Chapitre VII. L’histoire du roi
p. 169-250
Texte intégral
1Depuis la fin du xvie siècle, bien des thèses ont été dédiées aux rois de France. Six au moins le furent à Henri IV entre 1593 et 1611, la dernière étant posthume1, une quinzaine à Louis XIII, la plupart entre 1620 et 16422. Mais il faut attendre le règne de Louis XIV pour que cette pratique prenne toute son importance, puisqu’il apparaît plus de cent trente-six fois au frontispice de leurs travaux.
De la naissance au règne personnel (1638-1660)
2Les thèses concernant le roi entre 1638 et 1660 se répartissent en deux périodes. La première (1638-1645) est celle de sa prime jeunesse et de son avènement au trône : quatre compositions, dont Louis XIII ou Anne d’Autriche étaient les dédicataires, montrent le Dauphin nouveau-né dans ses langes entre 1638 et 1643, et six sont dédiées au jeune roi entre 1643 et 1645. Les troubles des années 1645-1650 interrompent les dédicaces ; la deuxième période (1650-1660) voit la soutenance de dix-sept thèses, dont six après 1659, une fois la paix intérieure revenue. En tout, pas moins de vingt-sept thèses de sa naissance au début de son règne personnel.
Les premières années (1638-1645)
La naissance
3La première apparition de Louis XIV sur une thèse date de sa naissance, le 5 septembre 1638. Exécutée sur un dessin de Charles Le Brun, peut-être à l’instigation du chancelier Séguier son protecteur, la gravure n’est plus connue que par une description de Guillet de Saint-Georges, qui indique qu’en 1638, pour célébrer la naissance du roi, Le Brun fit un grand dessin montrant « la Providence qui rapporte du ciel un enfant nouveau-né, et venait [le] présenter au Roi Louis XIII » qui précise-t-il, « fut regardé d’un bon œil à la cour, et la ville n’en fut pas moins satisfaite ». Preuve du succès de sa composition, Charles Le Brun (1619-1690), dont c’était la première illustration de thèse, fut chargé d’un autre dessin destiné à orner un exercice académique, probablement en livret, édité par Alexandre Boudan où Louis XIII en Mars, assis sur des nuages, tient sur ses genoux le Dauphin revêtu du camail d’hermine et des ordres royaux, à qui Vénus rend hommage tandis que les sept planètes et les quatre éléments se rangent sous sa loi : « Nous avons forgé pour toi », s’écrie Vulcain tenant son marteau, « et pour toi milite l’air », proclame Isis (cat. 2)3.
Figure 56. – Pierre Daret d’après Simon Vouet, Tèse d’Alexandre Courtois, 1639.

4L’atelier de Simon Vouet (1590-1649), dont Le Brun faisait partie, fut sollicité à plusieurs reprises pour représenter cet événement tant attendu. Alexandre Courtois, valet de chambre et garde des cabinets du roi et de la reine, qui demeurait aux galeries du Louvre, demanda à Vouet, sans doute en sa qualité de premier peintre du roi, de dessiner un frontispice pour la thèse de philosophie que son fils devait soutenir le 31 juillet 1639 (cat. 3). Secondé par Le Brun, Vouet4 composa une allégorie, gravée par Daret, montrant Anne d’Autriche assise sur les nuées, au-dessus du château de Saint-Germain, lieu de naissance du Dauphin. Entourée de Minerve et des Grâces, la reine remet le nouveau-né à la France en présence de la Paix et de l’Abondance « fruits de cette heureuse naissance5 » (fig. 56).
5En 1640, l’image anonyme (cat. 5) de la thèse de philosophie de Louis Tronson, dédiée à Saint Louis, montre de part et d’autre de l’impétrant, à gauche le roi Louis XIII à cheval et à droite le Dauphin vêtu d’une dalmatique fleurdelisée et d’un camail d’hermine, croix du Saint-Esprit autour du cou, dans les bras de sa mère, entouré de la Foi, la Justice et la Prudence. Dans une autre thèse, connue seulement par un dessin attribué à Albert Flamen (1620-1674), porteur des instruments royaux, âgé de deux ou trois ans, il est assis sur un pavois, tenu par le roi et la reine, au-dessus d’un autel couvert d’un drap orné de lys, devant la Justice, la Vérité et la Religion. Deux angelots déposent sur sa tête une couronne (cat. 4).
6Toutes ces images participent à la glorification du pouvoir, mais contrairement à ce qu’indique Peter Burke6, Louis XIV n’y est pas montré comme les autres enfants, avec les langes d’un bébé ou la robe alors portée pour les garçons de moins de sept ans. Dès sa naissance, il porte le manteau royal, orné de fleurs de lys d’or, il a au cou le collier du Saint-Esprit et tient le sceptre et la main de justice. Lorsqu’il apparaît sans les insignes du pouvoir, il est nu comme l’Enfant Jésus dans la crèche ou les dieux et héros de l’Antiquité, ce qui souligne ainsi le caractère miraculeux de sa naissance. La présence de la Providence, de la France, de la Paix et de l’Abondance montre que Dieu veille sur lui. La longue attente de sa naissance justifie cette présentation, qui n’a pas d’équivalent pour Louis XIII7 et cette iconographie apparaît aussi dans les almanachs, dont les illustrations en bandeaux8 se distinguent alors de celles des thèses par leurs proportions plus réduites.
Figure 57. – Michel Lasne, Tèse supposée de Maximilien-Léonor de Béthune, v. 1643.

Le nouveau roi (1643-1645)
7Si dans les illustrations précédentes Louis apparaissait comme incarnation de l’État, couronné et porteur des ordres royaux, une composition inventée et gravée par Michel Lasne (1595-1667) le montre ensuite en simple costume civil, sans insigne du pouvoir ; c’est un enfant joufflu d’environ cinq ans, coiffé d’un bonnet orné d’une longue plume tombant sur le côté, en buste dans une couronne de laurier au centre d’un entablement ; ses armoiries, écartelé au 1 et 4 de France, au 2 et 3, d’or au dauphin d’azur, et la présence de dauphins datent la soutenance d’avant la mort de Louis XIII, survenue le 14 mai 1643 (cat. 8, fig. 57).
8Le futur Louis XIV apparaît également dans deux thèses dédiées à son père. Gravée aussi par Lasne et soutenue le 11 février 1641, la tentative en Sorbonne de Louis de Saint-Amour (cat. 6), fils d’un ancien cocher et valet de chambre de Louis XIII, montre le roi en Mars entre la Fortune et la Justice ; dans l’un des cartouches qui orne l’architecture triomphale sous laquelle se déroule la scène, le Dauphin arrose un lys, seule plante fleurie du parterre ; d’autres cartouches montrent le roi attendant avec ferveur la naissance d’un fils et placent l’événement sous la protection divine. Les armes de France et de Navarre surmontent l’arc, et la dédicace, entourée de deux dauphins, associe le roi à son jeune héritier.
9Dans l’autre thèse, gravée par Chauveau et soutenue en 1642 au collège des Jésuites de Rouen, victorieux de ses ennemis et de ceux de l’Église, Saint Louis prend pllace sur un char conduit au ciel par quatre femmes représentant les quatre parties de la philosophie et se retourne vers les portraits de Louis XIII, de Louis XIV et de son frère Philippe qu’amènent des angelots, pour montrer la continuité dynastique de la France (cat. 7).
10Ce n’est qu’après la mort de Louis XIII le 14 mai 1643 que les étudiants dédièrent vraiment leurs thèses à son fils aîné. Le prince de Conti avait montré la voie en lui présentant son premier exercice de philosophie en avril 1643, mais le livret mentionné par Naudé dans la bibliothèque de Mazarin n’a pas été retrouvé et l’identification de la gravure est incertaine (cat. 9). Un an plus tard, le 28 juillet 1644, il renouvela cet hommage par une autre thèse de philosophie défendue comme la précédente au collège de Clermont (cat. 12). La Gazette donne le détail de la soutenance, à laquelle Mazarin assista au nom du roi en présence du prince et de la princesse de Condé, et de « plusieurs Princes, Evesques, Chevaliers de l’Ordre, & autres personnes de condition9 ». À ce propos, Charles de Combault Auteuil (1588-1670), qui fut gouverneur du duc d’Enghien, écrit à Léon Bouthillier de Chavigny (1608-1652)10, secrétaire d’État aux Affaires étrangères :
« Je me suis rendu à cinq heures auprès de M. le cardinal. Il a été l’après dîné aux Jésuites pour la thèse de M. le Prince de Conty qui véritablement a fort bien répondu, & il y avait grande assemblée de personnes de qualité11. »
11Un livret de trente-six pages, le premier du genre pour une thèse dédiée à Louis XIV, parut à l’occasion sous le titre Le prince sçavant. À la reyne régente12. Gabriel Du Bois-Hus (1599-1655), aumônier de Gaston d’Orléans13, s’y adresse à Anne d’Autriche et célèbre l’éducation et les qualités incomparables du jeune roi, tout en soulignant ses liens de parenté avec le prince de Conti et sa famille, dont il dresse le panégyrique. Suivent des poèmes en l’honneur de plusieurs personnages éminents de la cour14, sans doute inspirés d’Il Principe studioso, nato ai servigi del serenissimo Cosmo gran principe du Toscan, dédié en 1643 par Tomaso Tomasi au cardinal Mazarin, où apparaissent de nombreux hommages à Ferdinand II de Médicis et son épouse Vittoria della Rovere.
12Célébrant à la fois le prince et le jeune roi, Du Bois-Hus déclare à la reine :
« Ce Prince [Conti] qui a rendu la Science Princesse de la Sagesse Royale en sa personne & qui donne aujourd’huy à la France un spectacle incognu aux douze siècles de cette Monarchie ; n’offre rien au Roy vostre Fils, en luy consacrant le fruict de ses Estudes que VOSTRE MAIESTÉ ne luy ayt desia donné auec la vie, ce jeune Monarque ayant recue d’elle avec son sang & ses vertus cette mesme sagesse. […] Âme venue au monde toute accomplie, apporte avecque elle une politique naturelle & une morale foncière qu’elle a tiré de son genie […] devant qu’elle luy fut offerte par les mains de son illustre cousin. »
13Il dresse ensuite le portrait du roi :
« Il est né tout instruit, l’Art ne treuue rien à faire en sa personne, il a de sa naissance ce que tous les hommes n’ont que de leur Estude, & possède desia toutes ces rares qualitez que les Souuerains n’apprennent que par pieces & auecque le secours de l’âge & des sçauans […] Cette maturité a six ans qui estonne tous les Agents des Nations & des Ambassadeurs diuers qui viennent à la cour ; cette Sérieuse grauité qui feroit croire que la Magesté est sa Gouvernante, & le mène toûjours par la main ; ces demarches augustes qu’on prendroit pour celes de la Sagesse mesme hostesse d’un Corps Royal, font aduoüer à l’Europe que les Roys de France peuvent estre jeunes, mais qu’ils ne sont jamais enfans ; qu’ils ont des Ames d’homme en de petits corps, & qu’ils sont du nombre de ses jeunes Dieux qui possedent des oracles en naissant… »
14Soulignant les qualités morales du jeune Louis XIV, prudence, douceur, et modération, Du Bois-Hus affine encore son portrait : « Il sait ce qu’on ne luy a pas encore enseigné […] il puise de luy-mesme sa prudence, sa douceur, & sa moderation, il ne doit rien encore à l’imitation ny aux preceptes, son naturel est son Precepteur domestique. » Et poursuit : « Il est luy seul, son Escolier, & son Maistre, son Original & sa Copie, sa Toile d’attente & son Peintre, son Artisan & son Ouurage, son Moule & son Pourtraict, son Architecte & son Idée, son Modele & son Chef-d’œuvre. »
15L’auteur rappelle que Louis est roi de droit divin, qu’il est fils de Louis le Juste et petit-fils de Saint Louis. Il introduit auprès de la reine le duc d’Enghien (1621-1686), frère du candidat, vainqueur de Rocroi, « le premier en Armes contre les Ennemis de vostre Regence ; Rocroy & Thionville tesmoigneront à jamais qu’il ne s’est point épargné pour l’establir solidement15 ». Il rappelle la fidélité de la maison de Condé :
« Ce Grand Génie […] n’a rien souffert d’oisif dans sa maison […] agissantes pour le bien d’un Estat dont il est le premier Prince […] il a voulu que tous les membres de sa famille fussent selon leurs forces employez de mesme que le Chef a donner au Roy des preuves de leur fidélité & des tesmoignages de leur merite16. »
16Le prince a donc destiné ses fils à l’armée et à l’Église pour le service du roi :
« C’est une assez vieille verité que iamais les Empires ne sont heureux qu’alors que la Sagesse est couronnée, que la Prudence est la Conseillère des Roys & l’Intendante de leurs affaires, que l’Esprit est leur premier Ministre d’Estat, que les Philosophes sont Roys ou princes, ou que les Roys a les Princes sont Philosophes17. »
17Il attend en retour que la régente appuie sa demande d’un titre de cardinal et la promesse d’aider le jeune prince, instruit de façon exemplaire, à monter un jour sur le trône de saint Pierre :
« LE DESTIN DE MONSEIGNEUR LE PRINCE DE CONTI […]. Rome dans luy fera nommer un noble cardinal, digne successeur d’Urbain VIII. Ton pontif et duc digne de moderer toute la terre. Cet acte public […] a fait voir a la Chrestienté, qu’il avoit autant de capacité & d’esprit que de Noblesse & de credit, pour donner un jour à Rome un souverain. »
18Gabriel Du Bois-Hus s’adresse au pape lui-même :
« AU PAPE. SONNET. […]
Regent de l’Univers, couronne ta Vieillesse,
BOURBON ce cher trésor d’esprit & de Noblesse,
Est maintenant le Chef plus digne du Chapeau.
Raisonnables Destins, à quoy songent vos veilles ?
Il n’est point aujourd’huy de Miracle plus beau,
Nos Lys doivent-ils pas succeder aux Abeilles ? »
19Ainsi, le prince se met au service du roi et rappelle son dévouement. Leur éducation a préparé ses fils à l’imiter. En retour, il espère pour eux protection et soutien. En appuyant la demande du prince de Conti, la France se trouvera affermie et grandie, le prince de Condé étant le plus proche parent du roi après Gaston d’Orléans, les lys de France succéderont aux abeilles d’Urbain VIII (1568-1644), qui mourut le lendemain de la soutenance.
20Ici encore, la thèse fait défaut ; on ignore s’il s’agissait d’un livret ou d’une affiche et on ne sait rien de l’illustration. On y voyait peut-être, comme sur un almanach paru la même année chez Ganière (fig. 58), la régente en grand deuil et son fils en costume de sacre entourés de la Prudence et de la Justice18 et une vue de la bataille de Rocroi évoquant le frère aîné du candidat.
21Les chapitres de congrégations tenus à Rome furent aussi l’occasion pour quelques couvents parisiens de rendre un hommage public au nouveau souverain. Les Franciscains de Paris demandèrent à Grégoire Huret (1606-1670) de graver un frontispice mettant en scène le jeune roi pour la thèse que les frères Modeste de Saint François et Joseph de Saint Jean devaient soutenir à Rome en mai 1644 sous la direction de François Suarez, lors de la réunion du chapitre général des Carmes (cat. 10, fig. 59). Destinée d’abord à célébrer Richelieu (fig. 60), la gravure avait été commencée en 1642. Le cardinal mort, Suarez fit remplacer le portrait du ministre par celui de Louis XIV et le 18 janvier 1644, moyennant 200 livres, il signa un nouveau contrat avec Huret stipulant que cette thèse était désormais dédiée à la régente19. En définitive, elle le fut au roi, sans doute sur recommandation de sa mère. En haut de la composition, au lieu de portraits d’ecclésiastiques, les angelots tiennent une guirlande de laurier, de roses et de lys avec au centre le visage de Louis XIII20 proposé en modèle à son fils21. Couronné et en grand costume, le camail d’hermine couvert d’un col de guipure, les colliers royaux autour du cou, le sceptre et le bâton de commandement à la main, assis sur un trône et secondé par le Zèle religieux et la Prudence, Louis XIV reçoit des jeunes femmes portant les armoiries des princes alliés, alors que sous l’œil vigilant de la Victoire qui lui tend une couronne de laurier, en présence de l’Éternité et de la Magnificence, Hercule, Apollon, Mars, la Justice et l’Ange divin terrassent l’Espagne, l’Empire et les ennemis de la France. Entouré de naïades et de tritons soufflant dans leurs conques, maintenant des ancres, Neptune désigne les positions de thèse gravées sur une tapisserie ornée de couronnes royales et du monogramme de Louis, qui est tendue sur la proue de deux navires au chiffre de la reine, pour célébrer la victoire navale du duc de Brézé sur les Espagnols devant Carthagène le 3 septembre 1643. Une longue dédicace, la première qui apparaisse sur une affiche à lui dédiée, chante les victoires du jeune roi. À l’intérieur de la composition, des devises proclament son avènement et la continuité dynastique : « Il revit dans son fils », s’écrie le Zèle religieux. Sur la lyre d’Apollon : « il ordonne que le fils de sa vertueuse épouse porte à la fois son nom et le fardeau du gouvernement ». Sur la banderole près du portrait de Louis XIII : « il règne sur le monde pacifié par les vertus paternelles22 ». Cette remarquable thèse historiée est la seule qu’Huret23, un des graveurs les plus recherchés du moment, ait gravée en hommage à Louis XIV, alors qu’il reçut par ailleurs commande d’illustrations célébrant notamment Mazarin en 1647 et Jean-François-Paul de Gondi en 164924.
Figure 58. – Anonyme, Almanach de 1644 (?).

22Deux autres thèses furent également dédiées au jeune roi en 1644 et 1645, avant que n’éclate la Fronde (cat. 11 et 13). Elles furent soutenues par l’abbé Henri II de Savoie-Nemours (1625-1659), de nouveau un proche parent, car un an plus tôt avait été célébré au Louvre le mariage du frère aîné de l’impétrant avec la fille du duc de Vendôme, fils naturel d’Henri IV. Comme celles du prince de Conti (cat. 9 et cat. 12), la première fut signalée par la Gazette du 9 juillet 164425, où on apprend que la reine envoya le comte d’Harcourt au collège des Jésuites pour y tenir sa place et qu’y assistèrent quelques princes, « plusieurs Prélats et Seigneurs de marque ». Soutenue également au collège des Jésuites le 28 juillet 1645, la seconde thèse ne fut pas moins prestigieuse (cat. 13) ; la Gazette26 mentionne la présence « des Cardinaux de Lyon, Bichi & Mazarin, d’un très-grand nombre d’autres prélats & de plusieurs princes, Seigneurs et grands de cette cour ». Malheureusement ces thèses n’ont pas été retrouvées et on ignore si elles étaient illustrées.
Figure 59. – Grégoire Huret, Tèse de Modeste de Saint François et Joseph de Saint Jean, 1644.

Figure 60. – Grégoire Huret, Tèse dédiée à Richelieu, 1642.

