Accepter la séparation, refuser l’américanisme : méthode de l’accommodement catholique sous Léon XIII, à travers les conflits d’autorité et de magistère entre Rome et l’Église catholique états-unienne
p. 115-143
Texte intégral
1Le catholicisme états-unien est un exemple méconnu des modalités contemporaines de résolution, en matière de conflits d’autorité et de magistère dans l’institution de l’Église catholique, entre le centre romain et les « Églises nationales ». On a tendance à négliger la catholicité américaine dans l’avènement du décentrement relatif opéré par l’Église romaine du xxe siècle, vis-à-vis de sa propre praxis autoritaire et de son rapport au politique. Ce décentrement a bien sûr été contraint par les mutations culturelles des vieux pays de tradition chrétienne happés par leur propre modernité, mais il a été concomitamment pensé et accompagné de l’intérieur, par le « système » catholique, sous l’effet sans précédent d’une logique d’ingestion et d’interprétation synthétique, qui est devenue la logique majeure – à côté d’une sourdine autoritaire qui demeure – du catholicisme romain à partir de Léon XIII1.
2La période que nous présentons ici, l’extrême fin du xixe siècle est comme une photographie de cet instant T où l’autorité divine, juridictionnelle, judiciaire, magistérielle et administrative de la fonction pontificale commence à négocier sa propre imposition et, dans sa négociation, entame un déplacement de son noyau dur vers des périphéries jusque-là soigneusement maintenues « hors des murs ». Le phénomène de ce déplacement a été mis en évidence par Emile Poulat, dans son travail sur le modernisme, l’intégrisme et la philosophie des droits de l’homme en contexte français. Nous nous contenterons de le décrire partiellement en contexte américain : nous y avons en vis-à-vis une Église nationale qui n’a pas (encore) été « bridée » et une Église romaine qui doit impérativement redéfinir sa légitimité juridico-étatique, après la disparition de ses États. À travers les péripéties de la « romanisation » du catholicisme américain, nous voyons que les conflits résorbés par des rappels à l’ordre systématiques, ont provoqué en balance un ajustement, une accommodation presque insensible de la vieille Église aux principes de la Séparation américaine, lui permettant par ailleurs de « réorienter » là aussi de manière subtile, sa propre conception de la « liberté de l’Église ».
3Rome a face à elle une jeune Église « lointaine ». Il s’agit d’une Église minoritaire qui vit depuis l’origine dans un système de séparation. Elle doit son existence à la protection que lui assure la Constitution et que l’État américain respecte, malgré la très forte défiance sociale que les catholiques inspirent. Elle est une Église en croissance, qui doit transformer les millions d’immigrants européens de cette confession et leurs enfants en autant de bons citoyens. Elle se vit comme nouvelle dans un monde nouveau, loin de l’Europe et de ses régimes. Nous assistons alors à un véritable tour de force de la part du Saint-Siège : réduire l’irrédentisme catholique américain, prendre en surplomb le contrôle de sa hiérarchie, et tout cela sans anathème, sans condamnation définitive, et en utilisant l’expérience « politique » de cette Église en exemple – un exemple à suivre avec modération tout de même – pour convaincre les catholiques français que, finalement, la République n’est pas un système si abominable, quand toute une série de condamnations récurrentes les avaient maintenus dans la conviction du contraire. Ils les retrouveront encore dans l’encyclique Vehementer Nos de 1906.
La résolution par Rome des querelles communautaires affaiblit la singularité canonique et conciliaire de l’Église américaine
4Les querelles communautaires ont été le cheval de Troie de la reprise en main romaine en terre américaine. L’unité des catholiques dans la jeune Église états-unienne est en effet encore incertaine quand Léon XIII accède au pontificat. Les Irlandais constituent, jusque dans les années 1880, les gros bataillons catholiques dans les villes et ils ne se mélangent avec personne. Ils se regroupent en vase clos dans leur paroisse-forum sous la houlette de leurs prêtres-animateurs et de leurs sociétés de bienfaisance, comme l’Irish Catholic Benevolent Union créée en 1869 à New York et forte de milliers d’affiliés. Un autre groupe important à ce tournant du siècle, se compose des Canadiens français. Ils ne frayent pas davantage. Attirés par les industries florissantes de la Nouvelle Angleterre, ils se sont installés massivement à partir des années 1860 dans le New Hampshire, le Massachusetts, le Vermont et le Maine. Au sein d’une population majoritairement puritaine et méprisante, ils se différencient par leur pauvreté, leurs familles nombreuses et leurs paroisses francophones, dirigées par un clergé québécois ou français. Une évaluation de leur nombre, faite en 1890 donne le chiffre de 156 paroisses et de 306400 fidèles. Ces Franco-Américains préservent à tout prix leur identité menacée, avec des écoles en langue française et des associations locales dont la première fédération, en 1910, compte 10000 membres2. Entre 1840 et 1930, 900000 Canadiens français ont émigré aux États-Unis.
5Après les « Francos », c’est au tour des Italiens d’aborder les rives américaines en nombre croissant. Si l’on regarde les chiffres par année, d’à peine 9000-11000 entre 1850 et 1870, ils sont près de 55000 dans les années 1870, 300000 dans les années 1880, 500000 dans les années 1890 et atteignent le chiffre d’un million et demi dans les années 1900. Pour la seule année 1910, 2,2 millions d’Italiens ont émigré aux États-Unis. Ils proviennent à 80 % du sud agricole de la péninsule italienne et de la Sicile, et se concentrent à 80 % dans les grandes villes de Nouvelle Angleterre. La première paroisse italienne est ouverte à New York en 1866, sous la houlette de Frères franciscains italiens qui furent également de grands fondateurs de collèges catholiques, suivis de près par les jésuites et les salésiens, cependant que le nombre de paroisses italianisantes se multiplient à l’initiative des évêques, et systématiquement accompagnées d’écoles primaires gratuites. L’effort colossal fourni par l’Église américaine pour encadrer cette population s’accompagne également d’une acceptation bienveillante de leur communalité festive, autour de saints patrons protégeant quartiers, paroisses et associations et donnant lieu à des fêtes votives et processuelles entièrement nouvelles et souvent mal vues dans cette partie du Nouveau Monde. Les Italiens vivent comme les autres catholiques en vase clos dans leur univers linguistique et culturel et ne fréquentent pas les Francos, tout comme ils ne fréquentent ni ne connaissent leurs coreligionnaires allemands. Ceux-ci ont également choisi d’émigrer en masse vers l’Amérique. Ils arrivent en flux tendu, comme au xviiie et au début du xixe siècle, et partent s’installer vers les zones agricoles et urbaines connues à la longue sous le nom de « ceinture allemande », dans le triangle Cincinnati-Milwaukee-Saint-Louis. Désireux de maintenir leurs observances et leur langue maternelle, les Germano-Américains catholiques se regroupent spontanément en paroisses nationales. Cette tendance séparatiste est alors vigoureusement combattue par deux prélats d’origine allemande, Mgr Henni à Milwaukee, premier évêque d’origine allemande sur le sol américain, et Mgr Neumann à Philadelphie. À l’instar de leurs homologues, ils affirment que l’adoption de la langue anglaise et la conformité au mode de vie américain sont la seule chance d’intégration pour les catholiques allemands. Cette philosophie épiscopale vaut tout autant pour les catholiques italiens et pour les catholiques polonais qui commencent également à émigrer massivement3.
6Mais les ouailles germaniques ne l’entendent pas de cette oreille. Leur difficulté à trouver des prêtres de langue allemande et le peu d’empressement de leur hiérarchie à leur en donner les poussent à organiser des associations « nationalistes » et à fonder en 1854 le German Roman Catholic Central Verein of North America, fort en 1885 de 378 sociétés et 32783 membres actifs4. Dans les années 1880, leurs journaux confessionnels Amerika et Das Pastoral Blatt de Saint-Louis, Buffalo Volksfreund de Buffalo, dénoncent sans détour la discrimination et le quasi-nativisme dont ils sont l’objet de la part des évêques américains, d’origine irlandaise à plus de 50 %. Le rédacteur en chef de la revue Catholic News de New York, John Gilmary Shea, premier historien du catholicisme américain, récuse ces dénonciations en 1883, démontrant que si la religion catholique demeurait une question de nationalité, à coup sûr, dans le creuset américain, elle mourrait avec cette nationalité5. Das Pastoral Blatt le traite alors de nativiste dans un article intitulé « Le Know-nothing clérical dans l’Église catholique des États-Unis6 ».
7C’est dans ce contexte qu’est décidé le IIIe concile plénier de Baltimore. Pour la première fois, ce concile ne se réunit pas à l’initiative des évêques américains mais directement à celle du pape, par l’intermédiaire d’une convocation annoncée en son nom par la Congrégation de la Propagation de la Foi (ou Propagande) en 1883. Depuis l’élection de Léon XIII, la deuxième intervention de Rome dans les affaires canoniques américaines7. La Propagande souhaitait améliorer la relation entre les prêtres et les évêques dans les diocèses, de sorte que les plaintes des prêtres pour abus ne remontent plus jusqu’à cette Congrégation. La Propagande souhaitait également décider plus directement du choix des nouveaux évêques, obliger chaque diocèse à ouvrir des écoles paroissiales, etc.
8Certes, vus de Rome, les évêques américains sont particulièrement efficaces et actifs, mais la surreprésentation des Irlando-Américains dans l’épiscopat et le forceps linguistique qu’ils opèrent sur les populations migrantes d’autres nationalités dérange. Qui plus est, ces évêques montrent une indépendance de ton que ne possède alors aucun évêque européen. Leur caractère direct et franc, leur assurance affichée durant les visites ad limina, leur absence d’onctuosité et de discrétion, provoquent quelque méfiance et condescendance.
9La méfiance est partagée. Ce corps épiscopal qui a tant combattu, loin de tout, en équipe, pour la survie puis l’intégration de ses fidèles, est attaché à son autorité juridictionnelle8. Il se pense plus à même, en concile et en concertation interpersonnelle, de prendre les bonnes décisions pour l’avenir du catholicisme dans le pays. Son mode même de désignation est particulier. Acquis parmi les points de discipline des conciles américains, chaque évêque a le droit d’envoyer à son métropolitain et à la Sacrée Congrégation de la Propagande le nom des prêtres jugés dignes de l’épiscopat. Quand un siège devient vacant, tous les curés inamovibles et les consulteurs du diocèse, se réunissent en assemblée convoquée par le métropolitain et, après délibération, envoient une liste de trois candidats aux évêques de la province et à Rome. Dix jours après, les évêques assemblés à leur tour choisissent aussi trois noms, sans être obligés de tenir compte de la liste des prêtres et consulteurs du diocèse vacant, pourvu qu’ils précisent leurs raisons. Compte tenu de ces éléments, la Propagande prend la décision finale.
10Les archevêques américains convoqués à Rome avant la tenue du IIIe concile, se battent pour conserver leur forme d’autonomie, notamment l’existence dans leur diocèse de consulteurs pour l’acquisition ou la vente de biens immeubles de valeur. Quand les décrets du IIIe concile de Baltimore sont votés, en novembre 1884, la méthode d’élection des évêques a été sensiblement modifiée dans le sens que Rome souhaitait et les décrets adoptés sont retouchés par la Propagande avant leur promulgation9, comme celui qui oblige à l’unanimité du collège épiscopal l’autorisation de sociétés catholiques d’entraide, à défaut de quoi Rome aurait à décider de l’existence de la société en question, ce qui fut le cas pour la constitution de la plus ancienne société d’ouvriers catholiques, les Knights of Labor en 1886, et également de la National Catholic Welfare Conference en 1921. Les évêques obtiennent, de leur côté, de conserver leur droit de consultation avant la nomination à un siège métropolitain vacant. Ils obtiennent également l’approbation du décret établissant la Catholic University of America de Washington, futur bastion du mouvement progressiste américain dont les figures historiques sont respectivement le bientôt cardinal Gibbons, Mgr Ireland, futur archevêque de Saint-Paul (1888), John J. Keane, Premier Recteur de cette université et Denis O’Connell, recteur de l’American College de Rome de 1885 à 1895.
