Les échanges culturels entre ville et cour
p. 233
Texte intégral
1La ville et la cour sont deux sociétés très différentes, l’une dominée par la noblesse, l’autre par la bourgeoisie ; l’une est allogène, l’autre est indigène ; leur altérité est évidente, même si l’élite bourgeoise de Paris est intégrée à la société de cour depuis le xiiie siècle. Cette distance sociale maximale dans un espace physique minimal pose la question des rapports culturels entre ces deux populations : sont-ils structurés par la domination ou par le partage ?
2Si le modèle sociologique établi par Norbert Elias pour la société de cour louisquatrozienne continue à être débattu en dépit des critiques qu’on lui adresse depuis des décennies, c’est qu’il a fait preuve d’une certaine solidité. Cela ne veut pas dire que la domination culturelle de la cour dans certains domaines exclut une culture partagée entre gens de cour et peuple des villes dans d’autres. Ainsi, les farces du xve siècle, pièces à rire réputées populaires, sont jouées par des acteurs professionnels sur des places publiques comme dans les hôtels aristocratiques et semblent faire rire à tous les étages de la société. Ces mêmes auteurs-acteurs peuvent y critiquer le pouvoir comme, quelques années plus tard, véhiculer la propagande royale. Le cas de la cour de la reine Margot vers 1600, cour citadine et périphérique de celle du roi qui n’est pas sans analogie avec celle du Régent un siècle plus tard1, va aussi dans le sens d’une fusion culturelle entre la ville et la cour, puisqu’elle anime l’émulation poétique d’un cercle d’auteurs qui aspirent à la reconnaissance de la cour royale. C’est aussi l’observation que l’on peut faire à propos de l’administration des Menus Plaisirs du roi au xviiie siècle, qui produit stocke et gère les décors des spectacles de cour. Son administration était logée dans un bâtiment au cœur de la ville, où avaient lieu les répétitions des spectacles de cour, mais servait aussi de salle de spectacle (avec les décors) pour les théâtres privilégiés, dont les Menus avaient la tutelle.
Notes de bas de page
1 Voir l’article de Laurent Lemarchand dans ce volume.
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