Chapitre IV. Faciès social et identité civique des notables
p. 197-241
Texte intégral
Introduction
1La thématique des identités dans l’empire romain est en plein renouvellement. Depuis novembre 2007, un programme d’étude intitulé Identités provinciales a par exemple été mis en place à l’Université de Bourgogne, notamment par S. Lefebvre1, afin de travailler sur les pratiques identitaires supra-civiques et leur construction. Comment définir le concept d’« identité » ? Selon S. Lefebvre, ce terme traduit « le sentiment qu’a un individu d’appartenir à une communauté ; il considère alors qu’il partage avec le groupe des habitudes, des pratiques, un mode de vie communs2 ». En dehors de cet axe de recherche, de nombreux autres travaux ont été menés sur les identités (un colloque a été organisé en 2011 par L. E. Baumer sur le thème Créer une identité dans l’Antiquité : quand, comment, pourquoi). On pourrait aussi citer les travaux de Chr. Stein3, N. Belayche et S.-Cl. Mimouni4 sur les identités religieuses, ou les liens entre ensembles géographiques et identité, étudiés par S. Pittia5.
2Qu’en est-il de l’identité pergaménienne ? L’organisation de l’éphébie semble indiquer que la cité disposait de traditions plus sélectives que dans la plupart des cités. Les fouilles du gymnase et de ses environs ont en effet permis de découvrir de nombreux débris de listes éphébiques, qui datent au plus tôt de 147/1466 et qui étaient exposées sur le mur du principal temple du grand gymnase, appelé « temple R » par les archéologues allemands, et qui reste bien mal connu7. Ces listes ont permis d’établir que l’éphébie pergaménienne disposait d’un certain nombre de particularités.
3D’abord, alors qu’elles étaient rédigées et affichées à l’issue de l’année éphébique dans les autres cités grecques, à Pergame elles le furent dès la fin de l’année de formation des paides. De ce fait, elles ne servaient pas à faire état de l’accomplissement effectif de l’année éphébique, mais plutôt à officialiser l’entrée de certains paides dans l’éphébie. Il existait donc une sélection (enkrisis) des meilleurs paides afin de former la future élite de la cité, ce qui est particulièrement rare à l’époque, le seul parallèle connu étant celui de Stratonicée de Lydie8. En outre, quelques listes montrent que les personnages admis dans l’éphébie étaient publiquement classés en trois catégories, à savoir les εὔτακτοι, les φιλοπόνοι et les εὐέκται. L’examen de la loi gymnasiarchique de Béroia9 permet de prouver qu’il s’agissait en fait de prix décernés dans le gymnase à l’occasion des Hermaia. Les prix d’eutaxia et de philoponia étaient décernés aux jeunes gens qui s’étaient illustrés, durant leur année de formation, à travers leur discipline et leur endurance physique et mentale. Ils étaient octroyés par le gymnasiarque. Le prix d’euexia (prestance), quant à lui, était décerné par trois juges spécialisés qui récompensaient la prestance et la beauté corporelle de certains paides, peut-être au cours d’un défilé10. Ce système n’était pas en soi exceptionnel, puisqu’il était institutionnalisé dans d’autres cités (Cos, Sestos, Érythrées), mais il restait néanmoins rare : les éphèbes étaient visiblement sélectionnés dès l’enfance selon des critères physiques et moraux. Pour appartenir à la future élite pergaménienne, il fallait préalablement prouver sa valeur dans l’exercice des armes et les épreuves physiques, mais aussi disposer d’un bon développement physique. Tous les paides ne devenaient donc pas des éphèboi, ce qui pourrait traduire l’esprit (peut-être) davantage oligarchique des Pergaméniens, particulièrement attachés au classement et à la sélection de leurs citoyens.
4En dehors de cette originalité éphébique, les notables étaient indéniablement les héritiers du pouvoir de fascination dont disposait la cité. Dans ce contexte très particulier où la royauté, la sélection et la culture étaient des notions essentielles, quelles valeurs défendirent-ils ? Quelle image publique cherchèrent-ils à se construire ? Surtout, si l’on peut clairement parler d’une identité de Pergame, est-il possible d’évoquer une identité des notables de la cité à l’époque romaine ? En somme, adoptèrent-ils des comportements singuliers (qu’ils soient politiques ou socio-culturels) qui les distinguèrent des notables des autres cités ?
Les enjeux du cumul de citoyennetés
L’impact de la citoyenneté romaine
5Si, jusqu’au legs d’Attale III et l’arrivée des Romains en Asie Mineure, rien ne distinguait, d’un point de vue strictement juridique, les notables grecs entre eux, et les notables par rapport aux autres membres des communautés civiques, la mise en place de la domination des Romains instaura un nouvel ordre juridique. L’accession de certains notables à la citoyenneté romaine marqua leur intégration à l’empire romain, puisqu’ils acceptaient de modifier leur état civil, qui devait désormais être conforme aux normes romaines avec de nouvelles séquences onomastiques, jusqu’à la Constitutio antoniniana de 212.
6La question de l’octroi de la civitas romaine et de son extension chez les notables pergaméniens a déjà été l’objet d’une courte synthèse de Chr. Habicht11 qui part du règne d’Auguste, durant lequel la citoyenneté romaine n’est possédée que par un très petit nombre de personnages, pour être ensuite généralisée sous Hadrien. Le collège des stratèges, qui était constitué de cinq membres12 a ainsi bénéficié, entre Auguste et Hadrien, d’une diffusion totale de la citoyenneté romaine. Si ce phénomène n’en était qu’à ses premiers balbutiements au début du Principat, l’époque des Antonins fut marquée par une accélération subite, entre Trajan et Hadrien ; la totalité des charges les plus prestigieuses de la cité fut alors endossée par des citoyens romains. Si l’on examine, de façon générale, l’évolution de l’onomastique des notables de Pergame, on repère un certain nombre de phénomènes bien connus, qui ont été détaillés par les historiens13. Si l’on retrouve, dans bon nombre de cas, des cognomina typiquement latins, on a parfois un cognomen rappelant l’origine pergaménienne d’un citoyen romain, qui souhaitait la rendre ostensible : on peut, à ce titre, prendre les exemples de Aurelius Epaphroditus Pergamenus14 et M. Laetilius Telesphorus15, dont les noms apparaissent sur deux épitaphes : le premier a tenu à utiliser directement le nom de sa cité pour construire la racine de son cognomen, alors que le second a utilisé celui d’un des personnages mythiques les plus importants pour les Pergaméniens, à savoir Télésphore, le troisième fils d’Asklépios. Si une acclimatation aux règles de l’onomastique romaine s’est faite pour les citoyens romains, on observe parfois le souhait de montrer son attachement à ses racines.
7De surcroît, l’onomastique, si elle est parfois courte et très classique, est parfois plus complexe. Dans le premier cas de figure, on peut, parmi bien d’autres, prendre l’exemple de Tiberius Claudius Vetus : ce grand notable, promu citoyen romain sous le règne de Claude, fut honoré par le Conseil et le Dèmos pour avoir assumé de grandes et nombreuses charges dans la cité16 (prytane, évergète dans le gymnase des néoi, stratège, irénarque et agoranome), mais a tenu à préserver une certaine simplicité par l’usage d’une formule onomastique simple (les tria nomina), ce qui devait imposer un sentiment de respect, de déférence envers lui : si son état civil témoignait de sa position sociale éminente, il devait également illustrer une certaine modestie17, valeur importante au sein de l’aristocratie. En revanche, on retrouve à Pergame, comme ailleurs, des formules onomastiques plus complexes, comportant outre le praenomen et le gentilice un cognomen et parfois plusieurs cognomina. Si l’on considère l’exemple d’un certain Tib. Iulius Aelius Tatianus, stratège sous le règne d’Hadrien18, le fait qu’on retrouve deux gentilices impériaux traduit probablement l’existence de liens matrimoniaux entre deux familles puissantes, de rang social équivalent, qui auraient reçu la citoyenneté romaine à quelques années d’intervalle. On retrouve, en outre, le suffixe -ιανὸς dans le nom Τατιανὸς, qui servait à marquer la patronymie19. L’habitude des notables, de plus en plus courante, d’afficher l’existence de mariages entre familles de notables a parfois abouti à des formules onomastiques de plus en plus longues, pouvant laisser penser à une certaine forme de vanité de la part de certaines familles, qui cherchaient à rendre ostensible leur gloire sociale. Dans des cas rares, voire exceptionnels, l’État civil de certains notables pouvait s’avérer plus complexe encore : c’est ce que l’on retrouve dans l’onomastique du fameux C. Antius Aulus Iulius Quadratus, grand évergète de Pergame et premier Pergaménien sénateur, notamment20 ; une telle complexité devait traduire la position exceptionnelle de ce notable.
8Une inscription de l’Asklépieion21 présente un intérêt majeur pour la compréhension des procédures impériales d’octroi de la citoyenneté romaine. Il s’agit d’un fragment d’une lettre impériale de l’époque flavienne. Sur l’identité de l’empereur en question, s’il est difficile de trancher entre les différents empereurs flaviens, Chr. Habicht pense plutôt à Domitien22, car la stèle ressemble beaucoup à une autre stèle23 découverte dans l’Asklépieion, dans laquelle le nom de Domitien apparaît clairement, mais on ne peut être catégorique, car l’inscription est abîmée : il nous manque les dix premières lignes du texte, les lignes 11 à 21 sont incomplètes, et il manque les dernières lignes. Cette lettre impériale contient une décision qui, apparemment, exonère une catégorie sociale précise d’une série de charges et lui accorde des privilèges. La présence probable (étant donné le sanctuaire où la pierre a été retrouvée) du nom du dieu Asklépios ou d’un certain Asklèpiadès (l. 13) nous amène à penser que les décisions en question visent des personnages liés au culte d’Asklépios. De quel groupe de notables peut-il s’agir ? Deux hypothèses peuvent être proposées : il peut s’agir des médecins du sanctuaire ou, comme le pense Chr. Habicht, des prêtres d’Asklépios, qui étaient tous choisis dans la même famille, celle d’Archias (qui aurait amené le culte à Pergame, après avoir fréquenté l’Asklépieion d’Épidaure) et, justement, d’Asklèpiadès24. Cette seconde hypothèse est nettement plus plausible que la première car, d’une part, les membres de cette famille éminente, dépositaire du culte du dieu emblématique de Pergame, appartenaient à une strate sociale supérieure à celle des médecins, spécifiquement à l’époque flavienne25 ; d’autre part, le groupe des médecins n’a jamais reçu, en tant que tel, la citoyenneté romaine : si l’on prend (parmi bien d’autres) une inscription plus tardive26, qui date du iie ou du iiie siècle, et qui est une dédicace métrique d’une statue de Télèphe par un médecin nommé Hamalôios, on constate que ce médecin n’est pas citoyen romain ; si un empereur flavien avait accordé la civitas à tous les médecins d’Asklépios à Pergame, il l’aurait fait pour eux et leurs descendants, comme le voulait l’usage. Les décisions de l’empereur sont nombreuses, nous ne pouvons pas les identifier toutes car l’inscription est trop lacunaire, mais certains mots sont indéniablement exploitables. Premièrement, on trouve à la ligne 14 le terme « ἀτελεῖς » (atélie) qui a été conservé sur la pierre, c’est-à-dire l’exemption des taxes ou des charges27. Si l’on suit Chr. Habicht28, il renvoie à une immunitas des vectigalia et des portoria, des privilèges considérables et rarement octroyés. En outre, on peut considérer comme acquis qu’aux lignes 16 et 17 on trouve les termes λειτουργίας et στρατηγίας, qui sont probablement liés. Les prêtres d’Asklépios étaient donc probablement, en tant que nouveaux citoyens romains, exemptés de certaines liturgies et magistratures, au minimum la stratégie, qui apparaît à la ligne 17 du texte. Enfin, on trouve à la ligne 19 le terme κεφαλικῇ : il renvoie sans nul doute à l’exemption de la capitation ; c’est sans doute une précision apportée par l’empereur au terme général d’« atélies » attribuées à des individus. Tous ces privilèges sont considérables et ne peuvent avoir été attribués qu’à de nouveaux citoyens romains29.
Les citoyennetés grecques
9Il faut ajouter à ces changements essentiels le fait que l’octroi de la civitas romaine modifia aussi l’exercice de la citoyenneté en ce sens que les notables multiplièrent les citoyennetés obtenues de cité à cité. H.-L. Fernoux a montré, pour la Bithynie, les conséquences de cette évolution30 : si un notable possédait plusieurs citoyennetés, cela pouvait poser le problème du cumul des privilèges ; d’autre part, les cités furent confrontées au problème de la qualité de l’investissement d’un citoyen « d’adoption », qui pourrait être inférieure à celle d’un « vrai » citoyen. Cela fut parfois à l’origine d’attaques politiques diverses31. La plupart du temps, ces citoyennetés multiples étaient obtenues dans des cités relativement proches d’un point de vue géographique (Pardalas est citoyen de Pergame et d’Aizanoi), mais pour certains notables exceptionnels, il était possible d’être citoyen d’une cité située au-delà de la mer Égée, en Grèce continentale32 : ainsi, le sénateur A. Claudius Charax fut citoyen de Sparte, où il fut patronome33. Par le biais de mariages, d’héritages ou de contacts politiques importants, les notables avaient des occasions nombreuses d’occuper des fonctions dans d’autres cités ; on assista donc à une forme d’« internationalisation » des élites civiques dans la province d’Asie (I. Savalli-Lestrade)34, qui permit aux notables de renforcer leur position sociale et leur influence politique, surtout lorsqu’ils disposaient de la citoyenneté la plus prestigieuse, la civitas romaine.
10On peut percevoir, dans le cas de Tib. Claudius Pardalas35, certaines raisons pour lesquelles il est devenu un citoyen de Pergame, c’est-à-dire le gain politique qu’il a pu engranger grâce à cette position. Pardalas était issu de l’élite phrygienne : ami d’enfance de C. Iulius Severus (consul en 138), il avait ensuite passé une partie de sa vie à Ancyre. Il effectua ensuite une partie de sa carrière politique à Aizanoi, en tant que stéphanèphore, agonothète, stratège et prêtre. Or, on peut penser que cette position, dans une cité d’importance moyenne, ne pouvait lui suffire : afin de devenir un notable plus influent, il lui fallait occuper des fonctions dans une autre cité, plus puissante, plus prestigieuse. Le choix de Pergame s’imposa naturellement, pour plusieurs raisons ; d’abord parce qu’elle était la cité la plus importante de la région, avec un passé connu de tous (la monarchie attalide). Ensuite parce que de nombreux grands notables pergaméniens étaient, en tant que descendants de l’aristocratie galate installée initialement à Ancyre, originaires de la même région que Pardalas36. Il était donc naturel, pour lui, de poursuivre sa vie politique à Pergame, où une partie de sa famille jouait les premiers rôles.
11Enfin, le rayonnement de Pergame était surtout dû, au iie siècle, à l’exceptionnel éclat du sanctuaire d’Asklépios, lieu de cure, centre religieux fondamental, mais aussi (et surtout ?) lieu de rencontre des notables les plus en vue, intellectuels et/ou hommes politiques. Pardalas occupa donc les fonctions de περιθύτης dans le sanctuaire : si cette fonction n’est pas connue, on peut penser, étant donné son étymologie (ce mot vient probablement de θυσία), qu’elle était en rapport avec les sacrifices pour Asklépios37. Pardalas occupait donc certainement un poste envié au sein du personnel du sanctuaire, ce qui lui permettait d’être constamment en contact avec les autres grands notables qui séjournaient à Pergame (les sénateurs en premier lieu) et passaient par le sanctuaire, pour s’y faire soigner, s’y reposer, ou régler certaines affaires politiques38. On voit donc à quel point la double citoyenneté était essentielle : elle permettait, si l’on était citoyen d’une cité de seconde importance, d’intégrer le corps civique d’une cité plus puissante dans laquelle beaucoup de décisions politiques étaient prises. Ce constat permet de nuancer l’hypothèse formulée par H. Halfmann selon laquelle les notables de Pergame auraient été particulièrement conservateurs, et ancrés dans leurs traditions ancestrales : au contraire, l’acquisition de citoyennetés multiples dans le monde méditerranéen souligne leur capacité d’ouverture vers l’extérieur (pensons également à Galien, médecin à Rome).
