Chapitre III. L’illustration des thèses
p. 51-88
Texte intégral
1Les premières thèses françaises illustrées datent du début du xvie siècle1, mais sont exceptionnelles. Si elles sont plus nombreuses après 15802, il faut attendre les années 1625-1630 pour que le recours à l’illustration s’impose en France. Pourtant, on sait qu’en juin 1599 il fut permis aux étudiants du grand couvent des Franciscains de Paris d’orner leurs thèses et de les distribuer au public3. Preuve de l’importance de l’illustration, en 1612, lors du chapitre général de Rome, les Statuta generalia pro utraque Familia mettent en garde contre le luxe de l’ornementation4. Cette pratique, qui s’était rapidement répandue en Italie puis dans les pays germaniques, ne semble être parvenue en France que plus tardivement5. Cependant, l’habitude prise, l’utilisation de la gravure devint si répandue que le 1er octobre 1648, un mandement de discipline scholastique de Godefroy Hermant, recteur de l’université de Paris, rendu public le 6 octobre à tous les collèges par assemblée aux Mathurins, stipule que l’ornementation doit retrouver son ancienne simplicité et que les positions devraient être dépourvues d’encadrement, faute de voir la thèse rejetée6. En 1665, le chapitre provincial de l’ordre des Franciscains ordonna que les thèses soient rédigées « sur une simple feuille de papier sans aucun ornement ».
Le placard et le livret
2Auparavant manuscrites, les thèses furent imprimées dès la seconde moitié du xvie siècle, qu’elles soient illustrées ou non. Selon les facultés, elles sont imprimées sous forme d’affiche (ou placard) ou de livret, avec un texte de même étendue. Sur les cent trente-six thèses recensées, seules cinq sont en livret in-octavo7 et une en livret in-folio, pour le prince de Turenne en 1679 (cat. 91, fig. 6), dont exceptionnellement toutes les pages sont illustrées.
3La première grande thèse allégorique en placard en rapport avec la France fut soutenue au Collège romain en 1606. Gravée par Villamena en hommage à Henri IV (fig. 7), elle montre le roi en armure, à cheval dans un temple, brandissant le foudre pour terrasser le Vice, l’Hérésie et la Discorde, et délivrer la Vérité assaillie par le Mal. Le graveur Karl Audran s’en inspira pour une thèse dédiée à Louis XIII8 à Lyon en 1622 (fig. 8).
4Avant même qu’elles ne soient illustrées, les thèses firent l’objet de dédicaces9, dont l’usage se répandit en France à partir de 1610. Le choix de l’illustration dépendit bientôt du dédicataire.
La dédicace et ses raisons d’être
5La place de la dédicace est donc essentielle. Ne dédie pas qui veut sa thèse au roi. Il faut en faire la demande. Ainsi en 1687, l’archevêque de Paris, François de Harlay, avait demandé au roi de la part des messieurs des Missions étrangères la permission de lui dédier la thèse que le jeune Siamois Antonio Pinto devait soutenir à la Sorbonne10. Rien n’était laissé au hasard car la dédicace mais aussi l’image sortaient de la salle des thèses, pour perpétuer l’hommage rendu. Le contrôle de l’iconographie par le pouvoir ne fait pas de doute, même dans le cas des portraits ; il semble que le choix du graveur ne soit pas indifférent car on ne trouve dans ce corpus aucune estampe médiocre.
6Preuve de leur importance, pour obtenir le pardon du roi pour des offenses passées, les parlements lui dédièrent plusieurs thèses par l’intermédiaire des collèges de Jésuites11. De même, la faculté de théologie de Paris, par l’intermédiaire de son recteur Pierre Berthe, trouva ce moyen le 20 septembre 1685 pour l’assurer de sa fidélité et de son respect des doctrines gallicanes. Selon le Mercure du mois d’octobre 1685 :
« Le 2 septembre M. Berthe, Recteur de l’Université, alla à Versailles, accompagné des procureurs des quatre nations, des Doyens des Facultez, et de tous les autres officiers qui représentent ce corps. Ils se revetirent de leurs habits de cérémonie dans l’un des Appartemens du Chasteau, où M. Colbert de Croissy vint les prendre pour les mener à l’audience du Roy. M. Berthe présenta à sa Majesté une thèse en manière de Tableau avec une bordure12… »
Figure 6. – Louis Cossin d’après Pierre-Paul Sevin, Tèse de philosophie de Louis de La Tour d’Auvergne, page de titre, 1679.

Figure 7. – Francesco Villamena, Tèse de Robert Fidèle d’Arimini dédiée à Henri IV, 1606.

Figure 8. – Karl Audran, Tèse de Pierre Sève dédiée à Louis XIII, 1622.

7Dans sa harangue retranscrite par l’auteur du Mercure, il souligne que « l’Université vient de la maniere la plus solennelle rendre à Vostre Majesté les soûmissions qui luy sont deuës ». Puis il célèbre la piété royale : « jamais aussi l’Église n’eut un si Zélé & si puissant Protecteur ». N’est-ce pas lui qui « met enfin au tombeau cette indomptable Heresie, qui estoit née sous le Regne des Rois vos Prédecesseurs » ; il proclame également sa grandeur et sa toute-puissance : « où trouvera-t-on un Regne semblable au vostre ? Vostre Majesté nous montre en son auguste Personne le Prince & le Héros parfait, que l’idée n’avoit encore sceu peindre ». Il lui témoigne l’amour et la profonde dévotion de l’université :
« Nous cherchons à signaler nostre zele pour la gloire de Vostre Maiesté. LOUIS LE GRAND est à la teste de tous nos discours ; il consacre sans cesse & nos bouches & nos plumes, il occupe continuellement nos reflexions & nos études. La première leçon que nous donnons dans nos Ecoles à la Jeunesse de son empire, c’est de lui apprendre la fidélité inviolable qu’elle doit au meilleur & au plus grand Prince qui fut iamais. »
8Il conclut : « semblable encore en cela au Soleil, qui par un de ses rayons rendoit à cette fameuse Image de l’antiquité le mouvement & la vie, vous nous ferez revivre par un seul de vos regards ». L’auteur du Mercure fait ainsi connaître la soumission de la faculté de théologie, la puissance et la bonté du roi, et remarque : « Sa Majesté parut estre fort contente du discours de Mr. Berthe, & luy fit l’honneur de luy donner des Marques de son estime & de son affection, tant pour le Corps que pour sa personne particulière. » Ensuite, accompagné de l’archevêque de Paris, et de ses collègues, Berthe alla chez le Dauphin, la Dauphine, le duc de Bourgogne, le duc d’Anjou, Monsieur et Madame et « les harangua d’une manière qui luy attira l’applaudissement de toute la Cour » (cat. 110).
9De toute évidence, Louis XIV appréciait ce genre d’hommages. À propos de la thèse de l’abbé de Louvois (cat. 128), le Mercure d’août 1692 indique :
« Le Roy qui se connoist parfaitement en beaux ouvrages, receut cette Thèse comme elle le mérite, et la fit attacher dans sa chambre avant qu’elle fut publique, afin que ceux qui temoignèrent de l’empressement pour le plaisir de la voir pussent satisfaire leur curiosité. Toute la cour en a félicité M. Mignard [qui en avait donné le dessin]13. »
La dédicace imprimée ou gravée
10De la première thèse dédiée à Louis XIV à la dernière, tous les candidats en appellent à sa protection et lui présentent leurs travaux comme un modeste hommage. Le 29 janvier 1654, Jacques Ladvocat (cat. 21, fig. 9) lui dédie sa tentative et alors que les positions sont en latin, il s’adresse à lui en français :
« AV ROY/SIRE/Si la Théologie n’estoit jamais sortie du sein de Dieu, elle n’aurait pas besoin d’autres protec=/ tion que de son merite, l’éclat de sa gloire suffiroit pour accabler to[us] ceux qui l’aprocheroient avec trop peu de respect, ou /trop de curiosité, mais come le Fils de Dieu s’estant chargé de nos infirmitéz en sa chaire immortelle esleve d’autres ho[m]me à la participation de sa puissance… »
Figure 9. – Abraham Bosse, Tentative en Sorbonne de Jacques Ladvocat, 1654.

