Introduction
p. 21-51
Texte intégral
1À la Libération, les populations de la France et de l’Italie sont encore en large partie composées de paysans. Ces derniers sont les protagonistes de deux films, sortis en 1946-1947, amenés à se distinguer dans plusieurs festivals internationaux : Farrebique de Georges Rouquier1 et Chasse tragique de Giuseppe De Santis2. En dehors de leur dimension artistique, ces longs métrages nous intéressent ici essentiellement parce qu’ils témoignent de deux façons différentes d’observer et de représenter les campagnes à la sortie du conflit, période où celles-ci sont sur le point de connaître des transformations radicales. Cette différence de point de vue renvoie à deux manières de poser la question agraire à l’échelle d’un pays, c’est-à-dire à deux manières de concevoir le rôle du secteur primaire dans les équilibres économiques et la place des ruraux dans la nation. L’évocation de ces films nous paraît donc pertinente pour introduire les enjeux que sous-tend la coopération agricole et pour parler des transformations à l’œuvre dans le monde paysan depuis la fin du xixe siècle, perçues à travers cette pratique.
2Sorti en 1946, le film français Farrebique, de Rouquier, se situe à la limite du documentaire et de la fiction. Il fait évoluer des acteurs non professionnels, qui s’expriment en occitan et jouent leurs propres rôles. Ceux-ci mettent en scène la vie quotidienne de la ferme qui donne son titre au film, près de Goutrens dans l’Aveyron. Le centre de l’action réside dans l’exploitation familiale en tant qu’exemple de famille-souche où le cadet, encore célibataire, rêve de moderniser la ferme qu’il devra néanmoins quitter, alors que l’aîné, seul héritier, se préoccupe du dédommagement de son frère et des remembrements possibles. Isolés dans une région éminemment rurale, les paysans de Farrebique s’inscrivent dans les mécanismes de parenté et de sociabilité villageoise traditionnels. Dans cet univers, aucune forme de spécialisation productive n’est évoquée, chaque unité productive mettant en avant son autonomie et les associations de type professionnel ou économique se distinguant par leur absence. L’isolement des campagnes et l’individualisme ancré du métier d’agriculteur sont les véritables protagonistes du film.
3Dans l’Italie du néoréalisme, encouragé par le succès de Chasse tragique, son premier long métrage, qui sort en 1947, Giuseppe De Santis enchaîne avec le tournage de Riz amer. Le réalisateur, grâce à ce film, deviendra internationalement célèbre, mais ici c’est son premier long métrage qui nous intéresse. Avec la plaine du Pô des années de la reconstruction en toile de fond, Chasse tragique raconte l’histoire des paysans de la coopérative Nullo Baldini – du nom du célèbre leader socialiste de la période préfasciste – qui s’occupent de déminer, de bonifier et de mettre en culture les terres d’un grand propriétaire toujours absent mais dont le pouvoir est incarné à l’échelle locale par les contremaîtres. Au centre de l’action, se trouve le vol de la somme nécessaire à la société pour payer le bail et éviter ainsi l’expulsion du domaine. Les coopérateurs se lancent donc à la poursuite de la bande responsable du hold-up, parviennent à récupérer l’argent et enfin démasquent le plan monté contre eux par les contremaîtres. Si le film alimente le rêve d’une agriculture moderne et de nouvelles formes collectives d’organisation, il met avant tout en scène les paysans pauvres en tant que groupe conscient de sa force et capable de se révolter contre les anciens mécanismes de subordination.
4Deux points de vue différents sur le monde rural et deux manières de concevoir la renaissance des campagnes après la Deuxième Guerre mondiale se dégagent ainsi des films que nous venons d’évoquer : à l’individualisme de l’exploitant français, fier de défendre son autonomie, s’oppose la mobilisation générale de la paysannerie italienne qui prend la parole après des siècles d’oppression. Dans quelle mesure ces représentations, sans doute schématiques, émanent-elles d’éléments concrets ? Peut-on considérer qu’elles rendent compte des deux histoires dont elles sont le produit ? Comment les utiliser dans une perspective comparative, sans tomber dans la caricature de réalités naturellement plus complexes ?
Les coopératives comme terrain et les bornes chronologiques de l’étude
5Géographiquement proches, vers la moitié du xxe siècle, les campagnes françaises et italiennes semblent pourtant être aux antipodes les unes des autres. Malgré les différences, profondes, un regard attentif peut discerner plusieurs points de proximité, voire de convergence, entre les deux trajectoires nationales en ce qui concerne la coopération agricole. À cette fin, nous avons choisi d’interroger ce phénomène dans la mesure où il nous est apparu comme l’observatoire privilégié des transformations et des évolutions du monde paysan et du secteur agricole.
6Dans la présente étude, les coopératives agricoles ont donc été adoptées non seulement comme objet – bien défini et borné – dont il faut retracer les différentes étapes de l’évolution mais surtout en tant que terrain où l’on peut suivre les pratiques d’un vaste univers d’acteurs. Considérer les coopératives uniquement comme un objet aurait limité nos observations à cette forme particulière d’entreprise sur l’arc temporel pris en compte et avec les transformations du secteur primaire en arrière-plan. Les aborder en tant que terrain d’étude suppose, au contraire, de leur porter un regard plus approfondi, au-delà de la perspective purement institutionnelle. Cela implique, en effet, de faire de ce phénomène le miroir des dynamiques socioéconomiques en cours dans les campagnes. Cette approche demande également d’intégrer le point de vue des acteurs qui se servent des coopératives et qui se les approprient selon leurs préoccupations, les conflits dans lesquels ils sont engagés et leurs stratégies individuelles comme collectives. Seule la combinaison de ces deux approches permet de saisir la complexité des pratiques coopératives, sur la longue durée, et d’établir des comparaisons, synchroniques ou diachroniques, pour dégager des continuités et des ruptures, des convergences et des bifurcations qui caractérisent l’histoire de la coopération agricole en France et en Italie.
7Au-delà des spécificités nationales et régionales, la tendance traditionnelle est d’interpréter l’histoire des coopératives à partir des trajectoires qu’elles ont suivies. Cette démarche conduit à opposer deux sortes de modèles de développement. D’un côté, la coopération venant d’en bas serait le moyen d’organisation autonome des producteurs démunis, en réponse à leur isolement. De l’autre côté, la coopération imposée d’en haut consisterait en un instrument qui, entre les mains des instances extérieures (administration, firmes agroindustrielles, etc.), serait mis au service de l’encadrement des paysans : il s’agirait donc d’une sorte de déviance et de trahison par rapport au véritable esprit coopératif. Cependant, dans cette dichotomie entre trajectoires d’en bas et d’en haut, une frontière nette reste en définitive difficile à tracer et, dans les faits, on constate une coexistence perpétuelle de préoccupations et de logiques différentes, voire apparemment contradictoires. Si chaque histoire coopérative montre des spécificités, le présent ouvrage se propose d’aller à la recherche des conditions et des facteurs qui orientent la trajectoire des coopératives agricoles, dans des contextes et des territoires variés mais aussi à des échelles différentes.
8Alors que les études précédentes ont surtout privilégié les aspects institutionnels et politiques, il s’agit ici d’aller vers une histoire économique et sociale des coopératives agricoles, en partant des pratiques des coopérateurs. Cette perspective nous amène à revenir sur un certain nombre de représentations courantes. D’une part, il est question de dépasser la vision traditionnelle du paysan individualiste et incapable de s’associer spontanément en dehors de sa communauté d’origine, alors qu’il semble plutôt adopter une attitude pragmatique à l’égard de l’outil coopératif. D’autre part, il s’agit de remettre en cause l’image idéalisée d’une coopération totalement horizontale et démocratique, alors qu’au-delà des modèles théoriques la réalité des choses est toujours prise dans un labyrinthe d’interrelations complexes, où les véritables enjeux se posent en termes de rapports de pouvoir et de domination. En définitive, cette nouvelle manière d’interpréter les coopératives fait d’elles le révélateur de « la marche hésitante et autonome de chaque société vers le progrès agricole3 », en vertu de la position privilégiée que celles-ci parviennent à occuper au cœur du système agraire de chaque territoire.
9Selon la définition proposée par Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, le système agraire est le produit des interrelations qui, dans un espace donné, opèrent entre l’écosystème cultivé et le système social productif4. Cette conception réactualise l’importance des structures et des régimes agraires en tant qu’instruments capables de rendre compte d’« un ensemble complexe à la fois de recettes techniques et coutumes juridiques5 » qui règlent la vie des communautés rurales. Aboutissement des interactions complexes entre régime foncier, modes de possession et de faire-valoir, pratiques culturales, organisation du travail et bien d’autres facteurs encore, ces « prisons de longue durée6 » orientent de manière cohérente les pratiques des acteurs. L’hypothèse que nous allons approfondir réside donc dans la question de savoir comment et dans quelle mesure les systèmes agraires contribuent à forger les formes de l’action collective, alors que celles-ci doivent ensuite négocier leur institutionnalisation en fonction des opportunités et des contraintes fixées par la législation, par les pouvoirs publics, par les encouragements de l’État ou d’autres institutions. Nous nous identifierons donc, ici, essentiellement le conditionnement d’ordre agraire qui pèse sur chaque trajectoire coopérative.
10L’arc temporel défini pour notre étude est significatif à la fois pour l’histoire rurale dans son ensemble et pour l’histoire des coopératives. Du point de vue de l’histoire rurale, les bornes chronologiques se situent entre la crise agricole des années 1880 et le début des années 1950, au seuil de la grande transformation des campagnes et de l’« Europe agricole ». Du point de vue de l’histoire des coopératives, elles vont de la naissance des premières sociétés agricoles à la fin du xixe siècle au moment de la formalisation d’un statut spécifique et autonome pour les coopératives, devenues entre-temps un outil essentiel de la modernisation du secteur. Au cours de cette période, notre attention s’est concentrée sur l’émergence et le développement des formes de l’action collective, perçue comme l’instrument, plus ou moins autonome, d’une organisation et d’une prise de parole de la part des agriculteurs. Institutions intermédiaires entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques, ainsi qu’entre le centre et la périphérie, les coopératives agricoles apparaissent ainsi comme le fil conducteur nous permettant de suivre les évolutions des campagnes au cours de cette longue phase de transition sur plus d’un demi-siècle et à travers plusieurs conjonctures nerveuses qui, pour reprendre la démarche d’Ernest Labrousse7, ont l’avantage de rendre évidentes les structures sociales et économiques subjacentes, comme le montre, en particulier, le cas du latifondo sicilien, qui est au centre de la deuxième partie de notre travail.
11Les approches traditionnelles, majoritairement intéressées par le versant politique du phénomène, ont interprété les parcours des coopératives à la lumière des principales étapes de l’histoire nationale. En France, par exemple, l’effort de synthèse réalisé par Pierre Barral et centré autour de la thèse de l’unité agrarienne suscite des débats mais reste la référence toujours citée8. Portée par l’idée d’une solidarité agricole contre les pressions extérieures et facilitée par la crise de la fin du xixe siècle, la diffusion des coopératives se fait sous l’emprise des autorités locales, à savoir les notables ou les fonctionnaires de l’administration républicaine, dont l’opposition renvoie au fameux conflit entre les fédérations de la rue d’Athènes et celles du boulevard Saint-Germain. L’entrée progressive de l’État dans la gestion du secteur voit en même temps l’émergence d’une nouvelle élite dirigeante, issue de la paysannerie et capable de s’affirmer au sein des organismes économiques grâce à la place acquise par le syndicalisme professionnel. En Italie, au contraire, les récits qui relatent les origines de la coopération tendent à mettre en avant l’élan mutualiste et l’ancrage dans les luttes sociales des masses rurales subalternes, qui, dans les années précédant la Première Guerre mondiale, arrivent à constituer un système d’institutions économiques d’assistance à l’échelle communale9. Animé par les forces socialistes et par celles du catholicisme social, ce mouvement se heurte à la prise du pouvoir par le fascisme en 1922. De ce point de vue, l’entre-deux-guerres a longtemps été présenté comme une sorte d’intermède destiné à rendre vaine toute initiative d’organisation autonome, tandis qu’une véritable renaissance serait devenue possible avec la Libération.
12Comme nous venons de le dire, ces deux manières de présenter les trajectoires nationales de la coopération agricole focalisent l’attention sur les aspects institutionnels et politiques de l’histoire du mouvement. Les temporalités sociales et économiques restent en marge dans la plupart des travaux existants10 ; c’est au contraire précisément sur les rythmes et les cycles de la transformation des campagnes que nous souhaitons ici modeler l’histoire des coopératives agricoles. Certains travaux font bien sûr exception et méritent d’être cités car ils lancent des pistes de réflexion que nous aurons l’occasion de reprendre par la suite.
13Ainsi, dans le cadre de ses analyses sociologiques sur les organisations agricoles françaises, Paul Houée parle de trois âges pour les pratiques associatives, qui correspondent à autant d’étapes dans le secteur primaire11. Le premier âge commence avec la loi de 1884 sur les syndicats professionnels et se termine en 1920 avec la création de la Caisse nationale de crédit agricole. Il correspond au moment de l’ouverture progressive d’un monde auparavant isolé, qui voit des initiatives de nature locale se juxtaposer à des conflictualités d’ordre idéologique venant de l’extérieur. Les associations suivent cette transition, en même temps économique et sociale, et subissent les influences politiques. Le deuxième âge, de 1920 à 1950, voit les agriculteurs pris entre pratiques pluriactives et velléités de spécialisation, alors que le basculement des équilibres les oblige à se trouver une nouvelle place. Les coopératives se confirment ici en tant qu’outil participant à la régulation des marchés : non seulement elles garantissent une protection contre la pression des intermédiaires mais elles permettent aussi de saisir les opportunités commerciales qui s’offrent à elles. Le troisième âge accompagne l’accélération des années 1950, qui modifie les univers ruraux du point de vue technique, économique, social et contribue de même au renouvellement de la mission des organisations agricoles, confrontées à des contextes et des enjeux inédits12.
