Au cœur de la bataille : l’expérience des combats de la guerre de Succession d’Espagne
p. 121-141
Texte intégral
La bataille : un objet d’étude historique ?
1La période 1688-1715 marque, pour la France, l’apogée d’un phénomène entamé à partir des années 1630 : la massification des armées. Celle-ci entraîne à son tour l’avènement de gigantesques batailles, mobilisant les effectifs et entraînant les pertes les plus considérables de l’Ancien Régime : les trente-deux mille victimes de la bataille de Malplaquet resteront une exception jusqu’à la période de la Révolution et de l’Empire1.
2Et pourtant, les engagements menés durant les guerres de la Ligue d’Augsbourg et de la Succession d’Espagne n’ont pas eu les honneurs d’une riche historiographie – du moins de ce côté-ci de la Manche. On peut reconnaître que ces batailles, malgré leur ampleur, offrent rarement des résultats aussi remarquables pour les Français que celles menées par Condé, Turenne… ou Napoléon. Les engagements de 1688-1697, quoique victorieux, entraînent des progrès territoriaux limités ; quant à ceux de la période 1701-1714, il s’agit le plus souvent de lourdes défaites, que l’on songe aux batailles de Blenheim (Bavière, 1704), Ramillies et Audenarde (Pays-Bas espagnols, 1706 et 1708) ou Turin (Italie, 1706).
3On peut cependant identifier un autre facteur pour ce désintérêt : la méfiance des historiens, particulièrement en France, vis-à-vis de l’étude des conflits. Au sein de l’université, leur analyse a souvent été rejetée et reléguée sous le vocable méprisant « d’histoire-bataille », c’est-à-dire une histoire dont les ressorts seraient dominés par la succession des événements2.
4On peut s’interroger sur les raisons d’une telle appellation : pourquoi est-ce précisément ce terme de « bataille » qui a été retenu pour exprimer le manque de considération que les historiens d’après 1914 éprouvaient vis-à-vis de cette forme d’histoire ? Pourquoi ne se sont pas imposés, par exemple, les vocables d’« histoire-conflit » ou d’« histoire-combat » ? On peut avancer une explication : c’est sans doute que la bataille semble, de tous les événements, celui qui est le plus imprévisible. Elle serait, par excellence, le fruit du hasard et du chaos : rien dans la bataille ne serait intelligible et il n’y aurait rien à en tirer du point de vue de l’étude historique. On pourrait toujours analyser les causes et les conséquences d’une bataille, mais l’événement lui-même serait trop soumis aux aléas de la chance pour être un objet d’étude sérieux.
5Une preuve suffirait à démontrer ce caractère prétendument inintelligible de la bataille : le fait que ses protagonistes n’y comprendraient rien. Ainsi mentionne-t-on souvent, à propos des combats de l’Ancien Régime, cette citation du journal de Stendhal à propos de la bataille de Bautzen en 1813. Comme témoin oculaire, il indique : « Nous voyons fort bien, de midi à trois heures, tout ce qu’on peut voir d’une bataille, c’est-à-dire rien3 ». Et on évoque à loisir l’attitude du jeune Fabrice Del Dongo à Waterloo, incapable même de comprendre – ou du moins d’être sûr – qu’il a affaire à une bataille.
6Cependant, une lecture plus fine de La Chartreuse de Parme indique que si Fabrice n’y entend pas grand-chose, d’autres – les vétérans des guerres napoléoniennes, mais aussi la cantinière qu’il rencontre – arrivent à saisir le déroulement du combat à partir d’éléments visuels, sonores ou olfactifs.
7Restituer ce que les hommes pouvaient percevoir alors même qu’ils étaient plongés au cœur d’un engagement, c’est justement l’un des enjeux de ce qu’on a appelé la nouvelle histoire-bataille. Il s’agit de refuser deux approches caricaturales : l’une qui voit la bataille comme le choc de deux volontés toutes-puissantes, celles des généraux en chef ; et l’autre, qui la réduit à un chaos incompréhensible dont l’issue a peu de rôle dans l’évolution profonde des sociétés. C’est dans ce courant de la nouvelle histoire-bataille que nous allons justement inscrire notre présentation, qui porte sur les engagements qui ont eu lieu durant la guerre de Succession d’Espagne. Nous allons accompagner les généraux, les officiers régimentaires et parfois même les simples soldats qui montent au feu. Nous nous appuierons à cette fin sur des sources variées : des mémoires de généraux, bien entendu, mais aussi des lettres envoyées par les officiers au secrétaire d’État de la Guerre pour vanter leur comportement au combat, ou encore les nombreux traités militaires qui ont été publiés après ce conflit. Nous allons tout d’abord nous intéresser à la question de la perception, de l’environnement sensoriel du combattant lors d’une bataille. Nous tenterons ensuite d’examiner ce qui se passe lorsque les hommes se jettent dans le combat ; quel est leur état d’esprit, confronté qu’ils sont à la violence de guerre. Enfin, nous nous pencherons sur la question de la peur et des paniques.
L’environnement sensoriel du combattant : du spectacle à la souffrance
« on ne sauroit imaginer un plus beau spectacle »
8Commençons par un constat : de l’avis général, les premiers moments d’une bataille peuvent représenter un spectacle extraordinaire. Le marquis de La Colonie témoigne de son émotion devant le déploiement du « Géant du Grand Siècle4 » sur un champ de bataille des Pays-Bas espagnols en 1706 :
« Rien ne cachant les objets, on voyoit l’armée dans un si bel ordre, que jamais spectacle n’a été plus beau. L’armée ne faisoit que d’entrer en campagne, l’air ni les fatigues n’en avoient point encore terni le lustre, et tout inspiroit de l’audace5. »
9Le témoignage du comte de Mérode-Westerloo au sujet de la bataille de Blenheim fait écho à celui du marquis de La Colonie. Il s’exclame ainsi :
« On ne sauroit imaginer un plus beau spectacle. Les deux armées en bataille étoient si proches, qu’elles se renvoyoient leurs fanfares de trompettes et de timbales ; quand les nôtres cessoient, les leurs recommençoient […]. Le plus beau soleil du monde faisoit briller les armes de ces deux armées rangées dans une plaine ; de l’une à l’autre, on distinguoit la couleur des régiments ; une quantité d’officiers généraux et d’aides de camp couroient et alloient çà et là ; c’étoit un coup d’œil magnifique et impossible à décrire […]. Ce grand et magnifique prélude dura plus de deux […] heures6. »
10Ces deux descriptions correspondent au goût du Grand Siècle pour les spectacles, qu’il s’agisse du théâtre ou de l’opéra. Lorsqu’il cherche à trouver des équivalents à la contemplation d’une armée en bataille, le chevalier de Quincy évoque de même les comédies, les opéras et les carrousels7. Du reste, la bataille n’est pas la seule opération militaire dont la description ait emprunté au vocabulaire de la représentation théâtrale. L’assimilation d’un siège à une pièce en trois actes a déjà été montrée par Michèle Virol dans son étude du discours sur le siège de Namur8.
11La « grande bataille », comme le théâtre ou l’opéra, est un spectacle qui mobilise tous les sens. Tambours et timbales font retentir une musique martiale. Il arrive aussi parfois qu’elle soit plus légère : ainsi, l’armée de Lombardie compte-t-elle dans ses rangs une demi-douzaine de joueurs de hautbois et de bassons9. Au siège de Lérida, Condé n’avait-il pas fait ouvrir la tranchée au son des violons10 ? Mais l’environnement musical le plus caractéristique de la bataille est fourni par d’autres sortes d’instruments : le bruit des canons et de la mousqueterie n’est-il pas fréquemment qualifié de « musique11 » ?