11Plus loin, il rappelle l’alliance privilégiée des rois avec Dieu :
« qualifiez, très chrétiens et fils aynés de l’Église, qu’ils ont du ciel une alliance éternelle et que par l’onction d’un baume de miracle ils recouvrent la pleinitude de l’esprit de Dieu po[ur] leur conduite... »
12Puis il évoque les difficultés intérieures du royaume :
« V[o]t[r]e naissance malgré les bornes de son infirmité naturelle a rendu V[o]t[r]e nom admirable et a peine pourriez vo[us] prononcez celui de cette incomparable reine qui vo[us]’ a doné la vie que vos enemis ont été dépouillez de leurs conquestes et de leurs trophées. Est-ce pas à l’exemple du fils de Dieu que vous n’avez point de plus douce complaisance qu’en l’admiration d’une Justice toute royalle qui vous fait agir incesament a l’advantage des foibles et des infortunez, et qui seule obtient du ciel la confusion de tous ceux a qui la témérité met les armes à la main contre votre couronne. »
13Est-ce en raison du jeune âge du roi que la dédicace est en français ? Le fait est inhabituel surtout pour une thèse de théologie, lorsque la dédicace n’est pas adressée à une femme. Ou est-ce pour être compris de toute l’assistance ? C’est probable, puisque l’auteur y évoque la toute-puissance du roi et, par allusion aux troubles de la Fronde, l’obéissance qui lui est due. Comme tous les candidats, Ladvocat en appelle à la protection royale :
« Tous mes deffauts se trouvent abysmez dans l’immensité de ses splendeurs et l’éclat de vostre royale Person[n]e, et [qu’ils] ne me facent point juger indigne d’en deffendre publiquement les veritez n’y d’estre recognu de V[o]tre Maj[es].te pour son très humble. »
14Par exceptionnel, la thèse de Charles Amelot (cat. 42) a été gravée en 1663 avec deux dédicaces, l’une en français, l’autre en latin selon les tirages. De nouveau, la dédicace est un panégyrique :
« SIRE, J’apporte aux pieds de Vostre Maiesté les premiers fruits de mes estudes ; ce n’est pas un présent que ie luy fait ; car quel présent serait-ce pour le plus grand et le plus sage de tous les Roys, qu’une philosophie naissante, et qui ne s’explique encore qu’avec peine. C’est un hommage que ie luy rends ; et l’hommage SIRE, consiste ordinairement en des choses très petites en elles mesmes, qui sont toutefois des marques solennelles d’une parfaite soumission et d’un profond respect. »
15Plein d’adoration, Amelot compare alors le roi à Dieu et sa thèse aux offrandes qui lui sont faites. Il souligne sa bonté à l’égard de ses sujets :
« C’est ainsy que nous faisons des offrandes à Dieu, qui n’a pas besoin de nos richesses. Quoy que sa gloire soit infinie, il ne refuse pas néanmoins la louange des Enfans, & encore que sa Toute puissance soit la source et la plenitude de toute sorte de biens, il ne méprise pas toutefois les fleurs dont on parfume ses autels. Dieu voulait de l’ancienne loy des victimes de sang dans les sacrifices, il ne nous demande aujourd’huy que l’Esprit et le cœur. Ainsy on se faisait autrefois connoistre de votre Maiesté dans quelque assaut ou dans une bataille ; et nos suiets ne se trouvaient iamais plus heureux ; que lorsqu’ils s’immoloient à vostre gloire comme des victimes sanglantes. »
16La comparaison avec les offrandes de l’ancienne loi permet à Amelot de souligner les actions bienfaisantes du roi dont les vertus assurent la paix et le bien-être de ses sujets :
« Mais maintenant que la Paix (que la terreur de vos armées a donnée a vos suiets), fait refleurir les lettres et tous les beaux-arts ; les combats des Philosophes peuvent ne pas déplaire à Vostre Maiesté. Nos écoles en sont le champ, nos raisonnemens sont nos armes, & la verité qui est nostre conqueste, est la victoire pacifique dont nous pouvons honorer votre gloire. C’est à votre maiesté que nous devons un repos si assûré, que sa prudence rendra sans doute éternel. Mais nous devons à sa bonté, la respectueuse liberté que nous prenons de luy parler des Ecrits de nostre jeunesse. Ils pourront Sire, estre suivis un jour d’un travail plus solide, qui témoignera a Vostre Maiesté avec combien de Zele et de veneration ie suis de Vostre Maiesté le tres humble et très obeissant, et très fidèle suiet & serviteur. C. Amelot. »
17De tels panégyriques ne sont pas réservés au roi. En 1666, dans la table de la Somme dédicatoire qu’il dresse à la fin du Roman bourgeois14, se moquant des pauvres espérances perdues de bon nombre d’auteurs, Furetière note ironiquement : « Que les Eloges immodérés sont de l’essence des épitres dédicatoires. Avec la preuve expérimentale que l’encens qui entête le plus est celui qui est trouvé le meilleur, contre l’opinion des médecins droguistes » (tome IV, chapitre 2), ou encore : « Si un auteur qui aura donné à son mécénas la divinité ou l’immortalité doit être deux fois mieux payé que celui qui l’aura seulement appelé demi-dieu, ange ou héros » (chapitre 7). Parmi les dédicataires, Furetière ne manque pas de signaler ceux des thèses (chapitre 20).
18Cette adulation pour le roi répond à la littérature encomiastique du temps, qui connaît un grand développement durant les années 1663-167815. En 1668, la dédicace de Colbert de Seignelay contient un compliment hyperbolique sur le thème de sa sagesse et de sa supériorité : « REGI. Descendis e triumphali curru, Rex inuictissime » (cat. 63). Ces propos se retrouvent dans la longue dédicace en français qui accompagne les thèses de mathématiques défendues par Jacques Symon chez les Jésuites de Marseille en octobre 1686 (cat. 113) : « tout le monde admire cette Religion, cette Sagesse, cette Valeur, ce Génie vaste & sublime, & toutes ces rares qualitez qui rendent V. M. le Monarque le plus accomply qui fut jamais ». De même que Charles Amelot en 1663, Symon espère que « sa foible voix ira jusqu’à ses oreilles » et ajoute : « Le plus grand des Rois à qui tant de vertus diverses asseurent l’immortalité, doit s’attendre à voir tous les âges empressez à luy rendre leurs hommages. » On retrouve aussi des propos souvent entendus dès les premières thèses : « C’est Sire, cette partie de vôtre Eloge que j’ay crû d’être capable de soûtenir. » C’est là un des fondements des dédicaces : le mécène doit protection au dédicataire16. Symon célèbre les écoles « ouvertes aux officiers de ses Armées Navales, pour les disposer à vaincre autant par la raison & le sçavoir, que par l’expérience & la valeur. Un des Maistres Hydrographes qu’Elle entretient dans ces Ports a étendu jusqu’à moy le zèle qu’il a pour former dans son employ de dignes sujets du plus admirable, & tout ensemble du plus aimable des souverains », et de conclure en ajoutant :
« Je dois à V[otre]. M[ajesté]. tout ce que j’ay appris de Mathématiques. La reconnaissance m’a engagé à offrir à Elle-même le détail de ce que je luy dois ; & dans l’épreuve que je vais faire de mon travail, ma foiblesse avoit besoin de sa Roïale Protection : ie succomberois sans doute si je ne voyois à la teste de mes Propositions ce Nom Auguste, qui a commencé, qui a remporté tant de victoires [...] & déjà les Figures, les Nombres, les Proportions dont je me suis remply l’esprit, m’ont convaincu qu’il n’y a sur Terre que les Vertus & la Gloire de V.M. qui soient sans formes, & que tous le mérite des autres Princes est infiniment éloigné du sien17. »
19Ainsi, comme le recteur Berthe le proclamait dans sa harangue au roi à Versailles (cat. 110), Louis XIV a inspiré la thèse. Sans lui elle n’existerait pas. Il est donc naturel qu’il la lui offre et c’est là un poncif dans la littérature depuis le xvie siècle : citant l’exemple de la dédicace d’Horace par Corneille à Richelieu18 en 1640, Roger Chartier rappelle qu’elle était une figure classique de la rhétorique. Certaines étaient directement tirées des textes anciens. Ainsi, comme le précise Claude-François Pellot (cat. 81), son « LVDOVICO MAGNO Quo nihil majus, meliusque terris Fata donauere, unique diui Nec dabunt » vient des Odes d’Horace : « En comparaison de quoi les Dieux propices n’ont rien donné à la terre de plus grand ou de meilleur et ne donneront rien quand même les temps reviendraient à l’âge d’or antique19. » La démarche de l’étudiant n’est pas différente de celle de l’écrivain présentant son livre au dédicataire et espérant en retour attirer sa bienveillance. Certains venaient tout exprès à Versailles pour donner au roi l’explication de leur thèse20.
20Rien n’était laissé au hasard. Pour celle du prince de Turenne (cat. 91) adressée au roi en 1679, les devises furent inventées par les pères Ménestrier et de La Rue et l’épître dédicatoire rédigée par le père Nepveu. Une dédicace mûrement réfléchie pouvait occuper plusieurs savants.
La dédicace gravée sur l’encadrement
21À partir des années 1660, les étudiants qui s’adressent à Nanteuil pour un portrait font inscrire leur nom sur le cuivre suivi de la mention offerebat. Il semble que le graveur soit à l’origine de cette pratique que l’on trouve plus rarement sur les portraits gravés par d’autres artistes21. Cette mention a d’abord été utilisée pour célébrer les plus hauts personnages de l’État22, et à partir de 166923 sur les portraits du roi. Dans de rares cas, les étudiants précisent le motif de la dédicace. Par exemple, au bas du portrait utilisé par Jules-Paul de Lionne (cat. 41) apparaît : « Se, vltimas licentiae theologicae theses/vouet, et consecrat./Humillimus Subditus Julius Paulus de Lionne. » La mention offerebat s’ajoute à la dédicace qui apparaît au haut des positions, mais lorsque la gravure sera imprimée sans les positions, elle renouvellera et pérennisera l’hommage en assurant la célébrité au dédicataire24.
22La dédicace placée au haut des positions était en général assez étendue, surtout pour les thèses de philosophie. Un bachelier nommé Fauvel ayant mis un compliment ridicule à la tête d’une thèse dédiée au futur cardinal de Retz, la faculté de théologie fit un décret qui défendit dorénavant d’adresser aucun compliment aux dédicataires des exercices de théologie. Selon Amelot de la Houssaye, « ce règlement s’est toujours observé depuis avec tant d’exactitude, qu’on ne l’a pas même négligé dans les thèses dédiées au Roi. Ce qui fait beaucoup d’honneur à la Sorbonne25 ». L’incident se passa pendant la Fronde, alors que Jean-François-Paul de Gondi n’était encore que coadjuteur, donc avant 1652. Cependant cette règle ne fut pas appliquée immédiatement. La tentative en Sorbonne que Jacques Ladvocat dédia au roi en 1654 portait une longue dédicace en français de dix-huit lignes très serrées, où le candidat l’appelle à défendre la théologie, car Dieu s’appuie sur les trônes légitimes qui « reçoivent de lui tout ce qui les fait regner » (cat. 21, voir fig. 9).
23À partir de 1663 et jusqu’à la fin du règne, les dédicaces des thèses de théologie adressées au roi se limitent à son nom. Charles-Maurice Le Tellier (cat. 38)26 se contenta du mot REGI27. Mais le titre de la thèse permettait souvent de proclamer les vertus du roi. Celle de Le Tellier pose ainsi la question : « Quis est magnus consilio et Incomprehensibilis Cogitatu ? Jerem. 32 » (« Qui est grand en conseil et impénétrable en pensée ? »).
24Pour une thèse de théologie, montrer le roi sous la protection de la Divine providence est bienvenu. Dans La muse historique, Robinet remarque :
« Ayant leu la THEZE ma foy
Très-belle & Dédiée au Roy
Duquel, comme un Astre PROPICE
Le Portrait est au frontispice
Et qui sur le sujet vient bien
Etant d’un PRINCE TRES CHRESTIEN28… »
25Après approbation du roi, et sans doute aussi du Conseil d’en haut ou de la Petite Académie, le candidat ajoute parfois quelques qualificatifs au nom REGI. Là aussi l’adéquation avec la composition renforce la célébration. Ainsi, en 1667, l’abbé de Bouillon retient cette dédicace pour sa majeure : « Ludovico XIIII Regnum Maximo », alors que Le Brun montre Louis XIV sur un bouclier tenu par un aigle devant un palmier et deux enseignes. L’emploi de « Maximo », comme le reste de la représentation, justifie le parallèle implicite avec les Césars (cat. 60). Comme l’abbé Le Tellier, l’abbé de Bouillon renforce son hommage par l’exergue : « Cujus Regnum Regnum omnium saeculorum. Psal 144 » (« Ton règne, un règne éternel, ton empire, pour les âges ») ; il affirme ainsi que le règne de Louis surpasse tous les autres et invite à le comparer avec celui de Dieu à qui David adressa sa prière29. Renforcée par le titre de la thèse, la brève dédicace signée par le candidat, « Vtrimos Licentiae Teologicae Labores Aeternum Consecrat [...] Obsequis Dux d’Albret », apporte plus qu’un long palabre.
26Soutenue en 1688 à Paris au couvent des Cordeliers, la thèse de Crouzeil est publiée en livret (cat. 120, fig. 10). Face au portrait, dont l’ovale porte la mention « LUDOVICUS MAGNUS REX CHRISTIANISSIMUS », une courte dédicace reprend les mots gravés sur le cuivre. L’illustration est en rapport avec les événements les plus récents, ce que la légende au bas de la gravure met en évidence : « Haeresis extremum, toties rediviva, venenum Fundit, et est Genio Galliae tuta suo ». Le Mercure de septembre explique la composition et montre le rapport étroit entre le texte et l’illustration :
« Comme la thèse a pour titre ces paroles du Cantique, “Quis pascitur inter lilia” ? on y voit d’abord l’éloge des Lys de la France et le bonheur qu’lls ont de naistre sous les auspices et sous la protection de LOUIS LE GRAND, qui les a heureusement dégagez des épines de l’Herésie, qui ternissoit en partie l’éclat de leur blancheur, et diminuoit de beaucoup l’odeur qu’ils répandent dans toute la terre. Cela est expliqué dans la vignette gravée délicatement qui représente le Sauveur du monde au milieu d’un champ semé de lys, disant à ses Apostres ces paroles de l’Evangéliste, “Considerate lili quomodo crescunt”. On y voit aussi Saint Michel protecteur de la France, qui tient l’Hydre de l’Hérésie abatüe sous ses pieds30. »
27L’association du monarque avec Dieu traverse tout le règne. En 1654 Ladvocat (cat. 21) déclare au jeune roi :
« Combien Sire/V. Maj[es].te s’y trouve t’elle plus merveilleusem[en]t obligée, car puisque l’engagem[en]t des S[ain]ts a servir Dieu depend de la conformité qu’ils ont avec son fils, que doit on penser de V[otre]. M[ajesté] qu’il n’a pas seulement rendu son Image visible, par les divins caractères qu’il vous en a communiquez ; Mais sur qui par des graces toutes singulières il a voulu repandre des benedictions renfermées dans les sacrez textes… »« V[ot]re naissance malgré les bornes de son infirmité naturelle a rendu v[ô]tre Nom Admirable & a peine pouviez vo[us] prononcer celuy de cette incomparable Reyne qui vo[us] a doné la vie, que vos Enemis ont esté depouillez, de leurs conquestes et de leurs trophées31. »
28Cependant cette identification avec l’image de Dieu est parfois poussée trop loin (cat. 106, fig. 11). Le 13 juin 1685, Madame de Sévigné écrit à sa fille :
« On nous mande (ceci est fuor di proposito [hors de propos], mais ma plume le veut) que les Minimes de votre Provence ont dédié une thèse au Roi, où ils le comparent à Dieu, mais d’une manière où l’on voit clairement que Dieu n’est que la copie. On l’a montrée à Monsieur de Meaux, qui l’a montrée au Roi, disant que Sa Majesté ne doit pas la souffrir. Il a été de cet avis : on l’a renvoyée en Sorbonne pour juger, elle a dit qu’il la falloit supprimer. Trop est trop : je n’eusse jamais soupçonné des Minimes d’en venir à cette extrémité32. »
29La dédicace et chaque proposition commencent par ces mots : « LUDOVICUS MAGNUS » et de proposition en proposition, le texte déclinait les qualités exceptionnelles du roi, ses vertus, sa sagesse. L’éloge est poussé à son paroxysme. Les Minimes avaient-ils en mémoire la thèse de théologie dédiée au frère de Richelieu qui avait pour titre « Quis ut Deus33 ? » (cat. 106), dont les propositions commençaient par les lettres « RICHELIUS » ? La gravure des Minimes, nous y reviendrons, montrait le roi en buste et auréolé ; le parallèle avec Dieu s’imposait donc de facto.
Figure 10. – Henri Bonnart d’après Pierre-Paul Sevin, Tèse de théologie de Séraphin Crouzeil, 1688.