De l’avènement au sacre (1645-1654)
23Durant cette époque troublée les exercices scolaires continuèrent ; si l’université avait prit parti pour le parlement, elle fut réservée face à la « fronde des princes ». Aucune thèse ne fut dédiée au roi durant cette période, qui vit pourtant le collège de Clermont, où avaient été soutenues les plus prestigieuses, organiser des cérémonies en son honneur. Selon le Journal des guerres civiles de Dubuisson-Aubenay, en août 1651,
« L’après-dîner, le Roi, la Reine furent au collège des Jésuites, rue S. Jacques, à une tragédie dédiée au Roi, et intitulée Saül et dans les affiches qui ont été faites et données par la ville, il y avait dans un ovale en taille douce l’image du Roi, qui a semblé à beaucoup de gens une grande faute de jugement aux Jésuites d’avoir mis l’image du Roi avec le nom de Saul, le Roi réprouvé de Dieu et qui a péri malheureusement, et à sa Majesté dédié cette pièce funeste et de mauvais odeur et présage27. »
Célébration du roi en province et à l’étranger (1649-1653)
Thèses hors de Paris
24Ayant quitté Paris en février, la famille royale et Mazarin arrivent à Dijon le 6 mars 1650 ; le cardinal dirige le siège de Saint-Jean-de-Losne et soumet les rebelles bourguignons à Dijon et Bellegarde ; en avril, la Bourgogne fait allégeance. Louis XIV en préside les États et assiste au collège des Jésuites28 à la thèse de théologie (cat. 15) que lui dédie Claude Fyot de la Marche (1630-1720), fils de Philippe Fyot, second président au parlement, garde des sceaux en la chancellerie de cette province. Le jeune roi était « accompagné de Monsieur, son frère unique, & du Cardinal Mazarin29 ». Le livret, un in-folio de neuf pages, est illustré en regard de la dédicace des armoiries de France et de Navarre, entourées des colliers des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit et surmontées de la couronne royale fermée, scandée des lys armoriaux ; au-dessous des armoiries, le L couronné de Louis précise encore son identité. La planche anonyme et d’assez belle qualité a peut-être été gravée à Dijon, ce travail rapide et peu onéreux ne nécessitait pas de grandes compétences.
25De toutes les thèses dédiées à Louis XIV qui nous sont parvenues, c’est la seule qui n’est ornée que de ses armes, mais il est probable qu’il y en eut d’autres car en 1633, et en 1634, pour leurs quodlibétaires dédiées à Louis XIII, Jean Chartier30 et François Le Vignon31 avaient choisi chacun une gravure différente, qui montrait, comme pour Fyot, les armes de France et de Navarre entourées des colliers des ordres royaux de Saint-Michel et du Saint-Esprit. Si sur la gravure offerte à Louis XIV figurait de plus un L couronné, ce n’était pas une nouveauté majeure, puisqu’un H couronné apparaît dès 1605 au-dessous des armoiries d’Henri IV dans une thèse gravée par Léonard Gaultier, où la couronne et les armes royales sont au centre d’une architecture triomphale. Mais les couronnes des gravures dédiées à Louis XIII et son fils sont identiques, et semblent reproduire avec fidélité l’original d’or et de pierreries, alors que celle d’Henri IV paraît de fantaisie.
26Deux jours plus tard, à Dijon, le roi assista à une autre thèse, cette fois de philosophie, dédiée à son frère par le fils du comte de Quincé32. Cette présence royale aux soutenances ne semble pas s’être renouvelée. Mais elle n’était pas sans précédent : en mai 1611 à l’assemblée générale des Jacobins, « le roi, la régente, la reine Marguerite et leur suite » furent présents à celle du P. Gregorio de Torrez33 ; en 1626, Louis XIII assista à celle de ses demi-frères34 le duc de Verneuil et le comte de Moret35. La présence de Louis XIV, de Monsieur et de Mazarin à la thèse de Fyot avait une valeur politique dans cette ville frondeuse.
27Preuve de l’importance de la thèse dans la vie intellectuelle des Français, pour défendre leurs idées, les frondeurs publièrent en 1649 huit mazarinades commençant par le mot Questions, qu’on retrouve fréquemment dans les exercices de médecine et de théologie : Quaestio Medica, Quaestio Teologica36…. Ils les éditèrent en livret et deux d’entre elles sont agrémentées d’un portrait. Cette présence de la gravure vaut d’être soulignée, car les mazarinades ne sont que rarement illustrées ; sans doute était-ce là aussi une façon d’imiter les exercices académiques. Un premier livret anonyme, orné d’un portrait de Philippe d’Anjou, frère du roi, a pour titre : Questions royales ou demandes et réponces entre le roy et mons. son frère, pour bien et heureusement régir et gouverner le royaume en paix et concorde37 : une des réponses est qu’il faut « couper les ailes aux roitelets et farder les lois fondamentales de l’État ». Une autre mazarinade montre le visage de Mazarin et pose la Question s’il doit y avoir un premier ministre38. Le duc de Beaufort répond à la Question si la voix du peuple est la voix de Dieu39 ? Citons enfin les Tèses d’estat, tirées de la politique chrestienne, présentées à Monseigneur le prince de Conty40 dont le titre montre bien l’intention d’assimiler ces publications à de véritables thèses. Dans la dédicace, René de Sainct-Clément précise :
« Les vérités qu’elle enseigne [la politique] s’apprenent mieux dans les cours que dans les Ecoles. Ses meilleures leçons se font dans un camp, et non dans une chaire : et c’est avec l’épée que se décident ses plus hautes et importantes matières. Les Thèses que je presente à vostre Altesse, quelque clarté quelles puissent avoir, et quelques fortes que soit la vérité qu’elles contiennent, elles ont neantmoins besoin des lumières de vostre Esprit, et de la force de vostre Bras pour estre estalées et soutenues en public […] Ces maximes politiques […] sont aujourd’huy debattues par plusieurs, et mesmes ont été iusques icy renversées par les mauvais conseils et funestes deportements de celui qui tient, ou qui a usurpé le souverain ministere de cet estat […]. La France […] se sauvera du naufrage dont elle est menacée […] qui sera le commencement d’un nouveau règne, dont la gloire et la félicité ne seront iamais interrompues41. »
28Dédier une thèse au prince de Conti, un des chefs de la Fronde, qui lui-même en avait soutenu plusieurs offertes au roi et à la régente, n’était évidemment pas anodin. Après la dédicace suivent comme pour une thèse ordinaire treize propositions, écrites en français et non en latin, qui rappellent ce qui fonde l’autorité du souverain et son exercice et dénoncent les « deux pestes du royaume », favoris et partisans. On sait que les débats d’idées amenèrent souvent quelques pamphlétaires frondeurs à exposer clairement les thèses de l’adversaire pour mieux les réfuter et mettre en lumière les leurs. La netteté des articulations logiques étant ressentie alors comme un « élément fondamental de l’art de persuader » ; il fallait pouvoir suivre sans difficulté les arguments pour y adhérer42. Ces fausses thèses participent de ce mouvement. Preuve de l’importance des thèses et des dédicaces, en 1651 Naudé prévoit de publier en réponse aux pamphlets contre Mazarin « un recueil de tous les eloges, des épistres et autres semblables pieces faictes en diuers temps et par diuerses personnes » en incluant les dédicaces de thèses43.
29Offrir une thèse à la régente est un des procédés pour faire sa cour que dénonça l’abbé de Chambon du Chatelet dans une autre mazarinade : L’advis à la reyne sur la conférence de Rueil le 4 mars 164944.
« Encor qu’en bonne récompense,
Estant certain que la pluspart
ont mis maints deniers au hazard,
Soit en livre, ou Thèse, ou Peinture,
Afin d’estre en bonne posture
Et d’obtenir asseurément
Quelque notable appointement,
Avoir Bénéfices ou Charges ;
Mais vous n’êtes pas des plus larges ;
Et ie croy bien que ces Messieurs
Peuvent chercher fortune ailleurs
S’ils ne l’ont déia toute faite ;
Car ie voy que vostre retraite
Va vous oster tout le moyen
De iamais leur faire du bien,
Que par vostre retraite mesme,
Qui leur feroit un bien extresme ;
Car vous les pouvez obliger
Allant au pays Estranger. »
30Il conclut :
« Ne fondez point vostre espérance
Sur leffet de la Conférence [de Rueil]
Ou bien sur la facilité
De quelqu’honeste Député. »
31Ainsi les thèses dédiées à la reine-mère sont probablement plus nombreuses que ne le laissent supposer les rares exemples retrouvés, puisque trois seulement sont antérieures à ce pamphlet, et datent de 161845, 1639 et 164346. Une seule est postérieure et date de 1674 : il s’agit de célébrer sa mémoire (elle est morte depuis huit ans), à travers une de ses plus illustres fondations, le Val-de-Grâce47, et de rendre hommage au roi :
« AETERNAE MEMORIAE ANNAE AUSTRIACAE/REGINAE ABBATIAE VALLIS-GRATIAE MVNIFICIENTISSIMAE FVNDATRICI, CVIVS PIA SOLLICITVDINE : VOLENTE FILIO LVDOVICO XIV/FRANCIAE, ET NAVARRAE INVICTISSIMO REGE… »
32Si l’on en croit l’abbé de Chambon, Anne d’Autriche ne se montrait pas aussi généreuse que les candidats l’espéraient, ce qui aurait ralenti leur ardeur.
33En faveur de Mazarin, Le retour et restablissement des arts et mestiers en vers burlesques en appelle à la paix et montre à quel point la Fronde est nuisible aux graveurs et raréfie les thèses. La paix de Rueil proclamée, l’espoir revient :
« Les Graveurs pendant que les troubles,
Employoient tout le cuivre en doubles,
Estoient des plus humiliez,
Au rang des pechez oubliez ;
Taille-douce estoit abolie,
Et Madame melancholie,
Portoit les suppots de cet art,
A dire le diable y ait part,
Le pain estoit la seule Image,
Pour qui l’on mettoit tout en gage,
Bagues, ioyaux & demi-ceint ;
Sans reverer sainte ny saint,
Sinon Madame saincte frippe,
Favorable au mal de la tripe,
Maintenant petit à petit,
Ils se remettent en credit,
Affiche, Confrairie, ou Thèse,
S’en vont les remettre à leur aise,
Et l’eau-forte auec les burins,
Leur feront venir des quatrins48. »
Thèses hors de France
34Il était d’usage que les ordres religieux dédient une thèse au souverain lors des chapitres provinciaux ou généraux. Comme on l’a vu, François Suarez, carme de Paris, avait fait soutenir à Rome en 1644 des thèses qu’il avait écrites, et fait graver pour l’occasion par Grégoire Huret une allégorie à la gloire du jeune roi. À Rome toujours, avant 1649, ce furent les Dominicains français de Toulouse qui lui adressèrent une thèse49. L’importance de l’événement justifiait le choix de l’image, un portrait d’apparat de Louis XIV en grand costume, assis sur son trône placé sous un dais (cat. 16, fig. 61), pour lequel Michel Lasne, son graveur ordinaire, logé aux galeries du Louvre depuis 1633, prit pour modèle l’effigie peinte un an plus tôt par Henri Testelin50. Sous son burin, le visage du roi s’étoffe, ses cheveux sont plus souples et plus volumineux, son geste plus ample et plus dynamique. Désormais couronné de laurier, il s’appuie sur un bâton de commandement et, en signe d’autorité, posés sur un carreau, le sceptre d’Henri IV et la couronne remplacent les attributs des arts. Dans le panégyrique adressé à la reine en 1644, Du Bois-Hus indique qu’avec son air majestueux le roi a le comportement et la prestance d’un adulte. Cette gravure convenait parfaitement pour célébrer sa puissance, réaffirmée par la paix de Rueil, signée le 11 mars, qui mit fin à la fronde parlementaire.
35Est-ce pour une soutenance romaine ou parisienne que vers 1659 ou 1660 fut dessinée l’Allégorie de Louis XIV entouré de Minerve, de la Victoire et de Saturne foulant l’Ignorance ? Sans doute conçue pour une thèse, cette belle feuille exécutée dans l’entourage de Pierre de Cortone montre le roi assis en armure, âgé d’une vingtaine d’années, entouré des dieux. C’est une des premières manifestations de ce recours à la mythologie qui allait bientôt s’imposer pour célébrer le monarque (cat. 27).
36Rome ne fut pas la seule ville hors de France où l’on dédia des thèses au roi. Louis-Henri de Loménie de Brienne rapporte dans ses Mémoires51 ses désillusions concernant une gravure commandée en 1652 pour l’exercice de philosophie qu’il défendit au collège des Jésuites de Mayence : le graveur « ne fit rien que des Gotthlifichets sans nombre, qui oppressoient une tête encore plus mal faite et qui ressemblait aussi peu à Louis XIV qu’au grand turc » (cat. 18). Les dédicaces au roi n’étaient donc pas alors le seul fait des ecclésiastiques. La Fronde se déchaînant à Paris, cet hommage rendu par le fils du secrétaire d’État aux Affaires étrangères Henri-Auguste de Loménie de Brienne (1594-1666)52, dont la fidélité à Louis XIV et à Anne d’Autriche fut indéfectible, est donc un témoignage important.
Figure 61. – Michel Lasne, Tèse de Michel Jourdain, 1650-1652.

37Bien qu’il ne soit pas le dédicataire de la thèse d’Herman Klöcker soutenue au collège des Jésuites d’Aix-la-Chapelle en juillet 165653, Louis XIV apparaît au bas de l’affiche gravée par Bartolomäus Kilian, avec Ferdinand III, Christine de Suède et Philippe IV (cat. 23). La couronne sur la tête, en camail d’hermine, colliers des ordres royaux au cou, vêtu à la dernière mode, il tient avec les autres monarques une chaîne que leur tend le pape Alexandre VII, assis dans le ciel et dont se servent des putti pour relier les quatre parties du monde. C’est la seule où Louis XIV apparaît avec d’autres souverains. Son père avait été figuré aussi avec ceux de l’Europe dans une pièce allégorique gravée vers 1638-1640 par Karl Audran54 d’après Esprit Grandjean, peintre de la cour de Savoie, sans doute pour une thèse dédiée au nouveau duc Charles-Emmanuel II (1634-1675). Portant également la couronne, vêtu d’un costume moderne avec les ordres sur son camail d’hermine, Louis XIII désigne de son sceptre le portrait de son neveu dans un globe porté par des amours.
Vers l’affirmation du pouvoir royal (1653-1660)
Les années 1653-1659
38Entre 1653 et 1659, on ne connaît que deux thèses dédiées à Louis XIV alors que dans la même période Mazarin n’accepta pas moins de vingt-quatre dédicaces55. Vers 1653, pour célébrer « la fin des troubles civils », on utilisa une composition peinte à Rome par Charles Le Brun dix ans plus tôt à l’occasion de l’avènement du roi, qui, pour une raison inconnue, n’avait pas alors été gravée (cat. 20, fig. 62). Les changements apportés à la composition initiale sont minimes, car le sujet s’appliquait aux événements récents. On y voit le roi sur un bige, dont la Sagesse et la Tranquillité tiennent les chevaux par la bride, tout en lui désignant ses ancêtres qui assistent à son triomphe assis sous un portique. En costume de sacre, la main appuyée sur un bâton de commandement fleurdelisé, Louis est précédé de Mars et d’Hercule qui terrassent les derniers ennemis de la France ; un arc de triomphe ferme l’espace, derrière lequel on aperçoit une pyramide, symbole de l’immortalité et de la gloire des princes. Dans les airs, deux amours brandissant les armes de France et de Navarre et la couronne royale rappellent l’autorité dont le jeune monarque est investi. La seule présence de ses armes suffit à calmer le cheval effrayé que leur ombre apaise. On pense au jeune Alexandre domptant Bucéphale, mais alors qu’il opérait seul cet exploit, Louis se repose en apparence sur Minerve. Ce parallèle entre les deux héros est proposé sans détour : sur l’arc triomphal, devant la pyramide, se dresse l’un des Dioscures du Quirinal56, que l’on croyait alors représenter Alexandre. Ainsi, pour la première fois et bien plus tôt qu’on ne le pense, cette iconographie, déjà adaptée pour son père et le prince de Condé, célèbre Louis XIV57.
Figure 62. – Gilles Rousselet d’après Charles Le Brun, Louis XIV enfant, debout sur un char conduit par la Sagesse et la Prudence, 1653-1654.

39Cette illustration est la première composition ambitieuse et de grand format spécialement conçue pour le roi. Haut et bas forment un tout. Si Le Brun avait déjà fait deux essais en ce sens en 1638, il n’était pas encore allé aussi loin (cat. 1 et 2). La thèse gravée en 1644 par Huret pour Suarez est un autre précédent, mais à l’origine la gravure devait célébrer Richelieu. Ici la célébration du roi prend un ton nouveau. Par sa somptuosité, cette thèse ne le cède en rien à celles qui furent dédiées à Richelieu, Mazarin ou Séguier.
40Cette illustration s’apparente à celle que Lucas Vorsterman grava en 162658 pour la thèse de théologie d’Henri de Bourbon (1601-1682), futur duc de Verneuil, alors évêque de Metz. Ce fils naturel d’Henry IV et de Catherine-Henriette de Balzac d’Entragues avait choisi de célébrer les victoires du roi son demi-frère, assista à la soutenance. Au frontispice de cette grande thèse (fig. 63), une des plus magnifiques qui lui ait été offerte, Louis XIII représenté en empereur romain, debout sur un quadrige, terrassant ses ennemis, passe sous un arc de triomphe ; la Victoire le couronne de laurier en présence des Vertus, de la Piété et de la Religion. Cette gravure connut un succès durable, dont atteste une médiocre copie, qui servit avant 1646 à célébrer la prise de Béthune59, puis après 1658 celles de La Capelle (1656) et de Dunkerque (1658)60. La composition initialement gravée par Vorsterman était donc présente dans les mémoires et il est possible que le commanditaire de 1643 y ait renvoyé Le Brun.
41Gravée par Rousselet, la composition de Le Brun fut réactualisée à plusieurs reprises et cet usage répété répondait sans doute au désir d’imposer une nouvelle image du roi par une œuvre d’une qualité exemplaire. Cette représentation triomphale apparaît aussi en 1654, peu après le sacre, au plafond du petit cabinet de l’appartement du roi au Louvre, où Le Brun y montre Louis XIV sur un char de triomphe accompagné de figures allégoriques. Mais la scène qui se déroule dans les cieux est devenue sereine : Minerve couronne le roi portant une armure fleurdelisée et un cimier orné du coq gaulois, ayant d’une main la statuette de la Victoire et de l’autre un faisceau de licteur renversé, symbole d’unité. Il est précédé de la Victoire, de l’Abondance et de la Renommée61. Comme dans la gravure de Rousselet, il s’agit de célébrer la fin de la Fronde62.
42De cette époque de stabilisation date une autre thèse dédiée à Louis XIV, soutenue probablement en France vers 165363, qui fait également allusion à la fin des troubles. Probablement proche de la cour, le candidat s’adressa à Pierre Daret (1604-1678) et pour la première fois, une thèse montre le roi revêtu d’une armure à l’antique sous l’apparence d’une divinité, en l’occurrence Apollon (cat. 17, fig. 64). On sait que le 23 février 1653, le roi était déjà apparu en Apollon en interprétant le Soleil du Ballet royal de la nuit dans la salle du Petit-Bourbon et également le 14 avril 1654, dans Les nopces de Pélée et de Tétis de Benserade, où il terrassait le serpent Python pour célébrer sa victoire sur la rébellion64.
Figure 63. – Lucas Vorsterman, Tèse d’Henri de Bourbon dédiée à Louis XIII, 1626.

Figure 64. – Pierre Daret, Louis XIV tenant les divinités enchaînées, 1651-1652.

43La composition maladroite de Daret est inspirée d’un frontispice de thèse gravé avant 1647 par Johann Friedrich Greuter (1590 ?-1662) d’après Giovanni Lanfranco (1582- 1647) et dédié à Urbain VIII (cat. 17, fig. 65). Assis sur un trône, la tête auréolée, Louis vide d’un geste auguste une corne d’abondance chargée d’aimants65 que récoltent des amours couronnés vêtus d’écharpes fleurdelisées ; près de lui d’autres amours rapprochent les nuages où sont enchaînés d’un côté la Papauté et la Religion, de l’autre Mars et Minerve ; prisonnier d’Hercule, Mars regarde Minerve tandis que Mercure écarte avec impatience un enfant qui cherche à l’enchaîner ; un autre retient deux femmes incarnant les vices. Au loin une vue maritime, par allusion peut-être aux batailles qui se déroulèrent autour de Bordeaux en 1653 et mirent fin à la révolte de l’Ormée66. Par une force invisible, toute divine, dont il répand les bienfaits, le jeune roi protège la Religion et l’Église et défend la Paix tout en tenant les vices enchaînés. Ainsi, de cette pierre d’aimant qui attire tout à elle par une force mystérieuse, Louis XIV est le dispensateur, si bien que tel un Dieu, il régit la marche du monde. Son apparition rappelle le pouvoir de droit divin confirmé par le lit de justice de 1650 et la déclaration de sa majorité le 7 septembre 1651.
Figure 65. – Johann Friedrich Greuter d’après Giovanni Lanfranco, Tèse dédiée à Urbain VIII, avant 1644.

44Dans le frontispice de la tentative en Sorbonne de Jacques Ladvocat le 29 janvier 1654, c’est sur un autre mode qu’Abraham Bosse célèbre le pouvoir spirituel du roi. Pas de représentation physique de Louis XIV, mais la dédicace « AV ROY » ne laisse pas de doute sur son destinataire (cat. 21). Au fronton d’une porte triomphale, des anges tiennent des tableaux renfermant des scènes tirées de la vie du Christ. Sur la base des colonnes, d’un côté la colombe du Saint-Esprit porte la Sainte Ampoule, de l’autre un ange tient un lys, par allusion au sacre qui doit avoir lieu le 7 juin 1654, à la mission divine du roi et aussi à son rôle sacré, comme le souligne l’impétrant dans la dédicace en français, qui rappelle que le roi de France porte le titre de « très Chrétien », qu’il est fils aîné de l’Église, que l’onction qu’il reçoit lors du sacre est « la marque d’une alliance éternelle » avec le Ciel et qu’à l’égal du Christ, sa plus grande « complaisance » réside dans l’administration de la Justice en faveur des pauvres et des infortunés. C’est l’occasion pour Jacques Ladvocat de souligner que le Ciel condamne ceux qui ont pris les armes contre la couronne, en d’autres termes, les frondeurs et tous ceux qui agissaient contre la sécurité du royaume. Le roi n’est-il pas « donné de Dieu pour la consolation de ses sujets » ?
45Ainsi, comme avant lui le prince de Conti, Ladvocat célèbre les vertus du roi et sa « justice toute royalle » et, comme bien d’autres candidats, fait assez rapidement allusion à Anne d’Autriche, « cette incomparable reine », ce que ne laisse pas deviner l’illustration. Si la situation politique du royaume est évoquée, la gravure n’en laisse rien paraître. Ladvocat affirme pourtant :
« vos Ennemis ont esté depouillez, de leurs conquestes et de leurs trophées […] Ouy, Sire, tous les princes et toutes les na[ti]ons refractaires à vos loix periront, vous serez un Roy fort dont toutes les entreprises auront vn heureux succez, & dont le Throsne s’elevera sur to’[us]. Les Peuples du Couchant ».
Les années 1659-1660
46Le cuivre gravé en 1653 par Rousselet d’après Le Brun (cat. 20a) qui montrait Louis XIV sur son bige fut réutilisé en 1659, avec quelques changements ; retravaillé, le visage du roi est maintenant coiffé d’une longue perruque, car ses « cheveux furent sacrifiés67 » lors de la fièvre maligne qu’il contracta après la bataille des Dunes (cat. 25, fig. 66). Sur la porte triomphale, on a ajouté une statue de l’Abondance et près des Vertus, leurs noms en français. Pour suivre de près l’actualité et célébrer le roi victorieux, on a gravé sur la porte triomphale, « LVDOVICO XIV ADEO DATO, SEMPER AVGVSTO, PIO, FORTI, PACIFICO, TRIVMPHANTI » et sur le palais à gauche, l’année 1659 en chiffres romains. Fait nouveau, la statue de la royauté surmonte maintenant la colonne près de la pyramide, dans l’axe de la porte triomphale fermée, derrière laquelle dans la grisaille apparaissaient des armées. Le tympan a été surmonté d’un buste de Janus transformant cet enclos triomphal en enclos de la paix, avec sur l’architrave : « IANO CLAVSO ». L’iconographie précédente est toujours d’actualité, car les mêmes allégories peuvent célébrer tour à tour l’avènement du nouveau roi, la fin de la Fronde et le traité des Pyrénées. Le procédé n’est pas nouveau et a déjà été mis en œuvre en 1644 dans la thèse de Suarez (cat. 10) et en 1654 par Daret (cat. 17). Ces trois exemples montrent que l’iconographie est interchangeable et qu’elle confère à la représentation un caractère universel ; la vraisemblance est assurée par le visage du roi et les inscriptions. Par ailleurs, ces réutilisations étaient un gain de temps et d’argent considérable pour les artistes et le candidat.
47En 1659, les thèses dédiées au roi sont plus nombreuses. La paix des Pyrénées pour laquelle le cuivre de Rousselet a été retravaillé est à l’origine d’une autre composition probablement destinée à une thèse. Sobre et imposante, cette gravure de François de Poilly montre Louis XIV couronné par la Victoire, assis sur un trône devant le temple de la Paix, tenant un médaillon à l’effigie de Mazarin tandis que la France dresse un trophée d’armes et que la Belgique espagnole se lamente (cat. 24).
Figure 66. – Gilles Rousselet d’après Charles Le Brun, Tèse dédiée à Louis XIV, 1659.

48Entre le roi et son ministre, certains impétrants hésitaient encore. Ainsi, en 1656 le second fils du maréchal d’Hocquincourt dédia sa thèse de philosophie à Mazarin68 et non à Louis XIV. Mais cette hésitation n’est pas le seul fait des étudiants. Comme le montre Nicole Ferrier-Caverivière, les orateurs de l’Académie française « ne se sentent d’ailleurs pas du tout obligés de lui ménager une place dans chacune de leurs interventions, et, lorsqu’il leur arrive de saluer les qualités de leur jeune souverain, quelques paroles suffisent. Comme dans les années précédant 1660, Richelieu et Séguier mobilisent les plus vifs éloges69 ». Ainsi, en 1659, l’abbé de Montgaillard préfère dédier sa thèse de théologie au cardinal (cat. 26, fig. 67) ; cependant, signe d’un changement politique, sur le conseil de Mazarin peut-être, elle est ornée d’un portrait du roi en Jupiter. Selon Mariette qui décrit la composition de Le Brun, gravée par Pieter Van Schuppen, Mars incarne l’empereur et Neptune le roi d’Angleterre, ils portent chacun un faisceau d’armes, par allusion aux armoiries du cardinal, et s’en servent pour chasser le lion, qui incarne l’Espagne, et le contraindre à la Paix. C’est proclamer le rôle déterminant du cardinal, qui, selon la dédicace de l’abbé de Montgaillard, a apporté « la paix au monde chrétien, la félicité au royaume et la sécurité à la Religion par l’union de la France et de l’Angleterre ».
49La présence de Neptune évoque l’alliance avec Cromwell scellée par le traité de Paris le 23 mars 1657, qui permit à Turenne de remporter l’année suivante la bataille des Dunes et de prendre Bergues, Furnes, Dixmude, Gravelines, Audenarde et Ypres, ainsi que Dunkerque et Mardyck, cédées aux Anglais. Ainsi tout annonçait la victoire prochaine sur l’Espagne70. Le choix du sujet se comprend d’autant mieux que le frère du candidat était Charles Percin de Montgaillard, lieutenant des mousquetaires du roi, qui avait eu un comportement héroïque à la bataille des Dunes et à la prise de Dunkerque.
50Si Montgaillard a ajouté le portrait du roi à la thèse qu’il lui dédiait, il n’en fut pas de même de Charles-Maurice Le Tellier71. La composition de Le Brun, gravée par François de Poilly pour célébrer la paix des Pyrénées, montre le combat de Mars et de Minerve pour nommer la ville d’Athènes. Près de la déesse, des amours autour d’un olivier signalent l’avènement de la paix. La présence de Jupiter et de Junon évoque sans doute les noces royales qui doivent l’assurer ; elle est cependant bien discrète par rapport à celle de Neptune et de Minerve. Comme Montgaillard et Charles-Maurice Le Tellier, l’abbé de Bouillon préféra lui aussi s’adresser à Mazarin72 alors que de 1661 à 1667, il dédiera au moins trois thèses à Louis XIV.
51Dans le décor des appartements du Louvre entrepris entre 1653 et 1655, la régente et Mazarin eux-mêmes n’avaient réservé qu’une place modeste au roi, et on glorifia avant tout leur gouvernement. Ainsi, au plafond de la grande chambre du conseil, Le Brun avait le projet de représenter Anne d’Autriche en allégorie de la Justice accompagnée des vertus des ministres, recevant des mains de Jupiter un bouclier à l’effigie de son fils, mais l’œuvre ne vit pas le jour. Le parallèle avec la gravure de Poilly, exécutée en 1659, où Louis XIV porte un bouclier avec le portrait de Mazarin, montre l’évolution par l’iconographie royale (cat. 24, fig. 68). Ce ne fut qu’après le sacre, en juin 1654, que les décorations de la chambre et du petit cabinet du Roi furent entreprises, et on ne célébra alors que son seul pouvoir. Pour le plafond du petit cabinet, Le Brun proposa un Louis XIV dirigeant le char de l’État. Le roi aurait du réapparaître aussi en 1659 au plafond de son salon ovale, où pour commémorer son mariage et la paix des Pyrénées, le peintre prévoyait de le montrer en compagnie de la Monarchie recevant des mains de Vénus un bouclier à l’effigie de Marie-Thérèse73. Mais Charles Errard remporta la commande et l’œuvre ne fut pas exécutée. C’est donc dans la gravure que l’allégorie louis-quatorzienne trouva pour la première fois à développer les thèmes qui seront repris dans le décor des Tuileries.
Figure 67. – Pieter Van Schuppen d’après Charles Le Brun (?), Tèse de Pierre-Jean-François Percin de Montgaillard dédiée à Mazarin, 1659.