14Si Paul Houée propose une trajectoire concernant l’ensemble du secteur agricole, Geneviève Gavignaud-Fontaine envisage, au contraire, une périodisation construite à partir d’une expérience et d’un territoire précis. S’intéressant au cas des caves coopératives du Languedoc-Roussillon, elle parvient à éviter l’écueil de se cantonner à une branche spécifique et finit par avancer des hypothèses qui investissent l’histoire des coopératives agricoles dans son ensemble. Ici aussi, trois phases sont envisagées. La première phase, dite progressiste, se situe entre le début du siècle et la Première Guerre mondiale. Elle est marquée par des crises qui mettent en évidence le disfonctionnement des marchés agricoles et voit émerger les premières formes d’action collective, « coulées dans le moule syndical13 » et capables de fédérer les agriculteurs contre les pressions exercées par d’autres acteurs de la filière. Dans la deuxième phase, dite productiviste et qui dure jusqu’aux années 1960, l’intensification des pratiques culturales est la priorité, et les coopératives deviennent un instrument de centralisation des opérations d’accompagnement technique, de transformation et de commercialisation afin de garantir de meilleures récoltes et la protection des prix en faveur des sociétaires. Dans le Midi viticole, par exemple, les caves coopératives se diffusent de manière massive, une large majorité de producteurs y adhérant dans les années 1960-1970. Après l’éclatement en un grand nombre d’initiatives locales, vers la fin de cette période, des processus de managérialisation et de concentration des structures conduisent à l’émergence progressive d’un nombre limité d’organismes, plus puissants14. Cependant, une fois passée l’« ivresse » de l’industrialisation et de la modernisation agricole dont elles ont été un des fers de lance à l’échelle locale, les coopératives sont confrontées au tournant qualitatif de la troisième phase. Face aux crises de surproduction et à la chute des prix des denrées de base, le critère de la qualité est en effet érigé comme un rempart possible permettant de garantir la valeur du produit. Une fois encore, les coopératives relèvent le défi posé par un contexte changeant et, dans les années qui suivent, elles s’engagent dans des opérations de labellisation ou dans la promotion de nouvelles formes de vente directe.
15En définitive, retracer la genèse et le développement des coopératives agricoles se confirme ici comme une manière détournée de parler de la transformation des campagnes françaises et italiennes, au cours de la première moitié du xxe siècle. Nous allons aborder cette étude par deux approches correspondant aux deux parties qui articulent le présent ouvrage. La première partie considère les coopératives comme un espace de comparaison mais ne se limite pas à mettre en parallèle deux histoires nationales. Elle focalise l’attention sur les enjeux communs, qui dépassent les frontières de chaque pays, et s’ouvre ainsi à des problématiques transnationales permettant de dégager des dynamiques plus générales à l’échelle des univers agricoles de l’Europe sud-occidentale. La deuxième partie se penche, au contraire, sur le cas spécifique de la Sicile et notamment sur la région du latifondo céréalier, dont le caractère exemplaire et nullement anecdotique – mais nous reviendrons par la suite sur cet aspect – met à l’épreuve d’un espace défini le questionnement initial autour du poids des systèmes agraires sur les pratiques de l’action collective. L’articulation des différentes échelles est ici une manière de faire dialoguer le regard d’ensemble des perspectives macro avec le regard dans le détail des perspectives micro, alors que celles-ci ont souvent été présentées comme deux manières séparées de reconstruire l’histoire des coopératives15.
Aperçu historiographique autour de l’étude des coopératives agricoles en Italie et en France
16Plusieurs auteurs ont souligné la disproportion entre l’importance du mouvement coopératif, avec des milliers de sociétés actives et des millions d’adhérents mobilisés, et les faiblesses de la production historiographique spécifiquement consacrée à l’exploration du phénomène16. Le manque d’un programme de recherche systématique sur ce thème reste d’ailleurs évident, quelques exceptions méritant toutefois d’être signalées17. Plusieurs études riches et documentées ont été publiées au cours des années, mais leur caractère fragmenté témoigne d’une tendance à limiter les recherches aux initiatives exceptionnelles, aux circonstances spécifiques, aux travaux à vocation locale ou en réponse à des demandes institutionnelles18.
17De plus, dans le secteur agricole comme dans d’autres domaines de l’économie, l’histoire des coopératives a longtemps et avant tout été une histoire du mouvement coopératif, c’est-à-dire un récit décliné, d’un côté, en termes de débats et de controverses tant internes que tournées vers l’extérieur et centré, de l’autre côté, sur les trajectoires des élites et des groupes dirigeants. L’ample développement des pratiques associatives à la fin du xixe siècle a donc attiré l’attention, mais il a finalement conduit une focalisation sur la question de la politisation des campagnes et de l’entrée progressive des masses rurales dans l’histoire nationale19. Dès lors, l’histoire des coopératives a longtemps été subordonnée à celle des conflits politiques et idéologiques qui l’ont traversée – le clivage entre socialistes et catholiques en Italie, ou celui entre républicains et notables conservateurs en France, qui recoupent d’ailleurs les thématiques transversales du corporatisme, du ruralisme et de l’agrarisme20 –, voire a mis en avant une histoire institutionnelle écrite sous l’angle des structures fédératives, régionales ou nationales, et de leurs figures majeures21. Il s’agit là d’un regard partiel, permettant d’identifier des réseaux et des systèmes d’interactions mais qui finit par privilégier les protagonistes les plus visibles d’un phénomène beaucoup plus complexe et contradictoire dans ses manifestations concrètes, car, comme le rappelle Ronald Hubscher, dans un article de La politisation des campagnes, à propos des organisations professionnelles en milieu rural – mais la considération vaut également pour les coopératives –, « l’adhésion syndicale, sauf si elle est forcée, n’implique nullement un choix politique22 ».
18Cependant, dans l’introduction à ce même ouvrage, Maurice Agulhon observe qu’« un autre aspect de la politisation consiste à donner une interprétation politique (et à proposer des solutions politiques) à des conflits et à des enjeux, eux, réellement présents23 ». En participant à la coopérative, les paysans acquièrent une nouvelle conscience collective qui se distingue de l’identité communautaire et qui dépasse les anciennes formes d’entraide liées à la parenté et au voisinage. Leur rapport aux institutions se modifie : ils accèdent à un nouvel espace de discussion, ils votent, ils prennent conscience de la force de l’association, ils abandonnent à la fois attitudes passives et réactions violentes mais ponctuelles pour s’orienter progressivement vers la découverte de l’action collective, raisonnée et inscrite dans la durée.
19Après avoir suscité l’intérêt des chercheurs, européens ou non, au cours des années 1960-197024, aujourd’hui, « le rapport entre modernisation, intégration et politisation devient ainsi l’un des fils conducteurs efficaces pour suivre l’évolution sociale et politique des campagnes européennes25 », comme le suggère Gilles Pécout dans un bilan historiographique centré sur quatre pays. Il ne s’agit donc plus seulement de chercher les éléments d’une éducation à la politique, les coopératives pouvant devenir le terrain où se joue la possibilité de sortir d’une condition de subordination à la fois sociale et économique. Autant d’éléments qui nous encouragent à nous concentrer sur les acteurs à l’échelle locale, c’est-à-dire sur les agriculteurs qui adhérent aux sociétés et sur les raisons qui les animent.
20En Italie, l’histoire des conflits sociaux et du mouvement paysan qui a longtemps monopolisé les études sur les formes collectives d’organisation dans les campagnes. Appliqué à un contexte marqué par la misère et la subordination des classes populaires, cet angle a souvent conduit à une exagération de la place des pratiques associatives, du fait de leur participation aux trajectoires émancipatrices des masses exploitées. Nous retrouvons souvent cette sensibilité dans l’histoire des coopératives écrite par des auteurs proches des familles politiques progressistes, notamment celles d’inspiration socialiste et communiste, mais aussi dans des travaux qui s’intéressent au mouvement social catholique, dans la lignée des recherches de Mario Romani et Sergio Zaninelli26. Le cas des coopératives agricoles est ici exemplaire : elles sont observées en tant qu’instrument mis au service des luttes, et cette fonction contribue à éclipser, ou du moins à mettre au second plan, tous les autres aspects de cette forme particulière d’entreprise. L’activité ordinaire des sociétés opérantes à l’échelle locale est peu considérée, dans la mesure où elle n’est pas orientée vers des objectifs perçus comme nobles. Par exemple, les consorzi agrari se sont constitués sous la forme de coopératives dès la seconde moitié du xixe siècle afin de poursuivre la mission modernisatrice des comices agricoles et de toucher l’ensemble des provinces italiennes. Leur activité était de nature fondamentalement professionnelle et s’ancrait dans les dynamiques de l’agriculture locale. Elle a pourtant, jusqu’à présent, suscité de trop rares travaux, concentrés, de plus, sur la période où ils étaient subordonnés aux pouvoirs publics et où leur fédération était sous l’emprise du fascisme27.
21Cependant, il ne faut pas oublier que ces organismes se trouvent à l’arrière-plan des débats historiographiques qui parcourent les années 1970 autour du rôle des élites, de l’administration et des autres institutions dans le développement économique italien28. Comment les intérêts des différents groupes sociaux se sont-ils harmonisés dans la nouvelle nation et dans quelle mesure l’équilibre atteint a-t-il préparé la crise de l’État libéral ainsi que l’avènement de la voie corporatiste portée par le fascisme ? Tels étaient les questionnements qui animaient ce débat et qui ont en parallèle amené l’historiographie italienne à nouer un dialogue constant avec des recherches conduites dans d’autres pays européens, notamment autour des formes de sociabilité et de représentation des groupes professionnels. À partir des années 1980, l’histoire des classes populaires et subalternes a ainsi laissé la place à un renouvellement des études qui se sont montrées beaucoup plus attentives à situer les pratiques de l’action collective du point de vue des élites agrariennes et dans un horizon technocratique29.
22Dès lors, si cette riche littérature porte une attention particulière aux aspects sociaux et politiques du phénomène associatif, l’histoire économique des coopératives agricoles reste, elle, à écrire30, sauf pour de rares exceptions, par exemple en ce qui concerne le domaine de la coopération rurale de crédit31. Une telle histoire a non seulement vocation à compléter les recherches existantes grâce à de nouvelles informations, mais conduirait également à la remise en cause de chronologies jusqu’à présent établies à partir de la seule temporalité politique. La période de l’entre-deux-guerres, par exemple, se trouverait ainsi réinterrogée en ce qui concerne ses continuités et ses ruptures, ce qui permettrait de dépasser l’hypothèse d’une suspension brutale entre une période de dynamisme et une période de renaissance, à la Libération32.
23La sensibilité sociale et le recul historique de la tradition italienne de l’économie agraire compensent en partie le faible intérêt porté aux coopératives agricoles en tant que forme spécifique d’entreprise, au cœur de la relation entre les paysans et les marchés. Sans rentrer dans des détails sur lesquels nous reviendrons par la suite, il nous suffit de rappeler qu’Arrigo Serpieri – le chef de file de cette école dans les années 1920-1930 – accorde une attention particulière à ce phénomène dans plusieurs de ses travaux, notamment dans le manuel destiné aux enquêtes de terrain qui servira de repère à toute une génération de chercheurs sur le domaine agricole33. La question des pratiques associatives en tant qu’élément destiné à influencer la modernisation des campagnes constitue d’ailleurs une préoccupation constante des enquêtes menées dans le cadre de l’Istituto nazionale di economia agraria (INEA), fondé en 1928. Cela est particulièrement évident dans les travaux de Giovanni Lorenzoni – figure sur laquelle nous reviendrons dans la mesure où il est l’auteur d’une vaste monographie sur la Sicile – qui publie, au début du xxe siècle, la version italienne de sa thèse sur la coopération agricole, réalisée à Berlin à partir du cas du mouvement coopératif allemand34. Après la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle génération de protagonistes – tels que Manlio Rossi-Doria, Emilio Sereni et Giuseppe Medici – s’engage dans les débats scientifiques sur la politique agricole, poursuivant les directions déjà ouvertes et portant un intérêt particulier aux évolutions plus récentes des pratiques coopératives en tant qu’instrument au service de la modernisation des campagnes, comme l’attestent plusieurs ouvrages de synthèse sur l’histoire de l’agriculture italienne depuis l’unification de 186135.