12Le deuxième cas particulièrement intéressant est celui de Charax : sénateur d’origine pergaménienne, historien célèbre, il occupa une fonction emblématique de la cité de Sparte, celle de patronomos. Cette magistrature éponyme (littéralement, le « gardien des traditions ancestrales ») consistait à veiller sur la bonne mise en œuvre de l’éducation spartiate (l’agôgè), à travers, notamment, l’entraînement des jeunes hommes et les concours : elle nécessitait donc des dépenses lourdes, un engagement personnel important, et, de ce fait, le patronomos était assisté de six autres magistrats. Quel lien peut-on établir entre un sénateur de Pergame, évergète reconnu dans sa cité, et cette fonction ? Selon A. Heller39, la solution réside certainement dans le statut qu’occupait Charax dans le monde grec, à savoir, d’abord, celui d’un historien, d’un écrivain, d’un bon spécialiste de l’histoire des cités grecques, et pas seulement de celle de Pergame. À l’époque de la mise en place d’un éphémère Panhellènion par Hadrien dans les années 130 après J.-C., Charax mit probablement ses connaissances historiques à contribution dans la cité de Sparte, de façon ponctuelle, provisoire, afin de donner des conférences, de tenir des discours sur l’histoire spartiate et sa place en tant que cité fondamentale de l’hellénisme40 : ainsi, il apparaît comme un notable défenseur des traditions du monde grec en général41.
13La double citoyenneté de Charax revêt donc, dans ce cas, une importance culturelle : en effet, il accédait à un statut supérieur car il pouvait s’enorgueillir d’être citoyen de deux des plus grandes cités du monde grec. Pour Sparte, disposer d’une telle figure parmi ses citoyens ne pouvait que lui apporter un surcroît de prestige, mais aussi le soutien politique (avec des actes d’évergétisme, par exemple) d’un notable de Pergame mais aussi d’un sénateur romain. On voit bien à quel point la possession de la citoyenneté romaine était cruciale pour la carrière politique d’un notable : certes il entrait dans les plus hauts cercles de la vie politique romaine, mais il devenait aussi un personnage de plus en plus courtisé, à la fois par les autres notables mais aussi par les autres cités. Indubitablement, Sparte espérait tirer des bénéfices du passage, même très provisoire, de Charax sur son territoire. Plus largement encore, ses activités à Sparte permettaient à la cité de donner du poids à ses valeurs, à son idéal culturel, car elle était soutenue, défendue, par un grand notable issu d’une cité emblématique de la culture grecque.
L’accès aux ordres sénatorial et équestre
14Le faible nombre d’individus attestés en ce qui concerne les carrières sénatoriale et équestre est frappant au regard de l’importance de la cité, et s’explique par les manques et les déséquilibres des sources. Le décalage avec Éphèse est frappant, puisque Fr. Kirbihler a recensé plus de 50 equites et entre 45 et 60 sénateurs et clarissimes, si l’on inclut les familles d’origine non éphésienne qui se sont par la suite insérées dans le cercle des élites locales42.
Sénateurs et familles sénatoriales
15Une large majorité des sénateurs recensés ont mené leur carrière essentiellement ou totalement sous les Antonins : il s’agit clairement de la dynastie qui a le plus cherché à intégrer au Sénat des notables venus de Pergame, même si ce processus débute avec les Flaviens. Certains de ces personnages ont acquis une position exceptionnelle dans l’empire, en gagnant la confiance de l’empereur, sur le plan politique ou militaire : c’est le cas de C. Antius A. Iulius Quadratus et de C. Iulius Quadratus Bassus, fidèles de Trajan (le second a obtenu le titre de comes, ce qui lui donna un surcroît de dignité, en tant que collaborateur proche du princeps). Sous Hadrien et Antonin le Pieux, il semble que le profil des sénateurs ait été davantage orienté vers les questions religieuses et culturelles, en rapport avec l’Asklépieion, sanctuaire dans lequel Hadrien fut honoré et qu’il visita probablement. Ainsi, Pactumeius Rufinus, donateur du temple rond de Zeus Asklépios Sôter et Charax, historien, entrèrent au Sénat à cette période, qui constitue indéniablement l’apogée du sanctuaire. Après ce moment d’éclat particulier, caractérisé par un embellissement considérable de l’Asklépieion, l’entrée au Sénat devint plus rare : plusieurs sénateurs firent carrière sous les derniers Antonins, puis les sources se tarissent et l’on a de plus en plus de mal à repérer des sénateurs dans les inscriptions, si bien que H. Halfmann a pu parler d’une époque de « ténèbres43 » (terme sûrement excessif) après le règne de Caracalla. De façon globale, si le profil des carrières fut divers, on constate un certain nombre de points communs entre certains sénateurs, voire des caractéristiques communes à tous :
le prestige des carrières : on compte une grande proportion de consuls et de proconsuls, le plus prestigieux étant C. Antius A. Iulius Quadratus, proconsul d’Asie. Certains sénateurs accèdent également à certains collèges romains très prestigieux (arvales, épulons, pontifes), ce qui témoigne de leur capacité à embrasser totalement les traditions et les codes de l’élite romaine, et certains notables furent des proches des empereurs. L’avancement des carrières est parfois très rapide, comme dans le cas de Claudius Charax : une fois la préture terminée, il n’exerça que trois fonctions prétoriennes avant d’être consul suffect (avec Q. Fuficius Cornutus en 147). Les enfants de sénateurs pouvaient à leur tour effectuer une carrière sénatoriale, comme ceux de Flavius Pollio Flavianus : ses trois enfants portèrent le titre de clarissimus puer ou clarissima puella. Les fils suivaient la carrière de leur père, qui devait les guider ou les former en faisant valoir son expérience ;
l’acquisition de postes situés, pour la plupart, en Asie Mineure : l’immense majorité des sénateurs pergaméniens sont envoyés en Asie, en Pont-Bithynie, en Galatie car ils connaissent parfaitement ces contrées, y disposent d’importants contacts, et y jouissent d’une forte popularité. Dans ces régions pacifiées, où les poleis étaient nombreuses et les élites puissantes, les interventions militaires étaient quasi inexistantes. Certains personnages se distinguèrent aussi dans la carrière des armes, et furent envoyés dans des provinces beaucoup plus troublées : le cas le plus éclatant est celui de Quadratus Bassus, qui participa aux guerres daciques et fut en poste en Judée. Son fils probable, C. Iulius Bassus (Claudianus ?) fut lui aussi un chef militaire de renom, et fut envoyé en Dacie : sa carrière se situa clairement dans le sillage de son illustre père ;
une fidélité sans faille envers la patrie, malgré l’éloignement : une fois entrées au Sénat, les élites de Pergame n’ont jamais cessé d’œuvrer au profit de leurs concitoyens, ce qui les distingue des membres de la classe supérieure éphésienne, comme l’a montré H. Halfmann (ces derniers s’investissaient de moins en moins dans leur cité d’origine au fur et à mesure que leur carrière progressait à Rome44). Cette activité locale était caractérisée par des magistratures et des liturgies (stratégie, prytanie et gymnasiarchie surtout), des prêtrises (C. Antius A. Iulius Quadratus prêtre de Dionysos), un rôle parfois exceptionnel dans l’implantation du culte impérial sur place (Quadratus et le culte de Trajan) et des actes d’évergétisme (dons d’argent, constructions ou embellissement de bâtiments, ambassades) ;
une reconnaissance de leur investissement par leurs concitoyens à Pergame, mais aussi par les plus hauts dignitaires romains, à commencer par l’empereur. Dans leur cité natale, les sénateurs furent régulièrement honorés par des statues (sur l’acropole et dans l’Asklépieion), de titres (ktistès, évergétès) et de funérailles particulièrement éclatantes. C’est le cas pour Pactumeius Rufinus, dont l’action remarquée dans la cité entraîna de facto une inhumation particulière ; c’est également le cas de Quadratus Bassus, cette fois sur l’ordre d’Hadrien, pour sa carrière militaire et son rôle dans la défense de l’empire ;
une politique matrimoniale asiate et parfois interprovinciale : le mariage était un moyen de se distinguer et de servir certains intérêts politiques. Plus les notables disposaient d’une influence étendue, plus on constate que leurs mariages étaient contractés avec des femmes d’un rang élevé et parfois issues de provinces éloignées. Dans le cas des Quadrati, la famille disposait de ramifications très nombreuses, dans beaucoup de grandes cités d’Asie Mineure (Ancyre, Éphèse, Akmoneia, Tralles) et, pour certains sénateurs, des mariages furent également contractés avec des familles issues d’Afrique. Pactumeius Rufinus avait probablement pour mère une riche citoyenne de Cirta (Numidie), et Flavius Pollio Flavianus était marié à une Africaine ;
une volonté d’importer des traditions et des techniques romaines : les Pergaméniens devenus sénateurs adoptèrent, en Italie, les codes de la vie sénatoriale, comme le suggèrent probablement les fondations d’une villa retrouvées sur la petite île d’Élaioussa45 (Mardaliç Adasi aujourd’hui), à l’ouest d’Élaia, que nous connaissons par Strabon46. Un tel luxe, non loin d’Élaia, avant-port de Pergame, est à mettre en relation avec les villas classiques des sénateurs ou des empereurs sur les côtes du Latium ou dans le golfe de Naples (comme la villa de Tibère à Capri). Cependant, les villas « à l’italienne » sont rarissimes en Asie Mineure ; cette villa fait donc figure d’exception et devait appartenir à un illustre notable local, admirateur des traditions sénatoriales. De surcroît, ce personnage devait, selon toute logique, passer par Élaia pour venir séjourner sur cette île : il semble donc hautement probable qu’il s’agissait d’un sénateur originaire de Pergame. Par ailleurs, le paysage urbain de la ville turque de Bergama reste aujourd’hui marqué par un monument appelé « Cour rouge », qui frappe à la fois par sa taille et par son mode de construction en briques rouges, qui tranche avec le marbre blanc visible quelques centaines de mètres plus haut, sur l’acropole. Malgré cette singulière occupation de l’espace, la Cour rouge reste encore mal connue, à bien des égards. Construite sur la rivière Sélinos, elle était composée de trois bâtiments : un imposant temple rectangulaire au centre (haut de vingt mètres, doté de deux étages, avec un téménos et un grand portique), flanqué de deux temples à dôme rond, sur les côtés. Si les archéologues proposent tous des analyses concordantes sur sa date (le règne d’Hadrien47), la quasi-totalité d’entre eux s’accordent aussi sur l’origine des divinités honorées dans ce lieu : elles furent probablement égyptiennes, comme semblent le prouver plusieurs données archéologiques : on y a retrouvé des caryatides égyptiennes (affublées du némès) dans les secteurs des stoa nord et sud, et une petite tête d’Isis en terre cuite, dans le téménos48.
Chevaliers et familles équestres
16L’étude des chevaliers issus de Pergame reste incomplète, à la fois parce qu’on ne repère que neuf individus dans la documentation, et parce que les informations collectées sur leur carrière sont bien souvent infimes. De même, les carrières attestées s’avèrent limitées, puisqu’on ne constate ni procuratèle, ni grande préfecture. Cependant, on remarque que certains citoyens pergaméniens ont accédé à la dignité équestre très tôt, vraisemblablement dès le règne d’Auguste. Cette promotion était due aux compétences du notable, à la position sociale de sa famille mais aussi aux circonstances et aux besoins des empereurs. Dans l’exercice des milices, le tribunat de légion apparaît comme une étape incontournable pour les élites de Pergame ; une carrière comme celle de Tib. Claudius Pius est, de ce point de vue, très classique, puisque ce chevalier a exercé les milices habituelles du début de carrière équestre (préfecture de cohorte, tribunat de cohorte et de légion, préfecture d’aile).
17Alors que pour les sénateurs, la carrière était très nettement centrée sur les provinces d’Asie Mineure, cela est moins clair pour les equites : si certains ont apparemment effectué la totalité de leur carrière en Orient, comme Tib. Claudius Pius, les affectations les conduisirent souvent dans bien d’autres régions de l’empire (Mésie, Arabie, Égypte, Espagne). Ils étaient nommés dans telle ou telle province en raison de leur maîtrise du domaine militaire, alors que, dans le cas des sénateurs, on comptait plutôt sur leur réseau de relations, leur influence, leur faculté à être des appuis politiques de Rome sur place, à l’échelle locale et provinciale. Aucun des chevaliers recensés n’a atteint le niveau le plus élevé des grandes préfectures équestres (préfectures du prétoire, d’Égypte, de l’annone, des vigiles). On peut ajouter que manifestement, l’accession à l’ordre sénatorial ne passait pas, à Pergame, par des carrières équestres et que le métier des armes n’a guère attiré les Pergaméniens. Du point de vue de l’évergétisme, les chevaliers semblent avoir joué un rôle nettement moins important que les sénateurs ; les rares constructions financées en totalité ou en partie par des chevaliers (C. Iulius Maximus, Claudius Lupianus) sont situées dans le secteur du gymnase des néoi, mais il est difficile d’en tirer des conclusions, car ces cas sont trop isolés.
Asklépios, un culte progressivement « intellectualisé »
18Un extrait de Pausanias49 indique qu’un notable nommé Archias aurait été le fondateur du culte d’Asklépios à Pergame : il l’importa d’Épidaure, en reconnaissance de la guérison spectaculaire d’une entorse. Il s’agissait probablement d’un notable riche et influent, adepte de la chasse, passetemps aristocratique par excellence. De surcroît, plusieurs inscriptions découvertes dans l’Asklépieion prouvent que la prêtrise d’Asklépios fut exercée par des membres d’une seule famille, au moins jusqu’à la fin du iie siècle après J.-C., celle d’un certain Asklépiadès, descendant d’Archias50 : ces documents renforcent donc l’hypothèse selon laquelle Archias aurait fondé le culte, et assuré le premier la prêtrise d’Asklépios, qu’il transmit ensuite à ses descendants. La seule difficulté reste, à partir de ce constat, la datation de ces événements, mais étant donné que Pausanias situe la mise en place du culte à Pergame après celle qui eut lieu à Athènes51, on peut situer l’époque d’Archias entre la fin du ve et le début du ive siècle avant J.-C., ce qui correspond à la datation archéologique traditionnelle des débuts de l’Asklépieion, le ve siècle avant J.-C52.
19Le culte d’Asklépios resta très secondaire jusqu’au début de l’époque attalide, mais il prit son essor, lentement, dans la seconde partie du iiie siècle et au début du iie siècle, lorsque la fête des Hèrakleia et des Sôteria, dédiée à Héraklès et Asklépios Sôter fut instituée dans l’Asklépieion, sans doute à l’initiative d’un membre de la famille royale53. Cette ascension dans le paysage religieux de la cité subit un coup d’arrêt brutal au moment de la première guerre de Mithridate : en 88, les Pergaméniens soutinrent le roi du Pont et massacrèrent les citoyens romains qui s’étaient réfugiés dans l’Asklépieion54, ce qui entraîna une répression impitoyable de la part de Sylla. Le sanctuaire ne reprit son développement que quelques années après la guerre, avec la renaissance des Sôteria et des Hérakleia, organisées par Hiérôn fils d’Asklépiadès, descendant d’Archias55, pour atteindre son apogée sous les règnes d’Hadrien et d’Antonin, avec le concours actif des notables de la cité. À cette époque, Asklépios devint le dieu du salut par excellence56, et le dieu identitaire de la cité, connu dans tout l’empire. Sur les monnaies d’époque impériale, il apparut régulièrement comme un dieu représentant de la ville : ainsi, sur l’émission dite « de Diodôros », qui date du règne de Commode, l’empereur est représenté debout, tenant une statuette d’Asklépios dans la paume de sa main57 : du fait de son succès, de sa réputation auprès des plus hautes élites grecques et romaines y compris l’empereur, il acquit peu à peu le statut de dieu pergaménien par excellence, et fit figure de dieu protéiforme, à la fois guérisseur, bienveillant envers les hommes, mais aussi associé au culte impérial et à la culture scientifique et littéraire.
