Le théâtre atlantique durant la seconde partie du règne de Louis XIV : bilan naval et colonial
p. 77-96
Texte intégral
La marine du roi : renoncement ou gestion adaptée ?
1À lire Alfred T. Mahan, la Hougue, « la dernière grande bataille des escadres françaises », serait un désastre assimilé à un coup de grâce qui sonnerait le glas de la marine de Louis XIV. Certes l’auteur américain atténue ses propos, en insistant sur l’épuisement du pays et les grandes dépenses dues à la guerre continentale, qui aurait entraîné une réorientation vers la guerre de course. Celle-ci marque en soi la fin de la constitution de flottes de guerre et l’arrêt d’une mise en œuvre d’ensemble des moyens. Au moins, le théoricien de la stratégie maritime américaine de la fin du xixe siècle reconnaît-il que la présence de corsaires en mer de Manche a cet avantage que les Anglo-Hollandais sont obligés de conserver des escadres pour protéger leur commerce, ne pouvant faire autre chose. Et encore, ces escadres sont mal servies tant « la valeur de la marine britannique est médiocre », son administration étant pire encore, ce qui aurait profité aux corsaires français1. Autre nuance, le coup de filet de Lagos avec la capture de la plus grande partie du convoi à destination de Smyrne, mené de main de maître par Tourville mais insuffisamment relayé par ses adjoints, n’est pas considéré comme une opération de course mais comme relevant de la guerre d’escadre classique. À tout le moins, il y a bien des inexactitudes dans ces propos. Surtout, le problème de l’engagement naval ne prend pas en compte l’ensemble de ses composantes.
2Si l’on observe mieux l’affaire de Lagos, où la destruction de l’ennemi se mêle à la prédation, il s’agit d’une course d’État. La capture de vaisseaux ennemis présente un intérêt militaire, la prise des marchands revêtant un caractère économique et psychologique plus évident. Les Anglais évalueront les dégâts à un million de livres sterling, le marquis de Dangeau à beaucoup plus, 30 millions de livres tournois, soit plus du double. Cette opération est unique par son ampleur, ne se reproduira pas, mais a marqué les esprits. Mahan a d’ailleurs parfaitement raison lorsqu’il invoque un « trésor public, incapable de subvenir aux armements de la marine de guerre, s’associant aux capitaux privés, sans risquer rien qu’un matériel devenu inutile », récupérant sa mise par le pillage de l’ennemi. Avec une formule plus heureuse, Daniel Dessert remarque « qu’insensiblement, l’économie de guerre induit la guerre économique, laquelle implique la guerre de course2 ». Jean-Yves Nerzic estime que la guerre d’escadre était condamnée après l’échec de la Boyne, et ce malgré Béveziers (1690)3. La guerre d’escadre a pour objet la maîtrise de la mer, mais pour la marine du roi, et comme à chaque conflit, cette maîtrise devait permettre l’invasion de la Perfide Albion, d’une façon ou d’une autre. L’occasion étant manquée, ne restait plus qu’à faire la guerre aux dépens de l’ennemi, décision qu’il faudrait replacer dans le contexte de la terrible crise que subit la France en 1693, perdant plus d’un million d’habitants.
3Les recherches récentes et à venir devraient permettre d’en savoir un peu plus en sondant des domaines négligés jusqu’à présent, notamment avec l’aide d’outils informatiques plus efficaces pour la constitution de bases de données et de croisements de sources. Une réflexion relative à la guerre de la Ligue d’Augsbourg et, sur certains points, à celle de la Succession d’Espagne permet de dégager quelques éléments qui pourraient être autant de pistes à suivre4.
Maintien de la puissance maritime jusqu’en 1707 et variables d’ajustement
4En 1693, un mémoire récapitule l’état des forces navales après la Hougue. Il marque l’augmentation du nombre des officiers (1200 et près de 950 gardes de la marine), le remplacement des vaisseaux brûlés et le maintien à niveau des galères. La marine du roi aligne 119 vaisseaux, 43 frégates, 10 galiotes à bombes, 47 brûlots, 50 flûtes et plus de 9500 canons. Le budget alloué à la marine demeure à un niveau élevé soit 32,7 millions de livres5. En 1697, il ne baisse que de 25 %. Lorsque l’escadre de Tourville appareille de Brest pour Lagos, elle embarque quelque 45000 hommes, alors qu’à Toulon le comte d’Estrées a appareillé à la tête de 20 vaisseaux et 35 galères6. Durant les trois premières années de la guerre de Succession d’Espagne, de puissantes escadres royales sont encore armées. Dès avant la déclaration de guerre, celles de d’Estrées, de Coëtlogon et de Châteaurenault restent imposantes. Si l’on prend l’escadre de Châteaurenault, avec 30 vaisseaux ce sont près de 13000 hommes qui embarquent. Le budget au début du conflit oscille entre 16 et 30 millions de livres selon Bonrepaus, mais après 1707 c’est la fourchette basse qui prévaut, passant même à 11 millions en 1709. Les dépassements au budget alloué étaient déjà de 5 millions dès 1704. La situation s’est dégradée cette fois plus rapidement. Jérôme de Pontchartrain, dans un mémoire qui répond aux questions de Chamillart, évoque le produit de la course pour colmater les brèches comme lors du conflit précédent. Le ministre essaie de croire que l’alliance espagnole permettra à la France « d’offrir » ses vaisseaux ou d’en construire : c’est bien là valoriser l’expérience des maîtres d’œuvre des arsenaux et la valeur des marins français7. La deuxième bataille de Höchstädt ou de Blenheim, avec les lourdes pertes françaises, est livrée au moment où les escadres du Levant et du Ponant ont effectué leur jonction et affrontent les alliés à Velez Malaga (août 1704). Il s’agit d’une bataille en ligne de file classique, avec une cinquantaine de vaisseaux dans chaque camp. La France n’a jamais été aussi près d’écraser la Navy et de faire la démonstration d’un réel savoir-faire. Mais c’est le commandement qui est défaillant. Le comte de Toulouse, amiral de France mal conseillé, décide de cesser le combat au soir de la première journée, alors que les Anglo-hollandais n’ont plus de munitions : Gibraltar reste un rocher britannique. En 1707, 60 vaisseaux sont encore armés sur 124, le dernier souffle ou simplement ce que l’État peut prêter aux armateurs corsaires, aux compagnies de commerce ou à l’Espagne en ne conservant que quelques vaisseaux indispensables aux escortes des convois. Quoi qu’il en soit, il est impossible de réitérer le formidable effort de construction navale de 1693 : l’on observe le passage de 80 vaisseaux effectifs pour 120 réglés en 1715 à 49 effectifs dès 1717. La marine du roi reste un motif d’orgueil jusqu’à la mort de son maître. Mais la situation financière qu’il laisse ne l’exonère pas du déclin à venir. L’ampleur de la dette ne permettra pas un rattrapage de sitôt.
