L’autorité religieuse à Byzance
p. 35-48
Texte intégral
1Gilbert Dagron (1932-2015). In memoriam.
2La question de l’autorité religieuse à Byzance ne saurait être résumée en un article, pour une raison simple : dans l’histoire religieuse de l’orthodoxie, c’est en quelque sorte une thématique transversale qui croise sans cesse toutes les autres, et faire une histoire authentique de l’autorité religieuse à Byzance reviendrait à faire une histoire religieuse exhaustive de Byzance, dont il n’est bien entendu pas question ici. À défaut, nous tâcherons de présenter ici quelques considérations phénoménologiques en pointant des différences significatives entre Orient et Occident, puis nous élaborerons une esquisse à partir de plusieurs publications de G. Dagron, certes déjà bien connues du public scientifique, mais dont la portée sur certains points n’apparaît bien qu’en les rapprochant : leur complexité indéniable reproduit en fait celle de l’objet Byzance, rebelle à toute systématisation, compromis permanent et mouvant entre diverses tendances, qui a de quoi dérouter l’historien moderne1. Le présent article ne prétend bien sûr pas reproduire fidèlement la complexité de l’histoire religieuse orthodoxe, mais simplement faire voir certains de ses aspects spécifiques, au risque de la simplification idéaltypique. Il est commode d’utiliser au moins comme métaphores les qualificatifs de la théorie politique antique : monarchique, oligarchique et démocratique.
3Ma première visite d’un monastère orthodoxe se fit en Serbie en 1978, à Gracanica, superbe monastère d’époque paléologue, mais mon attention eut du mal à se concentrer sur le monument (pour lequel j’étais pourtant venu) à cause de la liturgie des Heures qui s’y déroulait : des moniales entraient et sortaient dans un désordre manifeste, des fidèles aussi, et plusieurs des chantres accumulaient les fausses notes ou étaient clairement décalés. Quand on connaît la liturgie correspondante des monastères occidentaux où toute la communauté entre dans le chœur en rangs et reste tout le temps du service, et où la moindre fausse note entraîne une génuflexion pour demander pardon à l’abbé, le dépaysement est total. Bien entendu, c’est que les normes et les attentes des uns et des autres sont différentes : les diaconies (tâches) individuelles peuvent l’emporter sur la liturgie, et surtout la liturgie commune n’a pas dans la vie monastique la valeur essentielle qu’elle a en Occident ; chanter faux est souvent non une faute, mais un signe d’humilité. Le même phénomène se retrouve dans la liturgie courante avec les laïcs : le fait que les fidèles entrent et sortent à tout moment, n’assistent qu’à certains moments qu’ils jugent essentiels, ou tiennent pendant la prière eucharistique des conversations bien audibles sur la situation politique ou le niveau des loyers ne doit pas être compris comme un manque de respect, mais comme un agencement différent des valeurs essentielles ; alors qu’en Occident, surtout depuis le concile de Trente, la liturgie est un tout obligatoire imposé aux laïcs qui suivent assez passivement mais sont censés participer attentivement d’un bout à l’autre, en Orient c’est un moment important dont les laïcs délèguent tacitement l’essentiel aux professionnels que sont les clercs, et auxquels ils marquent néanmoins leur adhésion réelle par une assistance souvent très partielle. L’impression d’aimable anarchie et de bonhomie que donnent souvent les cérémonies orthodoxes aux visiteurs catholiques correspond bien à une certaine réalité, mais ne doit pas masquer qu’il y a bel et bien des règles et des rapports d’autorité, simplement organisés de façon différente. La différence entre catholicisme et orthodoxie relève de ce fait souvent plus d’un vécu différent que d’une différence proprement théologique.
4La question de l’autorité en pose implicitement deux autres : qu’est-ce qui fait autorité ou confère l’autorité ? Qui fait autorité ou incarne l’autorité ? Pour simplifier, énonçons d’emblée la thèse que nous allons essayer de corroborer ensuite : par rapport à l’Occident, l’autorité religieuse dans l’Orient chrétien est bien plus fragmentée et diverse, repose sur des sources bien plus variées, plus souvent liées au monachisme, et ne « fonctionne » pas d’une manière juridique, claire et univoque – et cette différence est antérieure à la réforme grégorienne de la papauté, qui va accentuer la tendance occidentale à modeler les rapports d’autorité sur un modèle pyramidal et juridique. L’orthodoxie qui se proclame volontiers unanime contient en réalité des désaccords forts qui sont plus dissimulés qu’abordés et résolus. Ce morcellement factuel de l’autorité aboutit dans les faits à un blocage mutuel, qui est sans doute un des facteurs décisifs de l’immobilisme théologique et spirituel apparent du monde orthodoxe depuis des siècles, du moins par comparaison avec catholiques et protestants.