11La nouvelle présence romaine dans les affaires américaines va se porter très vite sur les conflits communautaires en même temps qu’idéologiques. La polémique anti-irlandaise rebondit après le IIIe concile plénier de Baltimore de 1884. Une pétition de responsables Germano-américains est apportée à Rome en octobre 1886 par le vicaire général de Milwaukee, le Père Abbelen, directeur spirituel des School Sisters of Notre Dame. Abbelen vient de servir dans la commission théologique de préparation du IIIe concile de Baltimore et se trouve encore suffisamment proche de Gibbons pour lui demander une introduction auprès du préfet de la Propagande. La pétition réclame l’arrêt de l’américanisation forcée, organisée par les évêques de la communauté anglo-saxonne et particulièrement irlandaise. Le concile de Baltimore avait réuni 72 évêques américains dont 40 de naissance ou d’ascendance irlandaise Il était facile de parler de discrimination10. Il se trouvait qu’au Vatican même, un certain nombre de cardinaux de la Curie étaient sensibles à ces arguments et sensibles à la défense de la culture catholique allemande, après la violente période de Kulturkampf des catholiques de l’Empire allemand11.
12L’épiscopat proche de Gibbons décide d’envoyer à son tour un mémorandum transmis début décembre 1886 à la Propagande pour défendre son orientation. Il cherchait, non pas à détruire les racines allemandes d’une partie des catholiques, mais à enraciner, par la fusion des nationalités en une communauté plus grande, l’avenir du catholicisme aux États-Unis12. La menace était grave, selon ce texte, que la communauté germano-américaine ne soit justement soupçonnée d’un coup de force sur l’Église et ne brise définitivement la cohésion de la communauté catholique. Plus tard, dans le mois de décembre, les archevêques et évêques Gibbons (Baltimore), Gillmore (Cleveland) Moore (Saint-Augustin) Corrigan (New York), Ryan (Philadelphie), Elder (Cincinnati), Ireland (Saint-Paul), et Keane (Richmond) se mettent d’accord pour câbler une nouvelle missive au préfet de la Propagande, le cardinal Simeoni, afin de lui rappeler qu’il y avait deux points de vue sur la question allemande aux États-Unis et qu’il ne devait pas se hâter de conclure13. En juin 1887, la Congrégation de la Propagande semble entériner la position de Gibbons, après l’avoir entendu en personne devant ses membres à Rome en avril14. La Propagande refuse la plupart des demandes des pétitionnaires sur la protection de l’héritage linguistique des catholiques allemands des États-Unis.
13Mais ce succès des progressistes « anglophonisants » est suivi d’une vive campagne de presse des deux parties et de nombreux pamphlets se mettent à circuler. La guerre des pamphlets dure plusieurs années. Un dernier épisode se produit au début des années 1890 qui résout finalement la question en défaveur des prétentions germaniques. L’Association d’aide aux émigrants allemands, le Sankt Raphaëlsverein zum Schutz deutscher katholischer Auswanderer, fondé au Katholikentag de 1871, sous l’impulsion de Peter Cahensly et approuvé par Léon XIII, s’implante aux États-Unis en 1883, après une visite de plusieurs mois de son fondateur. Quoique son but ne fût en rien de cette nature, le Raphaëlsverein, lors de sa réunion internationale à Lucerne en décembre 1890, s’alarme d’un rapport du Père assomptionniste Alphonse Villeuneuve, d’Albany, prouvant que les arrivants catholiques aux États-Unis, perdent rapidement toute pratique religieuse faute de structures adaptées à leur nationalité.
14La décision d’un mémorandum sur la question des immigrants allemands est acceptée à la réunion de Lucerne. Un texte est rédigé en février 1891 et remis par Cahensly à Léon XIII en avril15. Il demande que soient définis exactement les droits des immigrants catholiques aux États-Unis, que des églises et des écoles séparées soient prévues pour chaque nationalité et que la hiérarchie américaine soit proportionnellement représentée par rapport à ces nationalités. Aux États-Unis, le rapport de Lucerne devient un événement national et politique. La Commission sénatoriale sur l’immigration décide d’auditionner – ce qui sera fait un an plus tard – sur l’affaire du mémorandum de Cahensly, afin de se rendre compte par elle-même des dégâts du « foreignism » dans le catholicisme américain. Le cardinal Gibbons de Baltimore déclare que c’est là « sa plus grande bataille » et multiplie les interventions publiques à partir de juin 189116, soutenu et relayé par Mgr Ireland. Invité par le président des États-Unis, Benjamin Harrison, à Cap May dans le New Jersey, il est félicité par ce dernier de sa prise de position publique en faveur de l’intégration anglophone17 et se répand largement sur ces félicitations.
15Léon XIII de son côté, prend clairement parti contre les propositions du mémorandum de Cahensly. Son choix se fait à l’encontre d’une forte pression du Zentrum allemand, des personnalités allemandes de la Curie et d’autres différents intervenants de haut rang. Une lettre du cardinal secrétaire d’État Rampolla à Mgr Gibbons de Baltimore, en date du 28 juin 1891, considère avec regret l’émoi causé par le plan de Lucerne et cette suggestion de nommer des évêques de la nationalité dominante de leur diocèse. L’idée n’était pas bien vue de Léon XIII lui-même, est-il écrit dans ce courrier18. L’on continuerait à suivre, pour les nominations épiscopales, les procédures existantes conformément aux propositions de la hiérarchie locale. Ce satisfecit de Rome conforte les évêques anglophonistes dans l’idée que leur politique d’assimilation « forcée » est la bonne. Elle conforte également Rome dans le sentiment de division et d’éloignement de cette communauté en pleine croissance. Les appels des différents émissaires pontificaux, particulièrement Mgr Bedini en 1853, à une surveillance plus directe n’avaient jusqu’alors ni été relayés à la Propagande ni à la secrétairerie d’État. En novembre 1889, Francesco Satolli, archevêque in partibus de Lépante, était revenu de sa légation aux États-Unis pour le centenaire de l’Église américaine avec la même conviction. Il avait soumis un rapport au cardinal Rampolla, secrétaire d’État, dans lequel il se montrait persuadé « que des moyens de contacts plus directs entre le Saint-Siège et l’Église américaine étaient désirables ». Avec l’affaire du rapport de Lucerne, Rome se décide à franchir le pas.
L’imposition d’une Délégation apostolique à Washington : quand Rome prend les évêques américains par leurs bons sentiments républicains
16La singularité de l’Église américaine tient alors non seulement à son hétérogénéité et relative autonomie canonique dans l’Église latine, mais également à son fort « séparatisme » civil qui s’accorde « providentiellement » aux idéaux démocratiques du pays. Accoutumé à ses pratiques politiques, sensible aux critiques sur le « despotisme » de leur propre institution, l’épiscopat d’outre-Atlantique ne souhaite pas, par conviction ou par souci de discrétion, que Rome se mêle trop près de ses affaires et de celles de son pays. L’ensemble adhère sincèrement au régime politique en place et se méfie des tentatives de rapprochement. Il s’accommode fort bien de visites romaines sporadiques et d’absence de contact entre l’État américain et le Vatican. Mieux, la plupart des évêques sont totalement hostiles à l’établissement de relations diplomatiques entre Rome et leur gouvernement19.
Le séparatisme américain
17Ainsi, en 1885, Gibbons répond très franchement au préfet de la Propagande, le cardinal Siméoni, qui l’interroge sur l’opportunité d’une lettre de bonne année de Léon XIII au Président Cleveland. L’idée est très mauvaise selon Gibbons20. Les États-Unis sont – écrit-il – un pays largement protestant avec des traditions protestantes. L’article de la Constitution qui dispose qu’aucune religion ne peut être favorisée a de fait permis le développement de l’Église catholique. Elle est encore une minorité de 8 millions sur 55 millions d’habitants et les préjugés qui la touchent, bien plus enracinés qu’ils ne le paraissent présentement, peuvent resurgir à tout moment.
18En effet, la présence catholique provoque toujours des flambées d’intolérance et de méfiance publique en cette fin du xixe siècle. Une deuxième vague de « nativisme » recommence de frapper le pays après des années de relative accalmie. Le nativisme comme réaction culturelle et politique à l’accueil et l’installation d’une population immigrée « étrangère », a commencé par le deuxième grand réveil du Protestantisme américain dans les années 1820. Il s’est d’abord concentré sur la population catholique irlandaise soudainement affluente et il a comporté deux aspects parallèles21, celui de la controverse politique et celui de l’action violente. Dès 1827, des périodiques religieux font campagne pour interdire dans le pays le « papisme » immoral, cruel et antichrétien. C’est à la même époque que se constitue la Protestant Association qui diffuse une propagande anticatholique par toute une série de conférences, de meetings, de controverses publiques dans lesquelles se sont illustrés Lyman Beecher, père du futur auteur de la Case de l’Oncle Tom, ou Samuel Morse, l’inventeur du télégraphe.
19Pasteurs en tout genre, sociétés bibliques, bonne presse se dépensent sans compter contre l’impiété et la tyrannie de la religion romaine, accusée de vouloir transformer la République en une colonie soumise à ses lois. Une littérature de calomnies se développe, similaire dans ses dénonciations (cupidité, cruauté, luxure) à celle du xviiie siècle français22. Parmi ces ouvrages, The Awful Disclosures of Maria Monk and Thrilling Mysteries of a Convent Revealed, publié à Philadelphie en 1836 par ladite Marie Monk ( !) racontant les sévices et la cruauté de la Supérieure de l’Hôtel-Dieu Maternité de Montréal et des prêtres de son entourage. Le livre atteint 300000 exemplaires23.
20Les violences s’enchaînent inévitablement. Dès août 1834, à Charleston près de Boston, une bande armée incendie le monastère des Ursulines, chassant religieuses et élèves en pleine nuit, après la publication de la biographie d’une ancienne religieuse de ce couvent et la prédication par Lyman Beecher de ce que le Pape voulait s’emparer de la vallée du Mississipi. En 1837 est fondée à Washington la Native American Association pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il mît des restrictions à l’immigration, spécialement celle des catholiques irlandais. Conjuguée au courant nationaliste qui marque ces années de la « Destinée manifeste » des États-Unis, elle donne naissance à New York en 1843 à l’American Republican Party dont le programme garantit aux citoyens le droit d’« adorer le Dieu de nos pères sans les contraintes d’un prêtre romain ou les menaces d’une inquisition diabolique24 ». Ce parti se répand dans les autres États sous la forme de sections du Native American Party qui devient national en 1845.
21En mai 1844, des affrontements violents éclatent à Philadelphie quand l’évêque catholique de cette ville, Mgr Kenrick, demande la fin du contrôle de l’enseignement primaire par les commissaires protestants. Les nativistes crient à une nouvelle inquisition et s’attaquent à la communauté irlandaise. Des églises, le séminaire et de nombreuses maisons sont incendiés, d’où l’on relève plusieurs morts. L’évêque de New York, Mgr Hugues, réussit à éviter pareille mesure à sa ville en organisant lui-même des milices armées et en menaçant le maire de les utiliser à la protection des édifices religieux, si l’administration de la ville s’y refusait. Une accalmie survient de 1845 à 1850, à cause de la guerre avec le Mexique et de l’élection à Rome de Pie IX « le libéral ». Mais elle dure peu et, en 1853, la visite d’un légat pontifical, Mgr Bedini est l’occasion de nouvelles flambées de violences.