12C’est un spectacle donc, et les acteurs ont mis leurs plus beaux costumes. Certains officiers demandent à leurs soldats, pendant la campagne, de marcher avec leurs vêtements à l’envers, pour que l’endroit soit impeccable pendant les revues, les défilés, et au jour de la bataille12. Il s’agissait autant de donner aux soldats confiance en eux par leur « bel air », et d’impressionner l’adversaire, que de se rehausser par rapport aux autres régiments de la même armée.
13Enfin, comme au théâtre ou à l’opéra, on profite d’autant mieux du spectacle qu’on dispose d’une bonne place. Les deux narrateurs que nous avons évoqués, La Colonie en 1706 comme Mérode-Westerloo en 1704, étaient à cheval et en hauteur par rapport à l’espace de déploiement des troupes. Le second narrateur assure même qu’un observateur mieux placé aurait pu disposer d’un panorama encore plus impressionnant :
« Qui auroit pu regarder du haut d’un clocher, auroit vu plusieurs fois, dans ces belles plaines, les ennemis poussés d’un côté, pendant qu’ils nous poussoient de l’autre, comme les ondes de la mer […]. Ce spectacle, au milieu d’une belle journée, devoit être beau à contempler pour qui auroit pu le considérer de sang-froid13 ».
14Soulignons cependant que la plupart de ces descriptions évoquent l’armée au début de l’affrontement. Le tableau est moins majestueux lorsque la fumée a recouvert le champ de bataille et que les cris des blessés ont remplacé le roulement des tambours.
Appréhender le champ de bataille
15Il est alors plus difficile d’avoir une perception qui englobe toute l’action. C’est pourquoi les généraux répugnent à changer leur ordre de bataille lorsque le combat est engagé. Ce manque de visibilité sur le champ de bataille explique aussi les multiples erreurs d’appréciation qui ont pu avoir lieu lors des principales batailles de la guerre de Succession d’Espagne.
16Il arrive fréquemment que l’on confonde amis et adversaires. Certes, afin de mieux reconnaître et de mieux diriger les troupes, les différentes armées européennes s’étaient progressivement dotées d’habits uniformes dans la seconde moitié du xviie siècle. En France, c’est dans les années 1680 que les officiers prirent l’habitude de s’associer pour fournir des vêtements à leurs soldats, entraînant ainsi une uniformisation de fait – les travaux d’Hervé Drévillon ont permis de nuancer le rôle de la volonté directe du roi14. Des tendances « nationales » avaient fini par se dégager à cette période, principalement pour l’infanterie : le rouge caractérisait plutôt les Anglais, les troupes des différents États allemands préféraient le bleu, tandis que les forces du roi de France comme de l’Empereur avaient plutôt adopté le blanc15.
17Mais de nombreux officiers continuaient à déroger aux règles générales. Par ailleurs, les régiments de cavalerie, les régiments d’élite et les régiments étrangers suivaient leurs propres codes. Cette diversité fut donc à l’origine de multiples méprises sur le champ de bataille. À Audenarde, un officier allié, voyant des « troupes rouges » et croyant y reconnaître des Anglais, vint porter un ordre à la gendarmerie de France, et fut fait prisonnier16.
18Autre exemple : à Ramillies, en 1706, les troupes du marquis de La Colonie – troupes de Bavière – sont habillées de bleu et rouge : cela leur permet de s’approcher des ennemis sans être attaqués, pour mieux faire feu ensuite. Malgré les premières salves, les troupes adverses tardent à réagir, comme l’indique La Colonie : « Ils se mirent à nous faire des signes de cesser ; mais comme je continuois à les charger, ils reconnurent leur erreur, firent volte-face17. »
19À défaut d’être à même de voir ce qui se passait sur le champ de bataille, les officiers expérimentés pouvaient utiliser d’autres sens pour tenter de comprendre le déroulement d’un combat. C’est ce que le maréchal de Saxe appelle les « indices18 ». Le maréchal de Tallard, qui commande l’armée française à Blenheim, est ainsi « averti par le feu », c’est-à-dire le son de la mousqueterie, que son aile est attaquée19. Son homologue Villeroy, en 1706, est convaincu par l’intensité des échanges de tirs qui ont lieu au centre du champ de bataille de Ramillies que c’est là que la partie va se jouer, mais ici ses perceptions sont trompeuses, puisque le combat se décide lors d’un engagement de cavalerie sur l’aile droite20. À Luzzara (Italie du nord), en 1702, Mérode-Westerloo, confiné malgré lui à la réserve, tente de comprendre l’évolution de l’affrontement en tendant l’oreille. Comme il le dit lui-même : « Je m’aperçu que le feu reculoit un peu et de plus en plus, ce qui étoit un mauvais signe. En effet, nous fûmes poussés de digue en digue21. »
Au cœur du bataillon
20Les généraux en chef que nous venons d’évoquer, comme la plupart des officiers supérieurs, étaient le plus souvent à cheval, ce qui leur permettait de mieux saisir le développement des opérations. Mais que pouvaient ressentir de simples soldats au sein de leurs formations, qu’il s’agisse de bataillons ou d’escadrons ? Le périmètre visuel du soldat dépendait essentiellement de la place où il se trouvait. On peut supposer que les hommes voyaient d’autant moins de choses qu’ils étaient positionnés dans les rangs de l’arrière. De fait, les hommes du premier rang étaient en général choisis pour leur haute taille, afin d’en imposer à l’ennemi.
21Les premiers tirs obscurcissaient le champ de bataille : dans sa chronique, un prêtre local ayant assisté à la bataille d’Audenarde, en 1708, indique que l’espace était tellement couvert de fumée qu’on ne pouvait distinguer ni les arbres, ni les soldats qui s’affrontaient22. On a pu en effet calculer que chaque coup de fusil – soit six grammes de poudre noire – dégageait un mètre cube de fumée environ. Cette émission s’étendait à l’extrémité du fusil mais aussi à proximité du visage du tireur : la mise à feu de l’amorce du bassinet produisait un volume de fumée à peu près équivalent à la taille d’une tête d’homme. Lorsque le vent était contraire, les soldats recevaient également la fumée provenant des tirs adverses – c’est pourquoi différents traités recommandent de se battre dos au vent23. Si la fumée finissait par se disperser (du moins au début de la bataille, lorsque l’air n’était pas saturé), ce n’était pas le cas des résidus matériels engendrés par le coup de feu. À chaque décharge, une flamme de 20 à 30 cm s’échappant du canon brûlait la poudre non consumée et les déchets de papier de la bourre24. Toute cette poudre se répandait sur les visages, les mains et les vêtements des tireurs.
22Les corps des combattants étaient ainsi, avant même qu’ils n’affrontent l’ennemi, soumis à rude épreuve. Il y avait d’abord celle de la faim. Le maréchal de Puységur recommande certes au général, quand il pressent qu’une grande affaire est proche, de distribuer aux soldats du pain et de la viande pour quatre jours25. Mais les armées étaient souvent mal ravitaillées. À la bataille de Cassano (Italie du Nord), en 1705, le chevalier de Folard manque de défaillir, n’ayant pas mangé depuis plus de trente heures26. Les soldats étaient d’autant plus fatigués qu’ils avaient généralement marché sans discontinuer pendant des jours avant de rencontrer l’ennemi27. Or, ceux-ci étaient lourdement chargés. Leur matériel pesait en moyenne, en comprenant le fusil, près de 25 kilogrammes28.
23Dans ces circonstances extrêmes, la chaleur corporelle peut monter très vite. La plupart des batailles ont lieu à la fin du printemps ou en été. Certains militaires se sont trop chaudement habillés – le maréchal de Saxe remarque que les soldats, au matin d’une bataille, mettent sur eux toutes leurs chemises ; ils ne veulent pas les ranger dans le reste de leurs bagages, parce qu’ils ne veulent pas les perdre dans le cas d’une défaite29. Dans ces conditions, certains soldats ne sont pas loin de l’évanouissement. Ce phénomène est pris en compte par les écrivains militaires contemporains. Le marquis de Santa-Cruz conseille de ménager les hommes pour préserver leur potentiel de combat : « L’infanterie ne doit pas aller à la charge d’un pas trop vite ; parce que l’altération d’un pouls extrêmement agité, fait qu’on ne tire point si juste, qu’on entend moins les ordres, et qu’on perd plus facilement haleine30. »
24Les soldats doivent également supporter un environnement auditif pénible. Le bruit du canon s’entend dès le début de l’engagement et s’accroît au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’adversaire.