5Au départ, le système de distribution de l’autorité est relativement clair et commun à l’Orient et à l’Occident, reposant sur ce qu’on appelle couramment la monarchie épiscopale : au plus tard vers 200 apr. J.-C.(ou plus tôt, selon que l’on considère les épîtres d’Ignace d’Antioche comme authentiques ou non), un évêque unique est la seule vraie source d’autorité dans chaque communauté chrétienne, dont le ressort correspond à celui d’une cité de l’Empire romain ; c’est à l’évêque qu’on reconnaît la succession apostolique et donc le droit d’administrer les sacrements (baptême, eucharistie et remise des péchés) et d’ordonner des clercs (prêtres et diacres) qui pourront le faire à sa place par délégation : les clercs ont de fait un monopole du sacré, et les débats sur le droit ecclésiastique et sur le dogme se traitent en synodes et conciles où seuls les évêques votent et décident. Théoriquement, dans un diocèse, aucun acte religieux important, sacrement ou prédication, ne se fait sans l’aval de l’évêque, qui détient donc toute l’autorité. Très vite après la Paix de l’Église, qui permet aux différentes Églises locales de mieux communiquer et donc de débattre et de s’organiser entre elles dès le concile de Nicée en 325, il apparaît que certains évêques sont plus égaux que d’autres, les sièges de Rome et d’Alexandrie étant sans doute les premiers à obtenir, pour des raisons différentes, une subordination effective de plusieurs autres évêchés – même si cette subordination est très modérée, excluant théoriquement toute intervention de l’évêque supérieur dans la marche normale des affaires internes du diocèse inférieur, sauf litige porté devant sa juridiction. On aurait pu croire que l’évolution naturelle aboutirait en Orient comme en Occident à une structure pyramidale avec une subordination réelle des diocèses suffragants, mais ce ne fut pas le cas en raison de différents facteurs à plusieurs niveaux de la chaîne hiérarchique.
6Tout d’abord, la situation de l’Orient chrétien était structurellement très différente de celle de l’Occident : alors qu’aucun évêché local d’Occident ne pouvait contester sérieusement la primauté romaine, dès le départ en Orient les deux grands sièges d’Antioche et d’Alexandrie étaient approximativement de poids égal, et bientôt vinrent s’y ajouter le siège de Constantinople, capitale impériale dès 330, dont l’importance ne cessa d’augmenter, et celui de Jérusalem, proclamé patriarcat autonome en 451 au concile de Chalcédoine qui reconnaît en même temps l’égalité de rang entre Rome et la nouvelle Rome, Constantinople. Dès ce moment les grandes lignes sont fixées, et l’apparition vers cette époque du terme de « patriarche » pour désigner les titulaires des cinq plus grands sièges confirme que les contemporains avaient bien conscience de leur caractère dominant : en dessous d’eux, une hiérarchie de métropolites/archevêques, puis de simples évêques, assure un maillage complet du territoire de l’Empire chrétien. On en tirera par la suite la notion de « pentarchie », gouvernement quintuple, mais cette appellation chère aux orthodoxes (où Rome n’est qu’un des cinq pôles, malgré sa primauté d’honneur) dissimule mal la réalité : cela n’a jamais été un système, mais le résultat pragmatique et mouvant d’un équilibre des forces sans cesse modifié. Les invasions arabes du viie siècle simplifieront progressivement la situation en réduisant progressivement Alexandrie, Antioche et Jérusalem au statut de simples comparses, mais les habitudes déjà prises vont être renforcées par d’autres facteurs.
7Par conséquent, l’Orient est plus divisé et conflictuel que l’Occident : les grandes « hérésies » christologiques qui suscitent les conciles œcuméniques naissent toutes en Orient, et les dépositions de hiérarques au sommet ne concernent que l’Orient, soumis à un jeu complexe d’alliances mouvantes que Ph. Blaudeau a joliment résumé sous le nom de géoecclésiologie2. Par exemple, au siège de Constantinople, c’est successivement Jean Chrysostome en 403 et Nestorius en 431 qui sont déposés face à des alliances similaires entre le patriarche d’Alexandrie du moment, les moines de Constantinople et la complaisance impériale, et encore en 680 le concile de Constantinople qui met fin au monothélisme entraîne la condamnation rétrospective de plusieurs patriarches de Constantinople. L’Orient chrétien a une longue habitude de remise en question des sommets de la hiérarchie, dont on ne rencontre l’équivalent en Occident que dans le donatisme des ive et ve siècles en Afrique du Nord, puis dans le Grand schisme d’Occident. Le résultat est très concret, même en cas de simple schisme comme sous Acace de Constantinople au ve siècle : les fidèles peuvent rester des années sans communier et sans baptiser leurs enfants parce qu’ils doutent de l’orthodoxie de leur évêque et donc des clercs qu’il a ordonnés – or, des sacrements de clercs non orthodoxes sont nuls, et les accepter est souvent vu comme un péché grave. Dans l’histoire de l’Église byzantine, on ne peut qu’être frappé de la répétition de dépositions collectives de clercs suite à une hérésie ou un schisme : bien après les grandes querelles christologiques, les deux épisodes iconoclastes des viiie et ixe siècles se terminent chacun par une déposition de nombreux clercs (même si les deux patriarches iconodoules qui ont dû affronter ces crises ont visiblement essayé de réduire les dégâts) ; puis c’est la querelle entre Photius et Ignace qui entraîne un certain temps la déposition de tout le clergé « photien » ; au début du xe siècle, la crise de la Tétragamie entraîne la déposition du patriarche Nicolas Mystikos au profit d’Euthyme, mais son retour sur le siège va entraîner celle du clergé « euthymien ». Le Tome d’Union promulgué en 920 essaie de prévenir ces mécanismes de cercle vicieux dont les contemporains avaient conscience, mais avec plus ou moins de succès : la facilité avec laquelle les empereurs recourent à la déposition du patriarche pour résoudre une crise en engendre d’habitude une nouvelle, comme dans le cas du patriarche Athanase au xive siècle.