22En 1855 le Native American Party se renomme American Party. Il est doté d’une façade officielle et de sociétés secrètes parallèles dans les grands centres de l’Est et du Sud, préludes lointains du Klu Klux Klan25. Ce parti a absorbé l’ancien Whig Party en 1854 et se présente comme la principale opposition aux Démocrates pour les élections présidentielles de 1856. Ses membres, connus sous le nom de Know Nothing parce qu’ils s’engagent à ne rien révéler de leur appartenance aux sociétés secrètes anti-immigrés et anticatholiques, déclenchent une véritable guerre contre le Romanism, symbole à leurs yeux du contraire de l’Amérique. Ils remportent de nombreux succès électoraux. Leurs représentants aux législatives des États imposent aux catholiques des lois vexatoires. Au Massachusetts, par exemple, l’inspection des couvents de religieuses est rendue obligatoire en 1848. Des violences accompagnent souvent ces mesures. À Louisville dans le Kentucky, en août 1855, les nativistes empêchent les nouveaux américains irlandais et catholiques allemands de voter. Une émeute éclate qui fait officiellement 22 morts (une centaine selon l’évêque de la ville, Mgr Martin Spalding, s’indignant jusqu’à Washington de la perte de familles entières dans les flammes de leur maison), sans compter la centaine de blessés. Cette nuit de ratonnade à Louisville est restée célèbre sous le nom de Bloody Monday.
23Lors des élections présidentielles de 1856, l’American Party et ses Know Nothing désignent comme candidat le président sortant Millard Fillmore26, qui doit s’incliner devant l’ancien secrétaire d’État démocrate, James Buchanan. La violence de la campagne électorale de 1856 fut telle qu’Abraham Lincoln écrivit alors : « Si les Know Nothing prennent le contrôle du pays, la Déclaration d’Indépendance sera lue comme suit : Tous les hommes sont créés égaux, exceptés les nègres, les étrangers et les catholiques ! » Lincoln était l’un des seuls, avec le futur secrétaire d’État William Seward, à condamner publiquement les Know-Nothing dans le parti Républicain27. Après cette campagne terrible, le nativisme entame une décrue et un certain apaisement entre catholiques et protestants s’établit jusqu’aux années 187028.
24Pour en revenir au courrier du cardinal Gibbons à Siméoni, Gibbons déclare en cette année 1885 au préfet de la Propagande que les catholiques aux États-Unis sont dans la même position que ceux d’Angleterre. Ce n’est seulement que par l’exercice de la prudence et de la modération qu’ils peuvent avoir l’espoir d’être et de rester forts. Le peuple américain est opposé à la persécution religieuse mais aussi au favoritisme, et la moindre lettre du Pape au président des États-Unis aura l’effet de liguer toutes les « sectes » contre l’Église et de rendre les catholiques suspects d’ambition, d’intrigue et même de déloyauté. Qui plus est, en année électorale, une telle lettre embarrasserait Cleveland, qui avait gagné comme candidat démocrate avec toutes les voix catholiques. Son parti avait été exclu du pouvoir pendant vingt ans. Une lettre du Pape serait comme une arme pour le Parti Républicain contre les Démocrates. Aux États-Unis, l’opinion publique était une vraie force et cette opinion publique percevrait mal la courtoisie nécessaire avec laquelle Cleveland serait obligé de répondre au Pape. À ce jour, les deux partis étaient bien disposés envers les catholiques et il était inopportun de casser cette bienveillance. Gibbons termine son courrier en assurant le cardinal Simeoni que Léon XIII était tenu en très grande estime dans le pays et que son encyclique Immortale Dei avait forcé l’admiration des Américains « sérieux et intelligents ». Gibbons était prêt à tout entreprendre pour améliorer les relations entre le Saint-Siège et le gouvernement américain mais pas par le procédé d’un échange de courriers, pour le moment contre-productif.
25De même, sur la question de la délégation apostolique auprès de l’Église américaine, les réactions sur place sont unanimement hostiles. Quand, en 1886, le Vatican envoie Mgr Paolo Mori prendre la température sur cette question au point mort depuis 1867, les réponses qu’il obtient sont toutes négatives. L’évêque Moore de Saint Augustine écrit à Gibbons cette remarque typique que « l’Église aux États-Unis était libre des interventions du gouvernement, mais (que) Rome montrait une disposition constante à demander au gouvernement d’intervenir29 » ! Gibbons est là encore ouvertement hostile à l’idée d’une délégation apostolique et trouve dans l’évêque de Rochester, Mgr McQuaid ou dans celui de Cincinnati, Mgr Elder, un soutien extrêmement chaleureux30. Hostile par principe à des relations diplomatiques, l’épiscopat américain est également opposé à la venue d’un représentant permanent du pape qui aurait signifié pour lui la fin de son autonomie et la preuve aux yeux des protestants que l’Église avait une structure absolutiste, c’est-à-dire « despotique ». Les nativistes auraient trouvé, là, matière à de nouvelles dénonciations.
La visite du Recteur O’Connell à Rome
26La position des évêques n’y fait rien : la création d’une délégation apostolique est devenue un enjeu ecclésial aussi bien que diplomatique en ce début des années 1890. En effet, outre la question d’une Église qui contient avec ses divisions internes et sa forte autonomie ecclésiale les germes d’une dissidence nationale, le secrétaire d’État, le cardinal Mariano Rampolla di Tindaro, entrevoit dans cette mise en ordre un moyen efficace d’être en contact direct avec l’État américain dont la forme et les valeurs excluent toujours – après le fiasco d’une représentation américaine à Rome31 – tout autre type de contact. La mise en place de la délégation participe presque directement des préoccupations de Léon XIII dans le jeu européen. L’Église américaine peut participer à sa stratégie de rapprochement avec la France32. Il va s’agir de récupérer l’ardeur républicaine des évêques américains afin qu’elle serve d’exemple à la coexistence possible de l’Église catholique dans une société politique non monarchique. En échange de cette aide, les principaux porte-parole de l’Église américaine, convaincus que leur expérience face au reste du monde catholique peut faire progresser les catholiques français et les Européens en général vers l’acceptation du régime républicain, acceptent de montrer leur loyauté au Pape, en accueillant sur leur sol une délégation apostolique.
27Au commencement de l’opération « Délégation », la Congrégation de la Propagande suit l’opinion du secrétaire d’État. Le nouveau préfet de la Propagande, le cardinal Ludivico Jacobini, reçoit Mgr Denis O’Connell, recteur de l’American College à Rome33. De retour d’un séjour de quelques mois dans son pays, où il a visité ses confrères et représenté officiellement le pape au Centenaire de l’Église américaine à Baltimore en novembre 1889, O’Connell avait déclaré à la presse :
« Le Saint-Père regarde vers l’Église de [notre pays] pour de grandes choses. Peu de papes se sont donné une tâche aussi difficile que Léon XIII. Sa position réclame la sympathie des catholiques d’Amérique. L’Italie est actuellement dans une phase de transition. Les Églises d’Europe, qui sont toujours enfermées dans une situation médiévale, regardent vers les États-Unis. Le Saint-Père a un amour profond pour l’Église et le peuple américains. Les catholiques d’Europe ont la plus haute opinion de nous. Ils nous regardent pour voir comment ils peuvent être guidés dans ces temps de tourmente qu’il y a à l’étranger34. »
28On ne pouvait être à la fois plus convaincu des qualités curatives de son pays et de leur appréciation par le pape. Or selon les recherches de Gerald Fogarty, l’entrevue entre le recteur O’Connell et le cardinal Jacobini est difficile. Une des raisons invoquées par Jacobini pour établir une délégation apostolique aux États-Unis est que les cardinaux de la Curie trouvent les évêques américains trop indépendants, même si lui, Jacobini, aimait à l’inverse leur franchise et leur ouverture d’esprit. Jacobini a néanmoins l’impression que ces évêques étaient jaloux des prélats romains, raison pour laquelle ils refusent un délégué apostolique… O’Connell lui répond du tac au tac que si les évêques américains n’avaient pas confiance en la Propagande, la raison en était qu’elle ne les traitait pas avec suffisamment de confiance. Et il rappelle à Jacobini les visites successives de Bedini, Mori, Stranieri, Satolli, qui avaient eu lieu sans aucune concertation. Jacobini renvoie O’Connell en lui suggérant d’en discuter directement avec le Pape. On ne pouvait plus romainement présenter la décision de l’installation de la Délégation apostolique à Washington comme irrévocable35.
29Le recteur O’Connell est reçu par Léon XIII en juin 1891. Ce dernier lui exprime son « regret plein de tristesse et de surprise36 » devant l’opposition des évêques américains à la mise en place d’une délégation. Selon O’Connell, Léon XIII aurait eu ce commentaire :
« Le mal est […] les évêques ne veulent pas avoir [de] représentant. S’ils avaient maintenant quelqu’un qui pourrait leur dire mes sentiments, aucun problème [avec la Propagande] ne serait jamais arrivé. Mais non, si j’avais mon nonce là-bas tout irait mieux et vous seriez indépendants de la Propagande. Vous dépendriez directement de la secrétairerie d’État. »
L’enrôlement de Mgr Ireland dans la politique du Ralliement
30C’est dans ce contexte, en janvier 1892, que l’archevêque de Saint-Paul, Mgr Ireland, figure de proue de l’aile progressiste37, vient réclamer un Tolerari potest pour l’arrangement scolaire qui a été conclu entre la paroisse et la ville de Faribault dans le Minnesota38. Ce plan divise à nouveau l’épiscopat, après l’affaire du rapport de Lucerne, sur le mode de financement des écoles catholiques. Les premiers, progressistes américanisants, estiment que les autorités publiques doivent aider les écoles catholiques à scolariser des enfants, venant de familles émigrées extrêmement pauvres et souhaitent un système d’écoles publiques catholiques. Les deuxièmes, plutôt sensibles à leur origine non anglophone, se récrient, au nom de la séparation constitutionnelle ou des décrets conciliaires de l’Église américaine. Ils refusent la moindre immixtion de l’État dans les réseaux scolaires catholiques, qui aurait interdit l’usage des langues d’origine, hors l’anglais. Mgr Ireland représente la première mouvance39, soutenu par le professeur de théologie morale de l’Université catholique de Washington, le belge Thomas Bouquillon40. Mgr McQuaid de Rochester et Mgr Horstmann de Cleveland représentent la seconde41.
31Ireland est reçu par le préfet de la Propagande puis par le secrétaire d’État cardinal Rampolla en compagnie de Mgr O’Connell. Les trois entament une discussion qui dure selon les dires de Mgr Ireland une nuit entière42. Au sortir de leur conversation, les deux Américains acceptent l’idée d’une délégation pontificale à Washington et la responsabilité de la faire admettre à leurs collègues. De son côté la Propagande donne son Tolerari Potest au plan scolaire de Mrg Ireland, après examen du litige par une commission cardinalice. Ladite commission confirme en avril 1892 la compatibilité du système imaginé par Mgr Ireland avec la législation du IIIe concile de Baltimore.
32Par ailleurs, après la nuit d’entretien – et la présomption est forte que ce geste ait fait partie de la négociation – Léon XIII donne à Ireland la mission d’aller en France faire la publicité, en tant que prélat catholique américain, du système politique et constitutionnel de son pays. C’est ainsi que les questions américaines ont indirectement servi à la diplomatie européenne de Léon XIII. Le 16 janvier 1892, peu après l’arrivée d’Ireland à Rome, le pape avait rendu publique l’encyclique Au milieu des sollicitudes43, et appelé les catholiques français au Ralliement. Le jour suivant, le Petit Journal de Paris avait cité l’exemple des États-Unis comme celui d’une République où l’Église et l’État vivaient en harmonie. « Ce qui est bon pour les États-Unis l’est encore plus pour la France républicaine44 », avait-il conclu.
33Ireland part en France en faire la preuve, montrer son Église et sa République aux catholiques français, expliquer qu’il était possible d’être à la fois catholique et heureusement républicain, prouver qu’il existait dans le monde une République où les catholiques étaient bien traités et idéologiquement à l’aise. L’Église américaine était l’exemple à suivre pour la France, pour l’Europe même. Ces arguments ont sincèrement été avancés par Ireland. L’archevêque de Saint-Paul avait la conviction profonde que le monde catholique était grâce à lui, le représentant d’une Église hier inexistante dans un pays périphérique, en train de vivre un tournant providentiel. Ireland a été l’un des fers de lance d’une forme de mythe qui éclôt à cette époque, selon l’historien Thomas Wengler45, dans la frange catholique la plus favorable à l’adhésion aux valeurs américaines. Wengler fait démarrer ce phénomène à l’année 1886, et précisément au 18 mai, date de l’élévation officielle de Mgr Gibbons, primat de Baltimore, au cardinalat46. Cet honneur originel est suivi d’une reconnaissance « officielle » de la part du gouvernement américain. Le nouveau cardinal est invité et présent à la commémoration du Centenaire de la Constitution fédérale en septembre 1887 à Philadelphie. Quand il se déplace à Rome en décembre 1887 pour le Jubilé d’or de Léon XIII, il apporte, outre la lettre de félicitations de tous les évêques des États-Unis, celle du Président Cleveland à Léon XIII, avec en cadeau personnel, un exemplaire précieux de la Constitution américaine47. En remerciements, Léon XIII déclare au Président Cleveland son admiration pour la Constitution des États-Unis48.
