Chapitre I. L’école, l’armée et la jeunesse en Algérie avant mai 1958
p. 19-42
Texte intégral
Le contexte d’émergence du SFJA
1Dans une note du 10 juin 1958 signée sous l’autorité du général Salan, le général Lacomme (président du Comité Armées-Jeunesse) considérait que « le climat psychologique général et la politique d’intégration dans laquelle nous sommes désormais engagés, commandent une intensification de l’action sur la Jeunesse1 ». Quelques jours plus tard, Salan mandatait le colonel Gribius pour « étudier la mise sur pied rapide d’un service central de la jeunesse dont le but serait de coordonner et d’animer toutes les activités « jeunesse » en Algérie2 ». Après six mois d’études, le « service de formation des jeunes en Algérie » était créé par l’arrêté du 1er décembre 1958 pris par la délégation générale du gouvernement en Algérie3.
2Observons d’emblée le contexte très particulier dans lequel a émergé le service de formation des jeunes en Algérie (SFJA). On vérifie en premier lieu la confusion qui régnait alors entre l’administration militaire et les institutions civiles. Le général Raoul Salan lui-même était officiellement investi par le gouvernement d’une double autorité depuis le 7 juin. À la suite du coup de force et de la crise de mai, alors qu’il était commandant supérieur interarmes, il cumulait désormais la délégation générale du gouvernement et le commandement en chef des forces en Algérie, et il plaça les préfets sous l’autorité de généraux devenus eux aussi commandants civils et militaires. Cette situation a été provisoirement entérinée par Charles de Gaulle. C’est dans ce cadre que Raoul Salan confia à un officier employé à la « pacification » – le colonel André Gribius – la création d’un organisme destiné à superviser l’ensemble des « activités jeunesse » à l’échelle de l’Algérie. Néanmoins, ce service a été placé sous l’autorité du cabinet civil du gouvernement général au moment de sa création, le 1er décembre 1958.
3Le SFJA a ainsi été conçu au moment où émergeait un État militaire4 en Algérie. La loi sur l’état d’urgence adoptée le 3 avril 1955 par le gouvernement Edgar Faure était à l’origine de cette dérive institutionnelle5. Mais il est né alors que l’autorité civile à Paris reprenait le contrôle des institutions outre-Méditerranée, en séparant les pouvoirs civils et militaires et en neutralisant les rapports de subordination que l’armée avait imposés. Le 12 décembre 1958, Raoul Salan était remplacé à la délégation générale par Paul Delouvrier et le général Maurice Challe était nommé au commandement militaire de l’Algérie. Ne laissant place à la moindre ambiguïté, lors de la cérémonie de prise de fonction à Alger, le commandant en chef se tenait protocolairement un pas en arrière du délégué général6. Autre élément du contexte : pour le tout nouveau gouverneur général Salan, « la jeunesse » apparaissait comme prioritaire, en raison d’une fenêtre d’opportunité qui s’était ouverte à ses yeux au moment du « 13 mai ». Sens des priorités et conviction de l’urgence de la situation l’ont conduit à détacher André Gribius – il était commandant du groupement blindé n° 2 –, pour qu’il mette « sur pied » sans attendre une administration particulière dédiée à la jeunesse. La conviction de devoir agir vite et l’importance des moyens logistiques et humains à mobiliser pour engager sa mise en œuvre ont ainsi tramé, en un seul mouvement, l’environnement institutionnel qui a porté le SFJA au moment de sa création.
4Hybride dans sa conception, le SFJA l’a été aussi dans son organisation. À la fois militaire et civil, l’organisme a été voulu et pensé initialement par des praticiens de « l’action psychologique » et de la « pacification ». Mais le projet a été par la suite adapté et remanié en tenant compte des impératifs du programme de développement économique et social pour l’Algérie impulsé par le gouvernement de Charles de Gaulle dans les semaines qui suivirent sa prise de fonction, avant de le détailler le 3 octobre 1958 lors de son discours prononcé à Constantine.
5C’est donc dans un temps relativement court que doivent être examinées les initiatives prises et les options envisagées par les parties prenantes, pour saisir l’originalité de cet organisme et la complexité de son évolution. Tout en reprenant le fil de la chronologie, il sera nécessaire de s’arrêter sur trois moments. Le premier est celui des initiatives et des expériences menées par des militaires pour encadrer des enfants et des adolescents avant le 13 mai 1958, ce qui a conduit Raoul Salan à imaginer la création d’un organisme pour les coordonner. Le deuxième moment correspond ainsi au projet initial sur lequel a travaillé le colonel André Gribius. La troisième étape est celle du programme de développement pour l’Algérie lancé par le gouvernement de Charles de Gaulle, qui a entraîné la réorientation de la conception de ce service central en l’associant à l’Éducation nationale, afin que le SFJA vienne compléter son action. Mais avant toute chose il est nécessaire de dresser un tableau général de la scolarisation de l’Algérie en situation coloniale, afin de comprendre pourquoi, au moment de la guerre, la jeunesse s’est révélée subitement un enjeu politique majeur aux yeux des mobilisateurs.
Enfants et scolarisation de 1830 à 1958
6Malgré les mesures qui avaient été prises depuis la fin du xixe siècle dans le prolongement des lois Ferry, le bilan de la scolarisation impulsée par la France en Algérie au début des années 1950 était « dérisoire7 ». Au moment de l’indépendance, selon Mostefa Lacheraf, 85 % de la population algérienne n’était toujours pas alphabétisée8. L’obligation scolaire pour tous les enfants âgés de six à treize ans avait été étendue à l’Algérie par décret seulement le 27 novembre 1944, elle avait été complétée le 15 mars 1949 par un décret supprimant « l’enseignement spécial [réservé] aux Français musulmans d’Algérie ». Il était précisé dans ce dernier texte que des arrêtés ultérieurs fixeraient « les étapes de la fusion définitive des différents types d’enseignement qui avaient cours en Algérie9 ». D’évidence, au sud de la Méditerranée l’enseignement scolaire butait sur les contradictions structurelles de la société coloniale.
7C’est surtout à partir du second empire que le pouvoir parisien avait commencé à préciser la politique scolaire pour l’Algérie10. L’administration française y avait transféré le système éducatif de la métropole pour les enfants d’origine européenne, ouvert des écoles dites « arabo-françaises » pour les autochtones afin de créer les conditions de la francisation et réglementé, pour mieux le contrôler, l’enseignement traditionnel délivré dans les medersa et les écoles coraniques. Cependant, en lien avec la conquête, notamment en raison du tarissement de leurs sources de financement, ces dernières étaient marquées par un net déclin11. Expression de la résistance culturelle à la colonisation, la scolarisation à « l’européenne » inspirait de la méfiance12. Logiquement, l’expression du nationalisme algérien mit l’accent sur la langue et l’enseignement dès son émergence. Le programme politique de l’Étoile nord-africaine (ENA) exposé par Messali Hadj en février 1927, lors du congrès anti-impérialiste de Bruxelles, exigea « l’instruction obligatoire en langue arabe » et « la création de nouvelles écoles arabes13 ». La colonisation a eu ainsi pour conséquence, dans un premier temps, de dégrader la scolarisation des populations indigènes du point de vue des écoles coraniques, ce qui ne prend pas en considération les apprentissages de base de la lecture, de l’écriture et du calcul.
8Au début de la IIIe République, l’application des lois Ferry de 1881 et 1882 étendit en Algérie l’école gratuite, laïque et obligatoire aux filles et aux garçons de statut civil dit « commun » – soit les enfants d’origines européenne et israélite en application du décret Crémieux du 24 octobre 1870 – par différenciation avec ceux de statut personnel musulman. Cet enseignement, dit « européen », y prolongeait les instructions et les programmes délivrés par l’école de la république dans l’hexagone. Certes, le 13 février 1883, par décret, des écoles indigènes étaient créées – avec la formation de maîtres musulmans, « adjoints-indigènes » lorsqu’ils étaient titulaires du brevet élémentaire ou « moniteurs » lorsqu’ils avaient le certificat d’études –, dont la vocation était de faire émerger des élites francophones. Mais depuis le second empire, en territoire civil, la charge financière et l’entretien des écoles était du ressort des communes. Les conseils municipaux et les conseils généraux, composés principalement d’Européens, étaient réticents à l’enseignement des indigènes. Ils mirent systématiquement des freins à son développement14. En 1889, 1,9 % des enfants dits « musulmans » étaient scolarisés selon les statistiques officielles. Face au Sénat, Jules Ferry dénonça « cette secrète malveillance, cette habitude invétérée de scepticisme quand il s’agit de l’école arabe15 ». Cinquante ans après, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, seuls 13 % environ des enfants musulmans étaient scolarisés16. Pour les trois-quarts ils étaient inscrits dans des classes dites « spéciales », elles comptaient plus de 90 élèves. Quant aux garçons et aux filles d’origine européenne, à l’image de la métropole, presque tous prenaient quotidiennement le chemin de l’école primaire.
