Conclusions : Paris, la cour et la ville
p. 333-358
Texte intégral
1La cour et la ville, c’est un sujet tout à la fois vieux et flambant neuf. L’ensemble de l’Ancien Régime résonne de cette discussion, parce que la France a vécu, surtout à partir du milieu du xviie siècle, la dichotomie entre la cour et la ville, entre Versailles et Paris alors que dans le même temps, la gestion de la capitale relevait du secrétaire de la maison du roi, ce qui témoigne du rapport entre la cour et la capitale. La splendeur du château de Louis XIV a longtemps obscurci ce qu’il y avait auparavant, et empêché de s’intéresser à ce qui a suivi.
2Mais la perspective s’est depuis élargie. Les travaux sur les résidences princières, qui, depuis une génération ont pris un essor toujours ascendant, ont adopté récemment une nouvelle direction : il ne suffit plus d’explorer la résidence en tant que bâtiment et la cour en tant que maison ou maisonnée. Il faut aller plus loin pour comprendre le rapport entre la cour et l’espace qui l’entoure. Les chercheurs de Fribourg-en-Brisgau ont été pionniers dans cette orientation1. Depuis 2012 cette approche est au cœur du travail de la nouvelle Residenzen-Kommission de l’Académie des sciences de Göttingen à travers un projet qui s’intitule « Residenzstädte im Alten Reich 1300-1800 » (Villes de résidence dans l’Empire d’Ancien Régime, 1300-1800). Un sous-titre explique l’enjeu du travail : « urbanité dans les relations intégratrices et concurrentielles entre seigneurie et communauté »)2. Trois colloques ont déjà été organisés et publiés autour de cette thématique : « La cour et la ville » à Halle en 2004/20063 ; « Bourgeoisie urbaine et société de cour » à Cobourg en 2010/20114 ; « Dans la ville de résidence. Fonctions, média et formes de la représentation urbaine et courtoise » à Neuenstein en 2013/20145. Un quatrième a eu lieu à Kiel en 2014 : « Villes-résidence d’Ancien Régime. Contours d’un phénomène européen6. » D’autres sont en préparation ainsi qu’un grand répertoire des villes-résidences dans l’Empire (plus de 600), et un programme d’études locales et transversales. La ville en tant que corps et communauté fait pendant à la cour, l’héberge souvent, mais peut aussi s’en passer.
3Partout cette approche mobilise les historiens. Boris Bove a rappelé les colloques de Prague de 2012, de Valladolid et de Paris en 2013. D’autres rencontres sont en préparation. Cependant, le sujet cour/ville, est longtemps resté dans l’angle mort entre l’histoire de Paris, celle de l’État et celle de la Cour : c’est l’objet de ce colloque.
Qu’est-ce que la cour ?
4Notre rencontre a évoqué la cour du roi, mais aussi celles des princes comme les ducs de Berry et Orléans à la charnière des xive et xve siècles. Mais la réalité curiale est bien plus complexe. Le Parlement est aussi appelé cour et prétend même être l’héritier de la curia regis. Il a une personnalité morale distincte de la ville, car si les officiers du roi sont de la ville, ils forment un corps séparé d’elle. Outre cette personnalité juridique et le poids social que pèse cette élite judiciaire dans la police de la cité et dans la construction des hôtels citadins, cette cour du Parlement a aussi un rayonnement moral et culturel qui recouvre autant la définition de la bonne éloquence que celle du christianisme le plus conforme à l’église primitive7. La ville parlementaire est donc aussi à sa manière une ville de cour. Mais Paris fut sûrement moins marqué que Rennes, Dijon ou Rouen par cette réalité8, car une cour peut en cacher une autre.
5Le colloque s’est en effet attaché à la définition la plus ordinaire de la cour comme le regroupement des officiers de la couronne et des services ou maisons attachés à la famille royale. Mais peut-être faut-il rappeler que le modèle versaillais ne peut résumer la réalité de la cour royale durant le vaste arc temporel retenu. Déjà Versailles est un modèle complexe où le roi se dissocie de la cour lorsqu’il se rend à Marly, comme Henri III aimait à se retirer à Vincennes. De même les bureaux de la cour ne sont pas tous à Versailles ; pensons au garde-meuble place Louis XV. Last but not least, Versailles n’a pas été le seul foyer curial princier même à l’âge classique de l’absolutisme, puisqu’il y eut aussi le Chantilly des Condé9. Dans Paris même, certaines de ces cours princières firent partiellement ombrage à la cour royale : « Le Louvre des Guise » (Marjorie Meiss-Even10), la cour de la reine Marguerite de Valois (Bruno Petey-Girard), « la cour Cardinal » de Richelieu, plus tard celle des Condé, Orléans, Vendôme (Laurent Marchand). Faut-il enfin rappeler que durant tout le Moyen Âge, la France est un pays de principautés, donc de cours et de villes de résidence autres que Paris : Aix-en-Provence, Dijon, Angers, Nantes, Alençon, Moulins, et bien d’autres encore.
6Mais la physionomie de la cour a aussi évolué depuis le Moyen Âge non seulement par l’accroissement des effectifs mais aussi dans la composition curiale. Durant la première modernité ou le bas Moyen Âge, la reine n’est pas toujours au côté du roi, que ce soit l’épouse de Louis XI ou la reine Claude de France et ce n’est que peu à peu que cette osmose de la reine et du roi a été établie11. Les princes apanagés enfin ont souvent leur capitale et leur maison qui ne se mêlent qu’épisodiquement à la cour royale. Leur malcontentement et leur révolte, comme celui des grands se manifestent par un défi qui consiste à bouder la cour pour se retirer dans leurs gouvernements ou apanages provinciaux12. Enfin, le roi part aussi parfois à la guerre et pas forcément avec la cour. Si les sièges de Charles le Téméraire (par exemple à Neuss) ou Louis XIV ont pu être un spectacle offert à la cour, voire un spectacle de cour13, Charles VIII, Louis XII, François Ier délaissent celle-ci lorsqu’ils partent vers l’Italie, la vidant en partie de sa substance masculine et guerrière : les rois des guerres d’Italie ou plus tard Henri II et Louis XIII sont souvent sur les sentiers de Mars, voire à l’étranger, bien loin de la cour. Bref celle-ci n’a pas toujours été cet aimant qui attire tout et tous autour du couple royal mais révèle une complexe plasticité fonctionnelle et humaine.
7Cette polarisation curiale est aussi contrariée par toute une littérature anti-aulique, par les affrontements clientélaires, par la passion nobiliaire pour les duels, enfin par les problèmes religieux qui font de la cour un lieu dangereux et répulsif. De la conjuration d’Amboise à l’exécution de Concini en passant par la Saint-Barthélemy ou l’exécution du duc de Guise en 1588, la cour est un espace dangereux pour les courtisans toujours susceptibles d’être visés par une disgrâce. Mais les rois n’y sont pas toujours à leurs aises, s’y sentent espionnés et surveillés, au point parfois de devoir pratiquer le coup de majesté pour lever cette menace. Le roi est parfois seul au milieu d’une cour hostile, qu’il cherche à fuir. Il convient donc de rester prudent sur l’analogie entre déplacement royal et déplacement curial.
8Ces préliminaires pour rappeler que la cour n’a pas la stabilité domestique, administrative, protocolaire, cérémonielle qu’on lui suppose en opposant la cour et la ville. La cour est une réalité d’intensité et même d’existence variables. On peut douter que Louis XI en ait eu une, résidant sans faste au Plessis, mais remaniant Tours pour en faire une capitale14. De même le mécénat s’il a pu être curial et royal passe parfois par d’autres canaux comme sous Louis XIII et le début du règne de Louis XIV où les principaux ministres ont favorisé et polarisé la création15.
La fréquentation de Paris
9Toutes ces précautions invitent à ne pas poser comme originel et consubstantiel le rapport entre la capitale et la cour royale. Voilà qui évite aussi de supposer la linéarité du développement simultanée de ces deux réalités distinctes. Le roi réside par intermittence dans sa capitale et la cour n’y est pas toujours présente : Boris Bove constate même qu’au Moyen Âge, « le roi, en définitive, était rarement à Paris ». Il eut une période faste, celle de Jean II, de Charles V et de Charles VI, entre 1350-1422, les « premiers rois citadins de l’histoire de France », pendant laquelle la cour passait plus de la moitié de l’année à Paris. Mais avant cette date, de 1190 à 1280, où pourtant les institutions monarchiques s’étaient installées à Paris, puis sous Philippe le Bel et les derniers Capétiens, le taux n’était que de 20 à 30 %, n’atteignant sous Philippe VI (1328-1350) que 17 %. Le monarque ne se déplaçait pourtant que le long de la Seine (Paris, Vincennes, Poissy) et le long de l’Oise : la cour mobile demeurait dans l’orbite de Paris.
10Face à la conquête anglaise, Charles VII, puis Louis XI préfèrent les pays de la Loire (31 %), Bourges, Tours ou Orléans ; la cour semble vouloir revenir sous Charles VIII (Étienne Hamon), mais la résidence reste faible sous François Ier et Henri II (15 %), avant de progresser sous Catherine de Médicis et Charles IX (39 %) pour finalement atteindre sous Henri III les 59 % habituels à la « belle époque » de la deuxième moitié du xive siècle (Caroline zum Kolk). Les troubles des guerres de Religion ont paradoxalement favorisé l’émergence d’une sédentarité curiale : peut-être pour des raisons de sécurité, si l’on pense à l’épisode de la surprise de Meaux en 1567 où le roi se réfugia dans sa capitale pour se protéger de l’enlèvement.
11Mais cette protection parisienne est versatile et a été ébranlée par la révolte parisienne de 1588, le refus de la Ligue de reconnaître Henri IV avant sa longue marche victorieuse vers le pouvoir. La présence royale aux armées prévaut alors sur la résidence au milieu d’une cour inexistante pour un roi séparé de son épouse et rejeté de sa capitale. Louis XIII sera aussi souvent parti à la guerre tandis que la cour réside à Paris ; la Fronde rappellera à la Couronne la menace que constitue la capitale. Pour la conjurer, Louis XIV sépare spatialement et durablement Paris de la cour en transférant celle-ci à Versailles. Elle revient sur les bords de Seine de manière éphémère sous la Régence (1715-1722). Malgré le retour à Versailles sous Louis XV, la ville rétablit cependant son empire dans la fabrication des modes et de l’opinion sous Louis XV (Lemarchand). Cette distinction de la cour et de la capitale est déjà un obstacle pour penser Paris comme ville de cour. Resterait à se demander si cette instabilité et cette dualité, qui sont anciennes, ne sont pas aussi la cause profonde de l’échec de la monarchie, en favorisant la distinction entre l’espace public dominé par le roi et sa cour d’une part et l’existence d’une opinion publique, citadine, d’autre part ?