24Le regard institutionnel des experts et des fonctionnaires est, à l’opposé, l’axe central à partir duquel a été écrite l’histoire du mouvement coopératif dans l’agriculture en France. Plusieurs figures proposent des mises en perspective historiques après avoir elles-mêmes participé en tant qu’acteurs à l’administration, tant publique que professionnelle, du secteur. Parmi les exemples les plus évidents, méritent surtout d’être cités Michel Augé-Laribé, dont la carrière l’amena à occuper plusieurs fonctions à différents niveaux, puis, plus tard, André Hirschfeld36. Auteur, au début du xxe siècle, d’enquêtes de terrain menées pour le compte du Musée social auprès des ouvriers viticoles du Languedoc, Augé-Laribé est secrétaire, au cours de l’entre-deux-guerres, de la Confédération nationale des Associations agricoles. Dès 1935, il représente la France auprès de l’Institut international d’agriculture et, jusqu’en 1947, il dirige le Service d’Études et de Documentation du ministère de l’Agriculture. Cette trajectoire personnelle a fait qu’il a longtemps été considéré comme l’historien de la politique agricole en France, en vertu de plusieurs ouvrages sur ce sujet jusqu’au livre paru en 1950 se présentant comme une sorte de synthèse finale de ses recherches37. Dans ces divers travaux, une attention particulière est toujours portée aux associations de défense professionnelle et aux organisations coopératives, présentées comme un instrument indispensable d’accompagnement de l’exploitation paysanne et de modernisation du secteur agricole, capable de faire coexister les nécessités d’une réforme sociale et celles de la rationalisation productive.
25Au cours de la première moitié du xxe siècle, Michel Augé-Laribé contribue à orienter la réflexion sur le mouvement coopératif agricole au même titre que Charles Gide influence les débats d’ordre plus général sur la coopération comme « troisième voie » s’inscrivant en rupture avec l’économie politique classique38. Ce dernier, grâce à l’écho que lui garantit le « foyer doctrinal » de l’École de Nîmes, participe à la circulation des idées sur les pratiques associatives dans l’approvisionnement, la transformation et la commercialisation des produits agricoles. S’il défend la nature individuelle de l’exploitation agricole contre les élans collectivistes, Charles Gide voit dans l’action coordonnée de la coopération, du syndicalisme et du mutualisme la solution pouvant servir de « complément et remède à la révolution agraire », en vue du progrès social et de l’émancipation économique de la petite paysannerie. Cependant, les initiatives agricoles occupent une place secondaire dans cette réflexion qui finit par réduire toute forme d’association des travailleurs à une première étape, alors que le but ultime de son projet de transformation sociale reste le développement du mouvement coopératif de consommation39.
26Dans son étude consacrée à l’invention de l’économie sociale en France au xixe siècle, André Gueslin attribue une place centrale aux solutions associatives dont la diffusion, dans les villes comme dans les campagnes, participe à la défense des petits propriétaires et des producteurs indépendants. Cependant, l’auteur tient aussi à souligner la spécificité de ces itinéraires et le caractère finalement isolé des expériences agricoles par rapport au reste du mouvement coopératif40. D’autres travaux reprennent cette interprétation, à partir des grandes synthèses qui voient le jour dans les années 1970. Dans les contributions qu’il rédige pour chacun des trois volumes du quatrième tome de l’Histoire économique et sociale de la France, dirigée par Fernand Braudel et Ernest Labrousse, Pierre Barral met en relation la genèse des formules associatives – qu’elles soient de nature coopérative ou syndicale – avec la crise agricole des années 1880 et la désarticulation sociale suscitée par l’exode rural. Initialement reléguées à la marge ou en concurrence vis-à-vis des syndicats, les coopératives agricoles parviennent à se sortir de plusieurs grandes épreuves qui les voient à maintes reprises mobilisées, notamment en raison de leur rôle dans les systèmes d’approvisionnement : la Première Guerre mondiale d’abord, puis la Grande Dépression, enfin la Deuxième Guerre mondiale, avec l’occupation et le gouvernement de Vichy. C’est pourtant à la Libération qu’elles connaissent un essor sans précédent : accompagnées par le nouveau rôle que l’État et les organisations professionnelles s’attribuent dans la définition des politiques agricoles nationales, les coopératives deviennent le fer de lance, à l’échelle locale, de l’intensification de la production et de la modernisation des structures41. Bien présente dans les trois volumes de l’Histoire économique et sociale de la France, l’influence de Barral conduit à ce que les aspects politiques soient privilégiés, à ce qu’une attention particulière soit portée aux systèmes idéologico-religieux et à ce que la question de l’unité agrarienne occupe une place centrale, dans la continuité du fameux ouvrage de 1968. Si elle renvoie parfois les enjeux plus strictement économiques au second plan, cette perspective se révèle néanmoins une piste féconde, qui a permis d’interroger la place des pratiques associatives dans la politisation des campagnes de manière différente, par exemple, que Maurice Agulhon avec La République au village, comme en témoignent plusieurs ouvrages parus au cours des vingt dernières années42.
27Critiquée, même assez durement43, l’Histoire de la France rurale reste une entreprise de synthèse sans équivalent. Du point de vue chronologique, cependant, sa parution correspond à l’ouverture d’une période de crise dans le domaine de l’étude des campagnes, qui avait jusqu’alors servi de « locomotive pour l’ensemble de la production historiographique44 ». Dès la moitié des années 1990, les créations de l’Association d’Histoire des Sociétés Rurales puis de l’European Rural History Organisation (EURHO), grâce au programme européen COST Action A35 (2005-2009) PROGRESSORE (Programme for the Study of European Rural Societies), ont contribué de manière déterminante au renouvellement de l’approche française de ce domaine45. Les chercheurs qui s’y sont engagés se sont pourtant trouvés en permanence confrontés à ce monument éditorial, bâti il y a quarante ans et que beaucoup de non-spécialistes considèrent encore comme le glas de l’histoire rurale.
28Bien qu’aujourd’hui datés, le troisième et quatrième tomes, consacrés respectivement à l’apogée et à la crise de la France paysanne, constituent donc encore une référence dont on ne peut faire l’impasse46. Les auteurs présentent les coopératives selon un double angle de lecture que des recherches récentes ont permis d’explorer de manière beaucoup plus détaillée. Ils s’intéressent, d’un côté, au versant économique de la question, notamment à l’accompagnement offert par les coopératives dans la commercialisation des produits, l’achat des intrants et l’accès au crédit. Engagées dans une lutte contre la fraude et contre les pratiques spéculatives, les coopératives non seulement renforcent le pouvoir de négociation des agriculteurs associés, mais finissent aussi par participer à la régulation des marchés, comme l’a plus tard montré Alessandro Stanziani à partir du cas de la qualité alimentaire47. De l’autre côté, les auteurs reprennent le point de vue politique traditionnel sur le phénomène associatif dans les campagnes à partir des questions du syndicalisme et de la relation à l’État. Ils explorent le rôle des notables et des élites, le poids du discours agrarien ainsi que les épisodes de conflictualité sociale ouverte, les mobilisations revendicatives et l’émergence progressive de nouveaux cadres dirigeants, directement issus de la profession agricole. Les coopératives sont ici présentées en tant que corps intermédiaire, indispensable pour encadrer, organiser et mobiliser le monde rural dans le contexte dessiné par les politiques agricoles, comme l’a très bien montré l’ouvrage d’Alain Chatriot sur le marché céréalier48.
29Outre les deux ouvrages récents que nous venons de citer, d’autres travaux ont permis de renouveler le regard des historiens de l’époque contemporaine sur la coopération dans les campagnes. Dès le début des années 1980, par exemple, Giulio Sapelli a plaidé pour un retour aux archives dans le but de formuler de nouvelles pistes de travail et a souligné tout l’intérêt qu’il y avait de percevoir ce phénomène sous l’angle de l’entreprise, afin de mettre en lumière les interactions réciproques entre les sphères économique, sociale et politique49. Appelée à opérer sur les marchés économiques et soumise à l’influence permanente du « marché politique », la coopération ressort comme un phénomène que les chercheurs peuvent réinterroger en prenant en compte les préoccupations tant des acteurs individuels que des groupes sociaux. Chacune à l’échelle de son terrain d’action, les coopératives agricoles constituent des espaces à la fois d’autonomie et de contrainte, qui demandent à être observés du point de vue soit des relations internes soit des échanges avec l’extérieur. Elles émergent ainsi en tant qu’objets d’étude qu’il faut sortir de toute image pacifiée et analyser en termes de rapports entre dominants et dominés, ainsi que de luttes entre positions hégémoniques et positions subalternes.
30Cette perspective a le plus souvent été développée à l’échelle locale ou régionale. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les bastions reconnus de la coopération agricole. Dans ce contexte particulier, les coopératives ressortent comme l’élément récurrent d’une grande partie des études centrées sur les espaces ruraux. D’autre part, elles font l’objet de travaux spécifiques visant à reconstruire la genèse et le développement du phénomène associatif sous l’angle des dynamiques de continuité et de rupture entre les formes d’entraide préexistantes et la nouveauté représentée par cette forme sociétaire. Dans son effort de croiser les dynamiques agricole et coopérative, en France, cette démarche analytique s’est naturellement concentrée sur les deux spécialisations au cœur de la tradition coopérative nationale : la spécialisation viticole et la spécialisation laitière.
31En raison de leur ancienneté et de leur ancrage communautaire, les fruitières attirent depuis longtemps l’attention des chercheurs qui les ont adoptées comme objet d’étude pour suivre les transformations économiques et sociales des montagnes jurassiennes et savoyardes à partir du xixe siècle50. S’intéressant aux paysans « survivanciers » du Jura, Michèle Dion-Salitot et Michel Dion attribuent une attention particulière à ce type d’entreprise fondé sur la mise en commun des matières premières en vue de la transformation du lait en produits fromagers. Dans son ouvrage sur la petite exploitation rurale triomphante, Jean-Luc Mayaud insiste au contraire sur la capacité des communautés locales à réactiver les fruitières via des dynamiques de spécialisation et d’intégration aux circuits commerciaux destinées à répondre aux nouvelles exigences des marchés. Les exploitations paysannes se retrouvent ainsi à réduire progressivement les surfaces consacrées aux céréales au profit des fourrages, même si les nouvelles opportunités vont de pair avec de nouvelles contraintes en termes de régularité de l’offre et de standards de qualité. Au final, « la fruitière s’adapte : elle demeure le moyen emprunté par la petite exploitation pour le triomphe de la spécialisation collective51 », au prix, toutefois, de l’exclusion des plus faibles.
32Dans l’histoire du mouvement coopératif agricole français, à côté de la spécialisation laitière des Alpes se signale, nous l’avons dit, la région viticole méditerranéenne, objet des nombreux travaux de Geneviève Gavignaud-Fontaine, qui s’est en particulier penchée sur les caves coopératives du Languedoc-Roussillon. Dès sa thèse, inscrite dans la tradition des grandes synthèses régionales, l’auteur s’est intéressée aux formes collectives de défense et d’association des petits viticulteurs roussillonnais52. Portée par la crise de la fin du xixe siècle, cette coopération – le plus souvent « fille de la misère » – accompagne les luttes des paysans contre les commerçants et fait entendre la voix des ruraux auprès des pouvoirs publics. Cependant, l’élément économique n’est pas le seul à expliquer la large diffusion des coopératives, qui mêlent souvent action mutualiste, engagement syndical et préoccupations politiques. La modification de la mission des caves coopératives au cours des années permet ainsi à Geneviève Gavignaud-Fontaine de suivre les évolutions du secteur viticole de la région et la transition, plus générale, de la révolution agricole vers une nouvelle étape, celle de la révolution rurale53.
33Au-delà des traditions et des courants propres à chaque pays, deux grands axes de recherche se dégagent donc dans l’historiographie des coopératives agricoles en France et en Italie. Le premier se focalise sur la dimension socioéconomique et permet d’étudier les rapports entre initiatives coopératives et activités agricoles à l’échelle d’un territoire ou d’une filière. Il a été privilégié surtout du côté français, même s’il ne faut pas sous-estimer les pistes lancées dans cette direction par les économistes agraires de l’école italienne. Le second axe privilégie, au contraire, les aspects politiques et centre le regard, d’une part, sur les dynamiques descendantes de l’État vers les campagnes, d’autre part, sur le mouvement inverse des revendications sociales des masses paysannes. En Italie, cette perspective a conduit à intégrer les initiatives agricoles dans le cadre plus général de l’histoire du mouvement coopératif, alors qu’en France les pistes ouvertes par Pierre Barral et Maurice Agulhon ont plutôt perçu les associations en tant qu’organismes servant de médiateur entre le monde rural et l’extérieur. Si les travaux entrepris sur cette question peuvent choisir de mettre l’accent sur l’un ou l’autre de ces axes, ceux-ci ne sont pas antagoniques. Au contraire, ils incarnent deux manières complémentaires de décliner la question des origines et des évolutions dans tous les systèmes agraires où les coopératives arrivent à s’implanter de manière plus ou moins large et durable. En définitive, ces axes constituent deux pôles à partir desquels penser et réinterroger les différentes facettes du rapport entre coopératives et agriculteurs.
34De ce point de vue, des pistes intéressantes sont ouvertes par les analyses proposées dans d’autres disciplines. Chez les juristes, plusieurs travaux ont exploré les différents itinéraires législatifs qui permettent à cette formule sociétaire d’acquérir un statut légitime vis-à-vis des pouvoirs publics54. Nous avons déjà cité plus haut les recherches italiennes dans le domaine, mais l’économie rurale française a aussi procédé à des mises en perspective de l’histoire des coopératives agricoles. L’économiste Louis Malassis, par exemple, situe l’action collective dans le prolongement des stratégies familiales et insiste sur la nécessité de dépasser les spécialisations sectorielles afin de revenir à des « coopératives polyvalentes de base55 », localement ancrées et capables d’affronter les défis de l’internationalisation. Tirant une légitimité d’un passé dont elle se présente comme l’héritière, la coopération agricole est présentée, chez Philippe Nicolas, comme « l’un des instruments du développement contrôlé d’une agriculture familiale au sein d’une société industrielle capitaliste56 » et, chez Paul Houée, comme « l’expression de la volonté d’un milieu social de s’organiser pour trouver sa place dans la société moderne57 ».