Figure 11. – Pierre Simon, Partie supérieure de la thèse de Philibert Madon, 1685.

30La dédicace fait rarement l’analyse de l’image, cependant texte et image concourent à célébrer la grandeur du roi défenseur de la Paix et la Religion. Dans la thèse de Charles Amelot (cat. 42, fig. 12) en 1663, Louis XIV conduit le navire de l’État secondé par les vertus, alors que dans le ciel, la Charité lui présente un médaillon où la Religion apparaît écrasée par l’Hérésie, tandis que la Gloire l’invite à délivrer Dunkerque. Dans la dédicace, Amelot compare le roi à Dieu, ce que l’illustration n’ose pas ouvertement. Après avoir évoqué le début du règne, il s’attache au temps présent, et ses propos s’apparentent au contenu de la gravure sans que rien n’y renvoie directement. On retrouve ainsi la référence à la paix donnée au royaume grâce à la puissance des armes du roi et la sagesse de son gouvernement.
31En 1665, la dédicace de Gilles Le Maistre de Ferrières, qui accompagne un Saint Louis descendu de son char cédant sa place à Louis XIV (cat. 51), est directement en rapport avec la composition. Le roi invincible, très chrétien, arbitre de l’Europe, fait triompher la Religion et entreprend une guerre sainte contre les barbares, évoquée par l’expédition de Djidjelli (qui ne fut pas pourtant un succès) et la bataille de Saint-Gothard. Hercule au service du roi est figuré tuant l’hydre sur le bouclier que les angelots présentent au monarque et la dédicace proclame : « Hercule fortior Ludovice vince coelo, vince Religioni, vince aeternitati ». Apparaissant à droite dans la gravure, le Dauphin est cité dans la dédicace qui annonce ses triomphes à venir. De même, dans la thèse de Colbert de Seignelay (cat. 63) qui montre Louis XIV descendu du char conduit par Hercule, au retour de la campagne de Flandres, la dédicace contient un compliment hyperbolique sur le thème de sa sagesse et sa supériorité. Gravé sur le guidon de la Renommée, le titre proclame : « REGI / Descendis e triumphali curru, Rex inuictissime ».
32Comme seule une part restreinte du public devait lire les longues dédicaces placées sous les portraits ou dans le haut des compositions, pour attirer l’attention et faire participer à l’hommage rendu au souverain, quelques mots consacrés à sa gloire étaient écrits en grandes capitales dans l’éloge. L’adresse REGI attirait déjà l’attention, suivie parfois de la répétition du mot REX et de qualificatifs célébrant la puissance et la gloire du monarque. En 1666, Augustin Servien (cat. 56, fig. 13) ponctua sa dédicace des apostrophes « REX CHRISTIANISSIME [...] REX SAPIENTISSIME [...] REX INVINCTISSIME [...] PRINCEPS OPTIME [...] REX AVGVSTISSIME » ; dans les mêmes termes, à quelques jours d’intervalle, Yzoré d’Hervault (cat. 54) ajoutait « REX POTENTISSIMO », et Louis d’Espinay de Sainct-Luc (cat. 57) renchérissait avec « REX MAXIME ». Les impétrants avaient choisi un simple portrait pour accompagner leurs travaux, mais le roi en armure était entouré de laurier, des instruments du pouvoir ou de devises qui en renforçaient l’adéquation avec la dédicace.
33Ces qualificatifs étaient apparus dès avant 1661 dans la dédicace de l’abbé de Bouillon montrant le roi, non pas en buste mais sur un char, devant le palais des Tuileries34. Les majuscules se voient dès avant 1664 dans la thèse de Courtenay, ornée d’un simple portrait (cat. 50), qui employa les mots « REX POTENTISSIME » et « REX OPTIME ». En 1664, le comte de Saint-Pol utilisa « Rex Christianissime […], Rex Sapientissime […], Rex maxime » (cat. 49), et en 1665, Le Maistre de Ferrières (cat. 51) fit de même avec des caractères italiques un peu plus grands que le reste du texte. Servien, Hervault et Espinay de Sainct-Luc s’approprièrent à leur tour ces tournures, qui réapparurent en 1680 dans la Tèse de la Paix gravée pour Colbert de Croissy (cat. 92). Mais elles deviennent plus rares : en 1681, Michel-François Le Tellier (cat. 96) se contente d’un « Ludovico Magno » ou du simple « Regi »35.
Figure 12. – Robert Nanteuil et Gilles Rousselet d’après Charles Le Brun, Tèse de Charles Amelot, 1663.

Figure 13. – Robert Nanteuil, Tèse de philosophie au collège d’Harcourt d’Augustin Servien, 1666.

34La présence de ces diverses tournures indique que les étudiants reprenaient un schéma préétabli. Le ton et le contenu très proches des éloges, dont il faudrait analyser le détail, laissent supposer qu’ils étaient rédigés par quelque membre de la Petite Académie, sous le contrôle du ministre.
Retombées de la dédicace
35Dédier ses thèses au roi, au lieu de les offrir à son saint patron ou au Christ comme cela se pratiquait également, n’était pas anodin. C’était un moyen de témoigner sa fidélité. Bien que les preuves des retombées soient rares, il est évident que le candidat et sa famille en espéraient en retour une protection… L’effet semble s’en être fait sentir dans l’évolution des carrières et l’obtention de bénéfices. Ainsi, la concomitance entre la soutenance de la thèse de philosophie du jeune Louis d’Artagnan (cat. 79) et sa nomination à la charge de page de la Grande Écurie ne peut être fortuite. De même, peu après sa soutenance, Roger de Courtenay obtint le prieuré de Choisy-en-Brie (cat. 62). Si en avril 1643 Armand de Bourbon dédie à Louis XIV sa thèse de philosophie, c’est probablement en vue du titre de cardinal que souhaitait pour lui son père le prince de Condé (cat. 9).
36Sans doute est-ce en signe de reconnaissance de la thèse qu’il lui avait dédiée à Dijon en 1650, au moment de la Fronde, que Louis XIV fit de Claude Fyot (cat. 15) son aumônier, et lui donna le prieuré de Notre-Dame de Pontarlier. Cette gratitude ne se démentit pas, et le 4 mai 1662, le roi lui donna l’abbaye de Saint-Étienne de Dijon. Est-ce un hasard si en juin 1679, moins d’un an après la soutenance de l’abbé du Montal (cat. 87), son père fut nommé gouverneur de Maubeuge36, et si le candidat lui-même reçut en août l’abbaye de Châtrices en Champagne37 ?
37Pour comprendre la raison de sa dédicace, il est utile de noter que le 23 mars 1666, le prince de Courtenay avait adressé une requête au roi pour être reconnu prince du sang, comme descendant d’un fils de Louis VI38. Cinq ans plus tôt, il avait fait imprimer les preuves « invincibles de leur extraction royale [des Courtenay] », mais le roi lui fit dire qu’il ne voyait là que démarche chimérique et mensongère. Est-ce pour l’amadouer que son fils Roger lui dédia ses thèses en mars 1668 (cat. 62) ?
38Dédicace et gravure font un tout et l’illustration est partie intégrante de l’hommage. Elle peut séduire le mécène et l’amener à plus de générosité, notamment si la présentation en était luxueuse. Cette pratique s’apparente de nouveau à la présentation du livre par l’auteur qui resta en vigueur durant tout l’Ancien Régime. Ainsi, sur le conseil de Mme de Pompadour, Marmontel, qui espérait entrer à l’Académie, ne trouva pas de meilleur moyen que d’offrir à Louis XV sa Poétique dans une reliure somptueuse et d’en faire également présent à la famille royale et aux ministres39. Cette pratique amena Furetière à se demander, dans son Roman bourgeois, « si en telle occasion on doit avoir égard à la qualité de celui qui dédie ; par exemple, si on doit donner un plus beau présent à un auteur riche qu’à un pauvre/Avec plusieurs raisons alléguées de part et d’autre40 ».
39Qu’elle était l’attitude du roi ? Le cas du comte Natta (cat. 114, fig. 14) qui lui dédia ses thèses en 1687 semble indiquer qu’il savait se montrer généreux. Dans le Recueil des présents faits par le Roy en pierreries, meubles, argenterie et autres, sous la rubrique Montferrat, on lit : « Année 1687, Le 26 juin, donné au Marquis Natta qui a dédié une theze au Roy, une chaîne et médaille d’or [d’une valeur de] 1 500 [livres]41. » Cette somme conséquente est comparable à celle des cadeaux faits par le roi pour les dédicaces de livres et poèmes. De même, le 20 avril 1686, le « Comte de S. Martin Piedmontois de la Maison de St. Germain d’Alliet, [reçut] en considération du poème qu’il a fait à l’honneur de sa Majesté sur la destruction de l’hérésie une boîte à portrait de diamant [de] 1 500 [livres]42 ». La chaîne d’or qui fut offerte le 20 novembre 1678 au sieur Gabriel Baba pour « le poème qu’il a fait sur la statue du cavalier Bernin » valait 1200 livres43. Suivant la qualité de l’œuvre, mais sans doute aussi celle du dédicant, le présent varie de 574 livres44 à 2 616 livres, valeur exceptionnelle atteinte par la boîte à portrait de diamants donnée le 25 juillet 1681 au « Comte de Malvasia de Bologne » pour la dédicace de sa Felsina pittrice45. Une autre indication sur les retombées de la dédicace est donnée par l’abbé de Choisy dans ses Mémoires pour servir à l’histoire de Louis XIV, où il précise que le duc d’Albret était bien connu du souverain, et qu’« il luy avait dédié le Recueil de ses Thèses de Théologie ce qui luy avoit valu, sans que le Roy s’en mêlat, le Gratis de ses Abbayes de Tournus & de Saint Oüen46 » (cat. 46, 60).
La présentation de la thèse au roi et à la cour
40Avant la soutenance, le candidat allait en personne porter ses thèses au dédicataire. Lorsque le 13 septembre 1680, le fils de Colbert présenta les siennes, il semble que le monarque et la cour y prirent plaisir (cat. 92) :
« Comme elles sont dédiées au Roy, il les présenta à leurs Majestez, à Monseigneur le Dauphin, à Madame la Dauphine, et à Monseigneur dans des cadres magnifiques, et leur expliqua en mesme temps, d’une manière aussi aisée qu’agréable ce que toutes les figures signifoient. Toute la cour en fut fort contente ; et parmy les louanges qu’on luy donna, on fit paraître beaucoup de surprise de l’ouir parler avec tant de présence d’esprit et de le voir avancé dans ses Etudes, quoiqu’il n’ait encor guère plus de 14 ans47. »
41Preuve de l’importance de l’événement, dans le catalogue de l’œuvre gravé de Le Brun, le Mercure du mois novembre 168648 précise que les thèses gravées par Edelinck « ont esté toutes deux présentées au Roy ; la première par Monsieur le Coadjuteur de Roüen, Jacques-Nicolas Colbert, il s’agit de la Tèse de la Guerre soutenue en décembre 1677 (cat. 84), et le second par Monsieur le Marquis de Croissy, soutenue en septembre 1680 connue sous le titre de Tèse de la Paix » (cat. 92).
Figure 14. – Georges Tasnière d’après Domenico Piola, Tèse du comte Giacomo Natta, 1687.