12Un autre obstacle pour penser Paris comme ville de cour tient en ce que les communications ont mis en avant l’existence, dès le Moyen Âge, d’une province curiale, plus que d’une ville curiale dans la mesure où l’itinérance royale s’opère principalement dans un rayon de 60 km autour de Paris, le long de l’Oise et de la Seine, profitant des forêts giboyeuses, pour réserver le séjour parisien en hiver, au temps des étrennes. Le roi a établi en orbite autour de sa capitale des résidences comme le château de Vincennes : la vieille maison de chasse devient donjon fortifié et enceinte énorme sous Charles V, capable de recevoir un grand nombre de personnes, pour être non pas un centre administratif, mais un centre gouvernemental : « Charles voulait être entouré de ses courtisans, non de ses fonctionnaires16 », et même si Vincennes a néanmoins fini par recevoir l’armée et ses archives, elle était encore sous Louis XIII et Louis XIV un lieu de résidence profondément modifié par la création du pavillon du roi puis celui de la reine édifié par Le Vau au milieu du xviie siècle. Jusque tard dans le xviiie siècle, les rois iront de Versailles à Fontainebleau en passant par Saint-Germain-en-Laye.
13Dans l’Empire, aux xviie-xviiie siècles, les princes, s’ils ne fondent pas une nouvelle ville de résidence (Durlach/Karlsruhe, Lunebourg/Celle, Brunswick/Wolfenbüttel et la majorité des prince-évêques d’Empire) ont souvent l’habitude de vivre à proximité entre Innsbruck/Ambras, Heidelberg/Mannheim et Schwetzingen, Berlin/Potsdam, Schwerin/ Ludwigslust, Munich/Schleißheim et Nymphenburg. Seul l’empereur à Vienne ne varie pas et tient à sa « Hofburg », jusqu’en 1918.
14On peut s’interroger sur les raisons qui ont fait élire cette province d’Île-de-France comme cadre de résidence curiale. Assurément l’enracinement dynastique originel des Capétiens dans la région, puis le choix d’y établir la capitale administrative et politique de leur royaume ont façonné une tradition résidentielle. Les décisions politiques sont donc essentielles et rendent plus discutables les interprétations fonctionnalistes qui attribuent à Paris une centralité géographique ou un éloignement frontalier assurant la sécurité. C’est voir le passé avec les lunettes de ce qu’est devenu Paris au xixe siècle. Pendant longtemps, Paris n’est pas un pôle idéal pour communiquer avec le sud du royaume ou même obtenir des nouvelles de l’étranger17. En 1525, la régente préfère s’installer un an à Lyon plutôt qu’à Paris pour recevoir des nouvelles du roi capturé et emprisonné en Italie puis en Espagne18. La ville, occupée par les Anglais en 1422 est aussi sans cesse sous la menace des invasions étrangères venues de Picardie ou de Champagne : les alarmes de 1523 ou de 1636, l’année de Corbie, l’attestent comme l’intervention de Farnèse depuis les Pays-Bas pour contraindre Henri IV à lever le siège de sa capitale. L’histoire qui a fait de l’Île-de-France le berceau domanial de la dynastie est donc la raison première du choix de cet espace comme région de résidence.
La « région résidence » francilienne
15Le refus d’habiter en permanence dans la capitale doit aussi être exploré. Il tient à l’insécurité parisienne, au sens large. Elle est politique et sanitaire. Paris est non seulement grande et peuplée, mais mouvementée, facilement révoltée, difficile à maîtriser. Les dates de 1356 (Étienne Marcel), de 1413 (les Cabochiens), de 1418 (rentrée des Bourguignons), celles de 1572 (Saint-Barthélemy) ou la Ligue parisienne entre 1588 et 1594 puis les années de la Fronde, les années révolutionnaires de 1789, 1830, 1848 et 1870 et jusqu’en 1968 suffisent à le rappeler. La ville où réside le pouvoir peut être pour lui un danger potentiel. Il faut donc la surveiller et l’encadrer, dans un combat permanent pour façonner l’opinion publique19, face à une culture de la rumeur, de la chanson, de la farce, du tract, de la feuille volante ou de l’affiche. Les lettres de rémission en gardent la trace. Les romans où tout paraît harmonieux, ne doivent pas nous illusionner (Michèle Szkilnik). La saleté et la puanteur dans le Paris médiéval et d’Ancien Régime ont aussi dû être si fortes que, l’été, comme à Rome, ceux qui en avaient les moyens quittaient la ville (Alexandre Gady20). Dans un espace restreint vivent au xviiie siècle 600000 hommes et de nombreux animaux, notamment des chevaux. À leurs déchets il faut ajouter les nombreuses pollutions que produit une ville qui est aussi industrielle21. L’intermittence ne découle toutefois pas seulement du caractère répulsif de la grande ville mais aussi des habitudes nobiliaires. Le roi et les aristocrates s’adonnent à leur passe-temps préféré : la chasse. C’est elle, avec les agréments de la campagne et l’attrait de certains monastères, Poissy par exemple, qui créa autour de Paris une « région-résidence » (Boris Bove) qui ne cessa de se développer, de changer et de perdurer à travers le temps, jusqu’à notre époque. En un ou deux jours, ces résidences pouvaient être atteintes et vice versa. On était ailleurs sans vraiment quitter la ville22.
16Ce rapport symbiotique entre la ville et l’Île-de-France se manifeste dans la physionomie des résidences parisiennes des courtisans et plus encore dans ses faubourgs où les gens de cour recréèrent la campagne dans la ville : l’hôtel royal de Saint-Pol était fait de jardins, galeries et bâtiments dans la verdure comme plus tard le vaste parc et hôtel de Marguerite de Valois dans le quartier Saint-Germain. L’hôtel « entre cour et jardin » a des racines très anciennes. Les résidences du roi et de ses vassaux privilégient les faubourgs de la ville car il faut de l’espace verdoyant, de l’air et une perspective champêtre. L’hôtel aristocratique parisien, du moins jusqu’à la seconde moitié du xviiie siècle n’est pas le palais romain faisant corps avec la ville en dominant monumentalement la rue ou mieux encore la place. Entre cour et jardin, l’hôtel parisien conserve la physionomie de la maison de plaisance rurale.
L’héritage urbain
17Si les rois ont développé des villes de résidence distincte de leur capitale, à Fontainebleau ou Versailles, comme jadis les ducs de Milan à Vigevano, les souverains espagnols à l’Escurial, les ducs de Piémont-Savoie à Venaria Reale, n’est ce pas qu’il est difficile pour le prince de façonner la grande ville ancienne ? Résistent en effet au prince urbaniste, l’héritage citadin, son parcellaire, ses censives, son bâti hérité. Paris n’est pas une page blanche où écrire la magnificence et la volonté royales. Si finalement le souverain y est certes presque partout devenu haut-justicier, il est rarement seigneur foncier23 et la structure féodale lui pose d’étroites limites comme l’a montré l’exemple du quartier du Louvre dont le roi justement n’est pas seigneur foncier : il doit marchander les lieux à l’aide de dédommagements et d’échanges et son palais reste enkysté dans un bâti qui empêche toute perspective valorisante.
18Les expulsions sont rares et apparaîtraient comme de la tyrannie, mais leur attente paupérise le quartier (Guillaume Fonkenell). Les abords du Louvre ne sont pas un écrin. La texture de la ville est aussi trouée par des lieux exempts : non seulement par les fortifications et hôtels du roi et la présence des grandes administrations, mais aussi par les hôtels des princes, comme l’hôtel d’Artois24 et les hôtels des nobles25 souvent dotés de leur propre juridiction aux mains de maîtres d’hôtel, qui forment en quelque sorte leur propre circonscription juridictionnelle : source d’interminables conflits entre l’honneur curial et l’honneur urbain26. Plus importants encore sont les droits et exemptions ecclésiastiques de l’évêque, des grandes abbayes et de l’Université.
19Bref si Solo madrid es corte, car la ville créée au xvie siècle fut d’emblée pensée comme une ville de cour (Martinez-Milan), Paris n’offre de perspective d’aménagement monumental que sur le fleuve27 et dans les faubourgs où furent édifiées les principales grandes places aujourd’hui connues sous le nom de place des Victoires, place Vendôme et place de la Concorde. Il faut attendre Haussmann pour que Paris devienne cet espace adapté à la fête et à la cour impériale, au moment où la cour va disparaître des institutions politiques.
20Mais le rapport entre la cour et la capitale n’est pas qu’un rapport spatial, car la ville et la cour sont aussi des espaces socio-économiques dont il s’agit maintenant de mesurer les relations.
Qu’est ce que la « ville » de Paris ?
21Interroger Paris comme ville de cour ne doit pas faire l’économie d’une réflexion sur ce qu’est cette capitale d’autant que cette métropolité a pu évoluer au cours de l’histoire28. Or pendant le colloque, la « ville » de Paris a été quasi absente29. Elle n’est pas seulement un espace topographique et géographique dont prend possession le monarque, c’est un ensemble organisé d’hommes et de femmes, une communauté.
22Paris n’est pas une ville ordinaire. Elle est la plus peuplée d’Occident (61098 feux en 1328 qui font plus de 200000 habitants, et au moins 80000 (100000, 150000 ?) pendant les crises du premier xve siècle), pour atteindre près de 500000 en 1700 et environ 600000 âmes à la fin du xviiie siècle30. Elle surpasse de loin les autres cités du royaume par son étendue, par son poids non seulement démographique, mais aussi économique, intellectuel et politique. Son cas est donc exceptionnel, il ne faut pas le perdre de vue. Alimenter, vêtir, loger, meubler, voir divertir cette population suffit à animer une économie, dessiner un hinterland, construire une polarisation métropolitaine qui ne dépend pas exclusivement de la résidence curiale. Toute la France contribue à l’approvisionnement alimentaire de Paris et le marché parisien est national31. Vers 1780, avec au moins 132 millions de livres tournois de dépenses alimentaires, le ventre de Paris pèse l’équivalement de 40 % de l’ensemble des recettes fiscales de la monarchie. Elle est un multiplicateur économique qui stimule la production en volume, en diversité et en qualité. Nul doute que la résidence des élites soit ce qui apporte à la capitale cette demande éclectique et luxueuse. Mais la quantité de produits consommés excède les seuls besoins curiaux.
