Chapitre III. L’escalier des Ambassadeurs ou le triomphe romain
p. 65-99
Texte intégral
(Re) voir l’escalier
1On accédait aux Grands Appartements en empruntant deux escaliers ouvrant sur la Cour royale par trois arcades fermées par des grilles dorées toujours en place aujourd’hui. Pour aller chez le roi, passé le vestibule, l’espace était vaste, mais à la jonction des anciennes ailes Louis XIII et de l’enveloppe de Le Vau, soumis à des contraintes architecturales difficiles. Les volées droites étaient en effet adossées aux pièces de l’appartement, dont les parois excluaient toute ouverture, et faisaient face aux murs aveugles des pièces donnant sur la cour. Les quatre parois de l’escalier étaient donc des murs pleins. L’éclairage ne pouvait venir que du vestibule ou d’une petite porte latérale, et était donc réduit. Pour donner à l’escalier du Roi toute l’ampleur désirée, il fallut l’éclairer par une verrière zénithale de 93 glaces de cristal, première réalisation de ce genre dans l’architecture, tour de force attestant du savoir-faire français1. Les murs aveugles reçurent au rez-de-chaussée un parement de marbres de couleur, tous d’origine française, autre manifestation promotionnelle des richesses du royaume, et à l’étage un revêtement complet de peintures se prolongeant sur les voussures et au plafond jusqu’à la verrière. La lumière et la couleur pallièrent les contraintes de l’architecture, et l’escalier du Roi se mua en une somptueuse boîte à images. Le décor en fit toute la beauté, et acquit par là une importance primordiale.
2Plus encore que dans les appartements, le rôle de Le Brun fut ici essentiel.
« Le public, dès sa création, parla de “l’escalier de M. Le Brun”, ce qui semble lui attribuer non pas la responsabilité des seules peintures, mais une grande part dans la conception. […] L’espace manquait de recul : il fallait donc percer les murs par des trompe-l’œil. Il était haut : il fallait en diviser nettement les étages, et traiter le rez-de-chaussée comme une sorte de base qui rendît à l’étage des appartements, dès le premier regard, son sens d’étage noble. Il était vaste : il convenait de le scander fortement, pour éviter que l’œil n’y trouvât de la confusion, et réserver pour le plafond l’abondance ornementale2. »
3Prévu dès 1669, mis en chantier sous sa forme définitive en 1674, l’escalier du Roi fut décoré entre 1676 et 1680. La conjoncture était différente de celle qui avait vu l’élaboration du programme des appartements. Contemporain de la guerre de Hollande (1672-1678) et des succès français, c’est l’histoire des victoires du roi qui devint son principal sujet. On renonça au discours allégorique et énigmatique des appartements, aux exempla antiques et aux figures des héros épiques pour la seule représentation explicite du roi et de ses exploits personnels.
4Dans un château sans cesse remodelé au gré des besoins politiques ou familiaux, l’escalier, destiné à des usages protocolaires (réceptions d’ambassadeurs, processions des chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit) épisodiques, occupait un volume considérable et peu rentabilisé. Menacé par le développement des pièces de confort, occupé par un théâtre démontable installé en 1747, il fut finalement détruit en 1752. Les précieux marbres furent mis en dépôt, mais on se préoccupa moins des peintures, dont la manière tout autant que le discours triomphaliste étaient passés de mode. Quelques-unes furent détachées et marouflées (reportées sur toile), des fragments furent dispersés et acquis par des courtisans. Reste un nombre important d’esquisses et de cartons de Le Brun3.
5L’escalier est par ailleurs connu par quatre descriptions et deux séries de gravures. Le Mercure galant rendit compte du degré du Roi dès sa réalisation achevée4. Sa relation comprend deux parties très distinctes. C’est d’abord une description sèche, précise et méthodique, de bas en haut, rapportant les dimensions et la structure générale, décrivant les marbres, les degrés, les balustres, la fontaine, la statue du roi et les armes de France et de Navarre, puis donnant l’identification, les attributs et le coloris des figures et groupes de figures peints. Viennent ensuite les intentions des auteurs, soit la lecture à faire de l’escalier : problématique générale, puis décryptage en sens inverse à présent, du plafond aux parois : les figures des angles, les muses, les travaux du roi, et enfin retour sur les quatre parties du monde. Le texte de Nivelon est une variante de celui du Mercure5. Il est beaucoup moins ordonné, mêle description et commentaire.
6Jean-François Félibien traite de l’escalier dans sa Description sommaire de Versailles ancienne et nouvelle de 17036. Mais c’est la reprise de la description manuscrite qu’il avait rédigée avant 1685, contemporaine donc, elle aussi, de l’achèvement de l’escalier7. L’historiographe passe rapidement sur les marbres, la fontaine, le buste du roi, les armes de France et Navarre, les tapisseries feintes des batailles et des nations, n’accordant aux parois que cinq pages sur vingt-huit, et s’intéressant donc essentiellement au plafond. Méthodiquement, avec un grand luxe de détails (physionomies, attributs, coloris des vêtements), il passe en revue les figures des voussures, puis au plafond les tableaux de l’histoire du roi et des arts. Comme à l’accoutumée, c’est le meilleur texte politique, entièrement centré sur l’exaltation monarchique. Monicart en 1720 reprend au mot près la description de Jean-François Félibien8. Quant à Piganiol en 1701, s’il décrit avec assez de précision le rez-de-chaussée, les degrés, la fontaine, les sculptures, les tapisseries des batailles, il montre envers le reste la plus grande désinvolture : « Le plafond est orné de bas-reliefs octogones remplis de figures qui conviennent au sujet9… »
7La dernière description accompagne la publication des planches de Chevotet et Surugue en 1725. Il s’agit de neuf pages grand in-folio, gravées sur cuivre, et dues à L. C. Le Fèvre10. Le contexte était entièrement différent de celui où avaient été réalisé l’escalier et élaborées les descriptions du Mercure et de Jean-François Félibien. Louis XIV était mort le 1er septembre 1715. Louis XV, âgé de cinq ans, avait quitté Versailles le 9 du même mois pour n’y revenir que le 15 juin 1722. Versailles redevenait capitale de la monarchie, d’où ce regain d’intérêt pour les décors du Grand Roi. Mais on voulait leur faire dire autre chose. On était sous l’« interrègne » du duc de Bourbon, entre la mort du Régent (1723) qui avait inauguré une politique d’entente avec l’Angleterre, et l’avènement de Fleury (1726) qui devait la poursuivre, l’année même du mariage de Louis XV, roi de quinze ans, à qui tous souhaitaient de devenir, contrairement au roi de guerre son terrible aïeul, un roi de paix. Le Fèvre donne donc une lecture « pacifiste » de l’escalier, censée illustrer l’idée du roi parfait. Sa description méthodique, souvent très explicitée, entrecoupée de tirades moralisatrices sur le rôle du bon monarque, est un bon exemple de réinterprétation d’une iconographie en fonction d’une conjoncture différente de celle qui l’a vu naître, c’est-à-dire de la plasticité des images, qui ne parlent pas d’elles-mêmes.
8L’escalier fut gravé en deux temps. Dès l’achèvement du cycle, Étienne Baudet (1638-1711) grava entre 1679 et 1683 sept planches consacrées au plafond11. En 1725 parurent vingt-trois autres planches, dessinées par Michel Chevotet (1698- 1772) et gravées par Louis Surugue (1686 ?-1762), représentant les décors des parois, les marbres et le plan de l’escalier. On avait joint une vingt-quatrième planche, due à Charles Simonneau (1645-1728), gravée antérieurement, montrant l’ensemble du plafond. Ces vingt-quatre planches formèrent avec les neuf pages de texte gravées de Le Fèvre le volume en grand in-folio Grand escalier du château de Versailles dit escalier des Ambassadeurs12. En 1958, M. Arquinet réalisa une importante maquette en deux parties, permettant de se faire une idée très exacte des faces ouest, nord et est et de la face sud avec ses grilles ouvrant sur la cour ; elle est présentée dans le vestibule de l’escalier13.
Parois
Fontaine
9Sortant de la pénombre du vestibule, le visiteur ébloui se trouvait face à l’éclat de la polychromie des marbres et charmé autant qu’intrigué par le murmure des eaux vives. Le principe de surprise cher au baroque jouait alors à plein. Face à lui (fig. 16), au centre de toute la composition, sur le premier perron au point d’arrivée des onze premières marches, Le Brun avait installé une niche avec une fontaine qui au départ fut formée de deux dauphins supportant une vasque de marbre rouge et blanc, surmontée par la suite de deux tritons soutenant une coquille d’où l’eau s’écoulait en nappe. En 1713, ces tritons firent place à un centaure marin enlevant un silène, trouvé à Rome en 1702 et cadeau du neveu du pape.
« La courbe de la niche venait briser les orthogonales du rez-de-chaussée, et les sculptures de la vasque rompre un peu la rigueur minérale. Mais surtout cette fontaine était une véritable fontaine. Ce qui importait, c’est l’eau, son mouvement, son bruit, sa vie. Grâce à elle, ce grand espace vide de l’escalier n’était ni silencieux ni immobile. Au centre de ce décor qui fixait pour l’éternité une histoire, mais qui, par sa nature d’escalier, supposait le déplacement du visiteur, il proposait une sorte de transition avec le portique et la cour. Venu du bruit et de la vie extérieure, au premier palier, au pied de la grande volée, on quittait ce bruissement vague et continu pour s’élever jusqu’aux appartements solennels du souverain14. »
Le roi
10Les parois de l’étage étaient scandées par des pilastres feints. Chacune faisait paraître en son centre les signes identitaires du maître des lieux. Au-dessus de la fontaine, sur le mur nord et donc contigu à l’appartement du Roi, était le buste en marbre blanc de Louis XIV, celui de Varin d’abord, réalisé en 1665, de Coysevox ensuite, exécuté en 1681, et attesté ici par Piganiol en 1701, entouré de casques, d’armes et de boucliers et surmonté de la devise du roi, le Soleil rhodien avec son mot NEC PLURIBUS IMPAR. Sur les autres parois, le marquage se faisait par trois reliefs de bronze doré. Face au buste du roi sur le mur sud (fig. 17), c’étaient les grandes armes de France et de Navarre avec les colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, la couronne royale, les ailes et les palmes de la Victoire et de la Renommée, et le Soleil rayonnant au sommet. Sur les petits côtés, il y avait des trophées des armes de Minerve et Hercule, allégories de la Prudence et de la Force, qualités essentielles du roi que l’on retrouverait dans la voussure. Aux angles se trouvaient les portes, feintes sur les petits côtés, réelles sur les longs, et donnant accès à l’appartement du Roi au nord, à celui de Madame de Montespan puis à la Petite Galerie au sud.