42On conserve un exemplaire de la thèse en livret du prince de Turenne (août 1679), imprimé sur parchemin et rehaussé d’or, protégé par des pages de garde de papier marbré et inséré dans une reliure de maroquin rouge aux armes du Dauphin (cat. 91), qui est à n’en pas douter un exemplaire de présentation.
43La relation du Mercure du mois de janvier 168749 permet d’imaginer ces présentations au roi. Quelques jours après la soutenance d’Antonio Pinto (cat. 115), le 27 décembre 1686, l’archevêque de Paris donna rendez-vous au candidat ainsi qu’à l’abbé de Lionne, à l’abbé Roze et à Brisacier « pour présenter la Thèse à sa Majesté » ; le moment avait été fixé après le dîner :
« Dès qu’elle sortit de table, M. de Brisacier luy dit en montrant le S. Pinto qui tenoit à la main une Thèse de satin, avec une dentelle d’or & d’argent autour, SIRE, c’est un Ecclesiastique Siamois, qui élevé & instruit depuis l’âge de neuf ans par vos Sujets dans votre College de Mapran, par reconnaissance pour sa Nation, que vous comblez icy de graces & d’honneurs & pour nos Missions que vous continüez de soûtenir par votre protection & par vos bienfaits, [qui] ose vous presentez sa These avec la permission que Votre Majesté a bien voulu nous en donner. »
44Il ajoute :
« Le Roy interrompit en cet endroit, & dit, Je la reçois très-volontiers. M. de Brisacier reprit Il n’est rien, SIRE, que nous n’eussions voulu faire en cette occasion, pour marquer mieux à Vostre Majesté nos profonds respects : mais nous avons sçû que V.M. jugeroit à propos que des Missionnaires se distinguassent plustost par l’humilité & par la modestie, que par la dépense & par l’éclat. Le Roy prit encore icy la parole pour dire fort obligeamment, Je serois faché que vous eussiez fait davantage. »
45Ensuite, on fit des souhaits pour le rétablissement du roi en lui réitérant les prières que « depuis plus d’un mois nous demandons à Dieu avec insistance, par des Sacrifices & des Prières particulières la prompte guerison de V. M. […] Ce à quoi sa majesté repliqua d’un air plein de douceur & de bonté, Vous me ferez plaisir de prier pour moy ». Puis, « après qu’Elle eut regardé son Portrait, qu’elle trouva bien, on luy fit une profonde reverence, & on se retira ». La mention vaut d’être signalée, car c’est une des rares qui fasse état des réactions du monarque face à un de ses portraits illustrant une thèse. La réponse de Brisacier est-elle une simple figure de rhétorique ? L’affiche n’ayant pas été retrouvée, il est difficile d’en décider.
46Retenons aussi le témoignage de Joseph Leven de Templery qui, dans L’éloquence du temps, enseignée à une dame de qualité, rapporte les paroles que Louis XIV adressa en juillet 1678 à l’abbé du Montal (cat. 87) : « Si vous savez soutenir luy dit le Roy, comme votre père sait attaquer, vous ne manquerez pas de bien faire50. »
47De même, bien qu’il ne s’agisse pas de la présentation d’une thèse mais d’une énigme, le livret manuscrit de l’Explication d’un tableau énigmatique que les jeunes écoliers orientaux élevéz dans le collége des Jésuites par la libéralité du roy ont fait peindre pour donner une marque publique de leurs très-humbles reconnoissances envers Sa Majesté51 témoigne des relations directes du monarque avec les étudiants français et étrangers et du souci qu’il prenait de leur éducation.
48Comme Pinto, les étudiants orientaux furent invités à se présenter devant lui. Le jésuite Thomas-Charles Fleuriau parle en leur nom et précise : ce sont de « jeunes Etrangers qu’on élève icy sous les auspices de Louis [qui] font espérer l’heureuse réunion des Orientaux à la foy52 ». Turcs, Arabes, Arméniens, ils sont arrivés en France les uns le 16 juin, les autres le 20 décembre 1700, et c’est sans doute en 170153 qu’ils furent introduits devant le roi54. Le beau dessin qui orne le livret permet d’imaginer l’entrevue : coiffés de turbans et enveloppés de grands manteaux, les étudiants s’inclinent devant le monarque debout dans le jardin de Versailles (fig. 15), entouré du Grand Dauphin et de ses petits-enfants, auxquels il est souvent fait allusion dans le livret, et de quelques courtisans55. Cette fois ce n’est pas le roi qu’on entend mais leur introducteur et les étudiants eux-mêmes, qui expliquent l’énigme du tableau faisant le panégyrique du roi. D’abord trois « jeunes Orientaux se répandirent en action de grâce envers leur Auguste bienfaiteur et firent à l’envie mille vœux pour sa prospérité » ; puis « sur la fin ils invitèrent leurs compatriotes à se joindre à eux pour donner en leur langue naturelle des marques publiques de leur reconnaissance envers sa Majesté56 ». Cet événement, qui fut semble-t-il l’objet d’un grand tableau57, évoque le caractère pittoresque des nombreuses ambassades qui rythmèrent le règne.
49Dès avant la présentation de leur thèse à la cour, le roi en avait souvent connaissance, par des dessins préparatoires. Selon Guillet de Saint-Georges, lorsque
« le 16 juin 1686, M. Le Brun eut achevé le dessin en camayeu qui représente l’extinction de l’hérésie après la suppression de l’édit de Nantes, qu’il avoit fait pour servir en thèse pour M. l’abbé Polignac. Ce dessin fut porté le même jour au Père de La Chaise et trois jours après à Mgr l’archevêque de Paris, qui en parla au Roi le lendemain. Mgr. l’archevêque, aussi bien que le Père de la Chaise, furent extrêmement contents de ce sujet, de la manière dont il étoit traité et entrèrent tous deux si bien dans le sentiment de M. Le Brun, qu’ils en étoient tout remplis58 » (cat. 100).
Figure 15. – Anonyme, Réception des étudiants orientaux du collège Louis-le-Grand à Versailles, 1701.