La guerre navale, un coût partagé avec l’ennemi
5Ces guerres ont un coût8. « Le prix de la puissance navale » reste élevé mais il l’est autant chez les Anglais et les Néerlandais. Selon Daniel Dessert, quitte à y inclure la première partie du règne moins significative, la marine perd sous Louis XIV 151 vaisseaux de ligne, soit 38 % de ses effectifs, 44 % de ses constructions, détruits, naufragés ou capturés9. Pour ramener ces chiffres à la période nous intéressant, il faut au minimum retirer les 3 vaisseaux détruits à Tabago en 1677, les 9 échoués aux îles d’Aves et ceux perdus par accident lors de la construction de cette marine. Quelque 130 vaisseaux sont perdus entre 1688 et 1712. Il y a certes de sérieux revers : la Hougue déjà mentionnée (15 vaisseaux en 1692), Vigo en 1702 (15) ou Gibraltar en 1705 (5). Le siège de Toulon voit la perte effective de deux vaisseaux, les autres sont renfloués sans être tous réutilisés. D’où la nécessité de bien distinguer le nombre de vaisseaux effectif et celui qui est réglé sur le papier. Donc un vaisseau sur trois disparaît au total. S’agissant des Anglais, 108 vaisseaux sont perdus sur les deux conflits, dont 48 capturés par les Français et autant de naufragés. Si l’on ajoute la marine des Provinces-Unies, le score reste en faveur de la France. Rien qu’à Béveziers, la marine des États Généraux perd 7 vaisseaux et il faut ajouter les dégâts causés sur les convoyeurs bataves par les armements mixtes, l’escadre du Nord de Jean Bart durant la Ligue d’Augsbourg et celles de ses successeurs lors du conflit suivant. Ainsi en 1694, pour protéger le convoi du Texel, Jean Bart s’empare-t-il de 3 vaisseaux hollandais. Deux avaient été capturés l’année précédente à Lagos. La vraie question serait peut-être de se demander si cette usure, partagée bien plus durablement par les Provinces-Unies10, n’a pas permis au Royaume-Uni de dominer la mer au xviiie siècle, à quoi des esprits moins chagrins pourraient rétorquer que les trente ans de paix qui s’annoncent n’imposent pas un format aussi lourd en matière de flotte. Et ce d’autant que la diminution du format n’empêche pas les vaisseaux d’évoluer dans leur conception (allongement des coques et généralisation de canons de 36 livres aux batteries basses). Rien qui gêne non plus le décollage de la marine marchande française, particulièrement à destination des Antilles (voyages en droiture ou triangulaires).
La course et l’engagement opérationnel
6Il est évident que la course, comme outil militaire, a eu un impact sur le déroulé des opérations, y compris terrestres. Les armements mixtes, c’est-à-dire le prêt à des particuliers de vaisseaux du roi selon des conditions qui évoluent avec la loi, selon la conjoncture, ne sont pas que l’émanation d’une volonté prédatrice de l’État. Au large des côtes, les escadres corsaires se mêlent à de petites escadres royales. Toutes ont les mêmes officiers qui bénéficient du même avancement. Duguay-Trouin reçoit ses ordres de la même façon que Forbin. En 1712, Cassard vient à Paris quérir son ordre de mission secret, en parfaite contradiction avec les vœux émis par ses armateurs dont le comte de Toulouse11. Des vaisseaux particuliers s’agglomèrent aux vaisseaux du roi pour des opérations spécifiques. La première qui concerne cette période touche à la campagne du Spitzberg de 1693. Pontchartrain a accordé un vaisseau et deux frégates auxquels se joignent trois grosses frégates malouines. Cet armement bayonnais s’empare, malgré une terrible résistance, de 13 baleiniers et autant d’autres prises avant de capturer au large du cap Clear un convoi antillais, un vaisseau de 48 canons, un brûlot et cinq riches marchands. Ces combinaisons autorisent la formation de petites unités militaires et les frégates de 40 voire 50 canons des Malouins en viennent à compléter la flotte. Même les petits corsaires – encore que le nombre de câpres capturés fasse que la sortie en mer n’est autorisée qu’à partir d’un tonnage, armement et équipage minimums – jouent un rôle dans le renseignement maritime. Le coût économique subi par les Alliés est assurément considérable. En 1707, les négociants anglais reprochent amèrement à la Navy ses défaillances dans ses missions de protection évaluant le total des pertes à 3600 navires depuis le début de la guerre soit un million de livres sterling. L’amirauté anglaise est pourtant lucide, mais la France refuse la guerre d’escadres :
« Au lieu d’envoyer en avant de grandes flottes, les Français emplissent les mers de leurs corsaires et de divisions composées de leurs vaisseaux les plus maniables, et de cette manière, ils ont une vue étendue de toutes les opportunités pour attaquer le commerce, en comptant que la position de leurs ports leur offre des facilités très estimables12. »
7En rédigeant de tels rapports, les autorités britanniques peuvent se persuader que la conquête de la maîtrise des mers est à ce prix. Il n’empêche, la guerre de course a des implications militaires, qui sont indirectes et ignorées à ce titre. Le 22 octobre 1707, Duguay-Trouin qui navigue de conserve avec Forbin, le Malouin à la tête d’un armement mixte, le Provençal commandant une escadre du roi, attaque un convoi de quelque 120 voiles défendues par cinq men of war. Trois vaisseaux sont capturés et un périt par le feu. Surtout, 12 marchands sont arraisonnés en partie grâce à deux corsaires privés. Parmi ceux-ci, cinq transports portant les chevaux destinés à reformer la cavalerie portugaise après la défaite d’Almanza (25 avril) et qui manqueront au marquis de Las Minas pour secourir la forteresse de Lérida. Plus généralement, Patrick Villiers rappelle qu’entre 1688 et 1713, les câpres dunkerquois font 30000 prisonniers ramenés dans les ports du Pas-de-Calais à partir des 6000 prises ou rançons effectuées13. Il y a eu peut-être à Almanza 12000 prisonniers capturés par Berwick, chiffre exceptionnel. Dans le cas de Duguay-Trouin en 1707, plus d’un millier de prisonniers anglais sont ramenés à Brest. Nul doute que cette monnaie d’échange permet le rapatriement à Saint-Malo de quelque 8500 prisonniers français entre 1704 et 1711. Le fait de modifier la donne, savoir remplacer le combat en ligne de file par un abordage systématique des vaisseaux ennemis pour assurer leur neutralisation, ajouté au fait de pouvoir envoyer des corsaires particuliers s’emparer des marchands avant le sauve-qui-peut total, est déterminant dans cette captation humaine.
La course comme maintien de l’activité au sein des arsenaux
8La course n’est pas une manne occasionnelle. Ce n’est pas non plus une réelle substitution comme on a trop voulu le dire après la Hougue. C’est un moyen pour la marine de survivre durant ces deux conflits particulièrement longs et épuisants. C’est un modèle qui séduit, qui attire les capitaux et surtout qui est mis en place sans équivoque dès le début de la guerre s’agissant de la Succession d’Espagne. Les arsenaux comme Brest ou Toulon subissent socialement de plein fouet la baisse des armements et la pénurie de fonds. Ce d’autant qu’ils sont le siège d’une véritable mono-activité liée aux pouvoirs publics. Avec le temps qui passe, la misère devient une maladie incurable, comme le souligne en 1710 l’intendant de Brest Robert qui s’adresse à Jérôme de Pontchartrain. Le risque est de voir les ouvriers quitter Brest. Cela concerne aussi la main-d’œuvre qualifiée :
« Nous commençons à perdre de bons et anciens sujets qui meurent de faim et de misère. Nous avons entre autres le sieur Josselin Hélie, notre maître mateur qui est à l’extrémité et qui meurt sans laisser de quoi se faire enterrer quoiqu’il ait rendu au roi des services très significatifs. Si le sieur Hélie avait été dans quelqu’une ville de commerce comme à Saint-Malo ou à Nantes, il aurait gagné tout ce qu’il aurait voulu au lieu qu’il meurt misérablement14. »
9La course plus que tout ? La course mieux que rien serait plus juste. Brest devient une base d’armement corsaire ainsi qu’un chantier naval de première importance. Dix-huit vaisseaux sont armés pour la course à Brest durant la guerre de Succession d’Espagne, sans compter l’appui que la base peut fournir à Lorient, Le Havre ou Dunkerque. Le clan des Trouin ajoute à ce chiffre quatre vaisseaux bâtis à Brest (un au Port-Louis) et 14 vaisseaux ou frégates du roi armés à Brest en attendant l’expédition de Rio de Janeiro avec une escadre dont quatre gros vaisseaux sont armés au prix fort à Brest pour plus de 196000 livres, les armateurs faisant les avances nécessaires en se remboursant sur le cinquième du roi15. Même Jérôme de Pontchartrain, accoutumé aux chiffres arrondis dès lors qu’il s’agit de créances, s’en étonne. Par ailleurs, rien qu’en 1703, les Malouins construisent 10 corsaires, 19 l’année suivante, de 150 à 300 tonneaux. Les bâtiments de taille modeste sortent des chantiers des Talards (actuel Sillon), les grosses unités sont faites à Lorient : c’est là que La Moinerie-Miniac fait bâtir le Superbe de 50 canons. Ces navires sont généralement bien armés : la moyenne à Saint-Malo est de 1 canon pour 10 tonneaux. La course ne se mesure donc pas qu’aux prises de mer. Elle assure la survie économique et sociale des arsenaux : à Toulon, les armements mixtes font part égale avec les armements privés marseillais.