25On perçoit alors le bruit des salves de fusil : il a généralement pour effet de terroriser les jeunes recrues ; c’est à ce moment-là que les officiers doivent veiller à ce qu’elles ne fuient pas. C’est pourtant ce qui arrive aux musiciens du régiment mené par le marquis de La Colonie, qui participent à leur première bataille :
« Le canon ronflant de part et d’autre les surprit tellement qu’ils disparurent comme des éclairs, sans que personne s’en aperçût, et allèrent porter le son mélodieux de leurs instrumens [sic] en des lieux où les accords étoient moins bruyants31. »
26Il semble qu’au fil des batailles, l’ouïe finisse par s’habituer. Tous les auteurs notent qu’on reconnaît les « vieux officiers » et soldats précisément au fait qu’ils sont mieux « accoustumez » que les autres au « bruit du canon et du mousquet32 ».
27Cette question du bruit des premiers feux est loin d’être anecdotique. De fait, elle marque véritablement, pour les hommes en marche, le commencement du combat. C’est sans doute à ce moment que naît une peur spécifique, celle de la bataille. De nombreuses études ont montré – de l’Antiquité grecque à la Seconde Guerre mondiale – que c’est au moment où on entre, d’un point de vue sensoriel, dans la bataille, que la peur se manifeste physiologiquement, et que les corps se relâchent33. Si les relations des défaites françaises de la guerre de Succession d’Espagne préfèrent taire le phénomène, les auteurs des chansons satiriques contemporaines en ont fait leurs choux gras : « Villeroy vouloit combattre […]/Mais quand il fut en présence, /Qu’il entendit [l]es canons, /Il eut si grand peur aux fesses/qu’il fit tout sur ses tallons34. »
28Même s’il n’est pas le plus effrayant, le bruit le plus douloureux aux oreilles des soldats est sans conteste celui de leurs propres armes. Des expériences récemment menées ont calculé une intensité moyenne de 100 décibels pour dix coups de feu simultanés – c’est le niveau sonore d’un concert de rock35. Toutefois, lorsque cent coups sont tirés à la fois, ce niveau monte à 120 décibels, et à 130 lorsqu’il s’agit de mille coups de feu. On atteint alors le seuil de la douleur auditive.
29Il faut aussi prendre en compte que les armes pouvaient être beaucoup plus chargées que nécessaire. Lors d’une bataille, les soldats n’avaient souvent pas les moyens de mesurer les doses de poudre qu’ils employaient ; pour être sûrs de l’efficacité du coup, ils surchargeaient souvent leurs fusils, préférant sacrifier leurs tympans plutôt que de laisser la vie sauve à leurs adversaires. Même si cela n’est pas écrit dans les traités, on peut se demander si les vétérans n’étaient pas d’autant mieux à même de résister aux bruits d’une bataille qu’ils étaient devenus un peu sourds…
« Grand silence » et cri de guerre
30En revanche, il était défendu aux soldats de parler. Cette interdiction revient comme un véritable leitmotiv dans les traités et les instructions officielles. Elle était destinée à permettre aux officiers de faire entendre leurs ordres, comme le dit Quincy : « [Le bataillon] observe un grand silence, personne ne devant parler que le commandant, ou le major par son ordre. Il faut que ses paroles soient courtes, claires et sans ambiguïté36. » Là encore, l’objectif est de garantir aux cadres le plus grand contrôle possible sur leur formation. On craint aussi les effets du bavardage, qui, toujours selon Quincy, « fait souvent rompre le bataillon37 ».
31Le Père Daniel, dans un traité paru en 1721, a remarqué cette évolution fondamentale de l’art militaire européen :
« On n’observe jamais un plus grand silence dans les armées, que quand elles sont sur le point d’en venir aux mains. Chacun est alors attentif aux ordres des officiers, les subalternes à ceux des généraux, et les soldats à ceux des subalternes. On n’entend que le bruit des tambours, des fifres et des trompettes38. »
32Il y a cependant une circonstance où les soldats se voient autorisés à s’exprimer, et même à crier : c’est celui de la charge. À ce moment-là en effet, l’énergie individuelle devient plus déterminante que l’obéissance collective.
33Guignard indique qu’un bataillon qui arrive à une distance suffisante de l’ennemi pour attaquer à la baïonnette doit « doubler le pas, rompre le silence, en criant “Tue ! Tue !” et “Vive le Roy” !39 ». C’est ce que l’on appelle le « cri d’armes », ou « cri de guerre », dont la fonction est justement, comme l’a écrit Olivier Chaline dans son ouvrage sur la bataille de la Montagne Blanche, « de sortir chacun de l’isolement auquel le condamne sa propre peur, de rassembler les forces pour faire du régiment, voire de l’armée, la somme de tous les courages plutôt qu’une foule désordonnée et terrifiée40 ». De fait, différents travaux – ceux de Marshall sur les soldats américains de la Seconde Guerre mondiale comme ceux de Hanson sur l’Antiquité grecque – ont montré que l’exercice de la parole était essentiel avant le combat. Cela permet aux hommes de s’extraire de la « coquille » dans laquelle la peur les plonge41.
34Cependant, le cri d’arme est de moins en moins apprécié par les officiers à l’aube du xviiie siècle, tant il est contraire aux exigences de contrôle de l’officier sur la troupe. Le traité du marquis de Santa-Cruz, l’un des rares auteurs qui soit favorable à cette pratique, note qu’il est en voie de disparition sur les champs de bataille européens. De fait, les occurrences du « Vive le Roy ! » dans l’armée française lors des batailles de la guerre de Succession d’Espagne laissent entrevoir une inflexion du rôle du cri de guerre.
35Il est parfois lié à une manifestation d’enthousiasme de la part de soldats qui viennent de gagner un combat. À Audenarde, des fantassins venant de renverser des bataillons ennemis, croyant leur victoire assurée, jettent leurs chapeaux en l’air en poussant cette exclamation42. Les défenseurs français du village de Blenheim en usent de même après leurs succès contre les offensives anglaises : « Dans ce temps-là, les ennemis attaquoient un village où estoit la plus grosse partie de l’infanterie de l’armée de M. de Tallard ; nous entendions un gros feu, et nous voyions les ennemis estre repoussez, de sorte que partout on entendoit crier “Vive le Roy !”, et nous ne douttions point de la victoire43 ». Le cri d’arme n’a alors pas vraiment de vocation militaire, l’adversaire étant déjà battu.
36Mais surtout, on recourt à cette exclamation lorsque la situation semble mal tourner, et que les officiers cherchent n’importe quel expédient pour rendre du cœur à leurs hommes. C’est ce qui se passe à Blenheim, lorsque des dragons enfermés dans un village tentent une dernière sortie. Une lettre de l’époque indique : « Hors d’espérance de secours de l’infanterie qui etoit ou rendue ou hors de combat, [on] leur fit encore crier […] : “Vive le Roy44 !” » Le comte de Mérode-Westerloo confirme ce fait : lors de la bataille de Luzzara, l’armée française recule, « quoique l’on fît crier deux ou trois fois le “Vive le roi !” par toute l’armée : ce que les François font, à ce que j’ai remarqué, quand leurs affaires ne vont pas trop bien45 ». Le cri de guerre est ainsi devenu, à la fin du règne de Louis XIV, moins un facteur décisif du courage des soldats qu’un expédient désespéré pour leur faire oublier leur peur.