9À la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans le sillage des grandes réformes envisagées pour l’empire colonial français, le plan de scolarisation de l’Algérie en 1944 préconisait d’accroître les investissements et les recrutements afin de rendre effective l’école obligatoire pour l’ensemble de la population musulmane en âge d’être scolarisée. Les efforts envisagés étaient considérables : en vingt ans, vingt mille classes devaient être créées pour accueillir un million d’élèves supplémentaires, en application de l’arrêté rendant l’école obligatoire pour tous en Algérie. Mais les enseignements restaient séparés entre « Européens » et « Français-Musulmans ». Ils répondaient désormais à la nomenclature désincarnée d’enseignement « A » et enseignement « B ». En réponse à la volonté de supprimer les discriminations entre « Européens » et « Indigènes », un projet de fusion des enseignements A et B, par suppression de l’enseignement B, fut adopté en 1948 par l’assemblée de l’union française. Il aboutit au décret du 15 mars 1949. Au vingtième siècle le « boycott de l’enseignement à l’européenne avait perdu de sa rigueur », on savait qu’il donnait plus de chance de réussite aux enfants17. Les décrets d’application qui suivirent suscitèrent un certain enthousiasme parmi les enseignants et les « Français-Musulmans » : les horaires et les programmes en vigueur dans l’hexagone étaient étendus à l’Algérie ; des cours d’initiation, des leçons de langage pour les écoliers non francophones étaient prévus, ainsi que l’introduction dans les programmes d’histoire et de géographie de cours sur l’Afrique du Nord ; enfin, un cadre départemental unique de recrutement des maîtres était organisé.
10Entre 1944 et 1954, le nombre des écoliers musulmans avait été multiplié par trois en valeur absolue. Malgré tous les efforts consentis la situation restait critique en 1954, notamment en raison de la croissance démographique : au milieu des années 1950, les études statistiques révélaient que si l’accroissement naturel de 1 % par an de la population « non musulmane » en Algérie (environ un million d’individus) tendait à baisser, celui de la population « musulmane » (huit millions cinq cent mille personnes) était de 2,6 % par an et ne cesserait d’augmenter au cours des vingt prochaines années18. La démographie n’était pas l’unique raison de ce déficit. Le retard institutionnel demeurait considérable. Dix ans après le plan de scolarisation de 1944, toujours moins de 13 % des 2400000 enfants musulmans âgés de six à quatorze ans étaient scolarisés. Au total, 91 % des « Français-Musulmans » étaient recensés comme analphabètes, soit 87 % des hommes et autour de 95,5 % des femmes19. En effet, seules 4,5 % des Musulmanes de moins de vingt ans étaient scolarisées à cette date, la plupart d’entre elles l’étant dans des medersa. Dans le secondaire, les élèves musulmans représentaient moins de 20 % des effectifs. Sur 35000 élèves inscrits au collège et au lycée à la rentrée 1954, seulement 952 jeunes filles musulmanes (2,7 % des effectifs totaux) étaient recensées. Logiquement, en 1955, la commission de l’Éducation nationale chargée d’élaborer un nouveau plan de scolarisation demanda que soit fourni « un effort exceptionnel et prioritaire pour permettre une scolarisation massive des filles musulmanes, compte tenu de l’importance sociale qui s’attache à cette scolarisation20 ». C’était déjà une revendication exprimée par André Weiler, au titre de la section Algérie du syndicat des professeurs du second degré (SNES), lors du congrès national de 1952. Il y avait souligné l’importance de prendre en considération l’enseignement des « fillettes musulmanes et de l’élément féminin en général21 ».
11Un bilan « dérisoire », certes. En 1954 plus de 80 % des enfants dits « Français-Musulmans » n’étaient pas scolarisés, à la différence des garçons et des filles désignés comme « Européens ». Ces derniers l’étaient autant qu’en métropole, soit « plus de 95 %22 » pour ce qui était de l’enseignement primaire. La situation était pire encore pour les filles dont la scolarisation était extrêmement faible, presque résiduelle. Certes la fusion des deux systèmes d’enseignement « A » et « B » était actée depuis 1949 et les programmes scolaires adaptés prenaient en compte la culture nord africaine, telles les méthodes de lecture conçues par Léon Bourgeois et Léon Basset23. Mais la volonté politique assimilationniste affirmée et l’objectif de francisation avaient pour finalité de faire émerger, au mieux, des cadres intermédiaires francophones au sein de la population autochtone arabophone ou berbérophone, telles les élites diplômées du certificat d’étude dont participaient les maîtres d’école, à l’image de Mouloud Feraoun24.
12Dans le prolongement des réformes structurelles impulsées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu’ils comptaient bien poursuivre voire amplifier, mais qui tardaient à porter leurs fruits, et au regard de la dégradation de la situation générale qu’ils découvraient, Jacques Soustelle aidé de Germaine Tillion créèrent en 1955 les centres sociaux ou centres sociaux éducatifs (CSE). Ils cherchaient des solutions à ce qui leur apparaissait être un contexte d’urgence, une « situation exceptionnelle » qui nécessitait des « méthodes exceptionnelles », selon les mots du nouveau gouverneur général. Dès février 1955 Germaine Tillion avait été détachée du CNRS25 pour rejoindre le cabinet de Jacques Soustelle. Ce dernier lui proposa de travailler sur l’expérience des « missions culturelles » qui avaient été conçues au début des années 1920 par José Vasconcelos, le ministre de l’Instruction publique du Mexique révolutionnaire. Soustelle en avait eu connaissance alors qu’il menait des recherches d’ethnologie en Amérique centrale dans les années 1930 et fréquentait les anthropologues mexicains investis dans l’action publique26. Les missions culturelles étaient des équipes itinérantes composées d’un instituteur, d’une sage-femme et d’un technicien agricole chargés d’organiser les communautés paysannes, en particulier amérindiennes, pour préparer les bases du développement local en matière d’éducation (en langue « nationale » espagnole), de santé publique (d’hygiène) et de modernisation agricole, le temps que des institutions stables fussent en capacité de prendre la relève. « C’est en m’inspirant de cet exemple », écrit-il, « aidé par Germaine Tillion, ethnographe qui a longtemps vécu chez les autochtones, que je mis sur pied l’idée des centres sociaux, destinés à agir humblement mais efficacement dans les douars ou dans les bidonvilles27 ».
13Défavorable au dispositif des équipes itinérantes, Germaine Tillion préféra une structure stable, implantée au sein des populations afin de mener un travail de longue haleine et de construire des situations de confiance. Elle complétait ponctuellement la structure centrale par des équipes « circulantes », afin de prolonger les activités dans un rayon plus ou moins étendu28. Ces équipes sédentaires, organisées en « centres sociaux », avaient pour première mission d’assurer un enseignement aux enfants et aux adolescents non scolarisés dans les quartiers populaires urbains et ruraux, de délivrer des cours d’alphabétisation aux adultes, d’accompagner l’enseignement de base par une formation préprofessionnelle dans les domaines de l’agriculture et de l’artisanat, et d’assurer à travers ces établissements une aide sociale et médicale. « Le personnel du centre est donc appelé à remplir tout à la fois les fonctions d’instituteur, de moniteur agricole, d’infirmier, de puéricultrice, de monitrice d’enseignement ménager, de guichetier des caisses d’assurance sociale ou même de l’état-civil29. » En octobre 1955, les centres sociaux furent placés sous l’autorité de l’Éducation nationale. À la fin de l’année 1957 vingt-huit centres avaient été créés, sept étaient en cours de création, près de trois cents cadres et moniteurs avaient été formés. Ils étaient principalement situés dans les quartiers périurbains des grandes villes, quelques-uns étant installés en zone rurale à proximité des services techniques agricoles.
14Les enseignants, qui défendaient le principe d’une même école pour tous, critiquèrent dans un premier temps ce qu’ils considéraient comme un enseignement « au rabais », à travers la voix de leurs organisations syndicales30. Dans un même ordre d’idée, ils dénoncèrent, peu après, le « recrutement au rabais des instructeurs » instauré en août 1956 par le ministre-résident Robert Lacoste afin de remédier à la baisse du recrutement d’instituteurs dans les écoles normales. Mais, au-delà des clivages qui divisaient les sensibilités syndicales et politiques au sein de la FEN et du SNI (Algérie française, messaliste, pro-FLN en particulier à partir de 1956), c’est plus un message manifestant la crainte que « l’école devienne l’otage des violences » qui était exprimé. Les enseignants appuyèrent généralement l’ambition du plan de scolarisation de 1944, puis celui de 1958 et s’investirent pour certains dans les centres sociaux, dans le prolongement des actions de lutte contre l’analphabétisme31.
