Chapitre II. Jugements, appels, accommodement : les évêques de France entre Paris et Rome
p. 59-95
Texte intégral
1L’assemblée du clergé de France de 1713-1714 est une victoire à la Pyrrhus pour Louis XIV. Le chancelier Voysin félicite rapidement Rohan de son habileté :
« Ce n’est pas un petit ouvrage, Monsieur, d’être parvenu à finir l’assemblée avec une espèce de tranquilité apparente. La séparation des neufs, dont M. le cardinal de Noailles a voulu qu’il fût fait mention, contre toute règle, n’empêchera pas l’expédition des lettres patentes sur la constitution1. »
2La plupart des évêques du royaume a accepté la Constitution de Clément XI, mais un petit groupe de prélats continue de résister à la volonté du roi, au nom même de la défense des intérêts royaux. Le gallicanisme est au fondement de toute la querelle qui sourd de la réunion épiscopale : accepter parce que le souverain le veut, refuser pour protéger ses droits attaqués par la curie romaine.
3Le cardinal de Noailles, suivi par huit de ses collègues, est persuadé que la seule façon de lever les ambiguïtés de la Bulle et de préserver les libertés du clergé de France est d’obliger le pape à commenter la constitution Unigenitus2.
4Avoir recours au pontife pour préserver les libertés de l’Église gallicane et sauver la paix de l’Église semble a priori assez paradoxal. Obliger Rome à donner des explications sur la Bulle, c’est un moyen subtil de montrer que les évêques sont juges de la foi au même titre que le pape. Louis XIV, outré de la rébellion de son clergé, fait tomber rapidement la sanction. L’archevêque de Paris et ses huit confrères qui se sont démarqués de l’assemblée sont exilés dans leur diocèse, avec interdiction d’en sortir jusqu’à nouvel ordre ; et on leur refuse surtout la possibilité d’écrire à Clément XI pour demander les clarifications réclamées3.
5Cette assemblée a montré les ambiguïtés du gallicanisme, à la fois conception ecclésiale provenant des traditions conciliaristes héritées du Grand Schisme et politique de soumission à la volonté royale. La question janséniste, si elle n’a pas totalement disparu, passe au second plan ; l’ecclésiologie devient primordiale et c’est elle qui cause les troubles dans le royaume. Le pouvoir doit réduire cette fracture pour rassembler l’épiscopat autour de son souverain. Louis XIV est vieillissant et ses opposants ne semblent pas vouloir entendre la raison d’État. Ils tentent toujours de présenter au roi et au pape des remontrances sur la Bulle. Du fond de leurs diocèses, les prélats écrivent, s’organisent et luttent contre un destin qu’ils refusent de considérer comme inéluctable.
6De 1714 à 1720, la question religieuse est au cœur de la politique. Louis XIV puis le Régent, sous des formes variées, cherchent à reconstituer l’unité de l’Église gallicane, l’un en se séparant des membres contestataires, l’autre en cherchant un accommodement pacifique entre les différentes tendances du clergé. Le gallicanisme, Noailles et la bulle Unigenitus sont au centre des débats, tant sur l’unité religieuse du royaume que sur l’organisation de l’Église universelle. L’archevêque de Paris est un acteur majeur qui cristallise toutes les prises de position de ses collègues. Il est au cœur des lignes qui vont suivre tant sa personnalité complexe, hésitante et profondément pacifique suscite de réactions et parfois d’invectives4.
Condamner les rebelles, juger les chefs de la sédition
Juger un cardinal de la sainte Église
Les mandements de la division
7Les événements des mois de février et mars 1714 ont révélé la division de l’Église de France. Une petite partie de l’épiscopat menée par Noailles est hostile aux volontés de Rome et de la cour. Il faut cependant essayer de retrouver l’unité du clergé. Pour les autorités, seule une condamnation du cardinal et de ses séides pourrait montrer que l’intérêt de l’Église se situe dans la soumission au roi et au pape. Noailles et d’Hervault publient des mandements expliquant leur position5. Ils sont rapidement imités par leurs confrères qui les ont rejoints dans le combat contre l’acceptation. Ces textes ont un point commun. Ils soulignent le respect que leurs auteurs vouent au Saint-Père et condamnent les Réflexions morales de Quesnel. C’est la bulle Unigenitus seule qui est en cause. Ils témoignent d’une nouveauté importante : si Quesnel est le représentant du jansénisme, il n’a plus de soutien ! En effet, tous les écrits publiés par les récalcitrants préfèrent défendre leur conception ecclésiologique qu’un auteur, aussi brillant et pieux soit-il. La Bulle fait bel et bien sortir la querelle du champ de la morale pour la placer durablement sur le plan politique.
8Dès le mois de septembre 1713, quelques jours avant que Clément XI ne fulmine la bulle Unigenitus, Noailles retire son approbation à Quesnel par un premier mandement6. La condamnation de l’ouvrage qui est l’objet de la Bulle est réglée pour le diocèse de Paris dès avant que le roi réunisse l’assemblée. Le cardinal donne toutes les preuves de soumission au roi en lui obéissant sur l’aspect politique, lequel est essentiel. Noailles pensait qu’ainsi il pourrait s’éviter beaucoup d’inconvénients7.
9Chez d’Hervault, la sanction de Quesnel n’intervient que le 15 février 1714, alors que la réunion touche à sa fin. Le fond du mandement est le même que celui de son confrère. Sa démonstration est pourtant plus rigoureuse8. Organisé en trois parties clairement distinctes et adressé aux diocésains de Touraine, le texte de d’Hervault rappelle la distinction entre les fidèles, qui doivent par nature obéir avec respect aux décisions du souverain pontife, et les évêques qui sont dans l’obligation de se prononcer sur la réception du décret romain. Il n’appartient pas au peuple de contester une bulle, seuls les prélats sont habilités à le faire. L’archevêque condamne ensuite, comme l’assemblée l’a fait, le livre de Quesnel, tout en rappelant qu’il a œuvré depuis quinze ans à la disparition de cet ouvrage. Le dernier point souligne que la question du jansénisme est bien prise en compte par l’archevêque, lequel entend préserver son troupeau de « l’hérésie du jansénisme qui trouble l’Église depuis si longtemps ». L’expression est forte et montre qu’il ne veut pas faire de polémique sur la question de fond théologique. Ce qui le pousse à refuser l’acceptation, c’est bel et bien le bouleversement ecclésiologique induit par la Bulle. Que le pape puisse censurer des phrases directement tirées de l’Écriture sans donner la moindre explication et obliger l’Église de France à se soumettre sans débat à sa volonté, voilà ce qui le choque.
10Dix jours après son collègue de Tours, Noailles publie une nouvelle lettre pastorale9. Si le mandement de d’Hervault est bref, direct et clair, le cardinal émaille son texte de références scripturaires, rendant ainsi ses paroles plus argumentées et plus dignes à l’égard de la Constitution et des motifs qui l’ont engagée10.
11La lettre pastorale se présente comme une justification et un éclaircissement des positions du cardinal par rapport aux débats lors l’assemblée du clergé. Se réfugiant derrière les paroles de l’Évangile (Jean, VII, 12) et de saint Paul (2 Corinthiens, VI, 8), Noailles tente de dresser un parallèle entre sa position et celle des premiers apôtres : tenus pour trompeurs et séducteurs, ceux-ci portent néanmoins une parole de vérité, tout comme lui que ses collègues considèrent comme un fauteur de discorde, alors qu’il ne fait qu’éclairer la vérité de la foi. Reprenant la prose figuriste si courante à l’époque11, le cardinal se place dans la filiation directe des premiers chrétiens et de l’Église primitive qui a constitué le dogme chrétien12.
12Pour Noailles, l’assemblée du clergé a fait voir des divisions qui heureusement ne touchent pas « la substance de la foi13 ». D’après lui, seul un recours à la parole pontificale est en mesure de faire taire les dissensions de l’Église gallicane. Ce recours n’est pas demandé au nom des libertés de l’Église de France car, en courtisan avisé, il sait qu’un refus net accueillera sa requête. Il place cette dernière dans le respect que tout fidèle doit avoir pour le pape qu’il qualifie de « vicaire de la charité et de l’humilité du Christ [et] de son autorité14 » :
« Que nous croyons que le parti le plus sage, le plus modéré, le plus respectueux pour le Saint-Siège, le plus sûr pour la vérité, le plus canonique, & le plus conforme à la pratique, soit des Évêques particuliers, soit des conciles, quand ils se sont trouvés en pareil cas, était de recourir au Pape, de lui proposer nos peines & nos difficultés, & de le supplier de nous donner les moyens de calmer sûrement les consciences alarmées, de soutenir la liberté des Écoles Catholiques, & de conserver la paix dans nos Églises15. »
13Le cardinal propose au pape de clarifier les propositions litigieuses au nom de sa primauté dogmatique de « père commun des fidèles16 » qui doit garder son troupeau, l’Église universelle, des erreurs qui peuvent la troubler. Comme d’Hervault, Noailles conclut son mandement en réaffirmant la condamnation de Quesnel, mais interdit à quiconque de recevoir la Bulle tant que le Saint-Siège n’aura pas consenti à s’expliquer.
14Le groupe des opposants à la réception pure et simple décidée par l’assemblée du clergé se structure autour de ce texte. Le frère du cardinal, Gaston de Noailles, évêque de Châlons-sur-Marne, informe ses diocésains de la situation complexe sur laquelle a débouché la réunion des prélats à Paris. Il reprend les grandes lignes du texte de son aîné dont il recommande d’ailleurs la lecture à ses fidèles17.
15Après s’être mis à couvert des critiques sur le lien familial unissant les deux prélats, l’ecclésiastique affirme que seul le devoir attaché à sa charge est la cause du soutien qu’il apporte à son frère le cardinal : « Un évêque serait donc indigne de son caractère, s’il n’avait autre chose en vue que la gloire de Dieu, & s’il se laissait conduire par un autre esprit, lorsqu’il s’agit de son service et du bien de l’Église18. » Cependant, la mission d’évêque de Châlons lui pose un réel problème. En effet, le livre de Quesnel a été approuvé par Vialart de Herse puis par son frère, en l’occurrence ses deux prédécesseurs, et il faut justifier ce retournement auprès des fidèles : pourquoi accepter en 1671 puis en 1694 les Réflexions morales, pour les condamner vingt ans plus tard ? C’est le changement de nature du combat contre l’hérésie qui nécessite ce revirement :
« L’Histoire de l’Église nous fournit plusieurs exemples de Livres qui ont été approuvés dans un siècle & rejetés dans un autre […]. Cette conduite différente avait le même motif & le même principe, & elle n’a servi qu’à nous conserver le dépôt de la Foi dans toute son intégrité. […] Ainsi nous espérons, Nos Très Chers Frères, que vous ne croirez pas que Nous nous écartions des sentiments de nos Prédécesseurs, lorsque Nous vous défendons un Ouvrage qu’ils ont approuvé, & que ce soit par légèreté, que nous le retirons aujourd’hui d’entre vos mains, après vous en avoir conseillé la lecture19. »
16Par ce raisonnement alambiqué, l’évêque de Châlons tente de se garder des accusations d’hérésie. Il considère que Quesnel est devenu un danger pour sa position au sein du clergé de France. En le condamnant, il se met à couvert et donne un signe de bonne volonté. Le fond de la querelle se déplace ainsi des Réflexions morales à un débat autrement plus politique et important : le pouvoir de l’évêque de Rome sur les Églises nationales. La doctrine n’est plus en cause, c’est cette fois la nature même de l’Église qu’il faut examiner.
17Comme son frère, l’évêque de Châlons espère que le pape apportera rapidement les éclaircissements nécessaires à une meilleure compréhension de la Bulle. Ce mandement est, avec ceux de Langle et de Dreuillet, le dernier qui ait une réelle ampleur théologique. Béthune et Desmarets, eux, se contentent de sanctionner les Réflexions morales et d’attendre les explications du pape, ils n’ont pas besoin de plus de quelques lignes pour annoncer l’espoir qu’ils mettent dans la parole pontificale. Chez Langle et Dreuillet, la rhétorique est identique à celle des Noailles. M. de Boulogne préfère insister sur le rôle doctrinal de l’évêque dans la théologie catholique :
« Que vous convient-il donc de faire de votre part dans une telle rencontre qui intéresse si fort tous les vrais Fidèles ? Rien d’autre chose, sinon de faire en sorte de posséder vos âmes dans la paix […]. C’est donc à Nous, à qui il appartient de discerner le bon grain d’avec la zizanie, la saine doctrine de la mauvaise, la vérité de l’erreur, & c’est à vous de nous en croire, & d’apprendre de Nous ce discernement. Dans ces dispositions, attendons, Vous et Nous, & sans nous troubler, que Notre Saint Père le Pape, à qui nous avons dû recourir & proposer nos difficultés, ait eu la bonté d’y répondre & de les résoudre20. »
18La soumission à l’autorité épiscopale, dans l’attente de la décision romaine, doit être la règle de conduite unique et essentielle pour les fidèles. La force du mandement de Langle contraste avec ceux de ses collègues : lui seul affirme avec vigueur le pouvoir de l’évêque, ainsi que sa position de successeur des apôtres et de source de la définition du dogme.
Ramener Noailles à la raison
19Clément XI, indigné, condamne ces pièces comme trompeuses, fausses et injurieuses21. Les prélats « refusants » sont vus à Rome comme des schismatiques en puissance et tout au moins comme des fauteurs de troubles, rebelles à l’autorité pontificale et royale. Dans les événements qui ont suivi l’envoi de la Bulle à Louis XIV, tout a déçu la Curie : la division des évêques de France, les lettres patentes et l’enregistrement au Parlement. Clément XI est particulièrement mécontent22 et sa colère ne fait que croître lorsqu’on lui apporte la nouvelle du mandement de Noailles. L’abbé Dorsanne, rapporteur fidèle quoique fort partial, signale que le cas du cardinal n’a pas été abordé en détail dans les premières réunions entre le roi et le nonce apostolique, Cornelio Bentivoglio23.
20Si la condamnation de Quesnel par Noailles pouvait apparaître comme un compromis, celui-ci a fait long feu. La lettre du pape et le témoignage de Dorsanne donnent le même sentiment : ce qui gêne à Rome, c’est la prétention des évêques de France de s’ériger en juges des décisions romaines et de refuser une soumission pure et simple à l’absolutisme pontifical. Le public est choqué par le bref. Selon Saint-Simon24, ici porte-parole de toute la tendance gallicane et janséniste de la cour et de la ville, le pape va contre la tradition de l’Église et cherche à s’imposer comme seul juge de la foi, réduisant le corps épiscopal à une soumission théologique complète à ses décisions. Des données factuelles sur la réception du bref du 17 mars 1714, le duc glisse à une critique profonde des prétentions romaines à l’infaillibilité personnelle du souverain pontife. Dans l’ecclésiologie tridentine, la tradition des Églises fait partie du dépôt de la foi. Il ne faut pas l’entamer au risque de tomber dans l’hérésie ou dans le schisme. Saint-Simon essaie de démontrer que le Saint-Siège est en train d’introduire une rupture dans l’enseignement catholique et qu’il en vient ainsi à contredire l’Évangile, source de toute légitimité. De la contradiction à l’hérésie, le pas peut être rapidement franchi. La colère du pape n’est qu’une manifestation peccamineuse supplémentaire dérivée de son orgueil infaillibiliste.
21Cependant, comme le fait remarquer Lafitau, auteur tout aussi peu impartial que Dorsanne d’une Histoire de la constitution Unigenitus, Clément XI ne souhaite pas en rester là, mais aller « à la source du mal25 », s’en prendre ouvertement à Noailles, considéré comme le chef des rebelles, et « réduire par la force les huit évêques opposants26 ».
22C’est en effet sur Noailles que se concentrent les attaques de la Curie car, même si d’Hervault est lui aussi très mal vu en cour de Rome27, les titres et prérogatives du cardinal le placent naturellement à la tête du clergé de France et en font sans conteste le prélat le plus écouté du royaume.
23La première demande de Bentivoglio est l’exil de l’archevêque, dont on connaît la faiblesse de caractère28 : privé de ses soutiens à l’archevêché, le cardinal serait plus facilement manipulable et l’on pourrait ainsi lui faire accepter la Bulle sans que le pape donne la moindre explication ; avec lui, les sept autres prélats « refusants » accepteraient l’Unigenitus. L’ambition est une dimension importante de la politique et chaque ecclésiastique désire avoir plus de pouvoir, de richesse et d’influence. Le confesseur du roi, le père Le Tellier, a bien compris qu’une nonciature est une étape dans une carrière. Comme Vienne ou Madrid, Paris est une nonciature prestigieuse qui permet à son titulaire de voir l’avenir en pourpre, de devenir presque automatiquement cardinal29. Mais une telle promotion ne peut se faire sans l’aval direct du souverain pontife et seuls les meilleurs serviteurs sont récompensés ; la carrière d’un ambassadeur est en effet tributaire des orientations politico-diplomatiques de la Curie. Le pontificat de Clément XI est marqué par une volonté claire et affichée de défendre un ultramontanisme intransigeant30. Un nonce trop tiède ne peut envisager de barrette cardinalice, alors qu’un ultramontain zélé et un défenseur acharné des droits du pape n’aurait guère de mal à intégrer le collège des cardinaux31.