8La relative fragilité de la position patriarcale, à cause de ces empiétements impériaux, a abouti à la constitution de facto d’un groupe puissant de métropolites, l’échelon hiérarchique immédiatement inférieur ; ce groupe a fréquemment l’occasion de se réunir à Constantinople à partir du xe siècle dans le cadre du synode permanent, traduction habituelle de l’expression synodos endèmousa qui signifie plutôt le synode résident (l’ensemble des évêques résidant à la capitale à un moment donné3). Pour les décisions canoniques importantes, l’usage s’est en effet vite établi que le patriarche s’entoure des évêques présents pour constituer un synode ; or, si la plupart des évêques sont fort désireux de venir à la capitale où tout est centralisé, seuls les métropolites et archevêques ont le droit de s’y rendre sans demander d’autorisation, tandis que les simples évêques doivent la demander justement à leur métropolite. Le résultat est une sorte de « Parlement » informel de l’Église qui crée peu à peu une jurisprudence et surtout s’assure une forte influence et un esprit de corps marqué. Lors de la crise de la Tétragamie, Nicolas Mystikos interdisant à l’empereur Léon VI (qui projette un quatrième mariage avec sa concubine) l’entrée de la cathédrale Sainte-Sophie s’excuse assez platement auprès de lui en disant que les métropolites ne lui laissent pas d’autre choix – que ce soit la vraie raison et qu’il l’ait dit ou non est à la limite indifférent, il est clair que pour une source très proche des faits c’était une explication très plausible. Ce synode inclut aussi des clercs au service du patriarcat, en particulier les chartophylax (archivistes) indispensables pour dépouiller les archives patriarcales dans les cas canoniques difficiles, et ces clercs finissent par jouer un rôle important dans ce synode, en particulier à partir de l’époque comnène : en cas d’absence du patriarche, c’est désormais le grand chartophylax (pourtant simple diacre !) qui préside désormais ce synode d’évêques. Le résultat global rappelle des systèmes oligarchiques familiers aux historiens, comme Venise ou la République romaine finissante : le pouvoir réel est aux mains d’un groupe humain réduit, lié directement ou indirectement à des familles aristocratiques, séparé en factions qui s’épient mutuellement dans une concurrence vive et en arrivent à bloquer toutes les initiatives et le pouvoir central théoriquement dominant ; cela aboutit à figer les situations, sauf en cas de contrainte extérieure forte. Le patriarche de Constantinople, malgré un pouvoir réel, est plus proche du doge de Venise sans cesse sous contrôle que du pape qui, au moins depuis la constitution des États pontificaux, est d’un côté à peu près à l’abri d’interventions directes des pouvoirs séculiers et de l’autre nettement supérieur aux évêques occidentaux, fragmentés en épiscopats de nations diverses aux intérêts différents et incapables de constituer un groupe de pression analogue à celui des métropolites byzantins. L’innovation vient donc d’ailleurs, en particulier du pouvoir impérial : Paul Magdalino a démontré qu’à la fin du xie siècle, au moment où l’Église latine est en pleine réforme de sa propre initiative, c’est l’empereur Alexis Comnène qui impose à l’Église byzantine une réforme dont elle n’est pas vraiment capable par elle-même4. Mais le pouvoir impérial étant par nature soucieux de contrôle, cela aboutit à réprimer les initiatives intellectuelles de cette pré-Renaissance du xiie siècle, synchrone de celle de l’Occident mais stérilisée5.