Figure 68. – François de Poilly, Tèse supposée, Louis XIV tenant un bouclier à l’effigie de Mazarin, 1659.

52La Tèse du roi en sa jeunesse, gravée par Rousselet d’après Le Brun en 1653-1654 (cat. 20) et la Tèse de la paix des Pyrénées, gravée par Poilly en 1659 (cat. 24), annoncent une nouvelle période. En 1659, Louis Martinet74 souligne que pour « connaître la grâce et la majesté de ce corps tout royal et tout auguste, il la faudrait voir dans les actions, dans tous les exercices ou les avantages de la nature et de l’habitude sont si sensibles… » Il propose donc de montrer tour à tour le roi en costume de sacre sur son trône, sur son lit de justice, tel Salomon, à cheval avec un bâton de commandement, dans un ballet, représentant un héros de l’Antiquité, et au milieu des Muses. Il en dresse le portrait moral, et mettant en évidence ses vertus, conclut :
« Et pour ne point passer d’un portrait à une histoire tout entière, il suffit de dire qu’il n’y a jamais eu dans un même sujet tant de courage sans vanité, tant de justice sans sévérité, tant de prudence sans art, tant de retenue sans austérité ; et c’est dans cette âme tout accomplie que l’on reconnoit que la magnanimité comprend ensemble toutes les élévations d’une grandeur héroïque et toute la modération d’une puissance qui se tempère elle-même pour agir plus doucement sur toutes les choses qui lui sont soumises ; que comme tous les troubles n’ont point ébranlé ce prince, que la présence de la mort ne l’a point étonné, il a encore plus de fermeté dans la prospérité, et cet éclat qui a été capable d’éblouir la sagesse la plus consommée, n’a servi qu’à augmenter le respect et l’amour envers Dieu, qui est la principale bénédiction des bons princes et la source inépuisable de toutes les autres. »
53Ce panégyrique, qu’illustrent les gravures de Rousselet (cat. 20, 25), de Bosse (cat. 28) et de Poilly (cat. 24), se termine par l’espoir de l’auteur de voir ce portrait complété par « deux choses considérables, l’une de donner la paix à la chrétienté, et l’autre de donner des successeurs à la couronne ».
Le pouvoir personnel : le roi triomphant (1661-1715)
54À partir de 1661, les thèses dédiées au roi se multiplient et revêtent deux formes : les compositions historiées, qui sont les plus prestigieuses, et les simples portraits.
Compositions historiées
55Alors qu’en 1660 l’abbé de Bouillon avait dédié sa première thèse de philosophie à Mazarin75, il choisit le roi pour mécène de la seconde, qui fut soutenue le 10 juillet 1661 au collège de Navarre. Sous le crayon de Le Brun et le burin de François de Poilly, Louis XIV apparaît en majesté (cat. 33, fig. 69), assis sur un pavois placé sur un char, sous un arc de triomphe fait de deux palmiers dont les rameaux se rejoignent, maintenus par la couronne royale ; il occupe le centre de la composition tandis qu’au fond des ouvriers travaillent à la construction des Tuileries. L’ordre du Saint-Esprit autour du cou, vêtu à la romaine, en manteau fleurdelisé, et cape d’hermine, les pieds chaussés de sandales, le casque posé près de lui, il s’appuie sur son bâton de commandement et regarde avec distance. Cette présentation sans précédent s’éloigne de l’image traditionnelle du roi sur son trône par Michel Lasne (cat. 16).
Figure 69. – François de Poilly d’après Charles Le Brun, Tèse d’Emmanuel-Téodose de La Tour d’Auvergne, 1661.

56Comme dans la Tèse du roi en sa jeunesse (cat. 20), haut et bas forment un tout et comme dans celle de Monchy d’Hocquincourt (cat. 29) en août 1660, des légendes précisent le sens de la composition. Ainsi, devant les roues, les génies des arts et des sciences tiennent deux écus, dont l’un porte un soleil au-dessus des flots (il regarde avec affection ceux qu’il a soumis), l’autre une effigie de Minerve appuyée contre un globe que peint un des génies (il se réjouit dans sa propre ombre). Selon la formule habituelle aux grandes thèses historiées et analogue à celle du père Suarez en 1644 (cat. 10), aux pieds du roi un cartouche renferme la dédicace qui célèbre sa toute-puissance, son hégémonie après la paix des Pyrénées, son mariage le 9 juin 1660, son entrée triomphale à Paris le 26 août et son pouvoir renforcé par la mort de Mazarin le 9 mars 166176. Cette toute-puissance est matérialisée par la place extraordinaire accordée à la couronne77. L’activité des ouvriers autour des Tuileries s’explique par l’ordonnance royale du 31 octobre 1660 pour la reprise des travaux du palais. Comme pour la Tèse de la paix des Pyrénées (cat. 24), le rapport avec l’actualité est plus étroit qu’il ne semble, mais tout se fait par allusions. Il s’agit de célébrer le pouvoir personnel du roi, qui gouverne par lui-même, en l’absence de tout autre personnage et de toute figure allégorique ; seuls des putti dévoués à sa gloire s’activent à ses côtés.
57Une seconde grande thèse marque le début du règne personnel. Datée du 2 juillet 1662, elle n’est pas dédiée au roi mais au Dauphin par Louis-Hugues de Lionne, fils aîné d’Hugues de Lionne, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, qui avait négocié la paix des Pyrénées (ann. I.C-1, fig. 70). Avec Le Tellier et Fouquet, Hugues de Lionne était un des trois ministres que Mazarin avait recommandés au roi. Dans cette composition d’Abraham Bosse78, l’impétrant et son père célèbrent sa puissance et la protection de Dieu dont il bénéficie avec la France. Ainsi, ce vers des Bucoliques, « PACATVMQVE REGET PATRIIS VIRTVTIBVS ORBEM79 » (« Et il règne sur le monde pacifié par les vertus paternelles ») est inscrit sur le tapis du trône de la Religion qui porte l’enfant roi, illuminé par des rayons divins ; il est coiffé de la couronne et vêtu d’un camail d’hermine, la croix du Saint-Esprit autour du cou ; la Force d’âme et la Justice lui tendent le sceptre et la main de justice. Ainsi se trouvaient réalisées « les deux choses considérables » souhaitées par Martinet pour l’accomplissement du portrait du roi : « la paix donnée à la chrétienté » et la succession à la couronne assurée, événements dont les illustrations de thèses se firent l’écho.
58La composition gravée par François de Poilly d’après Le Brun pour la tentative de Charles-Maurice Le Tellier, frère de Louvois, plus ambitieuse encore, retrace l’histoire du roi. Soutenue en février 1663 à la Sorbonne, elle montre, sur deux colonnes historiées, les sièges et victoires de Louis et divers épisodes de sa vie. Au centre, le Temps dévoile et pose sur un globe son portrait et le présente à l’Histoire ; la Providence le prend sous sa protection et, entourée d’enfants80, la Monarchie lit son histoire. Mars combat les vices et dans la partie inférieure, Apollon et Hercule se reposent chacun sur des médaillons présentant respectivement la Religion triomphant de l’Hérésie et la puissance invincible et magnanime de la royauté. Il était difficile pour le public de décrypter les scènes gravées sur les colonnes, mais on comptait avant tout sur la puissance triomphale qui s’en dégage. Il s’agit ici moins d’informer que de proclamer. Si la présence des colonnes romaines de Trajan et d’Antonin indique que le roi surpasse les empereurs romains, c’est aussi une allusion aux colonnes d’Hercule : au bas des positions, le héros se repose après avoir porté les colonnes ; les scènes figurées sur celle de gauche célèbrent le traité des Pyrénées et le mariage du roi.
Figure 70. – Abraham Bosse, Tèse de Louis-Hugues de Lionne dédiée au Dauphin, 1677.

59Ordinairement, les colonnes d’Hercule sont un emblème des Habsbourg d’Espagne, qui marquaient ainsi les limites de leur Empire Ces nouvelles colonnes surmontées chacune d’une fleur de lys symbolisent donc à leur tour l’étendue du royaume de France, ce dont attestent sur celle de droite les batailles entourées des palmes de la Victoire. On sait que lors de l’entrée du roi à Lyon81 en 1660, une figure allégorique de la Guerre se tenait debout sur un char entre deux colonnes historiées dont l’une représentait la France, l’autre la Castille et le Léon. En 1662, Ménestrier en donne une image dans L’art des emblèmes et explique la présence du char :
« Il serait à souhaiter pour la gloire des Heros qu’ils missent eux mesmes des bornes volontaires à leurs desseins avant que le Temps ou la Mort leur en fissent de necessaires […] la modération de nostre Monarque qui ayant plus d’ardeur & de courage que n’en eurent tous les Heros de la vieille Grece & de Rome, a sceu retenir ces mouvemens genereux au milieu du succès de ses victoires, & donner volontairement des bornes à sa fortune. Ce sera aussi ce Trophée que rendra glorieux dans l’histoire de tous les siècles, quand on sçaura que ce ieune conquereant a préféré le repos de ses Peuples aux avantages de sa gloire & sacrifié ses interests à la tranquilité de ses Sujets82. »
60La présence d’Apollon s’appuyant sur sa lyre renforce l’idée que les arts peuvent renaître. Lors de son voyage à Paris en 1665, Le Bernin revint sur ce motif, et pour agrémenter l’espace entre le Louvre et les Tuileries, proposa d’élever deux colonnes historiées sur le modèle de celles de Trajan et d’Antonin, qui, comme la gravure de Poilly, devaient aussi rappeler les colonnes d’Hercule et cantonner la statue équestre du roi83.
61C’est également en 1663 que Charles Amelot s’adressa lui aussi à Le Brun pour illustrer sa thèse de philosophie, soutenue le 2 septembre au collège d’Harcourt. Robert Nanteuil dessina et grava le visage du roi, Gilles Rousselet le reste de la composition, chaque détail contribuant à la richesse du discours. Louis XIV conduit le navire de l’État, dont la proue, sculptée aux armes royales cantonnées de deux dauphins par allusion à la naissance de Louis le 1er novembre 1661, est surmontée de la couronne et ornée de guirlandes (cat. 42). Secondé par la Sagesse, la Prudence, la Valeur et la Tempérance qui rament sous les ordres de l’Autorité tenant un sceptre et des clefs, le roi se retourne impassible, tandis que dans le ciel la Gloire et la Charité chrétienne l’invitent à délivrer Dunkerque. Cette supplique est signifiée par le médaillon que lui présente la Charité, appuyée contre une corne d’abondance chargée de pièces d’or et de fruits, dans lequel l’Hérésie piétine la croix et le calice avec sous son joug la ville reconnaissable à ses armoiries. La corne d’abondance et le cœur brûlant témoignent de l’amour et de la générosité du roi qui racheta Dunkerque le 27 octobre 1662 moyennant 5 millions de livres : conquise par Turenne le 23 juin 1658, la ville avait été cédée à l’Angleterre la même année. En signe de reconnaissance, la Justice tient au-dessus du roi une couronne d’étoiles, symbole de l’Éternité ; la Renommée et la Victoire devancent le vaisseau royal, qui est escorté par un triton qui souffle dans une conque. Comme sur les thèses dédiées au Dauphin par Lionne en 1662 (ann. I.C-1), les positions sont inscrites sur la peau du lion de Némée84, car Louis est l’Hercule français, qui d’une main tient le timon de son navire et de l’autre la redoutable massue. Vêtu à l’antique, il porte une cape brodée de lys. Nivelon85 indique que les Zéphirs de la thèse sont là pour « exprimer la douceur et la tranquillité de ce temps, semblant rafraîchir de leurs douces haleines, après les longs malheurs de la guerre, les Arts qui sont au-dessous ».
62La prise de Dunkerque, le mariage du roi et son arrivée au pouvoir passent pour les événements importants de ce début de règne. En 1659, Antoine Paillet y fait aussi allusion dans son morceau de réception à l’Académie en représentant Le triomphe d’Auguste après la bataille d’Actium86 et en 1682 on les retrouve en grisaille à Versailles au plafond de la galerie des Glaces. Pour la thèse de philosophie du comte de Saint-Pol soutenue le 1er août 1664 (cat. 49, voir fig. 78), Le Brun les évoque dans un langage purement allégorique. Le roi apparaît à cheval, terrassant sans effort et sans haine la Fureur, la Rébellion, l’Ignorance et la Crainte, sous l’œil de la Providence, appuyée sur un globe fleurdelisé qu’un amour lui présente, montrant sa domination sur le monde. La Renommée souffle dans sa trompette. Pour Nivelon, il s’agit de « représenter ce que Sa Majesté a exécuté par sa prévoyance et sa valeur pour le bien de son royaume87 ». Sept médaillons tenus par des amours décrivent les épisodes récents du règne, comme Rocroi et le mariage royal, et rappellent les fondements de la royauté de droit divin.
63Dans ces compositions, aucune inscription ne mentionne de façon directe la prise de Dunkerque, ni ne précise le sujet, aucune n’évoque le mariage du roi ou la naissance du Dauphin ni ne nomme les batailles. Il en fut toujours ainsi dans les thèses, où contrairement aux almanachs, on préfère les devises aux légendes. Les thèses s’adressent à un public instruit. Tout y est allusion et garde ainsi un caractère universel. Au contraire, les almanachs font directement référence aux événements qui ont rythmé l’année précédente et recourent rarement à l’allégorie. Dès le début du xviie siècle, parallèlement aux thèses, ils servent la propagande royale, et sous leur influence se transforment à partir des années 1660. D’abord réduite à un large bandeau avec parfois deux montants, l’image s’étend désormais sur toute la feuille dont la hauteur dépasse 80 centimètres. Dans une annonce au Mercure galant dédié au Dauphin en décembre 169288, l’éditeur Nicolas Ier Langlois fait savoir qu’il poursuit l’histoire du roi en almanachs ; cherchant à combattre le discrédit dont ils souffrent alors, il remarque : « Cependant il s’est fait plusieurs belles Theses qui n’ont pas eu pour le Dessein & pour l’exactitude, plus d’étude, ny plus de perfection, rien n’estant obmis dans ces Almanachs. » Il souligne ainsi la parenté entre les deux genres. Mais contrairement aux thèses :
« Les Plans des Villes, les Camps, les attaques, tout est recueilly des Ingénieurs, ou des Peintres qui ont esté sur les lieux. Les habillemens des Personnages s’y trouvent souvent les modes des temps, & sont ordinairement dessinez par le Sr. Saint Jean, Peintre, qui réussit le mieux en ce genre, & dont on voit un nombre de belles Figures qu’il donne au Public de temps en temps. [...] Ce qu’il y a encore de considérable dans ces mêmes Almanachs, c’est qu’ils comprennent tous les sujets remarquables de chaque année & qu’ils servent à rafraîchir la mémoire par les dattes qui y sont marquées fort. »
64Le parallèle opéré par Langlois montre que l’almanach, genre moins noble que la thèse, retraçait plus précisément les hauts faits du monarque.
65On s’adresse désormais à Louis XIV plutôt qu’aux ministres. Après avoir dédié sa première thèse à Mazarin en 1660, l’abbé de Bouillon dédia la seconde au roi (cat. 33) en 1661. De même, Gilles Le Maistre de Ferrières dédia sa première thèse en 1663 à Séguier et la seconde en mars 1665 à Louis XIV (cat. 51). Si pour le garde des sceaux, Sébastien Bourdon avait montré la Justice prosternée devant le chancelier entouré de la Renommée et de la Sagesse terrassant l’hydre89, dans la suivante, Jean Lepautre figura Louis XIV (cat. 51, fig. 71) entouré d’amours qui le préparent au combat, posant un casque sur sa tête et lui apportant un bouclier où Hercule lutte aussi contre l’hydre de Lerne ; la Renommée lui remet l’olivier de la victoire et Saint Louis l’invite à anéantir ses ennemis que déjà Mars jette à terre. Le combat sera victorieux comme en attestent Mars et Neptune, assis au bas des positions. La composition célèbre les victoires de la « première guerre austro-turque », la bataille de Saint-Gothard (1er août 1664) remportée par l’empereur aidé d’un fort contingent français et l’expédition du duc de Beaufort à Djidjelli (juillet-octobre 1664), qui se conclut par un traité signé avec la régence de Tunis le 25 novembre 166590.
66La présence de Saint Louis était d’actualité : le 25 août 1663, Bossuet avait prononcé son panégyrique en l’église Saint-Louis-en-l’Île91 et le saint roi fut souvent associé à l’éducation du Dauphin. La composition de Lepautre montre le roi l’accueillant à la descente de son char, avec au fond un amour invitant le Dauphin92 et ses précepteurs à contempler la scène. Elle rappelle que tout est mis en œuvre pour faire de lui le digne successeur de son père et assurer la grandeur et le bonheur de la France sous la protection de l’ancêtre des Bourbons.
67Les Mémoires du roi témoignent de l’intérêt qu’il prenait à l’éducation de son fils. Comme Filleau de La Chaise le précise en 1678 dans sa dédicace au Dauphin, il est aussi à l’origine de son Histoire de Saint Louis93 : le « dessein en avait été formé par ceux qui estoient chargez du soin de vôtre [son] éducation ». Il insiste également sur le fait que Louis XIV « étoit plus occupé [de son éducation] que de tant de merveilles qu’il faisoit dans le même tems ». Semblant ainsi commenter la composition de Lepautre pour la thèse de Le Maistre de Ferrières, il remarque que pour la gloire humaine, le Dauphin a « sans cesse devant les yeux au delà de ce qu’on peut désirer. […] Les qualitez militaires [qui] ont beaucoup acquis de cette sorte de gloire à Saint Louis », précisant « mais, MONSEIGNEUR, à quel point le Roy n’a-t’il pas porté ces mêmes qualitez, & ne les voyez vous pas en luy rehaussées au moins de l’éclat du bonheur qui l’a suivi dans toutes ses entreprises ? Si Saint Louis a été l’arbitre de tous ses voisins, s’il a fait regner la paix chez eux comme chez luy ; n’a-t’on pas vû Louis le Grand être l’unique arbitre entre luy & les voisins de ce puissant état ; sa seule volonté faire la regle de leurs droits & de leurs demandes ; & l’explication de ses pretentions, moderées par luy-même, devenir un traitté de paix ? »
Figure 71. – Nicolas Pitau d’après Jean Lepautre, Tèse de Gilles Le Maistre de Ferrières, 1665.

68Pour conclure, le Dauphin tient « la seconde place dans tous les cœurs […]. En un mot c’est ce qui acheve le bonheur du Roy qui n’a plus rien à souhaitter que de voir que vous luy ressembliez, ou, s’il est permis d’y ajouter quelque chose, que vous ressemblez au grand Saint dont je vous presente l’Histoire… », « celuy par qui vous en descendez immediatement ».
69Ce parallèle entre Louis XIV et Saint Louis94 se retrouve trois ans plus tard, en 1668, dans l’épître au roi adressée par Charles du Fresne dans son édition de l’Histoire de Saint Louis de Joinville95. Selon lui, les réformes du royaume entreprises par Louis XIV
« ne nous permettent pas de douter que nous ne voyions revivre dans la suite des années cette félicité parfaite, que la haute vertu de ce monarque auoit établie dans ses États. Ce qui me fait advancer, sans flaterie, que le meme Génie qui inspira S. Louis de si judicieux conseils dans toutes les actions de sa vie, Vous conduit par les memes routes, & veut que Vous soyez pas moins l’héritier de ses autres vertus Royales que de son Sceptre & de sa Couronne96 ».
70Il souligne ensuite les similitudes entre les vies de Louis XIV et de Saint Louis : tous deux ont « paru très jeunes sur le trône », secondés par leurs mères qui toutes deux également pieuses ont dû dissiper les « factions domestiques ». Comme lui, le roi combat les duels et les guerres privées et témoigne de son zèle pour la religion catholique ; il compare leur amour de la justice, cette commune « recherche de justes & de glorieuses occasions de faire éclater sa générosité dans les armes, & de montrer à toute la terre que la piété n’étoit pas incompatible avec la valeur ». Déjà dans la gravure apparaît ce qu’on retrouvera dans les panégyriques des académiciens des années 1680, qui « subordonnent la grandeur de Saint Louis à celle de Louis XIV. Si Saint Louis est le modèle des rois, Louis XIV est un exemplaire qui a parfait son modèle97 ».
71La comparaison entre la composition de Lepautre en 1665 pour Le Maistre de Ferrières (cat. 51, voir fig. 71) et celle de Grégoire Huret vers 163998 (fig. 72), peut-être pour une thèse dédiée à Louis XIII, permet de juger de cette évolution. Alors que Saint Louis assis sur un nuage, en costume de sacre, la couronne royale sur la tête, s’adressait avec fermeté à Louis XIII et lui indiquait de son sceptre Jérusalem surmontée du croissant turc, il s’incline maintenant devant Louis XIV, qui, au lieu de se tenir sur le champ de bataille, accompagné de son armée et vêtu d’une armure moderne, est habillé à l’antique et servi par des figures allégoriques. Ainsi alors que Saint Louis faisait remarquer à Louis XIII : « EVROPA TE NON CAPIT99 », ici il se tient coi. Tout concourt à forger une image impassible et solennelle, hors des contingences temporelles, qui fait de Louis XIV le héros de la scène et célèbre sa clairvoyance plus qu’humaine.
Figure 72. – Grégoire Huret, Saint Louis apparaît à Louis XIII, v. 1639.

