Une cour royale pour les lettres à l’aube du xviie siècle ? Marguerite de Valois à Paris (1605-1615)
p. 267-282
Texte intégral
1Après son retour à Paris à la fin de juillet 1605, la reine Marguerite, duchesse de Valois, fille d’Henri II et de Catherine de Médicis, sœur des trois derniers rois Valois, ancienne épouse du roi régnant, intègre assez souplement la vie de la cour d’Henri IV et de Marie de Médicis. Par ailleurs, en des lieux qui lui sont propres, elle organise son existence selon des rituels très proches de ceux qui avaient animé la cour des Valois et attire à elle des poètes et des hommes de lettres. Le cercle de Marguerite – s’agit-il vraiment d’une cour ? – permet peut-être au nouveau règne de bénéficier du prestige culturel de la dynastie précédente qui avait associé le devenir des lettres à son propre devenir ; il a aussi pu être senti comme un espace de résistance à certaines évolutions poético-littéraires qui se manifestent, parfois timidement, plus à proximité de la cour royale. Quelques questions méritent réflexion : quelle place occupe Paris dans la représentation de la reine par les lettrés ? Le prestige de son cercle parisien est-il dû à l’absence de dynamique favorable aux lettres dans l’entourage immédiat du roi Henri, puis de la régente Marie ? Son rôle est-il un rôle actif dans les évolutions que connaît un monde des lettres devenu essentiellement parisien dans les premières années du xviie siècle ? En parcourant lieux et textes, il est possible d’entrevoir une réponse à ces questions.
Trouver un lieu
2La quête d’un lieu est un élément marquant des mois qui suivent le retour de la reine à Paris après une sorte d’exil de quelque vingt années à Usson, en Auvergne1. Elle s’installe tout d’abord brièvement au château de Madrid, dans le bois de Boulogne, après qu’a été envisagé qu’elle séjourne à Villers-Cotterêts2. Madrid, manière de villa périurbaine construite par François Ier, est l’une de ses propriétés personnelles depuis juillet 15823 : la reine est donc chez elle et à proximité de la capitale. Dans une lettre écrite au roi en juillet 1605, elle affiche sa volonté d’y demeurer :
« Mes ambitions, apres l’honneur des bonnes grases de vos magestés sont bornées à Boulongne, l’habitude que j’ai faite d’esmer le repos […] ne me permestant, aiant trouvé une demeure an bel aer comme Boulongne, de desirer autre changement4. »
3Certaines plumes vantent son choix – « Vous […] avez sagement delaissé la rude et aspre montaigne d’Usson, et choisi le delicieux sejour de vostre agreable Boulogne, comme plus propre et convenable à la naturelle douceur et delicatesse de vos humeurs », lui écrit Jean Alary5. Boulogne devient lieu d’excursion ; Pierre de Deimier écrit un « Voyage de Madrid » : « J’estois allé vers un si beau sejour/Afin d’y voir une grande Princesse6… »
4La reine s’installe néanmoins à Paris début 1606, dans l’hôtel des évêques de Sens mis à sa disposition par Renaud de Beaune. On croit lire un certain désappointement lorsqu’elle écrit au roi, à l’automne 1605, qu’elle est contrainte de rester « jusque après les fêtes » à Madrid afin de rendre logeable cette résidence parisienne – « tans qui me sera tout à fait long », précise-t-elle7. Elle quitte l’hôtel de Sens après la mort de son favori assassiné à la porte de l’hôtel le 5 avril 1606, et s’installe dans une maison sise au bas de la rue de Seine achetée le 15 juin à Antoine Le Clerc, maître des requêtes de son Hôtel8. Et si, reprenant les termes utilisés en s’adressant au roi l’année précédente, elle justifie en partie ses besoins d’argent à Villeroy en juin 1606 par la nécessité de « meubler [s]a maison de Boulongne et celle de Paris, auquelle [elle a] borné toute [s]on ambition », elle évoque aussi l’achat de « sise ou sept maisons contenues an 53 toises, [où] est bornée toute [s]on anbition, pour i batir une maison pour le reste de [s]es jours9 ». La reine Marguerite commence alors à acquérir des terrains sur lesquels elle engage la construction d’un hôtel qui sera somptueux ; les travaux sont suffisamment avancés pour qu’elle puisse s’y installer au printemps 1607. Élevés à grands frais, les bâtiments en sont situés face au Louvre. En septembre 1606, Marguerite avait adressé au roi une requête de fonds dont elle anticipait la réponse positive :
« Mes cet espoir [d’obtenir les moyens necessaire à la construction] me fait esforser pour oferir a la veu du Louvre et de Monsieur le daufin chose digne de l’un et de l’autre10. »
5En décembre, elle se félicitait du rythme des travaux d’un édifice proprement royal :
« Si vostre magesté voioit mon batimant, je m’asure qu’Elle ne plaindroit le bien qu’il lui plait me faire, et qu’Elle l’estimeroit digne d’estre ofret [i. e. offert] a Monsieur le dauphin, pour le respect duquel je le fais de melleure estofe que je n’avois au conmansemant resolu11. »
6Il est difficile de préciser si les causes de l’installation de la reine vis-à-vis du Louvre, hors de l’enceinte de la ville, sont uniquement de disponibilité foncière pour un projet d’envergure. Cependant, les mouvements entraînés par sa volonté de réunir un grand nombre de parcelles afin non seulement de bâtir une importante résidence urbaine mais aussi d’aménager de vastes jardins – l’ensemble couvre plus de dix hectares et a été acquis auprès de quelque vingt propriétaires – semblent témoigner du désir de créer, toutes proportions gardées, une manière de symétrie avec les palais et les jardins royaux12. On sait qu’au même moment s’élève (très lentement) la longue galerie qui doit relier, sur la rive du fleuve, le Louvre aux Tuileries, épisode essentiel des ambitions architecturales du roi13. La reine n’y est pas insensible14 et son choix, dans un tel contexte, ne paraît ni neutre, ni uniquement contingent. En bâtissant son hôtel exactement face au Louvre et en le prolongeant de vastes jardins qui font face aux jardins des Tuileries en bord de Seine, en choisissant qui plus est un quartier qui n’est pas à la mode, elle crée un lieu par lequel se manifeste sa royale singularité. Cette localisation n’est pas sans éveiller la verve de quelques rimeurs grivois dont L’Estoile conserve les « fadaises » :
« Et ne pouvant, a son avis, /Loger au Louvre comme reine, /Comme putain, au bord de Seine, /Elle se loge en vis-à-vis ». Elle « Bâtit son temple au bord de l’eau, /Afin qu’a toute heure, du Louvre, /Qui de l’autre bord se découvre, /Le roi puisse voir le bourdeau15. »
7Dès 1606, la reine Marguerite a également amorcé l’aménagement d’une résidence éloignée de la presse urbaine, à Issy, aménagement qui semble signer l’abandon du château de Madrid16.