24Pendant que les proches de Noailles s’emploient à lui faire entendre raison et à le pousser à la soumission32, les mesures d’enregistrement de la Bulle continuent. En Sorbonne33, au Parlement, les émissaires de la cour ne négligent aucun élément, elle doit s’imposer car le roi le veut.
25Le 26 mars, la Curie publie un décret condamnant les mandements de Noailles et d’Hervault, les qualifiant de captieux, injurieux, scandaleux et tendant au schisme. Arrivé à Paris au mois d’avril, il provoque l’incompréhension du Conseil du roi : le texte de Rome est jugé trop ultramontain et on le soupçonne de vouloir attenter aux libertés de l’Église gallicane. L’analyse que l’on fournit à Louis XIV tend à montrer que Clément XI veut réduire les évêques de France à une soumission pure et simple à l’Inquisition34. Afin d’éviter que l’affaire ne s’envenime davantage, Noailles accepte que ses confrères donnent leur avis sur ses projets de mandement. C’est encore le cardinal de Rohan, agissant ici comme une sorte de ministre des affaires religieuses du roi, qui s’en charge. Avec David-Nicolas Bertier de Blois, l’évêque de Strasbourg entreprend une étude approfondie des positions de Noailles. Mais l’archevêque ne coopère pas avec autant de bonne volonté que l’on aurait pu l’espérer. La colère de Rohan augmente lorsqu’il apprend que Noailles consulte d’autres confrères, comme Sillery de Soissons, ou Bezons de Bordeaux. Ces deux derniers, en bons courtisans, font leur rapport à la cour et mentionnent l’aigreur de M. de Strasbourg. La pression autour de Noailles se renforce et les soutiens dont il dispose sont bien faibles ; l’amitié personnelle que lui témoignent des hommes comme Sillery ou Desmarets, nouvel archevêque d’Auch, ne fait pas le poids face aux pouvoirs royaux et pontificaux :
« Le samedi 16 [juin], MM. de Bordeaux & de Soissons vinrent rendre visite à M. le Cardinal de Noailles ; ils lui confirmèrent tout ce qu’ils lui avaient dit en faveur de ses explications : ils avouèrent que ses ennemis même étaient persuadés que sa doctrine était saine et orthodoxe, & qu’il ne pouvait y avoir de difficultés que dans la relation : ils convinrent qu’elle était nécessaire ; & afin que les choses avançassent, ils le prièrent d’en faire le projet, & de l’envoyer aux évêques qui lui étaient unis. Ils l’exhortèrent fort à ne point demander de suretés par rapport à Rome, & de donner son Instruction [pastorale] aussitôt qu’elle serait convenue avec MM. de Rohan et de Meaux, regardant les Décrets de l’Inquisition comme émanés d’un tribunal fort méprisable, & fort méprisé35. »
26La volonté de tenir la ligne médiane entre les positions de Noailles et celles de la cour pousse ces prélats à mener une politique de conciliation extrême. Elle est révélatrice de cette tendance très forte de l’épiscopat national à considérer les ordres du roi comme essentiels, tout en accordant aux volontés de Rome un crédit relatif. Les mois qui suivent l’arrivée de l’Unigenitus font apparaître trois groupes distincts. Le premier est mené par le cardinal de Rohan et l’évêque de Meaux, bénéficie du soutien de Louis XIV et œuvre pour la réception de la Bulle dans les formes désirées par Rome ; peu nombreux, ses membres n’en sont pas moins puissants car l’appareil d’État est à leur service. Ils disposent de lettres de cachet et, par le biais du père Le Tellier, de la feuille des bénéfices ecclésiastiques, laquelle permet de détruire ou de faire avancer des carrières. Le deuxième groupe, réuni autour du cardinal de Noailles, se caractérise par le refus d’accepter telle quelle la bulle Unigenitus ; comptant dans ses rangs des prélats aussi différents que le bouillant évêque de Boulogne, Langle, ou les vieux évêques de Senez et d’Angoulême. Ils se posent en défenseur du gallicanisme épiscopal. Cette coterie est soutenue par le Parlement et par une partie du peuple de Paris qui moque avec délice le pouvoir et l’Église. Enfin, formant le centre du haut clergé, une dernière faction sans orientation théologique sûre varie au gré des pressions, plie sans rompre et fait le lien entre les « refusants » et les constitutionnaires.
27L’ébauche du mandement rédigé par Noailles a tout pour déplaire au groupe des bullistes. Il pousse la provocation jusqu’à ne pas tenir compte des recommandations pourtant pressantes qu’on lui fait parvenir36. Son projet va à l’encontre de ce que l’on veut lui imposer. Sans refuser catégoriquement la Bulle, il en demande une nouvelle fois des éclaircissements et met Quesnel à couvert des accusations qui pèsent sur lui. Rien de tout cela ne peut être acceptable pour la coterie acceptante ; ni le roi, ni le pape, ni leurs collaborateurs respectifs ne sauraient plier devant une telle attitude. Noailles doit céder et pour cela, tous les moyens sont envisagés.
28Rohan est à la tête d’une vaste entreprise dirigée depuis Versailles et dont le but n’est autre que d’entraîner la désagrégation du groupe des « refusants ». Bentivoglio lui transmet régulièrement les directives du cardinal Paolucci qui s’occupe de la Bulle à la Curie37 :
« Un attentat semblable d’un cardinal archevêque, qui a osé non seulement ne pas obéir à une bulle dogmatique d’un pape, mais interdire solennellement à ses ecclésiastiques de lui obéir, de l’exécuter et de la recevoir sous peine de censure ipso facto ne se retrouvera peut-être pas dans toute l’histoire ecclésiastique38. »
29La position de Noailles est considérée comme une outrecuidance intolérable. La sanction doit être à la hauteur de l’affront. Paolucci et Bentivoglio manœuvrent avec Rohan et ses complices Bissy et Le Tellier pour pousser l’archevêque de Paris à la faute. Il convient de sévir. L’une des stratégies envisagées est de déférer Noailles à Rome pour qu’il soit jugé39. Analysant la situation, Lafitau retrouve les trois options en balance :
« On vit sur la querelle présente se former comme trois partis différents. Celui des zélés constitutionnaires, celui des opposants, et celui des négociateurs.
Les plus zélés constitutionnaires voulaient que le pape procédât par les voies canoniques contre les opposants. Ils souhaitaient que M. le cardinal de Noailles fût traduit à Rome, dépouillé de la pourpre, déclaré lui et ses adhérents suspens et interdits de toutes les fonctions de l’épiscopat. […] Les opposants au contraire s’obstinaient à soutenir que le pape devait donner des éclaircissements sur la bulle. […] Les négociateurs tenaient le milieu entre les plus zélés constitutionnaires et les évêques opposants. Ils ne voulaient ni que le pape sévît, ni aussi qu’il s’expliquât. C’était des esprits appliqués à détruire les projets des uns et des autres, mais peu féconds à imaginer des ressources pour établir le leur. […] Ces politiques voulaient toujours que le pape et les opposants gagnassent tous leur procès, sans que de part et d’autre on le perdît40. »
30Calmer l’agitation de l’archevêque de Paris devient une nécessité ou, du moins, il serait bon de le ramener à la raison. C’est la position de ceux que Lafitau nomme les « négociateurs » qui prévaut auprès du roi41. On recherche l’accommodement et les pressions sur Noailles se multiplient. Il doit continuer à montrer ses projets d’instruction à ses censeurs pour recevoir d’eux l’imprimatur. Jusqu’en octobre 1714, toutes les menaces agitées contre Noailles n’ont qu’un but : pousser le faible prélat dans les rets constitutionnaires. L’instruction pastorale qu’il veut publier à cette date déclenche les réflexions sur la procédure à mettre en œuvre pour juger le récalcitrant. Le projet est lu devant Louis XIV le 17 octobre42. Quelques jours auparavant, Rohan l’avait déclaré orthodoxe43. Mais c’était sans compter sur l’obstination de l’archevêque de Paris, lequel modifie le texte après la consultation44. Pour le roi, cette ultime provocation est celle qui met en branle les procédures de jugement.
Comment juger Noailles ?
31Une éminence de la sainte Église romaine ne se juge pas comme n’importe quel quidam. Plusieurs solutions sont envisagées : soit un procès directement à Rome car, en tant que cardinal, Noailles a prêté serment entre les mains du pape45 ; soit un procès en France, où Clément XI aura dépêché des légats ; soit encore un concile provincial ou dernière possibilité un concile national. Les plus zélés partisans de la Constitution, comme Bissy ou Rohan, rejettent un autre dénouement : la « décardinalisation » – elle reviendrait à donner trop de poids aux décisions pontificales. Il faudrait excommunier Noailles, lui retirer la pourpre et enfin l’empêcher de porter l’affaire devant le Parlement en interjetant appel comme d’abus46.
32Le 29 octobre, le roi refuse les propositions du cardinal de Polignac d’un procès en cour de Rome. Pour lui, l’affaire est entendue et Noailles doit subir les conséquences de ses actes. Si la « décardinalisation » n’est pas souhaitable, aucun gallican ne pourra refuser le concile national. Aux yeux des conseillers du souverain, cette solution présenterait l’avantage d’obtenir rapidement la condamnation du prélat sans choquer outre mesure la fibre gallicane du clergé. Seulement, les conciles nationaux représentent pour Rome une manifestation claire et insupportable de la prétention française à l’indépendance religieuse.
33Les évêques de la fin du règne de Louis XIV sont tous sensibles aux thèses conciliaristes qui parcourent la pensée ecclésiologique depuis le Grand Schisme47. À la suite de Jean de Paris, puis de Jean Gerson et du cardinal d’Ailly, d’autres théologiens ont reconnu à l’Église les promesses d’infaillibilité et d’indéfectibilité. Par le décret Hæc sancta synodus, adopté le 6 avril 1415, le concile de Constance a affirmé la primauté du synode sur la personne et celle de l’Église, représentée par le concile général, sur le pape. Ainsi, convoquer tous les évêques du royaume afin de juger l’un des leurs est une solution hautement gallicane et donc provocatrice pour la Curie. C’est encore la diplomatie qui est mobilisée pour convaincre le pontife de céder sur les méthodes48. Le roi choisit comme ambassadeur un conseiller d’État, Michel-Jean Amelot, marquis de Gournay49.
34Le portrait fait par Saint-Simon du ministre envoyé à Rome est intéressant50. Connaissant l’aversion qu’il manifeste tout au long de ses Mémoires pour les jésuites et la sympathie ouverte qu’il a pour les port-royalistes, la mention « ami des jésuites » est significative ; Amelot est le personnage idéal pour temporiser avec le pape et les cardinaux. Dans ses additions au journal de Dangeau, Saint-Simon affirme même que « c’était ce qu’on avait de meilleur pour les négociations51 ». Amelot part le 12 décembre, en ayant reçu des instructions de Torcy et des recommandations directes de Louis XIV, et arrive à Rome le 9 janvier. Si le pape lui prodigue toutes les marques d’honneur qu’un ambassadeur – mais sans le titre ! – peut espérer, il n’est pas écouté par les membres de la Curie. Pourtant, il leur explique que le concile national
« était l’unique moyen de procéder contre les rebelles […] et que l’on ne trouverait pas dans tout le clergé de France trois évêques qui voulussent se charger de faire hors le concile le procès au cardinal, que c’était le moyen le plus canonique et le plus capable de faire revenir les esprits qui sont extrêmement irrités52 ».
35Une fois encore, il est nécessaire d’accommoder les différents points de vue pour juger un cardinal selon les formes romaines, mais sans que cela paraisse un abus de pouvoir aux évêques de France ni au Parlement. Dans son journal, l’abbé Dorsanne relate une conversation entre le cardinal de Bissy et un interlocuteur anonyme qui mérite d’être rapportée :
« Ce prélat [Bissy] convint d’abord de la nécessité d’un concile national, & dit que c’était là son avis. Il ne doutait point que le Pape y consentît aux conditions qui lui seraient proposées par M. Amelot, 1) que le Pape devait le convoquer ; mais qu’en même temps, le Roi écrirait aux Évêques pour les inviter au concile. 2) Que M. le cardinal de Rohan serait le Légat du Pape ; & on espérait que Sa Sainteté ne mettrait rien dans ses pouvoirs qui pût faire peine au Parlement. 3) Que ce serait le Légat qui fixerait la matière que l’on traiterait dans ce concile, & qui ne serait autre que de décider que la Constitution devait être reçue purement et simplement. 4) que ce Légat aurait le pouvoir de dissoudre le concile lorsqu’il le jugerait nécessaire. 5) que la décision du concile aurait force de loi sans avoir besoin de la confirmation du pape.
L’ami de M. de Meaux prétendit que tout ce plan était contraire aux maximes de l’État : mais le prélat lui répondit qu’il n’y avait en France ni Évêque ni magistrat qui sût mieux que lui les maximes de l’État, et qui en fût le plus zélé défenseur…
Son ami ne l’embarrassa pas moins sur l’acceptation pure et simple. Le Prélat voulait qu’elle fût telle aujourd’hui, & il oubliait que dans l’assemblée, il l’avait dite relative d’une relation virtuelle.
“J’ai eu chez moi, lui dit son ami, deux Prélats de vos meilleurs amis, qui m’ont dit que vous-même, M., leur avez dit pendant l’Assemblée que l’acceptation serait relative à l’Instruction pastorale. Vous le leur avez prouvé par la promesse d’une Instruction insérée dans l’acte même d’acceptation, & parce que le tout était sous une seule & même signature.”
Toute la réponse du Prélat fut que s’il y avait quelque Évêque qui osât dire qu’il eut prétendu pendant l’Assemblée que l’acceptation était relative, qu’il lui dirait qu’il avait menti, & que c’était une imposture53. »
36La conversation rapportée par Dorsanne mérite que l’on s’y arrête. Il est à la tête d’un réseau considérable d’informateurs et son témoignage est souvent fiable. Il n’hésite pas à noircir le portrait des ennemis de Noailles et l’ami anonyme qui échange avec Bissy n’est qu’un moyen littéraire supplémentaire de mettre les constitutionnaires devant leurs contradictions tant juridiques que canoniques. Le concile national est une procédure que l’on retrouve dans l’histoire de France depuis les rois mérovingiens jusqu’au début du Moyen Âge classique54, et les enseignements sont clairs : le pape n’a pas à intervenir dans ce choix.
37Sa préparation occupe pourtant une partie de la cour. Rohan et Bissy sont en première ligne. Noailles et ses partisans restent toujours sur leurs positions. Tous les moyens sont recherchés pour qu’une brèche s’ouvre dans ce front si résistant. D’Hervault, malade et infirme, est selon Louis XIV une proie facile sur laquelle on peut faire pression55. L’autre solution est de faire intervenir Massillon, orateur de talent et négociateur fiable. Bien circonvenu par les deux cardinaux, il doit subtilement proposer à Noailles de revenir sur son instruction pastorale de février 1714, tandis que Clément XI aurait ensuite tout loisir de lui apporter des satisfactions comme un bref d’explication56.
38À Rome, le marquis de Gournay peine lamentablement. Il se heurte à une fin de non-recevoir de la part de Fabroni et Paolucci en charge de l’Unigenitus. Selon eux, le concile national serait une injure à l’autorité du Saint-Père. Dialogue de sourds entre deux positions résolument inconciliables57.
39Pendant qu’à Rome les esprits s’échauffent sur les éventuelles solutions à la crise française, Noailles et ses alliés continuent leur résistance et le monarque, vieillissant inexorablement, ne voit toujours pas sa grande œuvre achevée. Des commissions sont tenues à Versailles en présence de Rohan et de MM. de Meaux, de Troyes, d’Évreux et de Viviers. Ils réfléchissent toujours sur les moyens de faire recevoir la Constitution dans le royaume et reçoivent régulièrement des notes du nonce apostolique qui leur notifie que la Bulle a été reçue en Allemagne. Hélas, aucun résultat ne semble se dessiner en France. L’importante correspondance entre Bissy et les autres ecclésiastiques prouve bien les efforts de négociation entrepris.
40La lecture des historiographes de l’époque confirme que l’archevêque de Paris dispose d’un important réseau de soutien, mais extérieur au cercle étroit de l’Église de France. Sa famille d’abord, si proche de Mme de Maintenon. Parmi la magistrature, le chancelier Voysin ne néglige jamais une visite au cardinal, et le procureur général d’Aguesseau compte parmi ses défenseurs. Sans être opposants à la Constitution, certains prélats aussi appartiennent à la nébuleuse Noailles : Polignac, dont Dorsanne dit qu’il doit tout aux Noailles58, mais aussi les évêques de Saint-Malo et de Saint-Brieuc, Desmarets et Frétat de Boissieux. D’autres, comme Caylus d’Auxerre, Langle de Boulogne, La Broue de Mirepoix et Soanen de Senez59, constituent des soutiens permanents et lui manifestent régulièrement leur affection.