35Profondément touchés par la dynamique enclenchée dans les années 1950, les espaces ruraux deviennent des laboratoires pour les politistes et pour les sociologues, qui se mettent à accumuler une vaste masse de données afin de « rétablir la complexité d’une transformation qui n’est nulle part ou presque achevée, mais qui se poursuit sous nos yeux58 ». Dans ces travaux, l’intérêt pour les coopératives a en général pour objectif de prolonger les anciens débats sur la politisation des campagnes et sur l’inscription de celles-ci dans le contexte national59. Parmi les enquêtes sociologiques, l’ouvrage sur Les dirigeants paysans de Sylvain Maresca reste une référence incontestable qui, rompant avec l’image de la paysannerie comme « classe objet » telle qu’elle a été conceptualisée par Pierre Bourdieu, interroge la place des dispositifs de mobilisation collective tant du point de vue des trajectoires individuelles que des formes de représentation de la paysannerie60. Au cours des années 1970, le secteur agricole devient en outre le terrain privilégié de la sociologie de la coopération, comme en témoignent les perspectives ruralistes de Placide Rambaud ou les recherches de Claude Vienney sur les modèles coopératifs, visant à combiner logiques micro et macro. Ces travaux partent souvent de la considération, énoncée par Henri Desroche, qu’« historiquement la coopération est fille de la communauté61 » ou participe à la création de celle-ci.
36Si les perspectives militantes ou le point de vue institutionnel ont longtemps pesé sur la manière d’écrire l’histoire de la coopération dans l’agriculture, les apports des autres disciplines nous encouragent à tourner de plus en plus le regard vers les acteurs qui vivent et animent ces organismes au quotidien. À ce propos, les considérations formulées par Renato Zangheri pour l’histoire de la réforme agraire italienne62 sont valables pour notre sujet : si une histoire des coopératives sans les coopérateurs est toujours possible, on ne peut prétendre ensuite l’imposer en tant qu’histoire globale des pratiques coopératives. Dans la présente étude, nous nous engagerons donc vers une histoire économique et sociale capable de faire dialoguer la trajectoire des coopératives avec les dynamiques de transformation des campagnes.
37Il nous faudra donc tenter de faire l’histoire de la genèse et du développement de cette formule sociétaire en tant qu’entreprise disposant d’un certain nombre de caractéristiques, outil d’une organisation autonome, médiatrice, à double sens, dans la relation à l’État et aux institutions, échelle intermédiaire du rapport local-global. Une histoire spécifique est donc nécessaire, sans tomber dans l’écueil de la spécialisation. Cette histoire doit être en mesure d’enregistrer les trajectoires singulières de la coopération, tout en les situant dans le contexte des grandes transformations de l’agriculture française et italienne depuis la fin du xixe siècle, en prenant en compte les bouleversements économiques et sociaux des campagnes, l’entrée des classes subalternes sur la scène nationale, l’évolution du rôle de l’État dans la régulation du secteur primaire et de l’économie plus en général.
Description de l’objet et des sources : préalables à l’histoire des coopératives agricoles
38La définition de l’objet d’étude est cruciale pour notre travail qui est animé par une démarche comparative. Au premier abord, celle-ci semble parfaitement adaptée à l’étude des coopératives agricoles et renvoie immédiatement aux distinctions qui, dans les deux pays, touchent les spécialisations internes de cette branche sectorielle du mouvement coopératif, entre, par exemple, les fermages collectifs, les coopératives d’achat des intrants, les laiteries, les caves, etc. Les choses se révèlent cependant beaucoup plus complexes, pas seulement en raison de la vocation plurifonctionnelle des coopératives-villages – c’est-à-dire des sociétés qui se présentent avant tout comme des organismes non spécialisés au service des besoins de la communauté locale.
39Engagées dans l’organisation, la défense et la représentation des intérêts des agriculteurs, la mission des coopératives est relativement proche de celle des syndicats, notamment dans la phase pionnière située à la deuxième moitié du xixe siècle. Parfois subie, parfois entretenue, la confusion et la superposition des fonctions de ces deux types d’organisme seront analysées dans la suite de notre étude. Pour l’instant, nous allons nous attacher à circonscrire la définition de la coopérative agricole que nous adoptons ici.
40Une première entrée consiste à considérer toutes les pratiques associatives qui s’approprient une telle étiquette, sans prendre en compte leur statut formel, en vertu du respect des principes fondateurs identifiés par les théoriciens de la coopération : le critère démocratique qui attribue une voix à chaque adhérent indépendamment du capital engagé ; la « règle d’or de la coopération » qui répartit les excédents sur la base des opérations effectuées avec la société plutôt qu’en fonction des participations détenues ; l’absence d’un marché des actions qui soumet la circulation des parts sociales au contrôle de l’assemblée des membres. Au-delà de la difficulté pratique de mener à bien une recherche d’une telle ampleur, cette solution a pour limite principale de présupposer l’existence d’un « véritable esprit coopératif » qui consisterait à mettre l’organisme économique au service d’un idéal de solidarité reliant les associés. L’historiographie existante nous a pourtant montré que, sans trahir les trois principes évoqués ci-dessus, les coopératives représentent en réalité un terrain de lutte entre différentes positions de pouvoir, ce qui rend vaine toute tentative de classification des expériences sur la base du critère d’une soi-disant authenticité.
41Une deuxième solution consiste à identifier les coopératives agricoles en prenant en compte les sociétés qui adoptent ce statut juridique et qui s’engagent dans des activités propres au secteur primaire. L’élément discriminant devient ici le respect de critères formels qui fondent la spécificité institutionnelle de cette configuration sociétaire, ces derniers évoluant au fil du temps sous l’action combinée des pouvoirs publics et des organismes professionnels. Par rapport au caractère plus aléatoire de la définition précédente, cette approche a l’avantage de fixer des frontières nettes entre les coopératives et tout le reste, au prix cependant d’accorder la priorité aux normes sur les pratiques.
42Cette dernière limite peut en même temps se révéler être une opportunité, car le processus d’accès des coopératives à un statut autonome est déjà en soi un élément qui nous éclaire sur notre objet d’étude. Les mécanismes juridiques et l’octroi de ressources économiques sont en effet les deux éléments qui permettent de définir un « seuil d’exclusion », c’est-à-dire une frontière entre ce qui est officiellement légitime et ce qui ne l’est pas. Comme Placide Rambaud l’observe à propos des coopératives de travail agraire, si les producteurs peuvent se réunir en une société, « les pouvoirs publics en leur conférant certains attributs adjoignent à l’initiative des agriculteurs des finalités qui concourent à orienter la politique agricole63 ». De plus, la dynamique d’autonomisation des initiatives coopératives par rapport aux autres formes associatives se déroule en parallèle de leur accession progressive à un statut juridique singulier. Une fois acquis un statut singulier, la coopérative cesse d’être une simple variante de l’association disposant de finalités mutualistes ou syndicales. Lui est ainsi reconnue son originalité, vis-à-vis des entreprises traditionnelles comme des initiatives d’entraide ou de défense professionnelle.
43Du point de vue des adhérents, le fait que les paysans acceptent de formaliser les termes de leur relation à la coopérative et les mécanismes de l’engagement réciproque sont un autre élément significatif. Dans un contexte qui évolue, cette attitude va dans le sens d’une volonté d’adaptation plutôt que d’une résistance aux transformations en cours. En effet, la décision de s’associer consiste en une nouvelle étape qu’il ne faut pas réduire à une simple et automatique transposition des formes traditionnelles d’entraide et de solidarité au niveau de la communauté. Si l’influence des pratiques préexistantes est indiscutable, la création d’une coopérative appelle les sociétaires à une prise de conscience des opportunités offertes, des contraintes imposées, des obligations souscrites et des droits acquis.
44Pour conclure sur ce point, la présente recherche adopte ainsi cette deuxième définition de la coopérative et, si celle-ci utilise le critère normatif comme point de départ, elle centre finalement l’attention sur les pratiques des coopérateurs et sur les systèmes agraires qui expliquent la genèse et le développement de cette forme sociétaire particulière. À côté de ces aspects, il s’agit également d’opérer une classification sur la base des catégories sociales, comme le souligne un article paru en 1936 dans la Revue des Études coopératives64. Dans les campagnes, cette démarche conduirait par exemple à distinguer entre les initiatives prolétariennes et celles issues des classes moyennes rurales. Plutôt qu’accentuer le rôle de remède contre le mauvais fonctionnement des mécanismes distributifs, l’entrée par les catégories sociales permet d’envisager la coopération sous une lumière nouvelle. Comme le montre, déjà au début du xxe siècle, Giovanni Lorenzoni, dans une thèse destinée à susciter de vives réactions chez Ghino Valenti65, chaque groupe social peut ainsi s’emparer de la coopérative pour servir des finalités tant défensives qu’offensives et l’orienter en fonction de préoccupations à la fois individuelles et collectives. Nullement limités au contexte italien, ces débats vont jusqu’à trouver un écho dans les travaux de l’économiste russe Alexander V. Tchayanov qui, s’inspirant des visites qu’il a effectuées dans les sociétés d’Europe occidentale, avance la théorie des coopératives comme arme, devant être encouragées par l’administration et dont les paysans peuvent s’approprier dans leur tentative de s’adapter aux évolutions de l’agriculture moderne66.
45Ces considérations, en définitive, nous renvoient aux profils des coopérateurs et nous poussent à prendre en compte l’hétérogénéité sociale qui caractérise la population des campagnes, dont les membres s’associent par le biais de l’instrument coopératif. Une fois encore, « chassées par la porte, les catégories sociales rentrent ici par la fenêtre67 ». De plus, ce constat justifie le choix que nous avons fait d’utiliser comme synonymes des mots « gorgés de valeur historique et humaine68 », ceux d’agriculteur ou de paysan. Au lieu de nous attarder sur des distinctions qui ressortent comme fictives – car finalement construites –, nous avons choisi de nous concentrer, d’une part, sur les systèmes agraires qui expliquent les conditions du développement coopératif, d’autre part, sur l’influence que la composition sociale peut avoir sur ces trajectoires, selon que les membres des coopératives soient des propriétaires-exploitants, des fermiers, des métayers, des salariés ou ces travailleurs agricoles pluriactifs qui sont souvent des figures de premier plan parmi les actifs du secteur primaire.
46Pour ce faire, cette étude mobilise des sources produites essentiellement par des organismes publics ou professionnels, chargés des questions agricoles à différentes échelles, dans le cadre de leurs activités ordinaires ou d’enquêtes de terrain lancées de manière ponctuelle. Bien qu’issue d’institutions liées à divers titres au mouvement coopératif agricole, cette documentation, il est vrai, restitue le regard d’acteurs extérieurs à ce mouvement. En effet, à l’exception notable de la société La Rinascita de Caltanissetta, qui est au cœur du sixième chapitre, nous n’avons généralement pas pu faire appel aux archives privées des entreprises, dont l’accès reste encore rare et limité.
47La démarche que nous avons adoptée résulte ainsi à la fois des contraintes imposées par la disponibilité des sources, de la nécessité de fixer des cadres permettant la comparaison et de la volonté de s’éloigner d’une histoire du phénomène trop souvent écrite à partir d’informations et de récits émanant directement des fédérations coopératives. Elle nous conduira à appuyer nos analyses sur des sources qu’il nous est possible de présenter en se fondant sur les quatre typologies suivantes.
48En premier lieu, les sources législatives permettent de suivre l’encadrement juridique du phénomène sur la base des textes, des dossiers préparatoires et des débats qui accompagnent, dans les deux pays, la formulation et l’adoption des normes en matière de coopération et, plus en général, d’agriculture. En deuxième lieu, les sources administratives mettent à disposition les informations et les données produites par les organismes publics, du ministère de l’Agriculture aux offices régionaux en charge du secteur primaire ou de missions spécifiques (par exemple, crédit agricole, réforme foncière, etc.) jusqu’aux directions agricoles opérant localement. Il peut s’agir de documents issus de l’activité ordinaire de ces institutions, ainsi que d’enquêtes, de statistiques et de recensements réalisés de manière régulière ou ponctuelle, dans le cadre des missions d’accompagnement et de surveillance relatives au monde rural et aux coopératives. En troisième lieu, les sources professionnelles sont issues du travail que les organisations mènent directement sur leurs territoires d’implantation ou bien de l’activité de coordination et de propagande que les fédérations réalisent à différentes échelles, auprès des sociétés adhérentes. En quatrième lieu, les sources scientifiques correspondent à un vaste ensemble de monographies, bulletins d’information, publications périodiques, statistiques, comptes rendus de débats, littérature grise, etc. Ces documents sont en général produits par les institutions nationales de recherche spécialisées dans le domaine agricole, notamment l’INRA en France et l’INEA en Italie, voire par des organismes internationaux qui, dès la fin du xixe siècle, contribuent à mettre en réseau les experts et les décideurs politiques s’intéressant aux questions agricoles69. De ce point de vue, une attention particulière sera consacrée aux publications réalisées par les services techniques – surtout par le Bureau des institutions économiques et sociales – de l’Institut international d’agriculture (IIA), fondé à Rome en 1905 grâce à une initiative diplomatique italienne et qui poursuit ses activités jusqu’en 1946 quand l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) prend la relève70. Parmi les sources scientifiques, méritent aussi d’être évoquées les monographies de pays, commandées par les pouvoirs publics afin d’accompagner les grandes enquêtes et les statistiques agricoles à caractère national71.