72Après une interruption de trois ans entre 1665 et 1667, qui donne au roi le temps d’accomplir de nouveaux exploits, la thèse historiée de Jean-Baptiste Colbert de Seignelay, fils aîné de Colbert, soutenue au collège de Clermont le 19 août 1668, célèbre son retour de Flandres à l’automne 1667, sur un dessin de Le Brun (cat. 63, fig. 73). Accompagné par Minerve, cédant à la Victoire la massue, la peau du lion de Némée et le casque surmonté d’une sphinge, symbole de sa clairvoyance, Louis XIV a le pied sur un bouclier en signe de paix. Dans le char que le roi vient de quitter, Hercule se repose de ses travaux mais reste vigilant, prêt à repartir pour de nouvelles conquêtes, comme le montrent les rênes tendues ; il regarde les ouvriers qui disposent sur la façade des Tuileries les armoiries des villes conquises100. Au centre une fontaine évoque les victoires maritimes101 et au premier plan, les génies des arts discutent près d’une aiguière et d’une tapisserie bordée de dauphins et de couronnes royales ; des portraits en médaillon du roi témoignent du progrès des arts grâce au retour de la paix et à la création de la manufacture royale des Gobelins.
73Dans cette composition d’une richesse exceptionnelle, chaque détail a son importance. Quelques passages de l’analyse d’Antoine de La Bretonnière, traduite dans les beaux vers de Fléchier, permettent d’en juger. Ce livre, paru sous le titre L’Hercule françois, ou L’explication de la thèse dediée au roy par M. le marquis de Seignelay102, fait le panégyrique de la magnificence du règne.
« L’art a fait revivre en ce marbre imposteur
La crainte des vaincus, le courroux des vainqueurs,
Les quatre Fleuves assis sur leur moite rivage, […]
Et recueillant leurs eaux dans un même canal,
T’ouvrent tous les chemins de l’Empire de l’Onde […]
Et ces Dieux de métal semblent vouloir parler
Aux travaux de Memphis, ta pyramide égale,
Surpassera les murs de Ta Ville Royale.
Ce miracle de l’Art élevé jusqu’aux cieux […]
Aux siècles à venir fera voir les Conquestes
Et pourra conserver jusqu’à l’Eternité
Tes exemples fameux à la postérité… »
74Louis ne s’arrête ni ne s’endort ; invincible il fait de grands projets pour la France :
« Au comble de l’honneur le Ciel veut t’élever,
Jusqu’à ce que vainqueur sur la Terre & sur l’Onde,
Tu deviennes l’Arbitre & le Maistre du Monde. »
75On rejoint la dédicace de la thèse qui célèbre la Sagesse et la supériorité de Louis, que l’image proclame par la présence de Minerve et de la Philosophie présentant les thèses au roi103. La Gloire, la Magnificence, la Renommée tiennent une place essentielle. Afin de préserver la Paix, contraint par ses ennemis, Louis déclare la Guerre, mais il se montre clément et magnanime envers ses adversaires. Ces qualités font de lui un nouvel Hercule, un nouvel Alexandre, un nouveau César.
76Un tel discours n’est pas spécifique aux thèses, mais est récurrent alors dans beaucoup d’écrits104. Le madrigal adressé au roi le 5 février 1672 par le graveur Nanteuil105 alors qu’il commence son portrait en pastel participe de la même veine :
« Je voulois faire deux portraits
Dont les airs différents pris sur les mêmes traits
Auroient diversement en tous lieux fait paroistre
Ce héros si fameux que nous avons pour maistre,
L’un monstrant sa grandeur, et l’autre sa bonté ;
Mais je me détermine à cette seule image
Où par un noble effort d’adresse et de courage
Je prétends exprimer toute sa majeste ;
Car si je divisois l’éclat qui l’environne
Je verrois que dans sa personne
Le ciel a mis tout à la fois
De quoy faire plus de cent roys. »
77Le programme iconographique de la thèse de Seignelay annonce celui de la galerie des Glaces mis en œuvre par Le Brun en 1679 sous l’égide de Colbert et de la Petite Académie. Selon Le Bernin, les liens entre Colbert et Le Brun étaient très étroits et si l’on en croit Chantelou, le peintre imposait souvent son avis. Le culte de Louis XIV, dont Peter Burke situe l’apogée en 1677, commence dans les années 1660, et dès alors il y tient un rôle essentiel. Les prémices ont été jetées en 1653 avec la Tèse du roi en sa jeunesse (cat. 20) ; l’image se met en place peu à peu, s’affirme avec les thèses de Charles Amelot (cat. 42) et de Charles-Maurice Le Tellier (cat. 38) et se confirme en 1668 dans celle de Seignelay (cat. 63). Gestes, expressions et costume se retrouvent au plafond de Versailles. Si Le Brun excelle dans cette représentation royale et impose une nouvelle vision du monarque, la thèse de Gilles Le Maistre de Ferrières en 1664 où Saint Louis descend de son char pour faire place à Louis XIV montre que d’autres s’y essaient, mais avec moins de succès. Il y a une volonté politique manifeste derrière cette entreprise qui vise à définir une image idéale du roi.
Figure 73. – François de Poilly d’après Charles Le Brun, Tèse de Jean-Baptiste Colbert de Seignelay, 1668.

78Cette mise en scène héroïque du monarque représenté en lui-même en appelle à la mythologie où il est incarné par Apollon ou Jupiter. Reprise en 1684 par Gantrel, une gravure éditée par Lenfant (cat. 76, fig. 74) dans les années 1675-1684 le montre au sommet d’un arc de triomphe, en armure à la romaine, manteau au vent, auréolé de rayons solaires ; d’une main il brandit le foudre, de l’autre il tient une corne d’abondance. Sur son quadrige étincellent le Soleil et la devise : « NEC PLURIBUS IMPAR ». Son expression magnanime montre sa compassion pour les ennemis de France terrassés par sa monture. L’iconographie solaire et l’aspect du visage royal évoquent106 la miniature de Joseph Werner (1637-1710), peinte vers 1665, où Louis XIV en Apollon est précédé par l’Aurore et accompagné par les Heures107 (fig. 75). Le dynamisme exacerbé que donne Werner au visage du roi contraste avec l’attitude sereine et pleine de retenue proposée à la même époque par Le Brun dans les frontispices de thèses comme dans les livres, par exemple l’Hortus Regius gravé en 1664 par Rousselet108 (fig. 76). Les colonnes des chapiteaux sont de l’ordre français, que selon Nivelon Le Brun inventa en 1671 et qu’il mit en œuvre quelques années plus tard à Versailles. À l’architrave, deux renommées soufflent dans des trompettes et couronnent de laurier les armes royales sur un globe entouré du collier des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit. Ce riche appareil iconographique est complété par une série de cartouches qui rappellent le projet de Claude Perrault et Le Brun109, pour l’arc de triomphe de la place du Trône, destiné à commémorer l’entrée triomphale du roi à Paris après son mariage, qui ne fut pas exécuté. Lenfant se contente d’une seule arche au lieu de trois et la surmonte non plus d’une pyramide tronquée mais d’un socle où le roi conduit un quadrige. Cette image paraît alors que sont construits des arcs de triomphe aux entrées de la capitale : celui de la porte Saint-Denis en 1672 par François Blondel, celui de la porte Saint-Martin en 1674 par Pierre Bullet en l’honneur des victoires sur le Rhin et en Franche-Comté. Ce sont ces mêmes victoires que célèbre la gravure, dont les petites scènes et devises résument les événements importants du règne tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume : canal des Deux Mers, promulgation du code civil et criminel…
79Omniprésente dans les illustrations de thèse, la guerre réapparaît en septembre 1676 dans celle de Claude-François Pellot, dessinée par Pierre Mignard et gravée par François de Poilly (cat. 81). Cette fois le roi est en buste dans un ovale tenu par la Victoire en présence de la Renommée, de Minerve qui lui désigne un trophée d’armes et de l’Histoire qui, terrassant le Temps, écrit ses hauts faits. Mais ici, contrairement aux autres compositions, pas d’allusion précise à une bataille.
Figure 74. – Jean Lenfant, Tèse dédiée à Louis XIV, 1675-1684.

Figure 75. – Joseph Werner, Louis XIV conduisant un quadrige, vers 1662-1667.

Figure 76. – Gilles Rousselet d’après Charles Le Brun, frontispice pour l’Hortus Regius, 1665.

Le roi à cheval : de la guerre à la paix
80Comme l’indique le titre de la Tèse de la Guerre (cat. 84, fig. 77), sous laquelle les amateurs d’estampes la connaissent, c’est de nouveau ce thème et celui de la toute puissance du roi que Jacques-Nicolas Colbert, second fils du ministre, aborde pour illustrer sa majeure soutenue en Sorbonne le 30 décembre 1677. Suivant un modello donné par Le Brun, Edelinck montre Louis XIV à cheval terrassant les puissances coalisées. L’allégorie est immédiatement compréhensible : précédé par le génie de la France et suivi d’un amour brandissant un étendard où sont inscrits les noms des villes conquises en 1677 (Saint-Omer, Fribourg, Valenciennes, Cambrai), le roi écrase les ennemis vaincus et les animaux symboliques de la Hollande, de l’Espagne et de l’Allemagne, sous la protection de la Providence, en présence de l’Éternité et de la Paix. De part et d’autre d’un rocher, un soldat tombe à la renverse, celui de gauche, à queue de serpent, tient un masque et un filet ; près de lui se tapit un léopard. Selon Nivelon, il s’agit d’un conspirateur, sans doute le chevalier de Rohan qui avec son complice Latréaumont tenta de soulever la Bretagne pour la livrer aux Hollandais et fut exécuté le 27 novembre 1674.
81L’idée de cette planche n’est pas nouvelle. En 1664, Le Brun avait déjà représenté Louis XIV à cheval terrassant ses ennemis sur la thèse du comte de Saint-Pol (cat. 49, fig. 78) pour laquelle il reprit en partie, semble-t-il, le portrait équestre aujourd’hui perdu, décrit longuement par Félibien110, qu’il avait peint pour célébrer l’acquisition de Dunkerque. En treize ans, le roi a beaucoup changé. Ses traits sont devenus plus austères et sa longue perruque touffue est remplacée par deux grandes boucles. Au lieu de porter une cuirasse moderne, il est vêtu en empereur romain et son attitude est plus imposante : son regard direct, la toge qui lui barre l’épaule, son bras tendu à l’horizontale, appuyé sur le bâton de commandement, lui donnent une allure plus déterminée.
82Plus ambitieuse, cette seconde représentation équestre est aussi plus harmonieuse. Haut et bas sont conçus comme un tout. En 1664, le piédestal, où étaient gravés les thèses et le groupe du roi et de ses ennemis, évoquait les supports d’un monument équestre. Il cède la place à un gouffre dans lequel sont appelés à disparaître ses ennemis. Par le schéma pyramidal dans lequel elle est inscrite, la présentation est plus grandiose et plus nettement hiérarchisée : Louis apparaît sur le champ de bataille, environné d’éclairs et précédé par l’archange saint Michel qui lui ouvre le chemin de son épée et de son bouclier fleurdelisé ; la Providence le protège de son ample manteau qui lui fait un dais triomphal dont un pan abrite le génie de la France menaçant de son étendard la Fureur et le lion de La Hollande.
83La thèse de 1677 illustre le thème de la « guerre juste » que développent alors les panégyristes officiels, comme l’abbé Paul Tallemant, à l’Académie française111. La présence de la Providence divine, du génie de la France et de la Paix indique que le roi ne cherche pas une vaine gloire, mais seulement à châtier méfaits et complots de ses ennemis. En lui nulle passion, nulle vaine violence. Il est l’antithèse d’Alexandre avec qui il a pris ses distances, et dont les hommes d’Église et quelques lettrés comme Boileau condamnent alors le comportement tyrannique112. Louis est désormais un héros moderne auréolé de gloire et de courage, conscient de sa propre valeur. Tout ici évoque ce que proclament les panégyriques. Dans les Grandes et Petites Conquêtes113, gravées par Sébastien Leclerc et Claude Chastillon quelques années plus tard, François Charpentier, membre de la Petite Académie114, affirme que le roi n’a qu’à paraître, et son nom n’a qu’à être prononcé, pour que les villes se rendent. Ce portrait équestre correspond à la réflexion sur la véritable gloire qui agite alors les esprits et à la redéfinition du fondement de la monarchie absolue, telle que la conçoit Louis XIV lui-même à partir des années 1670115.
Figure 77. – Gérard Edelinck d’après Charles Le Brun, Tèse de la Guerre de Jacques-Nicolas Colbert, 1677.

Figure 78. – Gilles Rousselet d’après Charles Le Brun, Tèse du comte de Saint-Pol, 1664.

Figure 79. – Nicolas Guérard d’après Pierre-Paul Sevin, La prise de Maastricht, page de la thèse de Louis de La Tour d’Auvergne, 1679.

84Le Brun et l’abbé Tallemant s’estimaient. On sait que lorsque le peintre fut chargé du plafond de la Grande Galerie, il demanda à Colbert que ses dessins fussent jugés par « quelque homme de lettres » et que l’abbé Tallemant fut désigné : « il a beaucoup travaillé dans tout le cours de cet ouvrage, a fourny à Monsr. Le Brun tout ce qui luy a esté necessaire, les mémoires de la vie du Roy, avec une exactitude telle qu’il exigeoit, les armoiries des villes et des Princes. Etc. Il a fait les descriptions des tableaux, les inscriptions116 ».
85Les deux dernières campagnes du roi, la prise de Maastricht, le passage du Rhin, la prise de Gand et de Valenciennes, « les villes Bataves conquises », « la Franche Comté ajoutée au Royaume » et la paix de Saint-Germain sont également célébrées par Sevin en 1679, dans la thèse de philosophie en livret du prince de Turenne, dont chacune des 16 pages est ornée d’une gravure différente. Enrichies d’un grand nombre de devises, ces compositions dynamiques, parfois élégantes, parfois brutales ou étranges, témoignent d’une imagination constamment renouvelée, qui étonna l’auteur du Mercure en août 1679117. Le livret renfermait « les Actions les plus éclatantes que sa majesté a faites par Elles-mesme dans tout le cours de cette Guerre ». Pour raviver la mémoire du public, les batailles sont énumérées. Auteur d’une partie des devises, Ménestrier en donne l’explication dans son Histoire du règne de Louis le Grand par les médailles. Ces « mises en scène » rappellent celles qu’on retrouve chez Van der Meulen et chez les graveurs d’almanachs, sur un mode plus naturaliste que celui du plafond de Versailles, car l’allégorie est rejetée hors des compositions principales qui occupent le haut de chaque page. La geste militaire du roi, sa grandeur, sa modération et sa valeur sont ainsi décrites sur le mode épique. Sur le mode narratif, exceptionnel dans l’illustration des thèses, on voit le stratège à la tête de ses troupes ou recevant les vaincus. Pour la prise de Maastricht, Louis XIV en personne assiste de nuit au siège de la citadelle prise sous le feu des canons (cat. 91 ; fig. 79). Dans Gand occupé, suivi d’officiers, il domine les armées sur son cheval en levade118 ; le bras tendu, tenant le bâton de commandement, il donne l’ordre de la bataille et assiste à la prise de la ville. Celle de Valenciennes montre le corps-à-corps des deux armées et un massacre sur le pont menant à la citadelle. Mais d’autres scènes sont traitées à l’antique : pour évoquer la prise d’Ypres, Sevin montre les édiles apportant les clefs de la cité au roi à cheval en Alexandre, entouré de ses généraux.
Figure 80. – Teresa del Po, Tèse de Pompeo Amerighi, 1681.

86À l’exemple de Paul Tallemant dans ses panégyriques de 1687 et 1689, tout est fait pour célébrer le grand capitaine119. Les personnages allégoriques au bas des pages traduisent l’effroi des assiégés et l’appel à la clémence royale. Les boulets de canon évoquent la guerre de siège, préférée par Louis XIV aux chocs directs, qui fait de lui le seul héros de la bataille et rend impossible tout acte individuel de courage chevaleresque de la part de la noblesse120. Aussi, pour évoquer le passage du Rhin, le voit-on galoper au premier plan vers le spectateur auquel il semble s’adresser, tandis que des soldats franchissent le fleuve ; au bas de la page des positions, les dieux s’effrayent de tant d’héroïsme. Devant les murailles éventrées de la citadelle avec en première ligne une batterie de canons, la représentation du siège de Cambrai montre les assiégés rendant les armes aux pieds du monarque à cheval. La composition célébrant l’alliance de la France et de la Suède met en évidence les canons et les boulets aux pieds de la figure du Danemark, appuyée contre un navire. Boulets et canons sont partout : au bas de la reddition des nations Bataves, sous le corps d’un prisonnier enchaîné, au bas du passage du Rhin, ils éclatent entre les mains des forgerons ennemis.
87La représentation réaliste du roi sur le champ de bataille est assez rare dans les thèses ; aussi celle de Pompeo Amerighi, qui fut soutenue à Sienne en 1681 et gravée par Teresa del Po, revêt-elle un intérêt particulier (cat. 94, fig. 80). Comme le précise la dédicace, on y voit le roi « très Chrétien » en costume moderne, tel qu’il apparaît dans les tableaux de Van der Meulen, entouré de trois cavaliers, peut-être le Dauphin, probablement Condé, et un officier non identifiable au visage à demi caché. La France et des amours sollicitent le roi pour de nouvelles conquêtes en Asie et en Afrique, rappelant ses ambitions politiques et économiques sur ces deux continents121, où il entendait rivaliser avec la Hollande, tout en faisant des terres catholiques.
88Le motif du roi à cheval se retrouve encore quelques années plus tard sous le burin de Claude Duflos qui interprète un tableau de Martin des Batailles dans une des dernières thèses dédiées au monarque, celle de l’abbé Van der Meulen soutenue entre 1685 et 1695 (cat. 103, fig. 81). Toute allégorie a disparu. Tenant le bâton de commandement, le roi est seul, au naturel, tête nue, dans un costume moderne, cuirasse et cape au vent. Plus de vertus ni d’ennemis et de monstres. Bien qu’au loin des troupes s’avancent au galop vers un village, la composition n’a rien d’héroïque. L’attitude du roi est figée et son visage sévère n’a plus la sérénité d’antan. Bien que de médiocre qualité, la représentation est en adéquation avec le portrait peint par Houasse vers 1680, qui connut un succès considérable122 jusqu’à son remplacement en 1701 par celui du roi en costume de sacre123 de Rigaud, qui ne fut repris dans aucune thèse. Entre 1685 et 1695, Martin des Batailles supprime la Victoire qui couronnait le roi de laurier dans le tableau de Pierre Mignard (fig. 82). Hormis son visage, rien dans le costume et l’allégorie ne permet de le reconnaître ; s’il tient un bâton de commandement comme dans la composition d’Houasse, il ne s’en sert pas. Va-t-il à la Guerre ? En revient-il ?
Figure 81. – Claude Duflos et Pierre Giffart d’après Jean-Baptiste Martin dit des Batailles, Tèse de l’abbé Van der Meulen, 1685-1695.

Figure 82. – Pierre Mignard, Portrait équestre de Louis XIV couronné par la Victoire devant le siège de Namur, 1692.

89Le chemin parcouru depuis les grandes compositions pour les thèses inventées par Le Brun est considérable et témoigne de la volonté de donner du roi une image moins orgueilleuse et moins humiliante pour ses ennemis, qui apparaît à la fin des années 1680. Cette volonté est annoncée dans les deux illustrations de thèses conçues par Pierre Mignard, où l’allégorie n’a pas entièrement disparu. En 1684, les fils de Louvois lui font appel pour célébrer le roi (cat. 102, voir fig. 19). Alors que le peintre critiquait l’emploi de l’allégorie par Le Brun au plafond de la galerie des Glaces, dont il jugeait le propos obscur, il n’hésita pas à y recourir, bien que plus modérément. Avec une vue de Strasbourg, devant laquelle des bergers et bergères dansent au son du pipeau tandis que paissent leurs troupeaux, la scène gagne en naturalisme. Le peintre rappelle que la ville a été annexée le 30 septembre 1681 et que le roi y a fait son entrée le 23 octobre. Appuyé sur l’épaule d’Hercule assis à ses côtés, Louis XIV regarde ses ennemis en déroute sous les yeux de Minerve étonnée.
90Il s’agit de célébrer « LE ROY DANS LE REPOS DE SA GLOIRE », ainsi que le proclame l’abbé François Macé dans un poème paru à l’occasion de la soutenance. On y voit, comme il l’écrit, ce « demy-dieu » à la « noble fiereté », ce « prince amoureux de sa gloire », « qui a fixé pour jamais l’inconstante Victoire », imposer sa loi à ses ennemis subjugués ou terrifiés. Grâce à lui, l’Europe qui désigne aux ennemis leur vainqueur va enfin « gouster les douceurs de la Paix ». Désormais :
« Strasbourg ne s’élèvera plus
Que pour servir de digue à l’orgueil de l’Empire. […]
[Et] l’Echo sensible à leurs ardents désirs [les bergers],
Répète, en s’accordant au son de leurs musettes,
Louis, le plus grand des Héros. »
91Les commentaires de l’abbé Macé rejoignent ceux du Mercure124 de juillet 1684, qui soulignent également la présence de l’Honneur et de la Victoire, chargées de palmes et de lauriers et le groupe de dix guerriers représentant les efforts des diverses nations, qui tentèrent de « s’opposer aux justes desseins du Roy ». Nouveauté par rapport aux illustrations précédentes, Louis XIV apparaît debout, sans cheval, face à ses ennemis que sa seule présence suffit à anéantir. Les symboles humiliants de l’Espagne, de l’Empire et des Provinces-Unies ont disparu. Pour marquer l’harmonie revenue, sainte Cécile joue de la harpe, accompagnée à la flûte par un angelot et entourée d’instruments musicaux.
92Cette idée fut reprise en 1692 pour célébrer les victoires de la guerre de succession d’Espagne, les prises de Mons et de Namur en mars 1691 et mai 1692, dans la thèse commandée de nouveau à Pierre Mignard, par Louvois pour son fils Camille (cat. 128, voir fig. 43). Le roi apparaît victorieux sur le champ de bataille. Son costume est en partie modernisé ; alors qu’il était vêtu à la romaine, il ne garde de romain que la culotte et les sandales. Là aussi, aucun contact direct avec l’ennemi. La présence du roi à Namur correspond à la réalité125 : ce siège fut le dernier auquel il prit part, et l’on notera que cette illustration de thèse est avec celle de l’abbé Van der Meulen (1685-1695) la dernière qui évoque des combats. Donnant des ordres à la France, le monarque debout tend son bâton de commandement vers les ennemis sans même les regarder. Sa seule présence suffit à les anéantir. Le Mercure d’août126 indique qu’il commande à la France de marcher sur les ennemis dont elle est environnée, que la Religion prie pour lui le Père éternel ; à terre, l’Envie tient un flambeau, « faisant connoistre par là le dessein qu’elle a de se revolter ». Puis il dresse la liste des membres de la ligue d’Augsbourg : l’Angleterre, la Bavière, la Savoie, le Brandebourg, l’Espagne, l’empereur et les princes de l’Empire « et une quantité de gens de pied, Allemands et Hollandais ». Ici les animaux symboliques des thèses de Le Brun et des plafonds de la galerie des Glaces cèdent la place à des soldats vêtus à l’antique dont les armoiries gravées sur les boucliers ou inscrites sur les étendards indiquent la nationalité. Au bas des positions, célébrant de nouveau la paix dont le roi est le défenseur contre l’obstination de ses ennemis, le génie des arts cherche à retenir Bellone, sortant en furie d’un arsenal, et un enfant en pleurs regarde avec mélancolie les instruments des sciences.
93L’auteur du Mercure invite le lecteur curieux à lire le poème latin de Rollin et sa traduction en français par l’abbé Bosquillon, où il trouvera « une description étendue de la gravure ». De cette traduction, retenons ce qui concerne le roi. Bosquillon souligne d’abord la présence de « La Religion seule et LOUIS triomphant », puis après avoir décrit tous les ennemis réunis contre le roi, il s’attache à la « perfide Héresie » que Louis a chassée de son royaume, évoquant la révocation de l’édit de Nantes qui attira sur le monarque la fureur ses adversaires :
« Par d’équitables loix elle se voit bannie
Du sein tranquille et doux de l’Empire François,
Où brisant les Autels, s’armant contre les Rois,
Jadis l’introduisit sa fureur inhumaine. […]
Sous les coups de LOUIS, sous sa main triomphante,
On la voit accablée, on la voit gémissante ; […]
Secouänt son flambeau d’une main menaçante,
Embrasant ses Amis d’une infernale ardeur,
Leur fournit seul à tous audace, armes, fureur. »
94Impassible face à l’Hérésie et aux coalisés, la France « rit de tant d’efforts qu’ils font si vainement » ; seule l’inquiète la sécurité du roi : « Son CHER PRINCE est le seul qui la fasse trembler. » Continuant à décrire l’estampe, Rollin brosse un portrait physique et moral du roi. Plus calme que la France, son amour pour elle l’amène à affronter tous les dangers :
« Pour elle s’exposer au douteux sort des armes
Braver tranquillement d’effroyables hazards […]
Ne confier qu’à soy le soin de la défendre,
èt s’en acquiter moins en Roy qu’en Père tendre.
Cet Auguste Héros joint à tant de Bonté
Une majesté douce, une noble Fierté ;
Il en a sur le front un mêlange admirable ;
Il est tout-à-la fois charmant & redoutable,
Et du mesme regard rassûre nos esprits,
Et répand la terreur chez tous nos Ennemis. »
95Ce calme s’explique par le secours de la Religion qui forme des vœux pour lui. Assise sur un nuage, les yeux tournés vers l’au-delà, elle le désigne avec tendresse : Louis a pris les armes pour la défense de ses autels : « La Foy n’est plus qu’un nom ; la force est impuissante / Pour défendre tes droits LOUIS seul se présente ». Elle en appelle à Dieu « Prends donc ta foudre… » et sa présence conforte le roi :
Figure 83. – Gérard Edelinck d’après Charles Le Brun, Tèse de Jean-Baptiste Colbert de Croissy, 1680.