Les cadres
50Selon la relation du Mercure59 d’août 1679 sur la thèse des frères d’Aligre (cat. 89) :
« Ceux à qui on les dédiaient autrefois, les recevoient imprimées sur du satin, et ornées seulement d’une dentelle d’or ou d’argent, et aujourd’huy on employe les peintres les plus fameux pour faire des desseins de bordures, d’après lesquels les plus habiles sculpteurs travaillant, et se servant de tout ce qu’il y a de plus beau et de plus délicat dans leur art quoique ces thèses soient souvent d’une hauteur et d’une largeur qui surpassent celle des plus grands miroirs, on trouve des glaces de Venise pour les couvrir. »
51L’auteur ajoute :
« Ce fut dans cette magnificence que Mrs. d’Aligre petits fils et arrières fils de deux chanceliers de France, présentèrent à toute la maison royale, celles qu’ils soutinrent ensemble au collège d’Harcourt sur toute la philosophie. »
52Plus loin, il souligne la richesse de l’ornementation :
« Il estoit dans un cadre magnifique, avec une très belle glace de Venise qui le couvrait. L’ornement du chapiteau consistoit aux Armes de sa Majesté, supportées par deux figures, dont l’une représentoit la Renommée, et l’autre la Paix. Plusieurs génies tenoient des chiffres et laissoient voir ces Paroles qui servoient de titre à la thèse : Ludovico Magno, Belli ac Pacis Arbitro60. Il n’y avait aucun de ces ornemens qui ne fust accompagné de fleurs, de festons, et d’armes, simboles de la Paix et de la Guerre. L’or qui relevoit toutes ces choses leur donnoit un éclat que j’aurois peine à vous expliquer. »
53Comme pour la thèse de Pinto, l’auteur rapporte la réaction du roi : « Le roy fut très satisfait de ce présent, et le témoigna à Mrs. d’Aligre avec cet air de bonté qui luy est ordinaire, quand il veut marquer qu’il est content. »
54Là ne s’arrêtait pas la dépense. Les frères d’Aligre présentèrent également une thèse à la reine dans un cadre pas moins riche : « Ses armes portées par deux génies étaient dans des chapiteaux, avec quantité d’ornemens dans la bordure qui convenait à la grandeur de cette Princesse. » Le Dauphin eut également la sienne, dont le cadre « faisait voir Minerve tenant son bouclier, sur lequel on avait présenté les armes de ce jeune prince, cette princesse était environnée des symboles des arts libéraux ». D’autres furent encore offerts à Monsieur et à Madame et ils étaient également « magnifiques ». « Tous avaient été sculptés par le sieur Le Febure61, un des plus habiles sculpteurs que nous ayons. »
55Aujourd’hui conservé au château de Chenonceau (fig. 16), le cadre de bois doré, sculpté par Pierre Lepautre, du Portrait de Louis XIV, peint vers 1700 par Rigaud et son atelier, avec ses palmiers, ses draperies soutenues par un aigle, ses casques, son globe fleurdelisé entouré de deux Victoires, atteste de la magnificence de certains de ces ornements62. Les descriptions du Mercure permettent de penser que les cadres des thèses n’étaient pas différents. Ainsi en novembre 1677, l’abbé Le Houx présenta au roi un portrait en miniature peint par Bernard. Sculpté par Pierre Germain (1645-1684), « orfèvre qui travaille ordinairement pour le Roi », le cadre occupe plus de la moitié de la description. Par le nombre des figures allégoriques, la richesse de l’ornement, et la présence d’un titre latin, il rappelle celui des thèses des frères d’Aligre :
« Dans le haut est la Renommée toute de relief. Elle montre le Roy d’une main et tient une trompette de l’autre. Un flambeau d’argent y est attaché, avec des mots latins qui font connoistre que si cet Auguste Monarque est grand par la gloire que ses belles qualitez luy ont acquise, il l’est encore davantage par sa valeur et par ses conquêtes. Aux costez de la bordure sont deux enfans qui tiennent des fleurs et des fruits. Il n’y a rien de mieux dessiné. On voit au bas la triple Alliance. Elle paroist soumise à la France, qui est représentée par un coq. D’un costé, il tient l’aigle de l’Empire enchaîné, et de l’autre, deux lions fuyant le coq. L’Espagne est marquée par l’un et la Hollande par l’autre ; sous la forme d’un lyon marin63. »
56L’encadrement choisi par Seignelay (cat. 63) était-il aussi remarquable ? Le registre du Garde-Meuble ne permet pas de le savoir64, puisqu’on y lit seulement que le 15 octobre 1668 fut « Aporté céans une thèse présentée au Roy par Monsieur de Seignelay, son bord de broderie d’or et son cadre de bois doré sculpté ». Qu’est-il advenu de la thèse de Thiboust (cat. 101), fils de l’imprimeur et libraire de l’université, « ornée d’un cadre magnifiquement sculpté et doré » qu’il offrit en personne au roi et au Dauphin65 ? Nombreux sont les autres étudiants qui firent de tels présents au roi et à sa famille. Tous n’étaient sans doute pas aussi extraordinaires que ceux des frères d’Aligre, mais leur somptuosité explique que l’Inventaire général du mobilier de la Couronne sous Louis XIV66 recense quelques quatre-vingts « glaces [qui] proviennent des Thèses qui sont dans le Garde-Meuble de Versailles67 ». Les cadres furent déposés à la Monnaie en 1697, sans doute pour la fonte de leurs bordures d’argent. Mais la plupart des cadres étaient bordés de glace et de bobèches ornées de même, certaines avec des chapiteaux également en glace. Plusieurs étaient à huit pans à coins de cuivre doré. Au no 253, « Douze vieux miroirs à bordures de bois, sculptez et dorez, de différentes grandeurs, dont les bordures proviennent des Thèses qui estoient dans le gardemeuble de Versailles, et les glaces proviennent des miroirs à bordures d’argent, inventoriées cy-devant, dont les bordures ont esté portées à la Monnoye. Fait et arresté à Paris, le 22e avril 1697 » ; au no 263 « Un miroir de 45 pouces de glace sur 29 pouces de large, dont la bordure de bois sculpté et doré, de 4 pieds de hault sur 2 pieds 7 pouces de large, provient des thèses du gardemeuble de Versailles », et encore au no 264 « Un autre miroir, de 41 pouces de glace sur 28 pouces de large, dont la bordure de bois sculpté et doré à jour, de 4 pieds 1 pouce de hault sur 2 pieds 10 pouces de large, provient des thèses du gardemeuble de Versailles68 ».
Figure 16. – École de Hyacinthe Rigaud, Portrait de Louis XIV, cadre de Pierre Lepautre, vers 1700, château de Chenonceau.

57Quelques contrats permettent de juger des dépenses engagées par les étudiants, dont deux passés avec le sculpteur Antoine Soyer. Le 23 juin 1677, il s’engage à livrer à Jean Betham69, bachelier en théologie, avant le 27 juillet, « un cadre ou bordure en bois de noyer de trois pieds un pouce de hault sur deux pieds de large, bien et duement doré moyennant 150 livres70 ». Un an plus tard, il promet de faire un cadre dans lequel il emploiera « les matières d’or, argent et autres que besoin sera » et selon le dessin qui lui avait présenté ». D’une valeur de 300 livres, ce cadre est destiné à la thèse que François du Montal doit présenter au roi et soutenir le 21 août 1678 au collège du Plessis-Sorbonne (cat. 87)71.
58Antoine Schnapper72 signale également le contrat du 8 août 1681 entre Jean Poisson (cat. 97) et le maître sculpteur Georges Lheureux moyennant 330 livres, pour la bordure de sa thèse. La gravure ne dépassant pas 80 centimètres de haut sur 50 de large, la place occupée par le cadre est considérable. Avec 1 000 épreuves, l’estampe coûta 800 livres, et la dépense pour la présentation de la thèse s’accrut encore du coût assez élevé de la glace. En 1695 par exemple, pour celle de Tournefort dédiée à Guy Crescent Fagon, premier médecin du roi, la faculté de médecine dépensa 106 livres pour les cadres dorés, sculptés par Fichon, dont le nombre n’est pas précisé, et 58 livres pour les verres de cristal73.
59Pinto offrit au roi une épreuve sur soie entourée d’une dentelle d’or et d’argent (cat. 115). La présentation était souvent plus riche encore, comme le révèlent les descriptions de l’Inventaire général du mobilier de la Couronne74 où sont recensées vingt-neuf thèses. Au no 42, « dix neuf thèses de plusieurs grandeurs, partie doublées de brocart et partie de tabis75 ou autre estoffe, garnies de dentelle or et argent ». Au no 43, six autres thèses « garnies autour de dentelle en broderie sans doublure ». Puis au no 44 une autre thèse doublée de brocart d’or, garnie tout autour d’une dentelle d’or et d’un bord de broderie, et au no 45 une autre, mais cette fois dans une bordure de bois doré. Les deux dernières sont « dans une bordure de bois peint couleur de lapis, enrichy de filigrane d’argent (no 46) et dans une bordure de bois doré » (no 47). Cinq y sont encore inventoriées, donc quatre dédiées à Louis XIV, celles du marquis de Seignelay76, de La Hoguette77, de l’abbé d’Argouges78, de l’abbé Colbert79 et une au Dauphin80.
60Du fait de leur présentation, le roi avait une parfaite connaissance des thèses qui lui étaient dédiées. Quelques témoignages du Mercure montrent qu’il exprimait parfois sa satisfaction face à l’illustration ; à Croissy qui lui présentait la sienne (cat. 92), il dit : « La figure m’en plaît81. » Parfois, des étudiants lui en commentaient publiquement l’image ou le remerciaient d’en avoir accepté la dédicace. Certaines thèses ornèrent ses demeures, mais il semble qu’elles se succédèrent assez rapidement. Il gardait cependant une bonne mémoire de ces hommages : des lettres patentes données à Michel Jourdain (cat. 16) rappellent que ce dominicain avait soutenu « avec esclat » à Rome des thèses qu’il avait dédiées à Louis XIV en 1650-165482.
61Il est probable qu’on lui envoyait également des harangues et les extraits des journaux. On sait que le 19 décembre 1687, Nicolas-Joseph Foucault (cat. 119) reçut une lettre du père La Chaise pour le remercier de l’envoi du livret83 publié à l’occasion des festivités de Poitiers, avec une affiche de la thèse en l’honneur du roi. L’intendant du Poitou précise que M. de La Feuillade lut cette relation au roi « qui a paru très content de cette fête84 ».
La réception
Les journaux
62Les relations des journaux assurent une large diffusion de l’hommage rendu au roi dans les thèses qui lui sont dédiées. Mais les gravures sont rarement décrites et ne sont citées que les plus extraordinaires. Dans La muze historique, Loret n’évoque généralement pas les illustrations alors qu’il se plaît à relater les soutenances sur un ton assez caustique. Le 8 septembre 166385 il fait exception pour celle d’Amelot (cat. 42), « une des plus belles ma foy/Et de raretez mieux pourvües ». Elle est due à Nanteuil, avec qui il rappelle qu’il est lié, mais il se borne à préciser qu’elle est dessinée par Le Brun et qu’elle montre le roi.
63De façon générale, avant 1671, les illustrations des thèses ont peu retenu l’attention des journalistes. En 1671, pour la soutenance de l’abbé de Noailles (cat. 70), parut une première description dans la Gazette, mais Renaudot et ses successeurs ne s’y intéressent qu’exceptionnellement. De façon laconique, à propos de la majeure de Jacques-Nicolas Colbert (cat. 84) soutenue le 30 décembre 1677, le Recüeil de gazettes nouvelles ordinaires et extraordinaires indique en janvier 1678 que « la thèse dédiée au Roy estoit d’un dessein magnifique ». Au contraire, dès 1678, le Mercure86 ne manque pas de signaler les plus importantes illustrations gravées, notamment celles des fils de Colbert et de Louvois, dessinées par Le Brun et par Pierre et Nicolas Mignard et gravées par François de Poilly en 1668, 1684 et 1692 (cat. 62, 102, 128). Chaque année, il présente au moins une thèse dédiée au roi et fait le plus souvent état de la gravure. Le commentaire de celle de l’abbé du Montal en 1678 (cat. 87, fig. 17) est renforcé par une estampe. Il ne s’agit pas de reproduire l’ensemble de l’illustration, dont l’auteur précise qu’elle représente les places fortes prises par le roi, mais les quatre devises qui accompagnent le portrait du roi et sa bordure, cantonnée de bastions ornés d’une fleur de lys et reliés par d’autres devises montrant un soleil (« Non quem regit orbe minor »), un arc-en-ciel dissipant des nuées (« Vincendo facit omnia pacis »), un lion fuyant (« Gloria ejus terror ») et le foudre frappant une tour (« Hiriendo a uno, amenaça a muchos »)87.
64En août 1679, deux thèses retiennent l’attention du Mercure : celles des frères d’Aligre (cat. 89), dont on signale la fidélité du portrait gravé par Nanteuil et la richesse de la bordure dans laquelle elles furent présentées au roi, et le livret in-folio du prince de Turenne, dessiné par Sevin et gravé par Cossin (cat. 91, fig. 18), dont chaque page est ornée d’un encadrement allégorique. Le rédacteur en donne une description précise qui l’amène à faire l’apologie du roi à travers ses victoires et à la présenter comme un résumé de son histoire récente :
« La Thèse que soûtint ce Prince, estoit d’une invention extraordinaire. C’estoit un Livre dédié au Roy renfermant les Actions les plus éclatantes que sa Majesté a faites par Elle-mesme dans tout le cours de cette Guerre ; le Passage du Rhin, la Conqueste des Villes de Hollande, celle de Mastric, & de la Franche-Comté, la Bataille présentées aux Ennemis durant le Siege de Bouchain, la Prise de Valenciennes, de Cambray, de Gand, d’Ypres, la Desunion des Conféderez, la Protection de la Suede, & enfin la Paix. Chacune de ces Actions occupoit le haut de chaque page. Quatre Devises en remplissoient les costez, & le bas estoit orné de Figures symboliques, & d’une inscription exacte & simple, qui comprenoit ce qu’il y a de singulier dans l’Action […]. Tout cela avait un air de nouveauté, et une variété fort agréable. Ce dessein est du père de La Rue, Jésuite, aussi bien que les inscriptions latines, et une partie des devises. Les autres devises sont de plusieurs personnes sçavantes particulièrement du Père Menestrier, si célèbre en ces sortes d’ouvrage d’esprit88. »
Figure 17. – Anonyme, Devises à la gloire de Louis XIV reprises du bas de la thèse de l’abbé François du Montal de Montsaulnin, 1678.