Batailles
11La réalité faisait alors une entrée soudaine dans le lieu clos de l’escalier.
Mais, Le Brun, désormais il faut que tu t’apprêtes
À donner à nos yeux ces fameuses conquêtes
Où le prince lui-même, au milieu des combats,
De son illustre exemple animait les soldats […]
Alors, sans remonter au siècle d’Alexandre,
Pour donner à ta main l’essor qu’elle aime prendre,
Dans le noble appareil des grands événements
De la diversité d’armes, de vêtements,
De pays, d’animaux, et de peuples étranges,
Les exploits de Louis sans qu’en rien tu les changes,
Et tels que je les vois par le sort arrêté,
Fourniront plus encore d’étonnantes beautés15.
Figure 16. – Jean-Michel Chevotet, Vue intérieure du Grand Escalier de Versailles, costé oposé à l’entrée.

Figure 17. – Jean-Michel Chevotet, Vue intérieure du Grand Escalier de Versailles, du côté de l’entrée.

12Ou, moins éloquent et incitatif que Charles Perrault en 1668 dans La peinture, plus obséquieux et direct, le Sonnet au roi sur ses conquêtes de Charles Robinet en mai 1677 :
Miraculeux Héros, Vainqueur inimitable
Par tes fameux Exploits tu te fais admirer.
À quel grand Conquérant te peut-on comparer
Dont la gloire ne cede à ton nom redoutable ?
Tu n’es plus qu’à toy-même aujourd’huy comparable16.
13Tel le procédé rhétorique du récit du combat dans Le Cid de Corneille, la fiction de la tapisserie permet à Le Brun de faire surgir la bataille dans l’escalier. Sur les longs côtés, les tentures feintes étaient comme suspendues entre les pilastres également feints, leurs bordures légèrement enroulées laissant voir un revers à fleurs de lys. Les sujets étaient les victoires de l’année 1677. Au nord, du côté de l’appartement du Roi et de son buste, les sièges et prises de Valenciennes en mars et de Cambrai en mai, en présence ou sous la direction de Louis XIV ; au sud, les succès de Monsieur, frère du roi : bataille du mont Cassel et prise de Saint-Omer en avril. Ces sièges et batailles, peints par Van der Meulen qui avait été prié, ainsi que Le Brun, par le roi lui-même, de suivre la campagne et d’en ramener des croquis, étaient d’une grande exactitude topographique et d’un réalisme scrupuleux.
Nations
14Se rapprochant du centre, on trouvait, afin de contrer la sensation d’enfermement et de dilater l’espace resserré, un décor de quadratura, architecture feinte de colonnades et de riches plafonds ouvrant sur de grands ciels très clairs, en forme de loggias aux balustrades recouvertes de somptueux tapis aux couleurs chaudes, or, écarlate, bleu. Et dans ces loggias, des personnages, qui regardent. Le dispositif est directement inspiré de celui de la Sala Regia du Quirinal à Rome, destinée aux rencontres officielles du pape avec les délégations de diplomates étrangers, peint en 1616-1617 par Agostino Tassi, Giovanni Lanfranco et Carlo Saraceni. Ce sont les différentes nations de l’Europe (nord-est), de l’Amérique (nord-ouest), de l’Afrique (sud-est) et de l’Asie (sud-ouest). Nivelon énumère des figures « des deux Indes orientales et occidentales, perses, grecs, arméniens, moscovites, allemands, italiens, hollandois, africains, bref, celles qui se peuvent connoitre17 ». On dispose pour les nations de l’Europe et de l’Asie d’esquisses en couleur, réductions de la composition de Le Brun18. Voyons les Européens. Pour Jouin, « l’un porte le costume hollandais [l’homme en jaune, à droite ?], un autre, en costume espagnol, tient son lorgnon et contemple le plafond19 ». C’est celui de gauche, en bleu, dont la cape à crevés laissant passer le bras, le col empesé façon golilla et les lorgnons désigneraient l’étudiant ou l’universitaire. La figure centrale en habit bleu, à rubans et revers rouge, au large baudrier de cuir fauve, chapeau à large bord sous le bras, tenant semble-t-il une canne ou une épée, pourrait bien être un militaire français. Au second plan, l’homme à barbe et moustache rousses, col en fraise, feutre et manteau, plutôt vieux style, serait-il un Allemand, et celui drapé dans un manteau bistre, tête nue et à la moustache impressionnante, serait-il, lui, l’Espagnol ? Il y a un ecclésiastique, de dos, en calotte et camail rouges sur le rochet blanc : un Italien ? L’« Asie » est comprise dans son acception géographique classique héritée des Grecs, soit les territoires allant des rives orientales de la Méditerranée au continent indien. On ne voit donc ni Chinois ni Japonais dans les loggias de l’escalier, pas plus qu’il n’y avait encore eu d’ambassadeurs de ces nations à Versailles. Les Siamois ne viendront qu’en 1686. Sont donc figurés, d’après Nivelon, un originaire des Indes orientales (au premier rang à gauche, le visage brun, coiffé d’un turban ?), un Moscovite (au centre, avec une toque de fourrure et un manteau bordé de même ; on les comptait alors avec les Asiatiques, pour la proximité de leurs mœurs), un Persan (de profil à droite, au turban sombre ?), et des sujets de l’Empire ottoman, un Grec (la tête barbue au bonnet de marin ?), un Arménien (au fond à gauche ?), un janissaire, tout à fait à droite, avec son bonnet à couvre-nuque et à plumes. L’Afrique, toujours au sens antique de la bordure sud de la Méditerranée, est représentée par les différents types humains qui peuplaient alors les pays barbaresques : un solide noir à gauche, des « turcs » et des renégats européens, au costume assez indifférencié, portant turban ou bonnet. On pouvait s’étonner de voir parmi les « Américains » une majorité d’Européens : absorbés dans leurs discussions, c’était des marchands ou des colons. Le magnifique guerrier au premier plan, à la puissante anatomie, était bien, lui, le « sauvage » incarnant le natif de ce continent : nu (un manteau jeté sur les épaules cependant), tenant ostensiblement un casse-tête, coiffé de plumes, il forme comme le double de l’allégorie de l’Amérique peinte dans la voussure juste au-dessus de lui selon l’iconologie de Ripa.
15Ces figures représentant toutes sortes de nations
« semblent aller et venir dans les appartements du prince, s’entretenant la plupart ensemble, ou regardant la voûte de ce lieu selon leur génie ; ce qui fait une variété naturelle très agréable. Et on peut dire que lorsque ce grand roi descend par cet escalier, au milieu et suivi de tous les princes et princesses, cela fait un spectacle si grand et si superbe que l’on croirait que tous ces peuples se rendent en foule dans ce lieu pour honorer son passage et voir la plus belle cour du monde20 ».
16Le dessein de Le Brun comporte une part d’esthétique : varier les partis figuratifs pour rompre une trop grande uniformité, créer l’illusion d’une présence réelle, produire un effet de miroir et susciter la surprise. Les nombreuses esquisses conservées attestent de son soin pour rendre les plus réalistes que possible les vêtements, coiffures, attitudes, gestes et expressions. Il témoigne surtout d’une audace presque blasphématoire : détourner au bénéfice d’un homme, par surcroît qualifié de « Très Chrétien », un dispositif d’hommage qui, à Rome, était dû à Dieu.
Voussures
17La structure de la voussure s’inscrivait dans le prolongement de celle des parois. Les pilastres des longs côtés se continuaient par les douze termes du nord et du sud. Les loggias en quadrature des parois se prolongeaient au-delà de la corniche par des voûtes à caissons feintes. Au centre du plafond, le rectangle de la verrière découpait un ciel, procurant l’illusion d’une architecture ouverte (fig. 18 et 19).
Termes et continents
18Au-dessus de la contingence feinte sur les parois commençait avec les voussures le processus d’amplification héroïque (fig. 20 et 21).
19Le cycle du temps et la ronde des continents inscrivaient les actions du roi dans l’éternité. Comme à Vaux, les termes des mois n’étaient pas fastidieuse répétition du même, mais chacun était personnalisé par les traits de son visage et son signe zodiacal contenu dans un cercle au-dessous du buste. Les parties du monde, déjà présentes sous formes des nations au niveau inférieur, étaient désormais représentées au-dessus des tapisseries par les allégories classiques de Ripa. Mais elles aussi étaient pleines de vie, peintes avec le plus grand réalisme, au naturel, nonchalamment assises sur la balustrade feinte, leurs attitudes et leurs visages exprimant leurs passions et leurs caractères : la domination pour l’Europe, la fierté et la cruauté pour l’Asie, la sensualité et un peu de bestialité pour l’Afrique, la barbarie et la sauvagerie pour l’Amérique. De façon plaisante, inspirée peut-être du maniérisme italien de Véronèse à la villa Barbaro à Maser, ou de Giovanni Andrea Ansaldo à la villa Negroni de Gênes-Pra et d’Agostino Tassi au palais Lancellotti ai Coronari à Rome qu’il avait pu voir, Le Brun avait accompagné les figures féminines de groupes d’oiseaux disposés sur les balustrades des quadratures à l’aplomb des Nations. Auprès de l’Europe, le paon, oiseau de Junon souveraine des dieux, et le coq emblématique de la nation française si l’on en croit le jeu de mot coq/gallus/gaulois. Auprès de l’Amérique, deux perroquets et un volatile à aigrette21. Auprès de l’Asie, une autruche et deux pintades, les « poules d’Inde », et auprès de l’Afrique un casoar et deux autres oiseaux22. C’était aussi une allusion aux hôtes de la Ménagerie royale, une des premières constructions demandées par Louis XIV à Le Vau pour Versailles, édifiée de 1663 à 1665, et dont les sept cours accueillaient essentiellement des volatiles, « belles poules » et autruches. « Les différents Oyseaux qui sont présents au naturel dans les balcons voisins des 4 parties du Monde ausquelles ils ont raport peuvent donner une idée de la Ménagerie composée d’un nombre presqu’infiny d’Animaux très rares que sa Majesté avoit fait amener de toutes parts à Versailles » précise J.-C. Fèvre23. Quant aux animaux attributs des continents, Le Brun pouvait les avoir vus à Vincennes, dont la ménagerie comprenait des dromadaires, des éléphants et des crocodiles, et à Versailles même, où l’éléphant envoyé par le roi de Portugal en 1668 vécut jusqu’en 168124.