41Soutenu, encouragé dans sa résistance, Noailles est au centre d’un maelström qui le dépasse largement. Personnage sans envergure, il est devenu un symbole. Plus que sa personne, c’est son siège que l’on veut dominer afin de ne pas revivre sur le plan religieux les errements de la Fronde. L’affaire de son procès montre le glissement de la théologie vers le droit : le jansénisme n’est qu’un prétexte, c’est le gallicanisme qui est en jeu et c’est de politique dont il est question. Prérogatives, honneurs, tout est soumis à cette loi qui veut que la volonté du roi soit la source de toute vérité. Malheur à qui contrevient à cette règle !
Le retour en grâce et les espoirs de la Régence
Le soutien du Régent aux opposants : calculs politiques, nouvelles orientations
42Louis XIV s’éteint le 1er septembre 171560. L’annonce du décès provoque un vrai soulagement dans le monde janséniste parisien, mais aussi en province61. Pour tous les opposants à la Bulle, c’est enfin l’espoir d’une réconciliation avec le pouvoir car désormais, la France est confiée au neveu du feu roi, Philippe d’Orléans, duc, prince du sang et maintenant régent de France62. Noailles n’a pas cédé au monarque qui lui faisait pourtant envisager un retour en grâce s’il acceptait la constitution Unigenitus. Le clergé de France reste toujours divisé et les espoirs de réunion d’un concile national semblent s’éloigner.
43La Régence marque une rupture sur la question du jansénisme63 : Philippe d’Orléans essaie de rallier à lui l’ensemble des opposants à la Constitution. Il peut compter sur le soutien du parlement de Paris qui casse le testament de Louis XIV. Ainsi, il prend la tête du conseil de Régence sans avoir à partager le pouvoir avec les légitimés honnis, et en particulier le duc du Maine, fils préféré du défunt roi. Alexandre Dupilet montre la complexité de la personnalité du Régent64, bien loin des stéréotypes véhiculés par l’historiographie. Homme politique souvent indulgent, toujours pragmatique65, il s’empare du pouvoir le 2 septembre 1715, journée mémorable où il réconcilie en peu de temps le Parlement, l’opposition janséniste et les déçus de la vieille cour. Une architecture ministérielle nouvelle se met en place autour du Régent qui laisse beaucoup plus de place à l’opposition qu’à l’héritage de Louis XIV. En plus du conseil de Régence, que l’on trouve systématiquement dans toutes les périodes de minorité royale, il crée une nouvelle architecture ministérielle, la polysynodie66. Le choix des conseillers ne laisse rien au hasard : Philippe d’Orléans y a rassemblé compétence et noblesse, amis et opposants. Ainsi, à la tête du conseil des Finances, on trouve le duc Adrien-Maurice de Noailles, son oncle le cardinal de Paris prenant la tête du conseil de Conscience alors qu’il était encore en disgrâce quelques jours auparavant67.
44En plein conflit avec Rome, la nomination de Noailles aux affaires ecclésiastiques sonne comme un coup d’arrêt au pouvoir des conseillers de Louis XIV, Rohan et Bissy. Le conseil de Conscience est très largement teinté d’un gallicanisme à la fois épiscopal et parlementaire68. Saint-Simon fait d’Armand Bazin de Bezons un modéré, intègre et très compétent69. Henri-François d’Aguesseau et Guillaume-François Joly de Fleury70 représentent tous deux la plus haute robe du Parlement et surtout la tendance gallicane et anticonstitutionnaire71. Quant à l’abbé Pucelle, il est le fer de lance de l’opposition janséniste et gallicane au Parlement. Quelques années après, en 1717, un nouveau membre intègre le conseil, il s’agit de Pierre-Armand de La Croix de Castries, archevêque de Tours. Pour couronner cet édifice acquis au gallicanisme, Noailles obtient que son official, l’abbé Dorsanne, soit nommé secrétaire72. Le conseil est conçu comme un contrepoids gallican et anticonstitutionnaire aux cardinaux de l’ancienne cour. Sa composition s’inscrit dans la droite ligne parlementaire. Le pape, avec la Bulle, s’est ingéré dans la politique française. Nommer Noailles à la direction de ce conseil, c’est symboliquement séparer les deux ordres temporel et spirituel et marquer l’indépendance totale de la France sur le plan gouvernemental73. Buvat affirme que le Régent souhaite tout de même que l’affaire de la Constitution se règle « à la satisfaction de la cour de Rome74 » ; les tentatives de négociations ne sont pas interrompues et la nomination de Noailles n’est qu’une étape dans une nouvelle phase de réunification de l’Église gallicane. Le Régent veut pacifier l’Église et le gage donné aux partisans de Noailles doit ainsi les prédisposer plus favorablement à la négociation. Il fait aussi révoquer les lettres de cachet retenant les évêques opposants dans leur diocèse, comme en témoigne la lettre adressée par Soanen au comte de Pontchartrain75.
Les blocages romains et leurs relais français
45Les partisans de la politique ludovicienne ne se font guère d’illusion. Avec le Régent, tout change et ils n’hésitent pas à faire de cette période un chaos comparable aux sept plaies d’Égypte76.
46Les conclusions de l’assemblée du clergé de 1715 viennent lever toutes les ambiguïtés. Le Régent ne veut pas jouer la même carte religieuse que son défunt oncle. En effet, la tradition veut que l’assemblée demande l’autorisation du souverain pour ouvrir ses travaux et qu’ensuite, un discours d’un des membres clôture la réunion. Les députés confient cet honneur à l’évêque d’Angers, Michel Poncet de La Rivière. Le prélat, avec une onction toute ecclésiastique, exhorte Philippe d’Orléans à s’engager dans la voie de l’union avec les évêques acceptants77. Perfide, Dorsanne note dans ses mémoires que l’hyperbole de la mort de l’Église – si le prince refusait cette voie – a été supprimée des imprimés publiés après le discours, signalant l’inanité du propos :
« Le Prince Régent lui répondit avec beaucoup de sagesse & de sel, qu’on le trouverait toujours très disposé à défendre les intérêts de l’Église Gallicane, & à conserver les Évêques dans la dignité de leur place. On ne pouvait guère donner une critique plus fine de la conduite des xl [Quarante]78. »
47S’il y a continuité dans la défense du gallicanisme, la Régence marque une rupture dans la politique religieuse nationale. Philippe d’Orléans essaie de rallier à lui l’ensemble des opposants à la Constitution. Il manœuvre habilement, sans faire référence à la Bulle mais en se situant sur le terrain plus consensuel des libertés de l’Église de France. L’union peut se construire autour de ce principe fédérateur qui sous-tend chacun des actes du clergé de France : l’assemblée de 1713-1714 n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du contrôle national sur les textes romains.
48Nombre d’évêques acceptants reviennent sur leur décision. Sillery de Soissons renie son acceptation sur son lit de mort79. Arbocave de Dax et Polastron de Lectoure la suspendent et ils ne sont pas les seuls, les défections sont nombreuses. Le climat éditorial est pour sa part à la remise en cause ouverte des volontés royales. Deux publications majeures, les Hexaples et le Témoignage de la vérité, font ainsi craindre aux constitutionnaires que tous les efforts pour imposer la Bulle n’aient été vains80.
49Les pages, souvent rocambolesques, que Lafitau fait de l’assemblée du clergé de 1715 montrent la complexité de la question janséniste en ce début du règne de Louis XV81. La théologie y semble absente et force est de constater que les prélats prennent davantage en compte la dimension politique. Le président, Le Goux de La Berchère, ne souhaite pas censurer les deux ouvrages, alors que ses collègues le désirent. De son côté le Régent, encore proche du cardinal de Noailles, interdit la censure. Que faire ? MM. de Langres et de Marseille sont pour une solution radicale, passer outre les ordres du Régent afin de défendre la religion et ne pas prêter le flanc aux critiques adverses. M. de Narbonne propose une solution médiane, laissant ouvertes toutes les possibilités. Il réagit en politique, accommodant, considérant les choses non d’un point de vue dogmatique mais pratique. Il le regrette du reste peu après82.
50Une opposition se révèle entre les deux organes administratifs. D’un côté le conseil de Conscience, acquis aux opposants de l’Unigenitus, et de l’autre une assemblée dont la composition en 1715 fait apparaître une majorité de bullistes. Sept des présidents de l’assemblée ont publié la Constitution dès 1714. Parmi les trente-deux prélats élus, Caylus fait figure d’exception compte tenu de son parcours fluctuant83. Les deux instances ne sont pas sans lien et chacune se consacre à la recherche d’un accommodement car les rumeurs vont bon train : Noailles serait enfin prêt à accepter la Bulle ! Une position commune doit émerger pour sortir de cette controverse la tête haute, évitant ainsi un schisme destructeur. Il est urgent de ne rien faire qui puisse nuire à la réconciliation du clergé de France.
51Par ailleurs les négociations avec Rome se poursuivent. Les deux camps cherchent à trouver une position commune qui réglerait le conflit. Le cardinal de La Trémoille est en correspondance constante avec le Régent et le maréchal d’Huxelles, chef du conseil des Affaires étrangères. L’ambassadeur se fait le porte-parole à Paris des volontés du Saint-Père qui attend toujours le mandement de Noailles. Il le souhaite mesuré sur le propos du pouvoir des évêques et sur la question épineuse de l’excommunication. En réalité, Rome ne veut pas entendre parler de la dimension gallicane du conflit84.
52Partisans et opposants se déchirent autour de l’acceptation supposée de Noailles. Mais depuis 1714, cette querelle lasse tous les participants, y compris à Rome où des voix se font entendre pour demander à Clément XI d’abandonner l’affaire, de se contenter de l’acceptation du clergé et d’oublier son vœu d’unanimité85. Certains monsignori vont même jusqu’à dire que l’attitude intransigeante du pape est dangereuse, soulignant que si le concile de Trente s’était ouvert seize ans plus tôt, jamais l’Allemagne ne serait tombée si largement aux mains des luthériens. Alors pourquoi refuser ce moyen pouvant offrir la paix à l’Église86 ?
53Un concile87 ! Voilà ce qui peut accorder les évêques de France. En effet, c’est le lieu du débat, où s’échangent les arguments théologiques et d’où peuvent sortir les décisions les plus bouleversantes pour l’Église88. Or, le conciliarisme s’oppose à l’orientation monarchique et bellarminienne voulue par les papes depuis la réforme catholique lorsque s’impose l’idée que le souverain pontife est infaillible quand il parle ex cathedra. Les évêques de France sont eux plus favorables à la solution conciliaire qui permettrait de régler les problèmes sans que cela ne passe pour un coup de force supplémentaire.
54La Trémoille signale à Paris qu’aucun consensus ne pourra être trouvé tant que le rebelle Noailles aura la feuille des bénéfices89 et nulle solution ne semble pour le moment acceptable aux yeux des deux gouvernements. De plus, Rome s’alarme de la décision de la Sorbonne de s’allier avec les prélats90. En effet, les docteurs reconnaissent que « les évêques [avaient] le droit de juger des matières de la foi, avant, avec et après le pape91 ». Les positions sont tellement éloignées qu’aucune conciliation n’est envisageable92.
55Pour Rome, accepter les actes du clergé de France revient à reconnaître que le Saint-Père n’est pas infaillible93. Pour les évêques et la Sorbonne, accepter la Constitution, c’est marquer une soumission au Saint-Siège contraire au gallicanisme.
L’appel au concile
La marche vers l’appel
« Et Noailles jusques au bout sera semblable à la pendule qui va, qui vient, qui recule »
56Pour les théologiens jansénistes94, Rome vit dans le regret de sa puissance antique95. Ses empereurs ont conquis l’univers, Grégoire VII a fait plier un roi alors son successeur ne peut s’abaisser devant un groupe de rebelles français. De leur côté, ces derniers proposent moult suggestions pour régler le conflit, mais elles sont toutes refusées par le Saint-Siège.
57Lafitau, proche du cardinal de La Trémoille, rapporte dans son Histoire de la constitution Unigenitus l’ensemble des démarches entreprises dans les deux camps pour arriver à un accommodement satisfaisant. Jésuite et partisan de la Bulle, Lafitau ne parle pas en termes très favorables de la commission de l’abbé Chevalier. Dépêché par Noailles auprès du pape, alors qu’il était grand-vicaire de Bissy96, l’abbé tente de présenter aux cardinaux romains les difficultés que rencontre en France l’acceptation générale de la Bulle, et de faire entériner à Rome l’idée que le pape fournisse la base d’arguments sur lesquels il serait possible de négocier97. Clément XI est de plus en plus furieux de la résistance des opposants et déclare vouloir procéder contre Noailles98. La « décardinalisation » évoquée avant la mort de Louis XIV n’est pas oubliée et même si l’envie de trouver une solution plus pacifique n’est pas négligée, il n’en reste pas moins que Noailles et ses partisans sont considérés comme des rebelles99.
58En France, l’épiscopat se perd en négociations. Le clan de Noailles ne veut accepter qu’après les explications du pape. D’autres, réunis autour de Bissy, demandent une soumission sans condition. Enfin, le parti de Rohan souhaite une acceptation relative à un futur corps de doctrine. C’est cette dernière position qui trouve le plus d’écho auprès du Régent et la décision tombe rapidement : Bissy, Rohan et Noailles doivent trouver un moyen de rédiger un corps de doctrine susceptible de mettre enfin un terme à cette querelle qui divise la France depuis trop longtemps.
59Rome n’est pas dans cet état d’esprit et ne veut pas céder. Des pressions sont mises en œuvre, diplomatiques d’abord, mais elles restent sans effet. Le moyen le plus efficace est encore de refuser les investitures canoniques aux évêques choisis par Noailles et le Régent. Quelques candidats à l’épiscopat ont vu la mort de Louis XIV non sans un certain plaisir. En effet, le souverain avait bloqué bien des carrières pour des positions trop jansénistes. Avec Noailles, les espoirs renaissent et les abbés port-royalistes sont de nouveau sur les rangs. Les abbés Bossuet, Lorraine et Castries sont proposés. Tous doivent attendre leurs bulles pendant plusieurs années. Ainsi, Bossuet a été nommé évêque de Troyes le 2 mars 1716, ses bulles d’investiture n’ont été envoyées que le 27 juin 1718, permettant ainsi un sacre le 31 juillet.
60La présence d’un évêque dans un diocèse est fondamentale et il devient rapidement nécessaire d’en finir avec cette situation. Le pape sait qu’ainsi, il tient le gouvernement et que cela n’est plus qu’une question de temps. Il ne reste alors qu’un moyen au Régent pour faire plier Clément XI : récuser le concordat de Bologne et remettre en cause l’allégeance à Rome. Pour éviter ce terrible expédient, le pape doit expliquer l’Unigenitus ou au moins convoquer un concile. Philippe d’Orléans confie cette réflexion à un groupe présidé par Saint-Simon. La création de cette commission manifeste un vrai renversement politique. Le combat des opposants à la Bulle est devenu celui du Régent. Sa fermeté paie et Clément XI recule et accorde enfin les investitures canoniques100.
61Pourtant, dans le même temps, les tensions ne disparaissent pas. Noailles, toujours chancelant, mène un jeu complexe. Attaché aux principes gallicans, il n’en est pas moins un homme faible. Les noms d’oiseaux fleurissent autour de lui. Tant l’agent de Languet, installé auprès du Régent, que Barbier et Marais évoquent les emportements de Philippe d’Orléans. Tout Paris apprend rapidement l’énervement du duc et Barbier rapporte la scène ainsi :
« M. le Régent croyait être sûr de M. le cardinal de Noailles, pour donner son mandement ; mais le cardinal a tourné une seconde fois ; il est à présent opposé à la Constitution. Il a dit au prince qu’il n’avait promis de le donner qu’en cas que le Parlement eût enregistré. Le Régent l’a traité de haut en bas, et lui a dit en propres termes qu’il y avait longtemps qu’on lui avait dit qu’il était un grand benêt et une f… bête, et qu’il s’en allât se faire f… Le cardinal lui a répondu que, s’il n’avait point de considération pour sa personne, il devait du moins en avoir pour son caractère, et il le quitta101. »
62Les pressions multiples subies par Noailles expliquent les rumeurs circulant à Paris : le cardinal serait prêt à accepter la Constitution de peur que le pape ne l’excommunie102. La Broue de Mirepoix et deux autres de ses confrères, Langle de Boulogne et Soanen de Senez, ayant refusé d’accepter la Bulle, s’empressent de soutenir l’archevêque dans sa position.