8Ces lieux ne sont pas sans importance. Marguerite fait partie de la cour royale qu’elle suit parfois en des lieux qui sont les siens dès le siècle précédent (Saint-Germain, Fontainebleau), mais tout manifeste son désir d’avoir une résidence (royale) propre dans la capitale. Si la filiation de la reine est souvent rappelée, elle ne se fait pas par les lieux habités. Madrid, résidence de plaisance de son grand-père – et la duchesse de Valois se plaît à rappeler que François Ier est son grand-père –, ne saurait suffire à l’idée qu’elle se fait d’elle-même, de son train, de son rang. Paris est la ville royale ; une reine, ne le fût-elle que de nom, ne saurait avoir ailleurs en France sa principale résidence, tandis que bâtir lui permet également de marquer fortement l’espace urbain de son empreinte.
Former une cour ?
9De ces bâtiments cependant, les contemporains ne disent que peu de choses17. Symboliquement essentiel dans sa localisation, l’hôtel parisien semble moins compter que sa royale propriétaire. Les éloges soulignent quelques traits de son existence. L’un d’eux est constant : Marguerite vit de manière royale, selon un modèle que les derniers Valois avait promu. Étienne Pasquier écrit :
« Et neanmoins n’ayant rien que Royal en toutes ses actions, elle prend ses repas ordinaires, servie comme Royne, a plats couverts, par ses Gentilshommes, l’un grand Maistre d’Hostel avec son baston, et les autres Gentilshommes servants : et trouve en elle une chose digne d’estre sceue par une longue posterité ; car combien que les disners et soupers soient principalement dediez a la nourriture des corps, toutesfois elle faisant plus d’estat de la nourriture d’esprit, a ordinairement quatre hommes pres de soy, ausquels d’entrée elle propose, du commencement, telle proposition qu’il luy plaist, pour l’examiner ; chacun desquels ayant deduit sa ratellés [i. e. donner son opinion], ou pour, ou contre, et estants de fois a autre par elle contredits, comme elle est pleine d’entendement, leur fait perdre souvent le pied, n’estant marrie d’estre par eux controllée, mais que ce soit avec bonnes et valables raisons. Nourrissant ainsi son esprit, elle nourrit par mesme moyen, avec toute sobrieté, son corps, auquel donnant nourriture, apres que ces doctes hommes ont donné fin à leurs discours, pour ne rabattre rien de sa Royauté, s’ensuit puis après une bande de violons, puis une belle musique de voix, et finalement de luths, qui tous jouent l’un prés l’autre a qui mieux mieux18. »
10Cet espace est formellement celui d’une cour royale. En 1609, le poète La Roque établit une complexe filiation qui permet de la sentir comme un héritage aux multiples enjeux : cour royale des Valois et apprentissage poétique se mêlent. Il évoque en effet une maîtrise des vers acquise
« pour n’avoir estudié qu’en la conversation des doctes, comme en la nourriture que j’ay prise chez un Prince remply de sçavoir, de grace et de merite, qui jadis eut l’honneur de vous appartenir du costé du pere et de celui de la vertu, qui durant ma plus grande jeunesse m’a faict cognoistre la maison des Rois vos predecesseurs où tout ainsi qu’Ulisse qui, n’eut que le monde pour livre, je n’ay eu que cette Royalle Cour pour ecole, a qui je dois les fruicts de mon apprentissage, et les premices de cest œuvre […]. Comme les diverses conceptions s’offrent a l’imagination, et n’ayant dedié le premier livre à personne, j’estois demeuré comme celuy qui differe le baptesme de son enfant, jusqu’alors qu’il ait faict election d’un Parrain dont il puisse recevoir de l’honneur et du support. Ainsi, par un heureux destin, j’ay devotement attendu le retour de votre Majesté19 ».
11L’écho à un vers célèbre de Marot – la cour aurait été sa maîtresse d’école20 – renvoie, au-delà de la cour d’Henri III à celle de François Ier. Après son retour à Paris, Marguerite fournit un modèle curial royal que la cour du roi Henri ne semble pas proposer, tandis que des vers directement entés sur ceux de Ronsard ou de Desportes ne semblent pas y être accueillis.
12La reine s’inscrit dans une tradition familiale qui semble s’être absentée à l’apparent regret de certains. La forme originelle en avait été fixée par François Ier ; avec moins de panache mais non moins de constance, elle s’était maintenue sous les règnes d’Henri II et Charles IX ; les réunions de l’Académie du Palais organisées par Henri III à la suite de ses « dîners » n’en avaient été qu’une modulation. Si Guillaume Du Peyrat évoque le modèle fourni par François Ier lorsqu’il préconise pour la formation du prince la compagnie de lettrés21, c’est l’organisation de la maison de la reine Marguerite que Jean d’Espagnet sollicite dans son Traité de l’institution d’un jeune prince, un an après la disparition de la reine :
« On doit servir l’esprit du jeune prince, et es heures qu’il a de relasche pour se pourmener, pour boire et manger, il faut saisir son oreille de quelque bon discours, qui soit plaisant et utile tout ensemble, l’entretenant ores du mouvement du Ciel, des Astres, et des maximes d’Astrologie […] : Ceste forme ordinaire que la feue royne Marguerite prattiquoit a ses repas, et es heures de son loisir, est digne de louange et d’imitation. Ceste grande Princesse avoit d’ordinaire deux ou trois des plus beaux et doctes esprits, qu’elle obligeoit par bons appointements de se trouver pres d’elle a ses heures, principalement à ses repas, pour luy fournir d’entretien par forme de discours ou de dispute sur les belles questions de la Philosophie, ou sur quelque autre digne subject, que l’occasion fournissoit22. »
13La petite-fille de François Ier est donnée en exemple au roi Louis, à qui Espagnet offre son ouvrage23. Dans son tableau, la formation du roi se superpose à la vie brillante de sa cour. La protection matérielle des lettrés trouve dans la vie de cour une de ses raisons et un de ses modes d’être. Mais si Marguerite a dès sa jeunesse attiré à elle poètes et hommes de lettres24, seule son installation parisienne, marque spatiale d’un retour en grâce politique, permet l’émergence d’un modèle qu’un roi puisse suivre, peut-être parce que cette installation engage un parallèle silencieux.