Figure 18. – Charles-Louis Simonneau l’Aîné, Plafond du Grand Escalier du château de Versailles.

Figure 19. – Schéma du plafond de l’escalier des Ambassadeurs. Les titres des œuvres sont orientés selon le sens de lecture du décor.

Figure 20. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles.

Figure 21. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles.

Muses
20Neuf femmes au naturel étaient représentées assises sur la première corniche, groupées par deux (ou trois) au centre de chaque face. Les auteurs des descriptions ont voulu y voir les neuf muses, ce qui n’est pas exact. Au nord25, le Mercure, assez laconique, cite Clio et Polymnie26. Félibien est plus disert :
« À l’un des costez est une belle Femme assise et couronnée de fleurs. Sa robe est d’un vert rompu de jaune, et son manteau est rouge relevé d’or. D’une main elle s’apuye sur un livre, et de l’autre elle semble montrer le globe d’azur. Cette femme représente l’Éloquence […] De l’autre costé est une autre femme assise. L’air de son visage est sérieux. Elle est couronnée de Laurier, sa robe est bleue et son manteau blanc. Elle tient un livre et une Trompette, et s’apuye sur des Livres qui sont autour d’elle. Toutes ces marques la font assez connoistre pour la Muse qui préside à l’histoire27. »
21En face sont trois autres muses28. Le Mercure indique Calliope, Melpomène et Thalie29. Félibien précise :
« Une femme assise […] tient plusieurs Couronnes de Laurier. Elle a l’air grand et noble, le teint un peu pasle et comme d’une personne qui s’applique à de profondes méditations. Sur ses cheveux blonds est une couronne d’or. Sa robe est d’une étofe de couleurs changeantes de vert et de rouge, et son manteau d’un bleu céleste. Elle a plusieurs livres auprès d’Elle. C’est Calliope, celle d’entre les Muses qui préside au Poëme héroïque. De l’autre costé est Melpomène qui représente la Tragédie. Sur son visage l’on découvre quelque chose de fier et de triste tout ensemble. D’une main elle tient un poignard et un Bandeau royal. Elle est assise sur un siège d’or fait à l’antique ayant un carreau de velours rouge sous ses pieds et un Sceptre d’or auprès d’Elle. Sa robe est blanche et son manteau de drap d’or. Tout proche est une autre femme vestue de rouge et d’un manteau vert. Elle est couronnée de fleurs. Elle a l’air gay et enjoüé, et montrant un Masque qu’elle tient en ses mains elle communique de sa joye à ceux qui la regardent. C’est la Muse qui préside à la Comédie et aux Balets30. »
22À l’ouest31 étaient Uranie et Euterpe32, qui président à l’Astrologie et à la Musique.
« La première a un globe sous ses pieds, et regardant en haut semble contempler le Ciel. Elle a une Couronne d’Etoilles sur sa teste, et un compas à la main. Sa robe est d’une étofe changeante de vert et de jaune, et son manteau d’un pourpre violet rehaussé d’or. L’autre Muse qui tient une flûte et qui a l’air moins sérieux est couronnée de fleurs. La couleur de sa robe est gris de lin, et son manteau d’un rouge brun33. »
23À l’est enfin, on attendrait en symétrie deux autres Muses, mais ce n’est pas le cas34. Ce sont, dit le Mercure35, « la Peinture et la Sculpture vétuës d’un grand Manteau violet, tenant un Tableau qu’elles regardent ».
« L’une, dit Félibien36, a l’air grand et Majestueux. Ses cheveux blonds sont environnez d’une guirlande de fleurs, sa robe est d’un beau vert et son manteau d’un bleu pasle enfoncé de pourpre. Elle tient des Plans de Bastimens : ce qui fait juger qu’on a voulu représenter l’Architecture. L’autre femme est la Sculpture qui a des Bustes de marbre auprès d’Elle. La robe de cette figure est rouge et le manteau vert. »
24En fait, la figure de droite, de profil, regarde un plan, celle de gauche, représentée de trois quarts, tient un tableau sur son genou et à terre, près de son manteau, on voit une tête, fragment de sculpture. Le Brun a allégorisé ainsi les deux académies, celle de l’Architecture et celle de la Peinture et de la Sculpture.
25Les neuf femmes dans la voussure sont donc sept muses et deux allégories. Au nord Clio/l’Histoire et Polymnie/l’Éloquence ; au sud Calliope/Poème héroïque, Melpomène/la Tragédie et Thalie/la Comédie ; à l’ouest Uranie/l’Astronomie et Euterpe/la Musique. Manquent Terpsichore/la Danse et Érato/l’Élégie, remplacées par l’Architecture et la Peinture-Sculpture. Quelle était la fonction de ces sept muses et de ces deux allégories d’académies dans le programme de l’escalier ? Les exégèses des commentateurs varient. Pour le Mercure, organe autorisé et quasi officiel, certaines de ces figures évoquent les divertissements du roi tandis que d’autres publient sa gloire.
« Les Muses y sont représentées, une partie pour contribuer par leurs nobles divertissements à ceux que Sa Majesté prend dans ce magnifique Lieu après ses grandes fatigues. La Peinture, la Sculpture et l’Architecture, tous les Arts qu’il ayme, paroissent comme venant de travailler elles-mesmes pour l’embellir, pendant que d’autres appliquent leurs soins à luy acquérir une glorieuse immortalité. Cela se connoist par les deux Figures qui sont dans les faces des milieux. L’une qui regarde dans un Livre est l’Histoire ; et l’autre qui montre Minerve, représente l’Éloquence. […] Et comme la Poésie a beaucoup de part aux récits des actions de tous les grands Hommes, elle y paroist accompagnée de la Tragédie37. »
26Nivelon ne retient que la publication de la gloire du roi : les muses sont « occupées à leurs nobles travaux pour immortaliser les faits de Sa Majesté […] M. Le Brun [a] placé ces filles du Parnasse pour marquer leurs occupations à la gloire de Louis XIV38 ». Pour Félibien, les muses sont les auteurs du décor et les spectatrices du triomphe royal : « Le Peintre a feint que les Sciences et les beaux Arts, sous la figure des muses, ont décoré ce bastiment […] Et il a prétendu […] qu’après avoir achevé ce pompeux appareil, et l’avoir embelli en mille endroits de festons et de vases remplis de fleurs, elles demeurassent elles-mêmes spectatrices de tout ce qui s’y passe39. »
27Pour Le Fèvre, muses et allégories de la voussure prennent le contre-pied de la célébration du roi de guerre pour louer les mérites du roi de paix.
« M. Le Brun […] a exprimé d’une manière très détaillée les autres fonctions d’un Roi qui donne à son peuple tous ses soins et toute son affection. Il ne suffit pas à un Roi de soutenir avec fermeté les droits de sa Couronne et d’estre au dehors le deffenseur de son Royaume en commandant lui-même ses armées. Le titre d’arbitre de la Paix ne luy paroist pas moins prétieux que celui de conquérant, il est continuellement apliqué au dedans à rendre ses sujets heureux. […] De costés et d’autres sont peintes les Divinitez des Sciences et des Arts. […] qui chacune dans leur genre paroissent contribuer au bien et à la gloire de l’État. En effet les sciences et les arts ne servent pas dans les Royaumes seulement à pourvoir aux necessités de la vie et à satisfaire la curiosité et le faste ; elles contribuent encore à policer les hommes et à faire fleurir le comerce. L’Esprit aprend, en les cultivant, à reconnoître la vérité, il se dégage des préjugés, s’accoutume à souffrir avec plaisir le joug de la raison, devient juste, grand, et capable de bien exercer les différents emplois nécessaires à l’État. […] Ces Divinités sont donc les Muses, fidelles compagnes d’Apollon, qui suivant les mithologues expriment parfaitement les effets que produisent les Sciences et les arts, soit par raport à l’État en général, soit par raport aux sujets en particulier40. »
28À la recherche des intentions de Le Brun, les commentateurs tiennent des discours certes divergents, mais toujours convenus, sur les figures elles-mêmes, alors que c’est dans leur relation avec d’autres segments du décor qu’apparaît précisément leur signification. Sur les longs côtés, les muses de l’Histoire et l’Éloquence, du Poème héroïque, de la Tragédie et de la Comédie sont groupées autour des allégories des triomphes du roi et sont en rapport avec les scènes de son histoire en camaïeu dans les tableaux disposés aussi sur les longs côtés. Ce sont des muses célébratives. Sur les côtés courts l’Astronomie et la Musique, l’Architecture et la Peinture-Sculpture évoquent les activités non guerrières relevant de la magnificence et sont en rapport avec les tableaux circulaires au-dessus d’elles dans le plafond, Mercure chevauchant Pégase et la Renommée.
Les triomphes du roi
29Les figures des voussures prolongeaient donc la thématique des parois (les quatre continents) et annonçaient celle du plafond (les actions du roi). Ce second aspect est davantage illustré par les compositions au centre des longs côtés et par celles des angles.