23Ces bouches en effet ne se réduisent pas aux courtisans et aux nobles32. Outre les bourgeois33 qui sont rentiers du sol de l’Île-de-France ou marchands, qui gèrent la ville et les paroisses comme conseillers de ville, quartiniers ou marguilliers34, il y a les maîtres des métiers et « le peuple de Paris » qui compte des domestiques, des paysans35 et des pauvres en grand nombre. Auxquels il faut joindre la foule des étrangers, bourgeois ou non, plus ou moins de passage36. Tous sont loin de devoir leur raison de vivre au service du roi et des princes ou à l’approvisionnement curial37. Ces horsains font partie du paysage et de l’imaginaire parisiens comme en témoignent les romans (Michèle Szkilnik).
24Cette société nombreuse et hiérarchisée n’a cependant pas de municipalité constituée. Jacques Chirac en 1977 a été le premier maire de Paris, office qui n’existait pas auparavant ni durant toute la période qui nous a retenus. Les bourgeois et le prévôt des marchands participent certes et de manière très visible à l’entrée solennelle d’Isabeau de Bavière à Paris le 22 août 1389 (Murielle Gaude-Ferragu). Mais à la différence du Mayor et aldermen de Londres, dotés dès 1220 du titre de baron, Paris n’a pas eu d’institutions représentatives fortes. Initialement simple chef de la « Hanse » des marchands de l’eau, le prévôt est entouré de quatre échevins et 24 prud’hommes, et forment ensemble un magistrat de Paris mais qui n’en a cependant pas le titre38. Car malgré leur influence croissante à la fin du Moyen Âge et avant leur déclin au xviie et xviiie siècle illustré par la perte de la désignation du prévôt, la fin de la milice bourgeoisie et la transformation des offices municipaux en offices royaux, la ville a toujours été en fait gouvernée depuis le Châtelet par les officiers du roi, notamment le prévôt auquel s’est ajouté, non sans conflit de juridiction au xviie siècle, le lieutenant de police39. Ces gens du roi font main basse sur les offices municipaux et le corps de ville est devenu une administration royale dont les édiles entrent en conflit avec la notabilité parisienne. La ville n’est donc visible que par des armoiries et par la Maison des Piliers (achetée en 1357) qui deviendra plus tard hôtel de ville. Y a-t-il concurrence des signes40 ? Le patrimoine héraldique de la France a été fortement détruit par la Révolution (Alexandre Gady). Que pense la ville de la cour et la cour de la ville ? Y a-t-il alors face à l’aristocratie une conscience et un comportement bourgeois41 ? Offre-t-elle systématiquement le « vin d’honneur » comme font les villes d’Empire et même de Bourgogne aux hommes et femmes de qualité42 ? Autant de questions qui n’ont guère obtenu de réponses ici, parce qu’elles ne sont pas faciles à donner car la perte des archives municipales en 1871, ainsi que celle d’une grande partie des archives de la chambre des Comptes en 1737 nous empêchent d’en savoir davantage43. Et même si une bonne partie des archives princières, de Bourgogne par exemple, sont conservées à Dijon, Lille et Bruxelles, « tout ce qui se passe en dehors de l’hôtel passe sous le radar des sources » (Boris Bove). On peut néanmoins affirmer qu’il y a un comportement bourgeois face à l’aristocratie, puisque les familles échevinales du xive siècle, pourtant politiquement et culturellement proches de la cour, affichent avec constance leur identité bourgeoise, alors même que certaines ont été anoblies44.
25Il est en revanche possible de se demander ce que la capitale et la cour se doivent mutuellement.
Paris est-elle indispensable à la cour ?
26La cour est à elle seule, par ses effectifs, sa consommation, une petite ville qui atteint parfois les 10000 habitants au xvie siècle45. Elle peut se déplacer mais son séjour dans une région ne peut s’éterniser en raison des limites des capacités d’accueil, alimentaire, financière, mobilière et immobilière. La grande ville qu’est Paris est en mesure de répondre dans la durée aux besoins de la cour, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Elle est la capitale du luxe et de la mode. Les foires du Lendit ou de Saint-Germain, offraient tout ce que l’on pouvait désirer, des chevaux et de l’alimentation, le vin notamment46. Pourtant, ces foires n’atteignirent jamais un poids décisif : Paris était un marché permanent.
27Il y a à Paris un marché de luxe, capable de fournir tout ce qu’un goût exquis peut désirer : orfèvrerie, tissus de qualités, fourrures, épices, livres, de bons chevaux (Florence Berland). Paris autour de 1400 comme en 1700 se savait extraordinairement riche47. Quand Guillaume Cahoursin, vice-chancelier de Rhodes, veut faire enluminer l’exemplaire de sa description du grand siège de 1480 destiné au Grand Maître de l’Ordre de Saint-Jean, il le fait réaliser à Paris48. Même chose encore au xviiie siècle pour les livraisons des Menus Plaisirs de la maison du roi et de la reine. L’organisme ne réside d’ailleurs pas à Versailles, mais dans l’hôtel des Menus Plaisirs à Paris, spécialement construit pour répondre à ses besoins (Pauline Lemaigre-Gaffier). Cette symbiose entre la ville et la cour dépasse la seule cour royale : quand, au xive et xve siècle, le duc de Bourgogne veut se pourvoir en produits haut de gamme, il les envoie quérir à Paris (si justement il ne s’y trouve pas), ou à Bruges. Bref ce n’est pas la consommation curiale qui attacherait Paris à la cour mais le marché parisien qui attire celle-ci. La foire Saint-Germain a existé avant la transformation du faubourg en noble quartier truffé d’hôtels aristocratiques.
28Les cours ne peuvent vivre en général sans s’adosser à une cité marchande et productrice. En Rhénanie c’est vers Strasbourg, Francfort, Cologne que les princes se tournent, tandis qu’en Franconie, ils s’approvisionnent à Nuremberg. Dans le Nord Brunswick, Lunebourg, Lübeck ont la même fonction et plus à l’Est Toruń et Dantzig.
29Ceci étant, même si Paris a été un pourvoyeur de plus en plus essentiel de la cour, il ne faut pas oublier qu’au xvie siècle c’est de Lyon et d’Italie que viennent les soiries les plus prisées, c’est en Flandre que sont commandées les tapisseries. On observe que le cardinal de Lorraine a jugé digne que 18 objets d’origine allemande figurent dans sa collection d’orfèvrerie qui en comprenait 70, à côté de 3 d’origine italienne : il s’agit probablement de pièces en provenance de Nuremberg et d’Augsbourg qui, au xvie siècle, avaient acquis une renommée européenne (Marjorie Meiss-Even).
30Les fournisseurs parisiens ont cependant été en mesure de satisfaire en quantité et en qualité les demandes curiales. Reste qu’on peut se demander si l’éloignement de Versailles par rapport à la résidence métropolitaine des services n’a pas été un facteur de renchérissement : un coiffeur parisien se rendant à la cour pour faire une coiffure la facturera le double de ce qu’elle coûte dans la capitale49.
31On peut aussi poser la question de savoir si la parisianisation des gens de finances, leur implantation dans la capitale constatée au xviie siècle découle de la présence de la cour ou bien si c’est parce que le marché de l’argent se développe dans la capitale que la cour s’y établit. Dès la seconde moitié du xve siècle, les grandes familles de finance tourangelles comme les Ruzé, Briçonnet, Poncher investissent en Île-de-France alors que la cour royale n’y est pas50. C’est probablement l’attrait du Parlement qui stimule cette translation patrimoniale plus que la finance car celle-ci reste marginale dans le fonctionnement de l’État comme l’a montré Philippe Hamon. En outre, lorsque la cour quitte les bords de Loire, c’est souvent pour résider vers Lyon, principale place du crédit du royaume dans le beau xvie siècle. Tout bascule dans la seconde moitié de ce siècle. Mais est-ce la cour qui a attiré les financiers vers Paris ou la présence d’argent à Paris qui a attiré les financiers et la cour ? Ceux-ci sont certes de plus en plus parisiens de naissance et de résidence51. La capitale a du crédit. Les notaires parisiens ont pouvoir d’agir dans la totalité du royaume et drainent des placements depuis les provinces et même l’étranger, même si les Parisiens restent les investisseurs les plus nombreux. Les institutions municipales ont été employées pour placer les rentes de l’hôtel de ville, dont Paris n’eut pas à l’origine le monopole comme l’a montré Philippe Hamon, mais fut très vite le plus gros pourvoyeur. La municipalité se présente comme une sorte de syndic de rentiers et le crédit est adossé aux instances représentatives52. Le marché parisien de la rente dépasse donc de loin le seul périmètre des courtisans. Après avoir investi le marché foncier de l’Île-de-France comme l’a démontré Jean Jacquart, la bourgeoisie parisienne s’est tournée vers le placement de son argent dans la rente publique garantie par l’institution municipale ou le clergé53.
32En revanche le profil des messieurs des finances a peu évolué dans la longue durée. Ils restent liés à la maison du roi, des grands, de leur gestion et de leur approvisionnement. À la fin du Moyen Âge, les gens de finance sont étroitement associés à l’approvisionnement de l’hôtel royal. Mais le recours au crédit par la Couronne est modeste et lorsqu’il s’accroît, la monarchie se tourne pour un temps vers les banquiers italiens lyonnais. Au xviie siècle, les financiers sont les intendants des grandes maisons aristocratiques comme l’a montré Daniel Dessert. Au xviiie siècle, malgré l’indéniable bureaucratisation de la Ferme Générale, l’intrication reste très forte entre approvisionnement de la cour, appartenance à la maison des princes et constitution de partis ou de fermes accordant crédit à l’État comme l’a encore récemment montré Pauline Lemaigre-Gaffier54.
33Les courtisans ne sont pas seulement des hommes engagés dans une libéralité somptuaire. Ils sont aussi des affairistes. Daniel Dessert a montré qu’ils étaient le soubassement et les bénéficiaires du système fisco-financier55. Si les grands peuvent faire des affaires dans les mines établies dans leur vaste domaine foncier56, le marché immobilier d’une capitale en pleine expansion offre de belles perspectives de spéculations aux gens d’argent. Bâtir des hôtels, les louer, lotir des quartiers ne sont négligés, ni par le comte d’Artois dans le quartier du Roule, ni par le comte de Provence autour du Luxembourg ou le prince de Condé dans le quartier de l’Odéon57. Les courtisans, les financiers savent que la capitale est utile, non seulement pour trouver de quoi consommer luxueusement, mais aussi pour trouver du crédit et faire de l’argent par la spéculation immobilière, voire bancaire : pensons à l’affaire Law.