9Si l’on quitte le haut de la hiérarchie pour redescendre à des niveaux plus modestes, mais plus représentatifs, nous retrouvons la question de la médiation du sacré : qui l’assure aux laïcs et comment ? Une histoire édifiante rapportée par Anastase le Sinaïte vers la fin du viie siècle met en scène un riche dévot rendant visite à l’établissement monastique ancien et illustre de Raïthou au Sinaï, et offrant à chaque moine une pièce d’or (à peu près le sixième du salaire annuel d’un travailleur manuel de l’époque) ; un des ermites a, la nuit suivante, un rêve où un être étonnant (un ange) lui donne une faucille et lui montre un grand champ de broussailles épineuses (les péchés du dévot) qu’il doit défricher, puisqu’il a touché l’argent pour cela ; le jour venu, l’ermite rend la pièce au dévot, en expliquant qu’il ne se sent pas la force d’expier les péchés d’autrui en plus des siens6. Comme d’habitude, l’histoire édifiante est un apologue destiné à faire comprendre un point de morale ou de spiritualité ; ici, elle signifie que le moine qui accepte l’aumône d’un laïc ou le reçoit en confession endosse en quelque sorte les péchés du laïc et doit les purger par ses mérites propres ; donc, comme bien des sources le confirment, ce n’est pas n’importe quel clerc délégué par l’évêque qui peut exercer le pouvoir apostolique de lier et délier, de pardonner les péchés, comme c’est le cas en Occident où la transmission de ce pouvoir est pensée sur l’analogie d’une délégation juridique de compétences. Sans vouloir prétendre que le binôme charisme/institution de Max Weber permette de décrire complètement l’histoire religieuse, il est clair que l’Église latine a très tôt tendu à s’autodéfinir comme un système juridique et donc penche du côté de l’institution qui fonctionne quelles que soient les personnes qui l’incarnent, tandis que Byzance, réticente à une définition fonctionnelle de l’Église, reste attachée à une dimension plus charismatique, où le mérite spirituel des individus concrets est indispensable. L’exception donatiste en Occident est révélatrice : en un sens, les confesseurs donatistes prétendent avoir par leurs mérites individuels plus de droit à incarner l’Église que les clercs lapsi, défaillants pendant la persécution, réintégrés par la hiérarchie ; la réflexion sur cette contestation conduira des théologiens comme saint Augustin à valider cette nécessité de l’institution par-delà les défaillances individuelles. Bien entendu, dans la réalité l’Église byzantine est institutionnalisée, mais tout se passe comme si la société byzantine ne pouvait renoncer à l’idéal d’une coïncidence merveilleuse entre rôle institutionnel et charisme individuel. Cette exigence est logique pour une Église qui se reconnaît habituellement dans la description de la Hiérarchie ecclésiastique du Pseudo-Denys l’Aréopagite : sur un modèle platonicien, cette hiérarchie est pensée comme une diffusion de charismes de haut en bas, et non de compétences normées7. Cet aspect très individuel et charismatique de l’autorité religieuse se retrouve dans la procédure d’excommunication : lancée par n’importe quel clerc, y compris un simple prêtre de village8, elle est strictement personnelle relativement à son auteur – dans la conception commune, seul l’auteur de l’excommunication peut la lever, il est inutile de faire appel, comme en Occident, à une instance supérieure qui serait impuissante. Un exemple historique célèbre est le repentir de l’empereur Léon VI : pour vaincre les résistances des évêques au quatrième mariage qu’il avait contracté, il dépose le patriarche Nicolas Mystikos et le remplace par Euthyme ; mais quelques années plus tard, à l’approche de la mort, il dépose Euthyme et réintronise Nicolas pour obtenir la levée de l’excommunication lancée par celui-ci9 : en Occident, un souverain dans ce cas se serait tout simplement tourné vers le pape en fonction pour obtenir cette levée.
10Que faire quand la hiérarchie réelle ne paraît pas vraiment charismatique ? Dès la haute époque byzantine, la recherche de la perfection évangélique dans l’ascétisme a conduit plusieurs courants monastiques à émettre des prétentions difficilement imaginables en Occident, comme celles des messaliens ou euchites pour qui la perfection des ascètes accomplis leur conférait un second baptême, celui de l’Esprit et non de l’eau, qui les plaçait de facto au-dessus de l’humanité chrétienne normale et de la hiérarchie cléricale avec ses sacrements10 ; on pourrait croire à des exagérations d’hérésiologues s’il n’y avait des sources comme le Livre des degrés11 qui confirment l’existence de la catégorie des « parfaits » et les très fréquentes assimilations de la prise d’habit à un second baptême (mais dans un sens moins ambitieux : on croit que la prise d’habit vaut pardon des péchés antérieurs). L’apparition très précoce du monachisme va conduire peu à peu la société byzantine à chercher les manifestations réelles du charisme et de la sainteté quasi exclusivement du côté des moines, pour plusieurs raisons.