15Du côté du FLN, « le refus de l’école française impliquait un désir d’école algérienne » souligne Gilles Meynier32. Cette dernière commençait à être organisée dans les wilayas, dans le cadre des écoles coraniques rénovées. Elles étaient pensées « dans un dessein de ressourcement culturel et de revanche patriotique » précise-t-il33. Dans le prolongement de l’insurrection de la Toussaint 1954, le mot d’ordre avait été donné de boycotter les écoles françaises. En 1956, selon le colonel Henry d’Humières « plus du quart » des écoles ne fonctionnaient plus après avoir subi un attentat, faute d’élèves ou d’enseignants34. Sans le citer, Henry d’Humières semble avoir tiré cette information d’un rapport du ministre-résident Lacoste. Certes, le chiffre paraît très élevé, mais il permet d’appréhender l’inquiétude des pouvoirs publics à cette date. En mai 1956 la consigne de grève illimitée des cours et des examens avait été donnée aux élèves et aux étudiants. « Avec un diplôme en plus nous ne ferons pas de meilleurs cadavres ! », avait lancé en juin 1956 l’organe du FLN, El Moudjahid35, au moment de sa fondation. Il reprenait avec ces mots l’un des slogans de l’appel du 19 mai 1956. Néanmoins, le choix de la grève des scolaires et des étudiants ne faisait pas l’unanimité au sein de l’organisation. L’idée d’employer plus utilement les jeunes diplômés et de préparer les futurs cadres de l’indépendance finit par s’imposer. À la rentrée 1957 le mot d’ordre de grève pour les écoliers était d’ailleurs reporté. Cela étant dit la synthèse mensuelle du deuxième bureau d’Alger informait en juillet 1958 que « les enfants instruits par l’école rebelle en Basse Kabylie [étaient] sensiblement aussi nombreux que les élèves instruits par l’école militaire36 ».
16En effet, depuis le début de la guerre, l’armée française s’était imposée, ponctuellement, en tant qu’actrice participant à l’encadrement et à la formation d’une partie de la jeunesse. Sur ce terrain, des militaires intervenaient dans des écoles au titre de la contre-insurrection. De ce fait, ils accomplissaient des missions qui n’étaient pas censées être de leur ressort, mais celles de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’administration chargée de la jeunesse et des sports.
Contre-insurrection et expériences militaires d’encadrement de la jeunesse dans l’Algérie en guerre, jusqu’en mai 1958
« Alors que se jouait la “bataille d’Alger”, que les parachutistes du Général Massu nettoyaient une Casbah dont la menace occupait plus les esprits que sa misère criante ne l’avait jamais fait, la Générale Massu fondait en avril 1957 l’“Association pour la Formation de la Jeunesse”, ne cessant depuis d’en assurer la présidence effective.
Trouvant au cœur même du vieil Alger un champ d’application sans limites, c’était la première initiative consacrée à cette enfance à l’abandon.
L’œuvre ouvrit ses portes au mois de juin de la même année. Le “Centre de Jeunesse” de la Rue Koechlin, à Bab-El-Oued était créé. L’association s’installait dans les locaux réquisitionnés d’Alger-Républicain, journal communiste interdit. Jouissant de l’appui officiel, sous un parrainage fameux, financée au départ par un fonds qui aurait été mis à la disposition directe de Madame Massu, il ne restait plus à l’œuvre qu’à approprier son action au problème qu’elle affrontait. Ce qu’elle fit, en prenant rapidement une certaine importance.
Le but de l’Association pour la Formation de la Jeunesse est de soustraire à la rue les jeunes adolescents en âge de scolarité, ou l’ayant dépassé, pour assurer leur épanouissement moral et physique, les éduquer et les orienter vers un avenir décent. À ces enfants prédélinquants, s’ajoutent ceux qui sont directement confiés par des familles incapables de les élever.
Le champ d’application de l’œuvre est donc large. De l’instant où il a été recueilli jusqu’à celui où il est reconnu apte à suivre une formation préprofessionnelle, l’enfant passe par les différents stades d’évolution prévus par l’organisation de l’Association.
Il s’agit d’abord d’apprivoiser celui que l’on appelle le “yaouled”, de l’acclimater patiemment, puis de commencer à l’équarrir et de le faire progresser en l’amenant de lui-même à renoncer à sa belle liberté pour accepter un régime d’internat qui lui apportera une formation proprement dite37. »
17Cette page n’a pas été écrite par un agent de la « pacification ». Elle est extraite du rapport de stage réalisé par un étudiant parisien sous le patronage du Haut Comité de la jeunesse en juillet/septembre 1960, auprès de l’Association pour la formation de la jeunesse à Alger. Au-delà d’un discours un peu rude, mais convenu dans les archives coloniales, sur l’apprivoisement et le dressage d’une jeunesse censée être livrée à elle-même, on observe la mise en parallèle de la répression menée par le général Massu, investi des pleins pouvoirs de police pour diriger la lutte contre l’insurrection dans la Casbah, avec l’action simultanée de sa compagne Suzanne Massu, qui engagea une opération de secours auprès des enfants en situation d’abandon à Alger. Autre élément d’appréciation, d’emblée cette action entreprise envers une certaine jeunesse articule deux missions : l’éducation morale et physique et la formation préprofessionnelle, avec pour dispositif de réussite, l’ouverture d’un internat. Du couple Massu, les témoignages diffèrent quant à savoir qui de Suzanne ou de Jacques aurait pris l’initiative. Mais ce qui est avéré, c’est que très vite le général Massu a affecté les moyens financiers, matériels et humains permettant la réalisation de cette opération. Suzanne Massu reçut par ailleurs des donations importantes transitant par l’archevêché d’Alger38. En fait, au même moment, voire depuis 1956, d’autres officiers avaient engagé de leur propre chef des actions similaires pour encadrer et occuper la « jeunesse désœuvrée », en particulier dans la région des Aurès.
18La place prise par la jeunesse dans le cœur de cible de la contre-insurrection se révéla progressivement aux yeux des acteurs au regard de l’évidence de la crise sociale que connaissait l’Algérie au début de l’insurrection, puis parce qu’ils virent parmi les enfants et surtout dans les adolescents une population d’intérêt stratégique qu’ils devaient considérer avec attention. Les premières expériences en ce sens furent réalisées dès 1956, elles étaient le fruit de l’initiative de jeunes officiers, mais c’est en 1957 qu’elles se généralisèrent. Enfin, en 1958, la hiérarchie s’organisa pour les coordonner.
19À l’automne 1955, Jacques Soustelle avait prescrit au recteur d’Alger un vaste plan de scolarisation accélérée sur l’ensemble de l’académie. Cependant le recrutement d’enseignants diplômés de l’école normale ne suivait pas. Il avait même tendance à diminuer. C’est la raison pour laquelle Robert Lacoste décida l’année suivante d’engager des instructeurs titulaires du Brevet élémentaire pour enseigner dans les écoles primaires, tout en élargissant les missions attribuées aux militaires dans ses directives de politique générale. En effet, au cours de la même période, le risque d’attentats dans les écoles et l’action dite de « pacification » dans les régions où se diffusait l’insurrection, là où généralement l’Éducation nationale était peu présente voire absente, favorisèrent le rapprochement entre les services du rectorat et ceux de l’armée39. Il en est allé de même avec l’Action sociale, la direction du travail et la Formation professionnelle. D’une part, des militaires furent affectés à la protection des écoles ré-ouvertes sous l’autorité des personnels de l’Éducation nationale ; d’autre part, l’armée détacha des soldats, notamment des instituteurs appelés sous les drapeaux, pour faire la classe dans les zones opérationnelles, là où l’Éducation nationale n’intervenait pas pour des raisons de sécurité, ou parce qu’elle ne s’y était jamais installée.
20Les dispositifs élaborés empiriquement par les militaires en Algérie dans le cadre de la contre-insurrection, à la suite également de leur expérience indochinoise, engendrèrent une démarche plus théorique conduisant à étendre le champ d’intervention des forces armées40. « L’armée protège, construit, soigne, administre » était au nombre des slogans de la « pacification41 ». Le colonel Lacheroy, alors chef du service d’action psychologique et d’information de la défense nationale, précisait dans une conférence prononcée dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne en juillet 1957 en quoi la guerre qui se pratiquait en Algérie était selon lui une guerre totale et sous quelle forme elle l’était :
« Totale parce que non seulement elle mobilise vers cet effort de guerre toutes les puissances industrielles, commerciales, agricoles d’un pays, mais aussi parce qu’elle prend et pousse dans l’effort de guerre tous les enfants, toutes les femmes, tous les vieillards, tout ce qui pense, tout ce qui vit, tout ce qui respire avec toutes leurs forces d’amour, toutes leurs forces d’enthousiasme et toutes leurs forces de haine et qu’elle les jette dans la guerre. C’est là le facteur nouveau. Guerre totale parce qu’elle est une guerre qui prend les âmes comme les corps et les plie à l’obéissance et à l’effort de guerre42. »
21Cette « guerre moderne », cette « guerre dans la foule », fondée sur la doctrine de la « guerre révolutionnaire43 », plaçait les civils dans la ligne de mire des belligérants. La population civile pouvait dissimuler ou aider directement l’ennemi. Mais plus encore les civils pouvaient être mobilisés, voire être retournés contre le camp adverse. Il fallait par conséquent les convaincre de choisir le parti de la France. Au sein de la population dite « musulmane » des catégories étaient privilégiées par les stratèges de la guerre contre-insurrectionnelle, certaines étaient considérées comme étant d’emblée favorables à la France, d’autres étaient d’apparence plus facilement influençables. C’était le cas en particulier des notables, des employés de la fonction publique, des anciens combattants.