La course, levier économique au service des populations littorales
10Un coup d’œil aux registres des jugements des prises ouverts en 1695 suffit pour se convaincre que tous les ports du royaume sont impactés par la sainte prédation (y compris les ports espagnols entre 1702 et 1713), souvent pour mieux liquider les cargaisons ou pour des raisons de sécurité. Pour Saint-Malo, le produit brut lié à la course serait de près de 26 millions durant la Ligue d’Augsbourg, ce qui fait un produit net de 20 millions et un bénéfice de 20 % par rapport à la mise pour les armateurs, le tout pour 1275 captures (prises et rançons). Pour la Succession d’Espagne, le produit brut serait de 33 millions, le produit net de plus de 23 millions et le bénéfice de 15 % (pour 886 captures)16. À Dunkerque, 2094 captures sont dénombrées entre 1688 et 1697, de quoi rapporter 22 millions de livres produit brut. Durant la Succession d’Espagne, on recense 1685 captures. Les chiffres manquent : probablement autour de 30 millions de livres en produit brut pour le seul port de Dunkerque et entre 50 et 60 millions de livres en incluant les prises amenées à Calais et Boulogne ainsi que les armements au cinquième. Près du double de Saint-Malo, mais il manque les mises de fonds et le détail des liquidations pour trancher qui de Saint-Malo ou de Dunkerque a tiré le plus de bénéfices de la course17. En n’oubliant pas Bayonne et le millier de prises enregistrées par les Provençaux durant la guerre de Succession d’Espagne, la chose a été assurément rentable.
11Que signifient ces chiffres ? Pour les deux grandes bases corsaires et les réseaux qui en dépendent, le produit brut avoisinerait les 140 millions. L’amiral de France avec le dixième de cette somme entretient les sièges d’amirautés qui génèrent de l’activité dans les ports. Le monde de l’armement, malgré quelques faillites, connaît d’évidence un enrichissement général qui facilitera l’expansion du commerce maritime au xviiie siècle. Les équipages se seraient partagés 37 millions, versés chichement, avec retard, mais le niveau des avances18 et la nature des armements le montrent : la course est le premier poste d’emplois, surtout si l’on ajoute à ceux qui naviguent sous commission en guerre, ceux qui le font avec une commission en pêche et guerre, marchandises et guerre ou au sein d’armements mixtes. Le mythe corsaire naît et atteint son apogée durant cette période, avec l’adhésion des populations littorales : tous les gens de mer, d’une façon ou d’une autre, passent par la course, y compris les déclassés qui ne peuvent servir sur les vaisseaux du roi : malingres, invalides, vieux, trop jeunes, étrangers. L’étude réalisée par Michel Aumont pour Granville met en valeur cette économie de reconversion contrainte qui concerne à un degré ou à un autre l’ensemble des 3000 à 4000 habitants19.
12Mais une fois refermés les comptes après liquidation s’ajoute une économie parallèle et bien plus discrète. Celle de la petite redistribution, des gardiens des entrepôts aux contrebandiers qui font disparaître les surplus ; celle du bénéfice lié au « pluntrage » (pillage autorisé) pour l’équipage dont les limites avec la fraude ne sont pas hermétiques, quitte à s’entendre avec les prisonniers au moment des déclarations devant les officiers de l’amirauté. Picorages des matelots et ponctions bien plus lourdes des officiers (officiers du roi en tête), qu’il faut bien tolérer. Les ventes aux enchères arrangées, le marché de revente des prises, la liquidation des denrées périssables (où l’on joue sur l’urgence), la collusion entre officiers d’amirauté et négociants, etc. : il ne s’agit pas d’une économie négligeable20. La population littorale, on le sait, vit mieux la guerre que celle de l’arrière-pays. Enfin, et ce n’est pas un des moindres avantages, la course rapporte assez souvent à ceux qui, à la cour, misent dans cette loterie particulière.
13La vente du convoi de Smyrne de 1693 au profit de l’État équivaut à deux fois le budget annuel de la marine. Pointis ramène quelque 7,8 millions de livres de Carthagène des Indes en 1697, en association avec les flibustiers, habitants et « nègres » de Du Casse. Le coût de l’armement se monte à 1,4 million ; le bénéfice est donc, une fois soustraite la masse de Carthagène et les 20 % de frais et de dixième, de 1 million pour le roi comme cinquième, de 4 pour les intéressés, soit près de 300 %. C’est un réel succès sur le plan financier mais avec la fraude, l’ensemble du butin a pu s’élever à 24 millions, c’est-à-dire trois fois plus21 ! Le décollage économique de Saint-Domingue est clairement lié aux opérations de pillage de 1694 à la Jamaïque et de 1697 à Carthagène22. Ces « gros coups » comparables au retour des vaisseaux de la mer du Sud sont, localement, de véritables bouffées d’oxygène.
Les précieux convois
14Une autre dimension de la guerre navale porte sur les convois, ce qui aboutira naturellement à aborder les colonies. Roi de guerre ? Roi de gloire ? Sur mer, Louis XIV a bien plus récompensé ceux qui savaient épargner ses vaisseaux, assurer le ravitaillement des populations en métropole ou maintenir un indispensable lien avec les colonies outre-mer que quoi que ce soit d’autre. Jean Bart reçoit la croix de Saint-Louis pour avoir ramené un convoi de blé depuis Christiansand en février 1694. Il est anobli quelques mois après pour avoir escorté les 120 voiles d’un convoi de Norvège, ramené et repris sur les Néerlandais. En 1710, le sacrifice de Cassard avec l’Éclatant en rade de Bizerte et le retour d’un important convoi de blé à Marseille valent à leur auteur nantais une entrée dans la marine du roi avec des promotions qui récompensent ses prises de mer, mais aussi l’escorte réussie de plusieurs convois vers le Levant. Du Casse, dont l’ascension est la plus singulière sous l’Ancien Régime, devient amiral à la suite du convoiement de trois flottes, dont la première permet la mise en défense de l’Amérique espagnole en 1702 et les deux autres le retour en Espagne d’une importante quantité de métal précieux. Lieutenant général des armées navales du roi de France, amiral des mers océanes du roi d’Espagne, chevalier de la toison d’or et commandeur de la croix de Saint-Louis, le Gascon est remercié non pas pour s’être battu héroïquement (ce qu’il a fait à Santa Marta et à Velez-Malaga), mais pour être passé entre les filets ennemis. Il est notable que l’escorte donnée aux convois, voire la transformation de vaisseaux de guerre en marchands, ce qui se produit en 1710 après le terrible hiver, soit le résultat d’une mutation efficace de vaisseaux prêtés sur ordre du ministre. Les vaisseaux destinés à la course s’adaptent bien plus facilement à leur nouvelle mission qu’un vaisseau de 1er rang. Le roi offre aux particuliers un outil solide, susceptible de « pêcher au gros » tout en restant modulable. Prédateur, il se fait aisément escorteur. La communication est vitale : même avec un débit très ralenti, les deux conflits n’ont pas permis aux Alliés de l’interrompre.