37On touche là une des contradictions du discours français sur la guerre au début du xviiie siècle. La plupart des auteurs insistent sur la supériorité du fer sur le feu, que ce soit pour la cavalerie ou pour l’infanterie. Mais ils conçoivent toujours le bataillon ou l’escadron comme une structure rigide qu’il faut absolument maintenir en ordre.
38On peut identifier là deux facteurs. Premièrement, on se méfie du soldat du rang. Quels que soient les discours sur la valeur du soldat français, il est surtout considéré comme un déserteur en puissance46. Deuxièmement, on conçoit de moins en moins l’art militaire comme une affaire de bravoure personnelle – sauf peut-être de la part du chef – que comme une question de discipline, et comme l’effet d’une sorte de courage collectif. L’historien du prince Eugène s’exclame ainsi en évoquant les forces impériales marchant aux retranchements de Turin : « Quelle fierté de marche ! Quel ordre partout ! Quel silence47 ! » La valeur, la discipline et le contrôle : voici les trois principes directeurs de la guerre à la fin du règne de Louis XIV énoncés en une seule exclamation.
39« La troupe », « le bataillon », ou « l’escadron » apparaissent parfois dans les traités contemporains moins comme un ensemble d’hommes que comme une personne morale, assez imprévisible il est vrai pour que les officiers la surveillent de près. Les critères de la valeur ont également évolué : la furie se voit remplacée par l’« endurance », la capacité à subir48. Les incessantes recommandations enjoignant aux soldats de ne pas tirer avant un certain point, ou de ne pas tirer du tout, malgré les grêles de balles, participent de ce sentiment. La marche à l’ennemi est avant tout affaire de volonté. C’est en cela que l’entraînement – le drill mis en valeur par les théoriciens de la « révolution militaire49 » – doit transformer le soldat en automate capable de supporter sans broncher la violence qui l’environne. L’entraînement, comme le dit le marquis de Quincy, doit apprendre aux soldats à « supporter le feu de l’ennemi50 ». Le bataillon, comme le plastron, doit être à l’épreuve des balles.
40L’historien allemand G. Oestreich a lié cette nouvelle sensibilité aux modèles donnés par le stoïcisme. La lecture de Sénèque avait connu un renouveau, au début du xviie siècle, grâce aux enseignements de Juste Lipse, l’ancien maître de Maurice de Nassau. Sa philosophie, appréciée de bon nombre d’officiers européens dans la première moitié du siècle, aurait encouragé un processus d’intériorisation des contraintes et des exigences morales51. Les officiers acceptant mieux d’être soumis à l’ordre strict de l’État auraient à leur tour engagé leurs soldats à obéir en acceptant la souffrance. Cette théorie – qui lie de façon séduisante mouvement philosophique, innovations techniques et évolutions de la condition sociale du soldat – présente toutefois des incohérences, à la fois d’un point de vue chronologique et géographique. L’esprit de service prôné par Juste Lipse n’est pas né au xviie siècle, il se manifestait dans le comportement des troupes espagnoles comme turques au siècle précédent52. Par ailleurs, le « culte de l’endurance » sous sa forme la plus remarquable, ne fut manifeste dans les armées européennes qu’au second xviie siècle. À ce moment-là, les écrivains militaires se référaient plutôt à des auteurs antiques comme Polybe, César ou Plutarque, qui offraient des modèles d’abnégation et de don de soi tout aussi édifiants53.
41Quelle qu’en ait été l’origine culturelle, cette insistance nouvelle sur la nécessité du soldat de pouvoir se fondre dans une entité supérieure se manifestait nettement dans la façon dont on faisait marcher les formations à l’ennemi. Mais comment réagissaient les hommes lorsqu’ils étaient effectivement plongés au cœur du combat, lorsque pleuvaient les boulets, les balles, ou les coups de sabre ? Comment se comportaient bataillons et escadrons lorsqu’ils faisaient l’expérience de leur propre vulnérabilité ? Les régiments se montraient-ils alors à l’épreuve du combat ?
L’épreuve du combat
La vulnérabilité
42En fait, la sensation de la vulnérabilité pouvait prendre des formes multiples. Tous les soldats savaient que le danger n’était jamais absent sur un champ de bataille, qu’il vienne de près ou de loin. Comme le résume le maréchal de Vauban : « L’esprit du soldat a toujours la mort présente à 20 pas de soi54. » De nombreux récits nous montrent des soldats acceptant la mort dans un don de soi héroïque, dans cette veine de la « culture de l’endurance ». Prenons un seul exemple, lors de la bataille d’Audenarde. Les relations insistent sur l’héroïsme des cavaliers français, qui subissent le feu de l’infanterie adverse sans pouvoir les attaquer. Entre différents récits enthousiastes, retenons celui de Saint-Hilaire :
« La gendarmerie, qui se trouva exposée au plus grand feu des ennemis, le soutint longtemps avec une valeur et un sang-froid d’autant plus grand qu’elle n’étoit pas échauffée par la chaleur de l’action, qui ne laisse pas le temps d’envisager le péril55. »
43On comprendra que les relations d’époque préfèrent ne pas évoquer la peur ressentie, ni les quelques gestes que l’on pouvait faire pour se protéger. Même les auteurs de traités militaires ne donnent aucun conseil de cet ordre : l’officier doit montrer l’exemple, et les soldats doivent le suivre.
44Qu’il soit toutefois permis de supposer que tous les militaires ne manifestaient pas un tel esprit de sacrifice. On peut alors se référer aux propos du marquis de Santa-Cruz, le seul auteur militaire qui s’intéresse aux moyens d’éviter les balles. Il recommande aux fantassins attaqués par des salves adverses, mais suffisamment éloignés de l’ennemi pour ne pas être chargés à l’arme blanche, de mettre genou en terre « afin de présenter un moindre objet56 ». Il donne des avis similaires pour les cavaliers et dragons, qui peuvent quant à eux « se baisser sur le cou de leurs chevaux en leur tirant un peu la bride, afin de les obliger de lever davantage la tête57 ».
45De fait, on a du mal à croire que le stoïcisme soit l’attitude la plus répandue au sein des formations prise sous le feu ennemi, lorsque l’on tente de restituer l’expérience qu’elles devaient vivre. Là encore, tous les sens sont sollicités. Des textes évoquent le son intimidant du « sifflement des balles58 », tandis que d’autres parlent du « rugissement » des tirs d’artillerie et de mousqueterie59. Si les balles ne touchaient pas directement un soldat, elles pouvaient atteindre un de ses voisins. Les soldats d’un même bataillon ou d’un même escadron se connaissaient souvent ; même physiquement indemnes, ils étaient choqués, comme le dit Santa-Cruz, de « voir le parent, le camarade et l’ami emportés par un boulet60 ».
46Les corps tués ou blessés s’effondraient sur les militaires des rangs inférieurs. Leurs voisins se voyaient éclaboussés – sinon blessés à leur tour – par des projections de sang, de chair ou d’os. Nous pouvons nous référer aux registres d’entrée aux Invalides pour faire la liste des blessures possibles61. Aucune des parties du corps n’était à l’abri : main, bras, pied, cuisse, hanche, œil, genou sont tour à tour évoqués.
47La résistance de certains soldats paraît même incroyable : si l’on en croit les registres des Invalides, un cavalier du Royal-Étranger a reçu au fil de ses batailles 10 coups de fusil dans le corps. Un sous-lieutenant de grenadiers du régiment Auxerrois subit lui, pour la seule année 1704, « 22 blessures de fer et de feu ». La forme sphérique des balles, qui augmentait la résistance à l’air, l’absence de rayures dans le canon, qui ralentissait encore les projectiles et interdisait la précision des tirs, expliquaient certes les faibles résultats des tirs de salve. Toutefois, la lenteur même des balles représentait de nombreux dangers. En effet, plus un projectile traverse vite le corps, moins il inflige de dégâts en ricochant sur les os et les organes internes62. De surcroît, lorsque la vitesse de la balle est faible, elle traverse rarement le corps : ceux qui sont touchés se retrouvent projetés en arrière – ce qui désorganise d’autant plus le bataillon. Enfin, le fait que la balle reste dans le corps implique que la blessure s’infecte beaucoup plus facilement, et qu’elle soit plus dure à soigner.