Rufinus et le temple de Zeus Asklépios Sôter
20Du point de vue des élites pergaméniennes et de leurs mentalités, le temple rond de Zeus Aklépios Sôter, bâti vers 135/15058, revêt un intérêt fondamental. Le commanditaire de ce monument fut L. Cuspius Pactumeius Rufinus, l’un des plus éminents citoyens de Pergame : consul ordinaire en 142, prêtre de Zeus Olympios dans la cité (vers 13059) et honoré du titre rare de « fondateur de la patrie60 », il fut également l’ami d’Aelius Aristide61. L’édifice était, par son architecture62, exceptionnel : sorte de petite réplique du Panthéon de Rome (restauré par Hadrien quelques années plus tôt, entre 118 et 128), il était lui aussi circulaire, avec un diamètre de 24 mètres et disposait d’une coupole qui en fit un bâtiment particulièrement original en Asie. Construit au sud du propylon de Charax, il renforçait l’aspect monumental de l’entrée du sanctuaire. À l’intérieur du temple se trouvaient huit niches (cinq rectangulaires et trois ovales), dont la principale, située face à l’entrée, devait abriter une statue colossale de Zeus Asklépios. Les autres niches abritaient certainement des statues plus modestes de divinités faisant partie de son cercle, notamment son épouse Épione, sa fille Hygie et son fils Télésphore, qui étaient régulièrement honorés dans l’Asklépieion. Richement décoré de mosaïques et de marbre polychrome, le temple devint, grâce à son impact esthétique, un des emblèmes de la cité et accrut sa réputation dans tout l’empire. D’influence grecque (il rappelait le temple d’Athéna Pronaia à Delphes et la tholos de l’Asklépieion d’Épidaure63) mais aussi romaine, il symbolisait finalement le statut hybride des plus hauts dirigeants pergaméniens, grecs d’origine mais également romains, insérés dans la nobilitas.
21Surtout, ce nouveau monument servait à rendre un culte à Asklépios en tant que dieu syncrétique, associé à Zeus : il devenait dès lors une divinité universelle, tout comme l’était Hadrien, honoré à Pergame en tant que Zeus Olympios. En somme, ces trois divinités étaient associées (et honorées par le prêtre Rufinus), ce qui correspondait pleinement à l’idéologie politico-religieuse mise en place par Hadrien, au centre de laquelle on trouvait l’idée de totalité, mais aussi celle d’œcuménisme ; en tant que Sôter, l’empereur était honoré pour sa capacité à préserver la paix et la prospérité de la ville64. Reprenant probablement une part de l’esthétique et de l’idéologie du Panthéon, le temple permit d’exporter en Asie la nouvelle idéologie impériale, particulièrement « intellectualisée ». Ainsi, grâce à des notables aisés et cultivés (Rufinus, mais aussi d’autres sénateurs qui séjournaient à Pergame), le temple permit d’unir Asklépios, dieu protecteur et bienveillant et Zeus, dieu du pouvoir universel, assimilé à Hadrien ; l’empereur fut d’ailleurs honoré dans le sanctuaire en tant que « sauveur Olympien » et « nouvel Asklépios65 ». Selon une interprétation cosmique de la coupole et de l’oculus qui surplombaient le temple, Hadrien apparaissait comme le maître de la totalité du monde, et le garant de l’œcuménisme de l’empire, tout comme Asklépios était un dieu à la puissance désormais universelle. Cet élément constitue un argument supplémentaire (mais pas une preuve) en faveur de la visite de l’Asklépieion par le prince lors de sa traversée de la Mysie. Il n’est pas possible de dater de façon très précise l’érection du monument, mais il est possible qu’il ait été construit pour impressionner l’empereur, dont la visite en Asie avait été programmée de longue date, et qui était connue des sénateurs.
22Quoi qu’il en soit, le temple de Rufinus traduit la transformation progressive de l’Asklépieion, au iie siècle, en un centre multifonctionnel : on y rendait bien entendu un culte à Asklépios, mais aussi à Hadrien, et le sanctuaire devint un lieu de sociabilité de premier plan pour les élites cultivées de l’époque, grecques et romaines. Les conceptions religieuses et politiques développées par l’empereur séduisirent certains sénateurs pergaméniens et micrasiatiques, férus de culture scientifique et philosophique : de ce fait, le culte d’Asklépios lui-même, très ancien et traditionnel, fut adapté au contexte romain de l’époque. Loin de rester le culte d’un dieu guérisseur, il subit une hybridation en adéquation avec l’idéologie impériale. Les notables pergaméniens n’étaient donc pas confits dans leur conservatisme, mais au contraire parfaitement enclins à faire évoluer leurs traditions séculaires pour en tirer profit (le temple de Rufinus avait probablement pour vocation de convaincre l’empereur d’accorder de nouveaux privilèges à la cité). De même, l’association d’Asklépios et de Zeus permettait d’accroître la puissance du dieu pergaménien et, par-là même, la renommée de la cité : les notables, promoteurs d’une théologie intellectualisée, utilisèrent donc le levier de l’évergétisme pour défendre les intérêts de leur patrie.
23Ainsi, une partie des conceptions religieuses de l’élite pergaménienne fréquentant l’Asklépieion peut être cernée à partir de certains passages des Hiéroi Logoi d’Aristide. En particulier, le rhéteur précise régulièrement que la splendeur de son art oratoire était intimement liée aux exhortations d’Asklépios, qui rentrait en contact avec certains fidèles (des hommes cultivés, membres de la plus haute aristocratie) pour leur prodiguer des conseils, des encouragements. Aristide évoque par exemple l’époque du début de sa maladie66, et insiste sur le fait qu’il avait, du fait de sa faiblesse physique, cessé toute activité rhétorique. Alors que la maladie l’accablait, le dieu l’encouragea à reprendre ses activités oratoires : délaissant toute modestie, Aristide aurait été exhorté à rédiger des discours à sa mesure, c’est-à-dire dignes de Socrate, de Démosthène ou de Thucydide. Le culte d’Asklépios était donc un culte particulièrement prisé des élites intellectuelles de l’époque, et qui, pour ces personnages, ne pouvait être réellement compris que par eux-mêmes.
24Habituellement destiné à soigner les douleurs du peuple, Asklépios devint un dieu spécifiquement adoré par une élite sociale, qui en fit la promotion de façon brillante. Désormais, logos et religion étaient étroitement liés, et le culte d’Asklépios permit de forger une nouvelle identité des grands notables pergaméniens67 : particulièrement cultivés, ils formaient un groupe d’élus, avec lesquels Asklépios entrait spécifiquement en contact par le rêve. D’ailleurs, la seule dédicace de l’Asklépieion adressée à Zeus Asklépios Sôter68 a été faite par deux Pergaméniens disposant de la citoyenneté romaine (Aemilius Sabinus et Aemilius Herennianus), qui appartenaient à l’élite de la cité, alors que les nombreux ex-voto dédiés par ailleurs à Asklépios Sôter seul, furent déposés par des pérégrins certainement plus modestes. À l’évidence, le culte du dieu universel Zeus Asklépios disposa d’une résonance spécifique, qui fut limitée aux cercles aristocratiques69.
L’association de culte des thérapeutes
25Les thérapeutai70 formaient une association de « co-incubants71 » élitiste, mais qui n’était pas exclusivement réservée aux Pergaméniens de naissance, et ces personnages avaient une fonction sociale variée. Ainsi, les thérapeutai étaient formés de sénateurs (le préteur Sédatus de Nicée72 et le consulaire P. Afranius Flavianus73, par exemple), d’hommes de lettres (le philosophe platonicien Rosandros74) mais aussi d’affranchis impériaux (ainsi, Claudius Vibianus Tertullus, qui fut notamment secrétaire ab epistulis Graecis sous le règne de Marc Aurèle75). Ils devaient notamment se rencontrer au sein du Μουσεῖον76, institution dédiée aux arts et à la médecine, placée sous le patronage des Muses. Sur leur organisation et leur rôle précis dans l’Asklépieion, il existe depuis de nombreuses années un vif débat77, mais il est aujourd’hui largement admis qu’ils entretenaient des liens de dévotion personnelle très forts avec Asklépios (à travers le rêve) et assuraient directement son culte. Récemment, D. Brabant a parlé du groupe des thérapeutai en tant qu’« association de culte gréco-romaine78 » : grecque car elle honorait de façon traditionnelle un dieu essentiel du monde grec, romaine car elle fut un moyen d’intégration de certains Romains particulièrement en vue dans les structures religieuses de la cité.
26Un aspect de leur rôle dans l’Asklépieion nous est expliqué par une inscription de l’Asklépieion appelée Loi sacrée de la via tecta79, qui décrit par ailleurs les sacrifices sanglants ou non pratiqués dans le sanctuaire, les prescriptions à observer pour les ablutions, l’abstinence (alimentation et sexualité), les offrandes que les pèlerins devaient faire au dieu la veille de l’incubation (le plus souvent des popana, ou le prix des guérisons). Les thérapeutai devaient effectuer des actions clairement cultuelles : ils devaient par exemple participer aux sacrifices et fournir du miel, de l’huile et de l’encens (Περιθυέσθωσαν [δὲ πελανο ?]ῖς μέλιτι καὶ ἐλαίωι δεδευμένοις καὶ λιβανωτῶι πάντες οἱ θ]εραπεύοντες τὸν θεὸν ἑπόμενοι τῶι ἱερεῖ, L. 23-25) : ces personnages officiaient donc comme des prêtres lors des grandes cérémonies religieuses du sanctuaire. Étant donné leur statut social, ils devaient assurer le culte avec une extrême munificence, et lui assuraient une réputation et un prestige de premier ordre.
Athéna Nikèphoros et Dionysos Kathègémôn, des cultes politisés
Assurer la pérennité du culte de la déesse poliade
27Durant l’époque attalide, le fait d’honorer d’éminents citoyens dans la cité avec des statues était assez rare, surtout dans les lieux publics les plus en vue, car les timai étaient essentiellement décernés au roi et à son entourage. Cependant, à cette époque, le Dèmos faisait régulièrement ériger des statues honorifiques accompagnées d’inscriptions aux prêtresses d’Athéna, dans le sanctuaire où elles officiaient, sur l’acropole, mais aussi sur la prestigieuse terrasse du Grand Autel80 : ces femmes étaient donc une exception. Celle-ci prit fin dans les premières décennies qui suivirent le legs d’Attale, puisque des personnages qui étaient magistrats ou liturges sous Attale III furent de plus en plus souvent honorés de statues, principalement des gymnasiarques, comme l’a montré M. Wörrle. Néanmoins, les prêtresses d’Athéna restèrent auréolées d’un prestige exceptionnel81, en tant que membres des grandes familles de la cité, et elles continuèrent d’être souvent honorées à l’époque romaine. En outre, le sanctuaire d’Athéna, s’il fut un espace privilégié d’affichage des décisions publiques et des monuments honorifiques de l’époque royale, conserva ce statut bien après 133, puisque des fonctionnaires romains du ier siècle avant J.-C. et des empereurs y furent régulièrement honorés82.
28Cette place du culte d’Athéna dans la cité était, pour les notables, un élément central de l’identité de la cité, depuis le début du iiie siècle avant J.-C., lorsque des Panathénées furent instituées par Eumène Ier. Ils durent donc s’employer, tout au long de l’époque post-attalide, pour qu’il restât dynamique et brillant, surtout pendant et après des périodes de crise : ce comportement est particulièrement visible dans les années qui suivirent la révolte d’Aristonikos, comme le montre l’évolution du règlement du culte83. L’absence de référence au roi permet de supposer que cette stèle de marbre est postérieure à l’année 133 et, d’autre part, le fait que le texte institue une réorganisation d’un culte fondamental de la cité laisse penser qu’il fut gravé après la révolte d’Aristonikos, comme si la cité avait voulu lui donner un second souffle après une période de difficultés. Le culte est celui d’Athéna Nikèphoros : cette épiclèse est liée à certaines victoires militaires des Attalides, tout particulièrement celle d’Eumène II contre Nabis de Sparte en 195 avant J.-C., qui entraîna, outre cette nouvelle épithète, la fondation du concours stéphanite des Nikèphoria, à partir de 182-18184. Probablement après 129, le hiéronome Dionysios fils de Mènophilos, chargé des lois du sanctuaire, fait graver seul (et peut-être à ses frais) ce texte. Si le premier paragraphe de l’inscription concerne des questions de pureté rituelle qui ne semblent pas être nouvelles (en tout cas, aucun indice ne met en avant une quelconque innovation religieuse dans ce domaine), les deux autres paragraphes mentionnent, eux, à la fois des traditions anciennement observées et qu’on souhaite maintenir, et un certain nombre de nouveautés. Ces dispositions sont, au départ, proposées par les stratèges, et sont ensuite validées par le Conseil et le Peuple.
29Dans le deuxième paragraphe, la cité introduit une première modification des règles du sanctuaire : la prêtresse, en contrepartie de son investissement, recevait jusque-là des pièces, déposées dans le tronc de la déesse ainsi que certaines parts de la victime sacrifiée ; désormais, elle recevait en supplément la hanche droite et la peau de chaque animal sacrifié, et des sommes d’argent proportionnelles à l’importance des victimes (un tétrobole pour les porcs, deux oboles et demie pour les autres animaux) : la cité décida donc d’une revalorisation de la rétribution des prêtresses, qui voyaient leur statut devenir plus enviable. De surcroît, dans le dernier paragraphe du texte, on précise les nouvelles dispositions qui sont instituées en ce qui concerne les autres personnels du sanctuaire, sous le contrôle des hiéronomes, qui s’occupent de la mise en vente de certains morceaux. Il s’agit désormais de rétribuer le gardien du sanctuaire, la flûtiste (qui joue lors des cérémonies), la crieuse (qui, en procédant à l’ὀλολυγή, marque le moment où le sacrifice établit un contact entre les humains et la déesse) et le portier de l’acropole, en fonction de la nature des victimes. Le reste de la somme doit ensuite alimenter les revenus sacrés.
30Il y a donc une volonté manifeste de la cité, suite à une situation de violence exacerbée et de remise en cause de l’ordre romain, de réorganiser le culte le plus emblématique de Pergame (sûrement en proie à certaines difficultés), et peut-être de trouver des personnages volontaires pour s’occuper du culte, notamment des prêtresses. Plus largement, il s’agissait surtout de renflouer les caisses du sanctuaire. De façon apparemment prudente, le Conseil et le Peuple insistèrent d’abord sur les traditions qui étaient maintenues (peut-être pour ne pas choquer les groupes de notables les plus conservateurs), avant d’introduire des modifications. Une telle augmentation des revenus des personnels du sanctuaire traduit la volonté des instances politiques de mettre à fin à une situation de crise, et de permettre leur renouvellement85. Elle suppose aussi l’inquiétude des élites de la cité au sujet de la pérennité d’un sanctuaire majeur, indissociable de l’histoire de Pergame, et envers les finances publiques de la cité, sûrement mises à mal par la guerre, les pillages, les violences. Plus précisément, un tel règlement (qui mêle tradition et innovation), illustre le fait que les propositions des élites (les stratèges, en premier lieu) qui modifient les institutions religieuses de la cité sont entérinées par les deux assemblées de la cité, comme s’il y avait eu une sorte d’union sacrée pour sortir du marasme un espace symbolique de la cité, un lieu qui assurait la protection de la cité par Athéna.
31On comprend mieux, dès lors, le prestige dont jouissaient les prêtresses, à la fois du fait de leur engagement personnel, de leur origine familiale, mais aussi à cause de la place particulière du culte d’Athéna à Pergame, à l’instar de la prêtresse Bitô, juste après la mort d’Attale (132-129 avant J.-C.)86 : elle est honorée par le Peuple pour avoir été prêtresse lors des quatorzièmes Nikèphoria (τεσσαρεσκαιδεκάτοις Νικηφορίοις τοῦ στεφανίτου ἀγῶνος, L. 6-7). Son investissement est salué par trois qualificatifs placés en fin de texte : elle a assumé sa charge de façon « admirable, pieuse et digne de la cité », ce que celle-ci reconnaît publiquement en échange de l’investissement consenti.
Culte de Dionysos et mémoire des Attalides
Une prêtrise réservée à des membres puis des descendants de la famille royale
32Parmi les prêtrises pergaméniennes, celle de Dionysos Kathègémôn possédait un statut particulier. Il était d’abord dû à la façon dont on choisissait les prêtres : si nos sources sont limitées sur ce point, puisque nous ne connaissons que cinq prêtres, elles nous permettent néanmoins de constater que la prêtrise était héréditaire (et ce dès l’époque royale) et que les prêtres de Dionysos Kathègémôn étaient tous des personnages de sang royal. À l’époque romaine, elle fut exercée par le citoyen le plus en vue de la cité, et achevait de lui assurer le premier rang, loin devant ses concurrents.
Tableau 8. – Les prêtres de Dionysos Kathègémôn.