63De leur côté, les évêques acceptants réunis chez Rohan mettent au point une stratégie parallèle : ramener Noailles dans le giron romain. Les projets de conciliation se multiplient autour de sa personne. Des commissions sont mises en place autour de lui et de Rohan. Les deux cardinaux doivent proposer des explications au Régent. Mais quelle doit être la nature de l’acceptation : absolue ou relative ? Le consensus est inconcevable, car les « bullistes » savent très bien que Rome ne voudra jamais qu’elle soit relative, tandis que les opposants déclarent ne pouvoir recevoir la Bulle si Rome ne fait pas un geste d’apaisement… Toujours le même débat, toujours la même impasse ! Il est impossible de trancher sur ces matières sans risquer de provoquer un schisme. Pourtant l’ambition est commune de réconcilier l’Église de France103.
La préhistoire de l’appel
64Depuis la parution de la Bulle, certains prélats ont une position très arrêtée. C’est le cas de Soanen et Langle, ainsi que de Colbert de Croissy de Montpellier. Ces évêques, exilés dans leur diocèse par la volonté du feu roi, retrouvent une liberté de mouvement une fois la Régence advenue. Leur correspondance, très nourrie, montre leur détermination à refuser une constitution qu’ils considèrent comme une apostasie.
65Selon Soanen, les négociations entreprises autour de Rohan et Bissy conduisent au mal104. Les conférences ne peuvent alors déboucher que sur des « machines nouvelles ». Pour lui, Dieu n’est pas avec les négociateurs. Tout cela n’est que politique. Chez Colbert, la rhétorique est encore plus directe. Dans une lettre à La Broue, en date du 25 mai 1715, il s’exprime ainsi :
« Le Pape, dit-on, veut bien nous autoriser à donner des explications. Mais que savons-nous si ce n’est pas un piège qu’il nous tend ? Nous donnerons des explications : le Pape n’en sera pas content, & il les censurera. Il n’y aura, dit-on, qu’à le laisser censurer. Il est vrai qu’il a tant censuré de bonnes choses, que ce qu’il censurera désormais n’en sera pas moins estimable. […] Mais il serait bien plus honteux de commencer par accepter la Bulle, avant que d’avoir donné des explications. Il serait certainement bien ridicule d’avoir disputé si longtemps pour faire ensuite ce qu’on nous demandait d’abord, ce que les xl Évêques de l’Assemblée ont fait ; & c’est à quoi j’espère avec la grâce de Dieu de ne consentir jamais105. »
66Le ton est clair. Nulle acceptation n’est envisageable, ni aucun accommodement. Tout dans cette lettre traduit la volonté de combattre les formes de validation proposées. L’évêque de Montpellier n’évoque pas encore l’hypothèse d’un appel de la Bulle, mais Soanen et lui sont d’accord : leur refus de la Constitution est définitif106. Aussi, le corps de doctrine que le Régent propose aux évêques de rédiger sous la conduite de Rohan et Bissy ne recueille que suspicion107.
67L’appel au futur concile n’est passé devant la Sorbonne qu’en mars 1717. Mais dès 1715, il est clair qu’un certain nombre de prélats, menés par Noailles – et dans les faits par Colbert et Soanen –, sont prêts à s’engager dans une lutte sans merci. Pourtant le faible cardinal, tiraillé de tous côtés, penche provisoirement vers l’accommodement. Colbert lui fait savoir immédiatement par son frère Gaston que ses partisans ne peuvent le suivre sur cette route dangereuse :
« Au nom de Dieu, faites-lui faire réflexion aux dangers auxquels cet Ouvrage [le corps de doctrine] nous exposerait, & toute l’Église avec nous. Est-il possible qu’il ne le voie pas, tandis que tout Paris le voit, & en parle comme moi108 ? »
68Le projet d’appel est, semble-t-il, pensé dès la fin de l’année 1716. Mais on en trouve les prodromes dès 1715 comme en témoigne une lettre de Soanen à Colbert109. Cette démarche juridique, qui appartient de plein droit aux règles canoniques, permet de suspendre une décision pontificale en la soumettant au jugement de l’autorité supérieure, en l’occurrence, l’Église universelle représentée par le concile général. Pour M. de Senez, l’appel est un moyen de montrer la grandeur du corps épiscopal et de ramener à la vérité ceux qui se sont égarés dans l’erreur110.
69Si l’on en croit l’abbé Gaultier, biographe de l’évêque de Senez, Colbert et Soanen projettent dès 1716 de retourner dans leur diocèse et de rendre public leur appel. Alors qu’ils sont à Paris, deux autres prélats se joignent à eux, Langle et La Broue. Afin de laisser le temps aux nouveaux ralliés de saisir les enjeux de la démarche, le projet n’est pas publié. On peut ainsi affirmer que l’appel répond à une stratégie mûrement réfléchie et dont toutes les dimensions ont été prises en compte par les protagonistes, d’autant que ces réflexions se déroulent au moment même où une partie du corps épiscopal, ayant accepté la Bulle, publie une déclaration sur la manière dont ces prélats l’ont acceptée111. Ils entendent réaffirmer qu’ils ne se sont pas soumis purement et simplement aux décisions du siège apostolique, mais que leur acceptation relève de la décision interne et argumentée de l’Église de France.
70Dans le contexte de ce début de Régence et même si l’on cherche encore des moyens de concilier les différentes tendances de l’Église nationale, le courant gallican a le vent en poupe et l’appel interjeté par les évêques de Senez, Montpellier, Mirepoix et Boulogne n’en est que la représentation la plus outrée.
L’appel des quatre évêques
L’appel devant la Sorbonne, le 5 mars 1717
71Malgré les difficultés constantes entre les prélats, le Régent espère toujours les réunir autour d’un consensus. Le corps de doctrine soumis à l’examen de la Sorbonne continue de faire l’objet des attentions du gouvernement. On cherche par tous les moyens à redonner à la France la paix religieuse. Pour les docteurs de l’Université, la querelle de l’Unigenitus n’est pas seulement d’ordre ecclésiologique, c’est aussi et peut-être avant tout une question patriotique. En effet, ils promettent d’agir pour « la Patrie, l’Église, et la Vérité112 ». L’ordre de ces termes montre bien que si la Constitution agite les fondements ecclésiologiques de l’Église, c’est surtout la dimension gallicane qui préoccupe la Sorbonne et les opposants à la Bulle. L’appel devient donc un moyen de défendre la France contre les prétentions politiques de Rome :
« Lorsqu’un pape a le malheur de publier un Décret opposé à la Tradition de son Siège, on doit soigneusement distinguer entre l’autorité sainte de ce Siège qu’il faut toujours respecter, & l’abus de cette autorité qu’il n’est pas permis de suivre113. »
72Dans ces mots à Quesnel, Colbert de Croissy dessine l’image un peu orgueilleuse qu’il souhaite laisser : être le fer de lance d’une résistance d’autant plus essentielle qu’elle se dresse contre le chef de l’Église. La Sorbonne s’agite114 et c’est ce moment que choisissent MM. de Senez, Montpellier, Mirepoix et Boulogne pour s’inviter à une séance. Les récits de ce jour sont nombreux et tous les contemporains s’accordent sur son déroulement115. Les docteurs de l’Université sont assemblés extraordinairement pour examiner des points de doctrine. Les quatre évêques se font annoncer par l’appariteur qui les introduit en séance. La Broue prend la parole et explique à l’assemblée que les troubles qui agitent l’Église les ont poussés à interjeter appel au futur concile général. Selon lui, c’est l’unique remède aux maux contemporains.
73Ensuite, Soanen entame la lecture de l’acte d’appel. Après avoir fait un tableau noir de la situation de l’Église de France, il affirme que :
« La Constitution donnait atteinte aux fondements de la hiérarchie, aux droits des évêques et aux libertés du royaume : elle était opposée aux véritables règles sur la pénitence ; elle renversait les plus fermes fondements de la morale et même le premier de ses commandements… ; elle défendait la lecture de l’Écriture Sainte ; elle condamnait des propositions de l’Écriture et des Pères116. »
74La bulle Unigenitus est chargée de tous les vices possibles. Elle renverse la tradition et l’Église, ce qui est fondamental, et, non moins essentiel, elle affaiblit la foi des nouveaux convertis et favorise par conséquent le libertinage le plus débridé. L’acte exonère la France et le gouvernement de toute responsabilité, seule Rome est la cause de cette démarche. Le concile, suivant la tradition gallicane, est pourvu de toutes les qualités que les docteurs ultramontains en général prêtent à Rome. Seule l’Église est infaillible, le pape, lui, ne l’est pas. Il est alors nécessaire d’avoir recours à cette instance supérieure dont la réunion est automatiquement placée sous la protection de l’Esprit-Saint, autorité plus sûre que la très humaine puissance pontificale117.
75L’appel reprend les grands thèmes développés par les opposants depuis 1714 et attaque principalement les conceptions ecclésiologiques soutenues par la Bulle. Il réaffirme que les clefs n’ont pas été remises à une personne mais à l’Église tout entière. En s’appuyant sur un sermon de saint Augustin, les évêques appelants tentent de démontrer la vacuité théologique du concept de théocratie pontificale et, suivant saint Pierre (Actes, V, 29), affirment qu’il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes118.
76Le réquisitoire est sévère, implacable. Toute la rhétorique développée par les opposants à la Constitution se trouve synthétisée et mise en forme dans un document officiel qui devient dès lors un second manifeste du gallicanisme. En effet, si l’on considère les propositions de l’appel, trois d’entre elles concernent directement le rôle des évêques dans l’Église et plus généralement la conception ecclésiologique, trois autres sont directement en rapport avec les Réflexions morales du père Quesnel et mettent en avant les oppositions doctrinales avec Rome, enfin les deux dernières veulent souligner que l’Unigenitus s’oppose à la tradition de l’Église définie par les conciles et les Pères. L’essentiel repose sur d’autres bases que le jansénisme classique. Ici, nous sommes bien loin de Pascal dans ses développements moraux ou doctrinaux119. C’est bel et bien un texte de nature politique et ecclésial que les quatre évêques ont rédigé, une défense des traditions gallicanes et conciliaires qui sont la marque principale du clergé de France depuis 1682120.
Succès et condamnation d’une démarche politique
77Dès la lecture de l’acte d’appel en Sorbonne, les docteurs présents sont priés de donner leur avis. Le syndic Ravechet invite ses confrères à se joindre à la démarche des quatre prélats121. Le succès est immédiat, sur les cent dix docteurs présents, quatre-vingt-dix-sept se déclarent en faveur de l’appel122, ce qui contredit l’orientation générale de la politique du Régent. Depuis 1715, ce dernier cherche en effet à aplanir les différences et à concilier les esprits. Or subitement, ces hommes jettent au feu tous les efforts entrepris jusque-là.
78Alerté par le curé de Saint-Merry Jean Vivant, le cardinal de Rohan prévient le Régent, qui est furieux. Il exile immédiatement les quatre meneurs dans leur diocèse et interdit aux docteurs de Sorbonne de s’assembler. La lettre envoyée par les prélats expliquant leur geste n’y fait rien123. On peut comprendre que Philippe d’Orléans ait peu apprécié cette démarche. Alors qu’il détient le pouvoir au nom de son royal protégé, des rebelles viennent lui forcer la main124 et le pousser à prendre une direction que la prudence avec laquelle il a traité l’affaire jusque-là ne peut lui faire admettre. Le mouvement est lancé. Le jour même, les prélats appelants écrivent à Noailles pour l’informer et lui demander son soutien125.
79De nombreuses analyses des actes d’appel ont été faites126 et le propos n’est pas de les reprendre ici, mais plutôt de voir quel soutien les évêques de France ont apporté à leurs quatre confrères. Une première constatation s’impose d’emblée. Bien que le soutien du second ordre du clergé tant séculier que régulier ait été massif, celui du haut clergé l’a été beaucoup moins127. Si l’on considère que la France compte centre trente diocèses en 1717, seul 8 % des évêques ont appelé, soit sept prélats en plus des quatre initiateurs du mouvement : Béthune à Verdun128, Verthamon à Pamiers, Milon à Condom, Caylus à Auxerre, Hébert à Agen, Polastron à Lectoure et Noailles à Paris. Ils sont suivis peu de temps après par Noailles à Châlons, Dreuillet à Bayonne, Arbocave à Dax, Rezay à Angoulême, Jégou à Tréguier, Quiqueran de Beaujeu à Castres, Desmarets à Saint-Malo, Tilladet à Mâcon. Entre 1715 et 1728, il n’y a tout au plus que vingt-six évêques qui combattent la Bulle129. C’est bien peu, mais combien n’ont rien fait ? Combien, sans être totalement hostiles, ont préféré un prudent attentisme qui favorisait leur carrière et leur assurait une paix bien commode ?
« Nos États [de Languedoc] ont été fort tranquilles sur la Constitution, & les Évêques Acceptants, ont vécu fort poliment avec nous. Plusieurs condamnent hautement le fanatisme de M. d’Apt, entre autres M. de Narbonne, qui dit qu’il faut être fou pour nous traiter de schismatiques & d’excommuniés. M. de Castres parle encore bien plus haut ; & je crois que si M. le cardinal de Noailles entreprenait de le faire appeler, il en viendrait aisément à bout130. »
80Les mandements d’appel des prélats reprennent les grandes lignes argumentatives développées par les premiers appelants : gallicanisme et défense de la tradition, soumission réaffirmée au Régent et au souverain pontife. Un texte signé conjointement par trois évêques du sud-ouest de la France131 souligne la force d’entraînement qu’a eue l’appel de mars 1717.
81Quelques semaines après, l’hésitant Noailles appelle lui aussi. Cette haute figure amène à lui les autres prélats de sa clientèle (figure 3). Le haut clergé fonctionne comme une nébuleuse où les liens amicaux, les relations familiales et la protection d’un puissant jouent un rôle majeur. Sans son soutien, Polastron, Milon et Hébert auraient probablement gardé leur appel par-devers eux. D’ailleurs, on peut penser qu’ils adhèrent à la démarche de l’archevêque de Paris et non à celle des initiateurs ! Prudence toujours, un évêque, aussi puissant soit-il, se destitue et se disgracie plus vite qu’un cardinal !
82En effectuant une typologie des résistances à l’Unigenitus, on se rend compte que les formes de refus sont assez différentes132. Le degré ultime de rejet est donc l’appel. En 1718, il touche quarante-cinq diocèses et presque sept mille appelants, parmi lesquels le cardinal de Noailles133. Il accepte de suivre le conseil de ses confrères et de ses curés l’invitant à rejoindre la cause de l’appel. Mais il demande instamment à ce que son mandement d’appel ne soit pas rendu public tout de suite, afin de ne pas gêner les tentatives de négociations.
83Entre Rome et Paris, les relations sont tendues, mais pas encore rompues. La Trémoille propose à Clément XI un précis de doctrine qu’il présente comme l’exposé de foi commun aux appelants et acceptants et qui constitue un développement plus ample de l’instruction pastorale de 1714134. Pendant que la Curie vérifie l’authenticité du texte présenté, l’acte d’appel de Noailles est rendu public. Toujours hésitant, l’archevêque récuse cette pièce devant le Régent et obtient sa suppression par le Parlement le 1er décembre 1717135.
84Philippe d’Orléans maintient le cap de l’accommodement. La réflexion se porte maintenant sur les travaux de Noailles. Par la déclaration du 7 octobre 1717, le Régent impose le silence sur les disputes religieuses, essayant de ménager au maximum toutes les parties en présence afin de trouver rapidement une solution négociée dans une ambiance plus sereine que sous les invectives permanentes de tous les protagonistes. L’instruction pastorale de 1714 de l’archevêque de Paris est examinée de nouveau par Rohan et Bissy. Ils y font des modifications. La question porte désormais sur la nature de l’acceptation du cardinal. Pour le maréchal d’Huxelles, l’archevêque doit accepter dans le sens du précis de doctrine. Noailles concède pour la première fois qu’il pourrait admettre la Bulle avec des explications reçues par les évêques de France. Mais pour les chefs de la mouvance constitutionnaire, c’est aller trop loin dans la conciliation. Le cardinal doit accepter la Bulle dans tous les sens qu’il plaira au pape de donner à ces propositions. En outre, objectent-ils, une approbation ne peut pas être limitative ou conditionnelle. Le problème subsiste à Paris, mais aussi à Rome où le Saint-Père se fige dans son refus de négocier avec les appelants français. Donner des explications sur la Bulle serait accepter la loi des « refusants » et amoindrir l’autorité doctrinale du magistère136.