14En effet, le (relatif) silence contemporain qui entoure la cour d’Henri IV en matière de présence des lettrés permet d’envisager le cercle rassemblé autour de la reine comme une alternative, sans que le mot « cour » soit utilisé. Car si cour il y a dans les discours du moment, il s’agit de celle du roi, parfois de celle du dauphin25. Jean Darnal évoque le « retour en Cour » de Marguerite ou sa « reception bienheureuse […] en Cour26 » ; L’Estoile fait de même27 et Sully ne dira pas autre chose en mobilisant ses souvenirs lors de la rédaction de ses mémoires28 : en 1605, la reine rejoint la cour, elle ne vient pas à Paris avec sa cour. Ne semble ainsi exister aucune réelle concurrence lexicale directe29. La reine n’a pas, dans le vocabulaire du temps, de cour. Lorsque le sieur d’Agoneau lui offre son Aretophile ou amy de la vertu, il y met en scène des personnages qui, sans qu’aucun doute ne puisse planer sur leurs intentions, se donnent rendez-vous pour aller à la cour30. La reine Marguerite est ainsi une reine sans cour et les feuilles que L’Estoile collecte ne s’y trompent pas, qui lui font dire : « Je suis une reine en peinture. […] A mon retour, je vois, /Pour comble de malheurs, Fortune, qui commande/Que je fasse la cour31 ». Tout semble dit dans cette formulation qui rend au mot « cour » tout son sens et saisit les vraies hiérarchies en place sur la scène parisienne en ce début de xviie siècle. Aussi, pour qualifier le cercle que sa présence suggère, les éloges préfèrent-ils une image qui contourne la difficulté, celle du Parnasse. Cette image est directement liée à l’intérêt particulier que la reine porte aux exercices de l’esprit.
Marguerite-Minerve et la protection des lettres
15Le jésuite François Loryot écrit en 1614 :
« Qui des Autheurs ne recognoistroit les ouvrages de son esprit surgir heureusement, lorsqu’il les voit tenir rang parmy la flotte d’un monde d’autres, qui abbordent de toutes parts a la grandeur de V. M. comme au port le plus asseuré et le plus favorable a l’accueil que toutes les personnes de lettres puissent prendre ? Il est capable de toutes sortes de marchandises spirituelles ; elles y sont deployées au jour de la verité […] ; sans que pas un se retire avec regret d’estre jamais entré dans le Parnasse Royal. C’est ainsi en deux mots que je fay clairement entendre que c’est que le Palais de la docte Reyne Marguerite32. »
16Or, cette image parnassienne n’est pas neuve. Dès l’époque d’Usson, on la trouve sous plusieurs plumes et en 1604 Scipion Dupleix, secrétaire de Marguerite, affirme que Marguerite, nouvelle Minerve, a
« faict du mont d’Usson un autre mont de Parnasse tres-celebre où [elle] preside a tout le cœur des neuf Muses, et [fait] retentir le systeme de [son] harmonie philosophique si haut que le son s’entend par toute la France, et s’estend par toute l’Europe33 ».
17La période parisienne décline donc un topos qui à la fois célèbre et évite de préciser la nature exacte, sans doute mal définissable, du cercle que Marguerite, reine sans couronne, attire à elle34. Le lieu et la personne sont aussi indispensables l’un que l’autre à l’émergence d’un espace royal atypique.
18Nous le disions plus haut, la singularité des éloges tient en partie à un silence que le retour à Paris rend sensible : nul en effet ne célèbre le roi Henri comme protecteur des lettres. Tous reconnaissent son rôle dans le retour d’une paix seule propice à la vie de l’esprit35, mais personne ne voit en cet « Hercule compagnon des Muses » un moteur de la vie de l’esprit36. Face à des éloges peu dynamiques, l’installation parisienne de la reine joue sur des registres complémentaires : son exil est présenté comme un décentrement de la protection minervienne et royale des lettres ; son retour à Paris permet l’épanouissement d’un espace dédié aux lettres, fonctionnant comme une cour mais n’en étant pas une, alors que la vraie cour n’est pas célébrée comme espace favorable aux lettres.
19Dès le retour à Paris et jusqu’à la disparition de la reine Marguerite dix ans plus tard, le portrait que les lettrés tracent est celui d’une patronne royale des lettres, sans que jamais sa protection puisse être sentie comme un simple appui vers une protection supérieure que le roi pourrait accorder. Là est la spécificité. En effet, les grandes dames de la cour des Valois, qui avaient pour certaines attiré à elles des hommes de lettres et des artistes, jouaient un rôle très traditionnel d’intermédiaire vers le souverain37. Un tel mouvement existe encore à l’époque d’Henri IV. Ainsi Claude Garnier offre-t-il un « Echantillon » de ses Sonnetz tirez de l’Harmonie à la duchesse de Guise en précisant dans sa dédicace : « Ce que je fais, Madame, en assurance qu’elle ne refuzera de luy bailler aveu, non plus qu’elle a daigné faire des autres inventions, en presence de leurs Majestez38. »
20On ne trouve rien de tel dans les dédicaces adressées à la reine Marguerite. La reine, sous les plumes de ses laudateurs, semble unique soutien des lettres – ce qu’elle n’est pas au témoignage d’autres dédicaces adressées à d’autres protecteurs potentiels – et unique cause de leur possible vitalité. En 1605, Alary affirme qu’avant le retour de Marguerite à Paris « la triste France estoit plus ensevelie en obscurité des tenebres, que ceux qui sont enfermés dans les noires prisons des deux Pôles ». Il en donne une raison en des termes qui traduisent sa culture humaniste :
« Car vous estes comme une chaste Minerve, la seule tutrice de ses doctes [d’]Athenes, le fondement de sa gloire, la perle de ses tresors, l’olive de la paix, le rempart de ses defenses, et le divin Palladium descendu du Ciel pour la conserver et rendre imprenable, qui comme ce celeste simulacre, estes aussi devotement gardée par les vierges Vestales39. »
21L’accueil poétique que réserve Claude Garnier à Marguerite dans des vers adressés à Desportes (qui lui-même ne prend pas la plume pour célébrer le retour parisien) est plus nuancé : les divinités tutélaires des lettres, tout en laissant un voile pudique sur l’action du premier Bourbon, ne s’y réjouissent que d’une intensification des protections qui leur sont octroyées :
« Apollon toutesfois, et les neuf Muses belles
En monstroient à l’ecart mille joyes nouvelles…
Ils jugoient qu’ils voyoient leurs puissances accreues,
Puisque les Medicis et que ceux de Valois
Se rejoignoient ensemble encore une autre fois,
Noble sang destiné pour l’heur et pour la gloire40. »
22Quant à Scipion Dupleix, il opère un raccourci temporel lui permettant d’évacuer la figure du roi :
« Toutes les Muses qui sembloient s’estre mussées dans quelque grotte fuyant la rage et l’orage de Mars, et s’y estre endormies du sommeil d’Endymion, soudain se sont toutes esveillées comparant en beau jour au premier bruit de l’arrivée de V. M., comme a la divine voix de leur Apollon ou Minerve. Aussi vous est-il impossible d’estre de l’engence des tres-augustes familles de Valois, et de Medicis sans prendre la favorable et honorable protection des lettres, les remettre en vogue, les admettre chez vous, et faire estat de ceux qui en font profession41. »
23Dans ces lignes et nombre d’autres, le roi est absent, sa cour également, tandis que les éloges qui lui sont ailleurs adressés pour le retour d’une paix rendant possible la vie de l’esprit sont, dans ce contexte d’éloge de Marguerite, évacués42. En revanche, la filiation autorise à faire de Marguerite la dépositaire d’un double héritage culturel qui évite toute primogéniture masculine et qui permet l’autonomie d’une figure qui serait un point ultime d’aspiration des hommes de lettres et non une étape vers une reconnaissance par le roi. Après la disparition d’Henri IV, cette manière d’exclusivité de la reine Marguerite marque encore bien des éloges et en 1615, le sieur de Mont-Gentils la qualifie de « seul support de Parnasse », d’« Asile et [de] plus assurée retraite des Muses affligées43 ». Sans doute s’agit-il d’un topos exploité avec une régularité qui en émousse la pertinence44 ; toujours est-il que la relation de Marguerite avec le monde des lettres semble se dresser sur une sorte de désert en matière de protection royale.