30Avec les deux groupes médians du nord et du sud, Le Brun traite explicitement du sujet qu’il s’est proposé de mettre en scène : le triomphe du roi. Tous deux sont complémentaires : triomphe extérieur au nord, intérieur au sud. Au nord, au-dessus du buste du roi, on voit
« un char remply de Boucliers, qui suportent un Globe couroné et orné de trois Fleurs de Lys d’or. Un peu en arrière paroissent Minerve et Hercule appuyez sur le Globe ; et dessous le Char, un Serpent à trois testes qui est renversé fait voir que ce Prince a vaincu les trois Puissances qui s’estoient unies pour l’attaquer. Leurs Dépouilles qui remplissent le char d’Hercule, dépeintes par les Boucliers qui portent les Armes de ces trois Puissances, servent de trophées et de suport à la gloire de celles de ce Royaume qui sont peintes sur le Globe41 ».
31Nivelon précise à propos de Minerve et Hercule que « ces deux figures signifient que c’est par la prudence et par la valeur héroïque […] que le prince a vaincu ». On a vu que leurs trophées en bronze étaient sur les parois des petits côtés. Un examen attentif de la gravure révèle que le « char » a l’aspect d’une cuve ou d’un vase, comme le vase de la guerre qu’exécutera en 1684 Coysevox sur un dessin de Le Brun : on y distingue la silhouette d’un guerrier armé et casqué chassant devant lui un homme nu, comme Hercule terrassant le Rhin sur la paroi du vase, dont le décor évoque le célèbre passage de 1672. Or c’est justement cette scène qui figurait au plafond au-dessus du char triomphal…
« L’on voit une semblable disposition de figures dans la partie opposée au-dessus du Vestibule. Au lieu d’un char, il y a un Trépied d’or surmonté d’une Couronne royale. Des arcs et des carquois y sont attachez. Au dessous on voit le Serpent Python percé de flèches. Du costé droit, Apollon appuyé contre le Trépied tient son arc à la main. Il est couronné de Laurier et couvert d’un manteau rouge42. »
« Pour marquer que Sa Majesté, précise Nivelon, comme un second Apollon, par sa vertu et sa valeur, a surmonté les rébellions et guerres civiles dépeintes par cet animal, qui avait pris naissance, selon les poètes, du limon terrestre43. »
32Le Fèvre confirme cette interprétation, allant jusqu’à en reprendre les termes :
« L’effroyable Serpent Pithon formé des plus grossières impuretés de la terre et détruit par Apollon signifie que Sa Majesté avoit heureusement terminé les guerres civilles qui avoient troublé les premières années de son règne, et qu’il avoit étoufé les rébellions secrettes que les Ennemis avoient voulu susciter en France. »
33Mais suivant son schéma interprétatif du bon roi, et pensant à une scène qui figurera plus tard au plafond de la galerie des Glaces, il ajoute : « il peut aussi fort bien signifier l’abolition des duels, et cette sévérité salutaire du Roy qui purgea la France d’un monstre aussy dangereux44 ».
34Dans les angles, Le Brun s’était souvenu des poupes de navires et des captifs de la salle de Mars au palais Pitti de Florence. Souvenir formel, investi ici de significations propres : « Les quatre Angles ont pour ornement de grandes Poupes de Vaisseaux remplies d’Armes diférentes, et portent un Trophée d’Arme sur l’extrémité. Chacun des quatre Trophées fait voir des Armes semblables à celles de l’une des quatre Parties du Monde. » Ainsi étaient représentées les victoires navales en Sicile, aux Amériques ou sur les côtes des Barbaresques :
« Aux costez des Poupes, on a feint des Captifs de sculpture, et au-dessus, des Victoires colorées […] pour faire entendre que les divers Peuples qui ont senty le pouvoir des armes de Sa Majesté vivent sous ses Loix sans volonté, et que la contrainte n’a aucune part à leur servitude. C’est pour cela qu’ils ne paroissent liez que de Festons de Fleurs par ces mesmes Victoires que ce Prince a remportées sur les Mers et en plusieurs endroits de la Terre45. »
Plafond
La représentation à l’antique
35Conformément à l’usage du xviie siècle baroque qui voulait que dans les églises comme dans les palais, la partie essentielle du décor soit réalisée dans la coupole ou dans la voûte, les parois et les voussures ne recevant que des éléments discursifs secondaires, récits, exempla ou amplifications rhétoriques, c’est au plafond de l’escalier que Le Brun avait situé les scènes de l’histoire du roi. Ces épisodes étaient représentés dans les pièces de l’appartement dans les lunettes au sommet des parois, les coupoles accueillant alors l’essentiel, les vertus du souverain assimilées à celles des dieux. Mais la guerre de Hollande ayant révélé avec un éclat incomparable les capacités de Louis, supérieures à celles des princes les plus illustres, c’était ces actions mêmes qu’il fallait désormais représenter, et à la place d’honneur. Et pour leur conférer l’aura d’éternité qui drapait celles des Anciens, Le Brun choisit de les représenter à l’antique. Dépassant tous les monarques anciens, Louis se devait d’être représenté comme le premier d’entre eux. Au plafond de l’escalier, l’histoire du roi se déploya comme une suite de bas-reliefs antiques feints, sur fond de lapis bleu et rehaussés d’or.
36Ce parti figuratif s’inscrit dans le contexte politico-culturel visant à faire de Paris une nouvelle Rome. Les campagnes de 1672-1678, notamment la seconde conquête de la Franche-Comté, avaient fait de Louis XIV le nouveau Trajan. Les reliefs feints de l’escalier étaient l’aboutissement d’un projet né quinze ans auparavant : celui d’édifier à Paris en l’honneur du roi de France une colonne semblable à celle du vainqueur des Daces à Rome46. Lors de son voyage à Paris en 1665, Le Bernin conçut le projet d’aménager l’espace entre le Louvre et les Tuileries avec une statue équestre du roi entre deux colonnes semblables à la Trajane et à l’Antonine à Rome. De 1667 à 1669, on réalisa le moulage complet de la colonne Trajane. Les « creux » furent transportés par mer jusqu’au Havre puis à Paris, où l’on exécuta pendant l’été 1671 un retirage des moules. À Rome, pendant que s’effectuait le moulage, le graveur Pietro Santo Bartoli était monté sur l’échafaudage des Français pour corriger les gravures qui avaient accompagné le commentaire de Charron en 1576 en vue d’une nouvelle édition des reliefs de la colonne. L’ouvrage parut à Rome en 1672, dédié à Louis XIV « le Trajan de la France ». Il figurait dans la bibliothèque de Le Brun, comme il ressort de son inventaire après décès. En 1674, la quatrième journée des Divertissements de Versailles donnés par le roi à toute sa cour au retour de la conquête de la Franche-Comté s’acheva par un festin de nuit organisé dans la cour de Marbre autour d’une colonne de lumière conçue par Vigarani semblable à la colonne Trajane. Cependant ce ne fut pas sur une colonne que l’on célébra à la romaine les exploits du roi, mais sur des arcs de triomphe. La ville de Paris avait décidé d’édifier ces entrées monumentales aux portes de la capitale, puisqu’elle était désormais la nouvelle Rome. La porte Saint-Denis, élevée de 1672 à 1676 sur les dessins de François Blondel, reçut les reliefs de Michel Anguier, Le passage du Rhin, et La prise de Maastricht. La porte Saint-Martin, due à Pierre Bullet, 1674-1675, fut ornée de La prise de Besançon (Martin Desjardins), La dissolution de la Triple Alliance (Étienne Le Hongre), La conquête de Limbourg (Pierre I Le Gros) et Le triomphe sur l’Allemagne (Gaspard Marsy)47. En 1670, Claude Perrault commença à édifier place du Trône un arc de triomphe qui finalement ne fut pas réalisé. Le projet de Le Brun n’avait pas été retenu. Parmi ses dessins afférents conservés au cabinet du Louvre, l’un comporte un décor de bas-reliefs montrant cinq des six scènes représentées dans le plafond de l’escalier de Versailles48. Manque La seconde conquête de la Franche-Comté intervenue en 1674, qui aurait certainement figuré, vu son caractère emblématique, quitte à supprimer une scène antérieure moins importante. Les reliefs de l’escalier des Ambassadeurs avaient donc d’abord été prévus par Le Brun pour l’arc de la place du Trône, puis, son projet refusé, repris, en bas-reliefs feints de peinture à présent, à Versailles en 1674 lorsque fut arrêté le programme de l’escalier, avec l’ajout de la Seconde conquête cette fois.
37La représentation à l’antique dans les tableaux de l’escalier relève de canons figuratifs convenus. Le roi porte une cuirasse à lambrequins tombant sur la culotte à mi-jambe, et des brodequins à lacets. Dans les scènes militaires où il est à cheval, il a un manteau court, un casque à cimier ou crinière et tient le bâton de commandement dans la main droite. Dans les scènes civiles, il porte un manteau long, il est tête nue en perruque avec la couronne de laurier. Il est toujours sur une estrade, soit debout, soit assis dans un trône les pieds reposant sur un coussin. Une tenture est déployée derrière lui, une ou deux colonnes peuvent apparaître sur les côtés. Le roi n’est jamais représenté sous son portrait. Son visage, comme celui de tous les protagonistes, est de convention. Louis est une figure juvénile, une sorte d’Alexandre. Auprès de lui sont des militaires vêtus comme lui, des hommes en toge, vieux et barbus (marchands, ambassadeurs, légistes…), d’autres ont une apparence plus diversifiée adaptée à leur identité et leur fonction. Les figures allégoriques, féminines, suivent les prescriptions de l’Iconologie de Ripa/Baudoin (vêtement, attribut, animaux).