Nom du prêtre | Date | Référence(s) |
Sôsandros de Cyzique | 142 av. J.-C. au plus tard | – AvP VIII 1, n° 248a, L. 5-7 : Σωσάνδρου̣ τοῦ συντρόφου ἡμῶν, σοῦ δὲ γαμβροῦ κατασταθέντος ὑπὸ τἀδελφοῦ βασιλέως τοῦ Καθηγεμόνος Διονύσου ἱερέως (« Sôsandros, notre camarade et ton gendre, a été nommé prêtre de Dionysos Kathègémôn |
Athènaios (fils du précédent) | 135 av. J.-C. | – AvP VIII 1, n° 248a, L. 13-20 : τὸν υἱὸν αὐτοῦ |
Mithridatès | 48/46 av. J.-C. | AM 33 (1908), p. 407, n° 36, L. 2-3 : Μιθραδάτην |
C. Antius Aulus Iulius Quadratus | Règne de Trajan (après 106) | AM 24 (1899), p. 179-180, n° 31, L. 2-7 : Γ(άιον) |
A. Iulius Quadratus (fils du précédent) | Règne d’Hadrien (avant 129) | Halfmann 2004, p. 72, n. 171 : |
33Sur les cinq prêtres attestés, deux apparaissent à la fin de l’époque attalide : il s’agit de Sôsandros et son fils Athènaios, deux éminents citoyens de Cyzique. Le premier était le fils d’un cousin d’Eumène II et d’Attale II et, grâce à trois lettres royales datant de 142 et 13587, on sait que son fils Athènaios, d’abord prêtre remplaçant du vivant de son père (il devenait prêtre lorsque les ennuis de santé de son père l’empêchaient de remplir au mieux ses obligations), remplaça son père à sa mort. La désignation d’Athènaios fut la conséquence de son investissement brillant en tant que prêtre remplaçant : « cet homme est digne du dieu et de toute notre famille88 », « du fait de sa bonté et de sa piété envers la religion et sa bienveillance et sa confiance envers nous, nous avons pensé qu’il était digne de la prêtrise de Dionysos Kathègémôn aussi, jugeant (moi-même et mon oncle Attale) qu’il était digne de cet honneur et qu’il présiderait de façon satisfaisante de tels mystères89 ». La prêtrise, attribuée à vie, n’est donc pas héréditaire de facto : elle est accordée au fils de l’ancien prêtre (qui doit, la plupart du temps, le seconder) avec l’accord des rois, qui évaluent si le prêtre assume sa tâche de façon convenable ou non : on examine l’intensité de sa piété, qui se manifeste à travers son engagement (ses dépenses personnelles pour les concours et les sacrifices, notamment) et la nature de ses relations avec la famille royale.
34En ce qui concerne la place de ce culte dans la cité, les deux premières lettres que nous avons mentionnées semblent explicites : le culte de Dionysos Kathègémôn est lié à celui de la famille royale et, comme l’a expliqué H. Halfmann, ce dieu est l’archégète de la famille90. En effet, selon Attale II, Sôsandros a « assumé ses fonctions sacrées dans de très nombreux festivals biennaux avec respect et mérite pour le dieu, et avec amour envers mon frère et envers nous-mêmes91 » : la prêtrise nécessite un engagement total pour Dionysos mais aussi, en rapport avec celui-ci, pour les Attalides. La lettre d’Attale II mentionne que Sôsandros, bien qu’affaibli, « a accompli les sacrifices avec nous92 » : autrement dit, les membres de la famille royale participaient eux-mêmes aux sacrifices, avec le prêtre, lui-même membre de la famille. Il s’agissait donc d’un culte organisé, pratiqué de façon très luxueuse pour honorer le dieu qui conduit et qui commande. On comprend donc l’enjeu que revêtait la sélection du prêtre : il fallait trouver un personnage capable, par son influence et son charisme, d’organiser des cérémonies et des concours qui marqueraient ses concitoyens et qui, par ce biais, augmenteraient le prestige et le pouvoir de la famille régnante. Dans la mesure du possible, on commençait par examiner si un fils du prêtre en activité pouvait convenir, l’hérédité étant une procédure centrale de la monarchie. En dehors de ces deux prêtres de Dionysos Kathègémôn, les sources épigraphiques permettent de repérer trois autres prêtres, l’un au milieu du ier siècle avant J.-C. (Mithridatès), les autres sous les Antonins (Quadratus puis son fils). La prêtrise a donc été maintenue au moins durant trois siècles, malgré les soubresauts de l’histoire (legs d’Attale, domination romaine, guerre d’Aristonikos, guerres mithridatiques, passage de la République au Principat) : il s’agissait à coup sûr d’une institution fondamentale dans la cité, et le fait qu’elle fût jadis aux mains des Attalides permit sa pérennité, puisque sa survivance assurait celle de la mémoire des rois.
35Selon Pausanias93, une prophétesse de Dodone nommée Phaennis prédit l’arrivée des Galates en Asie, et l’auteur rapporte son oracle. Dans ce texte, le roi Attale est décrit comme le fils d’un taureau : or, il s’agissait d’une manifestation courante de Dionysos, notamment dans l’univers des ménades, des bacchantes ou des satyres94. Le roi pergaménien était lié à Dionysos par une filiation mythique, ce qui faisait de lui le dieu primordial de la famille, depuis le iiie siècle avant J.-C. Plus tard, la prêtrise était assumée par des personnages qui étaient des descendants des Attalides, mais surtout capables d’entretenir la mémoire des rois en donnant un lustre maximal au culte de Dionysos Kathègémôn : il s’agissait donc de personnages exceptionnels par leur réputation, leur puissance financière et leur influence, reconnus par leurs concitoyens comme étant les dépositaires d’une tradition ancienne de la cité, et qui étaient chargés de reproduire certains rites que les Attalides eux-mêmes respectaient.
L’association des bouviers dionysiaques et son rôle dans la cité
36À partir du ier siècle avant J.-C., de nombreux documents épigraphiques de Pergame attestent l’importance dans la cité de la fonction liturgique de bouvier dionysiaque (ou boukolos, littéralement le « gardien de bœufs »)95. Cet essor s’inscrit dans l’essor, dès le courant du iiie siècle, des organisations unissant des artistes professionnels, qu’ils soient notamment acteurs ou musiciens96. Les boukoloi sont des technites, initialement des représentants du monde agreste, qui ont été rattachés au culte de Dionysos en tant que dieu-taureau, dont le succès a été particulièrement vif à Pergame à l’époque hellénistique mais aussi jusqu’à l’époque impériale. Selon A.-F. Jaccottet, le lien qui s’est établi progressivement entre le dieu et ces artistes fut essentiellement dû à « des effets d’analogie ou de métaphore » (car le monde de Dionysos-taureau et celui des technites étaient très proches), et les amena à se rapprocher naturellement, pour prendre une place centrale dans le culte dionysiaque à partir de la fin de l’époque hellénistique97. À Pergame, les deux plus anciennes attestations des boukoloi datent du règne d’Auguste : il s’agit de deux dédicaces (l’une pour Dionysos Kathègémôn, l’autre pour Auguste César) par le bouvier en chef (archiboukolos) Hèrôdès98. Il est probable, surtout si l’on tient compte de la seconde dédicace, que les boukoloi étaient liés au culte impérial, après avoir été des acteurs importants du culte des Attalides : comme l’a montré W. Radt99, ces deux autels étaient probablement situés dans la « salle des podiums », salle de réunion des technites sur l’acropole, qui servait auparavant au culte des Attalides.
37Les bouviers étaient des personnages symbolisant le monde bucolique, pastoral, dont une élite cultivée a cherché à faire la promotion à l’époque hellénistique. Leur importance à Pergame fut le fruit d’un contexte local très particulier, dans lequel deux influences principales se conjuguèrent : d’abord, le culte du dieu-taureau Dionysos Kathègémôn, archégète des Attalides, dont le roi Attale devait être le fils, dans une filiation mythique ; en outre, ce lien prenait sa source dans un récit mythique rattaché à la Téléphie100.
38Le collège des boukoloi était constitué d’une vingtaine de personnages qui portaient chacun un titre, correspondant soit à un échelon hiérarchique, soit à une fonction : le personnage le plus important était le prêtre héréditaire de Dionysos Kathègémôn, choisi à vie parmi les membres de la plus haute élite de la cité, comme A. Iulius Quadratus. Sous sa présidence, le culte était assuré par un personnel spécialisé : un bouvier en chef (archiboukolos), un metteur en scène-régisseur ou diataxarque, les bouviers, des maîtres des hymnes, un ou plusieurs chorège(s) et un secrétaire. Il est remarquable que cette institution nouvelle des boukoloi n’apparaisse à Pergame qu’à partir du règne d’Auguste, et soit maintenue au moins jusqu’aux Antonins. Créé pour rendre hommage à Dionysos Kathègémôn, il est donc plausible que le collège officiait dans le cadre du culte impérial naissant, à partir de 29. Le fait que Quadratus, grand promoteur du culte de Trajan, soit le prêtre de Dionysos et un sénateur, n’est pas anodin. Le collège était d’un haut niveau social et était chargé d’entretenir un culte emblématique de la dynastie attalide mais aussi, à travers cela, de probablement procéder au culte du princeps : ce fut d’ailleurs le cas plus tard avec Caracalla, honoré en tant que néos Dionysos dans le temple de Dionysos, près de la scène du théâtre de l’acropole. Nommés parfois les « bouviers dansants » (οἱ χορεύσαντες βουκόλοι), ils étaient spécialisés dans les représentations scéniques du culte : lors des fêtes triétériques de la cité et des manifestations officielles de Dionysos, des chœurs étaient mis en place, on chantait des hymnes et des silènes apparaissaient sur scène.
39L’association des boukoloi devait se situer dans la lignée des Technites d’Ionie et de l’Hellespont, ou des Attalistes qui étaient auparavant au service des monarques. La première de ces associations, celle des Technites de Téos et de Pergame (ou « Technites d’Ionie et de l’Hellespont »), formait un groupe cultuel indépendant, qui disposait d’une structure juridique et politique propres. Cette appellation, qui mentionnait conjointement les cités de Téos et de Pergame, apparut au iie siècle, suite à la paix d’Apamée et l’incorporation de la cité de Téos dans le royaume attalide, en tant que cité tributaire : cette association de deux types de Technites devait servir à traduire ostensiblement la puissance grandissante de Pergame et, en tant qu’agents de la propagande royale, ils possédaient désormais deux centres en Asie. Ces Technites étaient parfois associés à ceux qui étaient regroupés autour de Dionysos Kathègémôn, autrement dit des artistes garants du culte des souverains attalides101. Ces Technites étaient une institution fondamentale de l’époque royale, et ils conservèrent cette place après 133 : ainsi, comme l’a montré B. Le Guen102, un décret d’Élaia103 datant de 129 atteste le fait que le « koinon des technites placés sous le patronage de Dionysos Kathègémôn » participa dans une fête organisée à Élaia juste après la fin de la révolte d’Aristonikos. Cette manifestation devait célébrer officiellement l’amitié et l’alliance militaire entre l’avant-port pergaménien et les Romains : dans ce contexte, la présence des Technites, collège symbolique des Attalides et désormais de la cité libre de Pergame, devait servir de caution politique, et montrer aux Romains que l’ancienne capitale royale avait été leur alliée, même si la réalité fut tout autre. Le collège traditionnel des Technites de Dionysos Kathègémôn restait donc, même dans un contexte très complexe, un symbole fort de Pergame, y compris d’un point de vue politique.
40À la lecture des inscriptions, les Technites, qu’ils fussent ceux d’Ionie et de l’Hellespont ou bien ceux de l’Isthme et de Némée104 (autre confrérie dionysiaque, basée dans le Péloponnèse) étaient étroitement liés à un bienfaiteur exceptionnel, l’aulète Kratôn de Chalcédoine, qualifié de Περγαμηνὸς105. Prêtre et agonothète de Dionysos, ce personnage fut un évergète pour les artistes dionysiaques, et fut récompensé à de multiples reprises (statues, couronnes notamment) pour son investissement et ses dépenses considérables au profit des collèges religieux106. À sa mort, survenue à Pergame, il légua au collège des Attalistes l’Attaleion107 placé près du théâtre, 10500 drachmes d’argent, des esclaves et des objets divers (nécessaires au culte)108. Le koinon (ou synodos) des Attalistes, créé par Kratôn lui-même sous Eumène II ou Attale II, était probablement constitué d’artistes appartenant au monde de la scène (l’Attaleion étant situé près du théâtre, tout permet de le penser), qui étaient chargés du culte royal, comme leur nom l’indique. Ils furent en outre choisis par Kratôn lui-même pour leur attachement à la monarchie attalide109.
41On le voit, les boukoloi n’ont pas été créés au début de l’époque impériale ex nihilo : ils étaient ancrés dans une tradition très forte des associations cultuelles du culte de Dionysos, chargées d’entretenir la mémoire des Attalides tout en faisant la promotion des arts de la scène auxquels les rois étaient profondément attachés. Le pouvoir impérial romain s’appuya sur ces traditions de culte du roi de son vivant et il est vraisemblable que les bouviers dionysiaques rendaient encore, sous Trajan et Hadrien, un culte conjoint aux Attalides et à l’empereur, par le biais des honneurs rendus à Dionysos Kathègémôn. Malgré la pauvreté des sources sur le culte de Dionysos Kathègémôn, sa pérennité est claire au moins jusqu’au iie siècle de notre ère, et ce sont toujours des descendants des rois qui en assurent le rayonnement. Le prêtre de Dionysos Kathègémôn, personnage toujours exceptionnel, acquérait de ce fait une position unique dans la cité, en tant qu’ultime défenseur de ses traditions ancestrales : en ce sens, il était le gardien de la mémoire attalide, même si le culte était désormais tourné vers un autre souverain. Cette prêtrise, essentielle pour cerner certains aspects des « mentalités » des notables, montre à la fois le conservatisme de ces personnages (attachés à la mémoire de leurs anciens rois), mais aussi et surtout leur capacité à adapter ce culte au contexte romain, et à s’en servir pour honorer le nouveau souverain en place.
Des titres honorifiques rares, monopolisés par une étroite élite
42Jusqu’en 133 av. J.-C., le discours public gravé dans la pierre célèbre avant tout les valeurs et les qualités du roi, et peu de place est laissée aux citoyens, si influents soient-ils. Dans ce cadre très normé, la définition du monarque idéal repose sur des qualités générales auxquelles Dion de Pruse a consacré quatre discours110, comme le courage physique et la rigueur morale (ἀρετή), le dévouement (εὐνοία), le courage et la loyauté (ἀνδραγαθία), la vive affection pour les siens (φιλοστοργία) ou les sentiments d’humanité (φιλανθρωπία)111. Elle est également fondée sur des capacités : celle d’être un bienfaiteur (εὐεργέτης) ou un sauveur (σωτήρ), comme le héros Héraklès auquel ils sont souvent assimilés112. Ainsi, la domination du roi n’est acceptée que si elle répond aux attentes de la population, et il doit, avant tout peut-être, montrer qu’il est capable de remporter des victoires sur le champ de bataille. Après la mort d’Attale III, toutes ces valeurs continuent d’être évoquées dans les inscriptions (en dehors de la guerre, domaine dans lequel il fut désormais plus difficile de s’illustrer, à moins d’effectuer une carrière spécifiquement tournée vers l’armée au service de Rome, comme C. Iulius Quadratus Bassus), sans grande originalité.
43Dès les premières années après 133, l’inscription de Mènodorôs113 indiquait déjà quelle catégorie spécifique de citoyens aurait droit à ce type de considération : ce serait les aristoi andres, à savoir les plus illustres, capables d’endosser des magistratures, des liturgies et des prêtrises, de mener des ambassades, de construire, restaurer ou embellir des bâtiments. Ces personnages, pour les plus influents d’entre eux, avaient également tissé des liens de confiance voire d’amitié avec les plus grands dignitaires romains. Comme on le faisait sous le règne du roi, on reconnaissait leur pouvoir à travers des titres précis : cela permettait à la fois de les encourager à poursuivre leur investissement pour obtenir un prestige, une reconnaissance qui rejailliraient sur leur famille, mais aussi de légitimer leur pouvoir. Modèles de comportement et de probité, ils étaient les seuls capables de prendre en charge les affaires de la cité. Le tableau ci-dessous établit la liste des titres octroyés aux notables pergaméniens par leurs concitoyens dans l’ordre chronologique, en précisant autant que possible le contexte des honneurs114.