« Non seulement – écrit Léon XIII – elle permet à des citoyens industrieux et entreprenants d’atteindre un haut degré de prospérité, mais aussi sous sa protection, vos concitoyens catholiques ont joui d’une liberté qui a promu l’étonnante croissance de leur religion dans le passé et qui les rendra – Nous le croyons – capables dans l’avenir d’être du plus grand avantage pour l’ordre civil. »
34Après cet épisode, la version nouvelle de la destinée manifeste des États-Unis, en train de se dégager aux tournants des années 1880 et que Walter McDougall nomme le Progressive Imperialism49, se conjugue avec l’espérance des proches de Gibbons. Le Progressive Imperialism, nouvelle synthèse du rêve puritain, affirme que Dieu est en train de réarranger le monde, et de déterminer le déclin de l’Europe au profit des États-Unis, « Nouveau Monde » destiné à répandre son influence autour de lui. Selon Wengler, la réinterpréation catholique de cette projection internationale de la religion civile américaine, est de concevoir cette diffusion de la liberté politique et du christianisme purifié des États-Unis, comme le vecteur tout aussi providentiel de la régénération du catholicisme, un catholicisme « modernisé » et américanisé50.
35Ireland quitte Rome, son Tolerari potest en main, et entreprend une visite de trois semaines en France51. Il y explique et recommande les « idées justes et sages du Saint-Père (qui avait) détruit à jamais la notion qu’on ne pouvait être un bon catholique et en même temps reconnaître la République ». Pendant son séjour, l’archevêque de Saint-Paul rencontre Sadi Carnot et d’autres grands politiques, comme le très républicain Jules Ferry, et tous lui parlent, selon ses dires, « en termes d’admiration et d’affection pour le Saint-Père52 ». La contribution de Mgr Ireland dans le rapprochement de la France républicaine avec le Vatican est une page à écrire, d’autant qu’Ireland devient un temps le héros des défenseurs français du Ralliement et par conséquent va devenir l’une des cibles privilégiées de la crise dite américaniste que son sillage provoque en 1897 à partir de Paris53. Un de ses livres, L’Église et le Siècle, conférences et discours sur la supériorité du régime républicain, paraît en France en 1894. Il est préfacé et traduit par l’abbé Felix Klein, professeur de littérature à l’Institut catholique et « rallié » bien connu, et ce avec le soutien de Mgr Hulst, fondateur de l’Institut catholique de Paris54. Ireland reviendra à Paris en 1900, et il y recevra la Légion d’honneur des mains de Jules Cambon, alors ambassadeur de France aux États-Unis55.
L’opportunité de la Légation pontificale à l’Exposition universelle de 1892 : la reconnaissance du régime de séparation
36À son retour aux États-Unis au printemps 1892, Mgr Ireland se démène pour obtenir des organisateurs qu’ils invitent officiellement le pape à l’occasion de l’Exposition universelle « colombienne » de Chicago, démarrant en octobre de cette même année56. L’invitation allait permettre d’envoyer opportunément un légat pontifical, à la fois hôte du gouvernement et représentant de toute l’Église, américaine comprise, lequel une fois sur place, deviendrait le premier délégué pontifical avec une casquette diplomatique. Le cardinal Gibbons de son côté se déplaça auprès du secrétaire d’État, John W. Foster. Foster avait été ambassadeur en Espagne au moment où Rampolla y était nonce et donc il connaissait physiquement le secrétaire d’État du Saint-Siège, grande opportunité pour Gibbons à ce moment éphémère où Foster était pour quelque six mois, le dernier secrétaire d’État du président républicain Benjamin Harrison, qui s’intercala entre les deux présidences du démocrate Cleveland. Les Républicains depuis Abraham Lincoln, et malgré la très grande méfiance qu’ils suscitaient toujours chez les catholiques américains votant comme un seul homme pour Cleveland, ne s’inquiétaient plus vraiment de la tyrannie catholique. Rome n’avait pas soutenu la Confédération pendant la guerre civile57, et Lincoln avait même envoyé à Rome un ministre résident, Rufus King, très proche de lui. Les États pontificaux avaient disparu, les évêques manifestaient leur loyauté au régime et s’efforçaient de transformer les immigrés en patriotes. Le secrétaire d’État républicain du Président Harrison se montra donc très coopératif : le résultat de toutes ses tractations fut que le légat Satolli, invité pour l’Exposition de Chicago, quitta Rome juste après que le cardinal Rampolla avait reçu de Foster une « requête » : le Pape était prié de prêter des mosaïques et des cartes du xve siècle de la Bibliothèque Vaticane pour l’Exposition de Chicago. Ces trésors pouvaient être transportés sous la responsabilité d’un dignitaire américain ou celle d’un représentant personnel du Pape. John Foster assurait personnellement le Pape, au nom du président des États-Unis « qu’un tel représentant serait reçu avec toute la courtoisie possible à son arrivée et durant son séjour dans le pays58 ».
37La visite de ce légat extraordinaire, bientôt transformé en délégué apostolique, divise profondément l’épiscopat américain. L’aile « américaniste » et favorable au régime républicain se porte au secours de la représentation apostolique, persuadée que Léon XIII, acceptant le régime républicain, serait favorable, à travers cette représentation, à ses valeurs collégiales et démocratiques ainsi qu’à la liberté religieuse telle que l’avait permise la Constitution américaine. De la part de cette frange, une certitude d’ordre politique s’est installée, qui lui faisait croire à l’instar de Mgr Ireland, que le Vatican n’aurait rien à redire sur ses tendances œcuméniques avant la lettre et son respect offensif de la « liberté » religieuse. Seule une minorité d’évêques, avec à leur tête l’archevêque de New York, Mgr Michael Augustine Corrigan, « conservatrice » dans sa conception de l’institution catholique, en même temps que « particulariste » face à Rome, allait se dresser contre la mise en place de la Délégation apostolique59.
38De fait, en octobre 1892, l’arrivée de Satolli à New York déclenche une véritable guerre intestine : l’archevêque de New York, Mgr Corrigan, ne vient pas à la réception en l’honneur de Satolli, arrivé sur une corvette du gouvernement. Son absence fut publiquement interprétée comme un témoignage d’hostilité envers le représentant du Pape60. L’incident, dont Corrigan eut par la suite à se justifier auprès de Rome, n’empêche pas le bon déroulement du voyage. Le 14 octobre, Mgr Satolli rencontre le secrétaire d’État John Foster. Il l’assure de ce que le Pape souhaitait des relations amicales entre le Saint-Siège et les États-Unis dans le respect de la Constitution américaine :
« [ « Sa Sainteté »] – déclare-t-il – [est] de son côté si proche des idéaux américains, que le gouvernement n’aurait jamais à craindre du catholicisme et de son autorité hiérarchique quoique ce soit de préjudiciable pour les libertés établies par la Constitution. Au contraire, la liberté de l’Église catholique aux États-Unis était la plus grande des garanties de l’existence de ces libertés civiles61. »
39Cette déclaration est, dans le contexte de l’époque, d’une modernité extrême. Alors que le débat sur la pertinence de la liberté individuelle et religieuse n’est pas encore ouvert à l’intérieur de l’Église catholique et reste officiellement une erreur moderne, il existe une marge de manœuvre subtile à propos de la « liberté de religion » propre de l’Église catholique, conçue comme le droit de l’Église catholique à exister dans des États hostiles et/ou le droit à sa capacité d’élargir son influence au sein d’États plus bienveillants. Elle repose sur les principes du jus publicum ecclesiasticum, devenu doctrine depuis le Syllabus. Ces principes se retrouvent aussi bien dans l’encyclique Quanta Cura de Pie IX (1864), que dans Immortale Dei de Léon XIII (1885). Il en résulte une ecclésiologie juridico-étatisante : L’État et l’Église y sont tous deux qualifiés de societas perfecta, c’est-à-dire de société complète en elle-même, car possédant tous les moyens de parvenir à la réalisation de ses fins propres. Pour autant, l’Église n’en est pas moins supérieure à l’État par les fins dernières qu’elle poursuit. Cette supériorité implique en quelque sorte que l’État lui reconnaisse l’ensemble des prérogatives qui lui permettent d’assurer ses missions, notamment la plus absolue indépendance, les prérogatives internationales de légation, le treaty making power, ainsi que la souveraineté temporelle sur un territoire aussi petit soit-il. Enfin, l’État doit collaborer avec l’Église, les deux sociétés devant maintenir entre elles union et concorde, ce qui se fait idéalement par la voie concordataire. Ces principes au xixe siècle ne concevaient pas et même rejetaient violemment toute séparation entre l’Église et l’État (Mirari Vos, 1832 – Immortale Dei, 1885 – Vehementer Nos, 1906). Mais, en contexte américain, l’accommodement aura été de rappeler que l’Église reconnaissait à l’État toute sa souveraineté et n’entendait pas s’immiscer dans son fonctionnement, pour autant que ce dernier lui rende la pareille… Dans cette perspective la liberté de mouvement de l’Église catholique, exigence qui reste d’actualité62, étant assurée sur le sol américain, il était aisé que Satolli déclare à ses interlocuteurs que l’Église catholique aimait la liberté, notamment de religion.
La mise au pas de l’Église américaine
40Au moment de sa réunion avec tous les archevêques américains, le 16 novembre 1892, outre la résolution temporaire de la question scolaire63, le légat pontifical Satolli avertit ses auditeurs de l’imminence d’une Délégation, voulue par le Saint-Père lui-même. Mgr Corrigan, déjà hostile à sa présence comme légat aux festivités de l’Exposition universelle, la rejette, comme il rejette ses décisions sur la question scolaire. Corrigan écrit après coup à Gibbons au nom des autres archevêques que « le pays n’est pas encore dans la position de profiter de l’établissement de cette délégation64 ».
L’imposition d’une Délégation (1892-1896)
41Les progressistes qui s’étaient montrés favorables à l’établissement de la Délégation et à la nomination de Satolli comme premier délégué apostolique en janvier 189365, déchantent vite. Mgr Satolli se « rétracte » face à leurs initiatives. La notion de l’American Liberty, quoique souvent répétée par le premier Délégué lors de ses rencontres avec eux, se limite singulièrement vite devant des attitudes encore impensables sur le sol européen. Ainsi, la participation d’évêques catholiques au Parlement mondial des religions de 189366, provoque-t-il chez lui un électrochoc, bientôt partagé à Rome. Série de conférences religieuses en parallèle de l’Exposition universelle, le Parlement des religions avait comme but de donner à toutes les « grandes » religions l’occasion d’exposer de quelle manière elles estimaient servir l’humanité. Les évêques américains avaient accepté d’y participer lors de leur réunion du 18 novembre 1892. Mgr Keane, recteur de l’Université catholique à Washington, fut chargé d’organiser leur délégation. Du 11 au 28 septembre 1893, 20 conférenciers catholiques se présentent au Parlement et devant une large audience, expliquent la doctrine et le travail de leur Église67. Le cardinal Gibbons est parmi les autorités qui présidèrent les séances et prononça un discours éloquent68. Il accepte même de réciter une « Lord’s Prayer » de doxologie protestante…
42La participation catholique au Parlement fut dénoncée par le Katholikentag germano-américain, réuni à Louisville dans le Kentucky du 24 au 27 septembre 1894, comme une manifestation de « l’hérésie américaine ». Les rumeurs atteignent une telle ampleur que le cardinal Gibbons envoie au Saint-Siège une note sur ce qu’avait été le Parlement69, d’après lui le meilleur moyen de présenter favorablement les catholiques et affaiblir la méfiance dont ils étaient l’objet. Mgr Gibbons ne mesurait pas que, mis ainsi au pied du mur, le Saint-Siège ne pouvait que s’opposer à cette manifestation in concreto des implications de la liberté religieuse américaine, dont jouissaient les catholiques de son pays70. La réponse de Rampolla ne fut rien moins que prudente. Il avait montré le rapport au Pape lequel « avait reconnu les bonnes intentions de ceux qui y avaient pris part71 ».