11Tout d’abord, une différence bien connue de statut entre clergé latin et clergé oriental se fait jour très tôt : l’Occident va imposer le célibat aux prêtres tandis que Byzance posera comme usage que les prêtres et diacres se marient, laissant le célibat obligatoire aux seuls évêques et moines ; le constat est là au plus tard au concile in Trullo de 691-692, à Constantinople, qui note la différence avec les Latins – qu’il blâme. Or, dans l’Orient chrétien, si la sexualité dans le mariage n’est pas un péché, elle implique un manque de perfection qui exclut la sainteté, le vrai charisme ; anthropologiquement, la masse des clercs à Byzance est du côté des laïcs face aux moines, seuls vrais professionnels de la sainteté, à qui leur ascèse est censée procurer le charisme. Bien sûr, en théorie les clercs du bèma (du sanctuaire, à partir du sous-diacre) devraient être purs comme le feu pour célébrer la synaxe, pour reprendre les termes d’un commentaire de la liturgie attribué à Germain de Constantinople, peut-être en réalité d’origine iconoclaste12, et cela fait écho à bien des visions miraculeuses de l’hagiographie où un témoin voit le saint homme tel qu’il est vraiment, environné d’un feu étincelant qui est un dérivé de la shekinah de Dieu dans la Bible. Mais la réalité byzantine est mieux appréhendée par une histoire édifiante du Pré Spirituel rédigé au début du viie siècle : suite à une vision, le pape ordonne à un évêque qu’il soupçonnait de péché grave de célébrer la synaxe devant lui ; bien entendu, l’évêque est en réalité un saint accusé à tort ; il entame donc l’anaphore eucharistique (équivalent de l’épiclèse qui appelle l’Esprit saint sur le pain et le vin), la termine et recommence trois fois sans enchaîner sur la consécration ; le pape s’étonnant de cette liturgie curieuse, le saint évêque explique naïvement que, contrairement à son habitude, il n’a pas vu le feu de l’Esprit envelopper les espèces eucharistiques (les autres assistants, n’ayant pas sa sainteté – y compris le pape –, ne pouvaient remarquer cette absence) et en a donc déduit qu’il fallait recommencer jusqu’à ce que Dieu agrée le sacrifice ; mais il demande discrètement au pape d’écarter de l’autel un diacre qu’il soupçonne d’impureté, et l’anaphore suivante est la bonne13. La tension est évidente : idéalement, le célébrant devrait être d’une sainteté parfaite, comme cet évêque – mais justement, tous ne le sont pas, comme le diacre –, et une liturgie célébrée régulièrement peut-être « invalide » par l’indignité d’un seul des assistants, tellement l’efficacité sacramentelle est considérée comme corollaire de la sainteté personnelle14. Les conséquences se lisent dans le sanctoral : la masse des saints est constituée par les martyrs de l’époque païenne, mais les nouveaux saints qui apparaissent ne sont presque jamais des laïcs (sauf martyre), rarement des évêques, et de plus en plus des moines et des ascètes. Ce sanctoral évolue d’ailleurs sans une procédure de canonisation aussi rigoureuse qu’en Occident où elle est contrôlée par la papauté et les évêques : un homme peut être considéré comme saint de son vivant, comme Syméon Stylite l’Ancien au ve siècle, sans la moindre décision officielle d’évêques, et encore au xe siècle le culte étonnant qu’instaure Syméon le Nouveau Théologien en faveur de son père spirituel est contenu dans certaines limites par le patriarcat, mais pas interdit à proprement parler. En effet, le patriarcat n’exerce pas un vrai monopole sur la « fabrique des saints » dans laquelle il prend assez peu d’initiatives ; le Synaxaire de Constantinople est mis par écrit par un diacre au xe siècle sur la commande de l’empereur Constantin VII, et non du patriarche ; en général, le monde orthodoxe a du mal à envisager un contrôle et une norme de la sainteté, conçue comme imprévisible par définition, et une tradition spirituelle comme celle du salos, le saint mimant la folie, est là pour l’attester15. En revanche, l’obéissance aveugle à un père spirituel charismatique, jusqu’à l’absurde, est hautement prisée dans toute une tradition monastique, comme on le voit chez Jean Climaque au viie siècle.