Figure 18. – Louis Cossin d’après Pierre-Paul Sevin, Prise de Valenciennes, 6e bordure, fol. 5 vo de la thèse de Louis de La Tour d’Auvergne, 1679.

65Dédiée par Colbert de Croissy en septembre 1680, la Tèse de la Paix (cat. 92) retint aussi l’attention. La place accordée à la gravure est sans précédent. Après avoir décrit la présentation à Versailles, l’auteur donne littéralement à voir la composition ; il commence ainsi : « Le Roy en fournissait la matière et cette grande matière estoit traitée par un des plus beaux génies du siècle. Vous le croirez, quand j’auray nommé Mr. Le Brun. Il faut vous en donner l’explication89. » Et il termine en faisant la louange de la composition.
66En 1684, ce fut la thèse « grande et magnifique » des fils de Louvois (cat. 102, fig. 19) qui fut l’objet des regards :
« Quoy que je ne vous parle pas ordinairement des thèses que l’on soutient, il y a quelquefois d’éclatantes circonstances qui me font passer par dessus les règles que je me suis imposées, comme lorsque les thèses sont dédiées au Roy, qu’elles sont soûtenues par une personne d’une grande distinction, et que le dessein est de ces illustres qui peuvent estre appelez grands hommes dans la profession dont ils se mêlent90. »
67Suit un éloge du peintre et du graveur et une description précise de la composition, comme pour les fils de Colbert :
« Notre invincible Monarque y est dépeint en pied, de hauteur ; vestu à la romaine, s’appuyant sur l’épaule d’Hercule qui est assis à ses pieds, écoutant Pallas qui est proche de luy, et couronné par l’Honneur et par la Victoire, qui paroissent chargez de Palmes et de Lauriers. Dans le ciel de ce tableau, au costé opposé est un groupe de dix figures, qui se contrastant avec beaucoup d’art dans la variété de leurs attitudes, et dans les diverses positions de leurs membres, représentent les efforts des diverses nations, qui ont voulu s’opposer aux justes desseins du Roy. L’Allemand en marque son chagrin ; le Suédois, sa surprise ; le Saxon, ses alarmes, la Flandre son effroy ; et cette dernière s’oppose par ses sages conseils aux efforts que l’Espagne voudroit inutilement tenter. Le lointain le plus reculé de ce tableau fait paroistre un profil de la ville de Strasbourg ; et l’on voit dans l’enfoncement une danse de bergers, et des troupeaux de moutons. Ces bergers marquent par leurs chants et par leurs réjouissances, les douceurs et l’abondance de la Paix. Sur la terrasse la plus avancée, est l’Europe qui se repose sur des monceaux d’Armes, des cornes d’abondance et des Richesses ; et tout cela est soutenu par deux consoles, que des petits amours ornent de festons de fleurs et de fruits, entre lesquels sont les positions de la thèse. Ces deux consoles ont pour base des marches de marbre, où se reposent les Sciences et les Arts. »
68L’auteur ajoute un poème de l’abbé Macé qui décrit l’action du roi à partir de la gravure :
« LE ROY DANS LE REPOS DE SA GLOIRE
Quel est ce demy-Dieu, dont la noble fierté
Calmant par sa seule présence
Des plus audacieux le courage indompté
A tant de Nations impose le silence ? »
69Huit ans plus tard, pour la thèse de Camille Le Tellier (cat. 128), frère cadet des deux candidats précédents, le procédé est poussé plus loin. Le Mercure décrit de nouveau l’estampe : « C’est sur cela que M. Mignard a travaillé, et voicy ce qu’il a imaginé pour le tableau de la thèse », et ajoute : « Feu M. de Louvois avait donné le sujet qu’il voulait qui fut représenté sçavoir : Tous contre un, et un seul contre tous91. » Le poème de Rollin qui lui aussi s’attachait à la composition fut publié indépendamment, en livret et traduit en français, ce qui lui assurait une plus grande diffusion. L’abbé Bosquillon, auteur de la traduction, commence ainsi cette longue ekphrasis :
Figure 19. – François de Poilly d’après Pierre Mignard, Tèse de Louis-Nicolas et Louis-François Le Tellier, 1684.