43Rapidement, le Saint-Siège, par la voie « apostolique » de Satolli, brise une deuxième innovation, la participation de catholiques aux sociétés secrètes, soutenue par le cardinal Gibbons. L’interdiction tombe au début 1895, par la Lettre apostolique de Léon XIII à l’Église américaine, Longinqua oceani. Le Pape ordonne aux catholiques de fuir « non seulement ces associations (sociétés secrètes) qui ont été ouvertement condamnées par le jugement de l’Église, mais aussi celles qui, selon l’opinion d’hommes intelligents, et particulièrement des évêques, sont regardées comme dangereuses72 ».
La « pure doctrine de Rome » contre « l’Américanisme » (1896-1899)
44Pire, Léon XIII écrit dans cette lettre, que la séparation de l’Église avec l’État aux États-Unis, situation qu’il qualifie de « dissevered and divorced », n’est pas le modèle le plus désirable pour le reste du monde : « L’Église (aux États-Unis) produirait des fruits plus abondants si, en addition à la liberté, elle jouissait de lois favorables et du patronage de l’autorité publique (if she enjoyed the favor of the laws and the patronage of the public authority)73. »
45Pendant l’été 1895, Léon XIII, résigne O’Connell comme recteur de l’American College à Rome. Enfin en septembre 1895, il interdit la participation catholique aux assemblées œcuméniques et demande qu’à l’avenir, les catholiques tiennent leurs assemblées à part et les ouvrent aux non-catholiques74.
46Dans ce contexte de réactivité romaine, l’épiscopat progressiste des États-Unis va être rapidement remis en cause, à travers la crise dite américaniste75. À l’origine de cette crise, et comme un effet de boomerang, nous retrouvons les remous provoqués par le Ralliement en France et le prétexte de la traduction en français de la biographie d’Isaac Thomas Hecker (1819- 1888), célèbre fondateur de l’ordre des Prêtres missionnaires de Saint-Paul ou Paulistes, spécialistes des missions en milieu protestant et auteur en 1874 d’un Exposé de la situation de l’Église en face des difficultés, des controverses et des besoins de notre temps76. Dans cet essai, Hecker tente de démontrer que le catholicisme était mal outillé pour répondre aux défis de l’évangélisation de son époque. Les types de dévotions et d’ascétisme qu’on y maintenait étaient dépassés et sans efficacité pour la société en train d’éclore. La vie spirituelle traditionnelle réprimait l’activité et l’initiative individuelle alors que l’évolution sociale y conduisait. Il fallait donc que les missionnaires catholiques, en particulier les prêtres, développent et transposent dans la foi, les vertus « actives » de l’Amérique, comme l’audace et la ténacité et augmentent leur confiance en l’Esprit Saint comme leur inspirateur direct77. Les idées théologiques de Hecker, sur l’inspiration de l’Esprit comme source d’initiative personnelle, la coopération interreligieuse ou une plus grande initiative des laïcs dans la vie de l’Église, étaient plus ou moins partagées par l’aile progressiste de l’épiscopat américain, en particulier par John Ireland78. Ireland avait ainsi déclaré : « Laissez-faire l’action individuelle. Un laïc n’a pas besoin d’attendre le prêtre, le prêtre d’attendre l’évêque et l’évêque le pape79 ! » Mais globalement, les évêques, parmi lesquels l’archevêque de New York Michael Corrigan, concevaient de sérieuses réserves sur les capacités d’expansion de ce catholicisme ainsi régénéré, face aux protestantisme et nativisme périodique des Américains80, phénomène de nature « indisputable », selon Corrigan lui-même.
47Tous s’accordaient néanmoins, au-delà de ces idées théologiques, sur les idées politiques « américaines » que les travaux d’Hecker véhiculaient naturellement, en matière de relation Église-État, comme la liberté religieuse du citoyen ou la Séparation. Elles étaient défendues par Mgr John J. Keane, recteur de la Catholic University of Washington et plus tard archevêque de Dubuque et Denis J. O’Connell, recteur de l’American College à Rome (1885-1895), plus tard remplaçant de Keane à Washington81. Ces deux hommes avaient alors la main haute sur la formation du futur clergé américain. Ils étaient protégés par le puissant cardinal Gibbons, archevêque de Baltimore, qui considérait, à l’instar de Mgr Spalding à la génération précédente, que la condamnation des erreurs modernes par le Syllabus de Pie IX, ne concernait pas le système particulier de Séparation aux États-Unis82. Quand Gibbons reçoit la titulature prestigieuse de l’église romaine Santa Maria in Trastevere, en 1887, il déclare dans son sermon que les grands progrès du catholicisme aux États-Unis, étaient dus « sous le regard de Dieu et la vigilance encourageante du Saint-Siège, à la liberté civile dont (les catholiques) jouissent dans (leur) République éclairée ». S’appuyant sur l’affirmation de l’encyclique Immortale Dei de Léon XIII, « l’Église n’est liée à aucune forme de gouvernement civil », il compare les gouvernements européens qui gênaient la mission divine de l’Église, avec le gouvernement civil américain, dégagé de toute obligation de protection et interdit « d’interférer dans l’exercice légitime de (la) sublime mission (des évêques) comme ministres de l’Évangile du Christ…83 ».
48En 1891, la biographie de Hecker, écrite par le Père Walter Elliot, est publiée avec l’imprimatur de l’archevêque de New York, Mgr Corrigan et une préface de Mgr Ireland84. Le tout sans difficulté. Quand, au début de 1897, elle est traduite en français par le Père Klein, le scandale éclate à Paris. Klein, professeur de l’Institut catholique, rallié célèbre, avait été, comme nous l’avons vu, à l’initiative de la parution française des textes de Mgr Ireland et dans cette nouvelle publication, Ireland présentait en préface le fondateur des Paulistes comme « l’ornement et le joyau du clergé américain […] qu’il faudrait voir se reproduire le plus possible parmi nous ». La biographie déchaîne une violente polémique menée par l’abbé Charles Maignen, prêtre lazariste et célèbre adversaire du Ralliement. Maignen présente cette biographie et d’autres écrits d’évêques libéraux comme Ireland, Gibbons, Keane, O’Connell, comme un complot pour introduire le libéralisme théologique en Europe et provoquer un schisme85. Hecker est accusé de vouloir créer un prêtre dénaturé, de dénier l’autorité divine de l’Église, la sacralité des vœux religieux et les fondements séculaires des ordres réguliers. Maignen dénonce ce faisant, dans une série d’articles publiés dans le journal la Vérité, l’infiltration de la culture anglo-saxonne au cœur du catholicisme, y compris en matière de relation Église-État86.
49Les accusations françaises font réagir l’épiscopat américain incriminé, qui confirme ses propres positions politiques : Ainsi, Denis O’Connell profite d’un colloque à l’université de Fribourg en août 1897 pour expliquer les subtilités de « l’américanisme » (sic) politique et ecclésial87. Du point de vue politique, le système légal américain est plus chrétien que le système européen, héritier de la loi romaine païenne, pour laquelle les individus ont seulement les droits que l’État leur concède. Dans le système américain, selon la Déclaration d’Indépendance des États-Unis, « tous les hommes sont créés égaux et dotés par leur Créateur d’un certain nombre de droits inaliénables ». Du point de vue ecclésial, la thèse de Pie IX dans le Syllabus, selon laquelle l’union de l’Église et de l’État est la plus parfaite, est contredite par la réalité qui est la diminution de la liberté de l’Église, et l’interférence des autorités profanes dans l’administration de ses affaires. L’hypothèse américaine, la séparation, semblait marcher aussi bien que possible pour le plus grand bénéfice de l’Église catholique.
50La présentation d’O’Connell est alors utilisée par l’évêque de Nancy pour demander en avril 1898 un examen de la biographie de Hecker par la Congrégation de l’Index. Cette biographie était coupable, selon cet évêque, de toutes sortes de confusions scandaleuses88. Le Saint-Office est également mis à contribution et en mai 1898, le consulteur Hyacinthe-Marie Cormier, o.p., décrit dans son votum l’essai de O’Connell à Fribourg aussi bien que la biographie du P. Hecker, comme contraires à la Lettre apostolique Longinqua Oceani. Non seulement le support à l’individualisme que les Américanistes déduisent de l’influence de l’Esprit Saint était dangereux pour l’Église, mais encore leur influence sur le clergé américain allait obliger la Propagande à une « médecine préventive », la re-formation et sélection des évêques et des professeurs de séminaires, éloignés de ces « idées américanistes » et remplis « de la pure doctrine de Rome89 ». Son avis sera partagé par le Père Bernardo Doebbing, o.f.m., consulteur à l’Index, au début du mois de juillet, même si un autre consulteur de l’Index, le Père Eschbach, recteur du Séminaire français de Rome, considère de son côté que le P. Hecker est parfaitement orthodoxe90.
51Au moment où l’Index commence ses délibérations sur cette affaire et sur un autre ouvrage du scientifique américain, John Zahm, intitulé Evolution and Dogma91, l’abbé Maignen, fait paraître à Paris un concentré de ses attaques sous le titre Le Père Hecker est-il un saint92 ? L’archevêque de Paris, le cardinal Richard, refuse son imprimatur. Maignen fait appel au P. Lepidi, Maître du Sacré Palais à Rome, qui le lui donne.
52Cette décision pousse O’Connell présent à Rome à solliciter Lepidi, pendant le mois de juillet 1898 et à lui envoyer plusieurs textes de présentation des « idées américaines », dont sa conférence faite à Fribourg. Elle pousse également le cardinal Gibbons à lui écrire une lettre de protestation le 26 août. Ces lettres ont-elles infléchi Lepidi ? Ce dernier écrit en effet à Léon XIII en septembre, que jamais il n’aurait donné son imprimatur à Maignen, si les attaques de ce dernier n’avaient concerné que le politico-religious americanism (loyauté républicaine et soutien à la séparation) des progressistes américains. Mais Maignen avait pointé du doigt un autre danger, la dérive ecclésiologique du religious americanism qu’il fallait absolument circonscrire.
La position finale et médiane de Léon XIII sur l’Américanisme
53Après lecture des conclusions de Lepidi, Léon XIII avertit en audience fin septembre, le préfet de la Congrégation de l’Index, le cardinal Andreas Steinhuber, s.j., qu’il n’était pas question de condamnation et qu’il allait directement s’occuper de la question93. Sa position, dévoilée en janvier 1899 est effectivement modérée. Elle est connue au moment où le cardinal Ireland arrive à Rome pour plaider la cause « politico-religieuse » de ce qui est désormais appelé l’américanisme. Elle ne prend pas la forme d’une condamnation, de Hecker ou de qui que ce soit d’autre, elle évite la querelle française en s’adressant directement aux évêques américains, sous forme de lettre personnelle au cardinal Gibbons, intitulée On Americanism, puis sous forme de Lettre apostolique au clergé américain, Testem benevolentiae, publiée dans l’Osservatore Romano et datée du 22 janvier 1899. Cette Lettre condamne sans détour la position de Hecker sur l’inspiration exclusive de l’Esprit Saint, comme une forme contemporaine de semi-pélagianisme condamné par le lointain concile d’Orange en 52994. Les libéraux (Gibbons, Ireland, Keane) protestent avec indignation contre l’imputation d’errance doctrinale de leur « américanité » et nient que cette forme d’hérésie ait jamais existé dans leur rang95.