« Cherchez-vous d’où Luy vient cette ferme assûrance ?
En l’appuy du Très-Haut il met sa confiance,
ET la RELIGION, dans l’horreur des combats,
De mesme qu’à la Cour, accompagnant ses pas,
Fait que pour Le garder le Ciel veille sans cesse,
Et qu’à ses grands desseins Dieu même s’intéresse. […]
De l’autre tendrement Elle offre au Roi des Rois,
Et LOUIS son vray Fils & l’Empire François ;
Et les yeux élevez cette pieuse Mère
Semble adresser à Dieu cette ardente prière.
Arbitre tout puissant de ce vaste univers […]
Daigne prester l’oreille à ma voix qui T’appelle ;
Descens icy, descens, viens venger ta querelle ;
Ce n’est que contre Toy que s’arment les Mortels ;
Leur coupable fureur n’en veut qu’à tes Autels… »
96Bosquillon évoque Mons et Namur, célèbre Louvois « en guerre et en paix son ministre fidèle » et conclut comme Mignard, en montrant Bellone et en invitant Camille Le Tellier à toujours chérir les arts :
« Regarde cependant les Arts des mêmes yeux,
CAMILLE que toujours ils Te soient précieux.
Ils te doivent beaucoup ; tu leur dois davantage. […]
Je borne là mes voeux127. »
97Ainsi la responsabilité de la guerre incombe aux peuples rivaux et lorsque les négociations échouent, le roi tente de maintenir la paix ; aussi célèbre-t-on sa prudence et sa volonté inébranlables face à ses adversaires. En 1684, le poème de l’abbé Macé et la gravure de Poilly montrent que le roi fait la guerre pour permettre à l’Europe de « gouter les douceurs de la Paix ». Pour mieux célébrer la paix et l’action bienfaisante du roi, la plupart des thèses ne montrent de la guerre que les derniers soubresauts.
98Cette représentation très sobre est beaucoup moins triomphaliste que celle de la thèse de Colbert de Croissy, où en 1680 Le Brun célébrait le traité de Nimègue (cat. 92, fig. 83). Le roi apparaissait alors en vainqueur implacable au milieu des cieux. La soutenance de Croissy avait fait aussi l’objet d’un long commentaire du Mercure de septembre128 :
« Le Roy paroist dans ces thèses donnant d’une main la Paix à l’Europe. Elle est armée pour désigner sa puissance, et la thiare, et les clefs qui sont auprès d’elle, marquent que c’est l’Europe Chrétienne. Comme le Roy donne cette Paix après avoir terrassé la discorde et la fureur de la Guerre il les tient l’une et l’autre sous ses pieds, pendant que de l’autre main il arrête la Victoire qui luy montre de nouveaux trophées, et de nouvelles palmes à acquérir. Le foudre de ce grand monarque est entre les mains de l’Amour de la Paix. »
99Assis sur un nuage, Louis XIV terrasse sans colère la Fureur de la guerre et la Discorde. La Paix, à qui il donne la main avec humilité, l’introduit près de l’Europe qui lui tend les bras avec ferveur. La Philosophie129 et la Nature le contemplent, afin que la paix revenue, « le retour de toutes choses » s’accomplisse. Dans le panégyrique qu’il avait adressé au monarque le 25 août 1679 pour la distribution des prix à l’Académie française, l’abbé Tallemant célébrait aussi la grandeur du roi, artisan de la paix. Il rendait hommage au « Père commun de toute l’Europe » à qui revient la gloire de la paix qu’il offre au milieu de ses triomphes pour le bien de tous. Chaque mot du début de son discours convient pour décrire la composition de Le Brun :
« J’ai crû ne pouvoir me dispenser, de vous parler de cette heureuse Paix, qui couronne si glorieusement toutes ses Victoires. Depuis quelques années je ne vous l’ay fait voir que le foudre à la main. Aujourd’huy qu’il s’est desarmé luy-mesme, il est juste de celebrer cette bonté paternelle, cette clemence magnanime, cette moderation incroyable qui pacifie toute l’Europe en un moment130. »
100Dans la gravure d’Edelinck comme dans ce texte, par ses vertus, sa valeur, sa modération, sa générosité, le roi « croit devoir préférer le repos du monde, au sensible plaisir de vaincre, & de conquerir ». Il est le seul médiateur de la paix, le seul souverain, le seul acteur, la seule personne réelle. « Louis au milieu d’une sanglante guerre, ayant toute l’Europe liguée & armée contre luy, propose la Pays, en dresse seul tous les artifices dans son cabinet, en envoye le projet131… » Pour l’abbé Tallemant, c’est « Louis XIV lui-même qui est intervenu pour imposer la paix, comme s’il n’était pas intéressé directement dans le conflit ; c’est lui qui a seul, parmi les belligérants, les pleins pouvoirs132 ». Pour Pierre Zoberman, « le texte souligne ainsi par omission la hiérarchie naturelle entre les souverains européens et renvoie implicitement à la comparaison entre le Tout-Puissant et son image. Faut-il voir là également l’aspiration à la monarchie universelle ? » La place du roi dans les cieux le laisse penser, car il apparaît plus que jamais au-dessus des hommes. Comme il l’écrit lui-même :
« encore que […] les rois soient hommes, je ne crains pas de vous dire qu’ils le sont un peu moins quand ils sont véritablement rois, parce qu’une passion maîtresse et dominante, qui est celle de leur intérêt, de leur grandeur & de leur gloire, étouffe toutes les autres en eux, mais jamais ils ne sont plus grands aux yeux des peuples que lorsque ceux-ci dans le malheur et l’adversité ont besoin d’eux133 ».
101Avec la thèse de Camille Le Tellier, le ton a bien évolué. Redescendu sur terre, le roi est devenu plus humain d’autant qu’il est désormais figuré en fantassin134. Comme le montre Hendrik Ziegler135, il est probable que dans les illustrations de thèse comme dans les médailles et statues, face aux pamphlets et satires qui paraissent en nombre à l’étranger, Louis XIV ait souhaité être représenté de manière moins blessante pour ses adversaires pour éviter leurs sarcasmes.
Le Roi Très Chrétien, l’Église catholique et Dieu
102La Religion apparaît très tôt dans les frontispices ; même si elle n’en constitue pas d’abord le sujet principal, elle est immédiatement associée au jeune roi. On la voit dès 1640 dans un dessin de Flamen (cat. 4), sur un socle, portant la croix près du Dauphin maintenu sur un pavois par ses parents ; vers 1651 dans une gravure de Daret (cat. 17), auprès de l’Église catholique et romaine, elle est assise sur une croix et tient le calice et les Vices enchaînés ; un amour la rapproche du souverain. Elle réapparaît en 1663 dans la thèse d’Amelot (cat. 42), où cédant en importance à d’autres vertus, elle figure dans un médaillon tenu par le Zèle religieux qui tend au roi un cœur enflammé, mais elle est le moteur principal de l’action : le joug sous lequel la tient l’Hérésie amène Louis XIV à racheter Dunkerque.
103En 1671 dans la thèse de l’abbé de Noailles (cat. 70, fig. 84) puis vers 1683-1686 dans celle de l’abbé de Polignac (cat. 100), la Religion est l’objet même de l’illustration ; la célébration de l’Église catholique est le sujet principal de la composition. Cette importance nouvelle correspond au changement d’attitude du roi qui naguère, pour ne pas s’aliéner les princes protestants dans ses prétentions à l’Empire, cherchait à traiter sur le mode mineur la lutte antiprotestante à l’intérieur du royaume136. C’est alors que Louis-Antoine de Noailles chargea Antoine Paillet de représenter la Défaite de l’Hérésie et demanda à François de Harlay, l’archevêque de Paris à qui il devait succéder en 1695, de la présider. Éclairé par le soleil de la Vérité brandi par l’archange saint Michel au-dessus de sa tête, Louis XIV est représenté assis, et fait exceptionnel, en costume de sacre, le collier de l’ordre du Saint-Esprit autour du cou, tenant le sceptre. Obéissant aux instructions de l’Église romaine, il donne l’ordre au génie religieux de la France d’exterminer l’Hérésie qui gît à terre, la main fermée sur les écrits de Calvin, laissant échapper ceux de Luther, Mélanchthon et Zwingli. Comme l’Église, le roi est frappé par les rayons du Saint-Esprit, rappelant le droit divin qu’il doit à son sacre et qu’évoque également son costume137. Brandissant le sceptre, il témoigne que c’est par son intermédiaire que les grâces du ciel descendent et qu’il est le médiateur entre les hommes et Dieu. Son geste en direction du génie de la France rappelle également qu’il est le lieutenant de Dieu sur terre et que si l’Église le regarde avec insistance, c’est que la France est sa fille aînée. Tout imprégné de son rôle, Louis n’a d’yeux que pour son peuple qu’il considère avec gravité, lui indiquant la voie à suivre. L’Espérance, la Foi, la Charité et la Paix entourent le roi et l’Église catholique ; derrière elles des ouvriers abattent un temple.
104Le Conseil du roi faisait alors vérifier les titres des lieux de culte protestants et ceux qui ne pouvaient prouver leur ancienneté furent détruits. Commencées dès 1661, ces destructions se poursuivront jusqu’en 1685, si bien que plus de 700 disparurent138 ; à droite au fond de la composition, une vue du temple de Charenton qu’on démantelait rappelle cette actualité. Toute conversion était punie de bannissement et il était formellement défendu aux « prétendus réformés » de tenir des écoles. La déclaration de 1669 préluda à une courte accalmie. Cette gravure fait peut-être référence au projet de « réunion négociée » envisagée par le roi et Clément X entre ecclésiastiques et ministres convertis. À Paris et à Rome, quelques-uns croyaient encore à la conversion pacifique. Ainsi l’almanach de Pierre Landry paru cette année-là montre « Le triomphe de l’Église sur l’hérésie dans la conversion de l’illustre famille de la Tremouille, M. le Prince de Tarente, M. le duc de Thouars, son fils entre les mains de M. Arnauld, évêque d’Angers, et celle de plusieurs autres personnalités de considération sous le pontificat de Clement X139 ». Preuve de son importance et de son caractère encore actuel, la gravure fut exposée au salon de 1673140, deux ans après la soutenance.
Figure 84. – Guillaume Vallet d’après Antoine Paillet, Tèse de Louis-Antoine de Noailles, 1671.

105Il faut attendre une dizaine d’années pour que l’Église catholique devienne l’objet d’une nouvelle affiche (1683-1686), celle de la thèse de l’abbé de Polignac, où pour représenter le Triomphe de la Religion (cat. 100) sous l’égide du roi, Le Brun la montre entourée de l’Espérance, de la Charité et du Zèle divin, assise sur un char tiré par le Tétramorphe, tenant d’une main le calice posé sur le livre des sept sceaux, au-dessus duquel plane la colombe du Saint-Esprit, de l’autre un bouclier à l’effigie du roi, que maintient la Justice divine exterminant l’Hérésie ; l’Opiniâtreté et l’Ignorance entraînent dans leur chute la Rébellion accablée par la destruction des temples, figurée selon Nivelon par une colonne brisée. Face à eux, la Vérité brandit un flambeau qui éclaire le globe, destiné à l’origine aux positions, que dévoile l’Amour de la Grâce.
106Il y a plusieurs conjectures sur la date de la soutenance. Selon la Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savans de l’Europe141, elle aurait eu lieu vers 1683, deux ans avant la révocation de l’édit de Nantes.
« Les Thèses de Théologie que Mr. l’Abbé de Polignac soutint quelques années après en Sorbonne, ne lui firent pas moins d’honneur : il y avoit mis en tête ces mots, qui se trouvent si souvent dans l’Ecriture en parlant des Rois de Juda, Excelsa abstulit [Il abattit les hauts lieux] ; par où il faisoit allusion à tout ce que venoit d’ordonner, ou que préparoit alors Louïs XIV pour l’établissement de l’unité de Religion dans son Royaume. »
107Mais Guillet de Saint-Georges indique que le 16 juin 1686 le dessin auquel travaillait Le Brun fut « porté au père de La Chaise et trois jours plus tard à l’archevêque de Paris142 ». La gravure servit-elle pour la thèse ? Il ne semble pas. Selon Heinecken143, elle n’a pas paru et on en a même tiré que fort peu d’épreuves. Un propos de Saint-Simon va dans le même sens : « Deux fois, il [l’abbé de Polignac] avait entrepris une licence, deux fois il l’avait abandonnée ; les bancs, le séminaire, l’apprentissage de l’épiscopat, toutes ces choses lui puaient : il n’avait pu s’y captiver144. » Dans son étude sur Le maître de Craponne, Jean Torrilhon145 date cette thèse de 1683 environ, et mentionne une lettre dans laquelle l’abbé demande une aide financière de 30 pistoles, soit près de 300 livres, à son ancêtre Torrilhon de Vacherolles pour faire graver l’affiche de sa thèse. La lettre n’est pas datée mais l’abbé est alors âgé de 22 ans, ce qui situe sa requête en 1683 :
« J’ai cru, Monsieur, qu’étant aussi de mes amis que vous l’êtes, je pouvais compter sur votre bon cœur en une occasion où je suis, prêt à partir pour Paris, afin d’y soutenir une thèse destinée au Roy, qui me coûtera beaucoup. J’ai amassé de l’argent, le plus qu’il m’a été possible, mais en vérité j’ai un extrême besoin de trente pistoles, que je vous demande instamment, que je vous rendrai le plus exactement possible. Vous savez qu’il n’y a rien à perdre avec moi ; et surtout, ayant avec ma Maison autant de relations que vous avez, il y a mille occasions où je puis vous revaloir. Au nom de Dieu, n’en faites rien savoir à Madame, car je l’ai épuisée – l’Abbé de Polignac. »
108Quelle que soit la date, 1683 ou 1687, le contexte est celui de la révocation de l’édit de Nantes signée à Fontainebleau le 18 octobre 1685, de sa préparation, des ordonnances qui le suivent. L’intention est de souligner l’appui indéfectible de Louis au combat de l’Église et le bien-fondé de cette lutte : le portrait du roi en armure est figuré sur son bouclier maintenu par la Justice divine, et entouré de deux amours dont l’un porte un rameau d’olivier et l’autre une balance.
109Le Brun lui-même s’est probablement rappelé cette composition lorsque le 8 février 1687, l’Académie de peinture et de sculpture146 « fit rendre grâces à Dieu du rétablissement de la santé du Roy, dans l’Église des Prestres de l’Oratoire de la rüe S. Honoré147 ». Outre un grand nombre de devises, on y voyait, sur de riches tapisseries, neuf grands tableaux qui montraient le roi, dont un représentait « l’Église victorieuse de l’Hérésie ». Concernant les actions du roi en faveur de la Religion, les académiciens avaient également figuré « La démolition du Temple de Charenton, l’Église cathédrale de Strasbourg, où la Religion Catholique a esté rétablie par le Roy : les Missions dans les Pays plus éloignez ».
110Vers 1687, Philippe Quinault (1635-1688) fut chargé par Le Brun, comme membre de la Petite Académie, d’écrire les textes accompagnant chaque composition de la Description des tableaux et des autres ornements dont l’Académie royale de peinture et de sculpture a décoré l’église des RR. PP. de l’Oratoire de la rue Saint-Honoré, où elle fait rendre grâce à Dieu pour la guérison du roi, et composa peu après un poème plein de lyrisme pour célébrer le peintre et « Le tableau sur la chute de l’Hérésie ». Quelques passages de sa description permettent de juger de sa similitude avec la gravure.
« Un monstre longtemps redouté
Tombe enfin, sans espoir que l’Enfer le relève.
L’invincible Louis achève
Ce que tant d’autres Rois ont vainement tenté.
De l’heresie affreuse, inflexible, cruelle
L’église triomphe par luy […]
L’église est sur son char avec tranquillité,
Elle Brille d’une Beauté
Qui jamais par le temps ne peut estre ternie,
Jamais avec la Majesté
La Douceur ne fut mieux unie. […]
Desjà pour figurer cette grande aventure
Le Brun trace un dessin nouveau
Il faut joindre ma plume à son noble pinceau
Et faire parler sa peinture.
Heureux si nous laissons à la race future
Un fidèle portrait d’un triomphe si beau !
Heureux s’il nous estoit possible
De former d’assez nobles traits
Pour marquer la vertu du héros invincible
Par qui l’Église dompte un monstre si terrible
Et goûte une si douce paix !
Mais quelles mains assez sçavantes,
Quelles couleurs assez brillantes
Peindront ce Roy victorieux,
Tel qu’il se fait voir à nos yeux ?
Le charme secret qui luy donne
Plus d’empire que sa Couronne
Peut-il estre représenté ?
Ce Héros est trop grand,
Sa gloire est trop brillante,
On ne pourra jamais quelque effort que l’on tente
Le montrer tout entier à la postérité148 ! »
111Le poème n’est pas daté et George Buford Norman149 y voit un commentaire du tableau du Louvre, mais deux dessins préparatoires150 montrent que Le Brun a modifié ses projets. Si en effet, rien ne manque dans la description, si on retrouve ce caractère « inexprimable » du monarque, si la Vérité qui « a levé le voile sombre/Dont cent peuples séduits laissaient couvrir leurs yeux151 », au lieu de montrer la Religion sur un char tiré par le Tétramorphe, Le Brun l’a figurée assise au milieu des nuages, ce que confirme le livret de Quinault ; de plus le médaillon où figure le roi est désormais posé sur un socle et non plus sur le char.
112Le 17 décembre 1686, le triomphe de l’Église fit également l’objet d’une manifestation publique au collège de Louis-le-Grand ; le père Quartier, professeur de rhétorique, y prononça une harangue, où il montra que la Piété avait inspiré au « roy le dessein d’une si glorieuse entreprise, que la sagesse luy avoit fourny les moyens de l’exécuter, & que le bonheur en avoit rendu le succès tel qu’on eust pû le souhaiter152 ». La salle avait été décorée pour l’occasion de nombreuses devises « qui renfermoient tous les moyens dont le Roy s’est servy pour détruire l’Heresie en France ». La porte d’entrée était entourée d’un arc de triomphe, sur lequel on voyait la Religion tenant un calice surmonté d’une hostie avec au-dessus de sa tête la colombe du Saint-Esprit. Michel Corneille le Jeune (1642-1708), qui a conduit l’ouvrage, avait probablement présente à l’esprit la composition de Rubens peinte en 1626 pour la suite des tapisseries du couvent des Déchaussées royales de Madrid, commandées par Isabelle-Claire-Eugénie, bien connues par les gravures de Nicolaas Lauwers. À la représentation assez rare du char conduit par le Tétramorphe, il substitua un quadrige attelé de chevaux blancs ; comme à l’Oratoire, le roi paraît sur un piédestal à côté de la Religion, et comme dans la thèse de l’abbé de Noailles, il tient un sceptre, « pour faire voir que sa justice & l’authorité de ses Edits sont les seules armes dont il s’est servy pour detruire l’Heresie qu’on avoit représentée à ses pieds sous la figure de l’Hidre ».
113Ainsi, alors qu’aucun décor des maisons royales n’évoque l’extirpation de l’hérésie, sinon sur le mode allusif dans le salon de la Paix153, et que le sujet reste exceptionnel à l’Académie, qui dans les morceaux de réception préférait l’aborder à travers le rachat de Dunkerque154, on le retrouve à plusieurs reprises dans les thèses et les décors éphémères, qu’il s’agisse d’évoquer le soutien au pape par Louis XIV ou la révocation de l’édit de Nantes. En 1687, lorsque les Jésuites célébrèrent la guérison du roi, ils firent représenter par Gantrel, dans la partie supérieure de l’encadrement des thèses, sous le portrait en buste du monarque, le roi introduisant la Religion dans une église qui venait de lui être consacrée, avec sur les côtés la démolition des temples et les protestants chassés par des anges exterminateurs, pour signifier que la piété du monarque et de son royaume a amené Dieu à le sauver de la maladie. On constate de nouveau que la thèse et son illustration étaient pour les Jésuites l’occasion de faire leur cour au roi, de lui témoigner leur fidélité et leur respect, et de s’assurer de son soutien.
114Une autre thèse, soutenue en 1687 au collège des Jésuites de Turin par le comte Natta, célèbre le roi défenseur de l’Église catholique et romaine sur un ton et un mode bien différents (cat. 114, voir fig. 14). Dessinée par Domenico Piola et gravée par Georges Tasnière, elle montre Judas Maccabée recevant des mains de Jérémie une épée flamboyante pour défendre Jérusalem. Fait exceptionnel pour une thèse à lui dédiée, le roi n’en est pas le héros direct, mais nul doute qu’on le reconnut dans la figure de ce purificateur de l’autel du Temple profané par Antiochus, qui chassa les imposteurs de la cité de Dieu, et qu’on y vit une allégorie de l’action menée l’année précédente contre les Vaudois, qui s’était achevée le 3 mai 1686 par une répression sanglante conduite par Catinat. Mais une autre analyse est possible : Louis XIV serait-il Jérémie, qui prête son épée à Judas Maccabée (le duc de Savoie) pour combattre les hérétiques ?
115Là ne s’arrête pas cette évocation du Roi Très Chrétien. En juin 1685, durant le Concile général de l’ordre, où Italiens et Espagnols devaient également argumenter, les Minimes de Marseille lui dédient un panégyrique en forme de thèse (cat. 106, fig. 85). En tête de l’affiche, il est figuré en buste ; le nom de « Louis le Grand » commence chaque proposition. Cette thèse, où le roi était comparé à Dieu, fit grand bruit. On a vu que Mme de Sévigné s’en fit l’écho155. À la demande royale, la Sorbonne jugea qu’il fallait la supprimer. Pourtant, le Mercure galant de mars156 raconte que trois mois avant la soutenance, devant toute la cour, le président de la thèse Charles Guilhet et le candidat Philibert Madon l’ont présentée au roi qui « écouta avec une bonté inconcevable le Compliment de ces Pères », puis que les deux Minimes en offrirent une épreuve au Dauphin et à la Dauphine qui « la reçurent avec beaucoup de bonté ».
Figure 85. – Positions de la thèse de Philibert Madon, 1685.