48L’expérience vécue par un soldat dans un tir de mousqueterie n’était ainsi pas réductible aux seules douleurs corporelles infligées. La dimension psychologique était une donnée fondamentale, du moins pour les soldats du rang. Officiers généraux et écrivains militaires se plaignaient souvent du manque de « pragmatisme » des soldats, qui cherchaient à tirer le plus vite et le plus tôt possible, au mépris de l’efficacité réelle de leur feu. Guibert cherchait à convaincre officiers et hommes de troupes que « le bruit ne tuait pas63 ». Certes, le bruit ne supprimait pas physiquement les soldats, mais il pouvait assassiner la volonté d’une formation…
49La forme de violence qui impliquait le contact direct avec l’adversaire était donc considérée comme très différente de celle qui consistait à l’éliminer à distance raisonnable. Un affrontement en bataille rangée ne pouvait toutefois guère se dérouler sans que des combats individuels n’aient lieu. La fureur personnelle reprenait alors ses droits sur la discipline collective. La bataille franchissait un nouveau seuil : la violence se libérait de ses cadres.
Une violence débridée
50Nous disposons, grâce au marquis de La Colonie, d’un récit de mêlée à la baïonnette. Il ne s’agit pas d’un récit direct. Le marquis rencontre dans un cabaret un sergent des Gardes françaises ayant servi à Ramillies, qui lui conte les « exploits » que son unité y a réalisés :
« Les ennemis voulant se présenter à nous, nous leur courûmes dessus, en les renversant à droite, à gauche et de tous les côtés, sans que ces pauvres malheureux eussent le temps de se reconnoître et sans nous faire aucune pitié ; enfin j’en enfilai tant avec mon hallebarde [sic], que j’étois las de tuer64. »
51Cette relation est à prendre avec précaution, puisque La Colonie lui-même se moque de l’arrogance du sergent. Il s’agit toutefois de la seule description d’une mêlée d’infanterie que nous ayons pu retrouver pour la guerre de Succession d’Espagne. Il est vrai que ces événements sont plus rares que des échanges de tirs : cela en dit cependant assez long sur la pudeur de certains auteurs.
52Pour la cavalerie, nous pouvons nous appuyer sur les lettres que les gardes du corps du roi – une troupe d’élite – diffusent après leur défaite de Ramillies, pour justifier leur échec. Ces récits donnent une impression d’isolement total et de péril omniprésent :
« Dans cet embarras fascheux où la mort se présentoit à tous momens et de mille manières différents, qui est celuy qui ne dust se croire heureux dans son malheur, puisqu’il n’y eut uniquement que ceux qui furent tuez d’abord qui ne coururent pas ces risques ? Ainsy, chacun se croyoit seul échappé du naufrage, ne voyant que fort peu de leurs camarades épars, par cy par là, dans un danger évident de périr, étant accablez, aussi bien qu’eux, par le grand nombre65. »
53Une autre relation, pour exprimer cette sensation d’enveloppement, parle d’une « fourmilière de monde66 ».
54Nous pouvons aussi utiliser, sans trop d’anachronisme, une lettre écrite par un cavalier du régiment Mestre de camp à ses parents, datant de la guerre de la Ligue d’Augsbourg. Cette lettre serait parvenue au roi par l’intermédiaire du secrétaire d’État de la Guerre ou d’un commis, avant d’être recopiée par Tallemant des Réaux. La scène se passe à Fleurus :
« J’avons sur le midi donné l’attaque générale aux ennemis, qui étoient des bougres qui se faisoient chapler [tailler] aux pièces. Je les poursuivions et reculions, c’est-à-dire qu’il nous falloit bien battre. O mon père, si vous aviez vu ça, ce n’étoit pas une guerre, c’étoit un massacre ; vous feroit trembler. Je n’avions pourtant pas peur, ni pensée d’aucune mort. Je n’ai regretté que mon camarade La Fleur, qui fut tué d’un coup de fauconneau. Dieu ait son âme ! Je ne trouvions point de gens pour donner des assistances. L’un crioit : “Je suis mort !” – “Pour de cela, marchez, cadet !” […] J’avons marché plus de deux heures sur des corps morts, dont y en avoit qui crioient encore, et en avons tué tant que vous pouvez dire. […] J’avons tué tant de gens que je ne sais67. »
55Même de la part d’un soldat, le constat est sans appel : un massacre d’une telle nature n’appartient plus à ce qui doit être la guerre. Ce texte donne par ailleurs d’intéressantes informations sur la sensation de vulnérabilité au cœur d’une mêlée. L’exaltation du soldat lui fait oublier la peur de sa propre mort. À cet égard, son expérience du combat peut apparaître, dans un certain sens, moins « violente » que s’il avait été pris sous le feu ennemi sans possibilité d’agir.
56La mêlée – d’infanterie ou de cavalerie – représente donc l’une des formes de déchaînement de la violence de guerre sur un champ de bataille. Mais une autre forme, bien distincte, peut également s’observer. De tels phénomènes se passent généralement à la fin de la journée, lorsque l’issue du combat ne fait plus de doute. Ils ne se déroulent plus entre deux formations compactes et solides, mais entre des soldats en fuite et leurs prédateurs. Les combats qui se mènent lors des retraites permettent en effet aux vainqueurs de « lâcher » sur les fuyards des unités qui n’ont plus à servir en ligne. Face à des ennemis en position d’extrême faiblesse, les soldats victorieux se sentent parfois pris d’une irrépressible envie de tuer.
57Durant la guerre de Succession d’Espagne, c’est peut-être la bataille de Blenheim qui en présente les épisodes les plus terribles ; ce sont les troupes françaises en déroute qui en sont les victimes. Certains bataillons (ceux qui se trouvent à la seconde ligne de l’aile droite) sont d’abord sacrifiés pour couvrir la retraite des autres troupes : ils se voient « entièrement taillés en pièces68 ». Des escadrons de cavalerie française sont ensuite rattrapés par les Alliés. Certains, bloqués par une sinuosité du Danube, préfèrent alors risquer le passage du fleuve. Le prince Eugène indique qu’« on fit alors un grand carnage des ennemis, dont une partie se jeta dans le Danube, et évita par ce moyen la fureur des autres troupes69 ». Certains cavaliers se noient, certains sont abattus à coups de pistolet du haut des rives. D’autres parviennent à nager de l’autre côté. Leur survie n’est toutefois pas assurée, car ils sont alors pourchassés par les paysans dont ils ont brûlé les villages70.
58Notons enfin, au titre des scènes de cauchemar, les épisodes qui voient des hommes périr sans même combattre. Les troupes coincées dans le village de Blenheim furent ainsi « dans une sçituation affreuse, incommodez par les maisons du village touttes en feu71 ».
59Ainsi la violence, lorsqu’elle quitte les bornes que l’institution militaire lui a assignées, est d’autant plus dure qu’elle est déployée par des hommes qui ont besoin, après une journée éprouvante, de se délivrer de la peur qui les a tenaillés plusieurs heures d’affilée. La violence donnée n’est à ce titre qu’une des formes de manifestations de la peur des soldats sur le champ de bataille.
Peur et panique
Refuser le combat
60Un autre effet de la peur, plus évident et souvent mieux documenté (car amplement dénoncé aux lendemains des défaites), était le refus de combattre son adversaire. Les formes de cette dérobade étaient multiples. Il y avait d’abord la fuite individuelle. Le duc d’Antin, lieutenant général, fut accusé par les chansonniers de s’être caché dans des buissons lors de la bataille de Ramillies72. Notons que l’accusation n’était peut-être pas infondée, dans la mesure où Louis XIV se dispensa de ses services pour le reste de la guerre73.