54Les conservateurs américains, au premier rang desquels Mgr Corrigan, remercient de leur côté le pape d’avoir enfin, par son office « infaillible », prévenu le développement d’une Église schismatique. Or ces conservateurs avaient eu un allié de poids à Rome. Il est loisible de penser que la position pontificale sur l’américanisme est un coup double destiné à temporiser, à l’intérieur de la Curie, les inimitiés que les affaires américaines avaient entretenues. De fait, la fronde des conservateurs américains contre les partisans de « l’américanisme », avait trouvé un écho redoutable au sein même de la Congrégation de la Propagande, auparavant tutelle de l’Église américaine. Or, le nouveau responsable de la Propagande, Miecislaus Ledochowski96, était connu pour ses liens « germaniques » et son hostilité à la politique pro-française du secrétaire d’État Rampolla. Quelques mois plus tôt, au moment de la négociation entre le cardinal Jacobini, prédécesseur de Ledochowski, Mgr Ireland et Mgr O’Connell, l’« empiétement » futur de la secrétairerie – avec la naissance de la Délégation – sur les prérogatives de la Propagande n’avait pas posé de problème. Mais entre-temps, Jacobini avait été remplacé. C’est pourquoi, quand le secrétaire d’État Rampolla se permit de rappeler à Ledochowski que Léon XIII avait décidé de confier à Mgr Satolli une délégation extraordinaire aux États-Unis sans limite dans le temps97, sa lettre avait alimenté la guerre de clan au sein même du Vatican.
55L’affaire « Délégation américaine » a révélé les sourdes tensions qu’avait provoquées la nouvelle politique internationale du cardinal Rampolla et de Léon XIII, aggravées dans le cas de Ledochowski par le fait que son espace juridictionnel avait été amputé d’un territoire majeur. Ledochowski s’intéressa donc de très près aux arguments de l’archevêque de New York, Mgr Corrigan, contre les propositions scolaires d’Ireland, pourtant avalisées par son prédécesseur. Il le fit dans une vue d’ensemble réfractaire à la politique de Rampolla et à son influence supplémentaire sur une Église jusque-là tenue à l’écart de l’échiquier romain. Les tensions de personnes entre la secrétairerie romaine et la Propagande s’accrurent donc de l’épisode américain98. Certes, Rampolla écrivit à Satolli que sa délégation restait soumise à la Congrégation des Missions pour ce qui se référait aux sujets ecclésiastiques, mais il insista bien sur le fait que cette délégation dépendait désormais de la secrétairerie pour les « affaires politiques et les matières concernant les intérêts de l’Église en général99 ». Cette situation durera jusqu’en 1908, année où la juridiction de la Propagande sur l’Église américaine sera déclarée caduque.
56Outre la guerre des clans au sein de la Curie, la clémence de Léon XIII peut s’expliquer enfin comme une volonté de conciliation maximale avec l’épiscopat américain au moment où Léon XIII souhaite son aide pour apprivoiser l’expansionnisme de leur jeune pays au détriment de la Couronne espagnole.
Conclusion
57Ainsi donc, par le truchement des querelles internes au catholicisme américain, Rome, appelée à l’aide comme ultime recours judiciaire et arbitral, a œuvré pour réduire la singularité canonique de l’Église américaine et imposer la présence d’un délégué apostolique à une Église qui n’en voulait pas. Ce faisant, la secrétairerie d’État du Saint-Siège a amorcé le comblement d’un écart autrement plus capital, celui de l’ordre politique démocratique, compatible avec la tradition catholique. En utilisant l’exemple américain pour affirmer la compatibilité de son système juridico-politique avec la « liberté » catholique, Léon XIII a déplacé cette tradition et rendu possible son cheminement vers une reconnaissance et une acceptation plus universelle de la démocratie et des droits de l’homme. Il le fit tout en interdisant aux catholiques américains d’être « américanistes », ce qu’ils continueront à être néanmoins, tout au long du xxe siècle. C’est en effet la dernière leçon que nous confirme cet exemple : il existe de manière irréductible, un particularisme culturel dans toutes les communautés territoriales catholiques, qu’elles soient historiques ou contemporaines, ce particularisme influe grandement sur leurs relations à la centralité romaine et celle-ci ne cesse finalement de le prendre en compte.
Notes de bas de page
1 Sur cette question de la négociation de l’autorité dans le catholicisme romain, voir le collectif paru aux PUAM (presses d’Aix-en-Provence), Sesboué Bernard, « L’autorité magistérielle dans l’Église catholique contemporaine » et Sachot Maurice « L’autorité de la Parole, du texte et de la régulation, processus de la formation de l’autorité dans le christianisme et du christianisme », in Chelini-Pont Blandine (éd.), Au nom du Christ, les modalités de l’autorité dans le christianisme, actes du XVIe colloque de l’Institut de droit et d’histoire religieux en collaboration avec l’Institut d’Europe centrale et orientale et l’Institut Saint-Serge de Paris, (Aix-en-Provence, mai 2002), Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-en-Provence, 2003, p. 151-156 et 13-42.
2 Précision fournie par Launay Marcel, Les catholiques des États-Unis, op. cit., p. 91. Une bibliographie actualisée sur l’émigration des Canadiens français aux États-Unis entre 1840 et 1930 est disponible sur le site Quebec History du Marianopolis College. En ligne : http://faculty.marianopolis.edu/c.belan-ger/QuebecHistory/readings/leaving.htm (dernière consultation le 10 novembre 2014).
3 Sur cette question voir Browne Henry J., « The Italian Problem in the Catholic Church of the United States, 1880-1900 », in United States Catholic Historical Society, New York, 1946, p. 46-72 et également Platt Warren C., « The Polish National Catholic Church : An Inquiry into its Origins », Church History, vol. 6, n° 4, 1977, p. 474-489, qui retrace le schisme finalement consommé d’une partie de la communauté polonaise en 1897. Elle crée l’Église catholique nationale polonaise des États-Unis dont le premier évêque est consacré par l’évêque vieux-catholique d’Utrecht en 1907. Cette Église compte aujourd’hui 30000 fidèles aux États-Unis.
4 À propos du rôle de ce Central Verein comme fédération défensive des sociétés paroissiales d’une minorité de la minorité catholique contre la prédominance cléricale et culturelle irlandaise, voir de Gleason Philip, The Conservative Reformers : German-American Catholics and the Social Order, Notre Dame, University of Notre-Dame Press, 1968, 272 p. Sa recherche montre comment, par réaction aux américanisants en passe de se « libéraliser » dans la synthèse qui donnera naissance à l’américanisme, les Germano-catholiques américains se dirigent massivement vers l’action sociale et vont devenir d’ardents propagateurs de la doctrine sociale de Léon XIII, en se tenant à l’écart des querelles « politiques » de la fin du xixe siècle. C’est par ce biais que leur acculturation se constitua durablement.
5 Dans un article de l’American Catholic Quaterly Review de 1883, p. 529 cité en extrait par Launay Marcel, Les catholiques des États-Unis, op. cit., p. 94. L’ensemble de cette crise a été étudiée et racontée par Barry Colman J., The Catholic Church and German Americans, Milwaukee, The Bruce Publishing Co, 1953, 348 p.
6 Cité par Ellis John Tracy, The Life of James Cardinal Gibbons : Archbishop of Baltimore, 1834-1921, op. cit., t. I, chap. ix, « Nationalities in conflict », p. 342.
7 La première intervention ayant été l’Instructio de la Propagande en 1878 sur l’organisation des procès dans les officialités américaines, selon Fogarty Gerald, « Leo XIII and the Church in the United States », in Levillain Philippe et Ticchi Jean-Marc (dir.), Le pontificat de Léon XIII. Renaissances du Saint-Siège ?, Rome, École française de Rome, 2007, p. 353. Pour Gerald Fogarty le IIIe concile de Baltimore est avec la mise en place d’une Délégation apostolique et la condamnation de l’américanisme, la marque la plus forte du pontificat de Léon XIII sur l’Église américaine. Cf. aussi son œuvre majeure, The Vatican and American Hierarchy from 1870 to 1965, op. cit., p. 19.
8 Estimation faite par Mcavoy Thomas T., p. 1 de sa recherche « The American Catholic Minority int the Later Nineteenth Century », The Review of Politics, vol. 15, n° 3, juillet 1953, p. 275-312.
9 Fogarty Gerald, « Leo XIII and the Church in the United States », article cité, p. 355. Gerald Fogarty signale également qu’une deuxième modification des décrets du concile a été apportée en 1916 qui donne un poids important au Délégué apostolique dans la nomination des sièges épiscopaux, p. 368.
10 Ellis John T., op. cit., p. 346-349.
11 Fogarty Gerald, « Leo XIII and the Church in the United States », article cité, p. 359.
12 Ellis John T., op. cit., p. 349-351. La pétition d’Abbelen et la réponse dite Ireland-Keane Memorial ont été publiées en latin et en anglais dans le New York Freeman’s Journal du 24 décembre 1892 et figurent dans les documents collectés par John T. Ellis (éd.) in Documents of American Catholic History, 3 vol., Wilmington, (DE), Glazier, 1987, II, p. 444-460.
13 Corrigan à Simeoni, New York, 17 décembre 1886, copie en latin, citée par John Tracy Ellis, ibid., p. 352. Dans les Archives du diocèse de Baltimore, John T. Ellis a retrouvé une brochure de 28 pages en français La question allemande dans L’Église des États-Unis, Rome, 1887 qui renferme en entier ou en partie les lettres de protestation contre la pétition Abbelen de 13 évêques américains et qui se termine par le résumé de la question par Ireland et Keane.
14 Simeoni à Gibbons, Rome, 8 juin 1887, printed, Archives archidiocèsaines de Baltimore, cité par Ellis John T., The Life of James cardinal Gibbons, op. cit., t. I, p. 359.
15 Ibid., p. 368.
16 New York Herald, 29 juin 1891.
17 Gibbons to Denis O̕Connell, Cap May, 12 juillet 1891, Gibbons to Rampolla, Baltimore 29 juillet 1891, cité par John Tracy Ellis, The Life of James Cardinal Gibbons : Archbishop of Baltimore, 1834-1921, t. I, p. 373-375.
18 Ellis John Tracy, The Life of James cardinal Gibbons, op. cit., t. I, p. 371.
19 « Ce pays n’a pas de relation diplomatique avec le Vatican et n’en aura probablement jamais […] C’est en son pouvoir que l’Église catholique aux États-Unis puisse atteindre les développements les plus élevés. Les nations d’Europe peuvent pointer les États-Unis et dire : “Regardez ce qu’est une nation chrétienne. Pas de problème avec l’intrusion des États. Chaque homme jouit de l’entière liberté de pratiquer sa religion. Ici, pas de dépendance vis-à-vis de l’État. Pour tout cela nous devons tous être fiers de pouvoir dire que notre clergé ne reçoit aucun salaire l’esclavagisant. Il n’y a pas de peur vis-à-vis du peuple ou de la question sociale. Nous aimons le peuple et il ne nous effraie pas dans les questions politiques. Le peuple dans ce pays est le plus formidable ami de l’Église” », interview de Mgr O’Connell, New York Times, 12 mai 1890.
20 Simeoni à Gibbons, Rome, 15 november 1885, 79-U-6, Archives archidiocésaines de Baltimore. Gibbons to Simeoni, Baltimore, 29 décembre 1885, copie en français, ibid., 79-Y-9. Cité par Ellis John T., The Life of James cardinal Gibbons, op. cit., t. I, p. 607-608.
21 Sur l’histoire du nativisme, voir Kane John J., Catholic-Protestant Conflicts in America, Chicago, Regney 1955 ; Billington Ray A., « Tentative Bibliography of anti-catholic Propaganda in United States, 1800-1860 », The Catholic Historial Review, 13, janvier 1933, p. 492-513. Du même auteur, The Protestant Cruisade, 1800-1860, A Study of the Origins of American Nativism, New York, Mac Millan, 1938, 514 p. ; Leonard Ira M. et Parmet Robert D., American Nativism 1830-1860, New York, Van Nostrand Reinhold Co., 1971.
22 Franchot Jenny, Roads to Rome : The Antebellum Protestant Encounter with Catholicism, University of California Press, 1994.