49Une place centrale sera accordée dans notre étude à la dimension quantitative des phénomènes, ainsi qu’aux traitements statistiques et aux représentations graphiques des données collectées. De plus, dans la mesure où la question de l’espace se révèle une des variables incontournables de la compréhension des dynamiques d’évolution, le présent volume est complété par un cahier cartographique. L’idée est ici de restituer la dimension spatiale des objets de l’analyse, mais aussi d’introduire cette variable dans le cadre des comparaisons tant synchroniques que diachroniques. Cette approche nous permettra d’offrir une représentation immédiate de l’articulation entre le développement des coopératives et les autres variables qui opèrent à l’échelle de chaque système agraire.
50Le travail dans les archives et sur les sources imprimées s’est naturellement avéré comme une étape cruciale pour la fabrication de ces bases de données. En France, nous avons dépouillé la documentation produite par le ministère de l’Agriculture et conservée aux Archives nationales72. Cette source permet de suivre l’histoire des coopératives et de leurs fédérations à partir de la deuxième moitié du xixe siècle et ouvre des pistes extrêmement intéressantes pour la période de la Corporation nationale paysanne, sous le gouvernement de Vichy. Pour la période qui va de la Libération au début des années 1960, nous avons fait appel à la documentation produite par la direction des Affaires professionnelles et sociales du ministère de l’Agriculture. La richesse de cette documentation, pour la quasi-totalité inexploitée jusqu’à ce jour, nous a obligés à sélectionner un nombre limité de problématiques : les dossiers des coopératives de culture et d’exploitation en commun ; les rapports de mission sur la situation des coopératives agricoles dans les différents départements vers la moitié des années 1950, l’activité du Comité central d’agrément dans la phase de définition des nouveaux statuts-types à la fin des années 1940.
51La question des archives est en partie différente dans le cas italien où, après plusieurs tentatives, le ministère de l’Agriculture s’est constitué en tant que tel en 1916, remplaçant la Direction générale de l’Agriculture du ministère de l’Agriculture, de l’Industrie et du Commerce. L’Archivio Centrale dello Stato, où les archives sont déposées, a réalisé un travail de classement très important pour la période allant de la moitié à la fin du xixe siècle, pour laquelle les inventaires permettent une entrée thématique pour la documentation conservée73. Pour la période plus contemporaine, l’opération est toujours en cours et seulement une partie des fonds déposés est pour l’instant accessible. Celle-ci concerne en particulier l’administration des opérations de gestion des eaux, d’aménagement foncier et de transformation agricole, alors que les archives rendant compte de la mise en œuvre des lois de « réforme agraire » de 1950 étaient encore en grande partie inaccessibles au moment de nos recherches. Dans le cadre d’une étude comparée sur l’histoire des coopératives agricoles, un deuxième aspect mérite également d’être souligné en raison de sa spécificité par rapport au cas français. En Italie, les organisations du mouvement coopératif ne relèvent pas de la compétence exclusive du ministère de l’Agriculture mais sont aussi soumises à l’autorité d’une direction spécialement constituée au sein du ministère du Travail, devenu aujourd’hui le ministère du Développement économique. Nous n’avons pas eu la possibilité de consulter les archives de cet organisme central, en charge de la surveillance extraordinaire des sociétés. En revanche, les archives du ministère de l’Intérieur nous ont fourni une source d’informations complémentaire sur l’action menée par les coopératives à l’échelle locale, ce qui confirme la tendance des pouvoirs publics de la péninsule à exercer un contrôle permanent sur les initiatives locales qui ne fait que s’intensifier sous le fascisme. L’État italien délègue, dans le même temps, la surveillance ordinaire des sociétés-adhérentes aux fédérations coopératives nationales. Nous avons complété les sources administratives par la documentation issue des archives et de la bibliothèque du Centro italiano di documentazione sulla cooperazione e l’economia sociale de Bologne, où la Lega nazionale delle cooperative et plusieurs fédérations – de nature sectorielle ou territoriale – ont commencé à verser leurs archives.
52En ce qui concerne la deuxième partie du livre, centrée sur les coopératives agricoles de la Sicile céréalière, les recherches ont été menées auprès des Archivi di Stato des deux provinces de Palerme et de Caltanissetta. Les documents consultés se sont avérés indispensables pour suivre l’action des sociétés et de leurs adhérents, notamment dans le contexte des luttes agraires du premier et du second après-guerre. Déposée dans les fonds de la préfecture ou du tribunal, cette documentation a été produite par les commissions provinciales pour les terres incultes et mal cultivées. Elle nous a notamment permis de mettre en résonance les pratiques associatives et les stratégies des agriculteurs, dans le cadre des conflits qui traversent les campagnes de l’intérieur de la Sicile en 1919-1922 et en 1944-1952.
53L’accès aux archives privées de la coopérative La Rinascita, établie en 1945 à Caltanissetta et toujours en activité, nous a donné l’opportunité de poursuivre nos analyses à une échelle plus micro74. Aujourd’hui conservée dans la petite ville de Mazzarino (province de Caltanissetta), où la société transféra son siège en 1996, cette documentation permet de suivre pas à pas l’histoire d’une entreprise qui fut, au cours des années 1940-1950, parmi les protagonistes des luttes agraires de la province en vertu de sa proximité avec le Parti communiste italien (PCI). Elle offre dans le même temps la possibilité de suivre les trajectoires des adhérents au-delà de la phase de mobilisation, car l’organisme continua à opérer dans les domaines du stockage et de la commercialisation des produits des agriculteurs du territoire. Pour retracer les itinéraires du mouvement paysan sur l’île, entre la Libération et la réforme foncière de 1950, deux autres fonds d’archives ont joué un rôle essentiel. D’un côté, nous avons consulté les sources disponibles aux archives historiques de l’Assemblée régionale sicilienne, l’autorité législative créée en 1947 par le statut spécial de l’autonomie. De l’autre côté, nous avons eu la possibilité de consulter la documentation que l’Ente per la Riforma Agraria in Sicilia (ERAS) – c’est-à-dire l’institution chargée de la mise en œuvre de la réforme foncière sur l’île, devenue en 1965 l’Ente di Sviluppo Agricolo (ESA)75 – conserve dans sa bibliothèque de Palerme et dans ses archives historiques situées à Prizzi (province de Palerme).
54Pour éviter de rester enfermé dans un cadre régional, parfois trop limité, nous avons en permanence cherché à situer les vicissitudes des coopératives agricoles siciliennes dans le contexte plus général du développement, en Italie, des mobilisations collectives et des pratiques associatives avec des finalités syndicales et économiques qui débutent dans la seconde moitié du xixe siècle. Nous avons donc mené des recherches auprès des archives historiques du diocèse de Monreale (province de Palerme), qui conservent la trace des initiatives sociales de l’Église catholique, notamment des caisses rurales dont la diffusion fut large dans ce territoire tourné vers les campagnes de l’intérieur de l’île. Nous avons aussi consulté le riche fonds de l’Istituto Gramsci Siciliano à Palerme, qui conserve les archives des différentes organisations liées à la fédération sicilienne du PCI, et donc une partie importante de la mémoire du mouvement paysan de la région. Au niveau national, nous avons ainsi procédé à des incursions ciblées dans les archives d’un certain nombre d’institutions actives dans le domaine du syndicalisme professionnel agricole : les archives des associations des petits agriculteurs proches des partis de gauche, conservées par l’Archivio storico nazionale dei Movimenti contadini de l’Istituto Alcide Cervi à Gattatico (province de Reggio Emilia), ainsi que les archives de la Federbraccianti et des organisations d’ouvriers agricoles, dont la documentation se trouve aujourd’hui dans les archives historiques de la Confederazione generale italiana del lavoro (CGIL) à Rome et dans les archives « Donatella Turtura » de la Federazione dei lavoratori dell’agroindustria (FLAI), la fédération de la CGIL qui réunit les travailleurs de l’agro-industrie.
55Nous avons fait le choix d’organiser le présent ouvrage en deux parties, chacune d’entre elles correspondant à deux manières – à la fois différentes et complémentaires – d’appréhender l’étude des coopératives agricoles. La première partie adopte une approche comparée pour retracer la genèse et le développement de cette forme d’organisation dans les campagnes de France et d’Italie entre la fin du xixe et la moitié du xxe siècle. Sans se prétendre exhaustive, elle permettra de suivre l’émergence d’un statut sociétaire spécifique et de situer la vaste nébuleuse des formules – généralement réunies sous l’étiquette de la coopération agricole – en fonction des différents contextes agraires, institutionnels, politiques, etc. La seconde partie se focalise au contraire sur le cas du latifondo76 céréalier de la Sicile intérieure. Ici, les analyses précédentes seront mises à l’épreuve d’un espace bien défini et circonstancié mais exemplaire quant à l’influence des systèmes agraires sur les formes de l’action collective et capable de faire ressortir, de manière plus explicite qu’ailleurs, le lien entre l’originalité des pratiques coopératives et les caractéristiques des territoires où celles-ci s’implantent. Les deux parties font ainsi varier les échelles d’analyse des dynamiques communes aux campagnes de l’Europe sud-occidentale jusqu’au cas de la coopérative La Rinascita de Caltanissetta. En parallèle, elles présentent deux approches distinctes des pratiques associatives, que nous considérons toutefois comme indispensables dans le but de situer les trajectoires locales dans un horizon plus général, et, inversement, de dégager des dynamiques globales sans pour autant faire abstraction des pratiques des acteurs sur le terrain.
Notes de bas de page
1 Farrebique obtient de nombreuses et importantes distinctions : le Grand Prix de la Critique internationale au Festival de Cannes en 1946, le Grand Prix du Cinéma français de 1946, la Médaille d’or au Festival de Venise en 1948 et le Grand Épi d’or à Rome en 1953. Pour une réflexion sur le regard porté sur les campagnes dans l’œuvre de Rouquier, voir Portet F., « Georges Rouquier documentariste et l’ethnographie de la France paysanne. Un regard agrarien de la société rurale ? », in P. Cornu et J.-L. Mayaud (dir.), Au nom de la terre. Agrarisme et agrariens en France et en Europe du xixe siècle à nos jours, Paris, La Boutique de l’Histoire éditions, 2007, p. 319-333.
2 Réalisé grâce aux financements de l’Associazione Nazionale Partigiani d’Italia afin d’illustrer les conditions précaires des coopératives agricoles dans la plaine du Pô, Chasse tragique obtint le Ruban d’argent pour le réalisateur et l’actrice principale en 1947, le Prix de la Présidence du Conseil des ministres pour le meilleur film italien au Festival de Venise en 1947, mais aussi des distinctions dans les éditions de 1948 d’importants festivals de cinéma de l’Europe orientale, notamment à Marienbad et à Karlsbad en Tchécoslovaquie. Pour une mise en perspective plus générale situant le cinéma parmi les autres formes de représentation des campagnes en Italie, voir Isnenghi M., « Il ruralismo nella cultura italiana », in P. Bevilacqua (dir.), Storia dell’agricoltura italiana in età contemporanea. iii. Mercati e istituzioni, Venise, Marsilio, 1991, p. 877-910.
3 Béaur G., « Introduction », in id. (dir.), La terre et les hommes. France et Grande-Bretagne xviie-xviiie siècle, Paris, Hachette, 1998, p. 27.
4 Pour une présentation détaillée de la théorie des systèmes agraires, voir Mazoyer M. et Roudart L., Histoire des agricultures du monde. Du néolithique à la crise contemporaine, Paris, Le Seuil, 1998 [1997], p. 41-45.
5 La citation se réfère au texte de la conférence de Marc Bloch « Le problème des régimes agraires » à l’Institut français de Sociologie en 1932, republié dans Bloch M., Mélanges historiques, tome II, Paris, SEVPEN, 1963, p. 648.
6 Voir Braudel F., « Histoire et Sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, n° 4, 1958, p. 725-753.
7 Voir à ce propos Vilar P., « Réflexions sur la “crise de l’ancien régime” : “inégalités des récoltes” et “sous-développement” », in Conjoncture économique, structures sociales. Hommage à Ernest Labrousse, Paris-La Haye, Mouton, École pratique des hautes études (VIe Section), 1974, p. 37-58 et Grenier J.-Y. et Lepetit B., « L’expérience historique. À propos de C.-E. Labrousse », Annales ESC, n° 6, 1989, p. 1337-1360.
8 Voir Barral P., Les agrariens français. De Méline à Pisani, Paris, Armand Colin, 1968, ainsi que la critique faite par Gratton P., Les paysans français contre l’agrarisme, Paris, François Maspero, 1972, et d’autres travaux plus récents qui contribuent à questionner le point de vue de Barral : Lynch É., Moissons rouges. Les socialistes français et la société paysanne durant l’entre-deux-guerres, 1918-1940, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2002, et le dossier « Les “Petites Russies” des campagnes françaises » dirigé par Rose-Marie Lagrave dans Études rurales, n° 171-172, 2004.
9 Sur cette période de réformisme à l’échelle communale, voir Sapelli G., Comunità e mercato. Socialisti, cattolici e “governo economico municipale” agli inizi del xx secolo, Bologne, Il Mulino, 1986.
10 Pour l’attention qu’il porte aux dynamiques économiques, mérite ici d’être cité l’ouvrage de Fornasari M. et Zamagni V., Il movimento cooperativo in Italia. Un profilo storico-economico (1854- 1992), Florence, Vallecchi, 1997.