Les colonies d’Amérique : les limites de l’expansion et la gestion du dénuement
15La monarchie louis-quatorzienne a fait montre de beaucoup d’ambition sous le ministère des Colbert à l’égard de ses colonies américaines. Mais elle se révèle incapable, une fois la voie de l’expansion ouverte, d’assurer un approvisionnement efficace. Elle se révèle tout autant incapable d’épauler efficacement lesdites colonies du point de vue militaire, qu’il s’agisse de contingents de troupes ou simplement de l’envoi de vaisseaux de guerre susceptibles d’assurer un périmètre de défense suffisamment dissuasif. Au mieux est-il possible de parler d’un service minimum de la part de Versailles, service souvent paralysé pour cause de conflit, laissant nos possessions du bout du monde livrées à elles-mêmes. Richelieu a rêvé d’un empire colonial, de l’Acadie et de la Nouvelle-France à Saint-Christophe, puis à la Martinique et la Guadeloupe. Colbert concrétise ce rêve ; il est le vrai fondateur du premier empire colonial français. Cette réalisation s’accompagne de bien des tâtonnements, de bien des hésitations, de bien des retards. Les erreurs et les confusions du ministre concernent certes bien plus le théâtre de l’océan Indien. Peut-on en même temps conquérir Madagascar et s’établir en Inde et en Indonésie : choix cornélien qui aboutit à l’abandon de la Grande Île après des milliers de morts, au repli progressif sur les Mascareignes et à l’abandon de toute vue sur l’Indonésie compensé par une politique siamoise vouée à l’échec. L’Amérique est, semble-t-il, plus intelligemment gérée, en dehors d’un blocage religieux au Canada dont ne s’embarrassent pas nos voisins. Les escadres, telles celles envoyées sous le commandement de d’Estrées à la fin de la guerre de Hollande (dix vaisseaux en 1676, onze en 1677), ont eu pour objet de poser les bases d’une occupation française durable et de réduire l’influence des rouliers des mers voués à la haine tenace de la « Couleuvre ».
16Il est vrai que la volonté d’anéantir la puissance des « marchands de fromages » n’a sans doute pas été judicieuse. Ils ont souvent été les seuls à être en mesure d’assurer le ravitaillement si précieux et combler par là les défaillances françaises au point que des colonies comme la Tortue ont survécu grâce à l’interlope batave plus qu’au commerce métropolitain. Cette volonté, qui devient une obsession, intervient-elle en opposition à la politique de l’armée de Terre s’intéressant bien plus à l’Espagne ? S’agit-il d’une singularité, d’une façon de se démarquer ? Les États Généraux sont frappés en Afrique, à Tabago et en Guyane durant la guerre de Hollande, puis au Surinam au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, montrant par là un Seignelay fidèle aux préceptes de son père. Et c’est le principal problème qui fragilise les fondations. Les Anglais, vaincus en 1667, ont évincé les Néerlandais d’Amérique du Nord au traité de Bréda. L’Amérique anglaise avec ses douze colonies se peuple rapidement, offrant à sa métropole des richesses que celle-ci saura défendre : tabac, bois, fourrures, en attendant le riz et l’indigo. Si les Néerlandais, vainqueurs de la Deuxième guerre anglo-hollandaise, ont unifié le Surinam et l’Essequibo, cela ne représente pas un danger majeur pour la France. Rien qui se compare à la prise de la Jamaïque en 1655, puis aux grignotages encore discrets en baie de Campêche ou au Bélize. Il est facile de montrer du doigt la puissance commerciale des Provinces-Unies qui repose bien peu sur le plancher des vaches : seule l’île de Curassol (Curaçao) offre les entrepôts indispensables à la vente des esclaves africains et des autres denrées dont ont besoin les colons espagnols. Le reste, l’opulente marine marchande, est à la merci des actes de navigation que savent parfaitement manier les Britanniques.
17D’ailleurs, très vite, les colons français savent pouvoir s’approvisionner à moindre coût au Port Royal de la Jamaïque ou à Boston ; les flibustiers n’hésitent pas à se rendre à Charleston ou New York. Le principal ennemi de Louis XIV est son cousin, Charles II d’Angleterre, mais personne à Versailles ne semble s’en rendre compte. En tout cas, la politique coloniale telle qu’elle apparaît dans la seconde moitié du règne, celle des Pontchartrain, conserve d’emblée les mêmes caractéristiques, ce qui lui vaut un jugement sévère mais juste de Pierre Pluchon : cet empire « est en grande partie inoccupé et contesté sur le plan juridique […]. Cet état de choses générateur de périls n’en souligne que davantage l’inconsistance de la politique coloniale de Louis XIV, qui ne résout jamais les trois problèmes cruciaux de l’immigration, de la protection navale et de l’approvisionnement maritime23 ». Les difficultés financières, alourdies par la durée des deux derniers conflits du règne, rendent plus visible encore cet état de dénuement. L’aspect défensif, avec l’envoi de troupes et les fortifications, tout comme l’aspect offensif, avec les armements d’escadres, seront ici privilégiés.
La défense des colonies : soldats et fortifications
18Le peuplement est un facteur de première importance pour les autorités coloniales ; il est particulièrement défaillant en Nouvelle-France. Comme le montre Boris Lesueur, la descente dans le Saint-Laurent menée par Sir Hovenden Walker en 1711 réunit 5300 soldats et 6000 marins. Au même moment, Francis Nicholson tente une percée par le lac Champlain à la tête de 2300 hommes24. L’ensemble de la population canadienne n’atteint pas 20000 colons à ce moment-là (la seule ville de Boston au Massachusetts n’est, elle, plus très loin de 10000 habitants pour 2600 à Montréal, la plus grande ville française d’Amérique). En mai 1695, lorsque les Alliés s’apprêtent à ruiner les quartiers du Nord de Saint-Domingue, le commandant Wilmot, avec quatre vaisseaux, deux frégates et deux brûlots, transporte un régiment de 1200 hommes, utilise largement à terre ses 1300 marins sans oublier le corps espagnol de 1600 lanciers. La population blanche domingoise ne dépasse pas 5000 âmes sur un territoire plus grand que l’actuelle Belgique25. Ces deux exemples pour souligner à quel point, dans ces temps encore pionniers, les déséquilibres demeurent préoccupants : celui entre les Français et leurs ennemis (surtout durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg) ; celui entre les hommes et les femmes (ce qui limite les mariages et donc les naissances). Les colonies doivent en gros assurer leur défense avec des moyens de secours dispensés avec parcimonie, mais au vrai ce n’est pas la soldatesque qui prime. De 1692 à 1698, Lionel Groulx rappelle que Louis XIV fait passer au Canada 1244 soldats26. C’est le « recrutement socioprofessionnel » de très loin le plus considérable27. Quel en est le bénéfice ? Il faut parfois mentir aux hommes quant à leur destination, tant le Canada a mauvaise réputation. Combien survivent ? Parmi ceux-là, combien font souche ? Daniel Hickey insiste sur le va-et-vient permanent des hommes et bien des soldats regagnent la France à la première occasion28. Les autres ne sont pas immédiatement opérationnels. Lorsque la première compagnie franche de la marine est débarquée à Saint-Domingue en 1687 (seulement !), des 50 hommes censés la composer, un est mort en mer, dix décèdent rapidement de maladie, six désertent et passent dans la partie espagnole menés par leur sergent, qui, lui, est rattrapé et exécuté29. La qualité des recrues, y compris des officiers qui les commandent, est une réelle servitude pour les gouverneurs. De l’obligation pour les recruteurs d’atteindre un quota sans réelle vérification résulte l’envoi de contingents souvent au-dessous de l’acceptable, surtout en temps de guerre. En 1696, la compagnie de La Rochebernière destinée à Saint-Domingue se compose de 34 hommes levés par ce capitaine. Le sieur de Menestrel, lieutenant, en recrute dix avant de se faire porter pâle. Six anciens soldats sont promus directement sergents et caporaux, malgré leur inexpérience. Les recrues sont enfermées sur l’île d’Oléron et embarquées sans préparation. Cette compagnie est par la suite décimée par la fièvre à son arrivée au Petit-Goave : capitaine, lieutenant, sergent, caporaux et 30 soldats meurent30. Le « mal du pays » oblige Du Casse à disperser la compagnie affectée à Léogane sur les habitations, à peine de disparaître elle aussi.