116La thèse se répandit. Dès 1686 à Rotterdam, le théologien protestant Jacques Basnage (1653-1723) la publie en français et en latin à la fin de ses Considérations sur l’état de ceux qui sont tombez, ou Lettres à l’Église de*** sur sa chute, avec des prières pour l’Église, & pour ceux qui sont tombez. Dans l’Avis après la table, il indique :
« Comme on n’a pas voulu remplir cet ouvrage de beaucoup de citations, on s’étoit contenté d’indiquer la thèse des minimes à la page 411. Mais on a trouvé à propos de l’insérer toute entière parce qu’elle est curieuse, & qu’on en trouve presque plus aucun exemplaire. On l’a traduite en François, afin qu’elle puisse être entenduë de tout le monde, & on la mise en Latin, afin qu’on ne s’imagine pas que c’est une pièce supposée. »
117À La Haye en 1689, dans La religion des Jésuites ou Réflexions sur les inscriptions du père Menestrier et sur les écrits du Père Letellier157…, le pamphlétaire calviniste Pierre Jurieu (1637-1713)158 en fait une analyse impitoyable.
118Sans faire état de la gravure, il écrit :
« Toute la terre a frémi à la lecture des Thèses des Minimes de Marseille, où douze grands articles, qui reprennent les principales parties de la Théologie commencent par douze blasphèmes & par autant de Ludovicus Magnus : où Louis le Grand paroit comme l’unique preuve qu’il y a un Dieu ; que ce Dieu est autheur de la grâce efficace par elle-même ; qu’il est bon et juste, qu’il y a trois personnes en une seule, qu’il a créé les Anges, et qu’il les employe au gouvernement du monde ; qu’il y a des démons […] Où le Roy est magnifiquement loué, pendant que les louanges de Dieu y sont oubliées ; où Louis le grand est l’original de toutes les verités célestes ; où il est mis au-dessus des hommes et des anges ; où on luy fait une application profane de ces mots que le St. Esprit avoit prononcé pour le Roy des Anges “Mes ouvrages sont pour le Roy. Qui est-ce Roy ? C’est Louis le Grand, le Roy de gloire fort et puissant en guerre”. Ce sont là des impiétés raffinées & d’un ordre inconnu à tous les siècles. Mais le Roy les pardonne à cause des bonnes intentions. »
119Jurieu159 s’en prend non seulement aux Minimes, mais aussi à tous les flatteurs du roi, qu’il énumère par le menu : prédicateurs, peintres, orateurs, poètes, juges, magistrats, avocats et académiciens, « car la devise des Minimes de Marseille est devenue celle de tout le royaume, Dico ego opera mea Regi, je déclare que tous mes ouvrages sont pour le Roy ». Il conclut en remarquant : « artisans & hommes de lettres, n’ont plus ni de langues ni de mains que pour un seul homme. Toute la nation est devenüe folle ou plutôt lâche & esclave ».
120En 1691, la thèse des Minimes est encore dans les mémoires. Dans L’histoire du temps, ou Relation de ce qui s’est passé de mémorable… publiée à Amsterdam, et traduite de son Mercurius reformatus, le médecin anglais Jacques Wellwood (1652-1727) en souligne les aspects scandaleux qu’il met en évidence dans le sommaire : « 1. Titres blasphématoires donnez au roi de France par ses flatteurs. 2. L’Impiété des Theses des Minimes de Marseille. 3. La Dedicace de ces Theses. 4. Elles commencent toutes par des impietez à la Loüange du Roi de France 5. Particulierement la seconde, la troisième, la quatrième, & la derniere. 6. La Souscription de ces Theses… » Analysant en détail les positions, il dénonce à la fois les thèses gallicanes et catholiques, tout en renvoyant le lecteur aux exemplaires en vente chez les libraires160 ; il prend également pour cible d’autres panégyriques « blasphématoires » adressés au roi par Pellisson161.
121La polémique est également reprise par l’oratorien français Pierre-Valentin Faydit (1640-1709), bien connu pour ses critiques acerbes qui lui valurent un séjour à la Bastille, qui en 1710 dans ses Nouvelles remarques sur le Virgile et sur Homere et sur le pretendu style poetique de l’écriture sainte162…, dénonce encore les excès de la thèse dont certains passages impies, précise-t-il, « firent horreur au Roi quand il le sçût ; sa pieté en fut choquée163 ». Il décrit la gravure : « Ils dédièrent une thèse au Roi, où ils representoient son visage tout brillant de la gloire de Dieu, & environné de rayons de lumière, comme on a accoûtumé de représenter les Saints Canonisez. » C’est que tout auréolé de rayons, à l’égal de ceux du Christ et des saints, le portrait gravé par Pierre Simon était en parfaite adéquation avec les propos des Minimes et en renforçait l’effet. Plus grand que nature, il dut impressionner l’assistance et tous ceux qui reçurent la thèse. Le roi était représenté vêtu d’une toge brodée de fleurs de lys et doublée d’hermine ; sur l’ovale étaient les mots mêmes qui ouvraient chacune des positions : « LVDOVICUVS MAGNVS » et l’inscription « HERORVM MAXIMVS » ajoutait encore à l’éloge. Cependant, ce portrait n’avait pas été gravé pour l’occasion, mais trois ans plus tôt.
122Si portraits, dédicaces et thèses concouraient à la glorification du roi, leur caractère trop ostentatoire pouvait produire un effet inverse de celui qu’escomptaient les dédicataires. Lorsque la thèse fut soutenue, les tendances gallicanes dont elle était une des manifestations battaient leur plein. Dans sa Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, parue en 1709 mais rédigée trente ans plus tôt, Bossuet souligne le rapport étroit entre Dieu et le roi : « La majesté est l’image de la grandeur de Dieu dans le prince. […] La puissance de Dieu se fait sentir en un instant de l’extrémité du monde à l’autre : la puissance royale agit en même temps dans tout le royaume… » ou encore « Considérez le prince dans son cabinet. De là partent les ordres […]. C’est l’image de Dieu qui, assis dans son trône au plus haut des cieux, fait aller la nature164 ». Poussés à l’extrême, ces propos rappellent ceux des Minimes comme ils évoquent le portrait gravé par Pierre Simon. Les rois sont les représentants de Dieu sur terre : Bossuet et les prédicateurs, les Jésuites notamment, le rappellent souvent dans les panégyriques, et on assiste alors à l’assimilation entre le roi et Dieu165. Les propos d’Amelot dans sa dédicace en 1663 (cat. 42) et de l’abbé de Bouillon en 1667 (cat. 60) le montrent pleinement. La gravure de sa thèse présente le roi en buste dans un ovale tel un nouveau César et semble à priori éloignée de toute référence divine, mais l’exergue de la thèse y invite : « Cuius Regnum, Regnum omnium Saeculorum ? Psal 145 » (« Celui dont le règne est le règne de tous les siècles »). Associer Louis XIV à une thèse de théologie rappelle qu’il était Roi Très Chrétien, ce que les vers de Robinet dans La muse historique confirment166 :
« Ayant leu la Theze ma foi
Très-belle & Dédiée au Roy
Duquel comme un Astre Propice
Le portrait est au frontispice
Et qui sur le sujet vient bien
Etant d’un Prince Très Chrestien. »
123Le 20 septembre 1685, la faculté de théologie de Paris voulut témoigner son zèle au roi et son attachement aux principes de l’Église gallicane, alors que l’opposition entre le monarque et la cour de Rome atteignait son paroxysme. Aussi après avoir longtemps attendu, l’université décida de parler d’une seule voix « par la bouche de son recteur167 » Pierre Berthe (cat. 110). Le Mercure168 précise que l’acte « se fit avec très grand éclat & il s’y trouva un très grand nombre de personnes illustres de tous les ordres, pour y rendre en quelque manière toute la France présente. »
124Prélevée sur la caisse de l’université, une somme de 4000 livres fut affectée aux dépenses. Pierre Berthe choisit pour sujet les quatre articles de la déclaration du Clergé rédigée trois ans plus tôt par Bossuet, qui définissaient les libertés de l’Église gallicane, et avaient été signés par l’assemblée des évêques. Alors qu’on avait espéré rétablir ainsi l’harmonie entre la France et la papauté, le différent s’envenima. Le 11 avril 1682, Innocent XI condamna les conclusions de l’assemblée et refusa de nommer des évêques parmi les ecclésiastiques qui y avaient participé. Par ailleurs, au lieu d’entrer dans la coalition organisée par le pape contre les Turcs, la France s’allia à eux. Lors de la révocation de l’édit de Nantes (18 octobre 1685), quelques mois avant la soutenance de cette thèse, le pape condamna la position du roi, qui pour montrer malgré tout son soutien à l’Église durcit irrémédiablement la répression contre les Protestants.
125Comme celle de l’abbé de Noailles (cat. 70, voir fig. 84), d’abord présentée au roi, la thèse de Berthe fut présidée de l’archevêque de Paris, François de Harlay. Comme après celle des Minimes, l’émotion qui suivit la soutenance fut vive mais pour une tout autre raison. L’affiche, qu’on avait placardée sur la porte de la résidence du nonce Angelo Ranuzzi (1626-1689), l’irrita. Elle était ornée d’un portrait du roi et les positions étaient inscrites sur un manteau fleurdelisé, avec en haut la dédicace REGI et en bas un cartouche aux armes de l’université, autant d’éléments qui marquaient l’autorité du roi sur l’église que proclamaient les Quatre Articles. Le 17 octobre, trois semaines après la soutenance, Ranuzzi demanda au père La Chaise d’intervenir169. Selon Dangeau170, lors de l’audience qu’il eut du roi le 21, il se plaignit de cette thèse qui bafouait l’autorité du pape.
126Une thèse en livret soutenue en 1686 à Rome, au couvent de Sainte-Marie Transpontine (cat. 111), développe elle aussi un éloge du roi ; sa puissance sur terre y est mise en parallèle avec celle de Dieu, sans que soient franchies cependant les limites acceptables. Face à la dédicace « REGI CHRISTIANISSIMO », un portrait en buste du monarque gravé 22 ans plus tôt par Pierre Landry, dont les angles sont ornés du Soleil personnifié, des instruments des arts et du globe fleurdelisé entouré de trophées militaires qui font écho à la légende « SUFFICIT HICTERRIS » (« Il suffit à la terre ») et semblent illustrer l’exergue de la thèse : « Quod nomen est eius ; & quod nomen Filij eius ? Proverb. 30 » (« Quel est son nom, et quel est le nom de son fils ? »).
127Sans doute inspirée de la précédente, une autre thèse fut défendue à Rome deux ans plus tard en 1688 par Séraphin Crouzeil (cat. 120) au couvent des Cordeliers, puis la même année à Paris (cat. 121). Son livret célèbre de nouveau le Roi Très Chrétien et s’ouvre sur la dédicace « LUDOVICO MAGNO. REGI CHRISTIANISSIMO » et un portrait en buste du monarque. Il est orné aussi d’un bandeau énigmatique dessiné par Sevin, qui répond à la question, « Quis pascitur inter lilia ? Cantic. 2 », à la gloire des lys de France et de l’action du roi en faveur de l’Église. Preuve de son importance, le Mercure de septembre la décrit et l’explique :
« Comme la thèse a pour titre ces paroles du Cantique, Quis pascitur inter lilia ? On y voit d’abord l’éloge des lys de la France et le bonheur qu’ils ont de naistre sous les auspices et sous la protection de LOUIS LE GRAND, qui les a heureusement dégagez des épines de l’Héresie, qui ternissoit en partie l’éclat de leur blancheur, et diminuoit beaucoup l’odeur qu’ils répandent dans toute la terre. Cela est expliqué dans la vignette gravée délicatement qui représente le Sauveur du monde au milieu d’un champ semé de Lys, disant à ses Apostres, ces paroles de l’Évangile, Considerate lilia agri quomodo crescunt. On y voit aussi Saint-Michel protecteur de la France, qui tient l’Hydre abatüe sous ses pieds171. »
128Sur une tablette placée sous l’hydre, on lit : « Haeresis extremum, toties rediviva, venenum Fundit et est Genio Gallia tuta suo », ce qui explicite le sens de la gravure. La colombe du Saint-Esprit illumine le champ de lys d’un jardin à la française. Cultivés avec soin, ils bénéficient de la protection du Christ et de l’Esprit Saint. Le Christ désigne les fleurs aux apôtres. L’un d’eux lit ses paroles : « Considerate lilia agri quomodo crescunt » (« Considérez les lys du champ, comme ils croissent », Évangile saint Mathieu VI, verset 28). Les premières positions de la thèse décrivent la beauté des lys de France et le soin que leur porte le roi. Il n’est pas figuré dans le bandeau, mais tout évoque son action. La suite du verset est implicite : sans soin, les lys ne peuvent survivre « non laborant, neque nent » (« Ils ne peinent ni ne tissent »). La révocation de l’édit de Nantes et l’action du roi contre les protestants se trouvent ainsi de nouveau célébrées. Cet exergue avait été utilisé pour plusieurs médailles frappées en hommage à Louis XIV172, et notamment sur un portrait gravé par Pierre Simon173 en 1684, où le monarque apparaissait auréolé et que l’on a vu réutilisé sans la médaille en question dans la thèse des Minimes.
Faits et gestes de Louis XIV : la justice et la santé du roi
129Quand les thèses ne célèbrent pas le roi guerrier et victorieux défendant l’Église et l’État, elles font allusion plus directement à la politique intérieure du royaume et sont alors commandées par les collèges des Jésuites de province pour répandre ainsi l’hommage rendu au monarque. Elles participent souvent d’une tradition inaugurée au début du siècle, par laquelle les bons pères s’assurent chaque année de la bienveillance des magistrats, dans la famille desquels ils recrutent leurs élèves, en leur dédiant les travaux de ces derniers.
130Dès 1653, plusieurs thèses soutenues dans les collèges des Jésuites furent dédiées aux parlements de province et à travers eux au roi. Gravée par Gabriel Le Brun d’après son frère Charles (cat. 19), la première fut soutenue à Rouen. Auguste-Tanneguy Bonshoms de Couronne, fils d’un président au parlement174, y célèbre implicitement le roi, dont les armes apparaissent sous un baldaquin gigantesque au haut du temple de la justice, et l’archevêque François de Harlay dont les armoiries figurent sur l’architrave à gauche avec celles du cardinal de Bourbon, fondateur du collège en 1593 ; au même titre que le roi et le parlement, François de Harlay était le protecteur de la maison. Cet hommage au roi après la Fronde vaut d’être souligné. Alors que le parlement avait été hostile à Mazarin et au pouvoir, qu’il avait pris parti pour le duc de Longueville, la soumission de celui de Paris l’amena à réaffirmer sa fidélité à la Couronne, ce que la place donnée aux armes royales met ici en évidence. En 1667 les Jésuites de Toulouse (cat. 58) firent copier cette gravure pour illustrer la thèse de leurs logiciens.
131En 1654 à Rennes, ceux du collège des Jésuites s’adressèrent à Charles et à Gabriel Le Brun pour illustrer leurs travaux (cat. 22). La composition est plus complexe, mais de nouveau les armes du roi sont placées en haut et directement associées à la dédicace, car les deux amours qui portent le linge où elle est inscrite tiennent une couronne de laurier qui relie les médaillons contenant les armoiries des parlementaires. Les armes du roi sont au-dessus de la Justice et c’est donc en son nom qu’elle agit : assise sur un nuage, elle reçoit des parlementaires qui sont représentés debout, au bas de l’escalier monumental à l’intérieur du nouveau parlement dont ils viennent de prendre possession.
132Entre 1678 et 1690, les parlements renouvelèrent leur fidélité au monarque par d’autres thèses, toutes commandées par les Jésuites et éditées à Paris par Gantrel (cat. 88, 104, 123, 127). D’abord en 1678, ceux de Rouen firent dédier une thèse au parlement de Normandie par cinquante de leurs étudiants (cat. 88, fig. 86). C’est aussi un hommage au roi, dont divers attributs attestent de la présence. Entourées des colliers de Saint-Michel et de Saint-Esprit, d’une paire d’ailes et de deux trompettes et surmontées de la couronne royale, devant des palmes et des guirlandes de laurier, ses armoiries occupent là encore le haut de la composition. Elles surmontent la porte monumentale du temple de la Justice, orné d’un ordre français inventé pour l’occasion : le Soleil personnifié surmontant le globe fleurdelisé remplace la fleur centrale de l’acanthe. Au tympan, la Justice sous un dais, surmonté aussi de la couronne royale, est entourée de médailles aux effigies des rois de France avec la légende « LUDOVICUS MAGNUS perfecit » ; au centre de l’architrave entourée des armoiries des parlementaires étincelle le Soleil personnifié. Son nom n’apparaît pas dans la dédicace, mais il est clair qu’il s’agit de montrer que la Justice est rendue au nom du monarque. Autour des positions, entre les pilastres soutenant l’édifice, huit médaillons racontent l’histoire du parlement : le dernier montre des élèves recevant leurs récompenses des mains de la France.
133En 1685 (cat. 104) et 1690 (cat. 124), deux thèses gravées en l’honneur du parlement de Bretagne pour les collèges des Jésuites de Vannes et de Rennes évoquent ses relations tendues avec le pouvoir. On sait qu’à la suite de la révolte du papier timbré, il fut transféré à Vannes en 1675175. Ce fut une catastrophe pour Rennes, dont la population décrut presque de moitié.
134La première planche, dessinée par Jean II Cotelle (1642-1708)176 pour une thèse de logique soutenue par dix-neuf élèves du collège des Jésuites de Vannes en 1685 (cat. 104, fig. 87), puis réutilisée en 1690-1695 (cat. 123, fig. 87), montre dans la grand’chambre aux piliers ornés des armoiries des parlementaires le premier président, Louis Phélypeaux de Ponchartrain, futur contrôleur général des finances, accompagné des trois présidents à mortier Le Meneust, Fouquet et Montigny, rendant hommage à la Justice auréolée de lumière. Le soleil de la Vérité brille sur sa poitrine, elle tend son sceptre vers le magistrat et offre sa main à la Bretagne qui lui remet les clefs et lui présente ses armoiries, proclamant ainsi l’obéissance au roi sous l’égide de son président. La figure et les attributs de la Justice affirment que le roi est l’auteur de la loi et que les magistrats n’en sont que les représentants. Aussi la voit-on assise sur un trône orné de lions, évoquant celui de Salomon, sous un dais surmonté des armes de France, placées dans un globe sommé de la couronne royale, tenue par deux amours portant l’épée et la balance, les pieds posés sur un tapis fleurdelisé. Autant d’éléments qui rappellent l’ordonnance de 1667 réformant la justice civile et criminelle, et la déclaration du 24 février 1673 qui retira aux parlements le droit de remontrance et leur interdit d’interpréter les lois177. Preuve de cette allégeance au roi, la gravure qui avait servi pour célébrer le parlement de Normandie fut utilisée quelques années plus tard (cat. 123, fig. 87)178, pour témoigner de la soumission de celui de Rouen avec seulement quelques modifications : les armoiries des parlementaires gravées sur les pilastres sont remplacées par celles de leurs confrères normands, les armes de Rouen remplacèrent celles de Vannes.
Figure 86. – Étienne Gantrel, Tèse dédiée au parlement de Normandie, 1678-1679.

Figure 87. – Étienne Gantrel d’après Jean Cotelle, Allégorie au parlement de Normandie, v. 1690-1695.

135À la suite des lettres royales du 21 novembre 1689, le parlement de Bretagne quitta Vannes pour regagner Rennes (cat. 127, fig. 88). Ce retour tant souhaité par la ville lui avait coûté fort cher. En effet, l’État ayant besoin d’argent pour financer les nouvelles guerres, la ville saisit l’occasion pour rentrer en grâce auprès de Louis XIV et offrit 500000 livres ; le parlement en offrit 200000 supplémentaires et accepta la création de six nouveaux offices. Pour célébrer l’événement, les Jésuites s’adressèrent de nouveau à Gantrel pour graver une composition imaginée cette fois par Jean Cotelle (cat. 104). Cette planche179 servit en 1690 et en 1691 pour les thèses que leurs élèves dédièrent au parlement. Au frontispice, le roi est représenté en personne (cat. 124, 127). Une cape d’hermine sur les épaules, accompagné de Philippe d’Orléans, du Dauphin et de deux magistrats, il élève son sceptre devant le parlement180. Les Vertus et la Justice, que le génie de la ville lui supplie de ramener dans son palais, présentent au souverain les instruments du pouvoir et les armes de la Bretagne. Contrairement à ce que laisse supposer la gravure, Louis XIV n’était pas venu à Rennes pour sceller cette réconciliation. Cette représentation est donc toute symbolique.
Figure 88. – Jean Langlois et Pierre Lepautre d’après Antoine Dieu, Tèse d’André Brunel, 1691.

136Pour commémorer cet événement important, les Jésuites firent paraître une plaquette181 relatant la soutenance, qui contient la harangue adressée au parlement à l’ouverture des classes et la tragédie jouée à cette occasion par les élèves182. Un dais a été dressé pour surmonter le portrait de Louis XIV. En l’hommage du roi, l’entablement sur lequel repose la partie supérieure des thèses est scandé de son chiffre couronné et le haut des positions est sommé par la dédicace « LUDOVICO MAGNO » avec en petits caractères « AUGUSTISSIMO AREMORICAE SENATUM RHEDONAS REVOCANTI ». Juste au-dessus, signe du retour en grâce, les armes de France et de Bretagne réunies sont entourées du collier de l’ordre du Saint-Esprit et surmontées de la couronne royale, le tout posé en sautoir sur des palmes, des rameaux d’olivier et des trompettes.
137Le ton qui prédomine ici est bien différent de celui de la thèse dédiée près de quarante ans plus tôt au parlement de Bretagne, dont le dessin avait été donné en 1654 par Charles Le Brun (cat. 22, fig. 89). La Justice descendait alors d’un nuage au-devant des magistrats, accompagnée de l’Abondance et la Paix, et la Bretagne la recevait avec déférence. Leurs armoiries s’y trouvaient aussi sur toute la hauteur de la thèse avec celles de la France surmontées de la couronne royale, mais sans trône ni tapis fleurdelisé. La présence du roi était donc beaucoup moins affirmée.
138La soutenance de thèses était un moyen de faire connaître sa soumission au roi dans les villes conquises, comme en attestent celles qui lui furent dédiées à Lille (cat. 71) et à Ath (cat. 73) en 1672, dont on ignore si elles étaient illustrées. Alors que la guerre reprenait, de tels témoignages de fidélité n’étaient pas anodins. À ces illustrations évoquant l’histoire intérieure du royaume, il faut ajouter une pièce tout à fait exceptionnelle par son iconographie, qui fut gravée semble-t-il en 1686 pour Jean-Baptiste Hue de Miromesnil. La composition que dessina Sevin pour l’occasion montre le buste du roi dans une alcôve, entouré des instruments des arts et des sciences. Il est posé sur un piédouche au-dessus d’un arc de triomphe aux montants sommés d’une fleur de lys, sur lesquels sont représentées les grandes réalisations du règne : l’invention de la devise royale Nec pluribus impar183, la construction de Versailles, de l’Observatoire, des Invalides, la frappe de la Monnaie, la création de l’Académie des sciences, le dévelop pement de la Marine et de l’Imprimerie. Si elles avaient fait l’objet de nombreuses gravures, ces réalisations n’avaient pas été évoquées jusqu’alors dans les thèses.
Figure 89. – Gabriel Le Brun d’après Charles Le Brun, Tèse dédiée au parlement de Bretagne, 1654.