34La capitale est donc fort nécessaire aux courtisans. Mais la cour est-elle utile à la ville ?
La cour est-elle indispensable à la ville ?
35Peut-on penser Paris capitale, sans la cour ? C’est poser la question du rôle que l’institution curiale a eu dans développement urbain. Il est certain que des villes ont pu se développer en raison de la résidence curiale comme Tours au xve siècle ou Versailles. Qu’en est-il de Paris ?
36Nul ne doute que la présence curiale a stimulé l’économie parisienne ou des environs. À la fin de l’Ancien Régime, la noblesse de France la plus fortunée réside à Versailles ou à Paris ; elle trouve à y dépenser, à tenir son rang à la cour, elle y exerce aussi des charges honorifiques et lucratives58. Tout cela mobilise des hommes et des activités. Sous Charles VI, 10 % de la population dépendait d’un hôtel princier, selon Claude Gauvard59. À la même époque, 10 à 20 % de la boucherie parisienne seraient destinés aux courtisans (Florence Berland). La table fastueuse des aristocrates comme le nombre de leurs domestiques n’expliquent pas seulement cette consommation carnée. Une partie est certes perdue, mais une grande part est revendue par l’économie du regrat qui permet à un grand nombre de Parisiens d’accéder au marché fort onéreux de la viande60. Nul ne doute non plus qu’au-delà du volume des commandes, la cour a pu stimuler la production de mode, notamment vestimentaire61. Au xviiie siècle, au moment où se produit une révolution vestimentaire jusque dans les garde-robes du peuple de Paris et notamment des femmes, il est certain que Marie-Antoinette comme les femmes de cour lancent les tissus, les couleurs, les parures, les coiffures à la mode62. Il est significatif que les boutiques de vêtements sont celles qui suivent le plus les transferts des lieux de résidence de l’aristocratie dans la capitale. En revanche, l’imprimerie et l’orfèvrerie parisiennes restent plus enracinées dans leurs quartiers traditionnels. Autour de 1400 comme au xvie siècle, cette dernière est florissante, en quantité aussi bien qu’en qualité63. La demande pour les étrennes du nouvel an par exemple était énorme au Moyen Âge (Arnaud Alexandre)64. Sans la cour donc, pas de manufacture des Gobelins, pas de manufacture de Sèvres, etc. Enfin, les fournisseurs des Menus Plaisirs et les marchands privilégiés de la cour, qui n’ont pas le monopole d’approvisionnement de celle-ci, sont surtout des Parisiens. Reste en suspens la pesée globale de cette innervation de l’économie de la capitale par la cour.
37L’économie politique qui s’est développée à partir du xviie siècle a débattu de l’utilité de cette grande ville consommatrice dans l’économie du pays, soit pour la défendre comme le fait Alexandre Le Maitre, soit pour la dénoncer avec des physiocrates comme Mirabeau65. Le premier plaide, après Botero, pour l’utilité des grandes capitales, les tenant pour des cœurs, des têtes ou des soleils qui commandent les sociétés, redistribuent les richesses en stimulant une circulation des hommes, des biens et des idées pour le plus grand profit de toutes les parties d’un royaume66. À ses yeux, cette capitale profite de la résidence du prince comme de celle de la cour67. Cette dernière attire les grands négociants dont ont besoin les courtisans pour acheter des biens et trouver du crédit. Elle a aussi une fonction essentielle pour policer les mœurs et enseigner les bonnes manières comme les usages du monde. Deux problèmes se posent néanmoins. Le premier est que les marchands se méfient du gouvernement et ne sont pas enclins à faire des affaires sous les yeux d’un pouvoir chroniquement impécunieux et garant d’une moralité qui embarrasse parfois l’affairisme68. Le second problème est que la concentration de courtisans renchérit tout dans la ville au détriment des artisans69. Voilà pourquoi Alexandre Le Maitre préconise un système urbain où les paysans vivraient dans des villages, les artisans dans des bourgs et la capitale serait réservée aux agents du pouvoir ecclésiastique, intellectuel, judiciaire et politique qui convergent tous vers le prince et la cour70. Celle-ci partage avec la capitale d’être un aimant permettant la convergence des talents divers pour le plus grand profit de l’union de tous. Son modèle est la ville de résidence plus que la capitale hypertrophiée, même s’il reconnaît que la capitale des capitales a plus d’utilité économique qu’un semi de villes moyennes71. Sa géographie d’un réseau urbain reste marquée par une hiérarchie sociale qui reflète la hiérarchie céleste.
38Moins d’un siècle plus tard, cet éléphantisme parisien est en revanche dénoncé pour son parasitisme par le marquis de Mirabeau dans L’Ami des hommes. Celui estime qu’une tête hypertrophiée rend le corps apoplectique72. La cour est rendue responsable d’une stérilisation des campagnes pour diverses raisons. La principale est que les rentiers du sol ne résident plus sur leur terre, n’y investissent plus et condamnent la terre à un rendement décroissant73. Le tropisme curial est mortifère pour l’agriculture, seule productrice de richesse. « Le titre de gentilhomme de campagne est presque devenu un ridicule parmi nous. […] Le nom de provincial est une injure […]. Cette sotte et misérable supériorité de l’habitant de la capitale sur celui des provinces est rendue en monnaie en province par le citadin au villageois74. » La cour est la matrice d’une morgue qui, en dégringolant de l’échelle sociale, déprécie les vrais producteurs de richesses et détourne les propriétaires de vivre parmi eux : « tout le monde a voulu devenir homme de cour ou de ville et adieu les champs ». Pour Mirabeau, la noblesse servirait mieux l’État en demeurant sur ses terres et en y investissant qu’en dépensant ses revenus en ville dans une dépense somptuaire animée par le désir de paraître et de se distinguer75. Les courtisans ne sont à ses yeux que des frelons et des parasites qui alimentent une classe stérile, celle des artisans, qui transforment la richesse, mais ne la crééent pas76. La seconde responsabilité néfaste de la ville de cour est que les habitudes de constructions citadines se répandent dans les campagnes et accaparent des terres arables pour en faire des jardins de plaisance, des boulingrins, des charmilles et de vastes allées, décoratives mais inutiles. L’espace rural de d’Île-de-France en est gaspillé77. Pour alimenter les villes en fourrages pour des chevaux trop nombreux, on ôte le pain de la bouche des hommes. Peu importe la pertinence de cette analyse économique, fortement marquée d’idéologie sociale, qu’il serait facile de réfuter en soulignant par exemple que les dépenses de l’économie équestre ont été un facteur d’enrichissement des fermiers et des terres arables de la couronne parisienne78. Retenons que si la cour nuit aux champs et au royaume, elle ne nuit pas à la ville qui l’héberge. Elle fait seulement de Paris selon l’expression de Mirabeau, « le gouffre de la France et des Français ». L’anticurialisme se mue en anti-parisianisme car la cour et la capitale sont contre le genre humain, anti-humanistes79. Constatant que la capitale s’accroît par immigration, Mirabeau affirme que « la génération des grandes villes est comme en pure perte pour l’humanité80 ». Elles dépeuplent les campagnes et privilégient les dépenses somptuaires d’une élite au détriment du bien être du plus grand nombre.
Les hôtels aristocratiques
39L’historiographie a souligné le rôle que les hôtels aristocratiques avaient joué sinon dans l’économie du royaume, du moins dans l’économie parisienne et plus encore dans la formation de l’espace urbain. Tout d’abord en rappelant que ne s’attache pas à l’hôtel aristocratique le capital lignager et onomastique que véhiculent le château de province et les seigneuries rurales. Les courtisans déménagent souvent, louent ces belles demeures dont la construction obéit à des logiques de spéculation et de mode. Voilà qui empêche de confondre ces théâtres du luxe et du paraître social et les palais romains ou napolitains autour desquels se construisent des relations vassaliques, clientélaires, économiques et religieuses. L’hôtel parisien n’a pas le même pouvoir structurant et polarisateur, comme l’atteste la dispersion des fournisseurs, qui ne pose aucun problème d’approvisionnement vu le nombre de commissionnaires. C’est le savoir-faire, et non la proximité, qui est prisée par les commanditaires81. Il serait erroné de voir les hôtels à l’aune du Palais royal et de ses activités périphériques.
40Mais ces demeures aristocratiques ont été un élément structurant du parcellaire et du bâti parisien. Dès le Moyen Âge, princes et aristocrates y ont acquis des hôtels, les ont embellis et agrandis. Manifester richesse et splendeur (ainsi en 1461 le duc de Bourgogne82) était de rigueur. Si les hôtels ont été au Moyen Âge établis dans la périphérie du Louvre et des grands hôtels royaux de l’est parisien comme les Tournelles ou l’hôtel Saint Pol, ils ont migré vers l’ouest à la faveur de l’occidentalisation des demeures royales. Le développement du faubourg noble par excellence, le faubourg Saint-Germain découle de la rénovation du Louvre, de la construction du Luxembourg, de celle du Pont-Neuf et de l’ouverture dès 1638 d’une route pavée reliant ce quartier à Versailles. En 1750, 60 % des grands seigneurs mentionnés par l’almanach royal y demeurent83. La création des Invalides et de l’école militaire encouragent financiers et architectes-promoteurs à acquérir des terrains en spéculant sur l’expansion urbaine. Les abords des diverses places royales sont aussi investis par les courtisans comme l’a montré Hilay Ballon à propos de l’actuelle place des Vosges84.
41La présence de la cour a aussi largement développé la présence du cheval dans Paris. Les 4000 familles nobles parisiennes ont contribué à faire de la capitale « la vitrine des beaux chevaux » comme écrit Daniel Roche85. Le luxe hippomobile, qui se manifeste autant par le nombre, la diversité et la qualité des voitures que par la sélection des belles montures, fait de la ville le foyer d’élaboration d’une culture équestre raffinée, nécessitant de l’espace, entraînant des commandes importantes de paille, foin et avoine qui stimulent les grandes exploitations de l’Île-de-France, où l’on fume les terres avec le crottin des villes. Paris n’étant pas ville de garnison sous l’Ancien Régime, c’est la culture curiale et aristocratique qui y a stimulé la présence de fastes équestres. Ceci étant, sous la Restauration, une enquête atteste que seuls 25 % des chevaux de la ville sont liés à l’aristocratie et au gouvernement. Les trois quarts des chevaux citadins sont employés par la messagerie, le commerce et le charroi86.