22Mais deux autres segments de la société intéressèrent fortement les services de l’action psychologique, comme le souligne Charles Lacheroy dans sa conférence, car ils étaient à l’interface de la confrontation entre les agents de la contre-insurrection et les insurgés. Il s’agissait tout d’abord des femmes musulmanes. Elles paraissaient potentiellement plus sensibles à l’action psychologique, car elles étaient censées pouvoir tirer plus de bénéfices personnels de leur intégration à la société française en renonçant à leurs traditions. Par ailleurs en adoptant le parti de la France, elles seraient en capacité d’influencer leurs époux et leurs enfants contre le camp des insurgés. Gagner leur opinion se vérifia hautement stratégique en 1958 lorsque le suffrage féminin universel devint effectif en Algérie et que les premières consultations électorales étaient organisées44. L’autre segment d’importance stratégique dans la société civile était celui de leurs enfants et des adolescents. Ils représentaient a priori l’une des tranches de la population parmi les plus malléables. Les jeunes pouvaient basculer dans un camp comme dans l’autre selon le hasard des circonstances. Parfois il suffisait d’une simple opportunité, d’une rencontre. Or c’était avec eux qu’il fallait préparer l’avenir. Conscients de cette situation, des militaires cherchèrent des outils, réaffectèrent des moyens, imaginèrent des dispositifs pour encadrer ces populations et si possible les orienter.
23David Galula a rapporté son expérience lorsqu’il était en service en Kabylie entre 1956 et 1958 dans la région de Tizi Ouzou où il commandait une compagnie du 45e bataillon d’infanterie coloniale45. Sa priorité fut de recenser et de surveiller la population, puis de mener une action sociale et médicale en sa faveur. Pour l’isoler « des rebelles » écrit-il, « un travail en profondeur était nécessaire46 ».
« J’ouvris aussi une école dans le bâtiment de la djemaa. Les parents s’y opposèrent énergiquement, clamant qu’ils avaient plus besoin de leurs jeunes garçons pour garder les troupeaux et aider aux champs. Je parcourus la liste de recensement des familles ; lorsque la famille n’avait qu’un fils, je l’autorisais à ne pas aller à l’école, mais j’ordonnais que tous les autres garçons y aillent. Nous avions environ 60 enfants de 8 à 14 ans. Nous organisâmes deux classes. Les instituteurs étaient des conscrits, l’un plombier, l’autre fermier. Je fus stupéfait par les résultats. L’intelligence et la soif d’apprendre des garçons répondaient au dévouement et à l’habileté des professeurs improvisés.
[…]
Réfléchissant à qui, au sein de la population, pourrait être notre allié, je pensais aux femmes kabyles qui, étant donné leur sujétion, se rangeraient naturellement de notre côté si nous les émancipions. Je devais bien évidemment faire très attention à ne pas trop contrarier les hommes. Je décidai de commencer par les jeunes filles. Une fois que mon école de garçons fut lancée, je rassemblai la population et ordonnai que les filles de 8 à 13 ans (l’âge du mariage) soient envoyées à l’école l’après-midi. (Les garçons avaient classe le matin.) J’ignorai leurs protestations, et je me retrouvai bientôt avec deux classes de plus.
[…]
Je fus frappé de constater que, dans leur ensemble, les enfants kabyles étaient apolitiques ; les rebelles ne les avaient pas mobilisés comme l’avaient toujours fait les communistes chinois ou vietnamiens. […] Cette guerre était déjà assez dévastatrice sans qu’on ait besoin d’y impliquer les enfants. Je m’assurai qu’on les garde occupés à l’école ou dehors à participer à des jeux. Bien entendu, quand un enfant nous donnait des informations par inadvertance, nous étions tout ouïe. […] Néanmoins, je décourageai toujours mes soldats d’essayer d’utiliser les enfants comme indicateurs47. »
24David Galula rapporte qu’il créa au total cinq écoles dans son arrondissement, scolarisant environ 40 % des garçons et des filles en âge de l’être. Pour ce faire, il avait affecté douze soldats comme enseignants. L’un d’eux était instituteur dans la vie civile. Il lui confia la fonction de formateur et d’« inspecteur ». Il le chargea également de sélectionner et de s’occuper plus précisément des quelques écoliers qui pourraient devenir instructeur à leur tour. En 1957, une colonie de vacances fut organisée, une trentaine d’enfants pris en charge par la SAS partirent en métropole pendant les mois d’été. Par ailleurs, particulièrement préoccupé par les adolescents âgés de 15 à 20 ans, « le groupe […] probablement le plus important politiquement » selon lui, il travailla avec eux sur deux niveaux. Il organisa un club sportif en formant des équipes de volley-ball, afin d’occuper le plus grand nombre après la journée de travail ou pendant les heures creuses. D’autre part, il orienta quelques garçons vers une école professionnelle à Tigzirt où intervenaient des militaires, elle avait été ouverte par un officier. Ils y reçurent une formation en maçonnerie, mécanique, en conduite de véhicule et menuiserie, tout en étant nourris sur place48.
25Cette action locale pour la jeunesse impulsée par David Galula était complexe et ambitieuse. Certes il s’agissait de recenser et d’encadrer les enfants et les adolescents afin de les connaître et de les éloigner de l’ennemi, comme il le faisait avec les adultes. Les clubs sportifs avaient d’abord pour finalité d’occuper les individus en dehors des heures de travail. Mais comme il le soulignait, il aspirait à agir en profondeur et dans la durée. Ses écoles poursuivaient et étendaient, avec leurs limites et dans l’urgence, le projet inabouti de francisation. La scolarisation, la mise au premier plan de l’école apparaissaient aux yeux de ces officiers comme étant stratégiquement et politiquement essentielles. Galula se félicita, à ce sujet, de la rapidité avec laquelle les enfants semblèrent maîtriser l’alphabet. Il se régalait aussi d’entendre les « garçons chanter des comptines en français […] en traversant le village49 ». Des officiers organisaient même des distributions de prix, à l’image des pratiques méritocratiques à l’œuvre dans les écoles primaires de la République.
26David Galula affirmait des ambitions voisines pour les filles, mais il les inscrivait dans un tout autre registre : « Ce fut une petite révolution quand on demanda aux fillettes de se débarrasser une bonne fois pour toutes de leurs foulards sales et de couper et laver leurs cheveux ; c’était contraire aux coutumes et superstitions locales. Mais une fois le changement opéré, tout le monde approuva chaleureusement. “Maintenant elles ressemblent à des filles françaises”, disait-on partout50. » Il n’oublia pas l’un des éléments majeurs de la politique d’assimilation consistant à faire émerger des élites intermédiaires. Ce à quoi il s’est consacré en sélectionnant les instituteurs ou les instructeurs potentiels parmi ses meilleurs écoliers et en poussant les adolescents méritants à devenir des ouvriers qualifiés. D’autres expériences du même type étaient réalisées au cours de la même période, dans des circonstances voisines, par des cadres de la contre-insurrection.
27Selon une note du Comité Armées-Jeunesse datée de juillet 1958, l’initiative de créer des foyers sportifs revenait au colonel Gribius et à son officier d’état-major le capitaine Fombonne, alors qu’ils dirigeaient la « pacification » dans l’est constantinois51, au cours de l’été 195752. Ils concevaient le sport et l’encadrement sportif comme un « moyen d’attraction, [qui] permettait de déboucher rapidement sur une action civique et psychologique appropriée à des jeunes de 14 à 18 ans ». Comme David Galula, André Gribius avait lui aussi une forte expérience asiatique, qui avait suivi son engagement dans la Seconde Guerre mondiale. Il s’était converti en Indochine à la guerre contre révolutionnaire, « où la conquête des cœurs et des consciences importent souvent plus que la destruction des bandes armées53 ». Il avait été à l’origine de la création de l’école nationale d’officiers vietnamiens, afin de former des « chefs […] fermement attachés à la France54 ». Fombonne avait quant à lui travaillé sous les ordres du général La Porte du Theil pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il commandait les chantiers de la jeunesse, dans la France non occupée dirigée par le maréchal Pétain à la suite de la défaite.