139Comme l’affaire du papier timbré, la guérison miraculeuse du roi184, opéré d’une fistule, fit l’objet d’une illustration de thèse commandée de nouveau par les Jésuites. Les villes de France et ses ambassades en Europe organisèrent des actions de grâces et des réjouissances, feux d’artifice, libations, pièces de théâtre, concerts, pour fêter son rétablissement. Le roi vint à Paris, où on ne l’avait plus vu depuis 1682, pour assister au Te Deum à Notre-Dame et au banquet organisé en son honneur à l’hôtel de ville. Gazettes et almanachs rappellent ces moments de crainte et la joie qui suivit. En 1687, pour fêter le rétablissement de la santé royale, le collège des Jésuites de Rouen chargea un de ses étudiants de soutenir une thèse à laquelle l’élite de la ville fut conviée. L’exercice fut répété par onze étudiants avec la même illustration, un portrait de Louis XIV en costume civil : veste à ramages et cravate de dentelle, croix de l’ordre du Saint-Esprit brodée sur la poitrine. Cela n’est pas anodin puisque son corps, qui disparaissait ordinairement sous une armure ou un manteau fleurdelisé, trouve une importance nouvelle qui rappelle sa réalité humaine menacée. Dans cet imposant portrait gravé par Gantrel, grandeur nature, le roi regarde ses sujets de tout son haut, droit dans les yeux comme pour leur témoigner sa reconnaissance. Mais là ne s’arrête pas l’hommage : dans le cadre des positions sont exposés les événements liés à la guérison. Vingt petites scènes accompagnées d’une légende latine résument l’histoire du royaume de 1685 à 1687 : la révocation de l’édit de Nantes, les prières, les actions de grâces et les fêtes, la procession solennelle de l’université de Paris, les aumônes, les prisonniers délivrés, les harangues à la gloire du roi dans les académies et les collèges, les honneurs rendus aux statues du roi... Le cartouche principal montre Louis XIV introduisant la Religion dans un temple qui vient de lui être rendu ; inscrits dans les volutes latérales les autres représentent la démolition du temple de Charenton, la carte de France éclairée par le Soleil, signifiant que grâce au roi le royaume est entièrement catholique…
140Cette maladie occasionna la publication de centaines de pages du Mercure185, qui donne ici une vision politique de la piété de Louis XIV et de l’amour que son peuple lui voue :
« On y voit d’un seul coup d’œil tout ce que sa Majesté a fait en faveur de la Religion Catholique, et toutes les actions de grâces renduës à Dieu par le peuple pour le rétablissement de sa santé, avec les réjouissances qui les ont accompagnées… »
141Plus loin sont décrits les cartouches de l’encadrement, dont le choix des sujets rappelle le décor de l’Oratoire de la rue Saint-Honoré déjà mentionné. Si les tableaux peints à l’occasion sont plus nombreux et d’une disposition plus complexe, là aussi apparaissent des devises et des scènes au naturel. On y retrouve le portrait du roi, mais sur son trône et en manteau royal, les actions de grâces de la France, l’Église victorieuse de l’Hérésie, les temples démolis, la religion catholique rétablie à Strasbourg, les missions dans les pays éloignés, l’éducation de la noblesse, le percement du canal du midi, la révocation de l’édit de Nantes. Mais alors que les peintres et les sculpteurs de l’Académie avaient choisi d’évoquer également les victoires du roi, les Jésuites se plaisent à énumérer les hommages rendus au monarque, notamment ses portraits sculptés :
« On a rendu de grands honneurs aux statues publiques du Roy, comme dans la place des Victoires à Paris où Monsieur le Mareschal Duc de la Feuillade a élevé un monument digne de son zèle, et de la grandeur de celuy à qui il l’a consacré. D’autres ont entrepris d’en ériger de nouveaux. On en fait dresser un au lieu où estoit l’Hôstel de Vendöme, qui sera un glorieux témoignage à toute l’artillerie ; les viandes, les rafraîchissements, l’argent, les médailles jetées aux Peuples, et enfin les réjouissances, faites mesme dans les cours étrangères par le roi et le zèle des Ambassadeurs du Roy. »
142On pense au panégyrique prononcé par Paul Tallemant à l’Académie le 27 janvier 1687186 auquel la gravure fait allusion parmi les éloges adressés au roi. Il célébra lui aussi ses vertus et sa grandeur, sa politique extérieure soucieuse du respect des traités et de la fortification du nord-est de la France pour assurer la sûreté de ses sujets, la révocation de l’édit de Nantes, l’unité de l’État, la douleur puis la joie de ses sujets lors du rétablissement de sa santé. Comme le graveur, Tallemant proclame : « C’est maintenant que sans trouble & sans agitation il nous est permis de considérer LOUIS plus grand encore au milieu de tous ses maux qu’à la teste de ses armées. » Il conclut : « Veüille le Ciel nous faire gouster long-temps les douceurs d’un si beau Regne, & les continuer long-temps après nous […] il n’y a point de miracles que l’on ne puisse espérer pour le Prince le plus sage et le plus parfait qui soit jamais monté sur le Throne des Rois187. »
143Si dans la thèse de Rouen, le monarque est en civil, il apparaît en cuirasse dans celle de François Bourgarel au collège d’Harcourt le 26 décembre 1695. Il s’agit maintenant de montrer son soutien aux études scientifiques, si utiles à la guerre. À l’intérieur d’un palais, le génie des mathématiques et ceux des arts tiennent le portrait du roi que la Renommée couronne de laurier. À cette composition allégorique, gravée par Trouvain d’après Bon Boullogne et Pierre Lepautre, répond l’encadrement des positions en adéquation avec le sujet des thèses portant sur les fortifications : les six médaillons montrent les villes prises en 1690 et 1691 par Catinat : Pignerol, Montmélian dont le candidat est originaire, Suse, Nice, Casal188… Le Piémont fut occupé jusqu’au traité de Turin, signé quelques mois avant la soutenance, ce qui fit rentrer la Savoie parmi les alliés de la France et par lequel Marie-Adélaïde épousa le duc de Bourgogne. Montmélian fut évacué en 1697 en échange de la destruction du fort de Pignerol. À nouveau, le bas de thèse s’avère essentiel pour saisir la portée de l’illustration et la richesse du propos.
144Mais le portrait n’est pas toujours nécessaire, et les étudiants en font parfois l’économie. En 1686, pour une thèse de mathématiques soutenue au collège Saint-Jaume de Marseille, tenu par les Jésuites, le candidat Jacques Symon (cat. 113) s’adresse au graveur Jacques Cundier pour mettre en scène la pratique de la géométrie à travers des expériences d’optique et l’étude du Soleil, métaphore du roi. Sur la page de titre sont gravées sur bois les armoiries, surmontées de la couronne, sur des trophées d’armes et deux fûts de canons en sautoir. Dans la longue dédicace en français, Symon indique que « Tandis que le Ciel & la Terre applaudissent aux actions héroïques » du roi, il souhaite lui offrir ces premiers travaux, dont il lui est redevable, car il a profité de l’enseignement dispensé dans les écoles « ouvertes aux officiers de ces Armées Navales ». Il conclut en affirmant que « ses études l’ont convaincu qu’il n’y a sur la Terre que les Vertus & la Gloire de V[ôtre] M[ajesté] qui soient sans bornes, & que tout le mérite des autres Princes est infiniment éloigné du sien ». La gravure de Cundier démontre cette grandeur que des amours tentent en vain de mesurer.
145Pour former un corps d’officiers des galères pourvus de connaissances techniques et scientifiques, Louis XIV et ses ministres ouvrirent des écoles adaptées de marine. C’est ainsi que l’École de construction navale de Marseille fut créée en janvier 1682, et pour s’assurer que lieutenants et enseignes suivraient les cours, il fut décidé par une ordonnance du 10 juin 1682 qu’ils recevraient 110 livres par mois pour les lieutenants et 50 pour les enseignes189. Aussi la gravure montre-t-elle des enfants s’activant dans un arsenal et sur des galères.
Une thèse « idéale »
146Ainsi, les illustrateurs de thèse et leurs commanditaires font un choix parmi les événements de la vie du roi, de la politique intérieure et extérieure du pays, des arts et des sciences. Le Mercure galant les y aida en publiant une thèse fictive, idéale, retraçant l’histoire du roi. Cette thèse, qui ne fut ni écrite, ni soutenue, ni illustrée, montre l’importance du choix des sujets. C’est à l’occasion de la convalescence du roi que le Mercure de janvier 1687 publia en près de cent pages190 cette Histoire de Louis XIV en forme de thèse. Un an plus tard, dans son Panégyrique historique du roi à Messieurs de l’Académie françoise, le futur académicien François de Callières (1645- 1717) proclamait :
« Les héros ont besoin de semblables secours [celui de la plume]
Le bruit de leurs grands noms ne dure pas toujours.
Le temps qui détruit tout en efface la gloire.
S’ils ne sont bien gravés au temple de mémoire191. »
147Dès le 3 juillet 1684, s’opposant aux thuriféraires excessifs, Boileau192 avait réclamé dans son discours de réception à l’Académie que cette histoire soit écrite avec « la naïveté du style le plus simple » et le respect des faits :
« Lorsque des écrivains sans artifice, se contentant de rapporter fidèlement les choses, et avec toute la simplicité de témoins qui déposent, plutôt même que d’historiens qui racontent, exposeront bien tout ce qui s’est passé en France depuis la fameuse paix des Pyrénées, […] quand dis-je, des plumes sincères, et plus soigneuses de dire vrai que de se faire admirer, articuleront bien tous ces faits disposés dans l’ordre des temps, et accompagnés de leurs véritables circonstances ; qui est-ce qui en pourra disconvenir, je ne dis pas de nos voisins, je ne dis pas de nos alliés, je dis de nos ennemis même ? »
148Nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour défendre une histoire sans fard, où l’emporteraient simplicité et concision. Boileau lui-même et Racine écrivent alors dans le Précis historique des campagnes de Louis XIV depuis 1672 jusqu’en 1678193, suivi vers 1691 de la Relation de ce qui s’est passé au siège de Namur ; ils entendent respecter la chronologie et rendre les faits avec le plus d’exactitude possible sans tomber dans le dithyrambe. Mais ils n’y parviennent pas, puisque Louis XIV est leur seul point de mire, le seul qui agit, le seul dont ils parlent vraiment ; aussi, comme les panégyristes qu’ils dénoncent, est-ce avant tout le portrait du roi qu’ils brossent, et ce qu’il présente à leurs yeux d’exceptionnel, de prodigieux et d’héroïque194.
149Comme Callières et Boileau, l’auteur anonyme de la « thèse idéale », qui pourrait être Donneau de Vizé lui-même195, entend retracer l’histoire du roi :
« Il ne s’agit que de marquer ce qu’a fait le Roy, sans détail, sans raisonnement, & sans éloge, & cependant cette Thèse peut passer pour une chose presque impossible, à cause du grand nombre d’Actions qu’elle contient. »
150La concision est nécessaire : « si l’on y veut renfermer tout ce qu’il a fait de grand ? Pour moy, je suis persuadé qu’il faudroit un Siècle entier, si l’on vouloit mettre dans leur jour toutes les actions de ce monarque, & que cette Histoire pourroit [p. 12] remplir seule des Bibliothèques ». Et de préciser que la thèse et tout ce qui y entre est écrit en français, « parce qu’on a eu pour objet la satisfaction des Personnes qui préfèrent cette langue, que nos Victoires ont rendue si florissante dans toutes les parties du Monde ».
151L’auteur commence par une description du frontispice :
« Le Portrait du Roy est placé au milieu d’une Couronne de laurier, relevée de quatorze Médailles, le tout posé sur une dépouille de Lion. Quatre grands Octogones avec de riches bordures accompagnent le Portrait, & font voir par quatre grandes Inscriptions la gloire du Roy dans les quatre Parties du Monde. »
152Suivent quatre inscriptions qui célèbrent l’allégeance au roi des quatre continents : l’Europe contrainte d’accepter la paix que lui accorde « LOUIS LE GRAND » ; l’Asie étonnée de sa grandeur lui députe trois ambassadeurs du royaume de Siam ; l’Afrique humiliée par la défaite de ses corsaires vient demander la paix ; l’Amérique est le théâtre des victoires et des conquêtes du roi. Viennent ensuite
« Quartorze Médailles [qui] sont autant de Vertus ou Attributs du Roy, représentéez par des Devises ou Emblèmes, & expliquez dans l’Exergue de chaque Médaille. Comme les Armoiries fournissent le corps le plus naturel & la plus ordinaire des Devises, on s’est fait icy une obligation d’en tirer quatre des Lys qui composent les Armes de nos Rois, quatre du Soleil, qui est le symbole du Roy, & une du Coq, qui représente la France » [p. 19].
153Chaque exergue est précisément retranscrit. Les médailles et les devises célèbrent les vertus du roi – sagesse, clémence, justice, libéralité, bonté, puissance, vigilance, fermeté, force, gloire, modération, piété, bonheur et vaillance –, et permettent de tracer son portrait. Cette importance accordée aux médailles et aux devises n’est pas propre à l’auteur. Sous l’égide de la Petite Académie, Le Brun leur donna une place importante au plafond de la galerie des Glaces et bientôt on les préféra aux thèses historiées pour écrire l’histoire du roi196. Puis l’auteur décrit la composition de la thèse, la dédicace et son emplacement :
« Dans le milieu de la bordure, au bas du Portrait, sont les Armes de sa Majesté entourées [p. 24] des deux Colliers des Ordres de Saint Michel & du Saint Esprit, & ornées de Guidons, d’Etendards, & de Trophées, qui jettent des branches d’Olive, pour marquer la Clémence de ce Prince, qui a bien voulu donner la Paix au milieu de ses Victoires. Il y a deux grandes Trompettes qui accompagnent la Couronne, avec deux aisles qui s’étendent de chaque costé, pour porter les Armes de LOÜIS LE GRAND jusques aux estrémitez du monde. Tous ces ornemens qui [p. 25] sont le haut de la thèse, sont soûtenus d’une table d’attente, ou parement irregulier d’Architecture d’un ordre Composite, avec sa Corniche, sa frise, son Architrave, colomnes, Pilastres, Chapiteaux, Piedestaux & Bases. Un grand Cartouche posé sur le milieu de la Frise, contient ces mots, A LA POSTERITÉ. Le grand Quadre destiné pour les Theses, est échancré par le bas, & posé entre les Pilastres. Il contient quatorze Theses ou Conclusions qui répondent. »
154La présentation est celle des grandes thèses en deux parties, dont haut et bas sont nettement différenciés. La comparaison avec celle de Dulion de Poinson sur la guérison du roi (cat. 116) s’impose par la diversité des sujets représentés autour des positions. La dédicace est identique. L’auteur passe ensuite au bas de la thèse, à l’ornement de l’encadrement des positions :
« Dans le grand Quadre du Roy [p. 74] du costez des Theses ou Conclusions historiques & politiques, sont marquées les principales Conquestes du Roy selon l’ordre des années ; afin qu’on puisse les trouver tout d’un coup, & d’une seule veüe ; en lisant les autres Actions de ce Prince Chaque conqueste a sa marque pour en connaistre la situation selon la Geographie ; cela se trouve expliqué dans un Cartouche posé sous le Quadre. »
155C’est l’occasion de dresser la liste chronologique des conquêtes du roi à partir de 1658 en précisant dans chaque pays la citadelle ou la ville conquise. Les ornements sont plus nombreux encore :
« Les Colomnes, les Pilastres & les Festons sont enrichis de cinquante-huit revers de Médailles qui sont autant d’Inscriptions qui marquent selon l’ordre des années, les principales Actions du Roy, qui n’ont pas esté comprises en particulier dans les Theses. On va les rapporter suivant qu’elles sont disposées » [p. 86].
156Par exemple les édits, alliances, protections, établissement du commerce :
« Grands Jours d’Auvergne en 1665, le Roi qui visite ses Conquêtes en 1670 et 1683, Alger foudroyée en juin 1683 ; de la Ville de Trèves démantelée & punie, en Juin 1684. […] La Révocation de l’édit de Nantes. […] Sur les festons on a encore ajouté tout ce qui touche aux naissances et mariages de la famille royale, d’abord celle de Louis XIV, son sacre, son mariage, la naissance de Monsieur [… jusqu’au mariage des enfants légitimés] La Princesse de Conty, le 16 Janvier 1680 [et] le Mariage de Madame la Duchesse de Bourbon, le 24 Juillet 1686 [sic]197. »
157Cette description est accompagnée de la dédicace et des positions qui ont pour titre « CONCLVSIONS. HISTORIQUES & POLITIQUES. QUESTION. Qui devez-vous estimer le plus Grand de tous les Monarques de la Terre ? » Puis commence l’histoire du roi dont quelques passages des quatorze propositions permettent de juger du ton général. Chaque conclusion commence par « les paroles de la Devise » correspondante. Par exemple, « Louis XIV. Donné de Dieu d’une maniere miraculeuse, éclaire l’Univers par les rayons éclatans de sa Sagesse ; II. Clemence, Justice, la force »…
158Comme dans la thèse des Minimes de Marseille en 1685 (cat. 106, voir fig. 85), les vertus du monarque sont de nouveau décrites, et chaque conclusion commence par le nom de « LOUIS LE GRAND » inscrit dans la même graphie en majuscules romaines et se termine par « LOUIS XIV, le plus grand de tous les Monarques », « de la terre », ou « du Monde » avec des variantes : « Le plus Sage » ; « le plus Pacifique » ; « Louis XIV est le plus Juste, le plus Magnifique & le plus liberal » ; « LOUIS XIV vray Pere de la Patrie, est le plus Aimable & le Meilleur » ; « le plus puissant » ; « Le plus Vigilant » ; « Le plus ferme de tous les Monarques à maintenir les droits de sa Couronne – le plus fort » ; « la Gloire de Louis XIV ne peut avoir de bornes, & que c’est avec justice qu’il est le plus estimé de tous les Monarques de la Terre ? » ; « Ennemy des loüanges & de la flatterie, toûjours affable, toûjours patient, & le plus moderé » ; « plus Pieux de tous les Monarques […] – le plus Heureux » et enfin « celuy que vous devez estimer le plus grand de tous les Monarques de la Terre ».
159L’auteur expose à chaque fois ses motifs. Par exemple, il énumère pour la quatrième les victoires, les lois, ses actions en faveur des beaux-arts, comme la création de l’Observatoire, la protection au Journal des sçavans et au Mercure galant et aux Académies à Paris et en province, la multiplication des écoles de droit, l’embellissement de Paris, les arcs de triomphe, l’élargissement des rues, l’entrée à Paris en 1660, les carrousels de 1662, 1685 et 1686, les fêtes de l’Île enchantée, les ballets, machines et la magnificence de sa cour. La vie personnelle et familiale du monarque n’est pas oubliée : on évoque « Le Bonheur du Roy » qui tient à sa postérité mais aussi à « son frère “selon son cœur” », la présence de « ministres éclairés & fidèles198 ». Preuve de la vertu morale et politique de Louis XIV :
« Sa Vaillance ne nous fit-elle pas une frayeur sans pareille, lors qu’après s’estre exposé à mille dangers, & à des fatigues inconcevables au Siège de Dunquerque il demeura luy seul intrepide pendant une dangereuse maladie qui desesperoit tout son Royaume ? Pouvez-vous sans admiration, & sans larmes penser avec quelle grandeur d’âme Louis a souffert sa blessure du 2. Septembre 1683. & une Operation accompagnée de douleurs aiguës199 ? »
160Quant à sa vigilance, elle l’amène à veiller au bien-être de ses soldats, à s’intéresser à l’éclairage de Paris, à créer les Compagnies des Indes orientales et occidentales, à développer la puissance maritime de la France et ériger des citadelles. Justifiant sa démarche, l’auteur remarque :
« Dans les Panegyriques de LOUIS LE GRAND, je prefere toûjours la verité toute simple, à la figure & aux Allegories. Je suis donc entièrement persuadé qu’il suffit icy d’establir sa gloire sur ses propres actions & sur des faits connus de toute l’Europe. »
161Devant une telle démonstration, on pense aux mots de Pellisson dans une lettre à Colbert en 1670 : « Il faut louer le roy partout, mais pour ainsi dire sans louange, par un récit de tout ce qu’on lui a vu faire dire et penser200. » Pas plus que Boileau et Pellisson, malgré son désir de faire œuvre d’historiographe rigoureux, l’auteur de la « thèse idéale » ne parvient à se détacher de l’encomiastique courtisane, mais il propose bien des sujets qui n’ont jamais été abordés dans les thèses illustrées dédiées à Louis XIV, où on ne trouve aucune évocation des ballets, des fêtes, des ambassades et des arrêts royaux, et pas plus, contrairement aux almanachs, de la vie de la cour et du décor des demeures royales. Pour représenter même en petit tout ce qu’évoque l’auteur de la thèse idéale, il aurait fallu beaucoup plus de place que celle dont disposent les graveurs de thèse, dont l’ambition ne fut jamais de résumer en une planche toute l’histoire du roi, mais seulement d’évoquer un moment du règne, en général le plus récent. C’est de certaines oraisons funèbres que se rapproche le plus cette thèse idéale et notamment celle de Louis XIV que prononça Edme Mongin le 19 décembre 1715 à la chapelle du Louvre, en présence de ses collègues de l’Académie française201. Il évoque la vie du monarque, sa naissance, ses exploits guerriers et va des victoires de Maastricht et de Mons à la construction de l’Observatoire et des Invalides, en passant par les édits contre les duels et la révocation de l’édit de Nantes.
Notes de bas de page