42Voilà qui empêche de réduire et de résumer Paris à une ville de cour. Une pesée économétrique serait indispensable pour éviter une sorte de tautologie : Paris héberge la cour donc Paris est une ville de cour et la cour est Paris. Certes, la ville partage avec la cour d’être un pôle de consommation plus que de production. Il faudra cependant mesurer les conséquences aussi bien de la présence que de l’absence de la cour dans la vie de la capitale. Une étroite interdépendance est formulée par Eustache Deschamps dans son refrain « Quant revendra nostre roys à Paris » quand Charles VI s’en alla vers le Languedoc87. Et il arrive que le souverain, tel Henri III, menace de quitter sa ville pour apeurer les habitants en leur faisant redouter la misère. Pourtant, il ne semble pas que les loyers tombent aussi bas qu’à Rome lorsque la cour s’absente88. On peut d’ailleurs s’interroger sur le soin que les édiles municipaux ont mis à chercher à retenir la cour. C’est évidemment sous Charles VI89. Il y en a des traces sous Charles VIII (Étienne Hamon). La ville fait paver la cour et fonctionner la fontaine de l’hôtel de Guise (Marjorie Meiss-Even). Mais il n’y a rien de comparable aux actions des villes de Pays-Bas dont les offres concurrentielles ouvrent de belles perspectives aux ducs de Bourgogne90. Ceci parce que le poids de la commande royale et princière, même s’il est fort difficile à chiffrer, tourne autour de 10 à 20 % et prouve que la cour ne fait pas la ville (Florence Berland). Et c’est encore plus évident pour les denrées de base. Dans une thèse récente portant sur les consommations royales entre 1595 et 1670, Bénédicte Lecarpentier-Bertrand a estimé la consommation en pain de la cour 0,26 % de la consommation parisienne et celle de vin à 0,003 % de celle de la capitale.
43Certes les courtisans ont développé des hôtels. Mais l’Église a aussi façonné l’espace avec les paroisses et des couvents qui ont souvent été en pointe dans l’occupation des faubourgs : églises et monastères sont certes parfois financés par la noblesse courtisane, car elle doit se montrer bienfaisante envers les Parisiens91 : distributions aux pauvres, contributions à l’édification de sanctuaires, fondations de messes et d’obits, installation de chapelles, réalisation de sépultures, ainsi aux Cordeliers, Célestins et Jacobins (Élodie Ozenne, Étienne Hamon). Les rois Charles VII, Louis XI (qui fonda le couvent de l’Ave-Maria mais se fit enterrer à Notre-Dame de Cléry-sur-Loire) et Louis XII ont été montrés en exemple, malgré leur absence de Paris (Élodie Ozenne), ainsi que l’Amiral de Graville (Mathieu Deldicque). Ce que fit Louis d’Orléans aux Célestins n’était pourtant pas imité par les grandes maisons de Bourgogne, Bourbon et Bretagne qui installèrent leur mémoire non pas sur les bords de Seine, mais en province, au cœur même de leurs principautés. Il serait toutefois réducteur de ne voir dans l’expansion ecclésiale parisienne qu’une expression de l’aristocratie soucieuse de consolider son prestige social par l’exploitation du charisme religieux. Magistrats ou grands marchands furent aussi de généreux donateurs et fondateurs.
44Grand défenseur de l’utilité des communautés monastiques, propriétaires rentiers d’un sol où elles résident, Mirabeau a souligné le rôle que les monastères ont joué, non seulement dans les défrichements, mais aussi dans l’édification des villes, notamment à Paris, dans le faubourg Saint-Germain92. La Contre-Réforme édifie des dizaines de couvents et le faubourg Saint-Honoré, avant de devenir dans l’imaginaire collectif des hommes des Lumières le quartier des financiers et de l’aristocratie a été occupé par des Capucins, des Feuillants, des Capucines et des Jacobins dès la fin du xvie siècle.
45La capitale a aussi hébergé une des plus anciennes et importantes universités européennes, qui a animé une économie de l’éducation, occupé l’espace de la rive gauche par de nombreux collèges, et stimulé l’économie du livre comme celle de l’accueil. Dès le Moyen Âge, l’hébergement des étrangers a été situé le long de la rue Saint Jacques, le chemin chrétien qui mène à Compostelle. Au xviie siècle encore, même si quelques garnis et auberges s’agglutinent autour du Louvre, 57 % d’entre eux sont localisés sur la rive gauche où ce ne sont pas seulement les hôtels du noble faubourg, mais aussi et surtout les collèges qui attirent provinciaux et étrangers93. Paris est donc aussi une ville universitaire94. La peregrinatio academica qui place Paris dans un circuit de mobilité estudiantine au Moyen Âge ou à un moindre degré, le grand tour des aristocrates anglais ne sont pas centrés sur la cour mais plutôt sur la ville.
46Bref le rôle de consommateurs et d’investisseurs des gens de loi, des bourgeois rentiers, des officiers royaux et des clercs de tout habit a pesé très lourd. Cette polyvalence fonctionnelle comme l’implication forte d’une pluralité d’acteurs empêche de limiter la capitale à une simple ville de cour ou de courtisans. Mais le rapport entre la ville et la cour doit aussi être envisagé sous l’angle culturel.
La cour dans la culture parisienne
47La culture est une notion polymorphe qui recouvre l’ensemble des pratiques anthropologiques et sociales, mais aussi les domaines savants, sans poser une frontière étanche entre ces réalités. Il ne s’agit donc pas d’opposer culture savante versus culture populaire dans un mode d’imposition de modèles venus du haut, mais de voir comment Paris et la cour ont pu s’échanger, s’emprunter et se disputer des pratiques culturelles.
48La notion de capitale cérémonielle a été forgée pour souligner la concentration de certains rites légitimants ou de fêtes politiques dans des villes où siège le pouvoir95. Le concept a quelques difficultés à s’imposer dans une historiographie française qui n’est pas indemne de préjugés envers les historiographies méditerranéenes. Et pourtant, Paris mérite d’être interrogée à la lueur de cette problématique.
49Paris n’a aucun monopole dans les grandes cérémonies d’État. Le sacre a lieu à Reims et le souhait de Turgot de le faire célébrer à Paris lors de l’avènement de Louis XVI est resté lettre morte. Paris n’est pas davantage le lieu privilégié des mariages royaux, même si celui de Louis XVI a laissé un tragique souvenir. Les lits de justice ne sont pas davantage un monopole parisien même si ceux de Paris sont plus symboliques96. En revanche la capitale accueille les funérailles princières97. Certes des pompes funèbres in absentia sont célébrées en province98. Mais Notre-Dame et Saint-Denis, dans un jeu qu’il n’est pas lieu ici de considérer, ont le monopole des obsèques du corps des rois, des reines et des enfants de France mais aussi de funérailles in absentia de certains souverains étrangers. Au cours de l’Ancien Régime, une véritable inflation des cérémonies funéraires s’est opérée dans la capitale en faveur des rois et reines, des enfants de France, des princes du sang, de quelques grands soldats et même de souverains étrangers. Une analyse qu’il serait trop long de développer ici montrerait que ces cérémonies de moins en moins déambulatoires, de plus en plus statiques ont transformé le public parisien, d’acteurs participant au cortège en spectateurs passifs, voire interdits d’accès au sanctuaire. La participation des corps de la ville (paroisses, corporations, communautés religieuses…) a été abandonnée et ces spectacles de la mort sont devenus des festivités de cour organisées dans Notre-Dame par les Menus Plaisirs. La cour fait de la capitale son théâtre en occupant des lieux de l’identité parisienne. L’église mère de la cité, la cathédrale est vouée à la célébration des princes trépassés, des heureux évènements dynastiques et des victoires militaires glorifiés par des Te deum99.
50Il en va de même pour certains cultes à forte résonance civique comme celui de sainte Geneviève. La longue procession des reliques mobilisant le corps civique dans un rite propitiatoire et unanimiste laisse place au xviie siècle à des expositions de la châsse où les Parisiens sont de plus en plus invités à prier l’intercession de la sainte en faveur de la santé et du salut des membres de la famille royale. Cette dévotion civique est récupérée pour asseoir la dévotion envers la famille royale100.
51Même si Paris est la ville-scène privilégiée de la cour, celle-ci devient étrangère aux Parisiens à mesure qu’elle se sédentarise et que se perdent les occasions de faire des entrées dans les villes, surtout lorsqu’elle s’installe durablement à Versailles. Au Moyen Âge nombre de spectacles parisiens mêlent gens de la cour et de la ville. Le théâtre organisé par les associations professionnelles et confréries religieuses les réunissent ainsi que les joutes organisées rue Saint-Antoine (Monique Chatenet). Les farces jouées, souvent critiques envers l’aristocratie, ne viennent cependant pas d’en bas, mais d’en haut, elles sont un phénomène curial (Marie Bouhaïk-Girones). Pour preuve la farce jouée en 1474 pour rendre risible Bartolomeo Colleoni qui, allié au Téméraire, menaçait d’envahir la France : Louis XI insistait pour qu’elle soit répétée à l’ambassadeur du duc de Milan qui en rapporta à son maître et la fit afficher en Italie101. Au xvie siècle, il arrive aussi qu’Henri III se mêle au carnaval avec ses mignons (Monique Chatenet). Mais la sacralisation du monarque et de son entourage passe par une mise à distance et le développement d’une présence incognito dans la ville. Avec le départ à Versailles, la venue de Louis XIV dans la capitale pour inaugurer un édifice comme les Invalides ou faire son jubilé deviennent des épisodes solennels et exceptionnels, presque étrangers à la ville, qui attirent la foule et que relaient les almanachs102. Le départ de la cour des murs a soustrait les courtisans et surtout le roi aux manifestations collectives parisiennes, les grandes fêtes religieuses comme les processions ou le carnaval. Alors certes, ceux qui demeurent à Paris fréquentent salons, spectacles artistiques ou scientifiques et offices religieux. Il n’en demeure pas moins que l’éloignement de la résidence du roi et de la capitale fait du courtisan un être dissocié entre deux pôles. Or le centre du système curial ne peut être que le souverain, non la ville. Voilà qui rend difficile de déterminer ce qui dans les pratiques culturelles des élites relève de la participation à la vie curiale et ce qui participe à la vie citadine.