44À l’examen des inscriptions, l’attribution de titres honorifiques reste particulièrement rare à Pergame car, sur un total de 4000 inscriptions, un peu plus d’une vingtaine de personnages seulement apparaissent honorés de la sorte : les titres étaient la plupart du temps attribués à des représentants de Rome ou des personnages en lien étroit avec elle, et étaient apparemment monopolisés par une étroite élite, formée d’évergètes fortunés. Parmi ces titres, trois étaient attribués le plus souvent : fondateur, évergète et héros, dans des proportions comparables ; celui de philosébastos, qui traduisait une loyauté envers l’empereur, est curieusement absent des inscriptions de Pergame115. Le titre de fondateur (ktistès) est décliné de trois façons : soit le notable est qualifié de « fondateur » sans autre précision, soit il est nommé « fondateur de la patrie », soit, dans un cas exceptionnel (celui de Mithridatès), il porte le long titre de « nouveau fondateur de la patrie à la suite de Pergamos et de Philétairos ». Comme l’a montré A.-V. Pont, à la suite de L. Robert, rien n’indique qu’un ktistès soit forcément un bâtisseur de monuments116, même si dans les cas de Claudius Lupianus, Sextus Iulius, Tib. Claudius Vetus et Tib. Claudius Pius le titre est clairement lié à l’érection d’un ou plusieurs bâtiment(s) : ainsi, aucune construction de Mithridatès n’est connue à Pergame, et le titre qu’il porte est dû au fait qu’il rendit à Pergame son statut envié de civitas libera.
45Quel sens possédait donc la notion de fondation ? Les inscriptions sont stéréotypées et bien souvent il est difficile de saisir précisément la spécificité de tel ou tel contexte. Cependant, dans deux cas, il est possible d’imaginer ce que supposait ce titre. Mithridatès est d’abord loué pour créer une nouvelle ère dans l’histoire de Pergame et, de ce fait, son action est comparée à celles de Pergamos (fondateur de Pergame, héros éponyme de la cité) et de Philétairos (fondateur de la dynastie attalide). Quant à Tib. Claudius Ménogenès, il est honoré pour avoir pris en charge la totalité des gymnases de Pergame (charge lourde et exceptionnelle) et probablement pour avoir répondu aux difficultés du sanctuaire d’Asklépios en construisant un nouveau gymnase. S’il nous semble impossible de déterminer ce qui peut différencier les titres de « fondateur » et de « fondateur de la patrie117 », le qualificatif de ktistès semble être attribué à des notables qui jettent les fondements d’une nouvelle période glorieuse, donc des personnages capables, par leur investissement personnel, de faire progresser le rayonnement et le prestige de la cité d’une façon significative. Le titre de ktistès semble donc être attribué à une catégorie bien spécifique de notables.
46Le titre d’« évergète » signifie littéralement « celui qui apporte un bienfait » à la cité ; ce terme a donc un sens assez vague : l’évergète est, de façon générale, un bienfaiteur pour ses concitoyens. On constate plusieurs variations de ce titre : Diodôros Pasparos est « évergète par ses ancêtres », M. Tullius Cratippus est « évergète de la cité », et il peut être ajouté à d’autres titres, notamment celui de fondateur, ce qui montre bien que les deux titres supposent des réalisations différentes, ou à la portée différente. Un notable acquérait le titre d’« évergète » s’il apportait un bienfait à la cité sous différentes formes (dons d’argent, constructions, restaurations, distributions), mais semble-t-il sans forcément modifier le statut ou la réputation de la ville de façon conséquente : si l’on considère cette hypothèse, les assemblées de la ville devaient délibérer pour établir si les actions d’un notable étaient assez brillantes pour qu’il puisse être qualifié de fondateur.
47Le troisième titre le plus souvent attribué, cette fois à des notables défunts, est celui de « héros », comme pour Rufinus et Marcellus. Si l’on reprend son sens traditionnel, un héros est avant tout un personnage qui s’est élevé au-dessus des mortels du fait du courage ou de la bravoure dont il a fait preuve dans le but d’obtenir des bienfaits pour ses concitoyens. Ainsi, le sénateur Rufinus et le rhéteur Marcellus furent inhumés d’une façon particulière, pour témoigner de cette position singulière, qui les plaçait au-dessus des hommes. Le titre était souvent attribué à des hommes de lettres (rhéteurs, philosophes) ou en lien avec la culture (le temple rond de Rufinus était un espace conçu et utilisé par l’élite intellectuelle).
48En dehors de ces titres, d’autres sont mentionnés dans les inscriptions honorifiques, mais plus rarement encore. Ainsi, le chevalier C. Iulius Maximus porte le titre de « fils des néoi » pour « son insurpassable bonté envers eux-mêmes » (διὰ τὴν ἀνυπέρβλητον πρὸς αὑτοὺς φιλανθρωπίαν)118 : un rapport de filiation de nature politique est mis en avant dans les inscriptions publiques afin de traduire l’affection, les relations de grande proximité entre le collège et le notable Maximus, qui a agi envers lui de façon positive lors de sa gymnasiarchie (à travers des offrandes), et peut-être en défendant leurs intérêts lors des réunions du koinon d’Asie119. En outre, le titre de « sauveur » est porté par A. Iulius Quadratus : comme l’a expliqué A.-V. Pont, « un sauveur intervient dans des circonstances critiques120 », ce qui concorde avec la description que fait Aelius Aristide de Quadratus dans son discours pour Apellas (le notable apparaît comme le personnage qui restaura la cité après une longue période de difficultés, marquée par des destructions, des dégradations des bâtiments et des rues de Pergame121). D’autres titres, encore plus ponctuels, sont utilisés pour qualifier certains notables : C. Iulius Faustus Luppianus porte expressément le titre de « citoyen » (pour spécifier son patriotisme), Tib. Claudius Vetus est « l’ami de tous », ce qui permet de souligner son attachement à l’ensemble de la communauté civique, et sa volonté d’apparaître comme un de ses plus illustres membres.
Une vie politique dominée par des familles autochtones ?
La place des Galates en Asie Mineure
49Une des particularités de l’élite pergaménienne réside dans le fait qu’elle était, au moins pour partie, issue d’alliances matrimoniales entre des grandes familles de Pergame (royales pour la plupart, probablement) et l’aristocratie galate. Les Galates constituaient un rameau des différentes populations celtes qui déferlèrent sur l’Europe méridionale dans le courant du iiie siècle av. J.-C. et, suite à la guerre de succession qui opposa Nicomède Ier à son frère Zipoitès en Bithynie, Nicomède fit passer les Galates en Asie, dont les chefs étaient Léonnorios et Loutourios122. Une fois la guerre de succession terminée, Nicomède tenta de repousser les Galates afin de les interposer entre Antiochos Ier et lui, mais tarda à intervenir en Asie et, vers la fin des années 260, les Galates s’installèrent définitivement au nord de la Grande Phrygie, qui devint en 25 la province romaine de Galatie123, avec pour capitale Ancyre. Ce peuple formé de plusieurs tribus dont trois émergent (les Tolistoboges, les Trocmes et les Tectosages), disposant d’une aristocratie puissante, s’installa dans un vaste espace fertile et peu peuplé qui leur offrait de grandes opportunités en termes de développement agricole124. L’histoire des Galates fut, jusqu’à l’époque romaine, marquée par de nombreuses guerres : Philétairos de Pergame les combattit125, ils prirent part à la guerre chrémonidéenne contre le roi de Macédoine Antigone II Gonatas, lancèrent des attaques vers le nord (Bithynie et Pont), furent défaits par Attale Ier en 241-240 dans la région du haut Caïque. En 189, le consul Cn. Manlius Vulso, allié à deux frères d’Eumène II (Attale et Athénée) fit campagne pour pacifier certaines régions agitées d’Asie Mineure : les troupes romaines combattirent alors les Galates et procédèrent à une violente répression.
50Cependant, en 168, une nouvelle insurrection galate menaça de nouveau le royaume pergaménien, agrandi par la paix d’Apamée : le roi envoya même une ambassade jusqu’à Rome pour demander une intervention diplomatique, car la situation était grave. Des légats romains rencontrèrent alors les autorités galates, mais cela ne fut suivi d’aucun effet positif ; Eumène attaqua alors les Galates et réussit à l’emporter, ce qui fit retomber les régions galates sous la domination de Pergame. En 166, Rome accorda l’autonomie aux Galates, en exigeant qu’ils ne franchissent plus leurs frontières126 : indéniablement, les Galates ont été longtemps perçus comme une grave menace par les Attalides. À l’époque des guerres mithridatiques, ils furent régulièrement rétifs à accepter les exigences de l’administration pontique, et le roi fit massacrer de nombreux Galates et fit confisquer bon nombre de leurs domaines, ce qui ne fit qu’intensifier leur participation au conflit. En 86, Mithridate convoqua les soixante notables les plus influents de Galatie, et en massacra la plupart, sauf trois qui s’échappèrent127.
51Ce massacre modifia de façon très profonde l’organisation politique des Galates : on passa à un système comportant seulement trois magistrats, et le titre de tétrarque, qui était auparavant porté par les chefs des douze districts galates, fut maintenu mais était désormais utilisé par le chef de chacune des trois tribus, ou par chaque membre illustre des principales familles galates128. Dans sa réorganisation administrative de l’Asie Mineure, Pompée confia le pouvoir à trois tétrarques, Deiotaros pour les Tolistoboges, Brogitaros pour les Trocmes et un autre chef, dont on ne connaît pas le nom, pour les Tectosages. Le premier, Deiotaros, apparut rapidement comme l’homme fort de la Galatie : proche des Romains, il reçut des Romains le titre royal et celui de Φιλορώμαιος, et Pompée lui donna l’Arménie Mineure. Quant à Brogitaros, il reçut une partie de l’ancien royaume de Mithridate, et reçut lui aussi le titre de roi129. L’objectif des Romains était, en fait, d’utiliser ces personnages pour qu’ils puissent protéger leurs territoires en cas de nouvelle menace extérieure. Les trois survivants de la terrible répression mithridatique furent donc récompensés par les Romains, et comptaient parmi leurs alliés les plus sûrs en Asie Mineure.
Mènodotos et Adobogiôna
52Jusqu’à la fin de l’époque attalide, les Galates ont constitué un danger permanent pour les Pergaméniens, et la fable de la victoire des dieux sur les géants, figurée sur le Grand Autel, fut une manière grandiose d’exalter la (ou les) victoire(s) militaire(s) d’Eumène II (ou de plusieurs rois de Pergame) sur les barbares venus de Gaule, qui envahirent l’Asie Mineure au iiie siècle pour la piller sans vergogne130. Avec les guerres mithridatiques, rien ne semble réellement changer : si les Pergaméniens ouvrent leurs portes au roi du Pont, les Galates s’opposent férocement à sa domination. Pourtant, selon St. Mitchell131, des relations étroites entre Pergame et les Galates s’étaient tissées peu à peu au cours de l’époque attalide, à certains moments : en particulier, les Attalides manifestèrent un vif intérêt pour le sanctuaire phrygien de Pessinonte, à partir de 163. Le grand prêtre du sanctuaire de Cybèle était un Galate nommé Attis, qui collabora régulièrement avec les rois, ce qui leur permit d’exercer un contrôle sur cette partie de la Galatie132. De son côté, Attis bénéficia du soutien des Attalides pour conserver son pouvoir sur place, qui fut à plusieurs reprises contesté par des membres de sa famille133. La relation entre Pergame et les Galates ne fut donc pas uniquement basée sur la confrontation, y compris à l’époque royale.
53À partir du milieu du ier siècle avant J.-C., des mariages entre Galates et Pergaméniens du plus haut niveau social peuvent être attestés, malgré la rareté des sources sur ce point. Ce lien est manifeste avec la figure de Mithridatès, comme l’indique Strabon134 : selon cet extrait, Mithridatès est le fils d’un notable de Pergame nommé Mènodotos, et d’une princesse trocme, Adobogiôna, descendante des tétrarques de Galatie. Il y a donc eu, au moins à partir du début du ier siècle avant J.-C., des unions parmi les deux peuples. Si des rumeurs apparurent au sujet de l’ascendance de Mithridatès (il fut peut-être le fils illégitime de Mithridate du Pont), P. B. Ellis a proposé l’hypothèse selon laquelle Mithridatès aurait été l’otage du roi du Pont à sa cour135, mais son nom indique que le couple a dû, au moins pour un moment (avant le massacre des notables galates, soit entre 88 et 86), soutenir le roi, et l’héberger volontairement136. Le fait que Strabon nomme le notable « Mithridatès de Pergame » montre bien qu’il est issu de la cité, et que sa mère a dû s’y établir. Son père, Mènodotos, appartenait à l’une des plus éminentes familles de Pergame : un certain Mènodotos, sûrement l’un de ses ancêtres, apparaît en tant que prytane137 sous le règne d’Attale Ier. Mithridatès étant né vers 87-86, le mariage entre Mènodotos et Adobogiôna s’est effectué quelques années plus tôt, juste avant le début de la guerre, à un moment où les élites pergaméniennes étaient très puissantes : elles n’étaient pas encore ruinées par les guerres de Mithridate, la révolte d’Aristonikos avait prit fin trente ans plus tôt, et Pergame était encore la capitale de la province d’Asie.
54Cependant, cette période fut marquée par un danger grandissant pour les élites asiates : l’action des publicains, qui débuta à partir de 123-122 avec les décisions de Caius Gracchus (la lex Sempronia) sur les taxes à mettre en place en Asie. Si l’on peut penser que le mariage de Mènodotos et Adobogiôna date des années 90 avant J.-C., il intervient après l’affaire de 129 (ou 101, si l’on retient la datation retenue par H. Halfmann et D. Magie138), au cours de laquelle un violent conflit opposa les Pergaméniens aux publicains139. Si le système des publicains fut plutôt bien considéré par les Romains140, il fut très dur envers les populations locales, car on ne tenait jamais compte des variations de production dans la région, et parce que les sociétés fermières, basées à Rome, devaient payer leur personnel et surtout faire des bénéfices : ils essayaient donc de prélever davantage que les sommes qui arrivaient jusqu’au trésor romain. Comme l’a écrit M. Sartre, « l’affermage aboutissait à une aggravation de la pression fiscale », qui fonctionna comme une « spirale141 » étouffante pour les Asiates, qui furent de plus en plus touchés par l’endettement.
55Dans ce contexte, il est possible que les notables pergaméniens et galates aient dû se rencontrer, se consulter, afin de trouver des moyens de protéger leurs biens et leurs propriétés, et donc de maintenir leur puissance financière, qui était l’un des grands ressorts de leur domination socio-politique, et de leur capacité à agir en évergètes. La ruine les menaçant, ils ont convenu de mariages entre certains de leurs jeunes descendants, comme Mènodotos et Adobogiôna. Leur fils Mithridatès, qui fut nommé par César tétrarque des Trocmes et roi du Pont142 après son intervention pour lui porter secours dans la guerre d’Alexandrie (ce qui montre bien ses liens avec les Trocmes, mais aussi avec le royaume du Pont), a dû ensuite hériter de ces terres, qui se sont transmises au fil des siècles chez les descendants des Attalides et des tétrarques galates, comme les Quadrati. Du fait des publicains, la présence romaine a été longtemps perçue par les élites de la région comme une menace extrême, une violation de leurs droits qui pouvait à terme les mener à la ruine et à l’annihilation de leur autorité dans les cités d’Asie Mineure occidentale, qu’il fallait combattre soit de manière passive (avec des alliances matrimoniales), soit par les armes, en s’engageant aux côtés de Mithridate du Pont contre l’oppresseur romain143.