61La crainte d’être battu pouvait également amener des unités à s’abstenir d’aller au feu. Ce fut le cas de la seconde ligne de la cavalerie française à la même bataille de Ramillies, qui avait successivement vu une ligne de fantassins puis sa première ligne se faire tailler en pièces. Lorsqu’on leur donna l’ordre de marcher, ces troupes refusèrent tout simplement d’avancer.
62Dans l’infanterie, c’est en général la vigueur du feu ennemi qui amène les soldats à se sauver. Le comte de Mérode-Westerloo décrit très bien le processus qui mène une troupe à fuir. Il évoque le cas d’un bataillon d’infanterie qu’il conduit lors de la bataille d’Ekeren, en 1703. La troupe inexpérimentée, « qui n’étoit pas encore accoutumé au feu », reçoit une « salve non attendue, à brûle-pourpoint74 ». C’est moins la vigueur du feu adverse que la surprise qui amène les hommes à paniquer. Leur réaction est symptomatique : « Mon bataillon, sans ordre de personne, fit feu, tirant la plupart en l’air, et s’en alla, jetant les armes bas pour la plus grande partie75. » Le tir envoyé par les soldats de Mérode est un tir réflexe, non-coordonné. Dès qu’ils constatent l’inefficacité de leur salve, les soldats prennent conscience de leur vulnérabilité et s’enfuient. Le fait de jeter les armes à terre sert moins à se débarrasser d’un poids encombrant qu’à prouver à l’adversaire qu’on a décidé de cesser le combat, et qu’on ne représente plus aucune menace76.
Un phénomène contagieux
63Dans tous ces cas, la peur qui amène l’unité ou les unités à se débander vient des soldats eux-mêmes. Mais la peur et la fuite sont des phénomènes contagieux : ils peuvent très aisément se transmettre à des troupes qui n’ont pas encore rencontré l’ennemi. Les unités qui voient refluer sur elles des troupes amies en désordre sont tentées de les accompagner, le désordre général étant propice à la désertion. À Ramillies, les hommes du marquis de La Colonie sont traversés par les débris d’un autre bataillon : « Les fuyards s’étant jettés au milieu de mes gens, et les ayant entraînés avec eux, je ne fus jamais plus surpris que de me voir seul avec quelques officiers et les drapeaux autour de moi77. »
64Dans ces circonstances dangereuses, la pitié n’est pas de mise. Si un officier voit des fuyards se rabattre sur son unité, il doit, selon les conseils des traités, leur faire tirer dessus pour les disperser, sans quoi c’est sa propre formation qui sera rompue78.
65Enfin, la peur peut se répandre comme une traînée de poudre dans une armée entière. C’est ce que Hay du Chastelet – un auteur militaire du milieu du xviie siècle – appelle la « terreur panique79 ». Ce qui la caractérise, c’est qu’elle naît « sans qu’on en sache la cause, et même sans qu’il y en ait aucune qui soit apparente80 ».
66Les défaites françaises de la guerre de Succession d’Espagne en présentent deux cas d’école. La première eut lieu à Ramillies : elle concerne la gauche de la cavalerie française qui, lorsque l’ordre de la retraite est donné, n’avait pas encore combattu. À un certain moment, le moral des cinquante escadrons craque subitement. Un capitaine irlandais au service de la France, Peter Drake, s’en aperçoit avec étonnement :
« Nous n’avions pas fait 40 yards [35 mètres] pour notre retraite que les mots : “Sauve qui peut !” se répandirent dans la plus grande part, si ce n’est dans toute l’armée, et la mirent toute entière en confusion. On pouvait alors presque voir des brigades entières courir en désordre81. »
67Toutes les sources attestent de cet irrésistible mouvement. Une relation indique que « l’épouvante y estoit si grande que l’on ne pouvoit l’arrester, et M. de Gassion qui commandoit la gauche ne put jamais obliger un escadron de la ligne à aller à la charge82 ».
68Le second épisode de panique eut lieu quelques mois plus tard, au cours de la bataille de Turin, en 1706. Il concerne la partie de l’armée française qui se retirait après avoir été chassée des retranchements de la ville :
« Environ deux heures après midi, les François qui étoient entre le haut Po et la Doire, quoique plus forts que les Allemands, furent saisis tout à coup d’une grands épouvante à cause de quelques fuyards qui venoient du coté du Luceng. Ils abbandonent dans l’instant leur camp, et tout le bagage, et se croyant heureux de pouvoir sauver leur vie, ils se précipitent les uns sur les autres en gagnant le chemin de Pignerol, sans qu’on leur tirât un seul coup83. »
69On peut dégager quelques points communs entre ces deux paniques : tout d’abord, elles ont lieu lors d’une retraite, lorsque les troupes savent que la bataille est perdue. Elles touchent des unités qui ne sont pas directement menacées par l’ennemi. Il y a à chaque fois un élément déclencheur d’une importance mineure : quelques coups de feu, le spectacle de quelques fuyards, des cris de détresse lancés par des soldats. Enfin, lorsqu’une panique a commencé, elle se répand dans toutes les directions, dans tous les corps de l’armée. Personne ne veut se voir le dernier à faire face à l’ennemi.
70Les relations attestent que les hommes « terrorisés » se caractérisent par un état de surdité et d’aveuglement. Dans ces circonstances, le rôle des officiers est de sortir les soldats de leur hébétude. Il s’agit de faire beaucoup de bruit et force gesticulations. Lorsque La Colonie voit ses hommes suivre ceux d’un bataillon en fuite, il réagit immédiatement :
« La rage et la douleur s’emparèrent de mes sens : je me mis à crier en allemand et en françois comme un démoniaque, je donnai toutes sortes de noms à mes grenadiers, je m’emparai du drapeau colonel que je plantai auprès de moi, et à force de crier j’attirai les regards de plusieurs84. »
71Le conseil que donne l’auteur d’un Traité de la Guerre resté manuscrit est de s’adresser aux hommes par leur propre nom : le soldat, ainsi interpellé, cesse d’être le simple élément d’une foule éperdue85. Le sens de l’honneur et de la responsabilité individuelle lui revient. On croit au pouvoir de la honte vis-à-vis de la fuite, qui amène le militaire à retourner à son poste.
72Mais tous ces efforts ne sont pas nécessairement couronnés de succès, lorsque les hommes sont trop obsédés par leur envie de fuir. Il est alors nécessaire de leur faire violence. À Ekeren, Mérode-Westerloo n’hésite pas : « M’étant jeté pied à terre, l’épée à la main, j’en arrêtai du moins plus de trois cent86 ». Cependant, les soldats sont conscients que leurs officiers iront jusqu’aux extrémités pour les arrêter, et il arrive qu’ils les blessent délibérément pour les en empêcher : alors qu’il veut arrêter des soldats du régiment Royal mis en fuite par les assaillants de Blenheim, Denonville, un brigadier d’infanterie, est frappé d’un coup de baïonnette dans la cuisse87.
Une expérience intelligible ?
73Les traités militaires, s’ils évoquent très peu la peur que l’on peut ressentir – ce n’est pas un sentiment digne d’un officier – n’oublient jamais d’expliquer comment maîtriser celles des hommes que l’on doit encadrer. La peur est, par excellence, l’ennemie de la discipline, qu’elle amène les hommes à se jeter furieusement dans le combat ou qu’elle les incite à la fuite. C’est cette peur – à la fois individuelle et collective – qui montre que la bataille est un phénomène humain, et qu’à ce titre elle doit appartenir au territoire de l’historien.