11 Voir Houée P., Coopération et organisations agricoles françaises, Paris, Éditions Cujas, 1970, p. 11-32 et id., Les étapes du développement rural, Paris, Éditions Économie et Humanisme, Les Éditions ouvrières, 1972.
12 Houée P., Coopération, op. cit., p. 12.
13 Gavignaud-Fontaine G., Vignerons. Recueil d’articles II. Histoire languedocienne et roussillonnaise, Montpellier, université Paul-Valéry-Montpellier III, 2005, p. 149.
14 Ibid., p. 163.
15 Voir Revel J. (dir.), Jeux d’échelle. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Le Seuil, 1996.
16 Voir, par exemple, les considérations de Trezzi L., Sindacalismo e cooperazione dalla fine dell’Ottocento all’avvento del fascismo, Milan, Franco Angeli, 1982, p. 9-11, ainsi que celles de Fabbri F., « Per una storia del movimento cooperativo in Italia » ou de Nardi S., « Per la conoscenza storico-sistemica della cooperazione », in F. Fabbri (dir.), Il movimento cooperativo nella storia d’Italia, 1854-1975, Lega nazionale delle cooperative e mutue, Fondazione Giangiacomo Feltrinelli, Milan, Feltrinelli, 1979.
17 À côté des deux textes cités dans la note précédente, mérite d’être rappelé Sapelli G. (dir.), Il movimento cooperativo in Italia. Storia e problemi, Turin, Einaudi, 1981 et id., La cooperazione : impresa e movimento sociale, Rome, Edizioni Lavoro, 1998. Des pistes intéressantes au sujet de la genèse de la coopération moderne sont aussi proposées dans Maiullari M. T. (dir.), Storiografia francese ed italiana a confronto sul fenomeno associativo durante xviiie-xixe secolo, Turin, Fondazione Luigi Einaudi, 1988.
18 À titre d’exemple, voir Fabbri F. (dir.), Il movimento, op. cit. En relation avec les préoccupations propres au présent travail, méritent également d’être signalés le volume qui reconstruit l’histoire de la fédération des coopératives agricoles de la Lega nazionale delle cooperative : Gatti S. (dir.), Scelte di campo. Dall’occupazione delle terre alla qualità totale, Bologne, Alleanza italiana cooperative agricole, Venise, Marsilio, 1989, ainsi que : Cancila O. (dir.), Storia della cooperazioni siciliana, Palerme, IRCAC, 1993 ; le dossier « La Cooperazione nell’Italia tra Otto e Novecento. Liberali e socialisti. Atti del convegno storico tenuto a Reggio Emilia il 24 gennaio 2003 », L’Almanacco. Rassegna di studi storici e di ricerche sulla società contemporanea, n° 40, 2013 ; Degl’Innocenti M. et al., Solidarietà e mercato nella cooperazione italiana tra Otto e Novecento, Manduria-Bari-Rome, Piero Lacaita Editore, 2003 ; la collection « Storia e studi cooperativi » du Centro italiano di documentazione sulla cooperazione e l’economia sociale, en collaboration avec l’éditeur Il Mulino.
19 Voir La politisation des campagnes au xixe siècle. France, Italie, Espagne, Portugal, Rome, École française de Rome, 2000 et Canal J., Pécout G. et Ridolfi M. (dir.), Sociétés rurales du xxe siècle. France, Italie et Espagne, Rome, École française de Rome, 2004. Sur ces questions voir aussi : Pécout G., « La politisation des paysans au xixe siècle. Réflexions sur l’histoire politique des campagnes françaises », HSR, n° 2, 1994, p. 91-125 ; Hubscher R., « Une histoire en quête d’auteurs. Les paysans et la politique au xxe siècle », HSR, n° 3, 1995, p. 137-142 ; Vivarelli R., « La questione contadina nell’Italia unita (1861-1914) », Rivista storica italiana, n° 1, 1990, p. 87-165.
20 En France, le conflit entre anciens notables et nouvelles élites républicaines est un axe central de l’ouvrage de référence Barral P., Les agrariens, op. cit., mais mérite aussi d’être cité sur l’œuvre économique du catholicisme sociale Gavignaud-Fontaine G., Les catholiques et l’économie-sociale en France, xixe-xxe siècles, Paris, Les Indes savantes, 2011. En Italie, deux traditions procèdent en parallèle et s’intéressent, d’un côté, au mouvement proche des forces socialistes, puis communistes, voir : Degl’Innocenti M., Storia della cooperazione in Italia. La Lega nazionale delle cooperative 1886-1925, Rome, Editori Riuniti, 1977 ; Fabbri F. (dir.), Il movimento, op. cit. ; Zangheri R., Galasso G. et Castronovo V., Storia del movimento cooperativo in Italia. La Lega nazionale delle cooperative e mutue, 1886-1986, Turin, Einaudi, 1987 – de l’autre côté, aux initiatives d’inspiration catholique, voir Brezzi C. et Parisella A., « La formazione del movimento cooperativo cattolico : appunti per uno studio », in F. Fabbri (dir.), Il movimento, op. cit., p. 651-669 ; Zaninelli S. (dir.), Mezzo secolo di ricerca storica sulla cooperazione bianca. Risultati e prospettive, Vérone, Società cattolica di assicurazione, 1996 ; Cafaro P., Una cosa sola. La Confcooperative nel secondo dopoguerra, cenni di storia (1945-1991), Bologne, Il Mulino, 2008.
21 Voir les considérations de Ciuffoletti Z., « Dirigenti e ideologie del movimento cooperativo », in G. Sapelli (dir.), Il movimento, op. cit., p. 89. Mais aussi, pour la France, le volume Toucas-Truyen P. et Dreyfus M. (dir.), Les coopérateurs. Deux siècles de pratiques coopératives, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2005.
22 Hubscher R., « Syndicalisme agricole et politisation paysanne », in La politisation, op. cit ., p. 151. Des considérations assez proches sont formulées, à propos du cas italien, dans Bevilacqua P., « Movimento contadino e storiografia politica », Quaderni dell’Istituto romano per la storia d’Italia dal fascismo alla Resistenza, n° 4, 1981, p. 15-24. Sur le rôle de l’associationnisme agricole dans la politisation des campagnes françaises, méritent d’être cités parmi les travaux de Corinne Marache : « Enjeux et résonances du politique dans les structures agricoles syndicales, mutuelles et “sociétales” en Aquitaine des années 1850 aux années 1930 (Dordogne, Gironde, Landes) », Parlement[s]. Revue d’histoire politique, n° HS 2, 2005, p. 74-81 et « La responsabilisation politique du monde paysan dans les campagnes françaises (1830-1930) », ibid., n° 5, 2006, p. 73-90.
23 Agulhon M., « Introduction », in La politisation, op. cit., p. 9.
24 À titre d’exemple, voir : La Palombara J. G., Interest Groups in Italian Politics, Princeton, Princeton University Press, 1964 ; Tarrow S., Peasant Communism in Southern Italy, New Haven-Londres, Yale University Press, 1967 ; Wright G., Révolution rurale en France. Histoire politique de la paysannerie au xxe siècle, Paris, Éditions de l’Épi, 1967 [éd. américaine de 1964] ; Berger S., Les paysans contre la politique. L’organisation rurale en Bretagne, 1911-1974, Paris, Le Seuil, 1975 [éd. américaine de 1972] ; Weber E. J., La fin des terroirs. La modernisation de la France rurale, 1870-1914, Paris, Éditions Recherches, 1983 [éd. américaine de 1976].
25 Pécout G., « Les campagnes dans l’évolution socio-politique de l’Europe (1830-fin des années 1920 : France, Allemagne, Espagne et Italie) », HSR, n° 23, 2005, p. 18 et la deuxième partie de l’article dans le n° 24, 2005, de la même revue. Ces aspects suscitèrent plusieurs publications suite à la question des « campagnes dans les évolutions sociales et politiques de 1830 à la fin des années 1920 : France, Allemagne, Espagne et Italie » choisie pour le programme de l’agrégation d’Histoire en France en 2005. Voir, parmi d’autres : Lynch E. (dir.), Les campagnes dans les évolutions sociales et politiques en Europe, des années 1830 à la fin des années 1920, étude comparée de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie : approches de la question, Paris, Hachette, 2005 ; Moriceau J.-M. (dir.), Les campagnes dans les évolutions sociales et politiques en Europe des années 1830 à la fin des années 1920. Étude comparée de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de l’Italie, Lassay-les-Châteaux, SEDES/CNED, 2005 ; Pigenet M. et Pécout G. (dir.), Campagnes et sociétés en Europe : France, Allemagne, Espagne, Italie 1830-1930, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2005.
26 Voir par exemple le premier volume consacré aux luttes dans les campagnes sur la période 1880-1921 de l’histoire du mouvement syndical italien, Zaninelli S. (dir.), Storia del movimento sindacale italiano. 1. Le lotte nelle campagne dalla grande crisi agricola al primo dopoguerra, 1880-1921, Milan, Celuc, 1971 et id. (dir.), Il sindacalismo bianco tra guerra, dopoguerra e fascismo (1914-1926), Milan, Franco Angeli, 1982.
27 Voir Ventura A., « La Federconsorzi dall’età liberale al fascismo : ascesa e capitolazione della borghesia agraria, 1892-1932 », QS, n° 36, 1977, p. 683-737 et Fontana S. (dir.), La Federconsorzi tra stato liberale e fascismo, Bari, Laterza, 1995.
28 Il faut ici signaler le dossier thématique dirigé par Alberto Caracciolo et Francesca Socrate dans Quaderni storici sur les institutions agricoles du décollage industriel (n° 36, 1977) ainsi que deux autres dossiers parus dans la même revue, l’un sur l’histoire de l’administration dans l’Italie libérale (n° 18, 1971), l’autre sur l’économie italienne au cours de la période fasciste (n° 29-30, 1975).
29 Parmi les résultats les plus remarquables de cette période, voir : Banti A. M., Terra e denaro. Una borghesia padana nell’Ottocento, Venise, Marsilio, 1989 ; Malatesta M., I signori della terra. L’organizzazione degli interessi padani (1860-1914), Milan, Franco Angeli, 1989 ; Rogari S., Proprietà fondiaria e modernizzazione. La Società degli agricoltori italiani (1895-1920), Milan, Franco Angeli, 1994 et id. (dir.), La Confagricoltura nella storia d’Italia. Dalle origini dell’associazionismo agricolo nazionale ad oggi, Bologne, Il Mulino, 1999 ; les recherches de Pier Paolo D’Attorre sur les organisations des propriétaires terriens et des grands exploitants en Émilie-Romagne, réunies dans le recueil D’Attorre P. P., Novecento padano. L’universo rurale e la « grande trasformazione », Rome, Donzelli, 1998. Enfin, dans une perspective comparatiste, il ne faut pas oublier de citer le dossier « Les associations économiques et groupes de pression en Europe xixe-xxe siècle » issu d’une session organisée lors du Congrès international d’Histoire économique tenu à Milan en 1994 et paru dans Histoire, Économie et Société (n° 2, 1997).
30 Il suffit de citer ici les analyses des contributions consacrées au phénomène coopératif ou à la plus vaste nébuleuse des pratiques associatives rurales dans les synthèses récentes sur l’histoire rurale en Italie, voir : Fabbri F., « Il movimento cooperativo », in P. Bevilacqua (dir.), Storia. III., op. cit., p. 799-846 ; Barbadoro I., « Forme di associazione e strutture sindacali nel mondo contadino in Italia 1850-1900 », in P. Villani P. (dir.), Trasformazioni delle società rurali nei paesi dell’Europa occidentale e mediterranea (secolo xix-xx), Naples, Guida editori, 1986, p. 325-337 ; Giacomini C., « Le organizzazioni economiche e professionali degli agricoltori nel Novecento », in L’Italia agricola nel xx secolo. Storia e scenari, Società Italiana degli Agricoltori, Corigliano Calabro, Meridiana libri, 2000, p. 395-488 ; Rogari S., « Associazionismo in campo agricolo », in R. Cianferoni, Z. Ciuffoletti et L. Rombai (dir.), Storia dell’agricoltura italiana. III. L’età contemporanea. 1. Dalle « Rivoluzioni agronomiche » alle trasformazioni del Novecento, Accademia dei Georgofili, Florence, Edizioni Polistampa, 2002, p. 371-381. Pour des considérations plus générales sur l’historiographie des campagnes italiennes à l’époque contemporaine, voir D’Attorre P. P. et De Bernardi A. (dir.), Studi sull’agricoltura italiana. Società rurale e modernizzazione, Annali della Fondazione Giangiacomo Feltrinelli, XXIX (1993), Milan, Feltrinelli, 1994, ainsi que les bilans suivants : Cattini M. et Romani M. A., « Tendenze e problemi della storiografia agraria negli ultimi quarant’anni (1945- 1984) », Rivista di storia dell’agricoltura, n° 1, 1987, p. 25-52 ; Nenci G., Le campagne italiane in età contemporanea. Un bilancio storiografico, Bologne, Il Mulino, 1997.