« J’ai connu, écrit-il au ministre, qu’ils étaient très mauvais, la grande moitié ayant été faite de gueux sous les halles ; on les a envoyés avec la seule chemise qu’ils avaient sur le corps, et les seuls souliers qu’ils portaient. Toute l’intempérance du climat et de la saison, le propre naturel joint à leur misère, les rendent presque tous inutiles. De la maladie, il en meurt journellement et en apparence, cela continuera pendant la rigueur de l’été31. »
19Même avec de la bonne volonté, ces envois de soldats ne renforcent pas vraiment le potentiel militaire des colonies. Quand bien même les compagnies franches de la marine passent de 10 à 35 aux Îles entre 1688 et 1700, que valent les trois compagnies du Fort-Royal de la Martinique et celle de Saint-Pierre face aux quatre compagnies de cavalerie, aux 29 d’infanterie et à la compagnie des gardes du gouverneur de Blénac au début de la guerre de la Ligue d’Augsbourg ? Le constat est identique pour le Canada. Des 35 compagnies réglées au début de la guerre en 1688, ne survivent que 769 soldats en 1697, de quoi en former quinze ou seize. Champigny reproche à Frontenac d’utiliser la soldatesque pour les travaux des champs tandis que les milices font la guerre, mais l’intendant avoue que les habitants « valent incomparablement mieux pour la guerre, les voyages et pour les autres fatigues » que la troupe. La Hontan se fait l’écho de cette étrange situation dès son arrivée en Nouvelle-France :
« L’habitant qui ne fournit simplement que l’ustensile à son soldat, l’emploie ordinairement à couper du bois, à déraciner les souches, à défricher les terres ou à battre du blé dans les granges durant tout ce temps-là, moyennant 10 sols par jour outre sa nourriture32. »
20La centaine de soldats débarquée à Saint-Domingue après les naufrages de l’escadre de d’Estrées aux îles d’Aves survit dans les mêmes conditions. Dans ce vaste mouvement des « trente-six mois » étudié par Gabriel Debien, les soldats ne sont au final que des engagés comme les autres, recrutés par l’État sans formalité aucune, et dont le seul intérêt, s’ils survivent, est de les marier, de leur donner une terre. En Mauricie au Québec, les « onze premiers propriétaires sont des militaires venus de France33 ». Il s’agit encore de les bloquer dans les colonies pour les incorporer aux milices, ayant enfin appris à se battre selon les lois du pays (guérilla au Canada, flibuste aux Antilles). Les milices opposent à l’ennemi une défense bien plus efficace. Que vaut une recrue face à un boucanier ou un coureur des bois ? Les « hommes portant l’arme » protègent leur colonie mieux que n’importe quelle armée métropolitaine. Le premier empire colonial français, dans son expansion louis-quatorzienne, repose bien peu sur la chose militaire. C’est sans doute ce qui a sauvé les colonies en même temps que leur misère était un levier puissant pour décourager l’ennemi tout en favorisant l’esprit offensif d’un colon moribond qui s’attache à butiner chaque fois qu’il est possible. Qu’un ou deux vaisseaux de guerre se présentent aux Antilles et une descente est organisée, en représailles et pour le larcin. Les Habitants, qui louent leurs esclaves à l’occasion et qui se vêtent de leur semblant d’uniforme de milice, emboîtent le pas aux frères de la côte, eux-mêmes en affaire avec les autorités et les colons. Au Canada, les Indiens sont de précieux auxiliaires qui autorisent par leur connaissance du terrain le pillage de bourgs de la Nouvelle-Angleterre. Les plus belles rapines sont le résultat d’opérations où l’élément métropolitain est réduit au minimum.
21Bien loin des champs de bataille européens, ces combattants oubliés savent, en plus de la prédation, tirer leur intérêt à eux. La milice est la première source d’anoblissement à la Martinique34. À Saint-Domingue, le conseil souverain créé en 1685 reste essentiellement un lieu de réunion d’anciens flibustiers. La monarchie a marchandé, laissé faire, demeurant fort chiche. Les Pontchartrain s’étaient sans doute convaincus qu’il était vain d’envoyer des troupes, le coût en argent et en vies humaines étant trop lourd. La relative pauvreté des colonies, surtout si l’on compare les planteurs les plus aisés avec leurs homologues britanniques, laisse encore la place à une louable agressivité en même temps que la perte de son bien, de peu de valeur, est moins sensible. La situation évolue à la fin du règne. Les colonies s’enrichissent, les esclaves se font plus nombreux aux Antilles, les colons entrent dans un siècle où le goût pour les descentes se fait de moins en moins sentir. L’apport de l’armée lors des conflits devient alors crucial : les colonies attendent de l’État royal qu’il les protège. En 1713, 56 compagnies sont entretenues outre-mer et c’est paradoxalement durant la longue période de paix qui commence avec la Régence que les effectifs coloniaux sont réellement augmentés.
22Il en va des fortifications comme il en va des troupes. Le ministre renâcle à assurer des travaux d’un coût exorbitant d’autant plus qu’il faut transporter outre-Atlantique la plus grande partie des fournitures : ferrements, affûts, canons, munitions de guerre, armes, pierres, bois, ardoises, outils qui s’ajoutent aux munitions de bouche des compagnies franches et aux ouvriers toujours difficiles à trouver. De façon générale, le ravitaillement n’est plus assuré de façon régulière par temps de guerre et le contrat passé avec un munitionnaire en 1692 pour armer trois flûtes chaque année à destination des Antilles, c’est-à-dire les colonies les plus dépendantes de l’approvisionnement, est défaillant, trop onéreux et rend quasi obligatoire le commerce interdit. Ce ravitaillement devient même épisodique pour la jeune Louisiane qui demeure plusieurs années sans voir aucun transport royal. La correspondance, du Canada aux Antilles, est emplie des plaintes des gouverneurs et des intendants. Les réponses du ministre ne manquent pas de saveur et consistent souvent à montrer comment restreindre l’indispensable ou, mieux, comment s’en passer.
« Une grande place, écrit Louis de Pontchartrain au gouverneur Du Casse, devient une occasion de péril dans les circonstances de votre situation, du nombre des hommes que vous avez de soldats et de milice, et par rapport aux ennemis qui pourraient vous attaquer, vous défendriez mieux une petite place contre des forces maritimes et à l’égard des Espagnols de l’île, pour peu que vous ayez à vous mettre à couvert, ils ne peuvent pas être en état de faire un siège en venant par terre. Sa Majesté qui m’a ordonné de vous proposer ces considérations, veut que vous les examiniez avec toute l’attention possible pour lui rendre compte de votre sentiment et des raisons que vous avez à y opposer, même que vous vous réduisiez à ces principes si vous trouviez qu’on le puisse faire sans hasarder de plus grands inconvénients35 ».