38L’adoption de la représentation à l’antique dans l’escalier témoigne d’un changement dans le parti figuratif qui avait jusqu’ici prévalu. La thématique apollinienne n’est plus employée pour allégoriser le roi. Louis XIV n’est plus le Roi-Soleil. Il a quitté l’Olympe pour l’Histoire. Son univers n’est plus celui des dieux et des monstres mythologiques comme dans le jardin, mais celui des hommes sublimes. Il a fait « donner à ses trois premiers fils naturels, nés entre 1670 et 1673, les prénoms d’Auguste, de César et d’Alexandre, combinés à celui, quasi patronymique, de Louis49 ». La figure d’Apollon n’apparaît qu’une seule fois dans l’escalier, au centre de la voussure sud, à côté du trépied et du Python percé de flèches. Encore n’est-elle pas particulièrement valorisée, mais requise pour faire symétrie à celle en vis-à-vis, l’Hercule vainqueur de l’hydre de la Triple Alliance, adossé, lui, à l’appartement du Roi. Et sur l’arc de la porte Saint-Martin à Paris, comme sur celui du Peyrou à Montpellier (1691-1695), c’est en Hercule que Louis XIV triomphe. Alors que les représentations d’Apollon ou du Soleil allaient crescendo sur les médailles commémorant les événements jusqu’en 1663, notamment la prise du pouvoir personnel, elles disparaissent totalement ensuite. C’est désormais le roi à l’antique et non plus Apollon qui conduit le quadrige. Sur la médaille pour la prise de quarante villes en Hollande,
« le Roy couronné par la Victoire et tenant un Javelot mène un Char à toute bride. La Légende, BATAVIA VICTORIIS PERAGRATA signifie La Hollande subjuguée en aussi peu de temps qu’il en falloit pour la parcourir. L’Exergue, XL. URBES DIEBUS VIGINTI DUOBUS CAPTAE.M.DC. LXXII. Quarante Villes prises en vingt-deux jours. 167. ».
39Sur la médaille pour la seconde conquête de la Franche-Comté :
« le Roy paroist sur un Char à l’antique tiré par quatre chevaux attelez de front. On voit sous le Char plusieurs Estendards renversez, et des Boucliers où sont les Armes des Villes conquises. Les mots de la Légende, DE SEQUANIS ITERUM, signifient seconde Conqueste de la Franche-Comté ; et ceux de l’Exergue, ADDITA IMPERIO GALLICO PROVINCIA.M.DC. LXXIV. veulent dire : le Royaume de France augmenté d’une Province. 167450 ».
40Le roi tient dressée une hampe surmontée d’une statue de la Victoire, comme Alexandre entrant à Babylone sur le tableau de Le Brun. Hendrik Ziegler avance que l’abandon de l’iconographie solaire et apollinienne par les Français s’expliquerait par l’utilisation détournée que les Hollandais puis leurs alliés en firent en émettant des médailles satyriques ridiculisant le char solaire d’Apollon/Louis XIV ainsi que la devise royale51. Amorcée pendant la guerre de Hollande, cette pratique s’amplifia pendant les guerres de la ligue d’Augsbourg (1689-1698) et surtout de succession d’Espagne (1701-1713). On peut penser cependant que l’option antiquisante fut un choix propre aux « communiquants » du roi, portée par tout le mouvement culturel et idéologique qui embrasait alors les milieux dirigeants du royaume. Ajoutera-t-on que le peu de considération dans lequel la monarchie tenait alors les Néerlandais ne l’a sans doute pas incitée à accorder beaucoup d’attention à leur contre-propagande, encore moins à renoncer sous sa pression à son système hagiographique propre.
L’histoire du roi
41Huit scènes de l’histoire du roi étaient représentées au plafond : trois sur chaque long côté et une sur chaque petit. D’après les gravures de Simonneau et Baudet, ces tableaux rectangulaires, ainsi que les quatre octogones qui s’intercalaient entre eux sur les longs côtés, comportaient à leur base un cartouche vide. Avait-on prévu d’y inscrire des légendes et des dates, comme on le ferait dans la galerie ? Hésita-t-on, ici aussi, entre le latin et le français, ou tout simplement les graveurs ne rapportèrent-ils pas ces inscriptions ? Les scènes de l’histoire du roi sont sommairement énumérées dans le Mercure galant et par Félibien, mais longuement expliquées dans Le Fèvre (En 1725 le sens s’en était-il perdu ?)52. Trois concernaient la guerre de Hollande, deux l’action diplomatique, trois le gouvernement civil. Les hauts faits de Louis XIV n’étaient donc pas uniquement de nature guerrière (ils étaient même minoritaires), mais caractérisaient l’ensemble de son gouvernement, comme c’était le cas dans les appartements, et comme il en serait aussi dans la galerie des Glaces. Louis XIV n’est pas, dans les décors de Versailles, le roi de guerre qu’on s’est complu à voir. Il est, simplement, et bien davantage, le roi. Il ne semble pas y avoir eu de circuit de figuration strict dans la succession des scènes. La surface accordée à chacune est peut-être une indication de l’importance qu’on voulait leur accorder. Les carrés des petits côtés contiennent des scènes « civiles », deux exploits militaires occupent les plus grands rectangles et se font face au centre des longs côtés, mais les petits rectangles de part et d’autre présentent des séquences militaires, diplomatiques ou civiles. Le Mercure et Félibien commencent leur description par les longs côtés, le nord d’abord, sans doute parce que c’est ce que l’on voit en premier en gravissant les marches, puis le sud, et enfin les petits côtés. On suivra ici le Mercure.
42Le tableau du Passage du Rhin (12 juin 1672) montre Louis XIV sur un cheval bondissant, se retournant vers un groupe de cavaliers derrière lui, leur désignant de son bâton la mêlée des combattants dans le gué (fig. 22). Un dieu fleuve avec son urne, levant les bras de saisissement, signifie le Rhin surpris. Au-dessus du roi vole la Valeur guerrière, femme au bouclier et tenant une épée. À gauche, Le Roi donne ses ordres pour attaquer en même temps quatre des plus fortes places de la Hollande (début juin, fig. 23). À cheval, dans une présentation frontale, il commande de son bâton à trois cavaliers qui l’entourent. À droite, la scène représente la Réformation de la justice (ordonnances civile d’avril 1667 et criminelle d’août 1670, fig. 24) : le roi assis dans un trône antique remet à des personnages barbus, en toge (les jurisconsultes), les textes des lois. De sa main gauche, il tend la balance à la Justice, qui tient déjà l’épée.
43En vis-à-vis, La seconde conquête de la Franche-Comté n’est, à vrai dire, pas une scène militaire, mais celle de la soumission des villes prises (fig. 25). Le roi, chevauchant un cheval au pas, tête nue en perruque et lauré, tient une statue de la Victoire comme sur la médaille frappée pour l’événement citée plus haut. Derrière lui sont les trois cavaliers. Devant lui cinq femmes sont agenouillées, la première lui tendant des clefs. La Valeur guerrière met le joug sur les épaules d’une sixième, debout. Le tableau de gauche est assez complexe, car il fait se télescoper deux épisodes diplomatiques de reconnaissance (fig. 26). Le roi est debout au centre. Auprès de lui se tient la Justice avec balance et épée. Plus en arrière sont trois hommes âgés, en toge, les représentants des puissances assistant comme témoins. Trois figures font face au souverain. Le Fèvre décrit et interprète correctement la scène. Le tableau
« représente la fermeté du Roy à soutenir les Droits de sa Couronne. En 1661, l’Espagne voulut usurper sur la France, à l’entrée de l’Ambassadeur de Suède à Londres, une égalité injurieuse. Elle fut aussitôt contrainte à céder la préscéance par une Déclaration solennelle et publique [c’est la scène représentée : audience du comte de Fuentes le 24 mars 1662]. En 1662, on viola à Rome la dignité d’un Ambassadeur françois [agression des Corses de la garde pontificale contre l’ambassade de France]. Le Roy en tira une satisfaction très glorieuse ; c’est cette double réparation qui est représentée ici. […] Derrière l’Ambassadeur est la ville de Rome figurée par une femme au désespoir qui a une louve à ses pieds et qui s’avance vers le Roy en déchirant ses vêtements [audience du cardinal-légat Chigi du 28 juillet 1664 présentant les excuses du pape son oncle]. La Raison qui conduit l’Ambassadeur est sous la figure d’une femme qui tient d’une main une Épée et qui force de l’autre le Lion Espagnol à se coucher aux pieds du Roy ».
44Ces succès diplomatiques étaient pour Louis XIV aussi importants que ses victoires militaires. Un Bourbon, dont la famille était une nouvelle venue sur la scène européenne (1589), et de surcroît alors protestante (Henri IV ne se convertit au catholicisme qu’en 1594), en imposait au descendant de Charles Quint et à la papauté (représentée il est vrai non en tant que telle, mais par la ville de Rome). Cette thématique se poursuivait dans le tableau sur le même rang, à droite de la Conquête. Ici aussi, deux épisodes distincts étaient représentés (fig. 27). Le roi est debout au centre. Derrière lui une femme couronnée de fleurs tient un faisceau et présente un cœur. À droite du roi sont trois hommes tête nue, barbus, vêtus non à la romaine mais selon la mode du xvie siècle ; le roi serre la main du premier. À sa gauche sont des hommes en manteaux et turbans, le premier lui remettant un sabre. Le Mercure explique qu’il s’agit de « Sa Majesté recevant les Ambassadeurs et Envoyez des Nations Étrangères pour renouveler les Alliances. La Bonne Foy est représentée à ses costez par une Femme couronnée de fleurs. Elle porte un Cœur et un Faisceau de Verges liez ensemble, symbole de l’Union ». Félibien précise « renouvellement de l’Alliance qu’il fait avec les Suisses53 ». En fait, le tableau regroupait, comme le précédent, deux séries d’épisodes qu’on retrouverait, mais séparés, dans la galerie : le Renouvellement d’alliance avec les Suisses (18 novembre 1663) et La réception des ambassadeurs, les uns et les autres en costumes censés caractériser leurs nations : les Suisses en culotte à crevés aux genoux, manches bouffantes, fraises et cheveux longs, archaïsmes du xvie siècle ; les ambassadeurs en longs pantalons, manteaux et turbans à l’orientale, rappelant les différentes nations de l’Asie dans la loggia feinte sur la paroi à l’étage.
Figure 22. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles, détail de la voussure nord, centre : Le passage du Rhin.

Figure 23. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles, détail de la vousure nord-ouest : Ordre d’attaquer quatre places en , détail de la voussure nord-ouest : Ordre d’attaquer quatre places en même temps.