« Quoy ! Pour montrer Louis à nos derniers Neveux,
Par-tout les Arts muets s’animeroient entre eux,
Feroient parler la pierre, et le marbre, et le cuivre
Et le bel Art des vers craindroit seul de les suivre ?
Seul il demeureroit dans un lâche repos92 ? »
70Affirmant que « l’adresse du graveur et ses heureuses veilles/Du peinceau de Mignard secondant les merveilles, /N’ont pù placer icy tant d’exploits glorieux », il célèbre à son tour le roi victorieux qui ramène la paix dans son royaume et fait refleurir les arts.
71La gravure impressionna. Le 1er septembre 1692, dans une lettre déjà citée à Magliabechi, Michel Germain et Mabillon joignent une des poésies écrite pour l’occasion et décrivent la composition : « Sa thèse représentait au naturel l’état présent de la guerre, que Bellone enflammait aussi bien que l’hérésie. On y voyait toutes les nations conjurées contre la France, animées à sa ruine, et le roi qui la défendait en ordonnant une brave résistance au génie de la France que la religion, descendue du ciel protégeait du secours divin. » Ils ajoutent : « Cette thèse est un chef-d’œuvre », mais ne nomment ni le peintre ni le graveur93.
72Est-ce l’exemple de Louvois qui, en mars 1685, incita Rouvière (cat. 105) à faire connaître les illustrations énigmatiques commandées pour ses deux thèses ? On a vu qu’il donna dans le Mercure l’explication de la première et que pour appuyer son hommage au roi, il y fit insérer une épreuve de la gravure. Exceptionnelle pour une thèse, cette insertion était fréquente pour les modes et les fêtes. Rouvière ne s’arrête pas là ; en 1689 (cat. 122), il publie également une explication de sa thèse dans le Journal des sçavans et diffuse sa description dans une plaquette parue chez d’Houry : Explication de l’emblème énigmatique mise en haut de la thèse de Mr. Rouvière, apothicaire ordinaire des camps et armées du roi, pour la dispensation et confection de la thériaque94.
73En septembre 1687, le Mercure galant commente aussi la thèse où Gantrel célèbre la guérison du roi (cat. 116) : « Tous les ornemens qui l’embellissent sont destinez à faire savoir que le Roy, ayant donné ses soins au parfait rétablissement de la Religion dans son royaume, le ciel l’a conservé, en le délivrant d’une maladie dont les suites estoient à craindre95. »
Les livrets explicatifs
74Rarement consacrés exclusivement à la gravure, les livrets racontant la soutenance et décrivant le décor de la salle lui accordaient néanmoins une place importante. Deux furent publiés par les Jésuites : en 1687, l’Explication de la thèse dédiée au roy par des écoliers du collège des Jésuites à Rouen (Rouen, Lallement) ; en 1690, l’Explication de l’appareil pour la thèse dédiée au parlement de Bretagne par les physiciens du collège de Rennes de la compagnie de Jésus (Rennes, Denys). Le livret de Rouen (cat. 116) mentionne d’emblée l’illustration : « Quoy que le Portrait du Roy, & les Inscriptions qui en accompagnent les Ornemens, découvrent assez le dessein de cette Thèse : il ne sera pas inutile d’en donner la description, pour en rendre l’intelligence plus facile96. » Cette transcription reprend presque mot pour mot le texte du Mercure. L’auteur donne la traduction du titre : « À LOUIS LE GRAND. Défenseur de la Religion, rétabli en parfaite santé, par une protection particulière de Dieu. » Seule différence avec le Mercure, le livret se termine par la liste des onze collégiens qui soutinrent leur thèse. Cette plaquette permet d’en comprendre les subtilités à tous ceux qui avaient chez eux un exemplaire. Ainsi, le portrait du roi et son histoire la plus récente retranscrite dans l’encadrement des positions entraient dans les demeures.
75Trois ans plus tard les Jésuites de Rennes éditèrent donc un livret97 plus fourni (cat. 124) que celui de leurs confrères de Rouen, où sont détaillés les circonstances de l’acte et le décor de la salle. La thèse célébrait le rétablissement à Rennes du parlement de Bretagne, exilé à Vannes en 1675 après l’affaire du papier timbré et « les Jésuites voulurent montrer par plusieurs belles cérémonies la joie qu’ils éprouvaient de cet heureux retour ». L’auteur décrit brièvement la gravure : la thèse fut dédiée par le père Provost, professeur de philosophie, il s’agit « d’une action de graces au Roy pour le retour du parlement dans la Ville de Rennes » ; le dessin de la thèse fut « suivi pour tous les ornemens de la Salle où cette action s’est passée ». Il résume à grands traits l’histoire du parlement et revient de façon sibylline sur les causes de son exil et de son retour :
« le 6 Octobre 1675, un malheur ayant excité des troubles dans la Ville de Rennes, le Roy songea aussitôt à son Parlement, & le transporta à la Ville de Vannes. Et enfin cette année 1690, la ville de Vannes pouvant être exposée aux vaines insultes des ennemis, le Roy a fait revenir le Parlement à Rennes, Ville Capitale de toute la Bretagne ».
76C’est également l’occasion de le présenter, avec ses huit présidents à mortier et ses cent douze officiers principaux. L’auteur évoque ensuite la salle tendue de tapisseries ; sur le théâtre, sous le dais royal, le « Portrait de LOUIS LE GRAND, avec cette Inscription sur la plinthe LUDOVICO MAGNO AUGUSTISSIMI AREMORICAE SENATUM RHEDONAS REVOCANTI, qui signifioit que la These étoit une action de grace A LOUIS LE GRAND QUI REND L’AUGUSTE SENAT DE LA BRETAGNE A LA VILLE DE RENNES ». Il s’agit mot pour mot de la dédicace de la thèse, dont plus que le parlement, le roi est le véritable héros.
77D’ailleurs la relation commence par sa célébration. Autour du dais, la Justice et la Force tiennent un écriteau avec des vers de Virgile « JUSTITIAENE PRIUS MIRER BELLINE LABORUM ? », dont la traduction donnée renforce encore l’apologie : « Dois-je admirer sa Justice ou sa Force ? » Sous le portrait du roi, les armes du premier président, des présidents à mortier et des gens du roi reprennent la disposition du bas de thèse. On ajouta cette inscription : « REGIITRIUMVIRI ». Exposée dans une riche bordure, la gravure était associée à cet hommage98, avec des « écussons de Messieurs du Parlement [furent] placez par ordre sur la grande Frise tout au tour de la Salle99 », des devises et des inscriptions. La gloire du parlement est également au cœur de la cérémonie, car entre les pilastres sont des passages tirés de l’Écriture et de divers auteurs « tous à la loûange du Parlement en général, & en particulier sur son retour en cette Ville qui toutes sont consignées dans le livret ». Au fond, face à la thèse et au dais, des inscriptions peintes tirées des Écritures et des textes antiques semblent sorties de la bouche du roi et adressées directement au parlement. On retiendra ceux qui sont tirés d’Isaïe, chapitres 10 et 32 : « Je rétabliray tes Juges comme ils étoient auparavant, & tes conseillers comme ils ont été autre-fois, & tu seras desormais nommé la VILLE FIDELE », et : « L’ouvrage de la Justice sera une paix, une assürance éternelle pendant laquelle mon peuple, sans crainte, joûira dans ses maisons de l’heureuse abondance du repos100 », paroles qui font écho à la gravure montrant le roi recevant avec bienveillance le parlement.
78Les devises sont aussi en adéquation avec le placard ; pour illustrer la fidélité du parlement, « un grand Arbre battu des vents dont plusieurs autres sont abbatus » avec pour motto : « en vain vous menacez », signifiant que « les autres Parlemens, qui s’étoient declarez contre le Roy, tâcherent en vain d’ébranler le Parlement de Bretagne. Il fut toûjours fidéle & méprisa leurs ménaces ». D’autres devises vantent le travail des juges, que la gravure évoque également par la présence à l’arrière-plan d’un parlementaire recevant des justiciables. D’autres inscriptions sont « à la louânge de ce superbe Bâtiment ». On s’interroge : « Y-a-t-il au monde un plus beau Palais ? » (p. 24). C’est l’occasion d’en rappeler l’histoire : « La première pierre de ce superbe Palais fut posée le 5. Septembre 1618. En présence de 4 Presidens, de 5. Conseillers, & de l’Avocat Général. Le Parlement y entra pour la première fois le 9. Janvier 1655. Le Plafond de la Grand’Chambre passe pour un des plus beau qui soit en France. » Comme la gravure, le livret propose une histoire du parlement et de son siège et s’achève par l’énumération de ses membres. Il en explique toutes les allégories et en décuple l’effet.
79Les explications des journaux font savoir l’existence des gravures. Si le catalogue de l’œuvre de Le Brun qui parut en novembre 1686 dans le Mercure galant101 eut la même fonction, il touchait aussi un public différent, celui des amateurs d’art. Il indique :
« Les desseins de Thèses que M. Le Brun a faits pour plusieurs personnes de considération ont esté gravéz par differens graveurs. M. Rousselet a gravé les premiers ; M. Poilly en a gravé une autre partie, et M. Edelinck a gravé les derniers qui ont paru. Il y en a un grand nombre, et si j’en avais la liste, je vous l’enveroy. »
80Les deux seules décrites ont été dédiées au roi en 1677 et 1680 :
« Je me contenteray de vous parler icy de deux derniers qui ont esté gravés au burin par M. Edelinck. Elles ont esté toutes deux présentées au Roy ; la première par M. le Coadjuteur de Rouen [J.-N. Colbert, il s’agit de la Tèse de la Guerre (cat. 84)], et la seconde par Mr. Le Marquis de Croissy [J.-B. Colbert, La Tèse de la Paix (cat. 92)]102. »
81Cet inventaire du Mercure se poursuit en mars 1690103 après la mort de Le Brun ; il y est de nouveau question de la « Thèse du Roy à cheval », probablement la Tèse de la Guerre (cat. 84) et pas de celle du comte de Saint-Pol (cat. 49), gravée par Rousselet en 1664.
82Outre les livrets et des comptes rendus dans les journaux, les ouvrages consacrés à l’histoire du roi évoquent parfois telle ou telle composition. Impliqué dans le choix des devises, Ménestrier signale plusieurs des thèses dédiées à Louis XIV. Dans La philosophie des images, il ne manque pas de préciser son rôle dans l’élaboration de celle du prince de Turenne : « Je donnay la pensée de ce dessein et j’en fis 23 devises. Le P. de La Rue en fit l’épître dédicatoire, les emblèmes et les inscriptions et 6 ou 7 devises, deux ou 3 autres personnes firent les autres104. » Dans La science et l’art des devises, il rappelle son implication, précise que « Quelques unes de ces devises [portent] sur les principales actions des deux dernières campagnes du Roi105… » et en cite plusieurs. Il mentionne également cette thèse dans son Histoire du règne de Louis le Grand… :
« Louis de La Tour d’Auvergne, Prince de Turenne, après avoir achevé ses études de philosophie dans le collège de Louis le Grand, pour consacrer à la gloire du prince le fruit de ses Etudes, avant que de sacrifier sa vie à des entreprises militaires dignes de la noblesse de son rang, et de la réputation de ses ancêtres, luy présenta des thèses d’une forme nouvelle dont chaque page était un trophée enrichi de Devises, d’inscriptions, d’Emblèmes et d’Eloges sous ses titres magnifiques106. »
83En 1693, dans l’avertissement du même ouvrage, à propos de la Tèse de la Guérison du roi en 1687 (cat. 116), il nomme le graveur Gantrel : « il y a de ce dernier une Thèse sur la maladie du Roy, & sur le rétablissement de sa santé, soutenüe à Roüen, qui a des beautez singulières pour la richesse de l’invention, aussi bien que plusieurs Affiches où Monsieur Sevin a fait voir le talent qu’il a pour ces sortes de compositions ». Ménestrier cite plus loin le Retour de la campagne de Flandres (cat. 63) : « M. le Marquis de Seignelay dédia au ROY une thèse en laquelle Hercule remettoit sa Massue à sa MAJESTÉ, et luy laissoit le globe du monde à porter. » Sa description est cependant inexacte puisque le globe n’est pas figuré sur la planche.
84Il est difficile de juger de la diffusion et de la réception des thèses, mais il semble que certaines connurent un réel succès. À propos de la Tèse de la Guérison du roi en 1687, le Mercure indique : « Comme elle a esté répandue en beaucoup de mains, et qu’elle est fort recherchée pour les inscriptions qui en accompagnent les ornemens, je ne doute point qu’elle ne soit parvenuë dans vostre province107. »
Les poèmes
85La Gazette ne dit rien de la gravure exécutée en 1668 pour Jean-Baptiste Colbert de Seignelay mais, après la soutenance, le père jésuite Antoine de La Bretonnière fit paraître un poème latin sur cette thèse, dont le titre était Hercules Gallicus. L’orateur Esprit Fléchier108, futur évêque de Nîmes, qui cette année-là fut nommé lecteur du Dauphin, en donna une traduction probablement commandée par Colbert. Commentant la gravure surmontant la thèse de son fils aîné, cette publication, dont le titre, L’Hercule françois ou L’explication de la thèse dédiée au roy par M. le marquis de Seignelay109(fig. 20), précise sans détour l’objet, répond à sa politique de prestige au service du souverain.
86Aucun détail de l’estampe n’est oublié110 ; La Bretonnière, et Fléchier à travers lui, comparent en huit pages les exploits du roi à ceux d’Hercule :
« Pour te representer, après tes grands exploits,
Ce n’étoit pas assez d’un Hercule Gaulois,
INVINCIBLE LOVIS, sous qui le Monde tremble,
Il falloit avoir peint tous les Heros ensemble. »
87Réédité à plusieurs reprises, ce poème fait connaître la thèse tout en renouvelant l’hommage au roi. En 1693, le révérend père Bouhours l’inséra dans son Recueil de vers choisis sous le titre : L’Hercule françois ou L’explication d’un dessein de M. Le Brun, pour M. de Seignelay.
Figure 20. – Page de dédicace de L’Hercule françois ou L’explication de la thèse dédiée au roy par M. le marquis de Seignelay, 1668.