24Ce n’est pas qu’une transformation de la cour du roi Henri et de Paris n’ait pu être envisagée de conserve. S’adressant à la reine à la veille de son retour parisien, Alary écrit :
« Venez rendre aujoud’huy (l’honorant de vos yeux)
Et la Cour à la Cour, Paris à Paris mesme…
Venez rendre à Paris, son heur et ses delices,
Ses beautez, ses desirs, ses doctes exercices,
Qu’Usson ciel de la terre, et la terre des cieux,
A si longtemps ravy45. »
25De Paris, il affirme qu’elle est « Ce paradis du monde, /Ville qui n’eut jamais ny n’aura de seconde46 ». L’unité souhaitée est ici parfaite entre le monde de la cour revivifié par la reine Marguerite – il faut entendre par là un modèle de cour où la culture lettrée aurait plein droit de cité – et une capitale sentie non seulement comme cœur du royaume mais aussi comme cœur de la vie (mondaine) des lettres. Le retour de la reine ne débouche cependant pas sur une transformation espérée : le cercle de la reine lui est propre, il est distinct de la cour royale, quelqu’intégrée que Marguerite puisse être à la vie de cette cour ; si la reine peut occasionnellement et somptueusement accueillir la cour – ce qui ne fait pas exactement d’elle l’organisatrice des fêtes de la cour –, sa maison mène une existence qui l’en différencie au cœur même de la capitale.
26On ne trouve par ailleurs pas trace du souhait d’Alary sous les plumes des hommes de lettres du temps. Tout au plus Nicolas Renouard, lorsqu’il dédicace à Marguerite sa traduction des Métamorphoses d’Ovide, laisse-t-il entendre de manière d’ailleurs ambiguë que Marguerite jouit d’une autorité qui autorise à la cour les ouvrages qu’elle avoue :
« Princesse la plus grande que le Soleil ait veu naistre, ce Poëte, élevé dans la Cour du plus grand Empire du monde, n’a point voulu paroistre en celle de France, que sous vostre adveu. La fille du premier Empereur de Rome daigna bien cherir ses vers, Il se promet que vostre Majesté, genereuse fille de tant de Roys, ne desdaignera point de luy prester la main, bien qu’il ayt changé de langue et de robe47. »
27Une telle affirmation est marginale. Au moment où la scène parisienne devient la scène presque exclusive en matière d’innovation d’esthétique lettrée, le rôle de Marguerite et de son cercle est assez difficile à définir.
La cour royale, le cercle de Marguerite et les poètes
28Reste à examiner comment s’articulent les évolutions de ce monde parisien des lettres, principalement de la poésie, prises entre des positions qui seraient celles de la cour royale et des positions que défendraient le cercle de Marguerite et la reine elle-même48.
29La spécificité des textes que suscite la reine Marguerite est un éclectisme encyclopédique directement lié à la tradition humaniste49. Les dédicaces n’attestent certes pas de la sollicitude de la reine – à la réserve des mentions explicites de commandement, elles traduisent le désir des auteurs50. Mais la critique considère volontiers cette attitude comme la trace d’une conception passéiste de la culture lettrée. Outre que l’éclectisme humaniste est encore très vivant et que les triomphes ultérieurs d’autres conceptions de la culture lettrée ne peuvent être plaqués sur la situation des années 1605-1615 sans anachronisme, il convient de remarquer que Marguerite de Valois n’est pas uniquement, en termes d’esthétique formelle, attachée à des écrivains qui font figure d’héritiers du passé. Elle use de son « pouvoir absolu » sur Nicolas Coëffeteau, son aumônier entre 1608 et 1610, pour qu’il publie son Premier Essai des questions theologiques51. Or, Coëffeteau sera reconnu par Guez de Balzac comme un des triumvirs de l’éloquence française moderne, de conserve avec Du Vair et Malherbe, dont on ne doit pas oublier qu’il fut (aussi) un modèle de prose52. Loin d’être une lectrice obstinément tournée vers le passé, la reine n’est pas fermée à des formes renouvelées de la prose.
30En matière de poésie, la situation ne laisse pas d’être ambiguë. Les mises en scène par les auteurs de la vie littéraire du cercle de Marguerite sont imprécises et on ne peut que difficilement, à partir de dédicaces et de vers d’éloge qui malgré leur spécificité demeurent assez courants, arriver à une conclusion nette. Sans doute faut-il faire une place particulière à deux poètes : Vital d’Audiguier et Marc de Mailliet, dont l’œuvre met en scène certains aspects de la vie poétique du groupe. La reine les oppose, les confronte sur le terrain poétique, leur commande des vers, gère leur rivalité en les chassant de sa vue ou en les réintégrant53. Mais ces jeux de faveur et de défaveur non plus que les vers de ces deux poètes n’ont à voir avec une possible influence du cercle de la reine Marguerite sur les évolutions que connaît alors la poésie française et sur les tensions qui la traversent.