85Dans les diocèses, la fureur se déchaîne. À Reims, Mailly est en butte à l’opposition de son chapitre. Mgr de Foresta de Collongue, évêque d’Apt, vitupère contre les appelants qu’il traite de schismatiques, de rebelles et d’hérétiques. Languet de Gergy entreprend alors la rédaction d’une œuvre théologique importante, dont le but est de démontrer implacablement la nécessité de l’acceptation137. Dans un traité de presque deux cent cinquante pages, il prend le contre-pied de toute la rhétorique janséniste développée par les prélats opposants et par les libellistes qui font florès depuis 1714 sur les affaires de la Constitution. Son travail se veut méthodique et rigoureux. Il convoque à l’appui de sa démonstration toutes les autorités qui lui sont nécessaires et donne scrupuleusement la référence des passages mis en cause. Le style se veut direct, clair et incisif. Il s’adresse aux clercs de son diocèse, pour tenter de les convaincre de la dangerosité et de la vacuité théologique de leur position ecclésiologique. En alternant formule concessive et condamnation, la lecture est assez efficace. Languet ne ménage aucun artifice stylistique pour arriver à son but. La conclusion de son propos joue malicieusement avec la comparaison calviniste. La dénonciation du pape ne peut faire partie que du vocabulaire des protestants, pas de celui d’un bon catholique138 ! Entre l’introduction déplorant la perte de la paix du diocèse et la conclusion appelant à la soumission et à l’obéissance, Languet a démontré, en quatre-vingt-cinq chapitres, l’erreur des positions appelantes, la justesse des condamnations de l’Unigenitus et la mauvaise foi des jansénistes. Seulement, cet argumentaire n’est pas suffisant et l’évêque doit publier d’autres avertissements tout aussi développés et argumentés139.
86La loi du silence n’est pas respectée. La querelle s’envenime, même si beaucoup de prélats restent prudemment discrets et, sans y prendre part, laissent le mouvement de l’appel se développer librement comme à Langres. L’appel constitue le point de non-retour le plus fort aux yeux de la cour de Rome et ne peut rester impuni.
87Même si une tendance modérée est largement représentée au sein de l’Église de France, Clément XI apporte un soutien essentiel à la tendance constitutionnaire. Le 8 septembre 1718, il excommunie les appelants par le bref Pastoralis officii. Ce texte exige une soumission définitive à la constitution Unigenitus et rejette hors de l’Église tous ceux qui n’adhèrent pas aux décisions du pontife. Le jour du cinquième anniversaire de la Bulle, le pape entend clore le débat, mais sa démonstration de force n’impressionne personne en France. Noailles obtient du Régent le droit de publier son appel et, dans le mandement qu’il diffuse pour justifier sa démarche, l’archevêque déclare :
« Nous avons toujours été persuadés, que la paix est un bien si précieux, que nous devions tout sacrifier pour y parvenir, excepté la vérité ; en sorte que bien loin de nous repentir de tout ce que nous avons fait, & de tout ce que nous avons souffert pour consommer un accommodement qui conservât également la vérité et la paix, nous ne pouvons vous dissimuler que nous sentons une très-vive douleur que le succès n’ait pas répondu à nos vœux140. »
88Si le pape est le chef de l’Église, il n’en est qu’un primus inter pares et il revient au « collège épiscopal » d’abonder en ce sens, s’il le juge opportun. En même temps, Noailles tente de concilier ses vues théologiques et l’unité nécessaire du monde catholique, laquelle passe par le respect dû au successeur de Pierre. Il engage même ses curés à continuer d’instruire les fidèles ainsi, ce qu’il ne fait guère par la suite. Son exemple crée un véritable appel d’air. Il est suivi par dix-huit prélats141. Un vrai front de résistance se crée en France, composé de seulement vingt évêques mais surtout d’une bonne part du second ordre. Leur appel montre à quel point le gallicanisme théologique est encore vif. Pour eux, le concile général est supérieur au pape et, en dernier recours, il est la seule source de vérité. L’infaillibilité pontificale semble au mieux une nouveauté condamnable, au pire une hérésie jésuite.
Noailles enfin chef de parti !
89Le 3 octobre 1719, Noailles poursuit son entreprise en appelant, dans une instruction pastorale de grande ampleur, des lettres Pastoralis officii. L’ouvrage très développé, fort érudit puisque chaque argument repose sur une multitude d’autorités tant scripturaires que patristiques, veut établir d’abord que la Bulle ne peut être regardée comme règle de foi car elle ne remplit pas exactement les cinq critères de jugement en la matière142 ; puis en second lieu, que la constitution Unigenitus ne peut être considérée comme un jugement de l’Église universelle. C’est ce dernier aspect qui retient le plus le cardinal. Son action est simple : démontrer la canonicité de son appel et prouver que l’infaillibilité pontificale ne peut être considérée comme une vérité. Il entend établir avec certitude que l’Église gallicane n’est pas soumise aux décisions de Rome, mais que les évêques de France agissent en docteurs : « Nous convenons que les évêques de France qui ont reçu la Constitution, ne l’ont pas acceptée en simples exécuteurs des décrets du pape, mais en qualité de juges de la foi143. » D’après lui, l’acceptation des évêques de France n’est pas suffisante pour en faire une acceptation réellement canonique. En effet, l’examen des propositions de la Bulle n’a pas été rapporté aux traditions particulières et par conséquent, plusieurs formules peuvent entrer en contradiction – c’est là un premier défaut. Ensuite, les premiers pasteurs et le pape n’ont pas de positions unanimes, ce qui constitue un second défaut de canonicité. En outre, les prélats ne sont pas d’accord entre eux, l’assemblée de 1713-1714 n’étant pas un concile, elle ne peut pas prononcer d’acceptation dogmatique144, et pour finir, elle ne présente aucun caractère de sûreté et de notoriété. Ce raisonnement très structuré, rigoureux et argumenté tend à convaincre que la volonté pontificale n’est pas une règle de foi et que l’Église a des lois qui n’ont pas été respectées dans l’affaire de l’Unigenitus. L’ultime argument développé par l’archevêque est une réponse directe aux propos de Bissy et de la Curie, pour qui l’Église universelle s’est prononcée car la Bulle a été acceptée par des évêques hors de France145. Noailles apporte les preuves que la Bulle n’a pas été reçue véritablement à l’étranger. Déjà, le nombre de témoignages est faible et le silence ne vaut pas consentement tacite. Mais surtout, le principal problème à ses yeux est que nombre de prélats acceptent la Bulle sans jugement146. Pire, certains d’entre eux invoquent comme raison nécessaire et suffisante la prétendue infaillibilité pontificale :
« Le Pape a parlé, nous souscrivons, nous publions, parce que le Pape l’a ordonné. Est-ce ainsi que les Juges de la Foi doivent s’expliquer, lorsqu’il s’agit de prononcer & de rendre témoignage de la doctrine de leurs Églises147 ? »
90La grande instruction pastorale de 1719 est une défense et une illustration du droit des évêques dans l’Église. Si Rome est toujours vue comme le centre de l’unité du monde catholique et si chaque prélat prend bien soin de marquer son respect pour la personne du souverain pontife, ce dernier ne peut avoir de supériorité dogmatique par rapport à ses pairs, les évêques de la chrétienté. Pierre a reçu les clefs du Christ, tout le monde en convient, mais il n’est en rien différent par nature des autres apôtres. Ainsi le pape, successeur de Pierre, n’est-il que l’évêque de Rome et sa primauté n’est que d’honneur ; en rien son infaillibilité ne peut être admise sans attenter à l’honneur de l’épiscopat.
91Dans l’instruction pastorale de Noailles, les questions liées directement au débat janséniste sont peu nombreuses. Peut-on donc dire que ce texte représente une manifestation claire du « jansénisme épiscopal » ? L’expression ne peut avoir de sens. René Taveneaux a raison de souligner que les évêques de France sont tous issus des plus hautes sphères de la société et qu’en cela, ils ont des préoccupations très particulières. En reprenant une définition classique du jansénisme, il est clair que les thèmes développés par Noailles ne rentrent pas dans ce cadre étroit. Sans aller jusqu’à reprendre le terme de fantôme dont Antoine Arnauld a qualifié le mouvement port-royaliste, on peut en revanche affirmer que la dimension proprement théologique de la querelle après l’Unigenitus devient moins prégnante et dans le cadre du haut clergé, nous avons plus affaire avec une réflexion ecclésiologique. L’Unigenitus fait davantage émerger un épiscopalisme qu’un « jansénisme épiscopal », car au-delà des diversités d’approches morales et sacramentelles, ce qui réunit les prélats opposants à la Bulle mais aussi bon nombre d’autres appartenant à la majorité silencieuse, c’est bien la défense du droit des évêques et la conception éminente qu’ils ont de leur rôle dans l’Église.
92L’anti-infaillibilisme passionné de Noailles entraîne la consternation dans la Curie. On l’accuse de vouloir instaurer un nouveau dogme en s’appuyant sur les Quatre Articles de 1682. Ce texte, faisant oublier les atermoiements de l’archevêque, lui donne véritablement une stature de théologien et de défenseur acharné des libertés de l’Église gallicane148.
Transiger sur la foi pour donner la paix à l’Église ?
La conclusion des efforts du Régent et la récompense de Dubois
Accommoder, encore et toujours
93L’instruction pastorale de Noailles est vue à Rome comme une provocation supplémentaire. Condamné par la Curie, le texte jouit d’un grand retentissement en France. Enfin le plus prestigieux prélat du royaume s’engage pour la cause qu’il a si mollement défendue jusque-là ! Dorsanne rapporte que l’instruction fut même un succès de librairie : ceux qui ne lisent rien l’ont quand même lue149. Sans surprise, Colbert marque sa satisfaction lui aussi :
« J’ai lu, Monseigneur, avec une très grande satisfaction votre Instruction pastorale. […] Votre Éminence détruit parfaitement ce prétendu témoignage de l’Église universelle qui était leur grand argument, & avec lequel ils ont séduit véritablement beaucoup de monde150. »
94En 1717, le Régent voulait imposer le silence. En 1719, l’échec est patent. Comme Dorsanne, Colbert signale l’effet du texte de Noailles sur le public. Il a su séduire jusque dans le camp adverse, celui des constitutionnaires. Cela montre encore une fois que l’ecclésiologie est bien la question centrale de la querelle de l’Unigenitus et que nombre d’acceptations se sont faites au nom de la soumission au pouvoir temporel, autrement dit que la volonté du roi doit primer sur toute autre considération.
95Les prélats appelants assurent la diffusion du texte du cardinal. Hébert le fait imprimer dans son diocèse et le distribue à Bordeaux, Toulouse, Condom et Lectoure. Desmarets de Saint-Malo l’adopte pour ses recteurs et les supérieurs des maisons régulières151. Bissy, outré du succès de l’instruction de Noailles, en entreprend une réfutation pied à pied. Le Régent impose une nouvelle loi du silence le 5 juin 1719, mais qui a autant de succès que la précédente.
96La « Fille aînée de l’Église » ne peut pourtant admettre que son clergé soit divisé et Philippe d’Orléans poursuit inlassablement sa quête d’une position médiane qui réunirait tous les prélats. Les négociations vont bon train entre les cardinaux qui sont chargés de trouver ce juste milieu susceptible de mettre un terme au long déchirement de l’Église. Si Rome ne peut accepter formellement ce qui se fait à Paris, les efforts développés par le Régent pour ménager l’autorité pontificale trouvent grâce aux yeux de Clément XI, lequel laisse les rapprochements se faire sans y opposer de veto spirituel. Rohan, Bissy, Gesvres et Noailles reprennent leurs conférences pour aboutir à la rédaction d’un corps de doctrine suffisamment consensuel pour satisfaire l’ensemble des parties en présence. Cette fois, le Régent charge des intermédiaires plus discrets d’arriver au compromis tant désiré. L’abbé Dubois152, éminence grise du Régent, doit négocier avec l’abbé Couet, chanoine de Notre-Dame. Leur texte se fonde sur celui de 1716 et il est repris par Rohan et Bissy. Après une série d’entretiens entre l’archevêque de Paris et Philippe d’Orléans, la voie d’une solution semble s’ouvrir. L’idée d’une acceptation relative n’apparaît plus si gênante et Noailles lui promet qu’il signera le corps de doctrine si au moins quatre-vingts prélats l’acceptent. Après d’autres subtiles corrections du cardinal, le duc parvient enfin au but tant souhaité : le 13 mars 1720, il déclare : « J’ai bridé mes ânes153. » À la suite du corps de doctrine, on insère la Lettre approbative qui est la pièce clef de l’acceptation de ce nouveau précis154.
97Le corps de doctrine et sa lettre approbative sont relatifs à l’Instruction des Quarante. Par cette déclaration, le Régent ménage la susceptibilité du Saint-Siège et les défenseurs des libertés de l’Église gallicane. L’accommodement est une démarche politique plus que spirituelle.
Une victoire à la Pyrrhus
98Les efforts de Dubois et du Régent portent leurs fruits155. L’accommodement est finalement signé. Philippe d’Orléans espère y gagner la paix religieuse, son ministre y trouve des compensations plus concrètes. Il reçoit le plus riche évêché de France, le siège de Cambrai et peu après le chapeau rouge. C’est l’accomplissement des ambitions du fils de l’apothicaire briviste et le point d’orgue symbolique d’une phase des affaires de l’Église de France ouverte par la fulmination de la Constitution huit ans plus tôt. La mort de Clément XI, le 19 mars 1721, et l’arrivée sur le trône de Pierre d’Innocent XIII viennent clore l’épisode actif de la querelle ecclésiologique liée à l’Unigenitus ; l’accommodement a marqué une forme de conclusion satisfaisante pour l’essentiel du clergé de France.
99Même si beaucoup ont souscrit, tous les prélats n’ont pas été séduits par le corps de doctrine du Régent. Encore une fois la conciliation a été rendue vaine par la résistance de quelques-uns. Quatre-vingt-dix-huit prélats ont signé, mais pas Noailles, ni Dreuillet, ni Montmartin, ni même François de Malissoles, pourtant grand pourfendeur de jansénistes. Le schéma général du clergé de France se trouve une fois de plus reproduit. Sur les cent trente diocèses du royaume, la majorité se range aux décisions du pouvoir. Une trentaine y reste rétive, penchant soit pour un refus au nom de la défense des droits du Saint-Siège, soit pour le renoncement à ce que peut représenter cette tentative de compromis.
100Toutefois, le clergé de Paris n’est pas enthousiaste face à la conduite de son archevêque et les mécontents se multiplient. De nombreux libelles fustigent les reculades de Noailles et moquent cet arrangement qu’ils mettent en parallèle avec ses autres écrits. Les publications s’intensifient et toutes jugent avec sévérité ses insuffisances. Cette agitation est renforcée par l’invite de Noailles aux évêques appelants pour les inciter à le suivre dans sa démarche. On crie à la duplicité et une fois encore, il est sous le feu de nombreuses critiques.
Noailles accepte l’accommodement
101La déclaration du 4 août 1720 est la publication très officielle des négociations du mois de mars. Sous sceau royal, elle stipule que la Constitution reçue par les prélats doit être observée dans le royaume, que les appels au concile sont prohibés et ceux déjà interjetés déclarés nuls. Elle interdit aussi de se provoquer par des termes injurieux comme « novateurs », « jansénistes », « hérétiques » et affirme que les évêques sont seuls juges en matière de doctrine156.
102Pour que la cause soit enfin finie, il est nécessaire que Noailles publie un mandement d’acceptation. L’hésitant ne s’exécute qu’après moult pressions et déclare même à Philippe d’Orléans que « jamais acte de sa vie ne lui avait tant coûté et qu’il fallait qu’il aimât la paix et la tranquillité de l’État pour avoir passé sur tant de difficultés157 ». Le menaçant de le livrer au pape qui l’enfermerait au château Saint-Ange puis alternant avec des positions rassurantes sur l’avenir des appelants, le Régent arrache le texte à l’archevêque, le 16 novembre 1720158. Dans son contenu, Noailles se veut conciliant : il affirme que son seul but est de préserver les libertés de l’Église gallicane, ce qu’il a fait en refusant l’Instruction pastorale des Quarante et en publiant le corps de doctrine. Il multiplie les formules destinées à rassembler l’ensemble des tendances du clergé derrière lui. Il accepte la Bulle dans les mêmes termes que le Saint-Père, mais en suivant les explications des évêques de France et surtout il interdit que les fidèles ne donnent à la Constitution un autre sens que celui renfermé dans le document de 1720. Malgré tout, et à la différence de l’instruction de 1714, il n’y a aucune obligation pour les curés de le lire en chaire et il ne sera pas procédé par voie de droit contre ceux qui parleraient, écriraient ou enseigneraient contre la Constitution. En revanche, les possesseurs des Réflexions morales de Quesnel risquent des peines d’excommunication. Noailles manifeste dans ce texte sa volonté de conciliation entre les différentes tendances du clergé : ne pas frapper les opposants, ne pas affronter les constitutionnaires.
Le réappel, forces et faiblesses d’une nouvelle manifestation de l’opposition gallicane
103Le climat général d’accommodement dans le clergé n’est pas partagé par les premiers évêques appelants. En effet, dès la publication des lettres Pastoralis officii, les quatre évêques Soanen, Colbert, Langle et La Broue formulent un nouvel appel. L’année suivante, la situation est bien différente et Noailles se retrouve une nouvelle fois dans une position inconfortable159.