74Certes, on doit reconnaître que la bataille d’Ancien Régime est nécessairement une expérience inconnue des historiens – particulièrement ceux qui appartiennent à des générations qui, fort heureusement, n’ont pas eu à faire la guerre. Les historiens peuvent cependant recenser les signes de la bataille, ceux qui permettent de saisir – partiellement – comment elle se déroule, ceux dont la compréhension est la marque des « vieux soldats ».
75La bataille s’offre à ses acteurs d’abord sous la forme d’un spectacle majestueux. Rapidement, ce tableau impressionnant cède la place à une réalité beaucoup plus sordide. Les soldats – surtout les jeunes recrues – entrent, en se rapprochant de l’ennemi, dans une zone de vulnérabilité, l’ouïe est alors peut-être le sens le plus sollicité. C’est la première phase de la violence de guerre.
76Il y a ensuite l’entrée sous le feu de l’ennemi – mais cela ne concerne pas toutes les troupes. Puis c’est l’expérience du combat au corps à corps. Celle-ci est cependant, sauf dans quelques grandes batailles, davantage l’exception que la règle.
77Enfin, l’armée vaincue peut se retrouver dans une situation de retraite, qui peut bien vite dégénérer en panique. Dans ce cas-là, c’est toute l’armée qui peut être touchée, si on n’y prend pas garde.
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78L’expérience du combat est, répétons-le, incommunicable. Les lettres et les mémoires des officiers ne la retranscrivent que partiellement, et avec de nombreux biais. On peut cependant catégoriser les expériences du combat, déconstruire les différentes phases de la violence de la guerre, et présenter la bataille comme le franchissement d’une série de seuils sensoriels successifs. C’est au prix de cet exercice que la bataille peut passer d’une expérience vécue à un phénomène intelligible.
Notes de bas de page
1 André Corvisier, La bataille de Malplaquet, 1709 : l’effondrement de la France évité, Paris, Economica, 1997, p. 124.
2 Olivier Chaline, La bataille de la Montagne Blanche (8 novembre 1620). Un mystique parmi les guerriers, Paris, Noesis, 1999, p. 11-13.
3 Henri Beyle dit Stendhal, Journal, éd. de Henri Martineau revue par Xavier Bourdenet, Paris, Gallimard, Folio, 2010 [1955], p. 975.
4 John Lynn, Giant of the Grand Siècle : the French army, 1610-1715, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.
5 Jean-François-Martin de La Colonie, Mémoires de M. de La Colonie, maréchal de camp des armées de l’Électeur de Bavière…, Bruxelles, aux dépens de la Compagnie, 1737, t. II, p. 70-71 ; voir aussi Anne-Marie Cocula (éd.), Mémoires de M. de La Colonie…, Paris, Mercure de France, 1992, op. cit., p. 393.
6 Jean-Philippe-Eugène, comte de Mérode-Westerloo, Mémoires, Bruxelles, Wahlen, 1840, t. I, p. 301-302.
7 Joseph Sevin, chevalier de Quincy, Mémoires du chevalier de Quincy, éd. L. Lecestre, Paris, Renouard, 1898-1901, t. III, p. 136.
8 Michèle Virol, « Le siège de Namur de 1692 : l’héroïsme et la technique », dans xviie siècle, vol. 228, 2005, p. 465-488.
9 SHD, GR 1 M 124/2, n° 70, campagne de Lombardie, en 1706, s. l. n. d.
10 François Marie Arouet, dit Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, dans les Œuvres complètes de Voltaire, Paris, Firmin Didot frères, 1830, t. XIX, p. 276.
11 Ainsi, La Feuillade évoquait la « belle musique » que faisait son artillerie au début du siège de Turin (SHD, GR A1 1966, n° 224, La Feuillade à Chamillart, camp devant Turin, 4 juin 1706).
12 David Chandler, The Art of Warfare in the Age of Marlborough, New York, Londres, B. T. Batsford, 1976, p. 89.
13 Jean-Philippe-Eugène, comte de Mérode-Westerloo, op. cit., t. I, p. 309.
14 Hervé Drévillon, L’impôt du sang. Le métier des armes sous Louis XIV, Paris, Tallandier, 2005, p. 112.
15 Alain Fougeray, « Soldats du Roi : les sources iconographiques des uniformes de l’Ancien Régime », Combattre, Gouverner, Écrire. Études réunies en l’honneur de Jean Chagniot, éd. Commission française d’histoire militaire, Paris, Economica, 2003, p. 385.
16 Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, Mémoires de Saint-Simon : nouvelle édition augmentée des additions de Saint-Simon au journal de Dangeau, éd. par A. Michel de Boislisle, Paris, Hachette, 1879-1931, t. XVI, p. 186.
17 Ibid.
18 Maurice de Saxe, Mes rêveries, Amsterdam, Leipzig, Arkstée, Merkus, 1762, t. ii, p. 139.
19 SHD GR A1 1751, n° 29, le baron de Quincy à Chamillart, camp d’Haguenau, 18 septembre 1704, édité dans Louis Pelet et François-Eugène de Vault, Mémoires militaires relatifs à la succession d’Espagne sous Louis XIV : extraits de la correspondance de la cour et des généraux, Paris, Imprimerie royale, 1835-1862, t. IV, p. 573-582.
20 « Je ne crois pas que depuis qu’on va à la guerre, l’on ayt jamais entendu un si grand feu de part et d’autre » (SHD, GR A1 1936, n° 210, Villeroy au roi, camp sous Vilvorde, 24 mai 1706).
21 Jean-Philippe-Eugène, comte de Mérode-Westerloo, op. cit., t. I, p. 237.
22 Erik Wauters, « “Like salt in fire…” : two local eyewitness accounts of the battle of Oudenarde », dans David Money (dir.), 1708. Oudenarde and Lille, Cambridge, Bringfield’s Head Press, 2008, p. 41.
23 BnF, ms. fr. 6257, Traité de la guerre de campagne, p. 57.
24 Olivier Chaline, La bataille de la Montagne Blanche, op. cit., p. 167.
25 Jacques de Chastenet, maréchal de Puységur, L’art de la guerre par principes et par règles, Paris, C.-A. Jombert, 1748, t. II, p. 8.
26 Frédéric II, L’esprit du chevalier de Folard, Leipzig, 1761, p. 126.
27 C’est le cas, pour ne citer que ces exemples, des troupes françaises avant la bataille de Blenheim ; des troupes françaises et alliées avant celles de Ramillies, Audenarde et Malplaquet ; des troupes du prince Eugène avant la levée du siège de Turin.
28 David Chandler, The Art of Warfare, op. cit., p. 89.
29 M. de Saxe, Mes rêveries, op. cit., t. II, p. 139.
30 Alvaro Navia-Ossorio, vicomte de Puerto, marquis de Santa-Cruz de Marcenado, Réflexions militaires et politiques, Paris, Jacques Guérin, 1738, t. VI, p. 57.
31 La Colonie, op. cit., t. II, p. 74 ; A.-M. Cocula (éd.), op. cit., p. 395.
32 SHD, GR A1 1751, n° 45, « mémoire non signé composé par quatre anciens officiers d’infanterie qui estoient à la bataille d’Hocstet », camp d’Haguenau, 25 septembre 1704.
33 Victor Davis Hanson, Le modèle occidental de la guerre. La bataille d’infanterie dans la Grèce classique, Paris, Les Belles Lettres, 2001, p. 141-142.
34 BnF, ms. fr. 12693, Chansonnier dit de Clairambault, chansons historiques, critiques et chronologiques, 1702-1706, fol. 403-406.
35 Ces chiffres sont disponibles dans Benjamin Deruelle, « C’est une lignée que les harquebuses ont enfantée », Armes et cultures de guerre en Europe centrale, xve-xixe siècle, Paris, CERMA, p. 288-289.