12Or, nous l’avons vu, la confession et la direction de conscience sont conçues de telle manière qu’il faut trouver un saint homme et pas seulement un clerc appointé par l’évêque. Les moines vont peu à peu s’imposer comme confesseurs, même lorsqu’ils ne sont pas ordonnés prêtres ; les Questions et réponses d’Anastase le Sinaïte conseillent au laïc qui cherche un bon confesseur de trouver un spirituel (pneumatikos) et de s’y tenir, et l’on devine en filigrane qu’il importe peu qu’il soit prêtre – une condition laissée sous silence, malgré les prescriptions canoniques parfaitement explicites16. Vers l’an mil, le célèbre moine et mystique Syméon le Nouveau Théologien expose avec aplomb dans un de ses traités qu’il est vrai que, à l’origine, le pouvoir de lier et délier revenait aux seuls évêques, et par eux à leurs clercs ; mais comme les évêques ont en général démérité, ce pouvoir lié à l’inspiration de l’Esprit saint est passé de facto aux rares clercs encore méritants et surtout aux moines qui ont su rester saints – un processus officieux qu’on ne trouvera bien entendu dans aucune décision canonique17. On comprendra mieux ces prétentions en lisant des passages du Traité éthique de Syméon : « Me voici encore une fois aux prises avec ceux qui disent avoir l’Esprit de Dieu… qui admettent n’avoir absolument rien ressenti au baptême… qui affirment n’en avoir jamais eu la sensation dans une contemplation ou une révélation, et qui ont reçu cela uniquement de la foi et du raisonnement, non de l’expérience18. » La légitimation de l’autorité du moine inspiré est posée comme absolue, contrairement à celle des clercs qui peuvent déchoir : l’inspiré est tout simplement infaillible, puisque c’est l’Esprit qui parle en lui. Presque deux siècles plus tard, le canoniste Balsamon commentant le canon qui réserve le pouvoir de lier et délier aux évêques et à leurs clercs confirme que c’est bien toujours la norme théorique, mais que dans la pratique, seuls les moines confessent.
13Or, fondamentalement les moines ne sont pas des clercs à Byzance, et l’expression de « clergé régulier », banale en Occident, n’a pas de pertinence ici : ce sont au départ de simples laïcs qui s’engagent à titre privé dans l’ascèse en inventant peu à peu leurs pratiques et leurs normes, et aux premiers siècles ils hésitent fortement à se faire ordonner clercs, ce qui les mettrait sous la dépendance canonique de l’évêque du lieu. Leur nombre croissant et leur importance dans la société ont conduit le synode de Chalcédoine en 451 à les subordonner au contrôle de l’évêque qui en retour doit veiller à ce que les monastères ne périclitent pas, mais cette subordination est relativement légère jusqu’aux novelles (constitutions nouvelles) de Justinien au vie siècle, qui la renforce et essaie d’imposer le cénobitisme comme norme quasi exclusive. Le monastère reste néanmoins propriété privée, sauf lorsqu’il a été fondé par un évêque ou un empereur, et reste souvent la propriété de la famille du fondateur jusqu’à l’apparition assez tardive du statut de monastère autodespote (maître de soi) qui fait du monastère une personne morale. Il n’y a pas d’ordre religieux, chaque monastère est indépendant et fixe sa propre règle – ce qui n’empêche pas la transmission d’usages et de modèles de l’un à l’autre. Bref, le monachisme byzantin se caractérise par une certaine anarchie, un foisonnement d’initiatives d’individus ou de petits groupes dans le cadre d’une tradition souple, qu’on manipule aisément. Dans la pratique, c’est là encore une prolifération d’instances d’autorité de nature diverse. Beaucoup de communautés monastiques primitives sont plutôt des regroupements informels d’ascètes expérimentés (appelés gérôn, vieillard), qui ont chacun un ou plusieurs disciples et résident dans de petits ermitages séparés à faible distance, se retrouvent pour la liturgie du dimanche et règlent les éventuels débats par un conseil informel des anciens – donc un système oligarchique au mérite ; un exemple célèbre est le site des Kellia en Égypte, qui est à l’origine des fameux Apophtegmes des Pères du Désert. Mais il existait en parallèle des monastères cénobitiques, et la tendance de la haute époque a souvent été (au moins en théorie) de renforcer le pouvoir de l’higoumène de ces monastères, quasi-monarque à en croire divers textes, par exemple sur le monachisme pachomien en Égypte. C’est le modèle que préconise Justinien, c’est aussi ce que Théodore Stoudite essaie d’imposer dans son grand monastère de Stoudios au début du ixe siècle, comme le montrent ses nombreuses catéchèses, un document exceptionnel : l’abbé veut contrôler tout et imposer une égalité réelle entre tous les moines, d’origines sociales très variées19. Cet idéal à la fois « démocratique » et monarchique trouve sa source dans les textes patristiques, en particulier ceux de Basile de Césarée, mais a du mal à se maintenir dans le monde médiéval : dans la pratique, les monastères byzantins sont régis non par l’abbé seul, mais par un groupe de prokritoi (distingués) qui occupent les fonctions les plus importantes autour de l’abbé, et les satires contre les moines au xiie siècle attestent d’importantes inégalités de traitement entre moines ; le droit d’entrée, apotagè (trois livres d’or au Stoudios pour Syméon le Nouveau Théologien au xe siècle), prouve bien que le monastère peut souvent fonctionner comme un club privé pour personnes fortunées, où les candidats plus pauvres ne sont admis qu’à condition d’accepter les corvées et un statut inférieur ; des higoumènes voulant restaurer l’autorité exclusive de leur fonction, tel Lazare du Galésion au xiie siècle, se heurtent à des usages trop établis pour être éliminés20. Le lieu de l’autorité et ses porteurs concrets sont ainsi pris dans une double oscillation entre charisme et institution, « démocratie » sous un pouvoir fort de l’abbé ou oligarchie des moines plus avancés dans la carrière ascétique ou dans la hiérarchie sociale21. Là encore, les structures réelles deviennent foncièrement oligarchiques au cours du Moyen Âge et débouchent naturellement sur l’idiorythmie des monastères des temps modernes22.