L’appel des lettres Pastoralis officii
104L’idée de la supériorité du concile et surtout son effet suspensif n’ont pas convaincu à Rome. Seuls les prélats gallicans s’y réfèrent. La résistance à cette nouvelle manifestation de la superbe romaine ne s’arrête pas aux premiers appelants. Malgré le consensus qui avait été dégagé, Noailles se range du côté de ses confrères de Montpellier, Senez, Boulogne et Mirepoix. Puis vingt autres évêques les imitent. L’accommodement et l’appel des lettres Pastoralis officii doivent être lus sous deux angles différents. Le premier est une question politique dont les orientations sont contestables d’après nombre de prélats, dont Gaston-Jean-Baptiste de Noailles de Châlons, mais cela ne regarde que la paix du royaume. Le second est essentiel car il met en jeu les rapports de pouvoir dans l’Église : si le pape ne respecte pas l’appel au concile, c’est qu’il affirme clairement qu’il ne se reconnaît plus aucune puissance supérieure. Les prélats gallicans sont eux les tenants d’une Église reposant sur la communion des évêques de la chrétienté, où chacun se pense comme successeur des apôtres et jouit ainsi de la plus parfaite égalité avec ses confrères, qu’ils soient pape ou cardinaux. C’est au sujet de la vision même de l’Église qu’il faut analyser la double action de l’archevêque de Paris, appelant et accommodant.
105L’appel, démarche juridique essentielle tant en droit civil qu’en droit canon, conduit nécessairement à préparer une justification devant l’instance supérieure. Colbert, Soanen, La Broue et Langle établissent un Mémoire dans lequel on fait voir la nécessité d’un concile général, pour remédier aux maux de l’Église, et où l’on déduit les motifs de l’Appel interjeté au futur concile de la Constitution de N. S. P. le pape, du 8. septembre 1713. Publié avec le mandement160 informant les Boulonnais de l’appel de leur évêque, le mémoire est une vaste entreprise de démonstration théologique anticonstitutionnaire. Divisé en deux parties très inégales, il entend prouver d’abord que la Bulle introduit des nouveautés contraires à la foi, à la morale et à la hiérarchie161, et qu’elles n’ont qu’un but : modifier la substance même de la foi et fonder en droit l’infaillibilité pontificale162.
Le réappel de 1720 : dernières manifestations théologico-juridiques d’un gallicanisme intransigeant
106Pendant que les quatre évêques et leurs séides campent fermement sur la position gallicane, le Régent, Bissy, Rohan, Gesvres et Noailles négocient l’accommodement que ce dernier se doit d’accepter. Avec les curés du diocèse de Paris, les quatre prélats manifestent une nouvelle fois leur opposition au projet en publiant le 12 septembre 1720 un nouvel appel. Si le 4 août 1720, Philippe d’Orléans était persuadé que la querelle était finie, il doit bien se rendre à l’évidence le mois suivant que ce n’est pas le cas.
107Le texte du renouvellement de l’appel est un réquisitoire sévère contre la politique de conciliation du Régent163. Depuis 1713, c’est en effet la menace du schisme que les évêques agitent sempiternellement. Sont schismatiques tous ceux qui ne s’alignent pas sur la position la plus outrée, ultramontaine ou gallicane. Du point de vue des appelants, ce sont les partisans de la bulle Unigenitus dont ils ont montré qu’ils étaient des novateurs. La tendance politique qui recherche la pacification du clergé prouve aussi que l’apostasie est sur le point de gagner tous les prélats164.
108La paix de l’Église définie par Philippe d’Orléans ne peut être acceptable aux yeux des évêques appelants car elle va contre le concile, s’y substitue et par conséquent trouble les esprits :
« Une paix, pour être solide, doit être concertée entre les Pasteurs qui travaillent d’un commun accord à dissiper les préventions, à éclaircir les difficultés, à concilier les esprits & à les réunir dans la condamnation des mêmes erreurs, & la possession des mêmes vérités165. »
109Si les appelants reconnaissent la validité des tractations entreprises par le Régent, ils n’en pensent pas moins que l’approche est trompeuse :
« Nous n’avons pas même été appelés pour conférer sur un Accommodement dans lequel il s’agit de notre cause ; rien ne Nous a été communiqué, que lorsqu’on a annoncé au public que cette prétendue paix était conclue.
À Dieu ne plaise que nos plaintes tombent sur le procédé personnel. Des Ministres d’un Dieu crucifié ne doivent être sensibles qu’aux plaies de l’Église. Mais malheur à Nous, si exerçant quoiqu’indignes, le Ministère des Prophètes, Nous souffrions en silence qu’on annonce la paix, où il n’y a point de paix ; & qu’on abandonne les vrais moyens de pacifier les troubles de l’Église166. »
110Le texte entend prouver une nouvelle fois que le concile est la seule solution juste et canonique pour régler la querelle de l’Unigenitus. La formule de réappel se présente comme une pièce supplémentaire à verser au dossier de condamnation de la Constitution. Les prélats y mentionnent encore toutes les erreurs et les contradictions engendrées par la Bulle. Ce sont les critères de hiérarchie dans l’Église qui sont en jeu, toujours ce gallicanisme teinté d’un conciliarisme rigoureux, qui arrive à la conclusion sévère :
« Ces défauts ajoutés à tant d’autres, font qu’on ne peut regarder la conclusion de cette prétendue paix, que comme un Acte abusif un Jugement porté sans examen & un Traité conclu sans autorité167. »
111En conséquence, l’accommodement est mal reçu par une partie du clergé de France. Pour l’abbé d’Asfeld, accepter la Constitution, même après la série de textes épiscopaux venus l’éclairer, c’est apostasier. À Paris, les prêtres se joignent au réappel des quatre évêques. Mais il n’y a que mille cinq cents réappelants dans le diocèse et le mouvement s’essouffle.
112Noailles, qui a souscrit à l’accommodement en novembre 1720, ne fait preuve envers eux d’aucune complaisance : leurs pouvoirs de prêcher et de confesser ne sont pas renouvelés et ils sont supprimés de la liste des ordinands. Son attitude semble indiquer qu’il a choisi dorénavant son camp et que la querelle va pouvoir s’éteindre rapidement.
113Désormais, les quatre évêques sont seuls à refuser la Bulle, mais ils soulignent à raison que le clergé est toujours très divisé sur la question de l’Unigenitus168. Néanmoins, il semble clair que l’accommodement marque une volonté de mettre fin à des querelles byzantines qui ne peuvent trouver de solutions mesurées et à la hauteur des relations diplomatiques.
« Louis cahin-caha » : les dernières hésitations du faible cardinal
De nouveaux blocages romains
114C’est à Rome que l’affaire rebondit une fois de plus. Clément XI conteste le principe de l’accommodement et critique fermement Noailles qui, dans son mandement pour la publication du corps de doctrine, avait insisté sur la nécessité des explications. Pour le pape, le cardinal ne souscrit pas à la Bulle, mais aux commentaires qu’il en donne, et se pose donc au-dessus de lui.
115La mort de Clément XI et l’arrivée d’Innocent XIII modifient de la donne. Ce dernier exige de Noailles une soumission franche et sincère, ce que l’on traduit aisément par une acceptation pure et simple des décrets de Clément XI, ainsi que le désaveu de l’appel et de l’instruction pastorale de 1719. À Rome comme à Paris, la situation du cardinal est des plus complexes. On le rend responsable de l’échec de l’accommodement et son crédit à la cour s’amenuise.
116Heureusement pour Noailles, Innocent XIII décède le 7 mars 1724. Le conclave choisit cette fois un pontife bien différent en la personne de Benoît XIII, dont les positions en faveur de la doctrine thomiste et augustinienne sont connues169. Il apparaît comme le seul de toute la Curie à pouvoir régler la crise née de l’Unigenitus en France. D’ailleurs, dès son élection, Noailles lui demande solennellement d’apporter des explications. Sa lettre du 1er octobre 1724 marque à la fois sa combativité mais aussi, et c’est assez rare, une certaine fermeté sur ses positions antérieures, puisqu’il déclare s’en tenir à l’accommodement de 1720 tout en précisant qu’il le fait « dans le même sens, dans le même esprit et dans les mêmes vues que le souverain pontife la reçoit et veut qu’on la reçoive170 ».
117Fortement impressionné par les bonnes dispositions du cardinal, le pape semble prêt à rendre la paix à l’Église171. Mais c’est sans compter avec l’hostilité croissante de la curie romaine. En effet, nombre de cardinaux, en particulier Fabroni, demandent d’abord que Noailles s’explique sur son instruction pastorale de 1719, préalable impératif avant toute hypothétique évolution pontificale – c’est la teneur du bref du 5 décembre 1724 dont l’archevêque de Paris prend connaissance le jour de Noël. Benoît XIII lui demande de faire pression sur son clergé, pour l’inciter à obéir aux décisions de l’Église et à rendre au Saint-Siège le respect qui lui est dû.
Le second accommodement
118La réaction de Noailles est vive. Il refuse toute explication. Dans une lettre à son émissaire romain, le père de Graveson, il déclare que son instruction pastorale ne constitue pas, contrairement à une bulle, un décret dogmatique de l’Église universelle, et que les cardinaux n’en ont jamais spécifié les points litigieux. Il rédige ensuite douze articles qu’il envoie au pape. Il les considère comme la pensée même de saint Augustin et de saint Thomas, devant être considérés comme les commentaires des points contestables sur la grâce et le libre arbitre. Pour lui, ce texte doit constituer la base d’un nouveau consensus potentiellement admissible par toutes les parties en présence. Il apparaît aussi essentiel à ses yeux que l’acceptation ne signifie en aucune manière la rétractation de l’instruction pastorale de 1719. À Rome, on n’oublie pas que le fond de la querelle est essentiellement ecclésiologique, et qu’aucun accommodement politique ne pourra être trouvé s’il n’y a pas d’accord sur le fond théologique.
119Les oppositions sont fortes à la cour où l’ancien évêque de Fréjus et précepteur du roi, André Hercule de Fleury, tente de résorber la crise172. Soutenu par Rohan et Bissy, Fleury contre autant qu’il le peut la tentative de réconciliation de Noailles. Selon lui, le « thomisme » n’est que le manteau orthodoxe sous lequel l’erreur janséniste173 se dissimule et son collègue Languet174, le très zélé évêque de Soissons, craint que l’archevêque de Paris ne joue de sa piété et de la rigueur de son sacerdoce pour faire passer dans ce compromis des doctrines qu’il réprouve. Le clergé de France est divisé et le retour à l’ordre doit passer soit par une acceptation pure et simple des décisions romaines, ce que le camp gallican et augustinien ne peut admettre ; soit par une soumission aux décisions royales ce qui revient à subordonner la foi et les règles de doctrine aux contingences politiques.
120Toujours prompt à interpréter les signes du ciel, Noailles reçoit une confirmation inattendue de la légitimité de ses positions. Le 23 juin 1725, Anne La Fosse guérit miraculeusement d’une suite d’hémorragies au passage du saint sacrement. Dans sa correspondance avec le père de Graveson, il affirme que Dieu a donné la preuve de la justesse du combat et du soutien divin à la cause – le Christ lui-même déclare à son vicaire la sainteté du diocèse et l’inanité des mesures prises contre Paris175.
121Irrités par le nouveau retournement de Noailles, Rohan, Bissy et Fleury prennent l’initiative d’écrire au Saint-Père pour lui faire part de leur crainte de voir Noailles rentrer en grâce et avec lui, des erreurs condamnées par les bulles de Clément XI et de ses prédécesseurs. Une nouvelle fois, ils demandent que l’archevêque de Paris rétracte son instruction de 1719 et qu’il se soumette pleinement au Saint-Siège. Ainsi, les têtes de l’Église de France se jettent dans les bras du pape pour préserver l’ordre public. L’Église gallicane attend son salut d’une décision ultramontaine. Mais d’une certaine façon, c’est montrer au pontife que comme successeurs des apôtres, ils ont eux aussi leur avis à donner sur le gouvernement de l’Église. Benoît XIII, très agacé de l’attitude des cardinaux français, se résout à accepter leur conseil et à dénoncer l’attitude équivoque de Noailles176.
Une soumission tant attendue : Noailles accepte enfin la Bulle
122Vieillissant, le cardinal de Paris est de plus en plus sensible aux pressions exercées par ses proches, en particulier son neveu le duc de Noailles et sa nièce la maréchale de Gramont. Manipulés depuis la cour par Fleury, ils tentent de faire admettre à leur oncle que la soumission aux décisions de Rome est la seule solution pour gagner le ciel et que seule une révocation de ses écrits antérieurs peut lui garantir une absolution complète177. La frayeur de l’archevêque se renforce lorsqu’il se rend compte que le jubilé de l’année sainte ne pourra être célébré à Paris parce qu’il ne reçoit pas la Bulle. Ses protestations à Rome restent sans réponse et sa solitude devient de plus en plus douloureuse.
123Cédant enfin à son entourage, Noailles se résout à accepter la Constitution dans le même sens que l’assemblée du clergé de 1714 et il interdit aux fidèles de conserver chez eux l’instruction pastorale de 1719. C’est une victoire totale pour les constitutionnaires. Chez leurs opposants, cette mesure est vue comme « une palinodie rampante et un acte de repentir très humiliant sur le passé178 ». Noailles s’est incliné, et avec lui cède le verrou de l’épiscopalisme militant qu’il défendait. La lutte contre les évêques récalcitrants et sa défaite ouvrent une voie royale au richérisme. Les curés de Paris protestent et sous la conduite du grand théologien Nicolas Petitpied, ils lui démontrent l’irrecevabilité de la Bulle, toujours au nom de la doctrine du syndic Richer179 :
« Ils [les curés] ne peuvent oublier que, tenant la place des 72 disciples comme les évêques tiennent celle des apôtres, rien ne serait plus opposé au ministère de la parole dont ils sont chargés que de prêcher le oui et le non dans la chaire de vérité180. »
124Et de déclarer que le concile est le « remède unique à toutes les plaies de l’Église181 ». Puisqu’aucun évêque n’est en mesure de défendre la doctrine gallicane, les curés prennent le relais et commencent à contester jusqu’à leur place dans la hiérarchie ecclésiale. Effrayés par cet élan, beaucoup de prélats se détachent de l’appel pour revenir dans le giron du pouvoir et avoir ainsi les moyens de combattre plus efficacement les prétentions des prêtres. La défense des libertés de l’Église gallicane est donc affaire de relais successif. Quand les évêques se sont tus, les voix des curés se font entendre, puis après 1750, lorsque la répression contre le richérisme bat son plein, c’est le Parlement qui s’arroge le droit de défendre le gallicanisme plus fortement182.
125Le Parlement condamne les prêtres et l’archevêque de Paris reste ferme dans son acceptation. La victoire semble acquise : le prélat se soumet enfin après quatorze ans d’une lutte sans relâche. Le cardinal, pourtant soumis, se soulève une nouvelle fois contre le pouvoir en prenant parti pour Soanen, déposé par le concile d’Embrun. C’en est trop. Appuyé par la maréchale de Gramont, Fleury réussit à convaincre Noailles que son excommunication est à l’étude au Sacré Collège. La décision est quasiment immédiate. L’archevêque rentre dans l’obéissance à Rome mais il la tempère par une enquête sur les miracles du diacre Pâris qui commencent au cimetière Saint-Médard183.
126Les tractations entre Rome et Paris se multiplient pour que Noailles réintègre pleinement le giron de l’Église. Aux yeux de Fleury, il ne faut pas qu’un tel homme meure dans des dispositions ambiguës. Il serait pour ses partisans un symbole beaucoup trop dangereux. À Rome, Noailles est considéré comme un rebelle, son âge et son caractère influençable ne sont plus pris en compte et la Curie veut faire un exemple en le frappant très fortement. Les cardinaux exigent une soumission pleine et entière et non une acceptation de pure forme. Une fois n’est pas coutume, Fleury tempère, déclarant ne pas rechercher « ce qui serait le plus parfait, mais […] voir ce qui est possible et en même temps le plus convenable par rapport aux lieux et aux personnes184 ».
127Le mandement d’acceptation de Noailles est publié le 10 octobre 1728 et le texte est affiché dans les rues de Paris le 23. L’archevêque en atténue l’effet en rendant public simultanément un texte écrit le 22 août précédent. Il y affirme que sa décision ne remet aucunement en cause ce qu’il a fait jusqu’à présent pour la défense de la vérité et il proteste par avance de tout acte qui serait contraire à la Lettre des douze évêques au roi185. Fleury stigmatise aussitôt la duplicité de son collègue et exige de lui quatre lettres adressées au roi, à ses confrères, au pape et enfin une pour lui-même.
