armengaud (dir.), « Cisailles pour couper les métaux. Cisaille à mouvement continu pour les feuilles de tôle, de cuivre et de zinc, construite par M. Nillus ; grosse cisaille à vapeur, construite par M. Cavé à Paris », in Jacques Eugène Armengaud (dir.), Publication industrielle des machines, Paris, Chez l’Auteur, 1848, vol. VI, p. 63-69.
78 Jacques Eugène Armengaud, « Gros tour à chariot, spécialement destiné à tourner les roues de wagons et de locomotives », in Publication industrielle des machines, Paris, Chez l’Auteur, 1847, vol. V, p. 392.
79 « Machine à mortaiser les moyeux des roues de wagons, par MM. Ducommun et Dubied, constructeurs à Mulhouse », Portefeuille économique des machines, de l’outillage et du matériel, juillet 1856, 1re année, no 7, p. 33-35.
80 « Rapports sur l’Exposition universelle de 1867 (Suite) », Revue maritime et coloniale, 1868, XXIV, p. 24-25.
81 Acquis lors de l’Exposition universelle de 1867.
82 Également acquis lors de l’Exposition de 1867.
83 Boulons permettant de relier entre elles les lames d’un ressort de suspension.
84 Jacques Eugène Armengaud, « Instruments de pesage. Balances-bascules à six ponts, pour régler les ressorts, et peser les machines locomotives, par MM. Louis Sagnier et Cie, à Montpellier », in Jacques Eugène Armengaud (dir.), Publication industrielle des machines, Paris, Chez l’Auteur, 1851, vol. VII, p. 249-253.
85 « IVe classe. Mécanique générale appliquée à l’industrie », in Exposition universelle de 1855. Rapports du jury mixte international, Paris, Imprimerie impériale, 1856, vol. 1, p. 187.
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