23 Ce livre est disponible sur le site de documentation Scribd. En ligne : http://scribd.com (au 6 juillet 2008).
24 Le détail in Launay Marcel, op. cit., p. 58 à 64.
25 Heyrman Christine, Southern Cross, the Beginning of the Bible Belt, New York, Knopf, 1998.
26 Millard Fillmore. A Bibliography, compilation de Crawford John E., Westport, Greenwood Press, 2002. Sur les élections de 1856, voir p. 236-239.
27 Holt Michael F., The Political Crisis of 1850, W.W.Norton § Company, 1983, p. 139-181 ; Grispan Jon, « America’s Worst Immigration War », American History Review, 4 novembre 2006. C’est cette période trouble qu’a voulu décrire le cinéaste Martin Scorsese en 2002 dans son film Gangs of New York, avec l’acteur Daniel Day Lewis dans le rôle de « Bill the Butcher », version fictionnelle du leader nativiste new-yorkais, William Poole.
28 Le mouvement nativiste prend une nouvelle vigueur après 1890 sous l’aiguillon de la dépression économique et de l’immigration croissante. L’American Protective Association, organisation secrète fondée en 1887 à Clinton (Iowa) parmi les fermiers de la région, se mobilise contre les immigrés catholiques. Ses membres, 120000 environ, devaient faire le serment de ne pas employer de maind’œuvre catholique, ni de s’associer dans les grèves avec des catholiques ni de voter pour eux. Toutes sortes de bruits se répandent sur le complot catholique contre l’Amérique protestante. L’APA atteint son zénith en 1893-1894 quand la dépression économique est imputée au « complot papiste ». Une explosion de violence touche le Montana en 1894, puis l’Ohio, l’Illinois et le Minnesota. Mais limité au Middle West, le mouvement perd de la vitesse. Il reprend de la vigueur vers 1910 avec Tom Watson, l’un des chefs du mouvement populiste de Géorgie, qui utilise à nouveau le thème du complot papiste associé cette fois-ci aux « trusts voraces ». Sur cette deuxième période du nativisme voir de Higham John, Strangers in the Land : Patterns of American Nativism (1860-1925), New Brunswick (NJ), Rutgers University Press, 1988, 2e édition.
29 Moore à Gibbons, Saint Augustine, 20 août 1886, Archives archidiocésaines de Baltimore, cité par Ellis John T., The Life of cardinal Gibbons, op. cit., t. I, chap. xiv, The Apostolic Delegation, p. 595-653.
30 McQuaid à Gibbons, Rome, 10 décembre 1878 et Gibbons to Elder Rome, 26 mai 1880, Archives archidiocésaines de Baltimore, cité par Ellis John T., ibid., p. 600-601.
31 Épisode raconté par Rush Alfred C., « Diplomatic Relations : The United States and the Papal States », American Ecclesiastical Review, janvier 1952, 126, p. 12-27.
32 Koelliker Laurent, « Léon XIII et la question romaine. Entre Triple alliance et Alliance franco-russe », p. 125-137 ; Hilaire Jean-Marie, article « Ralliement » dans Catholicisme hier, aujourd’hui, demain, t. XII, Paris, Letouzé et Ané, 2000 ; Plongeron Bernard, Catholiques entre monarchie et République, Letouzé et Ané, 1995 ; Levillain Philippe, Albert de Mun. Catholicisme français et catholicisme romain, du Syllabus au Ralliement, Rome, École française de Rome, 1983 ; Mayeur Jean-Marie, Les débuts de la Troisième République, 1871-1899, Nouvelle Histoire de la France contemporaine, t. X, Paris, Poche.
33 Fogarty Gerald, « The Vatican and the Americanist Crisis : Denis J. O’Connell, American Agent in Rome », 1885-1903, Miscellanea Historiae Pontificiae, vol. 36, Rome Università Gregoriana Editrice, 1974. Également de Gerald Fogarty, la notice biographique de Denis O’Connell in The Harper Collins Encyclopedia of Catholicism. San Francisco, Harper, 1995.
34 New York Times du 12 mai 1890.
35 « O’Connell à Gibbons », Rome, 19 janvier 1891, Archives Archidiocésaines de Baltimore, 88 H2, in Fogarty Gerald, The Vatican and the American Hierarchy…, op. cit., p. 117 et Ellis John T., The Life of James cardinal Gibbons, op. cit., t. I, p. 620.
36 « O’Connell à Gibbons », Rome, 1er juillet 1891, Archives archidiocésaines de Baltimore, 88 S1, ibid.
37 Fogarty Gerald, « Archbishop John Ireland », in Glazier Michael et Shelley Thomas J. (éd.), The Encyclopedia of American Catholicism, Collegeville (MN), The Liturgical Press, 1997.
38 Archbishop Ireland Explains His Stand on Public and Parocchial Schools to Cardinal Gibbons, décembre 1890, in Ellis John T., Documents of American Catholic History, op. cit., p. 473-480.
39 Morrissey Thomas H., « A Controversial Reformer : Archbishop John Ireland and His Educational Belief », Notre Dame Journal of Education, 1976, vol. 7, no 1, p. 63-75.
40 Gilbert John R., « Archbishop Ireland and Thomas Bouquillon : The State’s Right to Educate », Catholic Educational Review, vol. 66, n° 9, 1968, p. 566-591 et Ryan E.G., « Bouquillon Controversy », New Catholic Encyclopedia, Second Edition, New York, Gale, 2003, p. 564-565.
41 Lackner Joseph H., « Bishop Ignatius Horstmann and the School Controversy of the 1890’s », The Catholic Historical Review, 1989, vol. 75, no 1, p. 73-90.
42 « Ireland à O’Connell », Saint-Paul, 4 octobre 1893, Archives archidiocésaines de Saint-Paul, in Fogarty Gerald, The Vatican and American Hierarchy, op. cit., p. 118-119 et également « Leo XIII and the Church in the United States », in Le pontificat de Léon XIII. Renaissance du Saint-Siège ?, op. cit., p. 351-368.
43 Texte disponible en anglais sur le site officiel du Saint-Siège. En ligne : http://www.vatican.va/holy_father/leo_xiii/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_16021892_au-milieu-des-sollicitudes_en.html(dernière consultation au 29/10/2014).
44 Le Petit Journal, 17 février 1892, cité par Lecanuet Édouard, Les premières années du pontificat de Léon XIII, 1878-1894, Paris, 1931, p. 506-507 et repris par Gerald Fogarty in « Leo XIII and The Church in the United States », note 18.
45 Wangler Thomas E., « American Catholic Expansionism, 1886-1894 », The Theological Review of Harvard, vol. 75, n° 3, 1982, p. 369-393.
46 Sur l’épisode proprement extraordinaire de l’événement aux États-Unis, voir de Ellis John Tracy le chapitre viii, « The Red Hat », de sa biographie de Gibbons, p. 291-331.
47 Cleveland to Gibbons, Washington, 17 novembre 1887, Archives archidiocésaines de Baltimore, 83-S-1, ibid., p. 323.
48 Leo XIII to Gibbons, Rome, 4 février 1888, Archives archidiocésaines de Baltimore, 84-B-11, ibid., p. 325.
49 Mcdougall Walter, Promised Land, Crusader State, The American Encounter with the World since 1776, op. cit., titre du chap. v.
50 Wangler Thomas E., « American Catholic Expansionism, 1886-1894 », The Theological Review of Harvard, vol. 75, n° 3, 1982, p. 369-393.
51 Sur cette visite, voir son déroulement in Baudrillart Alfred, Vie de Mgr Hulst, (2 tomes, Paris, J. de Gigord, 1912-1914), t. II, p. 371 et suiv.
52 « Ireland à Rampolla », 27 juin 1892, Archives secrètes du Vatican, SS 248 (1900), p. 654-57, citées par Fogarty Gerald, The Vatican and American Hierarchy, op. cit., p. 119.
53 Voir paragraphe suivant.
54 Cf. Beretta Francesco, in Mgr d’Hulst et la science chrétienne, portrait d’un intellectuel, Paris, Beauchesne, 1996, p. 122.
55 New York Times, 27 septembre 1900.
56 Sur cet événement majeur de l’histoire culturelle et artistique de la fin du xixe siècle américain, voir la compilation de Bertuca David J. (dir.), The World’s Columbian Exposition : A centennial bibliographic guide, Westport, Greenwood Press, 1996.
57 Stock Leo F., « Catholic Participation in the Diplomacy of the Southern Confederacy », in Catholic Historical Review, avril 1930, p. 1-17. Cf. également A. Dudley Mann, The Vatican and the Southern Confederacy, St Leo (FLA), Abbey Press, 1962.
58 « Foster à Rampolla », Washington, 15 septembre 1892, Archives secrètes du Vatican, protocole no 8639, in Ellis John T., The Life of Cardinal Gibbons, op. cit., p. 464-465.
59 L’ouvrage de Zwierlein Frederick J., Letters of Archbishop Corrigan to Bishop Mc Quaid, Rochester (NY), Art Print Shop. 1946, est une source majeure pour suivre et comprendre la position théorique de ces deux opposants à la politique scolaire des « américanistes » d’une part et à la politique de contrôle du Saint-Siège de l’autre.
60 New York Herald, 13 octobre 1892, in Ellis John T., The Life of Cardinal Gibbons, op. cit., p. 624.
61 « Missioni straordinari », Archives secrètes du Vatican, SS 241, 1892, « O’Connell à Rampolla », Baltimore, 13 octobre 1892, no 9275, Ellis John T., ibid., p. 628.
62 Minnerath Roland, Le droit de l’Église à la liberté, Paris, Beauchesne, 1982. Zimmerman Marie, Structure sociale et Église : Doctrine et Praxis des rapports Église-État du 18e siècle à Jean-Paul II, Strasbourg, Cerdic Publication, 1981.
63 Satolli approuva la position d’Ireland. Sur l’ensemble de la crise scolaire américaine, voir la recherche ancienne mais très complète de Reilly Daniel F., The School Controversy (1891-1893), Washington, Catholic University of America Press, 1943.
64 « Corrigan à Gibbons », New York, 30 novembre 1892, Archives archidiocésaines de Baltimore, 90 55, Ellis John T., ibid., p. 628.
65 « Rampolla à Satolli », Vatican non daté, Archives secrètes du Vatican, DAVS, « Delegazione Apostolica », dossier 2, cité par Ellis John T., Life of Cardinal Gibbons, p. 630.
66 Meeting imaginé au moment de l’Exposition de Chicago par les Églises protestantes l’année précédente. Le révérend John Henry Barrows, presbytérien et chairman du comté, avait écrit au secrétaire d’État Rampolla pour lui demander la bénédiction du Pape et lui avait envoyé un premier rapport qui contenait le nom du cardinal Gibbons, le premier parmi les leaders religieux qui soutenaient l’initiative (ASV, SS, 262 [1896] fascicule 3, 92 ro-vo, « Barrows à Rampolla », Chicago, 17 mars 1892, cité par John T. Ellis dans sa biographie de Gibbons. Un des motifs avancés par Barrows était « la réunion finale de la Chrétienté ». Récapitulatif de l’histoire et de la postérité œcuménique de ce Premier Parlement mondial des Religions par Seiko Sato, « The Theme of Coexistence of Religions in the World’s Parliament of Religions and the Catholic Congress in Chicago, 1893 », The Nazan Review of American Studies, vol. 29, 2007, p. 79-89.
67 Cleary James F., « Catholic Participation in the World’s Parliament of Religions, Chicago, 1893 », in Portier William L. (éd.), The Inculturation of American Catholicism 1820-1900, New York, Garland Publishing, Inc., 1988, p. 380-404.
68 Gibbons James cardinal, « The Needs of Humanity supplied by the Catholic Religion », in Barrows John Henry (éd.), The World’s Parliament of Religions : An Illustrated and Popular Story, Held in Connection with the Columbian Exposition of 1893, Chicago, Chicago Parliament Publishing Co., 1893, p. 485-493.
69 « Gibbons à Rampolla », Baltimore, 27 octobre 1894, Archives secrètes du Vatican, SS, 262 (1896) fascicule 3, 101 n, cité par John T. Ellis dans sa biographie de Gibbons.