23Pour retarder l’ennemi aux colonies, les retranchements, quelques redoutes et des maisons fortifiées pallient l’absence de forts convenablement munis en canons, troupes et munitions36. À la fin de la guerre de la Ligue d’Augsbourg, les fortifications du Cap et du Port-de-Paix au Nord de Saint-Domingue ont été détruites en 1695, et dans les quartiers du Centre (Ester, Cul-de-Sac, Léogane, Petit-Goave et Cul-de-Sac) seules des batteries consolidées sont signalées. La description du baron de La Hontan concernant le Canada est assez pathétique37. Québec manque de deux choses essentielles, un quai et des fortifications. Trois-Rivières est « une bicoque fortifiée ni de pieux ni de pierre » et Montréal ou Ville-Marie est « une ville ouverte sans aucune fortification de pieux ni de pierre ». Là encore, la construction d’un système défensif sera l’œuvre du siècle suivant, accompagnant le développement urbain.
La marine du roi aux colonies : entre privatisation des moyens et vide sanitaire
24Cela a été dit, la dernière escadre digne de ce nom à faire voile vers l’Amérique est celle de d’Estrées en 1678. Malheureusement, après avoir repris les établissements sénégalais et Tabago aux Néerlandais, le naufrage des îles d’Aves clôt cette période de façon bien dramatique. Il est significatif que la marine du roi sacrifie aux Antilles 9 vaisseaux durant la guerre de Hollande et seulement 8 durant les deux derniers conflits louis-quatorziens (respectivement 7 et 21 ans). D’ailleurs, sur ces 8 bâtiments, seul un relève d’un armement d’État, les autres étant armés par des particuliers ou loués à l’Espagne ou à la Compagnie de l’Asiento. L’impression qui domine est que la volonté de Seignelay et des Pontchartrain est de ne rien risquer. À tourner les pages du tome VI de l’Histoire de la Marine française de La Roncière, rien qui ressemble à une opération concertée d’envergure, hors peut-être l’escadre du marquis de Nesmond, mieux inspiré lorsqu’il était corsaire. Cette dernière comporte pourtant 11 vaisseaux de Brest et 5 de Rochefort pour s’emparer de Boston et New York, puis détruire l’escadre de Norris devant St John’s. Le retard pris ainsi que la mise en défense de l’escadre britannique font que cette campagne, de mai à septembre 1697, prend des allures de promenade, n’aboutit à aucun résultat, mais l’escadre rentre intacte. À n’envoyer presque rien, l’on perd vraiment très peu. Les éléments expédiés aux Antilles et en Nouvelle-France sont disparates, souvent en mauvais état. Plusieurs vaisseaux ont montré leur utilité, mais il ne s’agit que d’apports autorisant les gouverneurs à profiter d’opportunités. Ces mêmes vaisseaux sont souvent un poids supplémentaire pour les colonies, insuffisamment avitaillés, les équipages malades, nécessitant des réparations :
« Il est désagréable, écrit Du Casse, que les officiers du port de Rochefort envoient des vaisseaux incapables pour de tels voyages. Il y a du hasard, insiste-t-il en évoquant le retour du Hasardeux qui n’a pu débouquer, que cet équipage n’ait pas péri38. »
25Ces plaintes sont récurrentes dans la correspondance coloniale, en même temps que le peu de soin pris pour répondre aux besoins réels.
26Autre point, les vaisseaux envoyés par deux ou trois n’ont jamais de corps de débarquement. Pour prétendre réussir une opération amphibie, il faut obligatoirement un appoint constitué des navires de commerce réquisitionnés pour l’occasion et d’embarcations locales ou de bâtiments flibustiers. De bric et de broc, la chose fonctionne. En 1691, lorsque le gouverneur général des Îles vole au secours de la Guadeloupe, c’est avec trois vaisseaux du roi (36 à 44 canons) prévus pour se rendre à Saint-Domingue, le Mignon de 40 canons et 4 marchands armés en guerre avec 4 compagnies de milice et des flibustiers. Lorsque Du Casse attaque la Jamaïque trois ans plus tard, la descente s’effectue grâce à la présence de trois vaisseaux du roi (de 44 à 52 canons), une flûte et une corvette. Se greffent cinq marchands venus de métropole et les esquifs domingois. Il est vrai que pour déménager le matériel de sucrerie démonté sur place, ce mode de transport autorise plusieurs allers et retours et est plus discret. Lorsque Iberville et son frère Sérigny s’emparent des établissements anglais de la baie d’Hudson en 1694, les moyens procurés par Versailles ne consistent qu’en deux frégates (le Poli et la Salamandre). C’est parce que le Cid canadien recrute 110 hommes à Québec que le coup de main est un succès, très temporaire : les Britanniques reviennent, ils reviennent toujours, plus nombreux. Il est loisible de multiplier les exemples, la conclusion va toujours à une « guerre de l’économie ».
27Il est pourtant plusieurs situations où des escadres d’un format plus conséquent ont été armées à Rochefort ou à Brest. Du Casse commande cinq frégates en 1689 et s’empare de la colonie guyanaise de l’Essequibo pour la rançonner. En 1697, Iberville, intéressé financièrement dans l’affaire, reçoit du roi trois vaisseaux pour attaquer Terre-Neuve : 36 établissements ennemis sont détruits et les Anglais ne sont plus, en mars, présents que sur Bonavista et Carbonear. Norris reprend le contrôle de l’île probablement après qu’Iberville a pu ramener 200000 quintaux de morue. Le baron de Pointis quitte Brest également en 1697 avec 10 vaisseaux. Carthagène des Indes, avec l’aide des colons, des flibustiers et des Noirs de Saint-Domingue, tombe. Le pillage perpétré laisse la cité exsangue. La guerre de Succession d’Espagne ne modifie pas cette stratégie. Les escadres de Coëtlogon (10 vaisseaux) et de Châteaurenault (34), ne vont aux Antilles que pour convoyer la flotte de l’argent. La Jamaïque n’est pas même attaquée, pas plus que la Barbade. Les trois voyages de Du Casse servent à protéger les places espagnoles pour le premier, escorter la flotte de la Vera Cruz pour le deuxième et embarquer directement sur les vaisseaux du roi l’argent du roi d’Espagne à Carthagène pour le troisième. Iberville et Chavagnac, à la tête de leurs dix vaisseaux et frégates, se saisissent de Saint-Christophe et de Nevis avec à la clé des dizaines de prises de mer, des centaines d’esclaves capturés. S’en prenant cette fois aux Portugais, après l’échec et l’assassinat de Duclerc en 1710, Duguay-Trouin remporte la mise et venge son camarade l’année suivante avec la prise de Rio. Cette fois encore le butin est considérable. Juste avant Utrecht, Cassard mène aux Antilles une campagne autant glorieuse que ruineuse, pillant ou rançonnant San Yago au Cap-Vert, Montserrat aux Îles-sous-le-Vent, Paramaribo en Guyane néerlandaise et Willemstadt à Curaçao.
28Deux points communs à l’ensemble de ces pages glorieuses écrites de belle manière par la marine du roi. D’abord les vaisseaux sont loués à des particuliers (voire au roi en personne comme particulier), ou aux Espagnols qui remboursent à la France en monnaie sonnante et trébuchante les frais d’armement. Ensuite rien n’est conservé : le pillage s’avère être le seul motif auquel s’ajoute l’effroi porté à des colonies ennemies, de quoi escompter un fléchissement dans la volonté de certaines chancelleries de poursuivre la guerre. Ces entreprises ne recèlent aucune volonté de conquête, aucune projection, pas la moindre ambition. Du Casse a beau s’emporter violemment, Pointis laisse Carthagène sans regret une fois la ville vidée de ses richesses, églises comprises. Plus tard, Duguay-Trouin comme Cassard se préoccuperont surtout de voir avec Du Casse comment écouler les esclaves capturés auprès des Espagnols par le biais des facteurs de la Compagnie de l’Asiento. Nul ne songe à conserver Rio de Janeiro, Paramaribo ou Willemstadt.