Figure 24. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles, détail de la voussure nord-est : Réformation de la justice.

Figure 25. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles, détail de la voussure sud : Seconde conquête de la Franche-Comté.

Figure 26. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles, détail de la voussure sud-ouest : Satisfaction de l’Espagne.

Figure 27. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles, détail de la voussure sud-est : Réception des ambassadeur et alliance avec les Suisses.

45Les deux tableaux des extrémités représentaient, à l’ouest, Le rétablissement du commerce, et à l’est, La remise des récompenses. Dans le premier (fig. 28), le roi, assis, donne d’une main des lettres à deux hommes barbus agenouillés (octroi de privilèges à des marchands), et fait avancer de l’autre une jeune fille qui porte une corne d’abondance et un caducée (allégorie du commerce), tandis qu’à sa gauche deux portefaix déchargent des ballots de marchandises. Dans le second (fig. 29), le roi, debout, a près de lui la Justice distributive, qui tient une balance et un faisceau, et à ses côtés deux groupes de militaires. Il tend à l’un d’eux un bâton et dépose sur la tête d’un autre une couronne. Nivelon précise : « Création des maréchaux de France et […] distribution des marques d’honneur aux personnes d’épée et de mérite54. » Il s’agit de l’élévation à la dignité de maréchal de France des trois chefs d’armée en 1668 et de huit en 167555. Quant à la couronne, ce peut être une allusion aux dix-neuf érections de duchés-pairies du début du règne56.
46De riches compositions allégoriques en bas-reliefs feints de bronze doré sur fond de mosaïque d’or s’intercalaient entre les tableaux de l’histoire du roi. Aux quatre angles, au-dessus des poupes de vaisseaux, étaient les vertus royales, en quatre bas-reliefs octogones sur un fond de dépouille de lion. Le Mercure les identifie comme la Magnificence, l’Autorité, la Force et la Vigilance. Les gravures de Baudet et les références à l’Iconologie de Ripa/Baudoin permettent de confirmer ou préciser. La Magnificence est en fait une figure composite associant Magnificence et Magnanimité ; la Force est un Hercule assis un lion à ses pieds, et la Vigilance est en réalité le Soin57. D’autres figures célébraient les faits du roi. Contenues dans des octogones entre deux sphinx et accompagnées de guirlandes de fleurs, « placéez dans le mesme rang de l’Histoire du Roy, parce que c’est dès le temps de la vie des Princes qu’elles doivent s’employer pour leur gloire58 » dit le Mercure, quatre étaient intercalées entre les scènes historiques sur les longs côtés : la Poésie et la Sculpture de part et d’autre du Passage du Rhin, l’Histoire et la Peinture encadrant La seconde conquête de la Franche-Comté.
47Enfin dans
« deux espaces peints au-dessus de l’attique proches des extremitez de l’ouverture du haut de la voûte, l’on [avait] feint deux Bas-reliefs de lapis rehaussez d’or [de forme circulaire] […] Dans l’un [était] représentée une Renommée qui s’élève en l’air avec des trompettes en ses mains, dans l’autre Mercure avec le cheval Pégase. C’est par ces figures que le Peintre a terminé son ouvrage. Si l’on ose pénétrer dans sa pensée, il y a lieu de croire qu’ayant tasché par divers Tableaux […] de donner une image des vertus du Roy, il a jugé que ny l’espace de cet Escalier, ni l’estendüe de tous les appartemens, où il commençoit dès lors de peindre les actions héroïques de ce grand Monarque, ne pouvant en contenir qu’une partie, il devoit laisser à l’Éloquence et à la Poésie à instruire dignement la postérité des particularitez d’un Règne si glorieux. Et qu’enfin il resteroit encore une infinité de choses dont la Renommée prendroit soin de conserver le souvenir dans les temps et dans des lieux éloignéz59 ».
Figure 28. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles, détail de la voussure est : Rétablissement du commerce.

Figure 29. – Étienne Baudet, Plafond du Grand Escalier de Versailles, détail de la voussure ouest : Remise des récompenses.

Mesure générale de l’escalier
48Si l’on veut à présent prendre la mesure générale de l’escalier des Ambassadeurs, il faut répondre à deux questions, dont on a vu la formulation s’élaborer au fil de l’étude secteur par secteur, comme au travers des textes des commentateurs : quel programme ? Quel parti figuratif ?
Programmes ?
49Le Mercure galant publie l’escalier en 1680. Le décor est achevé depuis quelques mois. Le contexte est celui de la paix de Nimègue et de la France victorieuse, arrogante arbitre de l’Europe. Nivelon écrit son manuscrit vers 1700 ; puisant aux mêmes sources que le Mercure, c’est un panégyrique voué à Le Brun, mort dix ans auparavant, non une œuvre de propagande politique. Jean-François Félibien est historiographe des Bâtiments du roi comme son père. Sa description manuscrite de l’escalier suit de peu la publication du Mercure ; son texte est imprimé lorsqu’écrit Nivelon. Dans le contexte de l’après-Nimègue et de la crise européenne de la succession d’Espagne, sa description s’attache à mettre en lumière les signifiants politiques tout entiers orientés vers l’exaltation de la monarchie louis-quatorzième. Le programme que révèlent ces trois textes, le sens qu’ils assignent à l’escalier, c’est le triomphe du roi de guerre. Sur les parois sont figurées quatre scènes de bataille, au vrai, « reportages » relatant les faits, mettant en exergue les vainqueurs caracolant au premier plan ; les nations des quatre continents accourent pour voir ces « exploits », leur mise en scène, leur auteur. Aux voussures, on a une amplification : abandon du vocabulaire du réalisme historique, recours à l’allégorie généralisatrice et sublimante dans les triomphes à l’extérieur et à l’intérieur du royaume (les groupes centraux du nord et du sud), et, au-delà, sur les quatre continents (figures allégoriques du nord et du sud, trophées aux quatre angles). Les muses allégorisent certaines actions ne relevant pas du registre militaire (protection accordée aux beaux-arts), d’autres participent à l’entreprise encomiastique générale (l’Histoire, l’Éloquence, les trois sortes de poèmes). Les douze termes soutenant la seconde corniche feinte font la transition et introduisent à la zone de l’immortalité. Cette zone est celle du plafond. Elle comprend deux séries de figures. Les unes représentent ce qui rend Louis XIV immortel : ses actions (huit scènes) et ses vertus (quatre figures). Les autres proclament sa gloire : quatre muses œuvrant dans le présent, la Renommée et Mercure chevauchant Pégase assurent la gloire du roi dans l’éternité. Toutes ces scènes et figures du plafond sont traitées en bas-reliefs à l’antique, sur le modèle de ceux de la colonne Trajane. On aura noté l’absence de toute thématique apollinienne, la disparition de la figure du Roi-Soleil. Plus d’Olympiens, à l’exception de Minerve, Hercule et Apollon, fonctionnant non comme tels, mais comme allégories de la Prudence et de la Valeur guerrière du roi, et du rétablissement de l’ordre intérieur : un programme entièrement politique donc.
50En 1725, dans le contexte bien différent énoncé plus haut, celui de l’arrivée à majorité du jeune Louis XV, Le Fèvre procède à une autre lecture de l’escalier et en « actualise » le programme en fonction d’une autre idéologie monarchique préfigurant celle du roi des Lumières. Énoncé des principes généraux : l’escalier a été décoré de manière à inspirer le respect pour Louis XIV. Le roi est rendu respectable par ses conquêtes, ses vertus, son amour des sciences et des arts. « Il faloit donc le représenter icy comme un Conquérant, comme un Apuy de la Vertu, et comme Protecteur des Sciences et des Arts. » Aux parois, sur les petits côtés, la Prudence et la Force (trophée de Minerve et Hercule) ; sur les longs côtés, la guerre, mais dictée par des préoccupations pacifistes : « La principale source du bonheur dans les États est la tranquilité ; la principale fonction d’un Roi est donc de la procurer à ses sujets en les mettant à couvert de l’opression de leurs voisins. » Victoires sans bellicisme, mais victoires : ces conquêtes attirent l’attention, d’où les hommes de toutes les nations attirés par la gloire du roi. Dans les voussures, le bonheur des peuples : « Il ne suffit pas à un Roi de soutenir avec fermeté les droits de sa Couronne et d’estre au dehors le déffenseur de son Royaume […] il est continuellement apliqué au dedans à rendre ses sujets heureux […] on voit donc le long de l’Attique les Simboles de la paix, de la Dissipline et de l’Abondance. »
51Soient l’hydre écrasée par le char, et vaincue par Prudence et Valeur ; le serpent Python tué par Apollon ; « les Muses et les quatre parties du Monde [faisant] connoistre la protection singulière que le Roi avoit accordée aux Sciences et aux Arts et le rétablissement du Comerce […] les fruits différents qu’elles [les quatre parties du monde] produisent [forment] autour d’elles des guirlandes pour figurer les richesses que le commerce introduit avec abondance dans un royaume bien policé ». Dernier point : l’amour des peuples, se lisant dans les guirlandes qui enchaînent les captifs de part et d’autre des proues dans les encoignures.
52Enfin, le plafond, zone de l’immortalité, bonheur des rois :
« Après avoir représenté ce qui fait le bonheur des Peuples, Mr Le Brun passe à celuy des Rois, c’est-à-dire à cet Immortalité prétieuse qui est le but principal de leurs Actions, et le grand effet de la Reconnaissance de leurs Sujets. Le plafond représente clairement l’Immortalité ; les douze Termes qui le supportent sont les douze signes du Zodiaque, les Médaillons et les Tableaux […] ne contiennent que des Dieux tutélaires auteurs de la Vertu et dispensateurs de la Gloire, et des Homes immortalisés […]. [Le roi] aussy bien que ses Sujets n’y paroissent que sous les habits de ces Héros anciens dont les noms sont toujours vénérables, et on y voit les Vertus en personne, converser avec eux. […] Dans quatre tableaux […] on voit la protection accordée par le Roy aux Sciences et aux Arts. […] Enfin, les principales sources de la grandeur d’un Roy sont […] peintes icy dans les quatre angles du Plafond comme si elles en étoient les Clefs [servant] de suport à la Renommée et à l’Immortalité. »
53Il ne manque plus à ce roi des Lumières que la caution du Ciel : elle lui est accordée, métaphoriquement, par la disposition du jour tombant de la verrière. Texte habile, systématisant, souvent à la limite du contresens ou de l’explication forcée, réordonnant méthodiquement le décor vers une lecture bien éloignée de celle du Mercure galant ou de Jean-François Félibien, fidèles interprètes, eux, des concepteurs et des auteurs de l’œuvre.