31Il faut regarder vers des figures marquantes de la scène poétique parisienne pour tenter de cerner des enjeux qui impliqueraient le cercle de la reine. Le premier point est le silence de Malherbe dans ses vers. Peut-être a-t-il fréquenté l’hôtel de Sens au cours du bref séjour qu’y a fait la reine, mais l’anecdote que rapporte Racan dans sa Vie du poète n’a aucun lien avec la poésie54 ; la correspondance du poète n’en dit rien. Il est encore plus remarquable qu’en janvier 1609, alors que Malherbe écrit, sur commandement de la reine Marie, des vers pour un ballet dansé à l’Arsenal puis chez la reine Marguerite, il ne la mentionne absolument pas dans la relation de l’événement qu’il fait à Peiresc55. En 1604, rien n’empêchait pourtant François de Rosset de condamner l’esthétique de Ronsard, de présenter Malherbe comme un « soleil nouveau » dans un recueil où il célèbrait la reine Marguerite,
« Dont le pur jugement est de plus de merite
Que tous les jugements des plus rares esprits56. »
32Ce pur jugement ne semble pas s’être exercé sur les vers de Malherbe jusqu’à jouer un rôle dans l’évolution du vers français. Ce qui est certain, c’est que l’écriture de Malherbe ne se définit pas en regard des textes que la reine se voit offrir ou qu’elle commande57.
33Autre figure dont l’attitude pourrait être interprétée, celle de François Maynard, secrétaire de Marguerite au moment de son retour à Paris58. On connaît l’influence de Malherbe sur l’écriture de Maynard qui fut un de ses « écoliers ». Mais peut-on raisonnablement expliquer l’abandon par Maynard de la maison de Marguerite comme un choix de nature poétique ? Peut-on lui faire dire que les formes esthétiques promues par Malherbe en constituent la motivation ? C’est sans doute un peu risqué. Quant au dramaturge Claude Billard, « conseiller et secrétaire des commandemens et finances de la Reyne Marguerite » en 160659, il ne fait plus mention de cette charge lorsqu’il adresse au roi Henri ses Tragédies françoises en 1610. Mais là encore, ce changement ne peut que difficilement être interprété en fonction des évolutions qui affectent le vers français.
34À regarder la complexe situation poétique du moment, il convient de formuler autrement la question : la reine défend-elle quelque chose en matière poétique ? Son cercle existe-t-il face à d’autres cercles et, de manière privilégiée, face à un cercle que constituerait la cour royale ? Sans doute existe-t-il des tensions entre les poètes de la cour et ceux qui, pour des raisons esthétiques, n’y sont pas appréciés. Le cas de Claude Garnier est à cet égard significatif. Se présentant volontiers comme héritier de Desportes, admirateur de Ronsard, son œuvre poétique défend une esthétique directement entée sur une tradition fondée par la Pléiade60. Sa conception du vers le pousse à considérer avec circonspection certains goûts de la cour :
« Puis que les Grands n’ont pas envie
Que l’influence des bons Vers
Ait soin de maintenir leur vie
Et leur renom par l’Univers,
Il faut user d’obeissance
Et changer d’air et de cadence.
Porte qui voudra leurs merites
Dans les oreilles de la Cour,
Je veux au plaisir des Carites
Devenir chantre de l’Amour61. »
35À cette désaffection des grands pour les « bons vers » s’ajoute l’apparition de nouveaux poètes qui seraient en faveur et Garnier n’hésite pas à condamner « les nouveaux Rabins, heretiques en Poëzie, qui pour avancer leurs erreurs voudroient abolir (s’ils pouvoient) l’ancienne constitution du Tample des Muzes » avant d’ajouter, peut-être mu par un stratégique désir d’être reçu à la cour :
« Ils s’attachent a des pointilles comme a des ronces, maintenant une virgule et maintenant un titre les arreste, puis une rime, puis un trait que, pour n’avoir lu qu’en françois, ils jugeront uzurpé d’un auteur de même Langage. […] C’est l’entretien de ces Marfores, de ces rosses de versificateurs qui triomphent de medire. […] Autant que je deteste leur barbarie, j’honnore les invantions d’une infinité de beaus esprits qui sont a la Cour et ailleurs62. »
36Une telle conception de la poésie non plus que le refus d’en adopter une autre qui serait mieux reçue ne pousse cependant Garnier à faire de la reine Marguerite la dédicataire d’une œuvre majeure63. C’est vers Henri IV, puis Louis XIII que ces vers regardent ; c’est le Louvre qu’il considère comme le véritable espace de reconnaissance de son génie, épousant en cela une attitude dont les membres de la jeune Pléiade avaient dessiné les contours64. Lorsqu’il adresse à Louis XIII son Mausolée du Grand Roy, il ne fait nulle mention de la reine Marguerite dans son appel au nouveau souverain à soutenir les lettres65. Claude Billard est plus radical lorsque, en s’adressant « Au lecteur » dans l’édition de ses Tragedies françoises qu’il dédicace au roi Henri dont il cherche à faire son mécène, il se dit « fort esloigné de l’humeur noire, et fascheuse, d’un tas de faux melancholiques, plus ambitieux du nom de simple Grammairiens, et de rimeurs, que de la sacrée fureur de Poëte » et condamne sans appel les
« petits cajoleurs de Cour a simple tonsure de Minerve, qui font les sçavans, et les Aristarques es compagnies où l’on n’y entend pas finesse : qui pensent surhausser leur vaine gloire par le mespris des plus honorables Manes des Champs-Elysées, ce grand Ronsard, le Phoenix de la France, devant lequel ils n’oseroient paroistre s’il vivoit encore66 ».
37Toujours est-il qu’aucune des condamnations qui pèsent sur le nouvel art poétique dont l’écriture et l’enseignement de Malherbe sont le fer de lance – si la critique ne vise pas directement Malherbe, ses termes sont ceux qu’on utilise pour condamner ceux qui se réclament de lui – n’implique la reine Marguerite. Aucun des tenants d’une esthétique poétique entée sur la tradition ronsardienne ne présente le cercle de la reine comme un espace particulier d’épanouissement de la bonne pratique poétique. Personne ne s’autorise de la voix de la reine pour valoriser un goût qui serait le bon face un mauvais que la cour du Louvre promouvrait – car les condamnations sont aussi la preuve que la cour n’est pas vide de poètes et qu’elle approuve une esthétique différente de celle que Garnier ou Billard défendent. En revanche, certains des textes nés dans l’entourage de la reine dessinent une évolution de l’art poétique qui serait de modulation, prenant en compte la plume des « modernes ».