52Le modèle éliasien centré sur Louis XIV a fait du roi le public, celui qui définit par son jugement et qui détermine le bon goût par son mécénat et ses commandes. Dans cette perspective, le roi a joué un rôle déterminant dans la promotion et la distinction de certaines formes culturelles. Le milieu courtisan serait celui qui accréditerait ou discréditerait les bons usages et les modes aussi bien de parler, de plaisanter, de manger, de se vêtir que de penser, de prier ou de se divertir. Le prince aurait ainsi, par son mécénat comme par l’institution de l’académie de peinture, affranchi celle-ci de la tutelle corporative citadine. Pour autant faut-il rapporter toute cette culture à la cour même ?
53Une première objection porte sur la pertinence du modèle de Norbert Elias. Le roi et sa cour sont-ils le seul public autorisé à dire le convenable et à décrier l’inconvenant ? L’absence royale pendant la majeure partie du xve siècle ne change rien au fait que Paris reste la capitale artistique de la France, bien avant le règne de Charles VIII (Étienne Hamon), et autour de 1500 (Mathieu Deldicque)103. Plus généralement c’est poser la question du public, et de l’opinion publique. Dès le xviie siècle, peut-être même avant, un jugement du public s’est défini comme distinct de celui du monarque et de sa cour104. Au xviiie siècle, le marché de l’art n’est pas seulement déterminé par le mécénat aristocratique et la commande publique, mais aussi par un public d’amateurs qui fabrique son jugement et sa sociabilité indépendamment du jugement des coteries curiales105.
54Une seconde objection consiste à attribuer à la cour ce qui procède de l’administration et du gouvernement. N’est-ce pas à la monarchie, à son administration, à ses ministres, plus qu’à la cour que Paris doit d’héberger des institutions culturelles comme le collège des lecteurs royaux au xvie siècle, puis à partir du xviie siècle la bibliothèque du roi, les académies (Française en 1635, des Inscriptions en 1663, des Sciences en 1666…), le jardin du roi, l’observatoire, l’opéra, la société royale de médecine en 1776, l’école militaire… bref autant d’organismes qui ont contribué à façonner la suprématie culturelle de la capitale, tant dans les manières d’être, que de penser, de créer, d’apprendre et de savoir. À la suite, des académies ont été créées en province sur le modèle parisien106. La présence curiale mais aussi gouvernementale à Paris ou aux environs a donc favorisé la centralité culturelle parisienne en France qui s’établit à l’âge classique, alors que la France du Moyen Âge et de la Renaissance connaissait une pluralité de foyers culturels sans prééminence décisive de Paris. Le monde humaniste du xvie siècle s’est épanoui dans les provinces, à Lyon ou en Forez, loin du conservatisme parisien de l’université même si le modus parisiensis d’enseignement a rayonné à travers la France107. Il a fallu attendre l’âge classique pour que l’opposition de Paris et de la province s’impose et décline dans un singulier collectif les provinces ravalées à un même et unique contraire de ce qu’est Paris108. Jusqu’alors un Montaigne ou un Ramus n’hésitaient pas à afficher sur les pages de titre de leurs ouvrages qu’ils étaient de Bordeaux ou de Picardie. À partir du milieu du xviie, la province fait figure de désert dans l’imaginaire de la République des lettres109.
55L’exemple de l’alma mater invite à repenser cette centralité de la cour dans la vitalité culturelle de Paris. L’université de Paris au Moyen Âge ne doit rien à la cour. Même si des légendes la disent fondée par Charlemagne, d’autres lui donnent des origines plus anciennes, ancrées dans la venue de l’Aréopagite en Gaule, avant qu’il y eût une monarchie110. La physionomie urbaine d’une partie de la rive gauche avec ses collèges, ses garnis et la concentration des imprimeurs donne à ce coin de Paris l’aspect d’une ville universitaire111. Les grandes bibliothèques parisiennes sont et demeurent des bibliothèques monastiques112. Avant que Richelieu ou Colbert ne patronnent des académies, celles-ci étaient apparues par le regroupement de particuliers autour de cénacles d’érudits ou de « critiques » (Montmort, Bourdelot, Théophraste Renaudot)113. Certes la protection princière pouvait jouer, celle qu’un Condé accorde à Bourdelot, par exemple. Mais pas toujours. Avant l’académie des Sciences, où les ecclésiastiques ne sont pas très bien venus, Martin Mersenne avait été au cœur d’un réseau international de savants114. Port-Royal, Saint-Germain-des-Près ont été avec Nicole, Pascal ou Mabillon des hauts lieux du savoir. Bien des érudits ont vécu de leurs offices de magistrat, de leurs bénéfices ecclésiastiques ou de leurs rentes avant que la monarchie, plus que la cour, ne professionnalise le monde des savants115. Le monde savant n’est pas non plus réductible aux institutions et recouvre un univers d’amateurs dotés de collections, de cabinets de curiosités ou de chimie, qui excède celui des courtisans. Pas davantage la galanterie et l’honnête homme n’ont attendu l’apparition de Versailles pour s’inventer et s’imposer dans les salons116. Récemment Isabelle Brian a montré qu’au xviie siècle la célébrité et la notoriété des prédicateurs ne tenaient pas à ce qu’ils avaient été lancés par la cour. Mais c’est la réputation et le succès acquis dans la prédication des grandes stations parisiennes de l’Avent et du Carême qui conduisait la cour à vouloir les entendre. Le passage par celle-ci jouait plus un rôle dans l’accès aux bénéfices épiscopaux et au préceptorat princier que dans la reconnaissance d’un talent117. Ni la monarchie, ni a fortiori la cour ne sont donc les seuls acteurs du Paris moral, savant ou philosophique. Certes la protection des grands et la faveur ne sont pas à négliger. Mais la ville sécrète ses propres savoirs pour connaître son passé, légitimer son prestige, perfectionner son état et répondre à ses besoins118. Le Paris savant doit beaucoup aux demandes utilitaires des artisans, des manufacturiers, des administrations (lieutenant de police, Parlement, Châtelet, contrôle général) et des besoins d’améliorer la viabilité et l’hygiène de la grande ville. Enfin le milieu des arts et des lettres revendique de plus en plus au xviiie siècle une liberté face aux jugements courtisans. Certes il faut éviter de congédier les courtisans de la scène au profit d’un public bourgeois. Le monde aristocratique fait toujours partie des sociétés diverses (maçonnique, académique, salons119), comme des spectateurs des divertissements, bref du public, mais le public ne se limite plus à lui pour assurer le succès des spectacles artistiques ou scientifiques120. La science du xviiie siècle n’est pas spectaculaire et récréative pour le seul public curial et mondain, mais aussi par le public parisien qui aime le spectacle des expériences divertissantes comme les ascensions en ballon et autres prodiges réalisés par Mesmer ou Cagliostro. Pour dire le bon goût, définir les modes intellectuelles, la capitale s’est dotée de sociabilités distinctes de celle de la cour, même s’il y a circulation des acteurs entre ces univers.
56Cette dynamique culturelle parisienne qui n’est pas uniquement alimentée par la cour ne résulte pas seulement d’une impulsion locale et citadine. La capitale ne se construit pas que dans son rapport hiérarchique avec les villes du royaume, mais aussi dans sa rivalité mimétique avec les autres grandes métropoles européennes, comme Londres. L’anglomanie d’un Voltaire ne doit rien à la cour, ni la comparaison de Paris et Londres par Mercier. Si les cours ont pu entretenir une rivalité mimétique en matière de spectacles (mariages princiers, fêtes curiales, pompes funèbres, palais et jardins), les capitales ont aussi vécu dans l’imitation et l’émulation121.
57La cour fut donc un facteur de développement et de façonnement de la capitale, mais celle-ci ne fut pas une ville de cour, car le négoce, l’université, l’église furent des acteurs de son développement.
Notes de bas de page
1 D’ailleurs en relation avec la Commission des résidences : Zotz T. (dir.), Fürstenhöfe und ihre Außenwelt. Aspekte gesellschaftlicher und kultureller Identität im deutschen Spätmittelalter, Wurzbourg, Ergon, 2004. Bihrer A., « Curia non sufficit. Vergangene, aktuelle und zukünftige Wege der Erforschung von Höfen im Mittelalter und in der Frühen Neuzeit », Zeitschrift für Historische Forschung, n° 35, 2008, p. 235-272.
2 Voir le site de la Commission [http://adw-goe.de/forschung/forschungsprojekte-akademienprogramm/residenzstaedte-im-alten-reich-1300-1800]. Pour l’ancienne Commisson voir [http://adw-goe.de/forschung/abgeschlossene-forschungsprojekte-aus-dem-akademienprogramm/hof-und-residenz].
3 Paravicini W. et Wettlaufer J. (dir.), Der Hof und die Stadt. Konfrontation, Koexistenz und Integration in Spätmittelalter und Früher Neuzeit, Ostfildern, Thorbecke, 2006. Patrick Boucheron, Claude Gauvard et Pierre Monnet ont contribué à ce volume.
4 Hirschbiegel J., Paravicini W. et Wettlaufer J. (dir.), Städtisches Bürgertum und Hofgesellschaft. Kulturen integrativer und konkurrierender Beziehungen in Residenz- und Hauptstädten vom 14. bis ins 19. Jahrhundert, Ostfildern, Thorbecke, 2011. Pierre Monnet et Martial Staub ont enrichi ce volume.
5 Hirschbiegel J. et Paravicini W. en coll. avec Andermann K. (dir.), In der Residenzstadt. Funktionen, Medien, Formen bürgerlicher und höfischer Repräsentation, Ostfildern, Thorbecke, 2016. En 2016 a eu lieu un atelier intitulé « Konflikt und Ausgleich. Möglichkeiten der Aushandlung in Residenzstädten der Vormoderne » (Conflit et compromis. Possibilités de s’accorder dans les villes de résidence d’Ancien Régime).
6 Fouquet G., Hirschbiegel J. et Rabeler S. (dir.), Residenzstädte der Vormoderne. Umrisse eines europäischen Phänomens, Ostfildern, Thorbecke, 2016. En préparation pour 2017 à Mayence : « Bild. Abbild. Idealbild. Residenzstädte in Texten und bildlichen Darstellungen in Spätmittelalter und Früher Neuzeit » (Image. Copie. Imagination. Villes de résidence dans textes et représentations visuelles pendant le bas Moyen Âge et les Temps modernes).
7 Fumaroli M., L’âge de l’éloquence. Rhétorique et res literaria de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 1980. Maire C., De la Cause de Dieu à la Cause de la Nation. Le Jansénisme au xviiie siècle, Paris, Gallimard, 1998.