Partis figuratifs
54Le parti figuratif de l’escalier relève de quatre genres différents. Les références à deux d’entre eux sont explicites chez les commentateurs du temps. Les deux autres apparaissent à l’examen des dispositifs et de leurs modes de fonctionnement, renvoyant à un implicite caractérisant l’ensemble des décors versaillais de cette période.
55« Ce lieu est embelly de cette manière pour représenter un jour de Feste où les Divinitez du Parnasse [les muses] sont assemblées pour recevoir le Roy à son retour de la guerre60 », « le tout y parait comme une fête ou réjouissance publique61 ». En fait, bien que le Mercure et Nivelon n’emploient pas le mot, c’est exactement au décor d’une entrée royale que l’on a à faire. L’usage s’en était perdu depuis l’insurpassable fête du 26 août 1660, où Paris accueillit triomphalement le jeune couple royal après la signature de la paix des Pyrénées et le mariage à Saint-Jean-de-Luz. Le roi refusa la proposition de la ville de Paris, qui souhaitait organiser une entrée solennelle pour le retour des campagnes de Flandre en juillet 1678. Les Parisiens durent se contenter, le 29 septembre, du cortège des hérauts d’armes de France publiant la paix entre la France et la Hollande. L’éphémère des apparats ne convenait plus pour célébrer une gloire qui ne pouvait se satisfaire des procédés traditionnels. Au moment où dans la capitale des arcs de pierre s’édifiaient en lieu et place des décors de bois et de toile peinte, Le Brun et la Petite Académie confièrent à l’escalier de Versailles la fonction de pérenniser la triomphale journée. C’est dans sa verticalité que furent concentrées les séquences qui d’ordinaire se succédaient tout au long du parcours linéaire du cortège royal. Au cœur du dispositif, comme dans le cortège de l’entrée, le roi : « Sa Majesté est placée dans le milieu pour marquer que c’est pour Elle que cette Feste se fait62. » Sur les côtés, le public, soit ici les Nations des quatre continents, extrapolation infiniment plus gratifiante que la seule assistance des Parisiens. Les événements célébrés : comme ceux représentés au naturel en bas-reliefs feints sur les arcs ou échafauds dans l’entrée, les quatre scènes de bataille en tapisseries feintes sur les parois, les huit épisodes de la vie du roi en bas-reliefs feints au plafond. Les apparats éphémères construits le long des cortèges, comme les arcs, portes, portiques, colonnades… sont ici figurés par la quadratura : pilastres, loggie, corniches, balustrades, voûtes à caissons… Les statues de plâtre qui prenaient place dans les architectures se retrouvent dans l’escalier avec les douze termes et les couples de captifs ; les accessoires exhibés dans le cortège ou peints sur les décors ont été disposés ici à profusion : trophées, armes, drapeaux, pièces héraldiques, masques, cornes d’abondance, vases, guirlandes de fleurs, plumes, dépouilles de lion. Et bien sûr les allégories des vertus royales, les figures encomiastiques : muses, Renommée, Victoires…
56Si le décor de l’escalier est bien celui d’une entrée dont l’éphémère se serait mué en éternité, cette opération se fait moyennant le recours à l’appareil antique : l’escalier est un monument romain. On a vu que les huit épisodes de la vie du roi étaient représentés à la façon des scènes de la colonne Trajane. Mais c’est l’escalier tout entier qui doit être vu comme romain. Les matériaux sont ceux de l’Antiquité : le marbre et le bronze. Les gravures de Chevotet et Surugue insistent sur le dallage, les panneaux, les voûtes du vestibule qui donnent à l’escalier l’allure des salles magnifiquement parées des thermes ou des basiliques de Rome. Le Fèvre souligne combien les deux artistes ont voulu rendre les nuances des matériaux, qu’il se plaît à détailler au plus près :
« Le bronze et le Marbre semblent composer le massif de cet Édifice, et […] comme il en est tout incrusté jusqu’à la corniche [et qu’] il y en a de toute espèce, les différents tons de Clair obscur peuvent donner dans les Estempes une Idée de la couleur de chacun de ces différents Marbres. Les balustres qui soutiennent les apuis des rampes, les bazes et les chapiteaux des Colonnes et Pilastres Ioniques sont de Bronze cizelé et doré au feu ; les trophées et autres Ornements dispersés de Côtés et d’autres sont de Métail doré63. »
57La fontaine, située au niveau du premier palier sur la paroi nord au-dessous du buste du roi n’avait d’autre raison d’être que de rappeler les eaux, parure des monuments romains bien moins justifiable sous le climat d’Île-de-France. Cet appareil hydraulique et acoustique était particulièrement sophistiqué dans le second état de la fontaine (1680-1712), alors fort ressemblante à celle de la Pyramide au parterre nord (Girardon, 1669-1672) :
« Dans les premiers tems, écrit Le Fèvre en 1725, cette fontaine étoit composée d’un superbe bassin de marbre soutenu par des Dauphins de bronze ; deux Tritons dessus suportoient une coquille de marbre ornée d’un masque qui jettoit de l’eau dans un panier rempli de coquilles, ce panier formoit une nape d’eau qui se déchargeoit par un autre masque et par les deux Dauphins le tout de bronze64. »
58Les jeux d’eau perdirent de leur importance et de leur effet lorsqu’en 1712 on supprima des vasques pour installer sur la fontaine un centaure marin enlevant un silène, antique offert au roi par le neveu du pape Clément XI65. La quadratura est explicitement donnée comme romaine :
« Pour rendre ce lieu plus noble et le faire paroistre plus spatieux Mr Le Brun a emprunté le secours de l’Architecture et de la Perspective. Par l’une il a disposé le long des quatre faces un Ordre de Colonnes Ioniques de Marbre ; l’autre lui a donné les moyens de séduire les yeux jusqu’à faire croire que ce vaisseau borné et simple par luy même, est un Édifice très vaste digne de la Magnificence de l’ancienne Rome66. »
59Le vocabulaire figuratif est celui de l’Antiquité : trophées, cuirasses, casques, glaives, arcs et flèches, boucliers, vases, rostres, char, trépied, lauriers, palmes, captifs, sphinx, Victoires… Le traitement peint en trompe-l’œil réfère précisément et exclusivement à l’antique : mosaïques d’or, lapis, médailles, octogones… Les personnages, le roi, ses protagonistes, les allégories sont costumés à l’antique et leurs attributs sont antiques aussi. Si l’univers des parois est celui du présent – batailles et spectateurs des nations sont représentés au vrai comme le montrent la topographie, les costumes et les objets –, celui du plafond est celui de la romanité : elle seule assure l’inscription dans l’immortalité. Le parti retenu dans la galerie sera, comme on le verra, bien différent.
60Le décor de l’escalier peut aussi être considéré comme conçu selon les critères qui présidaient à celui des églises baroques de la Contre-Réforme, et nous entrons ici dans l’implicite de Versailles. Le décor peint est distribué par zones de densité croissante du bas vers le haut, s’achevant par le plein des images, caractéristique de l’horreur du vide des églises jésuites. La zone terrestre est celle des parois. Le peintre y donne l’illusion du réel. Le décor y est amplement brossé. Les habitants des quatre parties du monde sont les fidèles assistant au culte. Les tapisseries des batailles sont comme celles qui étaient tendues le long de la nef ou du chœur montant au vrai les scènes de la vie du saint patron, celles du Christ ou de l’Ancien Testament. Les trophées de bronze – les armes de France et de Navarre – sont comme des monuments funéraires avec allégories des vertus et héraldique des défunts. La voussure est la zone du monde intermédiaire, introducteur à l’espace céleste. Les grandes figures des muses et des continents, bien lisibles du sol, sont comme les sibylles placées par Michel-Ange à la naissance de la voûte de la Sixtine, ou comme les anges et les saints(e) s conduisant au paradis. Les ouvertures en arcatures feintes sont comme le sommet des fenêtres hautes, et les oiseaux si réalistes posés sur la balustrade peuvent faire penser aux volatiles égarés qui voletaient dans la voûte ou à ceux que l’on lâchait à Reims dans la basilique au jour du sacre. Enfin, le plafond, faisant office de voûte, est la zone de l’immortalité, comme Le Fèvre l’indique explicitement. Zone de la plus dense couverture picturale, où foisonnaient personnages et épisodes de la vie du saint patron, de la Vierge ou du Christ, hors des regards, car il convenait moins de montrer aux croyants que de proclamer pour l’éternité.