28Tous les deux avaient par conséquent cette expérience, voire cette culture d’une armée éducationniste. Il s’agissait, par l’encadrement sportif, d’occuper les enfants et les adolescents, d’instiller une instruction civique et des valeurs de respect de la France. Il s’agissait également de sélectionner et de solliciter des candidatures chez les garçons pour devenir moniteur sportif et amorcer la reproduction de ce système d’instruction. Cette première expérimentation, probante aux yeux de la hiérarchie, a été étendue à l’ensemble de l’Algérie à travers le maillage des SAS, celui des commandants de quartier, et en accord avec les préfectures. Au début de l’année 1958, le capitaine Fombonne désormais rattaché au Comité Armées-Jeunesse dirigeait un programme de création de trois cents foyers sportifs à l’échelle de l’ensemble de l’Algérie. Pour leur financement, les préfets étaient censés « se débrouiller55 », en puisant dans les crédits de l’action psychologique mis à leur disposition par le service de l’information56. Cela étant, « à la veille du 13 mai, à l’exception du Constantinois, le réseau des foyers sportifs sur lesquels eut pu se baser une large action en surface sur la jeunesse du bled était encore très ténu57 ».
29L’initiative était jugée efficace. L’animation sportive doublée d’une instruction civique semblait être un bon système d’encadrement de la jeunesse, à moindre frais. En avril 1957, le ministre-résident Robert Lacoste se prononça favorablement pour la création d’une école de cadres, où seraient formés des « moniteurs français-musulmans pour « prendre en main » la jeunesse musulmane en limitant cette action à un cadre civique et sportif58 ». Il s’agissait de généraliser le dispositif des foyers sportifs « sur toute l’Algérie », en recrutant et en formant rapidement, « en quelques mois […] 600 à 800 jeunes gens ».
Illustration 2. – Dépliant de présentation du CEMJA d’Issoire (s. d.).

30Le projet s’inscrivait dans une démarche intégrationniste coloniale traditionnelle en réservant le recrutement à des « Français-Musulmans pour « prendre en main » la jeunesse musulmane ». Cette formule revenait régulièrement dans les documents émanant de l’institution militaire à son sujet. Mais il participait aussi des nouvelles pratiques issues de la guerre d’Algérie, en plaçant ces moniteurs sous l’autorité des commandants de secteur de l’action psychologique. Les perspectives annoncées par Robert Lacoste étaient d’ailleurs assez coercitives. Selon lui, les futurs moniteurs « au cours d’une ou deux séances par semaine, […] grouperaient et instruiraient civiquement et sportivement la jeunesse de 15 à 18 ans qui serait convoquée par voie d’autorité ». Par la suite les filles constituèrent une part appréciable des bataillons sportifs, mais en 1957 c’étaient les garçons qui intéressaient Robert Lacoste et le général commandant supérieur interarmes. Tous les deux étaient préoccupés par les « jeunes musulmans » qui échappaient simultanément à l’école, au service militaire et même aux chantiers de construction rurale, ces derniers avaient été créés en avril 1956. Le projet d’ouvrir une école de moniteurs sportifs français-musulmans était bien lancé. En mai suivant, la hiérarchie fit connaître son intérêt59. En juin, les premières études sur le programme de formation étaient élaborées par une commission d’experts, sous l’égide du Ve bureau d’Alger. Le 1er juillet 1957, le centre d’entraînement des moniteurs de la Jeunesse d’Algérie (CEMJA) ouvrait à Issoire dans le département du Puy-de-Dôme60, et un premier contingent de 286 stagiaires fraîchement sélectionnés arriva directement d’Algérie le 20 juillet61.
31Dans la documentation militaire, le CEMJA d’Issoire était précisément désigné comme « un centre d’action psychologique ». Sa création avait été très rapide. Elle était inscrite dans le contexte d’urgence et de rapprochement des instances civiles et militaires qui avait suivi la bataille d’Alger. On le vérifie dans les pratiques administratives, dont les traces subsistent dans les archives publiques. Le « CEMJA apparaît comme un organisme « sui generis », financé concurremment par des fonds spéciaux et par des crédits régulièrement comptabilisés », selon des procédures qui peuvent être « très souples et très rapides », mais [qui] se déroulent pour certaines « en marge des règles de la comptabilité publique », insistait le contrôleur de l’armée, dans un document dont il soulignait le caractère « strictement confidentiel et secret62 ». Les premières années le CEMJA était commandé par le capitaine Lemaire, il provenait de l’état-major du général Massu. L’objectif du centre d’Issoire était de sélectionner et de former des cadres parmi les jeunes « Français de souche nord africaine » (FSNA) en Algérie. Comme on l’observe avec d’autres organismes, au même moment, la prise en charge du CEMJA par l’armée était inscrite dans le provisoire. À terme, le passage de témoin aux instances civiles était prévu. La directive précisant les conditions de la création du CEMJA était ferme sur ce point. Son objectif était de fournir « des cadres qui font, à l’heure actuelle, cruellement défaut à la jeunesse d’Algérie. Pour de multiples raisons, cette formation a été confiée à l’armée. Mais les moniteurs à former sont destinés à entrer dans une organisation qui, initialement civilo-militaire, s’intégrera dès que les circonstances le permettront, dans la hiérarchie civile. Il ne s’agit en aucun cas de militaires aptes à s’occuper de la formation sportive de la jeunesse [mais] de fournir en quatre mois, à l’Algérie, de jeunes moniteurs capables, en familiarisant la jeunesse algérienne avec la pratique du sport, de conserver et de ramener cette jeunesse à la cause de l’Algérie française63 ».
32Cela étant, le cadre du recrutement, celui de la formation des stagiaires, la formation elle-même au CEMJA, puis la réalisation des missions des moniteurs d’Issoire en Algérie se sont déroulés dans un environnement strictement militaire. De ce fait, à l’issue de leur stage les moniteurs d’Issoire conservaient un statut militaire et « comme tels étaient à la charge du budget de l’armée de terre ». Initialement le recrutement des stagiaires a été réalisé sous l’autorité du commandant de la Xe région militaire avec le relais des SAS. La sélection devait être effectuée parmi les réservistes « français-musulmans » âgés de moins de vingt-cinq ans, sachant lire et écrire en français, mais n’ayant pas accompli le service militaire. L’objectif était de former 600 stagiaires par promotion. Dès la première promotion de juillet, sur les 800 candidats présélectionnés seuls 309 furent déclarés aptes et acheminés vers Issoire. De sorte que, déjà en août 1957, il a été fait appel à des appelés du contingent de métropole, afin de la compléter. Il en fut de même pour la seconde promotion de janvier 1958, dont le niveau était « inférieur à celui des premiers stagiaires (40 % ne connaissent pas le français) ». Progressivement le recrutement a été élargi à des appelés d’origine métropolitaine, ce dont se plaignait le commandant du centre. Il percevait dans cette nouvelle orientation un détournement de la mission du CEMJA et une source de complications pour lui :
« En raison des grandes difficultés d’encadrement des corps de troupe en petits gradés FSNA, la décision vient d’être prise par l’Administration Centrale de remplacer dans chaque promotion de 600 élèves, 250 FSNA par autant de FSE [Français de souche européenne] d’origine métropolitaine. Sans aborder l’aspect du rendement de moniteurs FSE, d’origine métropolitaine, dans la formation de la jeunesse d’Algérie, il est évident que cette mesure aura deux répercussions défavorables :
a) Ne formant plus que 350 moniteurs FSNA par promotion – au lieu de 600 – le CEMJA participera moins que par le passé à la promotion sociale des populations musulmanes.
b) La présence au CEMJA de 250 moniteurs FSE habitant la métropole, posera des problèmes supplémentaires de discipline. Le CEMJA ne disposant que de 5 mois pour transformer de jeunes musulmans en “ambassadeurs au petit pied” de l’influence française, le principe avait été posé, dès la création du CEMJA qu’aucune permission – même à titre exceptionnel – ne devait être accordée aux élèves-moniteurs pendant leur stage de 5 mois. Jusqu’à présent ce principe avait été respecté, au plus grand bénéfice final des stagiaires eux-mêmes ;
Dans un esprit de justice, toute permission sera dans l’avenir évidemment refusée aux élèves-moniteurs FSE, dont certains ne seront qu’à une cinquantaine de kilomètres de leur domicile64. »
33La formation donnée initialement au CEMJA était caractéristique de son contexte de création. Deux cents heures, soit 40 % du volume horaire du stage, portaient sur l’action psychologique définie comme étant « prioritaire ». L’instruction était réalisée sous la forme de conférences, de « discussions dirigées », de projection de films, « sur le thème : Algérie française, Algérie nouvelle65 ». Un autre tiers (210 heures) concernait la préparation proprement dite au monitorat sportif, elle était sanctionnée d’ailleurs par l’obtention du Brevet sportif populaire. Le reste du stage (140 heures) était partagé entre les enseignements de base, un peu de pédagogie et une instruction militaire réduite (marches, revues, maniement des armes…)66. L’esprit de la formation reposait sur une démarche interactive. Elle mettait en œuvre une pédagogie de groupe dont la vocation était de construire le consensus et de favoriser la confiance en soi67, en facilitant la prise de parole des stagiaires dans les situations de classe ; une méthode que les futurs moniteurs étaient censés pouvoir reproduire par la suite lorsqu’ils animaient les groupes de jeunes en Algérie. La formation était aussi ouverte à l’audiovisuel, ce qui pouvait être conjointement une bonne initiation pédagogique pour les futurs moniteurs. Certes les enseignements de base restaient insuffisants pour permettre aux « cemjistes » d’assurer par la suite une instruction générale. Néanmoins, les moniteurs sportifs formés à Issoire constituèrent une grosse partie du contingent des futurs foyers et centres du SFJA.