128Dans la missive envoyée à Rome, Noailles écrit :
« J’ai rempli ma promesse, j’ai fait ce que je devais et que vous avez exigé de moi, j’ai fait publier et afficher dans cette ville capitale et dans tout le diocèse de Paris la constitution Unigenitus avec le mandement que j’envoie à Votre Sainteté. Les sentiments intérieurs que j’éprouve me font comprendre combien il est doux et avantageux à un fils docile d’être uni d’esprit et de cœur à son père conjointement avec ses frères et de penser non seulement comme lui, mais encore de parler le même langage que lui186. »
129Le 9 novembre 1728, le pape lui répond :
« J’ai grande confiance en vous, j’ai grand sujet de me glorifier de vous […]. Je n’ai point vu l’intérieur de votre cœur mais j’ai ouï vos paroles qui en sont les témoins assurés187. »
130Après Noailles, c’est maintenant Fleury qui est critiqué par la Curie. Les cardinaux lui reprochent d’être trop conciliant avec le vieil archevêque et surtout ils craignent que son instruction pastorale sur son acceptation ne vienne de nouveau tout remettre en cause et que l’on y trouve des propositions qui pourraient malmener l’autorité du Saint-Siège. La mort de l’archevêque de Paris, le 4 mai 1729, met fin au problème, mais ne lève aucunement les ambiguïtés sur ses sentiments profonds. Dans une lettre qu’il écrit au cardinal Corradini, Fleury confesse :
« Il avait une connaissance si confuse et si embrouillée qu’il ne put prononcer le symbole avant que de recevoir le saint viatique et il n’a pas été en état de prononcer une seule parole de suite sur ses sentiments dans lesquels il mourut188. »
131Pour les amis de Port-Royal, les revirements constants du cardinal de Paris s’expliquent par l’événement traumatique de la destruction de l’abbaye des Champs. Au moment où son jugement était en débat à Rome, Noailles confiait son malheur à une janséniste fervente, Mlle de Joncoux qui n’hésitait pas à lui rétorquer : « Que voulez-vous, Dieu est juste, Monseigneur, les pierres de Port-Royal vous retombent sur la tête189. » L’attitude du cardinal serait la conséquence de la tension entre les aspirations profondes de sa spiritualité et les impératifs politiques et pastoraux liés à sa charge d’archevêque de Paris.
132Son décès marque la fin des hésitations. Dès son annonce, le diocèse de Paris est confié à Charles Gaspard de Vintimille du Luc dont la mission est de faire rentrer l’évêché dans le giron de l’orthodoxie et de l’épurer des éléments jansénistes trop perturbateurs. Vintimille doit prendre le contre-pied de son prédécesseur, ce qui n’est guère simple. L’épiscopat de Noailles a été marqué par des revirements permanents et une absence totale de ligne politique. Influençable et aimant la paix par-dessus tout, il a flotté d’une rive à l’autre de l’Église de France, trahissant les port-royalistes pour aller frayer avec les ultramontains et mieux revenir ensuite au gallicanisme et à la défense des positions rigoristes et antiromaines.
133Personnage central de la querelle et du haut clergé du royaume, le cardinal archevêque de Paris est absolument incontournable dans le paysage ecclésiastique des années 1710-1720. L’épiscopat de Noailles a été l’occasion de débats multiples et ses hésitations ont permis de mettre en place un dispositif argumentatif obligeant les parties en présence à formuler leur pensée et à définir leurs règles de foi. Il a adopté une posture complexe tout au long de son épiscopat. Sans être vraiment janséniste, n’a-t-il pas été celui qui a détruit Port-Royal ? Il n’en est pas plus ultramontain, comme le prouvent ses demandes incessantes pour que le pape s’explique sur la Bulle ou qu’il accepte les commentaires du clergé de France. Représente-t-il pour autant ce fameux « tiers parti », rigoriste et gallican, mais éloigné des excès des jansénistes et des évêques zelanti ? Les démêlés de l’archevêque de Paris avec Rome et la cour soulignent plus qu’il est nécessaire les liens inextricables entre pouvoir et religion dans la France du début du xviiie siècle.
134La période comprise entre la réception de la Bulle et la mort de l’archevêque de Paris fait émerger une particularité de l’épiscopat français : sans être hostile à Rome, les premiers pasteurs du royaume sont fidèles à leur gouvernement et surtout entendent être le plus éloignés possibles des points de rupture que certains individus essayent de promouvoir. Aucune décision spirituelle ne peut être prise si elle n’est pas jugée à l’aune de ses conséquences temporelles. Le corps de doctrine rédigé en 1720 est la preuve manifeste de cette volonté conciliatrice à l’œuvre dans les plus hautes sphères du pouvoir. La force de l’épiscopat est sa souplesse, sa capacité à s’adapter aux positions du gouvernement, sans pour autant changer le fond de la pratique et la structure. La querelle de l’Unigenitus pose plus qu’aucune autre la question du nicodémisme politique190. Se soumettre pour ne pas avoir à céder sur l’essentiel, telle pourrait être la devise des prélats de France. Malheur à qui ne cède pas !
Notes de bas de page
1 BnF, ms. fr. 17748, fol. 71, lettre du chancelier Voysin au cardinal de Rohan du 6 février 1714.
2 Bibliothèque de la Société de Port-Royal (maintenant BPR), LP 687 = 1, Délibérations de l’Assemblée des Cardinaux, Archevêques et Évêques, Tenue à Paris en l’année 1713 & 1714, Sur l’Acceptation de la Constitution en forme de Bulle de Notre Saint Père le Pape Clément XI, portant condamnation de plusieurs propositions extraites d’un Livre imprimé en Français & divisé en plusieurs tomes, intitulé : Le Nouveau Testament en Français, avec des Réflexions Morales sur chaque verset…, s. l., 1714, p. 195. Les pages suivantes donnent la liste des signataires de la déclaration du cardinal de Noailles. Il s’agit de d’Hervault de Tours, Béthune de Verdun, Clermont de Laon, Noailles (le frère du cardinal) de Châlons-sur-Marne, Soanen de Senez, Langle de Boulogne, Desmarets de Saint-Malo et Dreuillet de Bayonne.
3 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 100.
4 Chaunu P., Foisil M., Noirfontaine F. de, Le Basculement religieux de Paris au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1998 ; Maire C., De la cause de Dieu à la cause de la nation. Le jansénisme au xviiie siècle, Paris, Gallimard, 1998.
5 Ysoré d’Hervault M., Mandement de Mgr l’archevêque de Tours sur la Constitution Unigenitus, s. l., 1714.
6 BPR, LP 1277 = 1, Noailles L.-A. de, Mandement de Son Éminence Monseigneur le Cardinal de Noailles, Archevêque de Paris, portant défense et condamnation du Nouveau Testament en Français, avec des Réflexions morales sur chaque verset, & c…, dans Recueil de pièces touchant les Prélats qui refusent d’accepter la Constitution Unigenitus de Notre Saint Père le Pape, Clément XI, du huitième septembre 1713, Portant condamnation du Nouveau Testament du Père Quesnel, s. l., 1714, p. 1-2.
7 Blet P., Le Clergé de France, op. cit., p. 441.
8 BPR, LP 1277 = 2, Ysoré d’Hervault M., Mandement de Monseigneur l’Archevêque de Tours, Matthieu Ysoré d’Hervault…, s. l. n. d., p. 1-2.
9 Blet P., Le Clergé de France, op. cit., p. 498-505.
10 Noailles L.-A. de, Lettre pastorale et Mandement de Son Éminence le Cardinal de Noailles, Archevêque de Paris, au sujet de la Constitution de Notre Saint Père le Pape du 8. Septembre 1713, Paris, J.-B. Coignard, 1714, p. 4.
11 Maire Catherine, « Les jansénistes et le millénarisme. Du refus à la conversion », Annales. Histoire, sciences sociales, t. 63, n° 1, 2008, p. 7-36.
12 Noailles L.-A. de, Lettre pastorale et mandement de son eminence Monseigneur le cardinal de Noailles… Au sujet de la constitution de Nôtre Saint-Père le Pape, du 8. septembre 1713, s. l. n. d., p. 4 ; Cottret Monique, « Aux origines du républicanisme janséniste : le mythe de l’Église primitive et le primitivisme des Lumières », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 31, 1984, p. 99-115.
13 Noailles L.-A. de, Lettre pastorale et mandement de son eminence Monseigneur le cardinal de Noailles, … Au sujet de la constitution de Nôtre Saint-Père le Pape, du 8. septembre 1713, op. cit., p. 5.
14 Ibid., p. 4.
15 Ibid., p. 6.
16 Ibid.
17 BPR, LP 1277 = 4, Noailles G.-J.-B. de, Lettre pastorale et Mandement de Monseigneur l’évêque de Châlons-sur-Marne au sujet de la Constitution de Notre Saint Père le Pape, du 8 septembre 1713, s. l. n. d., p. 2-3.
18 Ibid., p. 3.
19 Ibid., p. 6-7.
20 BPR, LP 1277 = 4, Langle P. de, Lettre pastorale et Mandement de Monseigneur l’Évêque de Boulogne au sujet de la Constitution de Notre Saint Père le Pape, du 8 Septembre 1713, s. l. n. d., p. 53-54.
21 Pour Mgr d’Hervault et le cardinal de Noailles, le décret de condamnation intervient le 26 mars 1714. Les deux mandements reçoivent des qualifications lourdes, dans le Décret fait et publié par ordre de Notre Saint Père le Pape Clément XI portant condamnation des Mandements de Son Éminence Monseigneur le Cardinal de Noailles & de Monseigneur l’Archevêque de Tours, au sujet de la Constitution de Sa Sainteté, du 8 Septembre 1713, s. l. n. d., p. 65 (BPR, LP 1277 = 3). Les lettres pastorales de Noailles et de Langle sont en plus considérées comme « approchant du schisme, & y induisant, erronées & sentant l’hérésie », dans Décret de N. S. P. le pape Clément XI portant condamnation des Mandements de Messeigneurs les Évêques de Boulogne, de Châlons-sur-Marne, & de Bayonne, s. l. n. d. [2 mai 1714], p. 95 (BPR, LP 1277 = 4).
22 Archives secrètes du Vatican, Epistolæ ad Principes, 90, fol. 47 v°-49 (cité par Blet P., Les Nonces du pape à la cour de Louis XIV, op. cit., p. 284).
23 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 109.
24 Saint-Simon L. de, Mémoires, op. cit., t. 4, p. 893.
25 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 160.
26 Ibid.
27 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 111.
28 Ibid. Voir Bentivoglio C., Istoria della Costituzione Unigenitus, op. cit., p. 125-126.
29 Blet P., Histoire de la représentation diplomatique du Saint-Siège, des origines à l’aube du xixe siècle, Rome, Archivio Vaticano, 1982.
30 La Tour d’Auvergne E.-T. de, cardinal de Bouillon, Mémoire sur les cardinaux qui, par leur âge et leurs autres qualités, sont aujourd’hui regardés les plus papables, envoyé au roi, le 25 juin 1698 (cité par Le Roy A., La France et Rome de 1700 à 1715, op. cit., p. 79) : « Comme il est très attaché à la conservation des prérogatives du Saint-Siège, je suis persuadé que, s’il devenait pape, il les défendrait avec fermeté. »
31 Le confesseur évoque le cas de Mgr Bargellini, nonce apostolique de 1668 à 1671 qui quitte Paris sans la barrette rouge, Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 109. Voir Blet P., Les Nonces du pape à la cour de Louis XIV, op. cit., p. 57-76.
32 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 109.
33 Grès-Gayer J. M., Théologie et pouvoir en Sorbonne. La faculté de théologie de Paris et la bulle Unigenitus, 1714-1721, Paris, Klincksieck, 1991.
34 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 112.
35 Ibid., p. 119.
36 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 170-171.
37 Blet P., Le Clergé du Grand Siècle en ses assemblées, op. cit., p. 458-459.
38 Lettre du cardinal Paolucci au nonce apostolique Bentivoglio (cité par Blet P., Le Clergé du Grand Siècle en ses assemblées, op. cit., p. 458).
39 Blet P., Les Nonces du pape à la cour de Louis XIV, op. cit., p. 286.
40 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 173-176.
41 Ibid., p. 176. Il semble que cette tendance négociatrice soit menée par le cardinal de Polignac qui multiplie les allers-retours entre Noailles et Rohan.
42 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 153-154.
43 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 179.
44 Ibid., p. 179-180.
45 Ibid., p. 180 : « À raison de la pourpre le cardinal relevait immédiatement du Saint-Siège. Le livrer au pape, c’était, selon les règles, l’envoyer à son juge naturel. »
46 Lettre du père Thimothée au père Gaillande, du 14 décembre 1714, cité par Le Roy A., La France et Rome, op. cit., p. 609.
47 Payan P., Entre Rome et Avignon. Une histoire du Grand Schisme (1378-1417), Paris, Flammarion, 2009, p. 253-274.
48 Pialoux A., Négocier à Rome au xviiie siècle : ambassade et ambassadeurs du Roi Très Chrétien dans la cité pontificale (1724-1757), thèse d’histoire, univ. Paris IV, 2009.
49 Blet P., Le Clergé de France, op. cit., p. 529-575.
50 Saint-Simon L. de, Mémoires, op. cit., t. 4, p. 893-894.
51 Saint-Simon L. de, Additions au journal de Dangeau, dans Mémoires, op. cit., t. 4, p. 1036.
52 Blet P., Le Clergé du Grand Siècle en ses assemblées, op. cit., p. 466.
53 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 160.
54 Héricourt L. de, Les Lois ecclésiastiques de France dans leur ordre naturel, et une analyse des livres du droit canonique conférés avec les usages de l’Église gallicane, Paris, Le Mercier, 1756, p. 100.
55 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 165.
56 Laurent Marcel, « Massillon et le cardinal de Bissy », dans Ehrard J., Poitrineau A. (dir.) Études sur Massillon, Institut d’études du Massif central, 1975, p. 79-98.
57 Lettre de Mlle de Joncoux à Mgr Gaston de Noailles, du 17 juillet 1714, dans Weaver E., Mademoiselle de Joncoux. Polémique janséniste à la veille de la bulle Unigenitus, Paris, Le Cerf, 2002, p. 280.
58 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 158.
59 Lettre de Mgr Soanen, évêque de Senez, au cardinal de Noailles, du 2 janvier 1715, dans Gaultier J.-B., La Vie et les lettres de Messire Jean Soanen, évêque de Senez, Cologne, aux dépens de la Compagnie, 1750 (désormais Vie et lettres de Soanen), t. 1, p. 32.
60 Cornette J., La Mort de Louis XIV : apogée et crépuscule de la royauté, Paris, Gallimard, 2015 ; Petitfils J.-C. (dir.), Le Siècle de Louis XIV, Paris, Perrin, 2015.
61 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 221.
62 Petitfils J.-C., Le Régent, Paris, Fayard, 1986.
63 Lemarchand L., Paris ou Versailles ? La monarchie absolue entre deux capitales, 1715-1723, Paris, CTHS, 2014, p. 63-65.
64 Dupilet A., La Régence absolue. Philippe d’Orléans et la polysynodie (1715-1718), Seyssel, Champ Vallon, 2011.
65 Ibid., p. 114-115.
66 Ibid., p. 172-195.
67 L’abbé Dorsanne rapporte avec émotion les refus successifs de Louis XIV de voir paraître le cardinal à Versailles alors qu’il est mourant et que l’archevêque est l’ordinaire du lieu (Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 219). Voir Taveneaux R., Jansénisme et politique, Paris, A. Colin, 1965, p. 145-163.
68 Saint-Simon L. de, Mémoires, op. cit., t. 5, p. 651-652.
69 Ibid., p. 652.
70 Feutry D., Guillaume-François Joly de Fleury (1675-1756), Un magistrat entre service du roi et stratégies familiales, Paris, École des chartes, 2011.
71 Bisson de Barthélemy P., Les Joly de Fleury, procureurs généraux au Parlement de Paris au xviiie siècle, Paris, Société d’éditions d’enseignement supérieur, 1964. La recension de l’ouvrage par Michel Antoine insiste sur la dimension janséniste de l’engagement du procureur Joly de Fleury (Bibliothèque de l’École des chartes, t. 123, n° 2, 1965, p. 612-614).
72 Saint-Simon L. de, Mémoires, op. cit., t. 5, p. 653.
73 Ibid., p. 648-649.
74 Buvat J., Journal de la Régence (1715-1723), Campardon É. (éd.), Paris, Plon, 1865, t. 1, p. 104.
75 Lettre de Mgr Soanen à M. le comte de Pontchartrain, du 20 septembre 1715, dans Gaultier J.-B., Vie et lettres de Soanen, op. cit., t. 1, p. 40-41.
76 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 216.
77 Duranthon A., Collection des procès-verbaux des assemblées du clergé de France, op. cit., t. 6, col. 1491-1492, 1497, voir Arch. nat., G8 674* pour l’ensemble des débats.
78 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 223.
79 Saint-Simon L. de, Mémoires, op. cit., t. 4, p. 895-897.
80 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 219-220.
81 Ibid., p. 226-238.
82 Ibid., p. 235.
83 Geneste P., Monseigneur de Caylus (1669-1754), évêque d’Auxerre, le « défenseur de la Vérité », op. cit.
84 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 234-235.
85 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 242.
86 Ibid., p. 244.
87 Sieben Hermann-Josef, « Dimensions historiques de l’idée de concile », Recherches de Science Religieuse, t. 93, n° 2, 2005, p. 195-214.