70 Selon Regis Ladous, reprenant la thèse de Gerald Fogarty, in The Vatican and the American Hierarchy from 1870 to 1965, Stuggart, 1982, l’interprétation de la liberté religieuse domine les rapports entre catholicisme américain et Saint-Siège depuis cette époque, de « querelles en soumissions, de dialogue de sourds en sentences ex cathedra ». « Les catholiques des États-Unis ont rencontré quelques difficultés à faire comprendre aux autorités romaines l’originalité et la valeur du modèle démocratique américain. Le Saint-Siège s’est souvent conduit comme s’il n’avait cessé de concevoir le libéralisme religieux sur le modèle européen du xixe siècle : fils de la Réforme, père de l’indifférence, grand-père du socialisme », Ladous Régis, « Le christianisme en Amérique du Nord anglophone », in Histoire du christianisme des origines à nos jours, t. XII, Guerres mondiales et totalitarismes (1914-1958), partie IV, chap i, Desclée/Fayard, p. 833-940. La citation p. 910.
71 « Rampolla à Gibbons », Vatican, non daté, Archives archidiocésaines de Baltimore, in Ellis John T., op. cit., t. I, p. 650.
72 Le Saint-Siège condamna les sociétés Old Fellows Knight of Pythias et les Sons of Temperance en 1894. L’encyclique Longinqua oceani du 6 janvier 1895 a été publiée par Ellis John T., op. cit., t. II, p. 499 et suiv. Elle est disponible sur le site internet du Vatican. En ligne : http://www.vatican.va/ holy_father/leo_xiii/encyclicals/documents/hf_l-xiii_enc_06011895_longinqua_en.html (dernière visite 11 novembre 2014). Le commentaire de cette encyclique par Gerald Fogarty dans sa notice, in The Harper Collins Encyclopedia of Catholicism, San Francisco, Harper, 1995.
73 Idem.
74 « Léon XIII à Satolli », Vatican, 18 septembre 1895, Archives Secrètes du Vatican, SS, 280 (1897), fascicule 4, 58 RV, le texte est cité par Cleary James F., « Catholic Participation in the World’s Parliament of Religion… », op. cit., p. 390.
75 Voir Cross Robert D., The Emergence of Liberal Catholicism in America, Cambrigde, Harvard University Press, 1958 ; Mac Avoy Thomas T., The Americanist Heresy in Roman Catholicism, 1895-1900, Notre Dame, (IND) University of Notre Dame Press, 1963, développement d’un article de 1945, « Americanism, Facts and Fiction », in Catholic Historical Review, p. 133-153. Voir les travaux plus récents de Fogarty Gerald, The Vatican and the Americanist Crisis : Denis J. O̕Connell, American Agent in Rome, 1885-1903 ?, Rome, Université Grégorienne, 1974. Sa notice sur l’Americanisme dans The Harper Collins Encyclopedia of Catholicism, San Francisco, Harper, 1995. Voir également de Hertz Solange, The Star-Spangled Heresy : Americanism. How the Catholic Church in America Became the American Catholic Church, Santa Monica, Veritas Press, 1992.
76 Outre le livre déjà cité de Robert Cross, de nombreuses recherches ont été faites sur le Père Hecker, véritable théologien de l’American Catholical Spirit et fondateur d’une congrégation très influente dans le système éducatif américain. Voir Holden Vincent F., The Early Years of Isaac Thomas Hecker (1819-1844), New York, AMS Press, 1974 ; Hecker Isaac Thomas, Questions of the Soul, New York, Arno Press, réédition, 1978 ; The Brownson-Hecker Correspondence, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1979 ; Farina John, An American Experience of God : the Spirituality of Isaac Hecker, New York, Paulist Press, 1981 ; Hecker Studies : Essays on the Thought of Isaac Hecker, New York, Paulist Press, 1983 ; Portier William L., Isaac Hecker and the First Vatican Council, Lewiston (NY), Edwin Mellon Press, 1985 ; Hecker Isaac Thomas, Isaac T. Hecker, the Diary : Romantic Religion in Ante-bellum America, New York, Paulist Press, 1988 ; Kirk Martin J., The Spirituality of Isaac Thomas Hecker : Reconciling the American Character and the Catholic Faith, New York, Garland, 1988 ; O’Brien David J., Isaac Hecker : an American Catholic, New York, Paulist Press, 1992.
77 Launay Marcel, Les catholiques américains, op. cit., p. 108.
78 Storch Neil T., « John Ireland and The Modernist Controversy », Church History, vol. 54, 1985, p. 335-366. Du même auteur « John Ireland’s Americanism after 1899 : The Argument from History », Church History, vol. 51, n° 4, décembre 1982, p. 434-444.
79 Dans son texte « The Mission of Catholics in America », 10 novembre 1889, in Ireland John, The Church and Modern Society, 2 vol., Saint-Paul, Pioneer Press Mfg, 1904-1905, p. 90.
80 Expression de Gleason Philip in The Conservatives Reformers : German-American Catholics and the Social Order, op. cit., p. 29-31.
81 Fogarty Gerald, The Vatican and the Americanist Crisis, op. cit.
82 Spalding Thomas W., Martin John Spalding, op. cit., p. 240-244.
83 Ellis John T. (éd.), Documents, op. cit., II, p. 462-463.
84 Dernière réédition en 2007, Elliot Walter, The Life of Father Hecker, New York, Dodo Press.
85 Fohlen Claude, « Catholicisme américain et catholicisme européen : la convergence de l’américanisme », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1987, vol. 34, p. 215-230. Claude Fohlen fait l’historique de l’américanisme, aux États-Unis, en Europe occidentale et au Canada dans les années 1880 et 1890. Il explique la condamnation de l’américanisme par Léon XIII dans sa Lettre apostolique Testem benevolentiae du 22 janvier 1899 et montre que l’américanisme a uni, dans une sympathie doctrinale et politique des représentants de l’Église américaine, Mgr Ireland en tête, de quelques Églises européennes, et plus spécialement française, des savants et des hommes de lettres catholiques, tous intéressés par leur insertion dans la société de leur temps et curieux de l’expérience américaine.
86 Fogarty Gerald, « Leo XIII and the Church in the United States », op. cit., p. 362-366.
87 L’essai de O’Connell Denis J., in Fogarty Gerald, American Hierarchy, op. cit., p. 153-156. Également in Americanist Crisis, op. cit., p. 319-326.
88 « Turinaz à Steinhuber », Nancy, 24 avril 1898. Archives de la Congrégation de la Foi, abrégée ci-après comme ACDF, Index, Protocolli 1897-1899, p. 17-20, citée par Fogarty Gerald, « Leo XIII and… », op. cit., p. 363
89 Ibid., note 30, p. 364. Votum du 5 mai 1898.
90 Ibid., note 31, p. 364. Votum du 26 mai 1898.
91 Scientifique, enseignant, membre de la Congrégation de la Sainte Croix et un temps président de l’université Notre Dame, il fut l’un des premiers défenseurs catholiques de la théorie de l’évolution biologique. Emporté par la querelle de l’américanisme, alors que son travail ne concernait pas ces questions, il se consacra ensuite à d’autres recherches plus anthropologiques et littéraires. Voir de Appleby R. Scott, « John Zahm and Theistic Evolution », Church History, vol. 56, no 4, 1987, p. 474-490.
92 Éditions V. Retaux, Paris, réédité en 1986 sous microfiche par la Library of Congress de Washington, 506 p. Charles Maignen, (1858-1937), n’a pas que combattu l’américanisme. Contre la tendance démocrate, le Congrès de Bourges de 1900 et les abbés Lemire, Birot, Naudet et Dabry, il publie en 1901 Nationalisme, catholicisme, révolution. Sur le même sujet, en réponse au livre du P. Maumus, La République et la politique de l’Église, il avait rédigé en 1892, la brochure La souveraineté du peuple est une hérésie. Dans Nouveau catholicisme et nouveau clergé, qu’il publie en 1902, il s’attaque au modernisme. Il s’en prend aux articles d’A. Firmin (pseudonyme de l’abbé Loisy) parus dans la Revue du clergé français. Dans La Vérité, puis La Vérité française, hostile au Ralliement, organe né d’une scission dans la rédaction de L’Univers, en 1893, et qu’il a contribué à fonder avec Élise Veuillot, il multiplie les articles. En 1903, il y dénonce les ouvrages de Loisy, L’Évangile et l’Église et Autour d’un petit livre. Le premier « détruit l’édifice catholique tout entier, depuis les fondements jusqu’au faîte, sans en respecter aucune partie et menace la foi des simples ». Charles Maignen estime que « l’esprit nouveau inspire chaque jour des témérités plus grandes à ceux qui ont entrepris de rajeunir l’Église en la réconciliant avec le siècle », et il réclame des « exécutions nécessaires » et des « mesures suprêmes ». Le second prouve le dualisme intellectuel de Loisy, et Maignen montre l’étendue des ravages accomplis déjà dans l’Église. Pour lui, tous les novateurs ont partie liée, « depuis les Annales de philosophie chrétienne jusqu’au Sillon en passant par la Justice sociale… ». Il attaque aussi Blondel dont le système, dit-il, « altère ou plutôt détruit la notion du miracle, d’accord avec l’exégèse de M. Loisy qui vient lui prêter appui et en doubler le danger ». Charles Maignen ne cessera plus de pourfendre le « nouveau catholicisme » : par-là, il désignait tous les courants qui dérivaient du catholicisme libéral.
93 Archives du rapport de Lepidi et de l’entretien de Léon XIII avec Steinhuber citées par Fogarty Gerald, « Leo XIII and… », op. cit., p. 366.
94 Sur le sujet voir de Gerald Fogarty, sa notice sur Testem Benevolentiae, in The Harper Collins Encyclopedia of Catholicism, San Francisco, Harper, 1995 et également « Reflections on the Centennial of Testem Benevolentiae », U.S. Catholic Historian, 17, Winter 1999, p. 1-12. Testem Benevolentiae est éditée in Ellis John T., Documents, op. cit., t. II, p. 541-542.
95 Storch Neil T., « John Ireland’s Americanism after 1899 : The Argument from History », Church History, vol. 51, n° 4, décembre 1982, p. 434-444. Ireland justifiera sa position politico-juridique jusqu’à sa mort et refusera toute correlation de l’american way of citizenship d’avec une déviance doctrinale touchant l’action de l’Esprit saint. Cf. son texte « Catholicism and Americanism », in Catholic Mind, 1913, p. 237-256.
96 Miecislaus Ledochowski (1822-1902), auparavant archevêque de Gniesen et Posen. En 1870, Pie IX lui demande d’aller à Versailles et d’utiliser ses accointances avec le gouvernement prussien pour convaincre Bismarck de restaurer les États pontificaux. Emprisonné durant le Kulturkampf en 1874, il fut fait cardinal en 1875. En janvier 1892, en remerciements pour sa lutte en faveur de l’identité catholique dans l’Empire allemand, il devint préfet de la Propagande.
97 « Rampolla à Ledochowski », Rome, 28 décembre 1892 (brouillon), Archives secrètes du Vatican, SS 280 (1897) p1, 141er-v, cité in Ellis John T., The Life of cardinal Gibbons, op. cit., p. 629.
98 Sur le fonctionnement de la Curie romaine à l’époque de Léon XIII, voir de Jankowiac François, « La curie romaine au temps de Léon XIII. Hommes et structures d’un gouvernement sans États », in Viane Vincent (dir.), The Papacy and the New Order. Vatican Diplomacy, catholic opinion and International Politics at the Time of Leo XIII, 1878-1903, Louvain, Leuven University Press, 2005, p. 69-101. Du même auteur, La Curie romaine de Pie IX à Pie X. Le gouvernement central de l’Église et la fin des États pontificaux (1846-1914), Rome, École française de Rome, 2007, 857 p.
99 « Rampolla à Satolli », Vatican non daté, Archives secrètes du Vatican, DAVS, « Delegazione Apostolica », dossier 2, cité par Ellis John T., Life of Cardinal Gibbons, op. cit., p. 630.
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