34L’autre composante en matière d’encadrement et d’instruction de la jeunesse vers laquelle s’est orientée l’armée en 1956-1957, dans le contexte de la contre-insurrection, était la formation professionnelle. Certes, comme on a pu l’observer dans le témoignage précédent de David Galula, ou dans les attendus des missions du CEMJA d’Issoire, l’objectif déclaré était de favoriser par la formation professionnelle au sein du groupe des adolescents et des jeunes hommes la mobilité sociale et l’émergence d’une élite intermédiaire. Mais à la différence des services de l’Action sociale, de la Formation professionnelle et de l’Éducation nationale, les dispositifs organisés par l’armée, relevaient de l’action psychologique ; même s’ils collaboraient avec les établissements civils d’éducation, les écoles et les foyers dirigés par des maîtres en uniforme fonctionnaient dans un esprit très différent, qu’il s’agisse du cadre général de l’enseignement marqué par son environnement militaire ou de la finalité de la formation qui participait de « l’action en surface », correspondant au deuxième volet de la guerre révolutionnaire.
Illustration 3. – Chants de marche et chants de veillée des moniteurs cemjistes. Pochette du disque enregistré à Issoire le 1er décembre 1960 au CEMJA (fonds AN-SFJA, donation Jean Poitte).

35C’est également au moment de la bataille d’Alger que furent créés les premiers « centres de formation de la jeunesse algérienne » (CFJA), par une directive signée du colonel Marey le 24 mars 195768. L’un des premiers CFJA avait été ouvert à l’initiative du général Massu à Maison-Carrée au printemps 1957, dans la banlieue d’Alger. Réunis dans des internats, les adolescents réalisaient un stage de six mois au cours duquel ils suivaient un enseignement élémentaire et recevaient une instruction morale. L’essentiel de l’effort portait sur la connaissance et la pratique de la langue française. Ils recevaient d’autre part un enseignement préprofessionnel dans les métiers de l’artisanat (bois, électricité, mécanique, maçonnerie, etc.). Au début l’enseignement était assuré par des instructeurs militaires détachés, puis la relève fut assurée par les moniteurs diplômés du CEMJA d’Issoire. Pour assurer l’organisation générale et garantir leur bonne marche, les CFJA étaient confiés aux commandants des SAS. À l’issue du stage, la question du placement des enfants était posée. Les élèves étaient censés être alors orientés vers des centres de formation professionnelle ou placés directement dans des entreprises, publiques ou privées. Au total, vingt-six CFJA étaient en activité en juillet 1958. Ils travaillaient en collaboration avec les services de l’action sociale. Conjointement, Suzanne Massu avait fondé l’« Association pour la formation de la jeunesse », cette dernière s’occupait des enfants « livrés à eux-mêmes ». On y délivrait également un enseignement de base et une formation préprofessionnelle à des enfants placés en internat. Plus jeunes que les précédents, ils étaient généralement identifiés comme étant « des sans famille ».
36La même problématique était posée pour les appelés FSNA, dès lors qu’ils avaient satisfaits à leurs obligations militaires. Les « centres militaires de formation professionnelle » (CMFP) furent imaginés, à la fin de l’année 1957, pour y répondre. La décision fut d’ailleurs adoptée dans un cadre interministériel (Défense nationale, Algérie, travail et sécurité sociale, Intérieur)69. Il s’agissait de doter les appelés FSNA d’une formation professionnelle dans les métiers de l’artisanat à l’issue de leur service militaire, afin d’accroître leurs « possibilités de recasement », dès lors qu’ils étaient nombreux à se trouver sans emploi à « la sortie du régiment ». Trois centres de formation en métropole ont alors été envisagés. Le premier ouvrit à Rivesaltes en janvier-mars 1958. Un second fut créé à Fontenay-le-Comte en 1959, le troisième à Alençon en 1961. C’est à Rivesaltes que le plus souvent les moniteurs du SFJA chargés des enseignements professionnels ont reçu leur formation.
37Enfin, dans le prolongement de la crise de mai 1958, des équipes de « jeunes bâtisseurs de l’Algérie française » ont été mobilisées. Il s’agissait d’organiser, dans le cadre des SAS, des camps de plusieurs centaines de garçons adolescents réalisant des grands travaux d’infrastructure et d’habitat rural, et de mettre à profit cette « occasion » pour leur délivrer « des rudiments de formation professionnelle et une formation civique ». L’objectif, selon les termes d’une note signée Salan, était à nouveau de ne pas laisser dans « l’oisiveté les jeunes sans emploi », en organisant une « action d’ensemble », à moindre coût, permettant de « compléter » les insuffisances des autres organisations d’encadrement de la jeunesse70. La prise en charge de « 3000 jeunes » était budgétée à cet effet à l’été 195871. Une fois encore, un sentiment d’urgence mêlé d’opportunité était à l’origine de cette dernière opération. La crise de mai, selon les acteurs, avait provoqué « les conditions psychologiques […] rendant à la fois possible et nécessaire [cette] action ».
38La question de fond était de trouver une solution d’ensemble et durable pour répondre aux besoins, aux attentes et aux aspirations d’une foule d’enfants et d’adolescents que les institutions républicaines et coloniales avaient jusqu’alors ignorés. Un segment de la jeunesse se vérifiait particulièrement vulnérable dans le contexte de la guerre. La catégorie identifiée était celle de « la jeunesse inemployée », un « problème si grave constitué par la présence en Algérie d’une masse de jeunes de 14 à 25 ans inemployée », soulignait le capitaine d’Humières du Comité Armées-Jeunesse en mai 195872 – le Comité Armées-Jeunesse avait été créé fin 1957 en Algérie sous l’autorité directe du général Salan. Il était censé offrir la « commodité » d’avoir « une étiquette moins engagée que l’action psychologique73 ». Cette catégorie problématique désignait le segment masculin et urbain des moins de vingt-cinq ans sans emploi. Le chiffre de « 50000 jeunes urbains inemployés et inemployables » était régulièrement cité dans les rapports produits par P. Bernard, qui étaient abondamment diffusés dans les différents services du gouvernement général en 1957 et 195874.
39P. Bernard avait été chargé de mission auprès du secrétariat général du ministère de l’Algérie pour rédiger un rapport sur « le plein-emploi de la jeunesse urbaine et sur la formation professionnelle des jeunes ». Il le présenta en septembre 1957. À la suite de cette première étude, en décembre, il fut mandaté pour envisager et promouvoir toutes les solutions possibles susceptibles de préparer le plein-emploi dans le cadre du plan décennal d’industrialisation. Il adressa ses propositions au gouvernement général en février 1958, dans lesquelles il priorisait « tous les garçons analphabètes en langue française75 ». Avec pour intitulé « plan Bernard » ou « projet Bernard », ses analyses servirent de document de référence dans les études sur la jeunesse adressées à Salan en juin 1958, lorsque sous son autorité il fut décidé d’organiser un grand service de la jeunesse en Algérie.
40Certes, les notes accompagnant le « plan Bernard » dans les dossiers destinés au cabinet civil du gouvernement général exprimaient des critiques feutrées à l’égard des expériences militaires d’encadrement de la jeunesse en cours. Tout d’abord car elles ne prenaient pas en considération l’âge même des intéressés, leur psychologie. « Il ne s’agit pas ici de militaires, mais d’enfants, qu’on le veuille ou non76. » Ensuite, car les dispositifs mis en œuvre par des militaires avaient davantage pour finalité d’occuper et de surveiller au lieu de former. « Confondre soumission d’apparence et adhésion profonde serait une lourde erreur psychologique », peut-on lire dans les notes annexes. Pour autant, le « plan Bernard » n’occultait pas le contexte de guerre, bien au contraire. Une note traitant des « jeunes de moins de 17 ans inoccupés », dans laquelle avait été ajouté au crayon « soutien que pourrait fournir l’armée aux écoles de plein air », concluait en ces termes : « Ce qu’il faut, ce n’est pas une jeunesse qui marche au pas cadencé. C’est une jeunesse qui se stabilise, et s’épanouisse dans un climat de confiance et de fermeté, sous la conduite de guides aptes à réaliser ce climat77. » L’ambition affirmée au sein des pouvoirs publics d’organiser une politique de la jeunesse en Algérie prenait manifestement de l’ampleur en ce début d’année 1958.