14Par ailleurs, le refus du juridisme fait que l’Église byzantine ne construit pas une casuistique et un système d’argumentation canonique comme en Occident : lorsque l’on constate un conflit entre des normes, la tendance est de l’esquiver ou d’élaborer un compromis ad hoc et non une solution argumentée qui ferait jurisprudence par la suite, comme l’a bien montré G. Dagron23. Byzance ignore donc le cas d’espèce sur lequel on argumente en Occident pour trancher le litige : elle recourt à l’oikonomia, en fait « l’économie », la dérogation par charité, qui ne touche à aucune norme et ne règle aucun conflit entre elles24. L’économie dont il s’agit est dans son principe l’économie du salut, qui conduit à l’Incarnation par la compassion divine ; de même, un supérieur peut renoncer à appliquer un canon par compassion envers les personnes impliquées, ce qui ne manqua pas de susciter des protestations d’autres clercs criant au laxisme. En effet, l’économie est octroyée en vertu de l’autorité personnelle de celui qui y procède, un peu comme dans la confession la remise des péchés puise sur le crédit personnel de mérites du confesseur : chaque cas reste donc irrémédiablement singulier, tandis que le cas d’espèce débouche en Occident sur une nouvelle règle générale. De même, Byzance ne développe pas la culture de la disputation théologique, de modèle juridique, telle que les clercs occidentaux vont la pratiquer : l’usage réel des normes reste donc dans un certain flou, contraire à toute systématisation.
15Enfin, l’autorité ne s’exerce que dans un cadre aussi politique que religieux, et à Byzance le rapport de l’Église avec le pouvoir politique est complexe et malaisé. Le pape Gélase avait pu affirmer dans une lettre célèbre à l’empereur Anastase en 494 que le monde était régi essentiellement par l’autorité (auctoritas) des pontifes et le pouvoir (potestas) des souverains, afin d’empêcher tout empiétement impérial sur les affaires ecclésiastiques25 : pour un Occidental, la distinction des deux pouvait paraître évidente, il est permis de douter qu’elle l’ait été pour Anastase malgré l’usage commun du droit romain en Orient et en Occident – tout simplement parce que l’empereur détient l’auctoritas par excellence qui lui permet de légiférer et donc de modifier les normes dans lesquelles s’exerce sa potestas. L’évidence, c’est l’absence de potestas du pouvoir religieux, dont Gélase souligne par contrecoup l’auctoritas, comme par compensation ; cela fait sens dans le royaume ostrogoth, où l’autorité religieuse du pape s’étend de façon évidente au-delà du royaume d’Italie et de la potestas du roi, mais c’est moins évident à Byzance où le ressort du patriarche de Constantinople ne couvre d’abord qu’une partie assez restreinte de l’Empire, puis devient en pratique quasi identique à celui-ci après les invasions arabes. De plus, l’Empire byzantin se conçoit toujours comme potentiellement universel, ce que n’osera aucun royaume d’Occident : l’empereur reste en théorie défenseur de tous les chrétiens, et garde une dimension religieuse d’élu de Dieu à la suite de Constantin, comme l’a bien montré G. Dagron26 ; la puissance du patriarche de Constantinople est limitée non seulement par l’extension territoriale du pouvoir impérial, mais encore par la nature religieuse de celui-ci. Toute une série de textes et d’événements montre qu’il y a dans l’Église byzantine, par réaction, une forme de fascination pour le modèle romain d’une Église vraiment indépendante du pouvoir politique ou le surplombant : l’Epanagogè du recueil juridique des Basiliques au ixe siècle, sans doute due à Photius, qui présente le patriarche dans le rôle de véritable directeur de l’Empire27, la Vie grecque de saint Ambroise dont la fonction essentielle est de mettre en scène l’humiliation de l’empereur Théodose devant Ambroise qui lui impose une pénitence publique28, ou encore le patriarche Michel Cérulaire au xie siècle qui mit des chaussures pourpres pour signifier non une aspiration à un pouvoir impérial, mais l’égalité avec le pape de Rome qui avait récupéré l’usage d’insignes impériaux29 ; cette tendance, renforcée par l’abaissement du prestige impérial dans la crise de la Tétragamie, restera cependant minoritaire30. L’autre conséquence de la coextension