38Audiguier, qui n’a rien d’un grand poète, affirme ainsi en 1606 :
« Je n’ay point du tout negligé les nouvelles observations de noz correcteurs modernes, ny du tout gardé aussi : principalement en ce qu’ils preferent la douceur du langage, à celle de la conception, qui demeure toujours, où la façon de parler change67. »
39En adressant à la reine Marguerite, en raison de sa « parfaite » et « admirable » connaissance de la poésie, son Academie de l’art poetique, Deimier nuance l’admiration que l’on peut porter à l’œuvre de Ronsard et n’en fait plus un modèle absolu. Il affirme que l’on « escrit aujourd’hui en Poesie, d’une façon infiniement plus exacte et reiglée que la plus grande partie de ce que » Ronsard nous a laissé, et ajoute, tout en reconnaissant en Ronsard, Desportes, Du Bartas ou Garnier ses « bons maistres » : « La raison oblige toute personne a imiter le bien seulement, et non point a suivre l’erreur, et s’en excuser sur l’exemple d’autruy68. »
40Ce serait ainsi moins un espace de réaction aux évolutions poétiques que l’entourage de la reine constituerait, qu’un espace envisageant avec discrétion une évolution autre que la rupture qui se fait sentir avant de s’affirmer dans la décennie suivante. Mais là encore, adresser un ouvrage à la reine ne signifie en rien qu’elle ait approuvé les théories qu’il contient. Ainsi, quelque brillant qu’ait pu être le cercle parisien réuni par la reine Marguerite, il ne semble pas constituer la cour royale que les lettres disent, en 1605, attendre pour exister.
Conclusion
41Sur la scène parisienne de ces premières années du xviie siècle, nul doute que la reine Marguerite occupe une place spécifique. Le mode d’existence qu’elle adopte y est pour beaucoup, mais cette originalité ne serait rien si elle n’était fille de roi, sœur de rois, ancienne épouse du roi régnant ayant parfaitement réussi son retour dans la capitale et gagné l’affection de la reine Marie et du dauphin puis roi Louis. En matière littéraire, il est plus difficile d’affirmer sans nuance qu’elle contribue à la survie de formes anciennes. Le cercle qu’elle rassemble autour d’elle est trop composite pour pouvoir être considéré comme un espace uni. On pourrait remarquer que le cercle qui l’entoure est contemporain de l’émergence de salons distincts de la cour à Paris – on date de 1608 l’origine du salon de la marquise de Rambouillet, son rayonnement fût-il plus tardif69. Aucun lien cependant ne semble exister entre ce qu’elle veut être une cour royale et ces instances privées qui vont jouer, au cœur de la ville et en marge de la cour, un rôle essentiel dans l’évolution de l’esthétique des lettres françaises. Marguerite crée un espace qui n’est ni exactement la cour, ni exactement la ville. Par son autonomie face à la cour, il tient de la ville ; mais cette autonomie est aussi voulue parce qu’elle seule permet un déploiement proprement royal. Espace aussi atypique que celle qui le crée, il institue momentanément un mode d’être royal aussi éloigné de la ville que de la cour.
Notes de bas de page
1 Viennot É., Marguerite de Valois. « La reine Margot », Paris, Perrin, 2005, p. 230 sq.
2 Voir la lettre écrite d’Usson à Henri IV le 12 mai ; Marguerite de Valois, Correspondance (1569- 1614), éd. É. Viennot, Paris, Champion, 1998, p. 492-493 (lettre 363).
3 Chatenet M., Le château de Madrid au bois de Boulogne, Paris, Picard, 1987, p. 31-33.
4 D’Arthenay, au roi, juillet 1605, Marguerite de Valois, op. cit., p. 496 (lettre 366).
5 Jean Alary, Le premier recueil des récréations poétiques, Paris, Pierre Ramier, 1605, fol. è.
6 Pierre de Deimier, « Le voyage de Madrid », La première partie du Printemps de Vaucluse où est compris un amas de diverses œuvres Poëtiques, à la suite de La Néreïde ou victoire navale, Paris, Mettayer, 1605, p. 280-286.
7 Au roi, juillet 1605, Marguerite de Valois, op. cit., p. 432 (lettre 375).
8 Vaissière P. de, « Reine sans couronne : la reine Margot à Paris », Revue des Études Historiques, n° 105, 1938, p. 17-44 (particulièrement p. 23) ; la reine est installée rue de Seine en juillet 1606.
9 À Villeroy, oct.-nov. 1606, Marguerite de Valois, op. cit., p. 532 (lettre 401).
10 Au roi, 6 sept. 1606, Marguerite de Valois, op. cit., p. 539 (lettre 407) ; nous soulignons. Dès mars 1606, Marguerite fait donation de ses biens au dauphin Louis.
11 Au roi, 6 sept. 1606, Marguerite de Valois, op. cit., p. 556 (lettre 423).
12 Cette symétrie est sensible sur les plans dressés par Quesnel ou Vassalieu en 1609 et Mérian en 1615.
13 Commencée avant 1599 comme en témoignent les chiffres mêlés du roi Henri et de Gabrielle d’Estrées sur les façades du rez-de-chaussée, le bâtiment ne reçoit son élévation complète qu’en 1607-1609 en raison de l’état des finances royales qui n’en permet pas l’achèvement avant cette date. Voir la lettre que Malherbe écrit à Peiresc le 3 octobre 1608 (François de Malherbe, « lettres à Peiresc », Œuvres, éd. A. Adam, Paris, Gallimard, 1971, p. 410) La construction de la galerie s’intégrait dans un très vaste projet d’aménagement et d’agrandissement du château royal ; voir Dupont P., « Le Louvre et les Tuileries », Henri IV et la reconstruction du royaume, Paris, Réunion des musées nationaux, 1989, p. 351 ; Bresc-Bautier G., Le Louvre, une histoire de Palais, Paris, Somogy, 2008, p. 42-46.
14 Voir la lettre écrite au roi (Boulogne, 20 juillet 1605), Marguerite de Valois, op. cit., p. 499 (lettre 369).
15 Voir Pierre de L’Estoile, Journal de l’Estoile pour le règne de Henri IV, éd. A. Martin, Paris, Gallimard, 1958, t. II, p. 418-419 (janv. 1609).
16 Sur la propriété d’Issy, voir Michel Bouteroue, Le Petit Olympe d’Issy, s. l., s. n., 1609 ; Vital d’Audiguier, Les œuvres poetiques, Paris, Du Bray, 1614, fol. 30 v° sq., ainsi que les études de Naud J., Le château d’Issy et ses hôtes, Paris, Champion, 1926 ; et Bonnardot A., « Le petit Olympe, propriété de la reine Marguerite à Issy », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, n° 6, 1879, p. 167-175.
17 Il ne demeure aucune description de l’hôtel parisien contemporaine de son occupation par la reine. La première description est consignée en avril 1620, lors de sa difficile succession. Duplomb C., L’hôtel de la reine Marguerite, Paris, Willem, 1881, p. 39-48 et appendice 1, p. 65 sq. ainsi que Vaissière P. de, op. cit., p. 38-42.