8 Chaline O., Sassier Y., Les Parlements et la vie de la cité xvie-xviiie siècle, Rouen, Publ. de l’université de Rouen, 2004.
9 Béguin K., Les princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Seyssel, Champ Vallon, 1999.
10 Marjorie Meiss-Even n’a malheureusement pas pu donner une version écrite de sa communication sur « Le Paris commercial des Guise au xvie siècle ».
11 Cosandey F., La reine de France. Symbole et pouvoir, xve-xviiie siècle, Paris, Gallimard, 2000.
12 Jouanna A., Le devoir de révolte. La noblesse française et la gestation de l’État moderne (1559-1661), Paris, Fayard, 1989.
13 Cornette J., Le roi de guerre. Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Payot, 1997, chap. ix.
14 Chevalier B., Tours, ville royale (1356-1520). Origine et développement d’une capitale à la fin du Moyen Âge, Louvain/Paris, Vander-Nauwelaerts, 1975.
15 Petey-Girard B., Le sceptre et la plume. Images du prince protecteur des lettres de la Renaissance au Grand Siècle, Genève, Droz, 2010.
16 Guenée B., « Paris et la cour du roi de France au xive siècle », in Bourin M. (dir.), Villes, bonnes villes, capitales. Mélanges offerts à Bernard Chevalier, Tours, université de Tours, 1989, p. 261. Pour Vincennes, voir les travaux de Jean Chapelot, en particulier « L’hôtel du roi à Vincennes : Charles V dans son logis », in Gaude-Ferragu M., Laurioux B. et Paviot J. (dir.), op. cit., p. 145-175.
17 Cassan M., La grande peur de 1610 Les Français et l’assassinat d’Henri IV, Seyssel, Champ Vallon, 2010, chap. iii.
18 Le Gall J.-M., L’honneur perdu de François Ier. Pavie, 1525, Paris, Payot, 2015, chap. 6.
19 Guenée B., « Les campagnes de lettres qui ont suivi le meurtre de Jean sans Peur, duc de Bourgogne (septembre 1419-fevrier 1420) », dans Id., Un roi et son historien. Vingt études sur le règne de Charles VI et la Chronique du Religieux de Saint-Denis, Paris, Institut de France-De Boccard, 1999, p. 455-477.
20 Alexandre Gady n’a malheureusement pas pu donner de version écrite de sa communication : « Les hôtels parisiens au début du xviiie siècle. Un état des lieux ».
21 Le Roux T., Le laboratoire des pollutions industrielles. Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, 2011.
22 Ewert U.-E., « Changer de résidence sans vraiment quitter la ville : Paris et l’Île-de-France dans les itinéraires des ducs de Bourgogne », in Paravicini W. et Schnerb B. (dir.), Paris, capitale des ducs de Bourgogne, Ostfildern, Thorbecke, 2007, p. 107-120. Bernard Guenée l’avait déjà vu : « il est donc exact de dire que la monarchie est itinérante. Mais il est tout aussi vrai qu’à généralement parler elle n’est jamais bien loin de Paris » (« Paris et la cour… », op. cit., p. 262).
23 Weiss V., Cens et rentes à Paris au Moyen Âge. Documents et méthodes de gestion domaniale, Paris, Champion, 2009.
24 Plagnieux P., « La résidence parisienne de Jean sans Peur. Un palais pour la réforme du royaume », in Gaude-Ferragu M., Laurioux B. et Paviot J. (dir.), op. cit., p. 125-143.
25 Bove B., « À la recherche des hôtels princiers de Paris : un inventaire impossible ? », ibid., p. 177-192.
26 Gauvard C., « Die Stadt Paris und die Königs- und Fürstenhöfe im Spätmittelalter : Ursprung von Konflikten ? », in Paravicini W. et Wettlaufer J. (dir.), Der Hof und die Stadt…, op. cit., p. 387-412.
27 Backouche B., La trace du fleuve. La Seine et Paris (1750-1850), Paris, Éditions de l’EHESS, 2000,
28 Le Gall J.-M., « Paris à la Renaissance : capitale ou première des bonnes villes », in Id. (dir.), Les capitales de la Renaissance, Rennes, PUR, 2011, p. 45-69.
29 Pour Paris au Moyen Âge voir Roux S., Paris au Moyen Âge, Paris, Hachette, 2003, et les volumes de la Nouvelle Histoire de Paris : Boussard J., De la fin du siège de 885-886 à la mort de Philippe Auguste, Paris, Hachette, 1997 ; Cazelles R., De la fin du règne Philippe Auguste à la mort de Charles V, 1223-1380, Paris, Hachette, 1994 ; Favier J., Paris au xve siècle, 1380-1500, Paris, Hachette, 1997, et encore la somme de Favier J., Paris. Deux mille ans d’histoire, Paris, Fayard, 1997. Sohn A., Von der Residenz zur Hauptstadt : Paris im hohen Mittelalter, Ostfildern, Thorbecke, 2012.
30 Favier J., Paris au xve siècle…, op. cit., p. 54. Oberste J., « Paris im Mittelalter. Metropolenbildung Zwischen Zentralität und Diversität », in Id. (dir.), Metropolität in der Vormoderne. Konstruktionen urbaner Zentralität im Wandel, Ratisbonne, Schnell & Steiner, 2012, p. 75 voit Paris vers 1400 peuplée de 250000 habitants, s’appuyant sur Tertius Chandler et Gerald Fox, 3000 Years of Urban Growth, New York, Academic Press, 1974, p. 11-30, 322-338. On peut en douter, après les pestes.
31 Abad R., Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2002, p. 804.
32 Sur la noblesse parisienne, voir Marraud M., La noblesse de Paris au xviiie siècle, Paris, Seuil, 2000.
33 Favier J., Le bourgeois de Paris au Moyen Âge, Paris, Tallandier, 2012. Marraud M., De la Ville à l’État. La bourgeoisie parisienne xviie-xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 2009.
34 Sur les conseillers de ville, voir Diefendorf B., Paris City Councillors in the Sixteenth Century. The Politics of Patrimony, Princeton, Princeton University Press, 1983. Sur les marguilliers voir Lyon-Caen N. et Croq L., « Le rang et la fonction. Les marguilliers des fabriques parisiennes à l’âge moderne », in Bonzon A., Guignet P. et Venard M. (dir.), La paroisse urbaine, du Moyen Âge à nos jours, Paris, Le Cerf, 2014, p. 199-244. Sur l’articulation des responsabilités paroissiale, civique et corporative, voir Le Gall J.-M., « Porter le dais du Saint Sacrement à Saint-Jacques-de-la-Boucherie au xvie siècle », Être parisien, Paris et Île-de-France, Mémoires, n° 55, 2004, p. 493-517. Lyon-Caen N. et Marraud M., « Multiplicité et unité communautaire à Paris. Appartenances professionnelles et carrières civiques, xviie-xviiie siècle », Histoire urbaine, n° 40, 2014, p. 19-35.
35 Gurvil C., Les paysans de Paris du milieu du xve au début du xviie siècle, Paris, Champion, 2010.
36 Roche D. (dir.), La ville promise. Mobilité et accueil à Paris fin xviie siècle, début xixe siècle, Paris, Fayard, 2000.
37 Mirot L., Études lucquoises, Paris, Daupeley-Gouverneur, 1930 ; Lambert B., The City, the Duke and their Banker. The Rapondi Familiy and the Formation of the Burgundian State (1384-1430), Turnhout, Brepols, 2006 ; Billot C., « Il patrimonio immobiliare degli stranieri a Parigi : saggio di tipologia documentaria (secoli xii-xvi) », in Treppo M. del (dir.), Sistema di rapporti ed élites economiche, Naples, Liguori, 1994, p. 249-258.
38 Bove B., Dominer la ville. Prévôts des marchands et échevins parisiens de 1260 à 1350, Paris, CTHS, 2004.
39 Croq L., « Les édiles, les notables et le pouvoir royal à Paris : histoire de ruptures xviie-xviiie siècle », in Hamon P. et Laurent C. (dir.), Le pouvoir municipal de la fin du Moyen Âge à 1789, Rennes, PUR, 2012, p. 223-252.
40 Cf. l’exemple de Milan, décrit par Boucheron P., « Hof, Stadt und öffentlicher Raum… », op. cit., p. 229-248 ainsi que Boucheron P. et Genet J.-P. (dir.), Marquer la ville. Signes, traces, empreintes du pouvoir, Paris, Publ. de la Sorbonne, 2014.
41 Cazelles R., op. cit., p. 249-276 (chap. 4 : « Rapports entre ces pouvoirs : le roi, la bourgeoisie et les métiers »).
42 Voir pour ce phénomène, qui, à Paris, aurait nécessité un flot continuel de vin, Paravicini W., « Der Ehrenwein. Stadt, Adel und Herrschaft im Zeichen einer Geste », in Fouquet G., Hirschbiegel J. et Rabeler S. (dir.), Residenzstädte der Vormoderne…, op. cit., p. 69-151 et figures 1 à 25.
43 Voir cependant Bove B., « Alliance ou défiance ? Les ambiguïtés de la politique des Capétiens envers leur capitale entre le xiie et le xviie siècle », in Les villes capitales au Moyen Âge, XXXVIe Congrès de la SHMES, Paris, Publ. de la Sorbonne, 2006, p. 131-154.
44 Bove B., Dominer la ville…, op. cit., p. 579-620.
45 Boutier J., Dewerpe A. et Nordman D., Un Tour de France royal. Le Voyage de Charles IX (1564- 1566), Paris, Aubier, 1984. Sur la cour des Valois, voir Boucher J., Société et mentalités autour d’Henri III, Paris, Champion, 1981.
46 Pour les foires parisiennes, voir Kruse H., Die Handelsmessen der Pariser Region vom Hohen Mittelalter bis zum Beginn der Frühen Neuzeit, thèse d’habilitation inédite, Kiel 2003. Resumé : Id., « Pariser Messen des Mittelalters », in Fouquet G. et Gilomen H.-J. (dir.), Netzwerke im europäischen Handel des Mittelalters, Ostfildern, Thorbecke, 2010, p. 101-134.
47 Guenée B., « Paris et la cour du roi… », op. cit., p. 259. Taburet-Delahaye E. (dir.), La création artistique en France autour de 1400, Paris, École du Louvre, 2006. Laurioux B., « “Il n’est de bon bec qu’à Paris” : la naissance d’une capitale gastronomique à la fin du Moyen Âge », Être parisien…, op. cit., p. 209-230.