Les Severi d’Ancyre et les Quadrati
56Bien plus tard, sous le règne de Trajan (en 114), le grand notable d’Ancyre C. Iulius Severus apparaît lui aussi, dans une inscription honorifique, comme un descendant des Attalides et des tétrarques galates144. Ce texte a été gravé dans le contexte du passage des troupes de Trajan par la Galatie pour aller combattre les Parthes : elles y passèrent l’hiver 113-114 et, durant cette année, le plus illustre citoyen d’Ancyre, C. Iulius Severus145, fut grand-prêtre du culte impérial. Le document expose une bonne partie des charges endossées par ce notable très influent : en tant que grand-prêtre, il marqua profondément son époque par ses largesses et les sommes qu’il dépensa, il fournit l’huile nécessaire au fonctionnement du gymnase sans marquer de pause, assuma également la charge de sébastophante, c’est-à-dire qu’au sein des processions du culte impérial il portait les symboles sacrés et les portraits impériaux. Il fut, à ce moment, le premier citoyen de la cité à investir les fonds sébastophantiques (publics) dans la construction de bâtiments, alors que ces sommes servaient, au temps de ses prédécesseurs, à fournir l’huile, qu’il offrit à partir de ses propres fonds, notamment lorsque les troupes romaines passèrent leurs quartiers d’hiver sur place, ce qui entraîna des besoins considérables en huile. Il effectua donc un transfert tout à fait nouveau de cet argent vers de nouvelles dépenses, grâce à sa fortune personnelle.
57Il fut, en outre, archonte, agonothète et agoranome, peut-être simultanément146, ce qui montre qu’il assuma la plupart des magistratures d’Ancyre et prit les rênes des affaires publiques de la cité. Iulius Severus correspond donc pleinement au profil des plus grands notables, qui investissent leurs propres fonds pour le bien de leurs concitoyens, et endossent les charges les plus lourdes. Il nomma grande-prêtresse son épouse, nommée Claudia Aquillia147 : le grand-prêtre nommait donc son homologue féminine, ce qui pourrait indiquer que celle-ci était subordonnée à l’archiéreus148. C. Iulius Severus, citoyen romain, fut également un allié essentiel de l’empereur Trajan : il accueillit en effet les troupes romaines à Ancyre, leur fournit des quantités considérables d’huile, et les fit entrer dans la ville avec une escorte. Comme Severus était apparenté aux Quadrati, proches de Trajan (C. Antius A. Iulius Quadratus, C. Iulius Quadratus Bassus), il est clair que ce stationnement ne fut pas imposé par l’empereur, mais que Severus accueillit l’armée romaine de bon gré.
58Cela supposait qu’il était capable de leur fournir l’huile nécessaire, de la nourriture, et qu’il se portait caution pour que leur présence ne provoque pas de troubles : il permit donc aux soldats de s’établir sur les immenses domaines privés qu’il possédait dans la région. À l’instar de C. Antius A. Iulius Quadratus à Pergame, C. Iulius Severus apparaît nettement comme le plus grand citoyen de sa cité, immensément riche et homme de confiance des empereurs à l’époque antonine. Ces personnages servaient, grâce à leur réputation et leur autorité sur place, comme des relais fondamentaux pour les Romains lorsqu’ils avaient à assurer la défense de l’empire dans ses limites orientales.
59Iulius Severus, dont les ancêtres ont reçu d’Auguste la civitas Romana, le nomen Iulius et l’inscription dans la tribu Fabia149, a d’ailleurs mené une carrière romaine prestigieuse : après avoir exercé le décemvirat judiciaire, il devint sevir equitum romanorum (à cette occasion, il dirigea une turme de chevaliers lors de la transvectio equitum). Tribun militaire de la légion IV Scythica, il fut envoyé en Syrie (à Cyrrhus) pour effectuer son service militaire, qui fut en 132 sous les ordres de son père C. Iulius Severus. Il accéda à la questure et au tribunat de la plèbe sous Antonin et entra dans le collège des XV viri sacris faciundis. Il fut ensuite légat de la légion XXX Ulpia Victrix en Germanie Inférieure puis fut désigné, à son retour à Rome, curator viae appiae, vers 153-154. La chronologie de la carrière montre donc à quel point il devait être jeune au moment où fut gravée l’inscription, et le soutien qu’il apporta à Trajan sur le plan militaire a certainement joué un rôle important dans l’évolution brillante de sa carrière romaine, sous Hadrien et Antonin le Pieux. Il devint consul éponyme en 155 (avec M. Iunius Rufinus Sabinianus) et devint gouverneur de Syrie-Palestine vers 156-159, à la fin du règne d’Antonin150.
60L’inscription d’Ancyre est très riche en ce qui concerne la famille de C. Iulius Severus, qualifié de πρῶτον Ἑλλήνων (l. 13-14), car elle prouve qu’il descendait des aristocraties galate et pergaménienne151, comme Mithridatès un siècle et demi plus tôt. Tout d’abord, le notable ancyréen possède quatre rois parmi ses ancêtres : trois tétrarques galates et un Attale, βασιλέως Ἀσίας (l. 6). Le premier d’entre eux est le roi Deiotaros : il s’agit sûrement de Deiotaros Ier Philoromaios, qui fut tétrarque puis roi des Galates, mais aussi roi de Cappadoce et d’Arménie Mineure, et l’allié de Pompée puis de Brutus dans les guerres civiles entre imperatores. Son nom, qui signifiait selon V. Kruta « taureau divin152 », désignait probablement un dieu local galate, et il pourrait avoir un rapport avec l’importance du symbole du taureau chez les Attalides, mais cela est hypothétique. Mort vers 42, il était encore en vie à l’époque de la carrière de Mithridatès, et l’on s’est souvent demandé comment ce dernier avait pu devenir un proche de César : il est possible que l’affaire de 45 joua un rôle déterminant dans cette relation, et leur permit de se rencontrer. En effet, alors qu’une ambassade galate se trouvait à Rome, le petit-fils de Deiotaros, Castor, le dénonça auprès de César, car selon lui il avait fomenté une tentative d’assassinat contre le dictateur lorsqu’il séjourna dans le palais de Deiotaros à Luceium, après sa victoire contre Pharnace II à Zéla en 47. Cicéron plaida en faveur du roi galate dans un discours resté célèbre, le Pro rege Deiotaro. Il ne semble pas que César ait donné suite à l’accusation portée contre Deiotaros, jusqu’à sa mort en 44 : il est tout à fait possible qu’un personnage comme Mithridatès, à qui il devait beaucoup, intervint dans cette affaire et défendit Deiotaros, à qui il était apparenté par sa mère Adobogiôna : en tout état de cause, la chronologie rend cette possibilité plausible.
61En dehors de Deiotaros, C. Iulius Severus est nommé dans l’inscription en tant que descendant des tétrarques Amyntas fils de Brigatos et Amyntas fils de Duitalos. Le fait que le titre de tétrarque apparaisse si clairement traduit, selon St. Mitchell et D. French, la volonté des Galates du Haut-Empire d’honorer avec une grande ferveur la mémoire de ces souverains tribaux du ier siècle avant J.-C.153. Le second de ces personnages fut Amyntas, dernier dirigeant de la Galatie indépendante, avant qu’elle ne devienne une province romaine en 25. D’abord tétrarque des Trocmes, il bénéficia du soutien d’Antoine et devint roi de Galatie en 37, avant de devenir l’allié d’Octave juste avant la bataille d’Actium154, ce qui lui permit d’obtenir la Lycaonie et la Cilicie Trachée. Il fut tué en 25, alors qu’il tentait de pacifier la Lycaonie, encore en proie à des troubles, provoqués par des tribus insoumises : sa disparition scella le sort de la Galatie, qui fut transformée en province romaine par Auguste. Pour ce qui est d’Amyntas fils du roi Brigatos, il était le père d’un certain Castor, et est cité parmi la liste des grands-prêtres du culte impérial trouvée à Ancyre : on ne sait pas de quel territoire il fut le souverain, mais selon St. Mitchell, il pourrait avoir gouverné Amaseia avant 3 av. J.-C.155.
62Enfin, C. Iulius Severus est un descendant d’un Attale, roi d’Asie : il est difficile d’établir de quel Attale il s’agit, mais L.M. White, St. Mitchell et D. French ont proposé l’hypothèse selon laquelle il s’agirait plutôt d’Attale II156. En effet, d’après Plutarque157, l’une des épouses de Deiotaros IerPhiloromaios, Stratonikè, était la fille d’Attale II et de Stratonikè IV, reine de Cappadoce. L’ascendance pergaménienne de C. Iulius Severus ne s’arrête pas là, puisqu’il fut aussi apparenté à C. Iulius Quadratus Bassus, consul suffectus en 105 et fameux général de Trajan : on voit donc qu’il existait de nombreux liens de confiance entre la famille pergaméno-galate et l’empereur. Il fut également lié, par ses origines familiales, à bien d’autres consulaires : C. Iulius Alexander (consul suffect vers 103)158, Tib. Iulius Aquila Polemaeanus (consul suffect en 110)159 et C. Claudius Severus (consul suffect en 112)160. Les sénateurs issus d’Asie Mineure étaient, pour une part d’entre eux, des descendants plus ou moins proches des rois hellénistiques, et le prestige de leurs ancêtres a joué un rôle fondamental dans leur intégration aux plus hautes sphères politiques romaines.
63C. Iulius Severus étant un descendant des Attalides et des tétrarques galates et un cousin (ou neveu) de Quadratus Bassus, cela prouve que, d’une manière ou d’une autre, les Quadrati de Pergame étaient d’extraction royale. L’inscription ne mentionnant aucun souverain galate avant Deiotaros, on peut considérer que les mariages entre Pergaméniens et Galates ont peut-être débuté au début du ier siècle avant J.-C., dans un contexte particulièrement difficile en Asie Mineure (action des publicains, début des guerres mithridatiques), dont témoigne, plus tard, la réaction brutale d’un autre roi, Pharnace II du Pont qui, après la reconquête du royaume de son père en 48-47, mit à mort ou mutila negotiatores et publicains, avant que n’intervienne César161. Ces mariages devaient permettre, à leurs yeux, de protéger leurs terres et de renforcer leur pouvoir politique alors considérablement menacé. Les descendants de ces illustres personnages ont continué de mentionner, avec une grande fierté, ces lignages exceptionnels au moins jusqu’au début du iie siècle qui leur donnaient une forte légitimité politique, même si de tels témoignages restent rares (l’inscription de C. Iulius Severus162, par la richesse de son contenu, constitue une exception).
Présence et influence de familles d’origine italienne
64La citoyenneté romaine s’est diffusée progressivement à Pergame au cours du Haut-Empire : sous le règne d’Auguste, seule une infime minorité de Pergaméniens jouit de ce privilège (le philosophe Cratippus, par exemple, promu par César), alors que sous Trajan il s’agit d’une majorité des notables et, sous Hadrien, de la totalité. Les neuf notables qui participent à l’ambassade de 46-44 auprès du proconsul au sujet de l’asylie de l’Asklépieion sont tous pérégrins, alors qu’ils sont les personnages les plus puissants de la cité ; sous Auguste, les cinq membres du collège des stratèges sont encore pérégrins : on distingue ensuite deux cives romani parmi eux sous Trajan, alors que tous le sont sous Hadrien163. La diffusion progressive de la citoyenneté romaine est donc nette, avec une accélération à partir de l’époque des Flaviens164.
65Les sources nous apportent, très ponctuellement, quelques indices sur la présence éventuelle de Romains dans la cité à l’époque républicaine. D’abord, certains fragments d’une longue liste qui présente les noms des nouveaux citoyens de l’année 133 av. J.-C. nous permettent, comme l’a souligné J. Hatzfeld165, de repérer sept Italiens à cette époque, ce qui montre qu’ils étaient certainement nombreux à s’être installés à Pergame. À ces documents s’ajoutent plusieurs listes éphébiques qui mentionnent des Romains, classés à part ou mêlés aux citoyens de la cité166. Plus tard, peu de temps après le vote des lois octroyant la citoyenneté romaine aux Italiens suite à la guerre sociale, Mithridate du Pont ordonna que les cités d’Asie massacrent elles-mêmes les Italiens et les Romains qu’elles abritaient ; certains, à Pergame, furent tués dans l’Asklépieion167. Ces populations, qui pratiquaient pour une bonne part le commerce, n’étaient pas uniquement présentes sur les côtes, mais aussi à l’intérieur des terres. Peu après 69, un décret en l’honneur de Diodôros Pasparos168 évoque à deux reprises la présence de Rômaioi dans la cité, qui bénéficièrent, comme les autres habitants de Pergame, de ses exceptionnelles largesses169. En 59, alors que Cicéron se trouvait à Rome pour participer au procès de Flaccus, il questionna le chevalier Decianus sur la raison pour laquelle il faisait du commerce dans la cité d’Apollonis plutôt qu’à Pergame, Smyrne ou Tralles, des cités abritant de nombreux cives romani170. Si ce passage invite à penser qu’une forte population de citoyens romains vivaient à Pergame, H. Halfmann a nuancé cette thèse171, en insistant sur le fait que le propos de Cicéron n’était pas de décrire avec précision une réalité démographique, mais d’évoquer rapidement les opportunités commerciales qui auraient pu se présenter à Decianus en Asie. Il n’en demeure pas moins que la remarque de Cicéron rendait certainement compte d’une réalité de l’époque, puisque les cités de la province exerçaient un important pouvoir d’attraction sur les hommes d’affaires romains172.
66Quoi qu’il en soit, la présence de Romains ou d’Italici dans la cité à l’époque tardo-républicaine ne peut être réellement évaluée, car on trouve bien peu de traces de ces personnages dans la documentation épigraphique. L’ambassade de 46-44, qui comportait neuf des plus éminents notables de la cité ayant reçu pour mission de défendre l’asylie de l’Asklépieion auprès du proconsul, avait été décidée suite aux agissements d’un certain Marcus Fannius fils de Nemerius, inscrit dans la tribu Teretina173. Ce Romain, inconnu par ailleurs (tout comme son père), est cité dans l’inscription sans aucun titre, ce qui indique qu’il n’était sans doute pas un magistrat mais plus probablement un negotiator, qui aurait bafoué certaines règles du sanctuaire à des fins mercantiles174. Les dernières lignes du texte étant manquantes, on ne peut préciser davantage son profil social et la nature de ses activités dans la cité.
67Sous le règne d’Auguste, une statue de l’empereur fut érigée dans le sanctuaire d’Athéna par le Peuple et les κατοικοῦντες Ῥωμαῖοι175, ce qui indique l’existence de populations romaines désireuses de soutenir le culte impérial dans la cité. Il s’agit d’un cas isolé dans les sources épigraphiques, et l’on constate que ce groupe social est mentionné dans un contexte romain, et non pas un ou plusieurs notables cités expressément pour leur investissement exemplaire dans la cité.
68Comme l’a expliqué H. Halfmann, la documentation épigraphique, qui contient un nombre infimes de textes gravés en latin, prouve de façon indubitable qu’il n’existait pas à Pergame, que ce soit sous la République ou sous l’Empire, de groupe social parlant le latin, qui aurait disposé d’un semblant de pouvoir politique dans la cité ; en tout cas, force est de constater que seule la plus haute élite autochtone est régulièrement honorée de décrets et de statues pour avoir fait preuve d’évergétisme. De tels personnages disposaient d’une réputation et d’une influence telles qu’ils ne laissèrent visiblement aucune opportunité de ce type à des étrangers venus d’Italie qui étaient, pourtant, certainement présents en nombre dans la cité. Ces personnages ne pouvaient rivaliser avec des descendants de grandes familles installées depuis des siècles à Pergame, dont la légitimité était totale.
69Les notables de Pergame ont une onomastique évidemment grecque, mais nombre d’entre eux possèdent la citoyenneté romaine, et disposent donc d’une onomastique romaine. À partir de là, il peut s’agir de notables locaux, qui ont obtenu la civitas des empereurs (et leurs descendants), de negotiatores venus d’Italie, ou bien de descendants d’affranchis. En ce qui concerne les gentilices impériaux, on trouve essentiellement des Iulii (69 cas), des Claudii (66) et des Flavii (36). Sous le règne d’Hadrien, presque toutes les grandes familles de Pergame disposent de la citoyenneté romaine, même si ce phénomène a démarré plus tardivement qu’à Éphèse176.
70L’étude des gentilices non impériaux peut refléter l’acquisition de la citoyenneté romaine par l’intermédiaire d’un magistrat romain (auquel on rend hommage par l’adoption de son nomen), ou bien une origine italienne177. Notre objectif n’est nullement, dans cette sous-partie, d’établir une étude exhaustive des gentilices non impériaux présents à Pergame, mais de se borner à présenter quelques cas qui paraissent instructifs. D’abord, l’exemple de M. Tullius Cratippus (n° 2) indique que certains membres des couches dirigeantes pergaméniennes avaient été en contact étroit avec des familles appartenant à l’aristocratie romaine : ce notable avait en effet hérité la civitas de son grand-père, le philosophe Cratippos, qui était un proche ami de Cicéron. Il fut, par ailleurs, le premier prêtre de Rome et d’Auguste dans la cité178.