18 Étienne Pasquier, Lettres, livre XXII, lettre v, Les œuvres d’Estienne Pasquier, Amsterdam, Compagnie des Libraires associez, 1723, t. II, col. 666-667. Cf. J. de La Fontan, Les jours et les nuicts du sr de La Fontan, où sont traictez plusieurs beaux discours et épistres consolatoires, Paris, Sevestre, 1606, dédicace ; l’ouvrage donne une idée des sujets abordés à la table de la reine : « Si les ignorans sont capables d’admiration », « Combien l’oisiveté est pernicieuse », « Quel amour est le plus agréable, ou le couvert ou le divulgué ». En 1614, cette manière de cérémonial fait encore l’objet des éloges de François Loryot, Les Fleurs des Secretz moraux : sur les passions du coeur humain, Paris, Desmarquets, 1614, fol. CIII v°.
19 Siméon-Guillaume de La Roque, Œuvres, Paris, Monstrœil, 1609, fol. II v°-III. Voir les repères biographiques dans l’introduction de Gisèle Mathieu-Castellani (Siméon-Guillaume de La Roque, Poésies, éd. G. Mathieu-Castellani, Paris, Nizet, 1983, p. xiii-xvii). Selon Racan, Vie de Malherbe, La Roque meurt en 1611 « à la suitte de la reine Marguerite », François de Malherbe, Œuvres, éd. L. Lalanne, Paris, Hachette, 1862, t. I, p. lxiv.
20 Cf. Clément Marot, « Au très vertueux prince Françoys, Daulphin de France », Œuvres poétiques, éd. G. Defaux, Paris, Garnier, 1993, t. II, p. 117 ; cf. « L’enfer de Marot », ibid., p. 31.
21 Guillaume Du Peyrat, La philosophie royale du jeu des eschets, pour Mgr le Daufin, Paris, Mettayer, 1608, p. 13. Du Peyrat s’insère dans une lignée ouverte par Pierre de Ronsard qui avant lui avait recommandé ce modèle dans son Institution pour l’adolescence du roi Charles IX, Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, Paris, STFM, 1946, t. XI, p. 11, v. 145-148.
22 Jean d’Espagnet, Traité de l’institution d’un jeune prince, Paris, Buon, 1616, p. 80-81.
23 La particulière affection du jeune Louis XIII pour Marguerite de Valois joue peut-être un rôle dans le choix de cet exemple par d’Espagnet ; voir sur ce point, Viennot É., Marguerite de Valois…, op. cit., p. 274-275, 300-301.
24 Voir Lazard M. et Cubelier de Beynac J. (dir.), Marguerite de France, reine de Navarre, et son temps, Agen, Centre Matteo Bandello, 1994 et la section « Les poètes à la cour de Nérac », in Ferrer V., Magnien C. et Servet M.-H. (dir.), Albineana, Cahiers d’Aubigné. La Cour de Nérac au temps de Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, n° 24, 2012, p. 245-232.
25 Ainsi Pierre de L’Estoile, op. cit., t. II, p. 424.
26 Jean Darnal, Remonstrance ou harangue solennelle faicte aux ouvertures des plaidoyers d’après la Saint-Luc dans la Sénéchaussée d’Agen, avec le panegyrique de la reyne Marguerite, comtesse de l’Agenois, Paris, Huby, 1606, dédicace.
27 Pierre de L’Estoile, op. cit., t. II, p. 170.
28 Maximilien de Béthune, duc de Sully, Mémoire des sages et royales oeconomies d’estat…, t. II, éd. Michaud et Poujoulat, Paris, Éd. du commentaire analytique du Code civil, 1837, p. 49.
29 François Loryot semble être le premier à utiliser le mot « cour » pour qualifier le cercle que la reine réunit à sa table ; Les Fleurs des Secretz moraux, fol. CIII v°. – Le terme devient en revanche banal après la disparition de la reine ; voir ainsi Guillaume Colletet dans sa « Vie de Mailliet », cité par Lachèvre F., Les recueils collectifs de poésies libres et satiriques publiés depuis 1600 jusqu’à la mort de Théophile, 1626, Paris, Champion, 1914-1922, p. 277 ou Jean-Baptiste Matthieu, Histoire de Louis XIII, dans Histoire de France sous les règnes de François I, Henry II…, par feu Pierre Matthieu, Paris, Baillet, 1631, t. II, p. 40.
30 Voir G. d’Agoneau, L’arétophile ou amy de la vertu, Paris, Guillemot, 1606, fol. 51.
31 « In reditum reginae Margaritae in Galliam », traduction faite par P. D. M. F. d’une pièce latine de Barclay, Pierre de L’Estoile, op. cit., t. III, p. 514.
32 François Loryot, Les fleurs des Secretz moraux, Paris, Desmarquets, 1614, fol. aIIIv°-[a]4v°.
33 Scipion Dupleix, La logique, ou art de discourir et raisonner (1604 puis 1607), Paris, Fayard, 1984, p. [8]. Cf. Mademoiselle de Beaulieu, L’Histoire de la Chiaramonte, Paris, Richer, 1603 ; Jean Alary, op. cit., p. 2 ; J. Corbin, La royne Marguerite. Où sont descrites la noblesse, la grandeur de ceste Princesse, Paris, Bérion, 1605, p. 271.
34 Voir, entre autres exemples, Helye Garel, La palme sacré du très-haut, très-auguste, et très-invincible Prince Henry le Grand, roy de France et de Navarre. Avec la mythologie de vray amour, et, du Persée dévôt, Paris, Libert, 1611, p. 3-4 ou Siméon-Guillaume de La Roque, Œuvres…, op. cit., p. 304.
35 Voir par ex. l’épître dédicatoire et l’épître « Au lecteur » signées par le sieur Despinelle en tête des Muses françoises ralliées de diverses pars, Paris, Guillemot, 1599 ou la dédicace d’Honoré d’Urfé à Henri IV de la seconde partie de L’Astrée.
36 L’image est mobilisée par André Valadier, Labyrinthe royal de l’Hercule gaulois triomphant, Avignon, Bramereau, 1601, p. 76-77.
37 Voir Buron E., « Le mythe du salon de la Maréchale de Retz. Éléments pour une sociologie de la littérature à la cour des derniers Valois », in Conihout I. de, Maillard J.-F. et Poirier G. (dir.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, PUPS, 2006, p. 305-315.
38 Claude Garnier, Sonnetz tirez de l’Harmonie de l’auteur, à la suite de L’Amour victorieux, Paris, Robinot, 1609, fol. 122.
39 Jean Alary, op. cit., fol. [ã] et è v.
40 Claude Garnier, La réception de la Reyne Marguerite par leurs Majestez, Paris, Huby, 1605, p. 5.
41 Scipion Dupleix, La curiosité naturelle rédigée en questions selon l’ordre alphabétique, Paris, Sonnius, 1606 ; édition consultée, Paris, Rigaud, 1620, fol. ã2 v°. Cf. J. Corbin, op. cit., p. 255 et 278.
42 Et la chose vaut également pour J. Corbin qui pourtant met en scène la rencontre de la reine avec son ancien époux et avec la reine Marie.