48 Vaivre J.-B. de et Vissière L., Tous les diables d’enfer. Relations du siège de Rhodes par les Ottomans en 1480, Genève, Droz, 2014, p. 479-486.
49 Coquery N., L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au xviiie siècle, Paris, Publ. de la Sorbonne, 1998, p. 77.
50 Hamon P., « Messieurs des finances ». Les grands officiers de finance dans la France de la Renaissance, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999,
51 Bayard F., Le monde des financiers au xviie siècle, Paris, Flammarion, 1988
52 Béguin K., Financer la guerre au xviie siècle, la dette publique et les rentiers de l’absolutisme, Seyssel, Champ Vallon, 2012.
53 Michaud C., L’Église de l’argent sous l’Ancien Régime. Les receveurs généraux du Clergé de France aux xvie-xviiie siècles, Paris, Fayard, 1991.
54 Lemaigre-Gaffier P., Administrer les Menus Plaisirs du roi. L’État, la cour et les spectacles dans la France des Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2015.
55 Dessert D., Argent, pouvoir et société au grand siècle, Paris, Fayard, 1984.
56 Richard G., Noblesse d’affaires au xviie siècle, Paris, Colin, 1974.
57 Coquery N., op. cit., p. 230-274.
58 Chaussinand-Nogaret G., La noblesse au xviiie siècle. De la Féodalité aux Lumières, Paris, Hachette, 1976.
59 Gauvard C., « La violence dans les hôtels princiers à Paris », in Ead., Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris, Picard, 2005, p. 228-231.
60 Abad R., op. cit., p. 389.
61 Roche D., La culture des apparences. Une histoire du vêtement xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989, p. 264.
62 Id., Le peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au xviiie siècle, Paris, Aubier-Montaigne, 1981.
63 Bimbenet-Privat M., Les Orfèvres parisiens de la Renaissance, 1506-1620. Paris, Commission des travaux historiques de la Ville de Paris, 1992.
64 Voir notamment Hirschbiegel J., Étrennes. Untersuchungen zum höfischen Geschenkverkehr im spätmittelalterlichen Frankreich der Zeit König Karls VI. (1380-1422), München, Oldenbourg, 2003.
65 Sur la stimulation, voir Lepetit B., Les villes dans la France moderne, Paris, Albin Michel, 1988, p. 88-94.
66 Le Maitre A., La métropolitée ou de l’établissement des villes capitales, de leur utilité passive et active, Amsterdam, Boekholt-Van Gorp, 1682, p. 73.
67 Ibid., p. 73.
68 Ibid., p. 69-71.
69 Ibid., p. 28.
70 Ibid., p. 28
71 Ibid., p. 64-65.
72 Mirabeau marquis de, L’Ami des hommes ou Traité de la population, Hambourg, Hérold, 1764, t. 1, p. 92.
73 Ibid., p 112.
74 Ibid., p. 141.
75 Ibid., p. 159.
76 Ibid., p. 261.
77 Ibid., p. 122-123, 129.
78 Moriceau J.-M., Les fermiers de l’Île-de-France. L’ascension d’un patronat agricole, Paris, Fayard, 1994.
79 Mirabeau marquis de, op. cit., p. 204-210.
80 Ibid., p. 230.
81 Coquery N., op. cit., p. 42.
82 Paravicini W., « Le temps retrouvé ? Philippe le Bon à Paris en 1461 », in Paravicini W. et Schnerb B. (dir.), Paris, capitale des ducs de Bourgogne…, op. cit., p. 399-469.
83 Coquery N., op. cit., p. 196. Nagle J., Luxe et charité. Le faubourg Saint-Germain et l’argent, Paris, Perrin, 1994.
84 Ballon H., The Paris of Henry IV. Architecture and Urbanism, Cambridge, The MIT Press, 1994.
85 Roche D., La culture équestre de l’Occident, xvie-xixe siècle, t. 1 : Le cheval moteur, Paris, Fayard, 2008, p. 70.
86 Ibid., p. 64.
87 Cité par Guenée B., « Paris et la cour… », op. cit., p. 263.
88 Esch A., « Die römische Kurie in der Frührenaissance. Der Hof als Antriebskraft und meßbarer Faktor der Wirtschaft », in Fouquet G., Hirschbiegel J. et Paravicini W. (dir.), Hofwirtschaft. Ein ökonomischer Blick auf Hof und Residenz in Spätmittelalter und Früher Neuzeit, Ostfildern, Thorbecke, 2008, p. 19-35.
89 Guenée B., « Paris et la cour… », p. 264.
90 Stein R., De hertog en zijn Staten. De eenwording van de Bourgondische Nederlanden, ca. 1380-ca. 1480, Hilversum, Verloren, 2013.
91 Paravicini W. et Schnerb B., « Les “investissements” religieux des ducs de Bourgogne à Paris », in Id. (dir.), Paris, capitale des ducs…, op. cit., p. 185-218.
92 Mirabeau marquis de, L’Ami des hommes…, op. cit., p. 43.
93 Roche D. (dir.), La ville promise…, op. cit., p. 115.
94 La morphologie de la ville universitaire a été peu abordée, même dans les études récentes. Voir Amabou T. et Noguès B., Les universités dans la ville xvie-xviiie siècle, Rennes, PUR, 2013.
95 Del Rio Barredo M.-J., Madrid, urbs regia, La capital ceremonial de la monarquia Catolica, Madrid, Pons, 2000.
96 Brown E. A. R., The Lit de Justice : semantics, ceremonial, and the Parlement of Paris : 1300-1600, Sigmaringen, Thorbecke, 1994. Hanley S., Le lit de justice des rois de France, Paris, Aubier, 1991.
97 Le Gall J.-M., « Une stratégie d’impérialisme dynastique : les pompes funèbres des souverains étrangers à Notre-Dame de Paris, xvie-xviiie siècle », in Chroscicki J., Hengerer M. et Sabatier G. (dir.), Les funérailles princières en Europe, t. III : Le deuil, la mémoire, la politique, Rennes, PUR, 2015, p. 367-397. Id., « Le théâtre de la mort à Notre-Dame xvie-xviiie siècle », in Giraud C. (dir.), Notre-Dame de Paris 1163-2013, Turnhout, Brepols 2013, p. 435-454.
98 Hours B., « Quand les villes pleurent leurs princes : services funèbres provinciaux en France aux xvie-xviiie siècle », in Chrosciki J., Engerer M. et Sabatier G. (dir.), op. cit., p. 161-176.
99 Fogel M., Les cérémonies de l’information dans la France du xvie au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989.
100 Sluhovsky M., Patroness of Paris. Rituals of Devotion in Early Modern France, Leyde/New York/ Cologne, Brill, 1998.
101 Paravicini W., Colleoni und Karl der Kühne. Mit Karl Bittmans Vortrag„ Karl der Kühne und Colleoni“aus dem Jahre 1957, Berlin, De Gruyter, 2014, p. 59-61, 155-157 (doc. 14-15), 158-159 (doc. 17).
102 Le Gall J.-M., « L’extraordinaire au service de l’ordinaire : les jubilés parisiens, xvie-xviiie siècles », Revue d’histoire ecclésiastique, n° 102, 2007, p. 837-878.
103 Hamon E., Une capitale flamboyante : La création monumentale à Paris autour de 1500, Paris, Picard, 2011.
104 Merlin H., Public et littérature en France au xviie siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1994.
105 Guichard C., Les amateurs d’art à Paris au xviiie siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2008.
106 Roche D., Le siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, Mouton, 1978.
107 Sur la vitalité culturelle des provinces voir par exemple, Longeon C., Une province française à la Renaissance : la vie intellectuelle en Forez au xvie siècle, Lille, Service de reproduction des thèses, 1976. Codina Mir G., Aux sources de la pédagogie des Jésuites : le « modus parisiensis », Rome, Institutum historicum S. J., 1968.
108 Corbin A., « Paris Province », in Nora P. (dir.), Les lieux de mémoire, 1997, Paris, Gallimard, 2003, t. 2, p. 2851-2888.
109 Bots H. et Waquet Fr., La république des lettres, Paris, 1997, p. 75.
110 Lusignan S., « Vérité garde le roy », La construction d’une identité universitaire en France, Paris, 1999. Le Gall J.-M., Le mythe de saint Denis entre Renaissance et Révolution, Seyssel, Champ Vallon, 2008, p. 58-59.
111 Sur la présence universitaire dans les cités voir, Amalou Th. et Noguès B. (dir), Les universités, op. cit., 2013.
112 Voir par exemple sur la bibliothèque Sainte-Geneviève, Brian I., « Commerce des livres et échange des savoirs. Mercier de Saint Léger et la bibliothèque de l’abbaye de Sainte-Geneviève au xviiie siècle », in Dompnier B. et Froeschlé-Chopard M.-H. (dir.), Les religieux et leurs livres à l’époque moderne, Clermont Ferrand, Presses de l’université Blaise Pascal, 2000, p. 277-288.
113 Pintard R., Le libertinage érudit dans la première moitié du xviie siècle, Paris, Boivin, 1943 ; Mazauric S., Savoirs et philosophie à Paris dans la première moitié du xviie siècle. Les conférences du bureau d’adresse de Théophraste Renaudot, Paris, Publ. de la Sorbonne, 1997.
114 Chatellier L., Les espaces infinis et le silence de Dieu, Science et religion, xvie-xixe siècle siècle, Paris, Aubier-Flammarion, 2003.
115 Viala A., Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
116 Bury E., Litterature et politesse. L’invention de l’honnête homme 1580-1750, Paris, Presses universitaires de France, 1996.
117 Brian I., Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime, xviie-xviiie siècle, Paris, Garnier, 2014.
118 Van Damme S., Paris capitale philosophique de la Fronde à la Révolution, Paris, Odile Jacob, 2005.
119 Lilti A., Le monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au xviiie siècle, Paris, Fayard, 2005.
120 Belhoste B., Paris savant. Parcours et rencontres au temps des Lumières, Paris, Colin, 2011.
Hennebel D., De Lully à Mozart, Aristocrate, musique et musiciens à Paris xviie-xviiie siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2009.
121 Charle C. et Roche D., Capitales culturelles, capitales symboliques. Paris et les expériences européennes, xviiie-xxe siècle, Paris, Publ. de la Sorbonne, 2002. Charle C. (dir.), Capitales européennes et rayonnement culturel, xviiie-xxe siècle, Paris, Rue d’Ulm, 2004.
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