Notes de bas de page
1 La thèse de médecine de Thomas Roch soutenue à Montpellier date de 1501. La vignette sur bois anonyme qui agrémente le livret montre un pèlerin assis qui observe les étoiles (Dulieu 1986, p. 65 ; in-quarto, BNF, Tolbiac, FC012). On ne connaît aucune thèse illustrée à Paris avant 1604 (thèse de médecine de Georges Arbaud : BIUM, Ms. 74, no 358).
2 Vient ensuite la thèse de théologie en livret de Charles de Lorraine-Vaudémont chez les Jésuites de Pont-à-Mousson en 1580, ornée d’une devise à l’eau-forte. Mais nous sommes en Lorraine. Suivent en 1589, 1590 et 1591 trois thèses de théologie en placard soutenues à Orthez, ornées d’armoiries gravées sur bois. Celle de 1591 réutilise la planche de 1590 (Lavagne 1996, p. 197, Orthez, no 10). Nous remercions M. de Vries, conservateur à la bibliothèque universitaire de Leyde, de nous avoir signalé cette illustration.
3 Voir Archivium franciscanum historicum (1959) p. 392 mentionné dans Gieben 1990, p. 685.
4 Voir aussi Grès-Gayet 2002 ; Schmutz (2008, p. 451, note 252) précise que ces « dispositions contre le luxe ont régulièrement été rappelées notamment lors du chapitre général de Tolède de 1658 ». Il renvoie à l’Orbis Seraphicus vol. 4, Rome, 1685, p. 153b et p. 686-687, à D. De Gubernatis (Orbis Seraphicus, t. III, Rome, 1684, p. 606a) qui en évoque les attendus.
5 Environ 130 thèses illustrées, soutenues avant 1629, ont été retrouvées pour la France, dont 45 pour Paris ; parmi elles les armoiries sont très majoritaires.
6 Jourdain 1862-1866, p. 168.
7 Il s’agit des thèses soutenues à Dijon en 1650 (cat. 15), à Marseille en 1686 (cat. 113), Rome puis à Paris en 1688 (cat. 120-121). Et de nouveau à Dijon en 1685 (cat. 107).
8 IFF Audran, 272.
9 Signalons ainsi la thèse de médecine de Pascal Le Coq dédiée à Geoffroi de Saint-Belin, évêque de Poitiers : Quaestio Teorica. An calor febrilis differat ab innato ? 28 janvier 1597 (Poitiers, archives départementales de la Vienne, EE).
10 Mercure galant, janvier 1687, 2e partie, p. 215 (cat. 115).
11 Cat. 124, 127, 130.
12 Mercure galant, octobre 1685, p. 22, 28, 29, 32 (cat. 110).
13 Mercure galant, août 1692, p. 193.
14 Furetière 1981, p. 234-245.
15 Voir Ferrier-Caverivière 1981, p. 109.
16 Voir Viala 1985.
17 Symon 1686 (cat. 113).
18 Citée par Chartier 1996, p. 214-215.
19 Odes, livre IV, 2, poème adressé à Antoine, appelé don des dieux.
20 Voir Chartier 1996. p. 204-223.
21 On la retrouve cependant dans quelques portraits du roi gravés par Van Schuppen (1672, abbé d’Argouges), Masson (1676, d’Artagnan ; 1679, abbé d’Estrades), Simon (1678, abbé du Montal ; 1685, Minimes de Marseille), Cossin (1682, Poisson), Beaufrère (1685, Berthe), Cars (1701, Poulletier).
22 Elle apparaît en 1666 sur ceux de Colbert et de Louvois, gravés respectivement par Nanteuil et par Edelinck (IFF 156).
23 Elle figure sur la thèse de Fortin de La Hoguette (cat. 65).
24 La mention offerebat est souvent le seul témoignage que l’on ait de l’existence d’une thèse. Encore ne l’implique-t-elle pas à coup sûr, car elle peut s’appliquer à d’autres formes d’hommages.
25 Amelot de La Houssaye 1737, t. I, p. 36. Cette thèse est mentionnée par Gayot de Pitaval (1732, vol. 2, p. 145) qui donne le détail de cette dédicace : Fauvel avait prétendu que « Comme Coadjuteur de Paris [… .] toutes ces Sciences ne peuvent rien sans vous, & tous ceux qui y sont versez sont vos vasseaux ».
26 Il semble que ce soit au tout début des années 1660 que cette règle ait été imposée, ce qui n’empêcha pas de mettre les titres du dédicataire.
27 Signalons la formule utilisée en 1664 et 1667 par Emmanuel-Théodose de La Tour d’Auvergne : « Ludocivo XIIII Regnum Maximo Vltimos licentiae Teologicae labores aeternum Consecrat ». (cat. 46, 60).
28 Robinet de Saint-Jean, 22 mai 1667, t. II, p. 849.
29 En 1671, Le Jay utilisa le même psaume pour une thèse de licence en théologie à la Sorbonne dédiée au frère du roi (ann. I.A-6). Le portrait était gravé par Nanteuil (PW 188).
30 Mercure galant, septembre 1688, p. 247-58.
31 La dédicace est gravée sur le cuivre.
32 Sévigné 1862-1863, t. V, p. 413.
33 Cette thèse est mentionnée par Gayot de Pitaval 1732, vol. 2, p. 127 et Amelot de La Houssaye 1737, t. I, p. 36.
34 Dans la 1re ligne « Rex Christianissime », dans la 4e « Rex Inuictissime », dans la 7e « apud Maiestatem tuam » et dans la 9e « Rex Augustissime » (cat. 33).
35 Il en va de même en 1684 et 1692 dans les grandes thèses allégoriques des fils de Louvois dessinées par Pierre Mignard et gravées par François de Poilly.
36 Mercure galant, juin 1679, p. 278.
37 Ibid., p. 194.
38 Requête au roi, BSG, Fol L. 335 inv 552 (P. 2).
39 Chartier 1996, p. 212 et 1992, p. 143-197.
40 Furetière 1981, t. III, chap. ii.
41 AAE, 53 MD 2037, MF P. 6700, fol. 267 ; voir aussi 53 MD 2038 (autre copie du document) fol. 54.
42 Ibid., 53 MD 2037, fol. 234.
43 Ibid., fol. 362.
44 Ibid., fol. 198, 24 septembre 1700, « À un jésuite italien une médaille d’or, de la famille royale de ce qu’il a présenté au Roy un poème latin ». Les auteurs français reçurent peut-être de semblables gratifications pour les harangues adressées au roi lors des soutenances de thèses.
45 Ibid., fol. 193. La boîte est aujourd’hui conservée à Bologne, le portrait montre le roi en buste dans un ovale surmonté d’une couronne royale de diamants.
46 Choisy 1727, p. 477 ; les mémoires parurent après la mort de Choisy.
47 Mercure galant, septembre 1680, p. 279.
48 Ibid., novembre 1686, p. 99.
49 Janvier 1687, 2e part., p. 216-219. Les propos du roi sont imprimés en italiques dans le Mercure galant.
50 Leven de Templery 1706, p. 227-228.
51 BNF, Arsenal, Ms. 3185. Ce manuscrit relié maroquin rouge, aux armes de France surmontées d’une couronne royale, appartint à Jérôme Phélypeaux de Ponchartrain (1674-1747), fils du ministre ; lors de la vente de sa bibliothèque (Paris, 1747, no 682, p. 143) il fut acquis par Charles-Adrien Picart, et en 1780, à la vente de ce dernier (Paris, no 1005), par le marquis d’Argenson. Il s’agit sans doute d’un exemplaire de présentation.
52 Ibid., fol. 3. Le texte est écrit par Thomas-Charles Fleuriau (1651-1735), procureur des missions au Levant. Il signe en effet la première explication : « Les Perles, Première Explication du Tableau par Monsieur Fleuriau de Rambouillet ». Il avait milité pour que de jeunes orientaux fussent éduqués dans des collèges français.
53 L’entrevue peut être datée de 1701, peu après la 2e arrivée des étudiants orientaux et l’avènement de Philippe V sur le trône d’Espagne, événement rappelé à plusieurs reprises dans le livret.
54 Selon le père René-Guillaume Forest, le roi lui-même « voulut voir ces jeunes gens, on les conduisit à Versailles » (AAE, Levant, Jeunes de Langues, carton 45, no 19, Forest, 1750), mentionné par Dupont-Ferrier (1821-1825, t. III, p. 354), qui par ailleurs ignore ce livret, tout comme Sommervogel.
55 On retiendra ce passage (AAE, ibid., fol. 16v) : « Rien de plus superbe que Versailles, bien plus estimable est le Maître qui l’habite. Point de terres plus opulentes. […] Que Louis Heureux Père, heureux Ayeul, commence à voir croistre autour de luy ses enfans et ses Petits-fils. »
56 AAE, ibid., fol. 21 et 43 vo.
57 AAE, ibid., cité par Dupont-Ferrier 1821-1825, t. III, p. 354-356.
58 Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages… 1854, t. I, p. 66.
59 Mercure galant, août 1679, p. 202-211. La référence est la même pour les citations qui suivent.
60 On remarquera que l’ode adressée au roi par Jessé Le Duc reprenait également ce titre.
61 Il s’agit sans doute de Dominique Lefebvre, mort en 1719 ; auteur notamment du Mercure et de la Psyché, aujourd’hui au musée du Louvre.
62 Nantes/Toulouse 1997, p. 88.
63 Mercure galant, novembre 1677, p. 122-124.
64 AN, O1 3304, fol. 126 vo. Ce document m’a été signalé par Michèle Bimbenet-Privat.
65 La thèse est mentionnée par Hazon 1771, non paginé.
66 Inventaire général… 1885-1886, vol. 2, 2e part., thèses, p. 282, 289. Castelluccio (2004, p. 49) précise que seuls étaient inventoriés les meubles précieux et durables.
67 Inventaire général… 1885-1886, vol. 1, 1re part., p. 282, nos 165-180, et nos 253, 263, 264.
68 Ibid., p. 289.
69 Marché communiqué par Bénédicte Gady. Jean (ou John) Betham (v. 1642-1709), issu du comté de Warwick en Angleterre, ancien élève du collège de Douai, où il reçut la prêtrise, venu à Paris en 1667, y devint docteur de Sorbonne et fonda en 1684 le séminaire de Saint-Grégoire pour les étudiants anglais. Chapelain de Jacques II, il fut précepteur du prince de Galles, son fils.
70 Nous ignorons tout de cette thèse.
71 AN, MC/ET/LXV, 97, 7 mars 1678 ; marché publié par Schnapper 2001, p. 22.
72 Ibid. p. 22. Antoine Schnapper ne donne pas la cote.
73 Delage 1913, p. 108-109 ; Hamy 1895.
74 Inventaire général… 1885-1886, vol. 2, 2e partie, p. 106 pour les citations qui suivent.
75 Étoffe de soie unie et ondée au cylindre. Cinq de ces thèses furent « employées à des ornemens de chapelle pour Versailles, Marly et Trianon ». Les quatorze restantes furent « deschargé[es] le 23 décembre 1710 ».
76 « 395, une thèze présentée à Sa Majesté par Monsieur le marquis de Seignelay, avec un tour de broderie d’or trait, ayant 5 pieds de hault et 4 pieds de large, avec sa bordure de sculpture dorée ; par le même » (cat. 63).
77 « 397, une thèze du portrait du Roy présentée par M. l’abbé de La Hoguette, avec une large bordure de bois doré sculpté à jour, haulte de 5 pieds, large de 3 pieds 2 pouces ; par Nanteuil » (cat. 65).
78 « 406, Une thèze du portrait du Roy dédiée à Sa Majesté par M d’Argouges, haulte de 5 pieds 1/2, large de 3 pieds 2 pouces, compris la bordure dorée ; par Mignard » (cat. 74).
79 « 412, Une thèze du portrait du Roy, dédiée à Sa Majesté par M. l’abbé Colbert, haulte de 5 pieds 10 pouces, large de 3 pieds 4 pouces, compris sa bordure dorée ; par Nanteuil. » Pour tous ces candidats, voir le catalogue et l’index des étudiants (cat. 75).
80 « 405, Une thèze dédiée à Monseigneur le Dauphin par M. d’Estrée, de Vitry et Bellemare, haulte de 5 pieds, large de 3 pieds, compris sa bordure de sculpture doré ; par Rousselet » (ann. I.C-3).
81 Marchand 1933, p. 310-343, selon un témoignage écrit dix ans après la mort du ministre.
82 Albanès 1880, p. 317.
83 Foucault 1687, p. 181, 206.
84 Ibid., p. 207.
85 Loret 1652-1665, 8 septembre 1663, p. 867.
86 Il fut créé en janvier 1672. Trois numéros parurent jusqu’en 1673, puis la publication s’interrompit alors et ne reprit qu’en avril 1677.
87 Mercure galant, septembre 1678, p. 178-192.
88 Mercure galant, août 1679, p. 331-333. Toutes les citations qui suivent en proviennent.
89 Mercure galant, septembre 1680, p. 278-290.
90 Ibid., juillet 1684, p. 314-325.
91 Mercure galant, août 1692, p. 183-194.
92 Pour d’autres passages voir le catalogue.
93 Mabillon, Montfaucon et Quesnel 1846, t. II, p. 340 ; lettre CCLXXII. La lettre est conservée à Florence, bibliothèque Magliabechiana.
94 Meyer 2010.
95 Mercure galant, septembre 1687, p. 81 et suiv.
96 Les cinq premières pages concernant le candidat, Dulion de Poinson, et la thèse individuelle qu’il soutint parallèlement à ses camarades ont été supprimées dans cette relation.
97 Palys (1890, p. 219) ne connaissait la gravure que par le livret qui en fait une rapide description. Retrouvé grâce à Yann Sordet, ce dernier est conservé à la bibliothèque municipale de Dinan (G 102).
98 Palys 1890, p. 15.
99 Ibid., p. 25 sont énumérés les noms et qualités des parlementaires avec la date de leur entrée en fonction et leur parenté, accompagnés d’une description de leurs armoiries.
100 Ibid., p. 18-19.
101 Mercure galant, novembre 1686, p. 135.
102 Le rédacteur indique que toutes les gravures se vendent chez M. Perou, concierge de l’Académie, rue de Richelieu.
103 Mercure galant, mars 1690, p. 200, « Suite de l’Article qui regarde feu M. le Brun, avec la liste de ses ouvrages ».
104 Ménestrier 1682, p. 138-141 (cat. 91).
105 Ménestrier 1686, p. 138.
106 Ménestrier 1693, p. 65.
107 Mercure galant, septembre 1687, p. 81 et suiv.
108 Il sera élu membre de l’Académie française en 1672.
109 La Bretonnière 1668.
110 Il décrit par exemple en détail la pyramide et ses prisonniers, qui bien que secondaire, donna parfois son nom à la thèse.
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