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L’économie de cour en ville

p. 149


Texte intégral

1L’extraordinaire richesse de la micro-société curiale lui donne dès le Moyen Âge une importance économique sans commune mesure avec son importance démographique, et cela en dépit de l’origine provinciale de la plupart de ses membres. Cela vaut évidemment pour les filières du luxe, comme l’orfèvrerie qui s’est considérablement développée dans la capitale, mais aussi pour les consommations alimentaires distinctives comme celle de la viande. Mais les gens de cour ont un horizon international qui leur donne toute latitude pour s’approvisionner aux meilleures sources. On le constate pour les ducs de Guise au xvie siècle, qui s’approvisionnent pour leur consommation ordinaire dans les villes et régions où ils ont une clientèle à entretenir, mais font venir les objets de luxe des lieux de productions les plus renommés. Paris étant très bien représenté parmi eux, on en déduit que la cour a suscité, par un phénomène dialectique, l’excellence des productions parisiennes1. On notera que la ville est indispensable à la cour, non seulement pour ses productions de luxe, mais aussi pour ses artisans spécialisés comme ceux qui fabriquent les décors de théâtre, au point que le bâtiment qui les abrite au xviiie siècle n’est pas situé à Versailles, mais dans la ville2.

2Le cas des Guise montre aussi que leur consommation est doublement politique : tous les princes y puisent le prestige qui affermit leur rang face leurs pairs, mais les plus ambitieux d’entre eux comme les Guise profitent de la nécessité de s’approvisionner en denrées ordinaires pour multiplier les liens avec les commerçants et artisans parisiens, se créant ainsi une clientèle propre à servir leurs intérêts politiques dans la capitale – on constate le même phénomène pour les ducs de Bourgogne au xive siècle. Cette consommation de cour a donc des effets sociaux, en clivant la société urbaine en partis princiers ou, comme à Londres, entre ceux qui sont exclus au marché curial et ceux qui y ont accès et en acceptent les contreparties (carrière politique et impôt).

Notes de bas de page

1 Selon la communication de Marjorie Meiss-Even (« Le Paris commercial des Guise au xvie siècle »), qui n’a malheureusement pas pu être publiée.

2 Voir l’article de Pauline Lemaigre-Gaffier dans ce volume.

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