31 Voir par exemple : De Rosa G., « Una storia dolente : le faticose origini del credito agrario », Rivista storica italiana, n° 4, 1964, p. 1027-1049 ; Gheza Fabbri L., « Crescita e natura delle casse rurali cattoliche », QS, n° 36, 1977, p. 789-807 ; Cafaro P., La solidarietà efficiente. Storia e prospettive del credito cooperativo in Italia, 1883-2000, Rome-Bari, Laterza, 2001. Voir aussi les guides de recherche et les articles programmatiques parus dans la revue Bollettino dell’Archivio per la storia del movimento sociale cattolico in Italia : Trezzi L., « Per la storia delle casse rurali cattoliche in Italia (1891-1932) : lo stato degli studi e le prospettive di ricerca » (n° 2, 1977, p. 276-305) ; id., « Aspetti organizzativi della cooperazione di credito in Lombardia : le casse rurali cattoliche dal 1886 al 1935 » (n° 1, 1980, p. 16-71) ; id. (éd.), « Primo elenco dei periodici cattolici a rilevante contenuto sociale editi nelle diocesi dell’Italia meridionale dal 1860 al 1914 e conservati nelle Biblioteche nazionali centrali di Firenze e Roma » (n° 3, 1980, p. 376-425) ; « La Storiografia delle casse rurali : stato degli studi e problemi metodologici » (n° 3, 1984, p. 287-442) ; Cafaro P., « Il fondo Atti costitutivi di cooperative di credito cattoliche (1880-1920) dell’Archivio per la storia del movimento sociale cattolico in Italia » (n° 3, 1987, p. 460-485).
32 Beaucoup d’ouvrages sur la période s’arrêtent par exemple au « tournant totalitaire », comme Caroleo A., Il movimento cooperativo in Italia nel primo dopoguerra (1918-1925), Milan, Franco Angeli, 1986. Récemment, il faut signaler la publication de Menzani T., Il movimento cooperativo fra le due guerre. Il caso italiano nel contesto europeo, Rome, Carocci, 2009, et, sur la coopération agricole, Lepre S., « Alcune ipotesi di studio sulla cooperazione agricola negli anni Trenta », in F. Fabbri (dir.), Il movimento, op. cit., p. 727-740. Des pistes intéressantes sont également offertes grâce à la comparaison avec des cas étrangers : voir par exemple dans Gardikas-Katsiadakis H. et Brégianni C. (dir.), Agricultural Co-operatives in South and Central Europe 19th-20th century. A comparative approach, Athènes, Academy of Athens. Modern Greek History Centre, 2013.
33 Voir Serpieri A., Guida a ricerche di economia agraria, INEA, Rome, Libreria internazionale F.lli Treves dell’Ali, 1929. Sur les agronomes italiens, voir D’Onofrio F., Observing Agriculture in Early Twentieth-Century Italy. Agricultural Economists and Statistics, New York-Londres, Routledge, 2016 et Fumian C., « I tecnici tra agricoltura e Stato. 1930-1950 », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge-Temps Modernes, n° 95/2, 1983, p. 209-217 et id., « Gli agronomi da ceto a mestiere », in P. Bevilacqua (dir.), Storia. iii., op. cit., p. 345-389, et D’Antone L., « L’intelligenza dell’agricoltura : Istruzione superiore, profili intellettuali e identità professionale », ibid., p. 391-426 et id., « La modernizzazione dell’agricoltura italiana negli anni Trenta », StS, n° 3, 1981, p. 603-629, sur les évolutions de cette tradition d’études, voir Avallone G., La sociologia urbana e rurale. Origini e sviluppi in Italia, Naples, Liguori Editore, 2010.
34 Voir les deux volumes de Lorenzoni G., La cooperazione agraria nella Germania moderna. Saggio descrittivo e teorico, Trento, Società Tipografica Editrice Trentina, 1901-1902.
35 Voir, entre autres, Bandini M., Cento anni di storia agraria italiana, Rome, Edizioni Cinque Lune, 1957 et Daneo C., Breve storia dell’agricoltura italiana, 1860-1970, Milan, Mondadori, 1980.
36 Voir Hirschfeld A., La coopération agricole en France, Paris, J.-B. Baillière et Fils, 1957, et Cramois A., Coopératives agricoles. Pourquoi et comment le paysan français est devenu coopérateur, Paris, Centre National d’Information Économique, 1947.
37 Voir Augé-Laribé M., La politique agricole de la France de 1880 à 1940, Paris, PUF, 1950. Sur cette figure, voir Boussard I., « Michel Augé-Laribé (1876-1954) et l’économie politique rurale », EcR, n° 248, 1998, p. 4-12.
38 Voir Gueslin A., L’invention de l’économie sociale. Le xixe siècle français, Paris, Économica, 1998 [1987], p. 193-196.
39 Nous n’avons pas ici la possibilité de rentrer dans le détail des élaborations de Gide ; nous nous contentons de citer Gide C., Les Associations Coopératives Agricoles. Cours sur la Coopération au Collège de France. Décembre 1924-Mars 1925, Paris, Association pour l’enseignement de la coopération, 1925 et le chapitre « La préservation de la petite propriété », in id., Économie sociale. Les Institutions du Progrès Social au début du xxe siècle, Paris, L. Larose et L. Tenin, 1905, p. 429-456, ainsi que Gide C. et Daudé-Bancel A., De la lutte contre la cherté par les organisations privées, Paris, PUF, New Haven, Yale University Press, 1926. L’importance de la coopération de travail est d’ailleurs considérée par Gide comme la preuve du retard de ce mouvement dans les pays latins : voir Gide C., La Coopération dans les Pays Latins, 1926-1927, Paris, Association pour l’enseignement de la coopération, 1927, p. 12-16.
40 Voir Gueslin A., L’invention, op. cit., p. 341-379.
41 Voir Barral P., « Un secteur dominé : la terre », in Histoire économique et sociale de la France. Tome IV. L’ère industrielle et la société d’aujourd’hui (siècle 1880-1980). Premier volume : Panoramas de l’ère industrielle (années 1880-années 1970). Ambigüités des débuts et croissance effective (années 1880-1914), Paris, PUF, 1979, p. 349-397 ; id., « Les grandes épreuves : agriculture et paysannerie 1914-1948 », ibid. Second volume : Le temps des Guerres mondiales et la grande Crise (1914-vers 1950), Paris, PUF, 1980, p. 821-857 ; id., « Le secteur agricole dans la France industrialisée (1950- 1974) », ibid. Troisième volume : Années 1950 à nos jours, Paris, PUF, 1981, p. 1425-1463 ; ainsi que id., « L’agrarisme français : associations et politiques », in P. Villani (dir.), Trasformazioni, op. cit., p. 105-125.
42 Voir d’abord les deux ouvrages de référence : Barral P., Les agrariens, op. cit., et Agulhon M., La République au village. Les populations du Var, de la Révolution à la Seconde République, Paris, Plon, 1970. Pour les publications récentes, méritent d’être signalés les trois ouvrages suivants qui mettent en résonance des points de vue et des espaces différents : Cornu P. et Mayaud J.-L. (dir.), Au nom de la terre, op. cit. ; La politisation, op. cit. ; Canal J., Pécout G. et Ridolfi M. (dir.), Sociétés rurales, op. cit.
43 Voir la note de lecture de Sigaut F., « Tome III. Apogée et crise de la civilisation paysanne, 1789-1914 », La Pensée, n° 194, 1977, p. 71-76. Sur le groupe des auteurs et l’expérience du quatrième volume de l’Histoire de la France rurale, voir le récit d’un des protagonistes dans Jollivet M., « À la recherche d’une sociologie de long terme », Sociétés Contemporaines, n° 1, 1990, p. 84-85.
44 Béaur G., « L’histoire de l’économie rurale à l’époque moderne ou les désarrois du quantitativisme. Bilan critique », HSR, n° 1, 1994, p. 67. Voir aussi Jacquart J., « Les grandes étapes historiographiques », HSR, n° 3, 1995, p. 19-24 et Gavignaud-Fontaine G., « L’apport de l’école des Annales à l’histoire rurale de la période contemporaine », ibid., p. 94-102.
45 Voir le numéro « L’Histoire rurale en France », HSR, n° 3, 1995, actes du colloque de Rennes (6-8 octobre 1994) réunis et présentés par Ghislain Brunel et Jean-Marc Moriceau ainsi que les volumes de la collection « Rural History in Europe » (RURHE), issue du programme européen COST Action A35 PROGRESSORE et publiée par les éditions Brepols.
46 Voir les synthèses de Gabriel Désert et Robert Specklin sur la transformation des systèmes agraires régionaux et de Maurice Agulhon sur le développement du syndicalisme dans Agulhon M., Désert G. et Specklin R., Histoire de la France rurale. Tome 3. Apogée et crise de la civilisation paysanne, 1789-1914, Paris, Le Seuil, 1976, p. 434-449 et p. 518-526, ainsi que Gervais M., Jollivet M., Tavernier Y., Histoire de la France rurale. Tome 4. La fin de la France paysanne, de 1914 à nos jours, Paris, Le Seuil, 1976. Nous pouvons retrouver cette perspective, dans d’autres ouvrages consacrés aux campagnes françaises du xixe et xxe siècles, tels que Moulin A., Les paysans dans la société française. De la Révolution à nous jours, Paris, Le Seuil, 1988 et Gavignaud G., Les campagnes en France au xixe siècle, 1780-1914, Gap, Ophrys, 1990 et id., Les campagnes en France au xxe siècle, 1914-1989, Gap, Ophrys, 1990.
47 Voir Stanziani A., Histoire de la qualité alimentaire, xixe-xxe siècle, Paris, Le Seuil, 2005.
48 Voir Chatriot A., La politique du blé. Crises et régulation d’un marché dans la France de l’entre-deux-guerres, Paris, IGPDE, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2016.
49 Voir Sapelli G., « La cooperazione come impresa : mercati economici e mercato politico », in id. (dir.), Il movimento, op. cit., p. 253-349.
50 Voir, sur le cas du Jura, Dion-Salitot M. et Dion M., La crise d’une société villageoise. « Les survivanciers » les paysans du Jura français (1800-1970), Paris, Éditions Anthropos, 1972 et, sur la Savoie, Delfosse C., La France fromagère (1850-1990), Paris, La Boutique de l’Histoire éditions, 2007, p. 200-203. Mais la coopération laitière est cruciale aussi dans des travaux qui se focalisent sur d’autres objets, comme le montrent par exemple Brunier S., « “Il ne s’agit pas de reconstruire mais d’édifier”. Servitudes et grandeurs de la politique de reconstitution agricole dans le massif du Vercors après 1945 », Histoire et Mesure, n° 1, 2013, p. 217-250 et Kronenberger S., « Des fromagers suisses en Franche-Comté. Compétences, pluriactivité et réseaux (1850-1914) », HSR, n° 41, 2014, p. 55-87.
51 Mayaud J.-L., La petite exploitation rurale triomphante. France xixe siècle, Paris, Belin, 1999, p. 189.
52 Voir notamment Gavignaud G., Propriétaires-viticulteurs en Roussillon. Structures – Conjonctures – Société xviiie-xxe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1983, t. II, p. 413-458, id., « À propos des voies de passage de l’“agriculture paysanne” à l’“agriculture capitaliste” : Note sur le cas des viticulteurs roussillonnais », Le Mouvement social, n° 104, 1978, p. 31-42 et id., Caractères historiques du vignoble en Languedoc et Roussillon (recueil d’articles), Montpellier, Publications de l’université Paul Valéry, 1997.
53 Parmi les nombreux travaux du même auteur, nous pouvons citer à titre d’exemple : « Les caves coopératives : originalité, héritage, forces », Vignerons, op. cit., p. 147-185 et, sur le concept de révolution rurale, La révolution rurale dans la France contemporaine xviiie-xxe siècle (Paris, L’Harmattan, 1996).
54 Sans citer les ouvrages sur le droit de la coopération, voir par exemple, sur le cas français, Pedrotti R., L’État et la coopération agricole. Rapports de droit et rapports de force, Paris, CIRNOV, 1985 et, en Italie, Bonfante G., « La legislazione cooperativistica in Italia dall’Unità a oggi », in G. Sapelli (dir.), Il movimento, op. cit., p. 191-252.
55 Malassis L., « Essai d’orientation sur l’évolution de la coopération en France », EcR, n° 1, 1964, p. 31.
56 Nicolas P., « La coopération entre exploitations : de l’agriculture de groupe aux oligopoles de producteurs », EcR, n° 132, 1979, p. 56.
57 Voir Houée P., Coopération, op. cit., p. 11.
58 Aymard M., « Pour une continuité de l’histoire rurale », in P. Villani (dir.), Trasformazioni, op. cit., p. 23.
59 Il s’agit notamment des travaux nés autour de la figure d’Henri Mendras, voir : Fauvet J. et Mendras H. (dir.), Les paysans et la politique dans la France contemporaine, Paris, Armand Colin, 1958 ; Tavernier Y. et al. (dir.), L’univers politique des paysans dans la France contemporaine, Paris, Armand Colin, 1972 ; Jollivet M. (dir.), Les collectivités rurales françaises. Tome II. Sociétés paysannes ou lutte de classe au village ? Problèmes méthodologiques et théoriques de l’étude locale en sociologie rurale, Paris, Armand Colin, 1974 ; Coulomb P. et al. (dir.), Les agriculteurs et la politique, Paris, Presses de la Fondation Nationale de Sciences Politiques, 1990. Pour une mise en perspective, voir Mendras H., « L’invention de la paysannerie. Un moment de l’histoire de la sociologie française d’après-guerre », Revue française de sociologie, n° 3, 2000, p. 539-552 et Hervieu B. et Purseigle F., Sociologie des mondes agricoles, Paris, Armand Colin, 2013, p. 203-207. Plus récemment, d’autres travaux ont poursuivi dans cette direction, voir : Hervieu B. et Lagrave R.-M. (dir.), Les syndicats agricoles en Europe, Paris, Éditions L’Harmattan, 1992 et Hervieu B. et al. (dir.), Les mondes agricoles en politique. De la fin des paysans au retour de la question agricole, Paris, Presses de Sciences Po, 2010. Enfin, méritent d’être citées les recherches de Sylvain Brunier, qui s’intéressent aux dispositifs de développement agricole mis en place après la Deuxième Guerre mondiale, voir Brunier S., « Des intermédiaires sur mesure. Les conseillers agricoles ont-ils été des modernisateurs (1945- années 1970) ? », Gouvernement et action politique, n° 3, 2016, p. 59-81.