1 En 1593, la thèse du chirurgien Jacques d’Amboise mentionnée par Pierre de L’Estoile (L’Estoile 1825, XLVI, p. 528), en 1603, une thèse soutenue chez les Jésuites de Bordeaux (Fouqueray 1922, p. 43), en 1605 une planche de thèse de Léonard Gaultier (IFF 134), en 1606, la thèse de Robert Fidèle d’Arimini gravée par Villamena, en 1607 celle d’Arthur d’Épinay de Saint-Luc, gravée de nouveau par Léonard Gaultier (IFF 82) et en 1611, une thèse de philosophie au collège de La Flèche pour commémorer la mort du roi (Fouqueray 1922, p. 233).
2 Elles sont gravées par K. Audran, qui s’inspire de la gravure de Villamena offerte à Henri IV (IFF 372), Chauveau (IFF 1511), Firens (IFF 43), Lasne (IFF 404, 741, 747), Léonard Gaultier (IFF 114) et Vorsterman (Hollstein 115). La thèse des Jésuites de Bordeaux célébrant la prise de La Rochelle est dédiée à Richelieu, avec Louis XIII à son côté (Jean-Étienne Lasne : IFF 24 ; Meyer 1992, 1994.
3 Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages… 1854, t. I, p. 5.
4 Il semble en réalité que l’essentiel de la composition revienne là encore à Le Brun (cat. 3).
5 Mariette, Notes manuscrites III, fol. 9 vo.
6 Burke 1992, p. 49.
7 Cependant, la page de titre anonyme gravée sur bois d’une thèse de philosophie, qui lui est dédiée au collège des Jésuites de Toulouse en 1604, montre les armoiries de France et de Navarre au fronton d’une architecture aux colonnes torses ornées de dauphins et de lys (Toulouse, bibliothèque municipale, fonds Périgord, Rés D XVII 218).
8 Voir Véronique Meyer, « Du bandeau au placard », dans Paris/Tours 2004, p. 36-40.
9 Gazette, 19 décembre 1645, p. 1206.
10 BNF, Mss, Clairambault, t. XXXVII, no 1147, pièce 3946, fol. 218.
11 Voir AAE, t. CVII, le baron d’Auteuil à Chavigny, juillet 1644.
12 Du Bois-Hus 1644 (BNF, Tolbiac, Ln27-4822).
13 Il écrivit plusieurs poèmes célébrant la naissance de Louis XIV : La nuict des nuicts. Le jour des jours. Le miroir du destin. Ou La nativité du daufin du ciel. La naissance du daufin de la terre. Et le tableau de ses avantures fortunées, Paris, J. Paslé, 1641. Voir Adam 2003, p. 211-248. Son identité est obscure ; certains (Béguin 1999, p. 62 et Haran 2000) attribuent tous ces ouvrages à Michel Yvon, sieur de Bois-Hus.
14 La bibliothèque Mazarine conserve l’exemplaire de dédicace (Rés. Maz 12 8o 28288).
15 Du Bois-Hus 1644, p. 15.
16 Ibid., p. 14.
17 Ibid., p. 12.
18 BNF, Est., Hennin, 1643 no 3423.
19 AN, MC/ET/XXXIII, 282.
20 Le premier état montre le portrait de Richelieu : musée du Louvre, collection Rothschild, Pf. 588 (7920).
21 Ils portent également une banderole avec ces mots : « PACATAMQVE REGET PATRIIS VIRTVTIBVS ORBEM. »
22 Ces sentences sont en latin.
23 Sur Grégoire Huret, voir Laz 2008 et Guillet et Brugerolles 1997.
24 Il s’agit des thèses de Léonard Goulas (IFF 290) et de Nicolas Petitpied (manque dans l’IFF : bibliothèque Mazarine, Ms. 3536 pièce).
25 Gazette, 9 juillet 1644, p. 538 (cat. 11).
26 Ibid., 1645, p. 698 (cat. 13).
27 Dubuisson-Aubenay 1883-1885, t. II, p. 98. La taille-douce n’est pas mentionnée par Maumené et Harcourt 1932.
28 En présence de Philippe d’Anjou et de Mazarin, comme en atteste l’inscription de la plaque funéraire des Fyot, dans le chœur de l’église Saint-Étienne, où est le cénotaphe orné d’un médaillon montrant Louis XIV terrassant l’Hérésie. Retranscrit dans le Mercure de décembre 1721 (p. 198-203), l’Éloge funèbre de Fyot rappelle que le roi avait assisté aux thèses du défunt.
29 Papillon 1742, t. I, p. 233.
30 Gravure anonyme : BNF, Arsenal, fol. S. 940, t. II, fol. 45-90 ; BIUM, Ms. 76, fol. 792.
31 BIUM, Ms. 76, fol. 798 ; gravure signée du monogramme FMRS.
32 Joachim de Quincé, comte du Saint Empire, baron de Montaigu, maréchal des camps et armées du roi participa aux sièges de Royan, La Rochelle, Casal, Pignerol. Il négocia à Madrid le mariage de Louis XIV et y mourut en 1659. Son fils Louis, maître de camp, général des carabiniers de France, fut aussi gouverneur de Domfront et l’un des fondateurs du collège de la ville. La thèse est aussi mentionnée dans la Gazette (p. 521).
33 Nouvelles d’Allemagne, ou La surprise de Prague… 1612, p. 69.
34 Marolles rapporte dans ses Mémoires (Marolles 1755, t. I, p. 114) : « je vis les célèbres disputes qui se firent en divers jours au collège des Jésuites, en présence du Roi, pour les thèses de Messieurs de Verneuil et de Moret, ses frères naturels ».
35 Notons qu’en 1486 « les docteurs de Paris, ces Maîtres en divinité, comme on parloit alors, attiroient à leurs exercices les premières personnes de l’Etat, & le roi même. Au commencement de 1486, un licencié, nommé Pierre Douville, faisant la Thèse appelée Aulique, le roi Charles VIII vint honorer l’assemblée de sa présence, & c. Quand le Roi, & tout son cortège eurent pris place dans la Salle, la Faculté fit distribuer à chacun des assistants un bonnet de Docteur, afin qu’il y eût plus d’uniformité entre toutes les personnes de cette assemblée » (Macquer 1768, p. 118).
36 Naudé (1650, p. 11) les range parmi les pièces soutenues et raisonnées, qui reprenaient les procédés oratoires des collèges.
37 BSG, L 4° 606 (12) inv 507 rés, p. 84 ; Moreau 1850-1851, vol. 2, no 2953.
38 Paris, Veuve Musnier, 16 p. BSG, L. 4° 606 (14) inv. 509 ; Moreau 1850-1851, vol. 2, no 2950.
39 BSG, L 4° 606 (11) inv. 509 (p. 43) rés. et BHVP, 102212 ; Moreau 1850-1851, vol. 2, no 2951.
40 Moreau 1850-1851, vol. 2, no 3774 ; BNF, Arsenal, 8-H-7672 (20), 12 p. Voir aussi Carrier 1989 et Jouhaud 1985.
41 Sainct-Clément 1649, p. 1.
42 Carrier 1989, p. 381-387.
43 Ibid., p. 393. Carrier renvoie à la lettre du 9 septembre : Mazarine, M 10096, fol. 402 ro.
44 Moreau 1850-1851, vol. 2, no 472 ; Sorbonne, HJR 4= 95. Pièce 32.
45 Dédiée par Martin Meurisse, la thèse soutenue au couvent des Franciscains est illustrée d’une gravure de Léonard Gaultier intitulée Tableau industrieux de toute la philosophie morale (IFF 115). Berger 2013 et 2017, p. 1-14.
46 Il s’agit de la thèse de philosophie de l’abbé de Rancé, qui quatre ans plus tard, selon Maupeou (1702, p. 34), lui dédia aussi sa tentative. Rien n’indique que ces thèses étaient illustrées.
47 La thèse a été soutenue par Angel Bonaventure Moullin à Compiègne, le 16 septembre 1674, lors de l’assemblée générale des frères mineurs. La gravure montre l’élévation de l’Église (AN, L 1037, no 4). Voir Dumolin 1930, ill. p. 132.
48 Le retour et restablissement… 1649, p. 7.
49 Louis XIV ne fut pas le seul prince étranger à qui les étudiants à Rome dédièrent leurs travaux. En 1651, Gotthard Franz Schaffgotsch offrit les siens à l’empereur Ferdinand III (composition gravée par François de Poilly d’après Preti, L 355).
50 Le tableau est conservé à Versailles et reproduit par Bajou (1998, p. 110-111).
51 Brienne 1917, t. II, p. 139.
52 Petitot 1824, p. 283-285.
53 Appuhn-Radtke 1988, p. 190-193, ill. 40.
54 IFF 158.
55 Meyer 2002, Meyer 2006, p. 260-275 et Garcia 2000.
56 Haskell et Peny 1988, p. 163. Cette identification apparaît également en 1680-1685 au fronton des écuries de Versailles sculpté par Girardon (Maral 2015, fig. 21).
57 Sur Alexandre : Grell et Michel 1988. Ce groupe très renommé apparaissait déjà en 1643 dans le modello de Le Brun utilisé pour la thèse. Avec Lebreton (2012, p. 277, fig. 3-4), rappelons qu’en 1640, dans le projet de jonction du Louvre aux Tuileries, Poussin, maître de Le Brun à Rome, avait pensé intégrer des répliques en bronze des Dioscures. Cette idée fut reprise par Le Brun en 1667 dans deux dessins pour la façade orientale du Louvre.
58 La gravure est anonyme, sans nom du peintre ni de graveur, mais l’attribution ne fait aucun doute.
59 « LOVYS XIV PAR LA GRACE DE DIEV ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE. » Entre autres batailles, la gravure parut chez Balthazar Moncornet (BNF, Est., Pc 3 fol. 115, P. 11151).
60 BNF, Est., Qb1 1656 (G 154550). « La France Triomphante soubs le Regne heureux de Louys XIV. »
61 Décor aujourd’hui perdu, mais gravé par Simon Renard de Saint-André (Nivelon 2004, p. 300-302, fig. 50 ; Gady 2010, p. 195-214 ; Beauvais 2009, vol. 1, p. 45).
62 Sur la cheminée, Le Brun représenta La France triomphante sur laquelle l’Abondance versait ses fruits (Gady 2010, p. 202).
63 La date est déduite de l’âge du roi.
64 Voir Bouquet-Boyer 2001.
65 L’allégorie de l’aimant était alors en faveur chez les érudits du Collegio Romano. C’était l’emblème de l’Academia Parthenia à laquelle appartenait l’élite des étudiants. Peintres et graveurs l’ont souvent illustrée. Voir Rice 1998 p. 193.
66 Voir Westrich 1972 et Sarrazin 1996.
67 M. Martinet, auteur d’un portrait du roi inséré dans La galerie de portraits de Mademoiselle de Montpensier 1860 (p. 4), était maître des cérémonies sous M. de Sainctot.
68 Portrait du cardinal par Regnesson ; Meyer 2006, no 27.
69 Ferrier-Caverivière 1981, p. 33-35.
70 Ce n’était pas la première fois que le portrait du roi appuyait la gloire d’un ministre. Dans la tentative de Michel Le Vayer dédiée en 1643 à Sublet de Noyers, le secrétaire d’État n’est évoqué que par ses armoiries et des sceaux, alors que Louis XIII apparaît en buste à la porte du palais (VM 272).
71 Selon Mariette (Notes manuscrites, vol. 6, fol. 265), la mort de Mazarin fit ajourner la soutenance.
72 Meyer 2006, no 41. De la thèse on ne connaît que les positions.
73 Voir Gady 2010, p. 206-207, ill. 125 et 404.
74 La galerie de portraits de Mademoiselle de Montpensier 1860, p. 7-10.
75 Meyer 2006, no 41.
76 Sur ce sujet, voir Janczukiewicz 2005.
77 Elle est identique à celle de la thèse de Fyot (cat. 15) soutenue à Dijon en 1650, ce qui conforte l’idée d’un respect imposé de l’original.
78 Paris/Tours 2004, no 292.
79 Ce vers fut aussi utilisé pour Louis XIV encore Dauphin dans la thèse des Carmes dessinée et gravée par Grégoire Huret en 1644 (cat. 10), et bien avant à la gloire de Charles Quint et de Philippe II.
80 Selon Nivelon, ils symbolisent « le doux repos et la tranquillité que le mariage de sa Majesté a donnés au peuple et aux arts, qui ont repris une nouvelle naissance par la Paix ».
81 Ménestrier 1662, p. 129, ill. ; Lavin 1987, p. 449 et ill. 31, p. 476.
82 Ménestrier 1662, p. 129.
83 Ibid. et Rome 1988, p. 126-127, fig. 2. L’idée des colonnes historiées fut reprise en 1689 dans une gravure de Pierre Lepautre montrant la statue du roi sculptée par Coysevox dans la cour de l’hôtel de ville de Paris (IFF 225).
84 Le même parti sera choisi pour un portrait gravé en Allemagne entre 1683 et 1686 (cat. 99) ; la peau du lion qui surmonte les positions est posée sur deux cornes d’abondance, à gauche chargée de fruits, à droite de joyaux et de couronnes, pour prouver encore que Louis XIV ramène la prospérité.
85 Nivelon 2004, p. 456.
86 Tours/Toulouse 2000, R.9, localisation inconnue.
87 Nivelon 2004, p. 458-459. Rappelons que Nivelon écrit après la mort de Le Brun pour défendre sa mémoire.
88 Mercure galant, décembre 1692, p. 277-278.
89 Montpellier/Strasbourg 2000, no 268, II, p. 382. La composition est gravée par Nicolas Pitau (1632-1671).
90 Cette expédition ne fut pas un succès. Trois mois après la prise de Djidjelli, actuellement Jijel en Algérie, la peste et les attaques des Turcs forcèrent les Français à rembarquer. Voir Bachelot 2011.
91 Selon le père Lelong, en 1662 ou 1663, le comte de Saint-Pol aurait lui aussi dédié une thèse où l’on voyait Louis XIV avec Saint Louis et des anges. Dans le doute, cette thèse n’a pas été intégrée au catalogue, d’autant que les erreurs de Lelong sont nombreuses. Voir Truchet 1962, p. 35.
92 Une autre thèse dessinée par Chauveau et gravée par Nicolas de Poilly (ann. I. C-2) lui fut sans doute dédiée ; elle le montre mi-corps, la couronne royale sur la tête, en camail d’hermine, le collier de l’ordre du Saint-Esprit autour du cou, tenant un rameau d’olivier en guise de sceptre, dans un médaillon maintenu par Apollon qui le remet à la France ; le génie de la peinture le désigne, des putti incarnant les arts libéraux travaillent à sa gloire, des hommes et des femmes dansent devant le temple où Vulcain lui forge des armes.
93 Filleau de La Chaise Nicolas, 1688, Histoire de S. Louis divisée en XV. Livres, Paris, J.-B. Coignard (citations tirées de l’« Epistre »). Ce livre connut un grand succès. Il était prêt depuis longtemps et l’auteur regrette qu’il n’ait pas « paru aussitôt que je l’aurois désiré, & cela devoit peut-estre m’ôter la pensée de vous l’offrir ». Ces propos laissent supposer que la conception du projet est contemporaine de cette thèse.
94 Le culte de Saint Louis connut une grande ferveur dans la seconde moitié du xviie siècle. Voir Landry 1982.
95 Joinville Jean de, 1668, Histoire de S. Louis IX, Paris, S. Mabre-Cramoisy. Au-dessus de l’épître, un bandeau gravé par Karl Audran (IFF 328) d’après Chauveau montre Louis XIV en Apollon sur son char face à la Justice, avec au bas la devise Nec pluribus impar.
96 Une édition de l’Histoire de Joinville avait été dédiée à Louis XIII en 1617.
97 Zoberman 1991, p. 49-55.
98 IFF 192.
99 IFF 192. Voir aussi la thèse de Louis Tronson soutenue en 1640 (cat. 5), où Louis XIII et le futur Louis XIV montrent une même vénération pour leur ancêtre.
100 Lille le 27 août 1667, Douai le 26 juillet, Tournay le 21 juin, Oudenaarde le 30 juillet, Courtrai 19 juillet…
101 Le premier relief montre le roi vêtu à la romaine à cheval sur un champ de bataille, le second sur son trône recevant allégeance des vaincus.
102 Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1668.
103 Meyer 2011, p. 229-249.
104 Voir Ferrier-Caverivière 1981, p. 57.
105 Meyer 2013.
106 On retrouve le même visage juvénile allongé, à la lèvre finement soulignée par une moustache.
107 Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, inv. 18826, recto. Voir Rouen/Le Mans 2001, no 68, p. 132.
108 VM 318.
109 Qui fut gravé par Sébastien Leclerc en 1669 (IFF 884).
110 Félibien 1689, p. 75 et suiv. Voir notamment Démoris 1978 et Sabatier 2000.
111 Voir Zoberman 1991.
112 Sur ce sujet, voir Grell et Michel 1988, notamment p. 76-77.
113 IFF 630-644 ; les paiements sont attestés par les comptes des Bâtiments du roi de 1685 à 1698 mais Leclerc commence ses dessins dès 1683.
114 Voir Faille 1999.
115 Boureau 1987.
116 Jacquiot 1968, t. II, p. xci.
117 Mercure galant, août 1679, p. 330-333.
118 Sur les deux attitudes du roi à cheval, voir Delaplanche 2013, p. 80. Cette allure où le cheval soulève ses antérieurs symbolise la charge qui a disparu dans les faits mais reste l’un des symboles de l’héroïsme royal.
119 Voir Zoberman 1991, p. 116 et suiv.
120 Voir notamment, Cornette 2000 et Delaplanche 2013.
121 La situation allait devenir catastrophique. La Compagnie des Indes orientales créée en 1664 dut céder en 1682 une partie de ses privilèges et la compagnie du Sénégal créée en 1673 réussit tant bien que mal à survivre. Petitfils 2002, p. 404.
122 Musée des beaux-arts d’Arras. Voir Coquery 1997, ill. 23.
123 Voir Tsikounas 2008, no 26.
124 Voir le texte en partie retranscrit dans le catalogue (disponible en ligne sur [http://chateauversailles-recherche.fr/francais/publications/publications-papier/collection-aulica/coll-aulica-no10-pour-la-plus-grande-gloire-du-roi-louis-xiven-theses.html] et [http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4364]).
125 Delaplanche 2013 et 2011.
126 Mercure, août 1692, p. 183-194.
127 La gravure est également commentée dans Le Journal des sçavans, 8 septembre 1692, p. 419-420, 613-614.
128 Mercure galant, septembre 1680, p. 279-290.
129 Voir Meyer 2011.
130 Zoberman 1991 (p. 171) retranscrivent le texte en entier.
131 Ibid., p. 173-174.
132 Ibid., p. 166.
133 Louis XIV 1992, p. 66, cité par Canova-Green 2014, p. 40.
134 Lignereux 2016, p. 255-268
135 Ziegler 2013.
136 Sabatier 1999, p. 402-403. Sur les prétentions des rois de France à l’Empire, voir Haran 2000.
137 Lors du baptême de Clovis, la colombe aurait apporté la Sainte Ampoule qui servit depuis au sacre des rois de France.
138 Voir Cabanel et Poton de Xaintrailles 1994 ; Garrisson 1985.
139 BNF, Est., Hennin, 4572. La gravure a pour titre Le bouclier de la Foi, inscrit sur un phylactère au-dessus des armes royales placées dans un globe entouré de rameaux d’olivier. Paris 1985.
140 Loire 1993, p. 51, no 51.
141 Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savans de l’Europe, vol. 29, juillet-août-septembre 1742, p. 207. Propos repris dans Berton 1857, p. 1407 et dans Feller 1851, t. III, p. 490. Voir aussi Faucher 1777.
142 Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages… 1854, t. I, p. 66.
143 Heinecken 1778-1790, t. III, p. 413.
144 Saint-Simon 1982-1988, t. II (1701-1707), p. 664.
145 Torrilhon 1980, p. 261.
146 Gazette, 15 février 1687, p. 11.
147 Voir Sabatier 1999 p. 497-502 et Lafage 2015.
148 Description des tableaux… 1687, s. p.
149 Voir [http://www.quinault.info/Home/l-oeuvre/poesies-diverses/poeme-sur-l-heresie]. Pour le livret il reprit les vers (26 à 35) de son poème. Recueil de pièces choisies, manuscrit, BNF, NAF 18.220, fol. 82 v°-87 ro.
150 Musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 26032 et ENSBA, Ms. 30. Le dessin de l’ENSBA montre La Vérité et la Foi triomphant de l’Hérésie et de l’Impiété. Voir Lafage 2015.
151 Dans la gravure, ils sont remplacés par un globe terrestre.
152 Voir la description du Mercure de janvier 1687 (p. 197-199) et le Panégyrique du roy sur la destruction de l’Hérésie, prononcé le 17 décembre par le père Quartier, jésuite au collège Louis-le-Grand. Voir aussi Le Jay 1687. Sur ces décors, Adams, Rawles et Saunders 1999-2002, t. II, p. 193 et Loach 1995.
153 Michel et Lichtenstein 2007. Sabatier (1999, p. 400-401) remarque que les allusions aux protestants sont rares dans le salon de la Paix et se rattachent au rachat de Dunkerque, dont le sujet est aussi retenu dans la thèse d’Amelot en septembre 1663 (cat. 42).
154 Pour ces œuvres voir Tours/Toulouse 2000 : 28 décembre 1682, Claude-Guy Hallé, Rétablissement de l’Église catholique à Strasbourg sous Louis XIV (R. 127, localisation inconnue) ; 27 septembre 1687, Guy-Louis Vernansal, Allégorie de la révocation de l’édit de Nantes avec le portrait de Louis XIV (R. 135, châteaux de Versailles et de Trianon, MV 6892), et 29 novembre 1687, Simon Guillebault, Triomphe de l’Église catholique (R 136, dessin préparatoire, musée des beaux-arts de Rennes, exp. no 71).
155 Voir plus haut 1re partie, chap. III.2 du présent ouvrage.
156 1685, p. 25-33.
157 Jurieu 1689, p. 7-8.
158 Il était exilé en Hollande depuis 1685 pour son libelle de La politique du clergé de France.
159 Jurieu 1689, p. 13.
160 Wellwood 1691-1693, vol. 1, p. 193.
161 Pellisson-Fontanier 1671, p. 200.
162 Faydit 1710, p. 200-201.
163 Il se trompe sur la date de la soutenance qu’il fixe en 1687.
164 Bossuet 1836, article IV « Ce que c’est que la Majesté », p. 208. Voir Truchet 1962, p. 296-297.
165 Sur cette question, voir Zoberman 1991, p. 54-57.
166 Robinet de Saint-Jean, 22 mai 1667, t. II, p. 849.
167 Le recteur, chef de l’université, a le pouvoir de faire arrêter les thèses et les leçons. Il préside le tribunal de l’université composé de trois doyens des facultés de théologie, médecine et droit, de quatre procureurs des nations et a rang après les princes du sang dans les cérémonies (voir notamment Le Fèvre 1750, p. 11-13, et Mousnier 1974, p. 350-355).
168 Mercure galant, octobre 1685, p. 32 et suiv.
169 Ranuzzi 1973, p. 588-589, cité par Grès-Gayet 2002, p. 311.
170 Dangeau 1854-1860, t. I (1684-1686), p. 236.
171 Mercure galant, septembre 1688, p. 247-258.
172 Selon Auber 1884, vol. 1, p. 205.
173 Meyer 1988, no 35, 3e état.
174 Rouault de La Vigne 1933.
175 Jarnoux 2010.
176 Meyer 2002, p. 216-222.
177 Saint-Bonnet 2010.
178 Meyer 2002, p. 219, ill. 103.
179 Ibid., p. 222-225.
180 La construction en avait été achevée en 1655. On remarquera la fidélité de la gravure : l’escalier qui apparaît au centre de la façade a été supprimé en 1724, lors de l’aménagement de la place par Jacques Gabriel (Andrieux et al. 1994, p. 3-52).
181 Explication de l’appareil pour la thèse dédiée au parlement de Bretagne… 1690.
182 Cette explication est signalée par Palys 1890, p. 219-220.
183 L’auteur en est le numismate Louis Douvrier.
184 Perez 2003.
185 Mercure galant, février 1687, p. 99-101. L’auteur détaille chaque élément de la composition et retranscrit les inscriptions.
186 Zoberman 1991, p. 201-215.
187 Ibid., p. 213, 215.
188 Le 13 novembre 1690, Catinat avait pris Suse, le 21 décembre 1691 Montmélian, le 2 avril Nice, qui fut aussi rendue à la Savoie par le traité de Turin.
189 Laforêt 1861, p. 152.
190 Mercure galant, janvier 1687, p. 8-98.
191 Callières 1688, Epistre au roy, p. 8.
192 Il était historiographe du roi depuis 1677. Boileau 1868, p. 409.
193 Il ne fut publié qu’en 1730 à Paris chez Mesnier.
194 Voir Ferrier-Caverivière 1981, p. 206-212.
195 Jean Donné de Vizé (1638-1710), fondateur du Mercure galant en 1672, y publiait l’histoire du roi en annexe depuis 1684. Il est l’auteur de Mémoires pour servir à l’histoire de Louis le Grand (1697-1703, 10 volumes), qui lui valurent le titre d’historiographe du roi et un logement au Louvre. Les citations proviennent de : Mercure, janvier 1687, t. I, p. 8-98, « Histoire du Roy ».
196 Voir Jacquiot 1968.
197 Contrairement à ce que suggère cette « thèse idéale », la famille royale n’apparaît pas dans les thèses dédiées à Louis XIV.
198 Mercure galant, 18 novembre 1686, p. 67.
199 Ibid., janvier 1687, p. 69.
200 Cité dans Marin 1981, p. 49-107.
201 Assaf 1999, p. 111.
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