88 Lange Tyler, « Gallicanisme et Réforme : le constitutionnalisme de Cosme Guymier (1486) », Revue de l’histoire des religions, t. 226, n° 3, 2009, p. 293-313.
89 BnF, ms. fr. 10670, p. 35, 45, 106 et 107 (cité par Carreyre J., Le Jansénisme durant la Régence, Louvain, Bureaux de la Revue, 1929-1933, t. 1, p. 76).
90 Dainville-Barbiche Ségolène de, « Autour du gallicanisme politique. La réception en France des bulles, brefs et autres expéditions de la cour de Rome, de Louis XV à Bonaparte (xviiie siècle-1802) » dans Quantin J.-L., Waquet J.-C. (éd.), Papes, princes et savants dans l’Europe moderne. Mélanges à la mémoire de Bruno Neveu, Genève, Droz, 2007, p. 143-160 et en particulier p. 148.
91 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 255.
92 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 253.
93 Ibid., p. 268-271.
94 Marais M., lettre du 2 juin 1728, dans Journal et mémoires de Mathieu Marais, avocat au parlement de Paris, sur la Régence et le règne de Louis XV (1715-1737), Paris, Firmin Didot, 1863-1868, t. 3, p. 549.
95 Carreyre J., Le Jansénisme durant la Régence, op. cit., t. 2*, p. 30.
96 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 262.
97 BnF, ms. fr. 23211.
98 Lafitau P.-F., Histoire de la constitution Unigenitus, op. cit., p. 271.
99 Thomas J.-F., La Querelle de l’Unigenitus, op. cit., p. 109.
100 Les pressions sont importantes, un certain nombre de conseillers au Parlement propose de résoudre la crise par une révocation du concordat de Bologne et de faire élire les évêques par le peuple. Solution refusée par le Régent mais qui est à la base du schisme d’Utrecht. Cottret M., Histoire du jansénisme, op. cit., p. 158.
101 Barbier E. J. F., Journal historique et anecdotique du règne de Louis XV, éd. Arthur de la Villegille, Paris, Renouard, 1847, t. 1, p. 57.
102 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 285.
103 Lettre du cardinal Paolucci au cardinal de Rohan, du 26 janvier 1717 (cité par Carreyre J., Le Jansénisme durant la Régence, op. cit., t. 1, p. 133).
104 Lettre de Mgr Soanen à Mlle de Jaucour sur la conduite du cardinal de Noailles, dans Gaultier J.-B., Vie et lettres de Soanen, op. cit., t. 1, p. 30.
105 Lettre de Mgr Colbert à Mgr l’évêque de Mirepoix, du 25 mai 1715, dans Recueil des lettres de messire Charles Joachim Colbert, évêque de Montpellier, Cologne, aux dépens de la Compagnie, 1740 (désormais Lettres de Colbert), t. 1, p. 25-26.
106 Ibid. : « Je suis donc en tout & par tout de votre avis sur tout. »
107 Lettre de Mgr Colbert à Mgr l’évêque de Châlons-sur-Marne, du 6 mars 1716, dans Lettres de Colbert, op. cit., t. 1, p. 31.
108 Lettre de Mgr Colbert à Mgr l’évêque de Châlons-sur-Marne, du 10 mars 1716, dans Lettres de Colbert, op. cit., t. 1, p. 32.
109 Lettre de Mgr Soanen à Mgr l’évêque de Montpellier, du 19 octobre 1715, dans Gaultier J.-B., Vie et lettres de Soanen, op. cit., t. 1, p. 41.
110 Ibid., p. 42.
111 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 290-291.
112 Ibid., p. 313.
113 Lettre de Mgr Colbert au père Quesnel, du 20 décembre 1716, dans Lettres de Colbert, op. cit., t. 1, p. 33.
114 Grès-Gayer J. M., Théologie et pouvoir en Sorbonne, op. cit., p. 56-57.
115 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 323.
116 Nivelle G.-N., La Constitution Unigenitus déférée à l’Église Universelle, ou Recueil des Actes d’Appel interjetés au futur concile général de cette constitution et des Lettres Pastoralis Officii, Cologne, Aux dépens de la Compagnie, 1757, t. 1, p. 17.
117 Ibid., p. 15.
118 Ibid., p. 16-19.
119 Les quatre évêques s’inspirent en revanche beaucoup des positions d’Antoine Arnauld et de Pierre Nicole dans leur traité sur les libertés de l’Église gallicane ; Arnauld A., Nicole P., Défense des libertés de l’Église gallicane contre les thèses des jésuites soutenues à Paris dans le collège de Clermont, le 12 décembre 1661, adressée à tous les parlemens de France, s. l. n. d. [1661].
120 Cottret M., Histoire du jansénisme, op. cit., p. 158.
121 Grès-Gayer J. M., Théologie et pouvoir en Sorbonne, op. cit., p. 58.
122 Carreyre J., Le Jansénisme durant la Régence, op. cit., t. 1, p. 146.
123 Lettre conjointe de MM. les évêques de Mirepoix, de Senez, de Boulogne, et de Montpellier à M. le duc d’Orléans, du 5 mars 1717, dans Lettres de Colbert, op. cit., t. 1, p. 36.
124 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 325.
125 Lettre conjointe de MM. les évêques de Mirepoix, de Senez, de Boulogne et de Montpellier au cardinal de Noailles, du 5 mars 1717, dans Lettres de Colbert, op. cit., t. 1, p. 37.
126 Dinet Dominique, Dinet-Lecomte Marie-Claude, « Les appelants contre la bulle Unigenitus d’après Gabriel-Nicolas Nivelle », Histoire, économie & société, t. 9, n° 3, 1990, p. 365-389 ; eid., « Les jansénistes du xviiie siècle d’après les recueils des actes d’appel de Gabriel-Nicolas Nivelle », Jansénisme et Révolution. Chroniques de Port-Royal, n° 39, 1990, p. 47-63.
127 Dès 1718, nombreux sont les curés de Paris à s’engager dans la voie de l’appel au concile. Dainville-Barbiche S. de, Devenir curé à Paris. Institutions et carrières ecclésiastiques (1695-1789), Paris, PUF, 2005, p. 153-154.
128 L’annonce de la décision de l’évêque de Verdun est faite en chaire le jour de la Toussaint 1717. Simiz S., Prédication et prédicateurs en ville, xvie-XVIIIe siècles, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2015, p. 294.
129 Dinet Dominique, Dinet-Lecomte Marie-Claude, « Les jansénistes du xviiie siècle d’après les recueils des actes d’appel de Gabriel-Nicolas Nivelle », art. cit., p. 53.
130 Lettre de Mgr Colbert à M. Louail, du 21 février 1718, dans Lettres de Colbert, op. cit., t. 1, p. 47.
131 Polastron L. de, Milon L., Hébert F., Acte d’Appel de Messeigneurs les illustrissimes et révérendissimes évêques de Lectoure, de Condom, et d’Agen, au pape mieux informé & au futur concile général de la Constitution de N. S. P. le Pape Clément XI du 8. Septembre 1713 qui commence par ses mots Unigenitus Dei Filius, Paris, J.-B. Delespine, 1718.
132 La carte a été réalisée par la mise en perspective des mandements épiscopaux soutenant l’appel de 1717 et pour les diocèses où rien n’a été fait par les prélats, nous avons suivi La Tour de Babel ou la division des Évêques de France qui ont eu part à la Constitution Unigenitus depuis l’année 1714, pour servir de plan à une histoire des variations au sujet de cette bulle, s. l. n. d. (BPR, LP 425 = 7).
133 Saint-Simon L. de, Mémoires, op. cit., t. 7, p. 304-306.
134 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 362.
135 Pour un récit complet et précis des faits, voir les pages de Françoise de Noirfontaine dans Chaunu P., Foisil M., Noirfontaine F. de, Le Basculement religieux de Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 153-177.
136 Neveu B., L’Erreur et son juge. Remarques sur les censures doctrinales à l’époque moderne, Naples, Bibliopolis, 1993.
137 Languet de Gergy J.-J., Première instruction pastorale, contenant le premier avertissement de Monseigneur l’évêque de Soissons à ceux qui, dans son Diocèse, se sont déclarés appelants de la constitution Unigenitus, Paris, Veuve Mazières, 1718.
138 Ibid., p. 241.
139 L’évêque de Soissons a publié une série de trois avertissements mais ne limite pas sa production polémique à ces ouvrages. Il fait suivre ces livres de deux instructions pastorales intitulées Instruction pastorale de monseigneur l’évêque de Soissons, adressée à madame de *** où il montre quel est le parti le plus sûr dans la contestation présente au sujet de la constitution Unigenitus, puis Instruction pastorale de monseigneur l’évêque de Soissons dressée en faveur de madame la marquise de *** où il montre quel est aujourd’hui le parti le plus sûr. Les deux textes ont été publiés l’un à la suite de l’autre sans lieu d’édition en 1719.
140 Noailles L.-A. de, Mandement de Son Éminence Monseigneur le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, pour la publication de l’Appel qu’il a interjeté le 3 avril 1717…, s. l. n. d. [24 septembre 1718], p. 1-2.
141 Il s’agit de MM. d’Angoulême, de Bayonne, de Boulogne, de Montpellier, de Pamiers, de Senez, de Dax, d’Auxerre, de Saint-Malo, d’Agen, de Condom, de Laon, de Châlons-sur-Marne, de Mâcon, de Mirepoix, de Verdun, de Lectoure et de l’ancien évêque de Tournai, François Caillebot de la Salle.
142 Ces critères sont les suivants : examen, conformité dans le sens, unanimité, ordre canonique et notoriété.
143 Noailles L.-A. de, Première instruction pastorale de Son Éminence le cardinal de Noailles, archevêque de Paris au clergé séculier et régulier de son diocèse, sur la Constitution Unigenitus, s. l., 1719, p. 92.
144 Ibid., p. 109.
145 Guilbaud Juliette, « Une bulle, des princes ecclésiastiques, l’empereur : ou comment l’Unigenitus fut reçue dans le Saint-Empire », Port-Royal au xixe siècle, Chroniques de Port-Royal, n° 65, 2015, p. 411-428.
146 Noailles L.-A. de, Première instruction pastorale de Son Éminence le cardinal de Noailles, archevêque de Paris au clergé séculier et régulier de son diocèse, sur la Constitution Unigenitus, op. cit., p. 136-142.
147 Ibid., p. 144-145.
148 BnF, ms. fr. 23318, fol. 228, lettre de Mgr de Béthune, évêque de Verdun, au cardinal de Noailles, du 14 février 1719.
149 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 452.
150 Lettre de Mgr Colbert au cardinal de Noailles, du 18 mars 1719, dans Lettres de Colbert, op. cit., t. 1, p. 54.
151 Chaunu P., Foisil M., Noirfontaine F. de, Le Basculement religieux de Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 167.
152 Chaussinand-Nogaret G., Le Cardinal Dubois, 1656-1723, Paris, Perrin, 2001, p. 103-108 ; Dupilet A., Le Cardinal Dubois. Le génie politique de la Régence, Paris, Tallandier, 2015.
153 Marais M., Journal et mémoires de Mathieu Marais, op. cit., t. 1, p. 267.
154 Thomas J.-F., La Querelle de l’Unigenitus, op. cit., p. 142.
155 Dupilet A., Le Cardinal Dubois, Le génie politique de la Régence, op. cit.
156 Il était fait référence à l’article 30 de l’édit de 1695 sur la juridiction ecclésiastique.
157 Nouvelles ecclésiastiques du 15 novembre 1720, article de Paris, p. 42-43.
158 Noailles L.-A. de, Mandement de son éminence monseigneur le cardinal de Noailles, archevêque de Paris. Pour la publication & acceptation de la constitution Unigenitus, suivant les explications approuvées par un très-grand nombre d’évêques de France, Paris, J.-B. Delespine, 1720.
159 Soanen J., Langle P. de, La Broue P. de, Colbert de Croissy Ch.-J., Acte d’Appel des IV Évêques des Lettres Pastoralis Officii, dans G.-N. Nivelle, La Constitution Unigenitus déférée à l’Église universelle, t. 1, p. 75-76.
160 Langle P. de, Mandement de Monseigneur l’Évêque de Boulogne pour la publication de l’Acte par lequel il interjette Appel conjointement avec Messeigneurs les Évêques de Mirepoix, de Senez, & de Montpellier, au futur concile général des Lettres de N. S. P. le pape Clément XI adressées à tous les Fidèles, publiée à Rome le 8 septembre 1718. Et renouvelle l’appel déjà interjeté de la Constitution Unigenitus, Avec un mémoire qui en déduit les motifs, Paris, F. Babuty, 1719.
161 Pierre de Langle souhaite montrer que l’Unigenitus introduit des nouveautés sur les sujets de la grâce efficace par elle-même, sur la prédestination, sur les différents états de la nature humaine, sur la nécessité de l’amour de Dieu et les règles de la pénitence et, pour finir, sur la puissance ecclésiastique.
162 Mémoire dans lequel on fait voir la nécessité d’un concile général, pour remédier aux maux de l’Église, & où l’on déduit les motifs de l’Appel interjeté au futur concile de la Constitution de N. S. P. le Pape, du 8. Septembre 1713, s. l. n. d., p. 166 : « Les clefs n’ont jamais été appelées les Clefs du Pape, ni d’un Évêque en particulier ; mais toujours les Clefs de l’Église. »
163 Nivelle G.-N., La Constitution Unigenitus déférée à l’Église Universelle, op. cit., t. 1, p. 483.
164 Ibid., p. 484.
165 Ibid.
166 Ibid.
167 Ibid., p. 490.
168 Ibid., p. 484.
169 Malcor F., L’Ascension du cardinal de Fleury (1653-1726), thèse d’histoire, univ. Paris-Sorbonne, 2016, p. 551-563.
170 Noailles L.-A. de, Lettre de Son Éminence monseigneur le cardinal de Noailles, archevêque de Paris à N. S. P. le Pape Benoit XIII, du 1er octobre 1724, s. l. n. d., p. 17.
171 Pialoux Albane, « Le cardinal de Polignac face à Benoît XIII : négocier l’accommodement du cardinal de Noailles », Collection de l’École française de Rome, t. 433, 2010, p. 271-294, 441-442.
172 Hardy G., Le Cardinal de Fleury et le mouvement janséniste, Paris, H. Champion, 1925.
173 Arch. du ministère des Affaires étrangères, Mémoires et documents, Rome, 84, fol. 118.
174 Dawson N.-M. (dir.), Crise d’autorité et clientélisme. Mgr Jean-Joseph Languet de Gergy et la bulle Unigenitus, Sherbrooke, Les Fous du roi, 1997.
175 BnF, ms. fr. 23222, fol. 57, lettre du cardinal de Noailles au père de Graveson, du 12 juin 1725.
176 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 2, p. 264-266.
177 Ibid., p. 437.
178 Louail J.-B., Cadry J.-B, Histoire du livre des Réflexions Morales, op. cit., t. 4, p. 681.
179 Cottret Monique, « Edmond Richer (1559-1631) : le politique et le sacré » dans Méchoulan H. (dir.), L’État baroque. Regards sur la pensée politique de la France du premier xviie siècle (1610-1652), Paris, Vrin, 1985, p. 159-177 ; Denis Philippe, « Edmond Richer, protestant malgré lui ? », dans Mckenna A., Pitassi M.-C., Magdelaine M., Whelan R. (dir.), De l’humanisme aux Lumières, Bayle et le protestantisme. Mélanges en l’honneur d’Élisabeth Labrousse, Paris-Oxford, Voltaire Foundation, 1996, p. 343-358 et id., Edmond Richer et le renouveau du conciliarisme au xviie siècle, Paris, Le Cerf, 2014.
180 BPR, LP 432 = 76, Mémoire présenté par trente curés de la ville de Paris, s. l., 1727, p. 19.
181 Ibid., p. 20.
182 Tallon A., Conscience nationale et sentiment religieux en France au xvie siècle, op. cit., p. 148.
183 Maire C., Les Convulsionnaires de Saint-Médard. Miracles, convulsions et prophéties à Paris au xviiie siècle, Paris, Gallimard-Julliard, 1985.
184 Arch. du ministère des Affaires étrangères, Mémoires et documents, Rome 56, fol. 289.
185 Dorsanne A., Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 2, p. 463-465.
186 BnF, ms. fr. 6951, fol. 275, copie d’une lettre du cardinal de Noailles du 23 octobre 1728.
187 Ibid., fol. 283.
188 Arch. du ministère des Affaires étrangères, Mémoires et documents, Rome 57, fol. 299 sq.
189 Gazier C., Les Belles Amies de Port-Royal, Paris, Perrin, 1930, p. 217.
190 Le nicodémisme est dénoncé par Calvin lors de la Réforme. Il reproche à ceux qu’il invective de dissimuler leur foi afin de se protéger. Dans le cadre de la querelle de l’Unigenitus, ce sont les sentiments sur la Bulle qu’il faut masquer afin de ne pas gêner une carrière dans le haut clergé.
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