29Parcimonie dans les moyens dispensés, le plus possible privatisés, profit pour les intentions. Les colonies coûtent à l’État, le Canada particulièrement, insistent pesamment les ministres. Faut-il préférer la rentabilité à l’expansion ? Du moins l’autofinancement est recherché : à Saint-Domingue, les six compagnies franches de 1696 sont levées grâce à une taxe imposée directement dans la colonie sur l’indigo. La situation du royaume explique cette retenue. Mais ces considérations seules ne reflètent pas l’exacte situation pour des confins qui sont avant tout l’empire des moustiques et des microbes, où l’on parle avant tout de fièvre jaune ou vomito negro, de scorbut, de dysenterie ou d’ouragans. De quoi décourager bien des projets pour qui est lucide39. Ce troisième joueur, le climat, fait fi de toutes les combinaisons savantes et oblige à rebattre les cartes à tout moment. Lorsque Du Casse prend son gouvernement à Saint-Domingue, il s’arrête quelque temps à la Martinique pour croiser l’escadre de Duquesne-Guitton revenant richement chargée des Indes orientales, mais portant également la fièvre jaune. Rien ne peut empêcher la propagation de l’épidémie à bord. On signale la perte de 600 hommes parmi les équipages de Duquesne. Sur la route menant le gouverneur à la Grande Île, alors que 115 hommes sont morts avant l’appareillage, 42 marins sont jetés à la mer et les 12 laissés à l’hôpital sont tous morts. « Monseigneur, écrit le Gascon, je puis vous assurer qu’il n’y a pas à la mer un vaisseau plus propre ni où l’on ait plus de soin à l’équipage. Toute l’habileté des chirurgiens ne convient en rien à cette maladie ». D’ailleurs tous les chirurgiens sont décédés. En tout 250 hommes meurent des équipages pourtant reconstitués à la Martinique. Ce cas ne concerne que trois vaisseaux. On imagine l’effet produit sur une puissante escadre comme celle de l’amiral anglais John Nevill et son homologue hollandais George Mees qui, voulant empêcher la fuite des vaisseaux de Pointis à la suite de la prise de Carthagène, ne peut s’emparer que… du navire-hôpital ! Toujours le vomito negro. Le même qui emporte d’Iberville en 1706 et met fin à son expédition. Le scorbut de terre est lui très présent au Canada.
30Il faut rendre cette justice aux Alliés d’avoir mené des opérations d’envergure. Les états-majors britanniques se donnent les moyens d’atteindre des objectifs stratégiques. Mais aux problèmes de logistique se greffent la mauvaise entente et la susceptibilité liées à la dualité du commandement (opposition entre marins et troupes au sol). Les problèmes liés à l’alcoolisme, la tentation de butiner, les débarquements opérés loin des bases à prendre pour n’être pas sous le feu des canons, les marches épuisantes qui s’ensuivent, le temps qui passe et qui joue d’emblée contre l’envahisseur, les vivres qui fondent, le découragement, la nature (crues, moustiques, chaleur) : tout concourt à saigner troupes et équipages. Dans les quelques cas de réussite, ces grandes campagnes aboutissent aux mêmes résultats que leurs consœurs françaises, de bien plus petit format et avec un élément créole plus visible : pillage et rembarquement. Durant les deux conflits, les tentatives britanniques combinées par terre et par mer échouent en Nouvelle-France : Phips et Winthrop en 1690, Walker en 1711. Aux Antilles, ce sont des désastres sanitaires et souvent des fiascos retentissants. En 1690, Wright et Codrington, malgré un débarquement réussi en Guadeloupe, finissent avec 50 % de pertes sur les 3000 hommes à terre. En 1693, Wheler et Codrington s’en prennent à la Martinique. L’opération sur le papier ne peut échouer, réunissant plus de 2100 marins, 1900 soldats et 1600 colons. L’inexpérience des troupes, la méfiance à l’égard du contingent irlandais, la résistance des Français accourus des autres Antilles, la maladie se conjuguent et emportent la moitié des hommes. En 1695, Wilmot et Lillingston s’en prennent aux quartiers nord de Saint-Domingue. Mésentente entre commandants, volonté de flouer les Espagnols, progressions infernales à travers les mornes forestiers hachés par des rivières en crue, les pertes frôlent les deux tiers des troupes de débarquement avec à la clé l’obligation de recourir au press gang pour ramener en Angleterre des vaisseaux n’ayant souvent plus d’équipages et plus d’officiers (dont Wilmot). Si l’escadre du baron de Pointis, touchée par la fièvre jaune à Carthagène, perd un quart de ses effectifs, la tentative d’interception de Nevill et de Mees en 1697 vire au drame : la maladie décime les vaisseaux emportant les deux commandants. En 1703, Walker et Codrington à la Guadeloupe connaissent semblable mésaventure. L’arrivée des pluies qui s’abattent sur les 3500 hommes débarqués se conjugue aux pertes sanglantes et contraint les Anglais à lever le camp40.
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31À ce prix, les colonies tiennent bon. Il faut reconnaître qu’à l’autre bout du monde, Versailles a choisi de grands serviteurs tant pour le gouvernement que pour le commandement opérationnel : Frontenac, Le Moyne d’Iberville, Blénac et Du Casse entre autres qui, outre leurs talents, sont des coloniaux au fort caractère et ont une vision claire de la situation. Durant les deux conflits intéressant le sujet, il n’y a pas à proprement parler d’expansion hors la Louisiane. Le monde américain achève de livrer ses secrets aux Français, des Grands Lacs au golfe du Mexique : Cavelier de la Salle montre comment contourner les douze colonies anglaises par le Mississippi. C’est la seule grande acquisition, effectuée en 1698 lorsque Iberville retrouve l’embouchure du « Dieu des fleuves », le plus discrètement possible et durant la paix. La Louisiane, grand désert français qui s’étend jusqu’aux Illinois, consacre la vision que se faisait du Canada le grand Frontenac. Certes, Utrecht marque la perte de Saint-Christophe, bien peu de chose, de l’Acadie occidentale et de Terre-Neuve hors le french shore. Louisbourg qui se dresse rapidement face aux Anglais assure la protection du Saint-Laurent. Les zones de pêche à la morue se déplacent sensiblement. Rien qui soit joué : est-ce que les Anglais auraient hésité en 1748 à restituer ces territoires canadiens contre Madras si Louisbourg n’était pas tombée ? Et puis la conquête se fait aussi sur mer. Le cap Horn et l’accès à la mer du Sud sont acquis, par les flibustiers puis les Malouins : les Français comme les Anglais s’intéressent au Pacifique. La guerre de Succession d’Espagne, si elle oblige la France à porter à bout de bras son allié espagnol, lui procure en outre des opportunités lucratives. Si la compagnie de l’Asiento et son contrat de livraison des esclaves doivent baisser pavillon en 1713, l’interlope, l’un des enjeux de la Compagnie de Saint-Domingue fondée en 1698, s’est fortement développé au sein des colonies espagnoles en faveur des Français. Parallèlement, en pleine guerre, avec les moyens du bord, Saint-Domingue se prépare à devenir la « Perle des Antilles », la roulaison des sucreries ayant commencé au lendemain de Ryswick. En 1715, pas plus sur mer que dans les colonies américaines les dés ne sont jetés.
Notes de bas de page
1 Alfred T. Mahan, The Influence of Sea Power upon History 1660-1783, Boston, Little, Brown and Company, 1905, p. 195 et suiv.
2 Daniel Dessert, La Royale, Paris, Fayard, 1996, p. 78.
3 Jean-Yves Nerzic, La place des armements mixtes dans la mobilisation de l’arsenal de Brest sous les deux Pontchartrain (1688-1697 et 1702-1713), Milon-la-Chapelle, H & D, 2010, 2188 p.