*
41P. Bernard mettait en relief le drame qui se jouait avec les dizaines de milliers de jeunes sans emploi. D’évidence, ils pouvaient basculer dans la guerre, d’un côté comme de l’autre. Son objectif était simultanément de leur « éviter l’oisiveté » en les orientant vers l’emploi, en Algérie ou en métropole, et de « les préparer à l’intégration au mode de vie occidental ». Dès lors, il fallait selon lui favoriser leur « promotion par le travail », mais aussi « améliorer ces jeunes sur les plans physique, humain, professionnel et civique, les préparer à tenir les emplois nouveaux prévus78 », en leur destinant des stages de six mois et plus de préformation, pour ensuite les placer en entreprise ou les orienter vers un centre de formation professionnelle.
42Cette « solution de masse » nécessitait de coordonner les différentes administrations concernées, en organisant à l’échelle des préfectures un comité interministériel. Ce pouvait être, selon ses termes « un triumvirat composé de l’officier de liaison SAS, un représentant de l’Éducation nationale (orientation professionnelle) et un représentant de la direction du travail (formation professionnelle) ». Mais pour la mise en œuvre pratique de cette politique, il préconisait de s’appuyer sur le réseau des centres sociaux et des centres urbains, qui travailleraient ainsi dans le prolongement des centres sociaux avec le soutien de l’Éducation populaire. Le Comité Armées-Jeunesse fit valoir que sur ce point les foyers de jeunes et les CFJA déjà opérationnels étaient amenés à s’inscrire dans ce dispositif. P. Bernard comptait également mobiliser les entreprises publiques et privées pour qu’elles acceptent des « jeunes (14 à 19 ans) en surnombre ».
43Il s’agissait une nouvelle fois d’une solution d’urgence. Elle était destinée à organiser des dispositifs transitoires pour former rapidement, « sommairement », des « masses musulmanes », en articulant un enseignement de base – centré sur l’apprentissage de l’usage du français et l’instruction « civico-patriotique » – à une préformation professionnelle, afin de prendre en charge des adolescents qui pour la plupart n’avaient pas été scolarisés. À nouveau, seuls les garçons étaient l’objet de la préoccupation des experts du gouvernement général. Les conclusions du « plan Bernard » soulignaient cependant que la problématique de l’instruction des adolescentes se mourrait dans un angle mort des politiques publiques : « Le problème de la formation des jeunes filles de plus de 14 ans demeure entier dans le cadre des initiatives actuelles », rappelait-il79.
44À la suite de la crise de mai 1958 le Comité Armées-Jeunesse décida de trouver les moyens pour mettre en œuvre le « plan Bernard », tout en développant les autres dispositifs qui avaient été pensés par ailleurs par des militaires80. C’est ainsi qu’au cours de l’été 1958 s’est affirmée la volonté au sein du cabinet Salan de créer un service central de la jeunesse, afin de coordonner toutes ces initiatives éparpillées.
Notes de bas de page
1 Archives nationales d’outre-mer – Aix-en-Provence (ANOM). Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet militaire – 3 R 473 action psychologique : note « Action en faveur de la jeunesse dans le cadre des foyers sportifs », Alger, 10 juin 1958, délégation générale du gouvernement et commandant en chef des forces en Algérie, signée Lacomme, présidant du Comité Armées-Jeunesse – PO/Salan.
2 ANOM. Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil – 13 CAB 16, jeunesse : note « service central de la jeunesse », Alger, 16 août 1958, colonel Gribius chargé de mission, service central de la jeunesse, à général d’armée, délégué du gouvernement, commandant interarmes en Algérie.
3 Archives du service historique de la Défense – Vincennes (SHD). 1 H 3267, dossier 3, action sur la jeunesse, instructions SFJA : délégation générale du gouvernement/commandant en chef des forces en Algérie, arrêté créant un « service de formation des jeunes en Algérie », Alger le 1er décembre 1958.
4 Selon l’approche de A. Rouquié, L’État militaire en Amérique latine, Paris, Le Seuil, 1982.
5 M. Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours, Paris, Zones/La Découverte, 2016, p. 752.
6 B. Stora, Le mystère De Gaulle : Son choix pour l’Algérie, Paris, Laffont, 2009, p. 61.
7 A. Kadri, Instituteurs et enseignants en Algérie, 1945-1978 : histoire et mémoires, Paris, Karthala, 2014, p. 10.
8 M. Lacheraf, L’Algérie : nation et société, Paris, François Maspero, 1965, p. 313.
9 A. Kadri, Instituteurs et enseignants en Algérie, 1945-1978, op. cit., p. 38.
10 C. Chaulet-Achour, Abécédaires en devenir : idéologie coloniale et langue française en Algérie, Alger, Entreprise algérienne de presse, 1985.
11 S. Jouin (e. a.), L’école en Algérie, 1830-1962 : de la régence aux centres sociaux éducatifs, Paris, Publisud, 2001.
12 B. Stora et R. de Rochebrune, La guerre d’Algérie vue par les Algériens, tome 1, Le temps des armes. Des origines à la bataille d’Alger, Paris, Folio, 2016, p. 41.
13 Cf. programme de l’Étoile nord-africaine, dans R. de Rochebrune (texte établi par), Les mémoires de Messali Hadj, 1898-1938, Paris, Jean-Claude Lattès, 1982, p. 315.
14 C. Chaulet-Achour, Abécédaires en devenir, op. cit., p. 152 et suiv.
15 Extrait cité dans S. Jouin (e. a.), L’école en Algérie, 1830-1962, op. cit., p. 30.
16 Lire le témoignage sur l’école publique en Algérie après la Première Guerre mondiale dans le roman de A. Truphémus, Ferhat, instituteur indigène, Paris, Omnibus, 1997 (Alger, Soubiron, 1935 pour la première édition).
17 B. Stora et R. de Rochebrune, La guerre d’Algérie vue par les Algériens, tome 1, op. cit., p. 47.
18 J. Breil, La Population en Algérie : études de démographie quantitative, Paris, présidence du conseil/ rapport du Haut Comité consultatif de la population et de la famille, 1957.
19 D. Amrane, Les femmes algériennes dans la guerre, Paris, Plon, 1991, p. 27.
20 Ministère de l’Éducation nationale, 19870195, article 2, cité dans D. Sambron, Femmes musulmanes : guerre d’Algérie, 1954-1962, Paris, Éd. Autrement, 2007, p. 70.
21 Cité dans A. Kadri, Instituteurs et enseignants en Algérie, 1945-1978, op. cit., p. 128.
22 ANOM. Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil – 13 CAB 16, note relative à « la situation de la jeunesse Algérienne » insérée dans le dossier de création du service central de la jeunesse, juin-août 1958.
23 Cf. P. Bourgeois et L. Basset, Bonjour Ali ! Bonjour Fatima ! et 101 lectures pour Ali et Fatima, cours préparatoire et cours élémentaire des écoles franco-musulmanes, Paris, Nathan, 1951.
24 Cf. F. Colonna, Instituteurs algériens, 1883-1939, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1975. Lire, sur son expérience d’écolier boursier en Kabylie, M. Feraoun, Le fils du pauvre, Paris, Le Seuil, 1954.
25 Centre national de la recherche scientifique.
26 J. Soustelle, Aimée et souffrante Algérie, Paris, Plon, 1956, discours prononcé à l’Assemblée algérienne le 23 février 1955, p. 261. Sur la connaissance que Jacques Soustelle avait des politiques publiques indigénistes menées sous la révolution mexicaine, cf. son témoignage/essai : Les Quatre soleils, souvenirs et réflexion d’un ethnologue au Mexique, Paris, Plon, 1967, p. 207-213.
27 J. Soustelle, Aimée et souffrante Algérie, op. cit., p. 84.
28 N. Forget, « Le Service des Centres Sociaux en Algérie », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n° 26, 1992, p. 37-47.
29 Ibid., p. 41.
30 A. Kadri, Instituteurs et enseignants en Algérie, 1945-1978, op. cit., p. 116-117.
31 Ibid., p. 98-103.
32 G. Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Paris, Fayard, 2004, p. 500.
33 Ibid., p. 502.
34 H. Humières, L’Armée française et la jeunesse musulmane : Algérie 1956-1961, Paris, Godefroy de Bouillon, 2002, p. 36.
35 Cité dans G. Meynier, Histoire intérieure du FLN, op. cit., p. 499.
36 SHD – 1 H 1446, synthèse mensuelle de renseignements, deuxième bureau d’Alger, juillet 1958, cité dans G. Meynier, Histoire intérieure du FLN, op. cit., p. 502.