61Dans l’escalier, c’était la zone où étaient serties les preuves valant au roi la vie éternelle, zone aussi de la louange, dans le siècle (les quatre muses opératives) et pour la suite des temps (les figures célébratives de la Renommée et de Mercure sur Pégase). Le tout s’achevait dans l’illumination céleste, la lumière tombant par la verrière, comme dans les coupoles elle venait des lanternons, ou, comme pénétrant par un oculus invisible de la nef, elle irradiait les groupes sculptés entourés d’une Gloire. Le buste du roi au centre de la paroi nord occupait la place de l’autel principal avec son tabernacle et son retable, étant à lui seul les trois à la fois, idole autour de laquelle – pour laquelle ? – s’ordonnaient tant le décor que le culte lui-même. L’escalier était en effet le lieu de cérémonie où – par où – s’exprimait la « religion royale », notamment lors de l’introduction des ambassadeurs, par exemple ceux de Gênes le 15 mai 1685. Il était aussi, à l’occasion, un lieu de culte catholique, confortant celui du monarque. Rappelons la concomitance de l’aménagement de l’escalier et de celui de la seconde chapelle, située à l’extrémité de l’appartement de la Reine, à laquelle on travaille de 1672 à 1680 et pour laquelle Le Brun projette le plafond a cielo aperto de la chute des anges rebelles, vrai contrepoint de celui de l’escalier qu’il réalise au même moment67. Les travaux sont arrêtés vers 1680 et cet espace devient dans sa partie haute la salle des gardes de la Reine qui reçoit le plafond de Jupiter transféré de l’appartement du Roi, comme on a dit. La chapelle prend place au nord, à l’emplacement du futur salon d’Hercule, pour presque trente ans, jusqu’à l’inauguration de la chapelle définitive en 1710. Cette troisième chapelle est donc celle de Versailles-capitale au temps de Louis XIV. Elle est située tout près de l’escalier, avec lequel elle communique par les salons de l’Abondance et de Vénus II et qui, de ce fait, en constitue comme une annexe : ainsi lors de la Fête-Dieu de 1681 ou du dimanche des Rameaux en 1699.
62Enfin – surtout ? – l’univers de l’escalier est celui du théâtre. C’est le lieu du voir et de l’être vu :
« Les gens des différentes nations s’entretiennent la plupart ensemble en regardant la voûte de ce lieu, lorsque le roi descend par cet escalier au milieu et suivi de tous les princes et princesses, cela fait un spectacle si grand et si superbe que l’on croirait que tous les peuples se rendent en foule dans ce lieu pour voir la plus belle cour du monde68. »
63Le Brun, si expert pour varier les physionomies, a le plus souvent donné à ses figures l’attitude (et même les accessoires) du voyeur. Ainsi chez les Européens, au premier plan, l’homme en jaune au chapeau près de la colonne a la tête et les yeux tournés vers sa gauche, tandis que l’homme en bleu à gauche lève la tête et chausse ses besicles. Chez les Américains, deux lèvent les yeux au second plan pendant que, devant eux, le sauvage à la coiffure de plumes a le regard fixe et l’homme au manteau vert accoudé sur la balustrade se penche pour voir en bas. Chez les Asiatiques, deux hommes, à gauche, en manteau bleu et rouge, regardent vers le haut, un autre en bleu pâle, tournant le dos, désigne de sa main à son interlocuteur ce qui se passe dans l’escalier ; le dernier personnage, en bleu et à turban rouge, près de la colonne, se retourne pour voir. Même variété chez les Africains, de l’homme en bleu, au bras nu, au premier plan à gauche, qui lève la tête, à celui de droite qui se penche vers les degrés. L’escalier ne se donne pas seulement à voir comme un lieu théâtral, il fonctionne comme un théâtre. Les processus de représentation sont les mêmes que ceux utilisés au théâtre et ils visent à produire les mêmes effets. Encore une fois, revenons au décor des parois. Le procédé de la tapisserie feinte avait déjà été employé par Le Brun. Dans la galerie d’Hercule de l’hôtel Lambert comme à Versailles, le thème choisi par Le Brun est la représentation d’une journée : l’apothéose d’Hercule dans le premier cas, l’entrée royale dans l’autre. L’unité de temps et de lieu est donc de règle. Comme le récit du messager au théâtre, rapportant ce qui s’est passé ailleurs et avant sans rompre la règle de l’ici et maintenant (le récit n’est pas une représentation scénique), la tapisserie permet d’introduire une narration étrangère à la thématique principale sans la rompre : le récitatif est circonscrit à l’intérieur d’un cadre, il s’énonce dans un vocabulaire différent.
64Le réalisme – historique et géographique – règne donc sur les parois, que ce soit pour les batailles ou pour les nations. Mais le statut des unes et des autres n’est pas la même. Les batailles, qui ont réellement eu lieu, sont rapportées comme on le ferait d’un récit ; la tapisserie, l’encadrement glorieux, les Renommées leur confèrent une aura légendaire, les magnifient, les élèvent à la hauteur de l’épopée. Les personnages des quatre continents au contraire, fictifs, sont donnés comme vrais, en grandeur nature, dans des vêtements et avec des attitudes les plus réelles possible. Il en résulte une inversion du statut de réalité, puisque l’ayant eu lieu est donné comme légendaire, et l’imaginaire comme vrai. L’entrée royale se transforme en théâtre, lieu de l’illusion, du brouillage des genres, lieu spécifique et de prédilection du politique. Il en est de même avec les épisodes représentés au plafond : est-ce l’histoire d’Alexandre, de Trajan ou de Louis ? Le brouillage est ici non plus spatial, mais chronologique. À moins que l’on ait voulu recourir au procédé cher au maniérisme, que le peintre employa à Maser : montrant la villa en ruine dans un paysage romain, la projeter dans le passé pour représenter son futur.
Notes de bas de page
1 Versailles 1990, p. 31.
2 Thuillier 1990, p. 23-24.
3 Musée du Louvre, département des Arts graphiques. Beauvais 2000, vol. 1, nos 268-450. Une partie présentée à Versailles lors de l’exposition pour le tricentenaire de la mort de Le Brun ; Versailles 1990.
4 Mercure galant (désormais MG), sept. 1680, 2de partie, p. 277-320. Sur le Mercure galant, voir plus loin chap. viii.
5 Nivelon 2004, p. 468-472. Dernière ligne : « Si le lecteur trouve ici quelque rapport à la description que le sieur Duvier [pour de Visé] en a faite dans un de ses Mercures, [c’est parce qu’] elle vient de la même personne qui a écrit celle-ci. » Sur Nivelon, voir plus loin chap. viii.
6 Félibien des Avaux 1703, p. 87-105.
7 BNF, ms. FF. 11684, 15 feuillets calligraphiés (270 × 190 mm), reliure maroquin rouge aux armes du roi, titré Le Grand Escalier de Versailles, signé à la fin J.-F. Félibien, sans date. Contrairement à la reprise de 1703, ce texte manuscrit ne mentionne pas la Petite Galerie au-dessus du vestibule d’entrée. Il a donc été rédigé avant 1685, date à laquelle le roi a repris l’appartement de Madame de Montespan qui occupait cet emplacement face à l’appartement du Roi. Les références qui suivront dans la suite de ce chapitre se rapportent à cette version manuscrite, qu’on notera simplement « Félibien ».
8 Monicart 1720, t. I, p. 93-111.
9 J’utilise ici l’édition Piganiol 1751 ; pour l’escalier, t. I, p. 18-23.
10 Le Fèvre s. d.
11 BNF, Est., Aa 51, fos 70-82. Cuivres à la chalcographie du musée du Louvre, Angoulevent, 1007-1013. Publication dans Weigert 1939, p. 294-296, nos 41-47.
12 BNF, Est., He 18 in-folio.
13 Je n’ai pas consulté la dissertation de philosophie soutenue en 1979 à l’université de Bochum par Birgit Jansen, Der Grand escalier de Versailles : Die Dekoration durch Charles Le Brun und ihre absolutistisches Programm.
14 Thuillier 1990, p. 25.
15 Perrault 1992, p. 117, vers 373-376 et p. 123, vers 449-456.
16 MG, mai 1677, III, p. 214.
17 Nivelon 2004, p. 471.
18 Châteaux de Versailles et de Trianon, MV 5778 et MV 5779.
19 Jouin 1889, p. 437.
20 Nivelon 2004, p. 472.
21 BNF, Est., Aa 51, fo 78.
22 BNF, Est., Aa 51, fo 80.
23 Le Fèvre s. d., p. 7.
24 Hoog 1990.
25 BNF, Est., Aa 51, fo 78.
26 MG, sept. 1680, II, p. 287.
27 J.-F. Félibien, BNF, ms. FF 11684, fos 5 ro-vo.
28 BNF, Est., Aa 51, fo 80.
29 MG, sept. 1680, II, p. 289-290.
30 J.-F. Félibien, BNF, ms. FF. 11684, fos 6 vo et 7.
31 BNF, Est., Aa 51, fo 74.
32 MG, sept. 1680, II, p. 291.
33 J.-F. Félibien, BNF, ms. FF. 11684, fos 7 vo et 8.
34 BNF, Est., Aa 51, fo 72.
35 MG, sept. 1680, II, p. 291.
36 J.-F. Félibien, BNF, ms. FF 11684, fo 7 vo.
37 MG, sept. 1680, II, p. 307, 308, 310, 311.
38 Nivelon 2004, p. 470-471.
39 J.-F. Félibien, BNF, ms. FF 11684, fo 4 vo.
40 Le Fèvre s. d., p. 5-6.
41 MG, sept. 1680, II, p. 288-289.
42 J.-F. Félibien, BNF, ms. FF 11684, fos 6 ro-vo.
43 Nivelon 2004, p. 470.
44 Le Fèvre s. d., p. 6.
45 MG, sept. 1680, II, p. 284-285, 305-306.
46 Rome 1988.
47 Paris 1999, p. 49-60.
48 Beauvais 2000, vol. 2, no 2680.
49 Versailles 2012, p. 24.
50 Médailles… 1702, p. 126, 132.
51 Ziegler 2013, p. 68.
52 MG, sept. 1680, II, p. 294-300 ; Le Fèvre s. d., p. 7-9.
53 J.-F. Félibien, BNF, ms. FF 11684, fo 13 ro.
54 Nivelon 2004, p. 469.
55 Bluche 1990, p. 968.
56 Ibid., p. 501.
57 Sabatier 1999, p. 180-181.
58 MG, sept. 1680, II, p. 286-287.
59 J.-F. Félibien, BNF, ms. FF 11684, fos 14-15.
60 MG, sept. 1680, II, p. 302-303.
61 Nivelon 2004, p. 468.
62 MG, sept. 1680, II, p. 304.
63 Le Fèvre s. d., p. 5.
64 Ibid., p. 3.
65 Versailles 1990, p. 41-43.
66 Le Fèvre, s. d., p. 3.
67 Marie 1968, vol. 2, p. 256-262 ; Maral 2011, p. 12-14.
68 Nivelon 2004, p. 472.
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