43 Le sieur de Mont-Gentils, Les nuicts sans sommeil de Mont-Gentil, Paris, Percheron, 1615. Cf. Jean Alary, Le lis fleurissant pour la majorité du Roi, Toulouse, Colomiez, 1615, p. 251 sq., Pierre de Deimier, Le printemps des lettres amoureuses, Paris, Huby, 1608, fol. [ã]7 et, pour la période qui précède la disparition d’Henri IV, Nicolas Coëffeteau, Premier Essay des questions théologiques traitées en nostre langue selon le stile de S. Thomas et des autres Scolastiques, par le commandement de la Reyne Marguerite duchesse de Valois, Paris, Huby, 1608, fol. ãII v°.
44 Ainsi Claude Garnier qualifie-t-il mesdames de Longueville et de Conti de « premieres » du parti de la muse dans « Le Portrait de Monseigneur le Daufin en son enfance », pièce pourtant « Dedié à la Reyne Marguerite » (Claude Garnier, L’Amour victorieux, Paris, Robinot, 1609, fol. 221) ; il y revient dans la dédicace de son Petit Recueil de Poezies offert à monsieur de Nangis (ibid., fol. [227] v°). En 1610, c’est le prince de Condé qui a droit à un éloge proche : Claude Garnier, Tombeau de très haut, très auguste et très invincible prince Henry le Grand, Paris, Libert, 1610, p. 40.
45 Jean Alary, Stances « A la Royne, pour la convier de revenir à Paris » (Jean Alary, op. cit., p. [1]-2).
46 Ibid., p. 3.
47 [Nicolas Renouard], Les métamorphoses d’Ovide, Paris, Guillemot, s. d. (privilège du 15 janvier 1606).
48 Cette tension est affirmée par Adam A., Histoire de la littérature française du xviie siècle, 1948, rééd. Paris, Albin Michel, 1997, t. I, p. 19 sq. ou par Fromilhague R., La vie de Malherbe. Apprentissages et luttes, Paris, Colin, 1954, p. 383-390.
49 Voir principalement Ratel S., « La cour de la reine Marguerite », Revue du seizième siècle, n° 11, 1924, p. 1-29, 193-207 ; n° 12, 1925, p. 1-43 ainsi que Lazard M. et Cubelier de Beynac J. (dir.), op. cit.
50 Cf. Berriot-Salvadore É, « Le temps de malheurs, le temps de la philosophie : Marguerite et la vulgarisation des sciences », in Lazard M. et Cubelier de Beynac J. (dir.), op. cit., p. 264.
51 Nicolas Coëffeteau, op. cit., fol. ãII.
52 Voir Jean-Louis Guez de Balzac, Les premières lettres, éd. H. Bibas et K.-T. Butler, Paris, 1933, p. 155, var. 2.
53 Voir, sur ces querelles que les deux poètes exposent complaisamment, Vital d’Audiguier, Epistres françoises et libres discours, Paris, Berjon, 1611 et Les poésies du Sieur de Mailliet à la louange de la Reyne Marguerite, Paris, Hérault, 1611.
54 Racan, op. cit., p. lxxviii.
55 François de Malherbe, « lettres à Peiresc », op. cit., p. 412 ; les vers composés par le poète se lisent p. 74. Les rares mentions de la reine ne sont guère flatteuses ; voir ibid., p. 431, 467, 689-690. L’Estoile pour sa part, mentionne le ballet de la reine et précise qu’il fut dansé à l’Arsenal et chez la reine Marguerite ; Pierre de L’Estoile, op. cit., t. II, p. 427.
56 François de Rosset, Les XII beautez de Phyllis, Paris, L’Angelier, 1604, fol. 67 v°. L’éloge de Malherbe se lit dans des vers que Rosset lui adresse, ibid., fol. 60.
57 En 1616, Malherbe revendique, dans une définition de la prose, le « goût du Louvre » dans son « Avertissement du XXXIIIe livre de Tite-Live » ; il ne l’oppose pas à un goût qui aurait été celui de la défunte reine, mais au « goût du collège ». Voir François de Malherbe, Œuvres, op. cit., t. I, p. 465.
58 Drouhet C., Le poète François Mainard, Paris, Champion, 1909, p. 33-37, 56-58.
59 Claude Billard signe ainsi un sonnet liminaire en tête de La défaite d’Amour d’Audiguier (Vital d’Audiguier, La défaite d’Amour, Paris, Du Bray, 1606).
60 Voir ainsi Claude Garnier, Les Royales Couches, Paris, L’Angelier, 1604, fol. AIIII ; l’Eglogue pastorale sur le bataime de monseigneur le daufin Louys, Paris, s. n., 1607, p. 4 et 12-13 ; La Réception de la Reyne Marguerite, Paris, Huby, 1605, p. 6.
61 Id., L’élection de beauté, s. l., s. n., s. d., p. 1.
62 Id., L’amour victorieux, Paris, Robinet, 1609, fol. ãI v-ãII.
63 Le seul poème important que Garnier dédicace à Marguerite est un « Portrait de Monseigneur le Daufin en son enfance » publié dans L’amour victorieux, op. cit., fol. [215]-221 v°. Dans cette pièce, mais sans mobiliser la reine en faveur de son esthétique poétique, Garnier condamne « Ces beaus mignons qui riment, /Qui censurent, qui liment. » (fol. 116-117 v°)
64 Garnier offre ainsi au roi Henri ses Royales Couches dont la dédicace s’achève par une offre de services poétiques, et au roi Louis son Tombeau de très haut, très auguste et très invincible prince Henry le Grand (op. cit.). Alors que Louis est encore dauphin, il lui adresse son Livre de la Franciade à la suite de celle de Ronsard, ouvrage dans lequel il se distingue de son illustre modèle par sa volonté de faire l’éloge du monarque ; sur ce point, voir Méniel B., Renaissance de l’épopée : la poésie épique en France de 1572 à 1623, Genève, Droz, 2004, p. 233.
65 Claude Garnier, Mausolée du grand Roy, Paris, Bordeaulx, 1611, p. 68-69.
66 Claude Billard, Tragédies françoises, Paris, Langlois, 1610, fol. [ã]8 v-[à]9. L’insulte « grammairiens » avait déjà été utilisée par Deimier en 1599 qui désignait alors les « Pedans envieux » (Pierre de Deimier, Les premières œuvres, Lyon, Morillon, 1600, fol. [*]11 v°).
67 Vital d’Audiguier, La défaite d’Amour…, op. cit., fol. [ã]10.
68 Pierre de Deimier, L’académie de l’art poétique, Paris, Bordeaulx, 1610, fol. èIII.
69 Gédéon Tallemant des Réaux Historiettes, éd. A. Adam, t. I, Paris, Gallimard, 1960, p. 442.
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