71D’autre part, pour ce qui est des gentilices non impériaux, il est délicat d’affirmer que certaines familles ont une origine italienne et se sont, à un moment donné, installées puis intégrées à Pergame. Ainsi, la gens Silia, puissante au iie siècle grâce à des représentants comme Caius Silius Maximus (diataxarque au sein du culte de Dionysos Kathègémôn) ou Caius Silius Otacilianus (stratège), ne peut être définie comme étant d’origine italienne, puisqu’elle compte vraisemblablement parmi ses ancêtres la prytane Silia Ammion, fille d’Asklépiadès179. De même, on ne connaît pour les Otacilii, qu’on a parfois présentés comme des personnages d’origine italienne180, aucun ancêtre ayant vécu avant le règne d’Auguste (il s’agit de Cn. Otacilius Chrestus, qui porte donc un cognomen grec)181.
72Si des Italiens étaient présents en nombre à Pergame dès la fin du iie siècle avant J.-C., il convient donc de rester prudent. On constate en fait que lorsque des notables sont effectivement d’origine italienne (L. Culcius Opimus182, ou les membres de la gens Furia), ce ne sont que des petits notables, qui ne s’illustrent pas à travers des actes d’évergétisme de grande ampleur ou bien l’exercice de magistratures et/ou de liturgies183. Il est donc difficile, sur ce point, d’aller contre les thèses de H. Halfmann : la vie politique de Pergame était sans nul doute dominée par les membres des grandes et anciennes familles de la cité, qui avaient su conserver leur pouvoir sur plusieurs générations.
Conclusion. Des élites profondément influencées par l’héritage monarchique
73En définitive, en quoi les élites pergaméniennes possédaient-elles une spécificité, une identité qui leur était propre ? Bien sûr, leur richesse exceptionnelle constituait, de ce point de vue, un élément fondamental. Mais il semble que ce soit surtout leur relation à l’héritage attalide qui fonde bon nombre de leurs comportements sociaux et politiques sous la République et le Haut-Empire. Que ce soit au moment de la première guerre mithridatique, quand Mithridate du Pont fut soutenu par Pergame, ou en 29 av. J.-C., quand la cité sollicita Octavien afin de lui rendre expressément un culte dans le sillage de celui des rois, les citoyens les plus éminents de la cité prirent des décisions influencées par leur échelle de valeurs, héritées de l’époque monarchique.
74De même, la prêtrise de Dionysos Kathègémôn nous paraît être un révélateur essentiel de l’idéologie des élites pergaméniennes : son détenteur apparaissait dans la cité comme le dépositaire officiel des traditions attalides, dans le cadre d’un culte ancestral transmis de façon héréditaire, parmi les descendants des Attalides. Cela lui conférait une position à part aux yeux des siens, puisqu’il maintenait le rayonnement d’une institution étroitement liée à la domination politique attalide.
75Les sources épigraphiques nous permettent exclusivement de cerner la plus éminente élite de la cité, alors que les autres notables, d’un rang plus modeste, en sont quasiment absents (les affranchis, par exemple), ce qui montre qu’une frange particulièrement aisée et dominatrice s’était formée et monopolisait les principales magistratures tout comme les titres honorifiques les plus prestigieux. Il semble, en somme, que la vie publique pergaménienne était, plus que dans les autres cités grecques, « cadenassée » par une oligarchie extrêmement riche et influente, qui n’autorisait pas les notables plus modestes (qui étaient pourtant très nombreux) à agir en évergètes, ou à être honorés publiquement, à l’aide de statues par exemple.
76Enfin, une partie des élites de Pergame est née, au moins depuis le milieu du ier siècle avant J.-C., de la fusion entre celles de la cité et celles de Galatie. Des mariages se sont multipliés à cette époque (ou peut-être avant) afin de consolider une puissance qui était alors en voie d’amenuisement. Cette identité gréco-galate donne un profil très particulier aux élites pergaméniennes, qui sont le fruit d’alliances matrimoniales de haut niveau, mises en place entre descendants de rois, qu’ils soient attalides ou tétrarques. Dans ces familles, les valeurs royales, comme l’hérédité, étaient très fortement ancrées dans les mémoires : le profil d’un personnage comme Mithridatès est, sur ce point, très frappant : porteur du nom du roi du Pont, fils d’une princesse galate et d’un notable pergaménien descendant d’un prytane de l’époque royale, il devint, grâce à son soutien à César, non seulement celui qui rétablit une décision fondamentale contenue dans le testament d’Attale (le privilège fondamental, pour la cité, de rester libre), mais aussi celui qui devint en 47 roi du Bosphore et de Colchide : pour un tel personnage, la monarchie constituait un référent ultime. Ce « profil royal » était reconnu par César, mais aussi par ses concitoyens, puisqu’il fut comparé officiellement à Pergamos et à Philétairos, comme s’il était, dans la continuité de ce dernier, le fondateur d’une nouvelle ère de développement pour la cité, après des décennies de désastres.
Notes de bas de page
1 Lefebvre (dir.), 2013 (bilan historiographique sur les recherches récentes en introduction, p. 5-10).
2 Ibid., p. 5.
3 Le projet d’étude porte sur La coexistence des consciences. De la tolérance religieuse dans l’Empire romain (iie-Ve siècle après J.-C.), au sein de l’UMR 6298 ARTeHIs (université de Bourgogne).
4 Cf. Belayche et Mimouni (éd.), 2009.
5 Pittia, 2010.
6 Chankowski, 2010, en particulier p. 273-276.
7 Radt, 1999, p. 130-131.
8 Chankowski, 2010, p. 271.
9 Gauthier et Hatzopoulos, 1993, p. 97-109.
10 Voir les remarques et hypothèses de Chankowski (ibid., p. 275).
11 Habicht, 1969, p. 163-164.
12 Habicht a comparé deux textes épigraphiques sur l’association des boukoloi : au début de l’empire, on y compte 19 pérégrins pour seulement 5 citoyens romains (AvP VIII 2, n° 485), soit environ 26 % de citoyens romains ; sous Trajan on a 10 citoyens romains pour 7 pérégrins soit environ 58 % de détenteurs de la civitas romaine (AM 24, 1899, p. 179, n° 31). Lors des dernières années du règne d’Hadrien, les inscriptions sur les hymnodes font apparaître que la citoyenneté romaine est octroyée à presque tous les membres des grandes familles : sur les 38 hymnodes d’Auguste et de la déesse Rome, on compte 34 noms romains (Robert, REA 62, 1960, p. 342).
13 Se reporter notamment à : Pavis d’Escurac, 1981, p. 181-192 ; Eck (éd.), 1993 ; Thomas, 1996, p. 96-97 ; Rizakis (éd.), 1996 ; Fernoux, 2004, p. 187-233.
14 AvP VIII 2, n° 591.
15 AvP VIII 2, n° 598.
16 AvP VIII 2, n° 466.
17 Fernoux, 2004, p. 215.
18 AvP VIII 3, n° 22, 135.
19 Fernoux, 2004, p. 216. Sur ce point, se référer à : Corsten, 2010, p. 456-463.
20 Apparemment, moins de dix notables nommés dans la documentation épigraphique de Pergame disposaient d’une telle onomastique : hormis Quadratus, on ne trouve que des sénateurs, consuls ou proconsuls (Aulus Aelius Apollonius Glykôn Iulianus, Lucius Hedius Rufus Lollianus Avitus, Quintus Caecilius Metellus Pius Scipion, Quintus Hedius Rufus Lolianus Gentianus par exemple).
21 AvP VIII 3, n° 148.
22 Habicht, 1969, p. 146.
23 AvP VIII 3, n° 151.
24 Le culte d’Asklépios aurait été introduit par Archias, selon Pausanias (II, 26. 8). Le Peuple a confié, au iie siècle avant J.-C. la prêtrise d’Asklépios Sôter à ses fils et à ses descendants (AvP VIII 2, n° 251 = Sokolowski, LSAM, n° 13). Dans le recueil des inscriptions de l’Asklépieion édité par Habicht (ibid.), les textes n° 46 et 47 sont particulièrement instructifs à ce sujet. L’inscription n° 46 prouve que la prêtrise d’Asklépios Sôter est détenue par des membres de la famille d’Archias, puisqu’un certain (Flavius ?) Archias détient ce sacerdoce de façon héréditaire. L’inscription n° 47, quant à elle, montre qu’à l’époque impériale cette prêtrise est toujours héréditaire : un certain T. Flavius Asklèpiadès est prêtre d’Asklépios Sôter, grâce à ses origines familiales. On observe, d’ailleurs, que le cognomen de ce personnage a pour racine le nom du dieu dont il gère le culte (« Asklèpiadès »).
25 En effet, un édit de Vespasien (Oliver, 1989, n° 38), datant de 74 après J.-C. a accordé des privilèges aux médecins. Ce texte revêt deux intérêts pour notre raisonnement : il montre que les médecins appartenaient à une catégorie sociale élevée, à qui on octroyait des privilèges (dispense de réquisitions, exemption de contributions, droit de créer des associations à l’intérieur des enclos sacrés, les sanctuaires et les temples, droit d’asile), mais qu’ils sont d’un rang inférieur à celui des prêtres d’Asklépios, car l’édit de Vespasien établit une distinction entre ces deux groupes : contrairement aux médecins, les prêtres d’Asklépios sont nommés « sacrés et égaux aux dieux » (ἱεροὺς καὶ ἰσοθέους) et peuvent, de ce fait, s’occuper du soin du corps des patients, et eux seuls. Comme l’a montré E. Samama (2003, p. 58), les médecins ont régulièrement reçu des privilèges à l’époque hellénistique comme la proédrie ou la promantie, qui étaient également étendus à leurs fils et à leurs descendants. L’obtention de ces privilèges est devenue plus rare à l’époque impériale.
26 AM 33 (1908), p. 404, n° 33.
27 Guerber, 2009, p. 33.
28 Habicht, 1969, p. 147.
29 Habicht, ibid., p. 147 : « Dann wären die genannten Immunitäten spezifische mit der Civitas zusammen verliehene. »
30 Fernoux, 2004, p. 226-233 ainsi que 2012, p. 267-284. Dans cette dernière contribution, l’auteur insiste notamment sur la spécificité bithynienne, où la double citoyenneté fut plus répandue qu’ailleurs, peut-être à cause de l’espace géographique, assez étriqué, et des rivalités particulièrement intenses qui s’y développèrent entre les cités.
31 H.-L. Fernoux cite notamment Dion de Pruse, qui fut parfois attaqué, critiqué pour cette raison, malgré sa volonté de prouver qu’il était capable d’être investi de la même façon dans chaque cité dont il était devenu citoyen (Discours, XLI, 3 et 8 ; XL, 16 ; XXXVIII, 4).
32 A. Claudius Pereniannus est citoyen de Mytilène, dont le Conseil et le Peuple affirment clairement qu’elle est une cité parente de Pergame (IG, XII, 2, 251).
33 L’empereur Hadrien fut patronomos de Sparte, tout comme l’Athénien Atticus (Sartre, 1991, p. 142) : il s’agissait de la magistrature éponyme de la cité. Le fait d’être citoyen de cités de Grèce continentale était une habitude ancienne de certains grands notables pergaméniens : ainsi, l’un des proches d’Attale II, Apollônidès, fut citoyen athénien (I. Délos, 1554). Sur ce notable et sa famille : Habicht, 1990, p. 565-567 et 2006, p. 278.
34 Savalli-Lestrade, 2012, p. 39-59.
35 MAMA, IX, 18-21 ; RPC, 3184.
36 IGR, III, 173.
37 Puech, 2002, p. 374-375.
38 Pardalas envoya, par exemple, une longue lettre de soutien d’Arisitide à Severus, sur la qualité de ses discours (Discours sacré IV, 87), afin qu’il pût bénéficier d’une immunité fiscale.
39 Heller, 2012, p. 133-135.
40 Voir l’inscription SEG, XVIII, 557 : ce décret honorifique de Patras atteste le passage d’un sénateur de Pergame à Sparte.
41 Il est possible qu’il ait aussi cherché à montrer son admiration pour le système d’éducation spartiate (Lafond, 2006, p. 115).
42 Kirbihler, 2003, p. 538-584 (pour les sénateurs), 585-608 (pour les chevaliers). Concernant Aphrodisias, Halfmann a recensé 14 sénateurs et clarissimes (1979, p. 705-707). Bilan prosopographique sur Pergame, voir infra, Annexe 3.
43 Halfmann, 2004, p. 112.
44 Ibid., p. 115.
45 Hoffmann, 1993.
46 Strabon, XIII, 1, 67.
47 Halfmann, 2004, p. 75 ; Agelidis, 2012, p. 182.
48 Cf. notamment Ohlemutz, 1940, p. 273-274 ; Salditt-Trappmann, 1970 ; Vidman, 1970 ; Deubner, 1984, tout particulièrement p. 352-354 ; Koester, 1995 et 1998, p. 77-110 et 111-135 ; Radt, 1999, p. 200-209 ; Hoffmann (éd.) 2005. L’historien R. A. Wild (1984) a exprimé, lui, quelques réticences sur le culte de divinités égyptiennes dans ce complexe, mais sa position reste très isolée. La Cour rouge a d’abord été interprétée, au début du xxe siècle, comme un édifice thermal (Conze et alii, 1913).
49 Pausanias, II, 26, 8-9.
50 AvP VIII 3, n° 45-51.
51 Cf. Habicht, 1969, p. 1.
52 Les archéologues pensent aujourd’hui que, bien avant l’introduction du culte d’Asklépios, le site de l’Asklépieion était déjà un lieu de culte, lié peut-être à la présence d’une source abondante. Quelques céramiques retrouvées sur place révèlent qu’une première installation s’est effectuée à l’époque du Bronze.
53 Habicht, 1969, p. 1-4 : à la fin de l’époque royale, parmi les treize familles que nous connaissons, six portaient le nom de héros, deux des noms géographiques, quatre des noms issus de la maison royale (Philétairis, Eumèneia, Attalis, Apollonias) et une s’appelait « Asklépias » : cela témoigne de l’importance qu’a pris ce culte à ce moment, et on peut penser, à l’instar de C. Habicht, que le premier agonothète des Sôteria fut peut-être un membre de cette éminente famille (le second fut Athènaios, frère d’Eumène II : AvP VIII 3, n° 3).
54 Appien, Mithr., XXIII.
55 AM 33 (1908), p. 406, n° 35.
56 Müller, 1987, p. 199 : certaines expressions utilisées par Aelius Aristide pour désigner Asklépios témoignent de cette position, comme celle de φύλαξ τῶν ἀνθρώπων, c’est-à-dire « défenseur, protecteur des hommes » (éd. Keil : 42,4).
57 Weisser, 1995, 1124, avec une courte analyse p. 102-103.
58 Strocka, 2012, p. 246-259, 271.
59 Halfmann, 2004, p. 78. Prêtrise attestée dans AvP VIII 2, n° 434.
60 AM 27, 1902, p. 101, n° 102.
61 Le rhéteur mais aussi Galien citent ce personnage en tant que donateur de l’édifice : le premier dans les Hiéroi Logoi (IV, 28), le second dans le De Anatomicis Administrationibus (I, 2).
62 Voir Busine, 2005, p. 83-84 : l’ensemble du complexe de Rufinus (c’est-à-dire le temple circulaire et ses abords immédiats) est appelé « sanctuaire rufinien » ou « bois sacré de Rufinus » ; il est cité dans les listes des merveilles du monde (aux côtés, notamment, des Pyramides, du Colosse de Rhodes, du Phare d’Alexandrie et du Capitole de Rome) et évoqué dans une épigramme de l’Anthologie Palatine à la gloire de la Chalcè, postérieure à la défaite des Isauriens en 498 : κρύψον αμέτρητων μεγάρων στεινούμενον αύλαϊς, Πέργαμε, φαϊδρον αγαλμα τέον, ‘Ρουφίνιον άλσος (« Dissimule, Pergame, ton brillant ornement, le sanctuaire Rufinien, que rendent plus petit les cours des immenses palais » : IX, 656, v. 13-14). Le terme άλσος peut désigner un sanctuaire, un bois, ou un sanctuaire boisé : il est donc difficile de trancher sur le sens précis de cette expression, mais on peut penser que l’édifice grandiose offert par Rufinus devait être boisé, en plus des exceptionnelles décorations dont il était doté. Voir, sur ce thème, Hepding, 1933 ; Habicht, 1969, p. 10-11 et 23-26 ; Feissel, 1999.