4 Pour le contexte et les forces en présence, voir Olivier Chaline, « La marine de Louis XIV fut-elle adaptée à ses objectifs ? », Revue historique des armées, n° 263, 2011, p. 2-11.
5 Patrick Villiers, Marine royale, corsaires et trafic dans l’Atlantique de Louis XIV à Louis XVI, Lille, Société Dunkerquoise d’Histoire et d’Archéologie, 1991, vol. 1, p. 59.
6 Daniel Dessert, Tourville, Paris, Fayard, 2002, p. 287. Voir aussi Caroline Le Mao, « Gérer un arsenal en temps de guerre : réflexions sur le rôle des intendants de marine lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697) », Dix-septième siècle, 2011, vol. 253, n° 4, p. 695-708.
7 Philippe Hrodӗj, « Marine et diplomatie : les vaisseaux français, un outil au service du Bourbon de Madrid et de l’empire espagnol d’Amérique (1700-1713) », dans Christian Buchet (dir.), La mer, la France et l’Amérique latine, Paris, PUPS, 2006, p. 27-43.
8 Le budget de la marine, ordinairement de 10 millions de livres tournois, est multiplié par trois, dépassant même les 30 millions entre 1691 et 1693. S’il diminue par la suite, il demeure plus élevé au moment de Ryswick qu’il n’était avant la guerre : 235 millions ont en tout été alloué à la marine et aux colonies. Voir Caroline Le Mao, « Financer la Marine en période de conflit. L’exemple de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697) », Revue d’histoire maritime, n° 14, 2011, p. 285-319, la thèse récente de Benjamin Darnell, The Financial Administration of the French Navy during the War of the Spanish Succession, 1701-1710, Oxford, 2016, et du même auteur « Reconsidering the Guerre de Course under Louis XIV : Naval Policy and Strategic Downsizing in an Era of Fiscal Overextension », dans N. A. M. Rodger, J. Ross Dancy, Benjamin Darnell et Evan Wilson (dir.), Strategy and the Sea. Essays in Honour of John B. Hattendorf, Woodbridge, The Boydell Press, 2016, p. 37-48.
9 Daniel Dessert, La Royale, op. cit., p. 185.
10 Parmi les sept provinces du Nord, la Zélande avec Flessingue et Middelbourg connaît, tout comme la France, son âge d’or corsaire. Voir Jaap R. Bruijn, « Les États et leurs marines de la fin du xvie siècle à la fin du xviiie siècle », dans Philippe Contamine (dir.), Guerre et concurrence entre les États européens du xive au xviiie siècle, Paris, PUF, 1998, p. 83-121.
11 Philippe Hrodӗj, Jacques Cassard, armateur et corsaire du Roi-Soleil, Rennes, PUR, 2002, p. 144.
12 John Hely Owen, War at Sea under Queen Ann 1702-1708, Cambridge, Cambridge University Press, 1938, p. 61.
13 Patrick Villiers, Les corsaires du Littoral. Dunkerque, Calais, Boulogne de Philippe II à Louis XIV (1568-1713), Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2000, p. 211 et suiv.
14 SHD Brest, MB 1E 492, correspondance générale.
15 Jean-Yves Nerzic, Duguay-Trouin, armateur malouin, corsaire brestois, Milon-la-Chapelle, H & D, 2012, p. 371.
16 André Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo, une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, PUR, 1996, vol. 1, p. 307 sq.
17 Patrick Villiers, Les corsaires du Littoral, op. cit., p. 254 et 314. Voir aussi Gilbert Buti et Philippe Hrodӗj (dir.), Dictionnaire des Corsaires et des Pirates, Paris, CNRS, 2013, notices des ports de la façade atlantique.
18 John Selwyn Bromley, « Les équipages des corsaires sous Louis XIV, 1688-1713 », dans Alain Lottin et alii (dir.), Les hommes et la mer dans l’Europe du Nord Ouest, de l’Antiquité à nos jours, Revue du Nord, vol. 1, HS, 1986, p. 303-322.
19 Michel Aumont, Les corsaires de Granville, une culture du risque maritime (1688-1815), Rennes, PUR, 2013, p. 333.
20 Voir à ce sujet Jacques Péret, Les corsaires de l’Atlantique de Louis XIV à Napoléon, La Crèche, Geste éditions, chap. 9, p. 277.
21 Philippe Hrodӗj, L’amiral Du Casse, l’élévation d’un Gascon sous Louis XIV, Paris, Librairie de l’Inde, 1999, vol. 1, p. 224.
22 Philippe Hrodӗj, « Et le sucre fut : l’apparition de l’or blanc à Saint-Domingue à la fin du xviie siècle », Actes du colloque Techniques et colonies, Paris, SFHM, 2005, p. 202-223.
23 Pierre Pluchon, Histoire de la colonisation française, Paris, Fayard, 1991, p. 93.
24 Boris Lesueur, Les troupes coloniales d’Ancien Régime, Fidelitate per Mare et Terras, Paris, SPM Kronos, 2014, p. 277.
25 Philippe Hrodӗj, L’amiral Du Casse, op. cit., p. 172.
26 Lionel Groulx, Histoire du Canada français depuis la découverte, t. 1 : Le Régime français, Montréal, FIDES, 1976, p. 140.
27 Gilles Havard et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française, Paris, Flammarion, 2003, p. 147.
28 Daniel Hickey, « Partir en Amérique française aux xviie et xviiie siècles : un bilan historiographique des processus et mécanismes de colonisation », dans André Lagord (dir.), L’Acadie plurielle, Dynamiques identitaires collectives et développement au sein des réalités acadiennes, Centre d’études acadiennes, université de Moncton, 2003, p. 29-41.
29 Philippe Hrodӗj, « L’établissement laborieux du pouvoir royal à Saint-Domingue au temps des premiers gouverneurs », dans Gérard Le Bouëdec et François Chappé (dir), Pouvoirs et littoraux du xve au xxe siècle, Rennes, PUR, 2000, p. 157-169.
30 Philippe Hrodӗj, « Les premiers colons de l’ancienne Haïti et leurs attaches en métropole à l’aube des premiers établissements (1650-1700) », Les Cahiers de Framespa [en ligne], 9/2012.
31 ANOM, Col. C9a 3, Du Casse à Pontchartrain, lettre du 8 juin 1696.
32 Louis Armand de Lom d’Arce baron de La Hontan, Mémoires de l’Amérique septentrionale ou la suite des voyages de M. le baron de Lahontan, La Haye, frères l’Honoré, 1703, t. II, p. 27.
33 René Hardy et Normand Seguin (dir.), Histoire de la Mauricie, Sainte-Foy, IQRC, 2004, p. 60.
34 Léo Elisabeth, La société martiniquaise aux xviie et xviiie siècles, Paris, Karthala, 2003, p. 58.
35 ANOM, Colonies B14, lettre du 29 juillet 1693.
36 Philippe Hrodӗj, « Défense statique et défense dynamique, le cas de Saint-Domingue dans la seconde moitié du xviie siècle », dans David Plouviez (dir.), Défense et colonies dans le monde atlantique xve-xxe siècle, Rennes, PUR, 2014, p. 41-54.
37 La Hontan, op. cit., t. 1, lettres III et IV.
38 ANOM, Colonies C9a 3, lettre à Pontchartrain de Port-de-Paix le 1er octobre 1694.
39 Voir, en généralisant ce sujet, John R. Mcneill, Mosquito Empires. Ecology and War in the Greater Caribbean, 1620-1914, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.
40 Christian Buchet, La lutte pour l’espace caraïbe et la façade atlantique de l’Amérique centrale et du Sud (1672-1763), Paris, Librairie de l’Inde, 1991.
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Les dernières guerres de Louis XIV
Ce livre est cité par
- Sussman, Sarah. (2018) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 41. DOI: 10.1215/00161071-6953743
Les dernières guerres de Louis XIV
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