60 Voir Maresca S., Les dirigeants paysans, Paris, Les Éditions de Minuit, 1983, p. 242-249 et Bourdieu P., « Une classe objet », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 17-18, 1977, p. 2-5.
61 Desroche H., Le projet coopératif. Son utopie et sa pratique. Ses appareils et ses réseaux. Ses espérances et ses déconvenues, Paris, Éditions Économie et Humanisme, Les Éditions ouvrières, 1976, p. 14. Voir Rambaud P., Sociologie rurale. Recueil de textes, Paris-La Haye, Mouton, 1976 et Vienney C., Socio-économie des organisations coopératives, Paris, Coopérative d’information et d’édiction mutualiste, 1980-1982, sur cette œuvre voir aussi Chomel A. (dir.), Coopération et économie sociale au « second » xxe siècle. Claude Vienney (1929-2001), Paris, Institut de l’Économie Sociale, L’Harmattan, 2002. Ces travaux méritent d’être cités y compris en vertu du dialogue qu’ils entretiennent avec des recherches menées dans d’autres pays, telles qu’on les trouve dans : Infield H. F. et Maier J. B. (dir.), Cooperative group living. An international symposium on group farming and the sociology of cooperation, New York, H. Koosis, 1950 ou à travers la réflexion lancée par Adriano Olivetti en Italie autour du Movimento Comunità (sur cette figure, voir l’ouvrage, paru récemment, Ferrarotti F. et Gemelli G., Un imprenditore di idee. Una testimonianza su Adriano Olivetti, Turin, Edizioni di Comunità, 2001).
62 Voir Zangheri R., « A trent’anni dalle leggi di riforma fondiaria. Un commento », Rivista di economia agraria, n° 4, 1979, p. 733.
63 Rambaud P., « Des initiatives de la société rurale : les coopératives de travail agraire », EcR, n° 103, 1974, p. 62.
64 Cet article procède à une mise en perspective des différents critères de classification des coopératives, adoptés tant par les économistes que par des fédérations telles que l’Alliance coopérative internationale. Voir : « La classification des Coopératives. Rapport du professeur Salcius et discussion », Revue des Études Coopératives, n° 61, 1936, p. 69-95. Sur la même question, voir aussi Fauquet G., Diversité et classification des institutions coopératives, Genève, Bureau international du travail, 1939 et Riguzzi B. et Porcari R., La cooperazione operaia in Italia, Turin, Gobetti, 1925.
65 Nous reviendrons dans la deuxième partie de l’ouvrage, de manière beaucoup plus approfondie, sur la figure de Giovanni Lorenzoni mais il est d’ores et déjà opportun de citer l’entrée « Coopération » qu’il rédige pour l’encyclopédie Treccani : Lorenzoni G., « Cooperazione », in Enciclopedia italiana di scienze, lettere ed Arti, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana fondata da Giovanni Treccani, vol. XI, 1949, p. 286-288. Voir aussi : id., La cooperazione. Chiarificazione d’idee e tentativo di sistemazione, Florence, Poligrafica universitaria, 1936, ainsi que les mises en perspective de Daniela Giaconi et de Stefano Spalletti dans Gioia V. et Spalletti S. (dir.), Etica ed economia. La vita, le opere e il pensiero di Giovanni Lorenzoni, Soveria Mannelli, Rubbettino Editore, 2005. Voir aussi l’édition italienne de sa thèse : Lorenzoni G., La cooperazione agraria, op. cit, et la recension de Valenti, l’un des plus importants économistes italiens de l’époque, ainsi que la synthèse tentée par Giovanni Montemartini : Valenti G., « Cooperazione di classe ! », Giornale degli Economisti, Série 2a, n° 25, octobre 1902, p. 358-375 et Montemartini G., « Cooperazione di classe », ibid., n° 26, janvier 1903, p. 63-76. Sur la pensée de ce dernier au sujet de la coopération, voir les articles de Marco E. L. Guidi et de Nicolò Bellanca dans Guidi M. E. L. et Michelini L. (dir.), Marginalismo e socialismo nell’Italia liberale, 1870-1925, Annali della Fondazione Giangiacomo Feltrinelli, XXXV (1999), Milan, Feltrinelli, 2001, p. 327-372.
66 Âgé d’une vingtaine d’années, vers la fin de ses études à l’Institut d’agriculture de Moscou, en 1908-1909, Tchayanov séjourne en Italie et en Belgique où il a l’occasion de visiter directement les expériences coopératives agricoles des deux pays. Il reprend ces observations dans le cadre d’un séminaire scientifique sur la coopération agricole qu’il débute en 1913. Publié pour la première fois en 1915 et suivi par plusieurs rééditions, ce texte consiste dans un effort de conceptualisation du rapport entre coopérative et exploitation paysanne. Nous renvoyons à l’édition anglaise : Chayanov A. V., The Theory of Peasant Co-operatives, Columbus, Ohio State University Press, 1990 [éd. russe de 1927] et à la traduction française d’un texte sur les coopératives de crédit dans Tchayanov A., « À propos de l’organisation du crédit rural », EcR, n° 247, 1998, p. 3-10. Sur l’auteur, voir Kerblay B., « Bibliographie des principaux travaux de A. V. Čajanov », Cahiers du monde russe, n° 1, 1996, p. 85-112 et Guelfat I., « A. V. Tchayanov. Propagateur de la pédagogie de la coopération », Communauté. Archives Internationales de Sociologie de la Coopération et du Développement, n° 25, 1969, p. 3-15. Mais aussi, pour un panorama plus général sur ces questions : Stanziani A., L’économie en révolution. Le cas russe, 1870-1930, Paris, Albin Michel, 1998.
67 Béaur G., « Les catégories sociales à la campagne : repenser un instrument d’analyse », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, n° 1, 1999, p. 175. Sur ces questions voir aussi Desrosières A. et Thévenot L., Les catégories socio-professionnelles, Paris, La Découverte, 1988 et, pour une réflexion à partir du cas italien, voir Vitali O., « Popolazione attiva in agricoltura attraverso i censimenti in Italia : nuove valutazioni », QS, n° 14, 1970, p. 541-576 et id., « I censimenti e la composizione sociale dell’agricoltura italiana », in P. Bevilacqua (dir.), Storia dell’agricoltura italiana in età contemporanea. ii. Uomini e classi, Venise, Marsilio, 1990, p. 373-414.
68 Febvre L., « Les mots et les choses en histoire économique », Annales ESC, n° 6, 1930, p. 233 et, pour une réflexion sur ces termes, Barral P., « Note historique sur l’emploi du terme “paysan” », EtR, n° 21, 1966, p. 72-80.
69 Voir, sur l’INRA : Bonneuil C., Denis G. et Mayaud J.-L. (dir.), Sciences, chercheurs et agriculture. Pour une histoire de la recherche agronomique, Versailles, Éditions Quæ, Paris, L’Harmattan, 2008 ; sur l’INEA : Magnarelli P., « L’Istituto nazionale di economia agraria, un’istituzione del fascismo », QS, n° 36, 1977, p. 889-898 et Salvatici S., « L’Istituto Nazionale di Economia Agraria : l’istituzione, gli uomini, le ricerche », Le Carte e la Storia, n° 1, 1999, p. 204-217. Pour un panorama général des institutions internationales de l’agriculture en Europe, voir Noël G., « La solidarité agricole européenne. Des congrès d’agriculture à la politique agricole commune », in J. Canal, G. Pécout et M. Ridolfi (dir.), Sociétés rurales, op. cit., p. 311-325.
70 Peu de recherches ont pour l’instant approfondi l’histoire de cette première organisation internationale du domaine agricole, qui est aujourd’hui considéré comme une sorte d’« ancêtre » de la FAO. Encore aujourd’hui, il est souvent fait référence à l’ouvrage d’Hobson A., The International Institute of Agriculture (An Historical and Critical Analysis of its Organization, Activities and Policies of Administration), Berkeley, University of California Press, 1931, mais méritent également d’être citées, parmi les travaux récents : Mignemi N., Une Chambre au service des agriculteurs ? L’Italie et les origines de l’Institut international d’agriculture, Mémoire, École française de Rome, 2016 ; id., « Agriculteurs du monde entier, associez-vous ! Robert de Rocquigny : du Musée social à l’Institut International d’Agriculture », HSR, n° 45, 2016, p. 43-67 ; Pan-Montojo J., « International institutions and European agriculture : from the IIA to the FAO », in C. Martiin, J. Pan-Montojo et P. Brassley (dir.), Agriculture in Capitalist Europe, 1945-1960. From Food Shortages to Food Surpluses, New York-Londres, Ashgate, 2016, p. 23-43. Avec une attention particulière accordée à la période de l’entre-deux-guerres, voir les nombreuses publications de Luciano Tosi, notamment : Tosi L., Alle origini della FAO. Le relazioni internazionali tra l’Istituto Internazionale di Agricoltura e la Società delle Nazioni, Milan, Franco Angeli, 1989.
71 À titre d’exemple, nous pouvons citer l’enquête dirigée par le sénateur Stefano Jacini en Italie dans les années 1870-1880. Voir : Caracciolo A., L’inchiesta agraria Jacini, Turin, Einaudi, 1958 ; Gallo M., « Une source d’histoire italienne. L’“Inchiesta Jacini”, 1877-1885 », EtR, n° 33, 1969, p. 58-86 ; Paoloni G. et Ricci S. (dir.), L’archivio della Giunta per l’inchiesta agraria e sulle condizioni della classe agricola in Italia (inchiesta Jacini), 1877-1885, inventario, Rome, Archivio Centrale dello Stato, Quaderni della Rassegna degli archivi di Stato, n° 84, 1998. Pour le cas français, nous pouvons citer les monographies départementales qui accompagnent les enquêtes agricoles, comme par exemple la statistique agricole de 1929. Pour une mise en perspective générale sur l’usage des enquêtes en agriculture, voir Vivier N. (dir.), The Golden Age of State Enquiries. Rural Enquiries in the Nineteenth Century. From Fact Gathering to Political Instrument, Turnhout, Brepols, 2014 et le dossier « L’État et les sociétés rurales : enquêtes agricoles, enquêteurs et enquêtés en Europe du Sud aux xixe et xxe siècles » sous la direction de Corinne Marache et Nadine Vivier dans Annales du Midi, n° 284, 2013, ainsi que, sur le cas italien, D’Onofrio F., Observing Agriculture, op. cit.
72 Voir Richefort I., « Les archives du ministère de l’Agriculture », Bulletin trimestriel de l’Institut d’histoire du Temps présent, n° 23, 1986, p. 16-30 et id., « Les archives du ministère de l’Agriculture », EcR, n° 184-186, 1988, p. 228-235.
73 Voir Eramo N., « L’amministrazione dell’agricoltura e le irrigazioni », Le Carte e la Storia, n° 2, 2000, p. 205-215 et les actes d’un colloque de 1998 qui procède à une mise au point dans le but d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche : Lepre S. (dir.), Gli archivi dell’agricoltura del territorio di Roma e del Lazio. Fonti per la storia agraria e del paese, Rome, Ministero per i Beni e le Attività culturali. Direzione Generale per gli Archivi, 2009.
74 En plus d’avoir eu la possibilité de consulter les archives privées de la société, son histoire a pu être reconstruite grâce aux témoignages de Luigi Di Vara, l’actuel président, et de Saverio Baio Mazzola, présent en 1945 au moment de la fondation, puis président pendant trente ans, au point de devenir la mémoire vivante de la coopérative. Les transcriptions des entretiens sont publiées en version intégrale en annexe de Mignemi N., Coopérer pour travailler la terre, coopérer pour exploiter la terre. Itinéraires comparés des coopératives agricoles en Italie et en France dans la première moitié du xxe siècle, thèse, EHESS, 2012, p. 710-737.
75 En raison de l’absence quasi-totale de recherches sur le sujet, nous nous limitons ici à citer une publication à caractère commémoratif, parue comme supplément à la revue de l’organisme régionale : voir Fierotti M. (dir.), 30 anni di agricoltura, dall’ERAS all’ESA, Palerme, Publisicula, 1981.
76 Nous avons choisi ici de garder le terme latifondo, c’est-à-dire la définition contemporaine élaborée entre le xixe et le xxe siècle à partir des réalités de l’Europe méditerranéenne et de l’Amérique latine et fondée sur des critères avant tout économiques. Voir à ce sujet, la mise en perspective comparatiste et sur la longue durée proposée dans Du latifundium au latifondo. Un héritage de Rome, une création médiévale ou moderne ?, Paris, Publications du Centre Pierre Paris, Diffusion de Boccard, 1995. Il faut aussi citer les travaux de Marta Petrusewicz, notamment Latifondo. Economia morale e vita materiale in una periferia dell’Ottocento, Venise, Marsilio, 1989.
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