37 ANOM. Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil – 14 CAB 229, SFJA, rapports de stage dans les foyers de jeunes ou association pour la formation de la jeunesse : rapport de stage en Algérie durant l’été 1960 auprès du capitaine Sanglines de RC, Paris 9 novembre 1960, association de cogestion pour les déplacements à but éducatif des jeunes (COGEDEP) sous le Haut Comité de la jeunesse, adressé au délégué général du gouvernement en Algérie (à l’attention de M. Monnory).
38 M. Faivre, L’action sociale de l’armée en faveur des musulmans : 1830-2006, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 73 et suiv.
39 Rapport du cabinet du ministre-résident sur la situation de l’enseignement en Algérie en 1956, cité dans H. Humières, L’Armée française et la jeunesse musulmane, op. cit., p. 37 et 61.
40 Cf. P. Villatoux et M.-C. Villatoux, La République et son armée face au « péril subversif ». Guerre et action psychologiques en France (1945-1960), Paris, Les Indes savantes, 2005 ; V. Joly, Guerres d’Afrique. 130 ans de guerres coloniales : l’expérience française, Rennes, PUR, 2009.
41 C. Mauss-Copeaux, À travers le viseur : images d’appelés en Algérie, 1955-1962, Lyon, Aedelsa, 2003, p. 10.
42 C. Lacheroy, « Guerre révolutionnaire et arme psychologique », conférence prononcée le 2 juillet 1957, dans A.-C. Schmidt-Trimborn (éd. et comp.), Charles Lacheroy : discours et conférences, Metz, Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire/université de Lorraine, 2012, p. 177 (souligné dans le texte).
43 Cf. M. Ranalletti, Du Mékong au Rio de la Plata : la doctrine de la guerre révolutionnaire, thèse manuscrite soutenue à l’Institut d’études politiques de Paris, 2006.
44 Sur la perception de cette question par les autorités en place cf. le témoignage de R. Salan, Mémoires, 4. Fin d’un empire : « L’Algérie, de Gaulle et moi » 7 juin 1958-10 juin 1960, Paris, Presses de la Cité, 1970. Lire d’autre part l’étude de N. Macmaster, Burning the Veil. The Algerian War and the “Emancipation” of Muslim Women, 1954-1962, Manchester, MUP, 2009.
45 D. Galula, Pacification en Algérie, Paris, Les Belles Lettres, 2016.
46 Ibid., p. 30.
47 Ibid., p. 125-126.
48 Ibid., p. 192-194.
49 Ibid., p. 125.
50 Ibid., p. 193.
51 ANOM – 13 CAB 42, gouvernement général, fonds du cabinet civil. Rapport du général de brigade Lacomme, président du Comité Armées-Jeunesse d’Algérie du 25 juillet 1958, relatif aux « problèmes de la jeunesse en Algérie », classé secret/confidentiel.
52 ANOM – 13 CAB 16, gouvernement général, fonds du cabinet civil, note du conseiller technique Pullicino à l’attention du général Dulac, 19 juin 1958, « foyers sportifs ».
53 A. Gribius, Une vie d’officier, Paris, Éditions France-Empire, 1971, p. 206.
54 Ibid., p. 205.
55 ANOM – 13 CAB 42, gouvernement général, fonds du cabinet civil. Rapport du général de brigade Lacomme, président du Comité Armées-Jeunesse d’Algérie du 25 juillet 1958, relatif aux « problèmes de la jeunesse en Algérie », classé secret/confidentiel.
56 ANOM – 13 CAB 16, gouvernement général, fonds du cabinet civil, note du conseiller technique Pullicino à l’attention du général Dulac, 19 juin 1958, « foyers sportifs ».
57 ANOM – 13 CAB 42, gouvernement général, fonds du cabinet civil. Rapport du général de brigade Lacomme, président du Comité Armées-Jeunesse d’Algérie du 25 juillet 1958, relatif aux « problèmes de la jeunesse en Algérie », classé secret/confidentiel.
58 SHD – 2 R 108, dossier 2, ministre-résident en Algérie au ministre de la Défense nationale, le 29 avril 1957.
59 SHD – 2 R 108, dossier 2, secrétaire d’État aux forces armées (Terre) au ministre de la Défense nationale, le 4 mai 1957. Courrier du ministre de la Défense sur « l’encadrement de l’école de moniteurs de la jeunesse musulmane d’Algérie » du 28 mai 1957 au secrétaire d’État aux forces armées (Terre).
60 SHD – 9 R 449, dossier 6, secrétaire d’État aux forces armées (Terre), 1er juillet 1957, décision de créer un « centre de formation de moniteurs de la jeunesse musulmane ».
61 SHD – 9 R 449, dossier 5, corps du contrôle de l’administration de l’armée, « rapport particulier sur les centres de formation de la jeunesse algérienne : centre d’entraînement des moniteurs (Issoire) et centres de formation professionnelle (Rivesaltes, Fontenay-le-Comte, Alençon), 14 avril 1958. Voir aussi l’historique du CEMJA dans H. Humières, L’Armée française et la jeunesse musulmane, op. cit., p. 83-107.
62 SHD – 9 R 449, dossier 5, corps du contrôle de l’administration de l’armée, « rapport particulier sur les centres de formation de la jeunesse algérienne : centre d’entraînement des moniteurs (Issoire) et centres de formation professionnelle (Rivesaltes, Fontenay-le-Comte, Alençon), 14 avril 1958.
63 Directive n° 659/EM.10/PSY/G.P. du 1er août 1957, citée dans SHD, 9 R 449, dossier 5, corps du contrôle de l’administration de l’armée, « rapport particulier sur les centres de formation de la jeunesse algérienne : centre d’entraînement des moniteurs (Issoire) et centres de formation professionnelle (Rivesaltes, Fontenay-le-Comte, Alençon), 14 avril 1958.
64 SHD – 1 H 2566, dossier 2, commandant du CEMJA, « rapport annuel sur le moral année 1959 », Issoire le 19 décembre 1959.
65 Directive n° 659/EM.10/PSY/G.P. du 1er août 1957, citée dans SHD, 9 R 449, dossier 5, corps du contrôle de l’administration de l’armée, « rapport particulier sur les centres de formation de la jeunesse algérienne : centre d’entraînement des moniteurs (Issoire) et centres de formation professionnelle (Rivesaltes, Fontenay-le-Comte, Alençon), 14 avril 1958.
66 Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) – Ivry-sur-Seine, reportages photographiques, F 61-215, baptême de la huitième promotion au CEMJA d’Issoire, 3 juin 1961.
67 Fonds AN-SFJA, documents aimablement remis par Jean-François Drillien, documentation ronéotypée interne au CEMJA, guide pour la conduite des discussions dirigées, notation des élèves-moniteurs, notes de services, documentation datée de 1961.
68 Directive reproduite dans H. Humières, L’Armée française et la jeunesse musulmane, op. cit., p. 64 et suiv.
69 SHD – 9 R 449, dossier 5, corps du contrôle de l’administration de l’armée, « rapport particulier sur les centres de formation de la jeunesse algérienne : centre d’entraînement des moniteurs (Issoire) et centres de formation professionnelle (Rivesaltes, Fontenay-le-Comte, Alençon), 14 avril 1958.
70 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16, note du général Salan sur « jeunes sans emploi, équipes de « jeunes bâtisseurs de l’Algérie française », nature des travaux à prévoir », reproduit en annexe du rapport du capitaine d’Humières sur la « prise en charge de la jeunesse sans travail en Algérie », du 31 mai 1958.
71 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16, annexe V sur les besoins du rapport du capitaine d’Humières sur la « prise en charge de la jeunesse sans travail en Algérie », du 31 mai 1958.
72 ANOM – gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16, rapport du capitaine d’Humières sur la « prise en charge de la jeunesse sans travail en Algérie », du 31 mai 1958.
73 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 42, rapport de M. de Caumont, attaché au cabinet de Robert Lacoste avant le 13 mai 1958, adressé au secrétaire général pour les Affaires algériennes, le 21 juin 1958.
74 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16, « résumé de propositions relatives à la formation et l’emploi de la jeunesse urbaine », signé P. Bernard, mai 1958.
75 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16, direction générale de l’action sociale, section industrie/groupe de travail « formation professionnelle », rapport à M. le ministre de l’Algérie, avril 1958.
76 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16, « perspectives sur les mesures à prendre pour lutter contre l’oisiveté des jeunes de moins de 17 ans inoccupés ». Document associé au rapport de P. Bernard (non daté, non signé).
77 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16, « perspectives sur les mesures à prendre pour lutter contre l’oisiveté des jeunes de moins de 17 ans inoccupés ». Document associé au rapport de P. Bernard (non daté, non signé).
78 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16 : « résumé de propositions relatives à la formation et l’emploi de la jeunesse urbaine », signé P. Bernard, mai 1958.
79 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16 : « jeunesse – plan Bernard ».
80 ANOM – Algérie, gouvernement général, fonds du cabinet civil, 13 CAB 16, fiche à l’attention de M. le général Salan : « prise en charge de la jeunesse sans travail », 1er juin 1958, signée capitaine H. d’Humières.
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