63 Petsalis-Diomidis, 2010, p. 196.
64 Veyne, 2005, p. 235.
65 AvP VIII 2, n° 365.
66 Discours Sacré IV, 14-15.
67 Cf. Petsalis-Diomidis, 2010, tout particulièrement p. 122-132.
68 AvP VIII 3, n° 63.
69 Habicht, 1969, p. 13-14.
70 Ces personnages sont nommés dans seulement sept inscriptions de Pergame : AvP VIII 3, n° 28, 47, 71, 79, 122, 152 et 161 ; une inscription du volume édité par Fränkel (AvP VIII 2, n° 338) mentionne peut-être, par ailleurs, des thérapeutai de Sarapis (si la restitution de l’auteur est bonne, ce qui n’est pas certain étant donné l’état de la pierre). Ces occurrences sont datées du iie siècle et du début du iiie siècle.
71 Pont, 2013, p. 141.
72 Ce personnage est clairement présenté par Aristide comme un dévot d’Asklépios (Discours Sacrés II, 48 ; IV, 15, 43). Il s’agit d’un proche du rhéteur mais aussi de Rufinus.
73 AvP VIII 3, n° 79 : ce personnage fut par ailleurs périthutès : il s’agissait peut-être d’un prêtre chargé spécifiquement des sacrifices dédiés à Asklépios, mais rien n’est certain (autres occurrences de ce terme : AvP VIII 3, n° 140 et 152).
74 Aelius Aristide, Discours Sacré IV, 19, 21.
75 AvP VIII 3, n° 28.
76 Le Mouseion de Pergame est attesté par l’inscription AvP VIII 3, n° 152 ; voir les remarques de Habicht (1969, p. 150-151).
77 Sur la question des thérapeutai d’Asklépios à Pergame, se reporter à : Ohlemutz, 1940, p. 169-171 ; Nicosia, 1980, p. 1623-1633 ; Pearcy, 1988, p. 377 ; Herrmann, 1996, p. 322 ; Remus, 1996, p. 152 ; Brabant, 2006.
78 Brabant, ibid., p. 75.
79 AvP VIII 3, n° 161. Sur ce texte, voir Sokolowski, 1973.
80 Mathys, 2009, p. 232-234 et 2012, p. 265 ; Von den Hoff, 2004 (références des inscriptions honorifiques dédiées à des prêtresses d’Athéna aux iie et ier siècle avant J.-C. : p. 233, n. 37).
81 Wörrle, 2007.
82 Mathys, 2009, p. 236-238.
83 AvP VIII 2, n° 255. Cf. Ohlemutz, 1940, p. 52-54 ; Kohl, 2002 ; Deshours, 2011, p. 233-240.
84 Kohl, ibid., p. 234.
85 Cf. Sokolowski, LSAM, n° 12, p. 36-39.
86 AvP VIII 1, n° 223. Sur les représentations de prêtresses d’Athéna à Pergame, voir le catalogue réalisé par J. C. Eule (2001, p. 204-207, n° 41-65 ; notice sur la prêtresse Bitô : p. 205, n° 45).
87 AvP VIII 1, n° 248 (= OGIS 331 ; Welles, RC, n° 65-67) : la première est une lettre d’Attale II à Athènaios (25 décembre 142) dans laquelle il informe son cousin que suite au décès de son père Sôsandros, il serait désormais prêtre de Dionysos Kathègémôn ; la seconde est une lettre d’Attale III adressée au Conseil et au Peuple de Cyzique (datant du 8 octobre 135) à travers laquelle il prévient les habitants de la cité de ce changement. Enfin, la troisième lettre est émise par Attale III (le 5 octobre 135) en direction du Conseil et du Peuple de Pergame : le roi informe ses concitoyens que le culte de Zeus Sabazios, étant donné son prestige (il fut introduit à Pergame par la reine Stratonikè de Cappadoce, car le dieu était le principal dieu de sa famille, très probablement son archégète), serait désormais pratiqué dans le temple d’Athèna, le Nikèphorion (en tant que σύνναος θεός), et qu’Athènaios avait été nommé pour en être le prêtre héréditaire.
88 AvP VIII 1, n° 248a, l. 21-22.
89 AvP VIII 1, n° 248b, l. 35-39.
90 Halfmann, 2004, p. 30. Voir aussi : Tondriau, 1953 ; Allen, 1983, p. 148-149.
91 L. 7-9.
92 L. 11-12.
93 Pausanias X, 15, 3.
94 Jaccottet, 2003, p. 102. Le thème d’un Dionysos qui apparaît sous l’apparence d’un taureau est notamment très présent dans les Bacchantes d’Euripide.
95 Ces inscriptions ont été traduites et commentées par Jaccottet, 2003, n° 91 à 102, p. 171-192 : nous ne les présenterons donc pas dans le détail. Concernant l’époque hellénistique, voir Le Guen, 2001. Se reporter également à : Musti, 1986 et Aneziri, 2003.
96 Van Nijf, 2011. Le lien entre les bouviers et le culte dionysiaque est très ancien : il date vraisemblablement de l’époque classique, même s’il existe un débat sur cette question, car il n’est pas certain qu’à cette époque le terme de boukolos renvoie à un grade liturgique spécifique (Jaccottet, 2003, p. 182-185).
97 Jaccottet, ibid., p. 99.
98 Jaccottet, ibid., n° 92-93, p. 172-175.
99 Radt, 1999, p. 204-205.
100 Jaccottet, 2003, p. 108.
101 Le Guen, 2001, n° 45, 48 et 53.
102 Le Guen, 1997.
103 Le Guen, 2001, n° 54, p. 270-284 (= Sokolowski, LSAM, 15).
104 Ibid., n° 33, p. 185-187.
105 Ibid., n° 33, l. 1-2.
106 Sur Kratôn fils de Zôtichos : voir les inscriptions n° 33, 45, 48, 49, 50, 52 (Le Guen, 2001).
107 L’emplacement de ce bâtiment ainsi que sa fonction suscitent de nombreux débats : voir Le Guen, ibid., p. 263-264 : il pourrait être situé à Téos (où les Attalides possédaient sûrement une résidence) ou à Pergame, ce qui semble plus probable. En particulier, il pourrait s’agir du bâtiment orné de niches situé sur la pente sud du théâtre, qui disposait d’une large pièce. Il est possible qu’il fût un lieu de réunion des Attalistes, mais l’Attaleion pourrait aussi être un temple consacré à la famille royale. Cependant, il est curieux que Kratôn ait pu léguer aux Attalistes un temple qui aurait été un lieu central du culte attalide. L’inscription mentionnant également des objets cultuels, il semble plus convaincant de penser à un sanctuaire privé des Attalistes.
108 Le Guen, 2001, n° 33.
109 Sur les Attalistes, voir Le Guen, ibid., p. 31-32 et les inscriptions n° 49, 50 et 52.
110 Dion de Pruse, Discours, I-IV.
111 Le thème des valeurs ou de l’exemplarité des élites des cités grecques a été beaucoup renouvelé ces dernières années. En dehors de l’ouvrage fondamental de Quass (1993, principalement p. 19-79), il faut d’abord rappeler l’ouvrage de Lafond sur le Péloponnèse (2006) ainsi que celui qui fut dirigé par Fernoux et Stein et qui ne se limitait pas à une seule région (2007). Dans ce livre, Fernoux a consacré un article au modèle social que cherchaient à incarner les notables (p. 175-200). On peut aussi se reporter notamment à Lafond, 2010, p. 103-117 (avec une courte bibliographie p. 116-117).
112 Queyrel, 2003, p. 16-18.
113 Cf. Annexe 1, texte n° 4.
114 A.-V. Pont (2010, p. 312-316) a établi quant à elle un tableau des titres décernés aux évergètes bâtisseurs dans l’ensemble des cités d’Asie au Haut-Empire.
115 La plupart des attestations de ce titre en Asie proviennent d’Éphèse, capitale de la province.
116 Pont, 2010, p. 311-325. Voir aussi Robert, 1948, p. 116.
117 Le titre de fondateur (d’un monument public) correspond cependant, selon A.-V. Pont (ibid., p. 318), à un habitus épigraphique spécifique de Pergame : dans les autres cités, cette expression n’apparaît que plus tardivement, et de façon ponctuelle, alors qu’on la repère dans les inscriptions pergaméniennes relativement tôt, dès le règne de Trajan. C’est une époque pendant laquelle la ville prend un essor nouveau et voit son image, sa réputation modifiées, principalement du fait de la transformation du paysage de la ville (l’acropole, en premier lieu, avec le Trajaneum).
118 AM 32 (1907), p. 328, n° 58b, l. 5-7.
119 AM 32 (1907), p. 329-330, n° 61.
120 Pont, 2010, p. 319.
121 Aelius Aristide, Discours, XXX, 9.
122 Memnon d’Héraclée dans Jacoby, FGrHist, n° 434, F 11.
123 Sartre, 1995, p. 39-40.
124 Sur le territoire des Galates, voir Strobel, 1994. Sur leur installation en Asie Mineure et leur histoire : Moraux, 1957 ; Mitchell, 1993 ; Rankin, 1996 ; Ellis, 1997 ; Collis, 2003 ; Cunliffe, 2003. Bibliographie détaillée dans Will, 1967, p. 106, 143-144. Les inscriptions d’Ancyre ont été publiées il y a peu, pour l’époque impériale dans Mitchell et French (éd.), 2012.
125 Will, ibid., p. 151.
126 Will, 1967, p. 291.
127 Appien, Mithr., XLVI.
128 Mitchell, 1993, p. 29.
129 Ibid., p. 33.
130 Queyrel, 2005, p. 130.
131 Mitchell, 1993, p. 28-29.
132 Allen, 1983, p. 142-143.
133 Welles, RC, 55-61.
134 Strabon, XIII, 4, 3.
135 Ellis, 1997, p. 204.
136 Halfmann, 2004, p. 26.
137 AvP VIII 1, n° 247, l. 12. Sur la famille de Mithridatès, voir Hepding, 1909, p. 332-333, et Mitchell, 1993, p. 28-29 (avec stemma p. 28).
138 Sur le débat de la date du conflit, voir Sherk, RDGE, p. 71-72 ; Halfmann, 2004, p. 25.
139 Sherk, ibid., n° 12 (Senatus consultum de Agro Pergameno).
140 Voir, par exemple, le célèbre discours d’Antoine aux Grecs d’Asie (Appien, Guerres Civiles, V, 4).
141 Sartre, 1995, p. 117-118.
142 Cela permet de garantir une « légitimité et une continuité quasi-dynastique » dans la région : cf. Halfmann, ibid., p. 31 et Heinen, 1994.
143 Cf. Mitchell, 1993, p. 156-157.
144 Mitchell et French (éd.), 2012, n° 72, p. 227-230 (= IGR, III, 173 ; OGIS, 544).
145 PIR2, I, 573.
146 Mitchell et French (éd.), 2012, p. 229.
147 PIR2, C, 1072. Claudia Aquillia est connue par deux autres inscriptions honorifiques d’Ancyre (n° 78-79, p. 237-240) : elle y apparaît en tant que grande évergète, grande-prêtresse qui descendait des rois, « fille de la métropole » et clairement « épouse de Iulius Severus, premier des Hellènes ».
148 Cf. Frija, 2012, p. 82-88. Les grandes-prêtrises féminines sont apparues dans la seconde moitié du ier siècle, et elles deviennent fréquentes aux iie et iiie siècles, dans des cités de taille et de statuts très différents (Éphèse, Kéramos, Parion, Thyatire, Aphrodisias notamment). Dans la plupart des cas, la grande-prêtresse est l’épouse du grand-prêtre, comme dans le cas de C. Iulius Severus, mais il s’agit parfois d’une autre femme de la famille (fille, sœur de l’archiéreus). À Pergame, seulement deux grandes-prêtresses sont connues : il s’agit de Stratonikè (AM 24, 1899, p. 217, n° 45) et Aelia Antipatra (AvP VIII 2, n° 524 ; AvP VIII 3, n° 34). Il semble que les grandes-prêtresses ne jouissaient pas d’une réelle indépendance dans leur fonction : on ne dispose en effet d’aucun document dans lesquels elles jouent un rôle de premier ordre sans être directement associées au grand-prêtre. Les grands-prêtres ont donc vraisemblablement géré les fonctions les plus politiques, qui n’étaient pas accessibles aux grandes-prêtresses. Comme l’a remarqué G. Frija (ibid., p. 88), la seule femme ayant organisé des spectacles en tant que prêtresse du culte impérial (prêtresse de Faustine) est Claudia Phèmia, citoyenne de Pergame (AvP VIII 2, n° 523), mais elle n’était pas archiéreia.
149 La famille accéda au Sénat à partir d’Hadrien : le premier sénateur fut le père de C. Iulius Severus, qui portait le même nom et fut un frère arvale (il fut adlectus inter tribunicios : cf. Rémy, 1989, n° 34, p. 50-52) et qui était le fils d’un certain Iulius Quadratus qu’on ne peut identifier clairement (AE, 1923, n° 4 : inscription de Corinthe).
150 Remy, 1989, n° 174, p. 224-226.
151 Sur la généalogie de la famille de Severus, voir Groag, RE, X, col. 811-821, en particulier col. 813-814.
152 Kruta, 2000, p. 571.
153 Mitchell et French (éd.), 2012, p. 229. Sur ces personnages, voir Strabon, XII, 6.1.
154 Plutarque, Vie de Marc Antoine, 63.
155 Mitchell, 1993, p. 39 ; Mitchell et French (éd.), 2012, p. 229.
156 White, 1998, p. 370 ; Mitchell et French (éd.), ibid., p. 229.
157 Plutarque, De mul. virt., 258c.
158 PIR2, I, 136 ; Halfmann, 1979, n° 25, p. 119 et 121 (stemma de la famille) : roi de Cilicie à l’époque de Vespasien, il était le fils de Tigrane V, roi d’Arménie entre 60 et 62.
159 PIR2, I, 168 ; Halfmann, ibid., n° 37, p. 133 : originaire de Sardes, il était le fils de Tib. Claudius Celsus Polemaeanus, proconsul d’Asie en 105-106 et célèbre donateur de la bibliothèque d’Éphèse.
160 PIR2, C, 1023 ; Halfmann, ibid., n° 39, p. 135-136 : citoyen de Pompeiopolis, ce sénateur était le père de Cn. Claudius Severus Arabianus, consul ordinaire en 146.
161 Sartre, 1995, p. 149.
162 D’autres inscriptions d’Ancyre mentionnent ce personnage : cf. Mitchell et French (éd.), 2012, n° 73-77, p. 237.
163 Habicht, 1969, p. 163-164.
164 Sur la présence d’Italiens à Éphèse, et sur la méthodologie récemment employée par les chercheurs pour cerner les étapes de leur établissement et leur origine géographique, voir Kirbihler, 2016.
165 Hatzfeld, 1919, p. 48 et n. 2. Cf. AM 27, 1902, p. 116, n° 116, L. 1 ; p. 117, n° 119, L. 5 ; p. 118, n° 121, L. 6 ; p. 119, n° 127, L. 3 ; p. 120, n° 131, L. 1-2 ; p. 122, n° 135, L. 8, col. B et C.
166 Chankowski, 2010, p. 273, 482.
167 Appien, Mithr., XXII.
168 AM 29 (1904), n° 1, p. 154, l. 11 et 19.
169 Hatzfeld, 1919, p. 48 et n. 3.
170 Cicéron, Pro Flacco, XXIX, 71.
171 Halfmann, 2004, p. 131.
172 Ferrary, 2002, p. 142.
173 AvP VIII 3, n° 1, l. 17.
174 Présentation des débats historiographiques sur cette question dans Habicht, 1969, p. 21-23.
175 AvP VIII 2, n° 383 A, l. 4.
176 Habicht 1969, p. 163.
177 Frija 2012, p. 181.
178 Ibid., p. 183.
179 AM 35 (1910), n° 31, p. 450-451.
180 Cette hypothèse est probable, selon G. Frija (2012, p. 183-184).
181 Halfmann 2004, p. 132.
182 AM 33 (1908), n° 54, p. 414-415.
183 Ainsi, Furia Balbilla (AvP VIII 3, n° 117) offre une modeste tabula ansata de bronze à Artémis dans l’Asklépieion.
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