36 Quincy, op. cit., t. VII-II, p. 66. Une instruction indiquant les dispositions à suivre par l’infanterie un jour de combat, émise par le maréchal de Luxembourg en 1690, commençait par ces termes : « Premièrement, grand silence ». Quelques années plus tard, un « ordre que le roi veut que l’infanterie observe le jour du combat » répétait : « On observera un grand silence, il n’y aura que le commandant et le major qui parleront » (Bertrand Fonck, Le maréchal de Luxembourg et le commandement des armées sous Louis XIV, Seyssel, Champ Vallon, 2014, p. 627 ; SHD, GR 1 M 2375, n° 67, « Ordre que le roi veut que l’infanterie observe le jour du combat », s.l. n.d. [début xviiie siècle]).
37 Quincy, op. cit., t. VII-II, p. 66.
38 Le P. Gabriel Daniel, Histoire de la milice françoise et des changemens qui s’y sont faits depuis l’établissement de la monarchie dans les gaules jusqu’à la fin du règne de Louis Le Grand, Paris, J.-B. Coignard, 1721, t. I, p. 335-336.
39 Pierre-Claude de Guignard, École de Mars ou mémoires instructifs sur toutes les parties qui composent le corps militaire en France…, Paris, Simart, 1725, t. II, p. 652. On retrouve la même information chez le père Daniel : « Il n’y a que quand on monte à un assaut, ou qu’un bataillon marche pour charger celui qui est opposé, [qu’on] crie : “Tue ! Tue !” » (G. Daniel, op. cit., p. 336).
40 Olivier Chaline, La bataille…, op. cit., p. 172.
41 Victor Davis Hanson, Le modèle occidental de la guerre…, op. cit., p. 140.
42 Mentionné dans le Mercure galant, Paris, supplément de juillet 1708, p. 204.
43 SHD, GR A1 1751, n° 45, « mémoire non signé composé par quatre anciens officiers d’infanterie qui estoient à la bataille d’Hocstet », camp d’Haguenau, 25 septembre 1704.
44 SHD, GR A1 1760, n° 175, le marquis d’Hautefeuille à Chamillart, Hanau, 8 octobre 1704.
45 Mérode-Westerloo, op. cit., t. i, p. 237.
46 John A. Lynn, Giant…, op. cit., p. 484.
47 « Relation de la bataille de Turin tirée de l’histoire du prince Eugène », édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault, op. cit., t. VI, p. 676.
48 John Lynn parle de « culture of forbearance », c’est-à-dire de culture de l’« endurance » ou de la « résistance » (Giant of the Grand Siècle, op. cit., p. 513).
49 Sur le sujet de la « révolution militaire », voir Geoffrey Parker, La révolution militaire : la guerre et l’essor de l’Occident (1500-1800), Paris, Gallimard, 1993, et Jeremy Black, A Military Revolution ? Military Change and European Society, 1550-1800, Atlantic Highlands, Humanities Press, 1991. Voir aussi les critiques d’André Corvisier et de Jean Chagniot dans Jean Bérenger (dir.), La révolution militaire en Europe (xve-xviiie siècles), Paris, Economica, 1997, p. 23-29 et 149-157.
50 Quincy, op. cit., t. VII-II, p. 67.
51 Jean Chagniot, Guerre et société à l’époque moderne, Paris, PUF, 2001, p. 139.
52 Ibid., p. 140.
53 Hervé Drévillon, L’impôt du sang…, op. cit., p. 325.
54 Sébastien Le Prestre de Vauban, « Moyen d’améliorer nos troupes et de faire une infanterie perpétuelle et très excellente », éd. par Hervé Drévillon, dans Michèle Virol (dir.), Les oisivetés de monsieur de Vauban, Seyssel, Champ Vallon, 2007, p. 1150.
55 Armand de Mormès de Saint-Hilaire, Mémoires de Saint-Hilaire, éd. par Léon Lecestre, Paris, Renouard, 1903-1916, t. V, p. 131.
56 Santa-Cruz, Réflexions militaires…, op. cit., t. VI, p. 77.
57 Ibid., p. 78.
58 Ibid., p. 67.
59 Christopher Duffy, The military experience in the age of reason, Londres, New York, Routledge, Paul Keegan, 1987, p. 197.
60 Santa-Cruz, Réflexions militaires…, op. cit., t. VI, p. 46.
61 Nous avons eu l’occasion au cours de nos recherches de dépouiller les registres des Invalides couvrant la période du 3 juin 1701 au 29 avril 1712 (SHD, GR 2 Xy 14 à 16).
62 Jeremy Black, La guerre au xviiie siècle : Europe, empire ottoman, Inde, Chine, Amérique du Nord, Paris, Autrement, 2003, p. 162.
63 Jacques-Antoine-Hippolyte de Guibert, Écrits militaires, 1772-1790, Paris, Copernic, 1977, p. 165.
64 La Colonie, op. cit., t. II, p. 122 ; A.-M. Cocula (éd.), op. cit., p. 420.
65 BnF, ms. fr. 23323, fol. 229 r°-243 v°, « relation de la bataille de Ramilly, donnée le 23 may, jour de la Pentecoste, en 1706 », s. l. n. d.
66 Ibid.
67 Léon Lecestre (éd.), Trois lettres de soldats sous Louis XIV, Nogent-le-Rotrou, impr. de Daupeley-Gouverneur, 1922, p. 6.
68 « Entirely cut to pieces » (brigadier général Richard Kane, The Campaigns of King William and Queen Anne, from 1682-1712, also a new system of Military Discipline…, Londres, J. Millan, 1745, p. 69).
69 SHD, GR A1 1750, n° 153, extrait d’une lettre du prince Eugène, s. l., 25 août 1704, édité dans L. Pelet et F.-E. de Vault, op. cit., t. IV, p. 589-593.
70 David Chandler (éd.), Military memoirs of Marlborough’s campaigns, 1702-12, Londres, Greenhill Books, 1998, p. 42.
71 SHD, GR A1 1760, n° 175, le marquis d’Hautefeuille à Chamillart, Hanau, 8 octobre 1704.
72 BnF, ms. fr. 12672, Chansonnier, p. 166-172.
73 Ferdinand Hoefer (dir.), Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Paris, F. Didot, 1857-1866, article « Gondrin », t. XXI, col. 191.
74 Mérode-Westerloo, op. cit., t. I, p. 263.
75 Ibid., p. 264.
76 Olivier Chaline, La bataille…, op. cit., p. 173.
77 La Colonie, op. cit., t. II, p. 77 ; A.-M. Cocula (éd.), op. cit., p. 398.
78 BnF, ms. fr. 6257, Traité de la guerre de campagne, p. 88.
79 Paul Hay du Chastelet, Politique militaire ou traité de la guerre, chap. iv-xii, « Des terreurs paniques, des fuites, des ralliements, etc. ».
80 Ibid.
81 « We have got not forty yards on our retreat, when the words “Sauve qui peut” went through the great part, if not the whole army, and put all the confusion. Then might be seen whole brigades running in disorder » (cité par George Macaulay Trevelyan, England under Queen Anne, Londres, New York, Toronto, Longmans, Green, 1930-1934, t. II, p. 115).
82 BnF, ms. fr. 23323, fol. 244 r°-248 v°, « relation de la bataille de Ramilly, au camp sous Menin ce 2 juin ».
83 SHD, GR 1 M 124/2, n° 132, relation de l’attaque des lignes devant Turin, le 7 septembre 1706, s. l. n. d.
84 La Colonie, op. cit., t. II, p. 77 ; A.-M. Cocula (éd.), op. cit., p. 398.
85 BnF, ms. fr. 6257, Traité de la guerre de campagne, p. 87.
86 Mérode-Westerloo, op. cit., t. I, p. 264.
87 « Lettre de M. le marquis Denonville brigadier d’infanterie, colonel du régiment Royal, écrite de Nimègue le 21 octobre 1704 à M. son père… », dans la Clef du Cabinet des princes de l’Europe ou Recueil historique et politique sur les matières du tems, Luxembourg, décembre 1704, p. 390-402.
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