territoriale entre empire et patriarcat est qu’il devient difficile de penser une Église supranationale : dès le ixe siècle, il paraît naturel d’accorder aux Bulgares convertis une Église autocéphale, et le processus se reproduira, créant une série d’Églises nationales autonomes parfois érigées en patriarcats ; de ce fait, les tentations nationalistes sont presque structurelles dans bien des Églises orthodoxes, et la connivence entre Église et État a longtemps été très forte. Or, ces conditions ne favorisent pas l’émergence d’une autorité religieuse autonome : les Églises nationales orthodoxes sont ainsi comme immanentes à l’entité politique et à la société humaine qui les entoure, alors que le catholicisme pousse ses Églises nationales à affirmer au moins tendanciellement une forme de « transcendance », d’altérité à leur environnement direct. Là encore, le résultat est un certain flou sur l’autorité religieuse, plus vécue comme l’émanation des valeurs du groupe social que comme une norme externe objectivée. Enfin, comme on le sait, le choc de la rencontre avec la théologie scolastique occidentale aboutira de façon typique au xive siècle à la victoire du mouvement palamite, fondamentalement d’inspiration à la fois mystique et monastique : à partir de là, les Églises orthodoxes en quête d’autorité se tournent résolument vers les monastères où elles recrutent la plupart de leurs évêques.
16Il y a donc de l’autorité dans le monde orthodoxe, mais pas de système de l’autorité ; pas non plus de révolution malgré bien des crises, parce que les résolutions de ces crises sont ad hoc et même parfois ad hominem, et n’instaurent donc pas un nouveau système. Il n’y a pas dialectique hégélienne de progrès par la crise dans une Byzance dont Hegel considérait justement l’histoire comme particulièrement ennuyeuse et inessentielle, mais il y a une histoire de l’autorité et de sa distribution souple et mouvante dans certaines limites.
Notes de bas de page
1 On se référera en premier lieu à sa contribution « Le christianisme byzantin du viie au milieu du xie siècle » in Dagron Gilbert, Riché Pierre et Vauchez André (dir.), Évêques, moines et empereurs (610-1054) (= Histoire du christianisme des origines à nos jours 4), Paris, Desclée de Brouwer, 1993, p. 7-348 – ci-après Dagron, 1993.
2 Blaudeau Philippe, Le siège de Rome et l’Orient (448-536) : étude géo-ecclésiologique, Rome, École française de Rome, 2012.
3 Hajjar Joseph, Le Synode permanent dans l’Église byzantine des origines au xie siècle, Orientalia Christiana Analecta, vol. 164, Rome, Institutum Orientalium Studiorum, 1962.
4 « The reform edict of 1107 », in Mullett Margaret et Smythe Dion (dir.), Alexios I Komnenos. Papers on the Second Belfast Byzantine International Colloquium, 14-16 April 1989, Belfast, Belfast Byzantine Texts and Translations, 1996, p. 199-218.
5 Browning Robert, « Enlightenment and repression in Byzantium in the eleventh and twelfth centuries », Past and Present 69, 1975, p. 3-23.
6 Anastase le Sinaïte, « Erotapokriseis », in Richard Marcel et Munitiz Joseph (éd.), Anastasii Sinaitae quaestiones et responsiones, Corpus Christianorum, Series Graeca 59, Turnhout, Brepols, 2006, question 41, 3, p. 94-95.
7 La hiérarchie céleste, Heil Gunter (éd.), Roques René (introd.), Gandilhac Maurice de (trad.), n° 58, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes », 1958.
8 C’est ainsi que Syméon Stylite le Jeune vers la fin du vie siècle se retrouve excommunié par des prêtres de villages voisins – bien entendu, ils seront punis par des morts atroces envoyées par Dieu, mais nulle part il n’est question d’une procédure pour faire lever cette excommunication : Van den Ven Paul, La Vie ancienne de S. Syméon Stylite le Jeune (521-592), t. I et II, Bruxelles, Société des Bollandistes, 1962 et 1970, passim.
9 Oikonomidès Nicolas, « La dernière volonté de Léon VI au sujet de la tétragamie (mai 912) », Byzantinische Zeitschrift 56, 1963, p. 46-52, et « La “préhistoire” de la dernière volonté de Léon VI au sujet de la tétragamie », ibid., p. 265-270.
10 Gribomont Jean, « Le dossier des origines du messalianisme », in Fontaine Jacques et Kannengiesser Charles (dir.), Epektasis : mélanges patristiques offerts au cardinal Jean Daniélou, Paris, Beauchesne, 1972, p. 611-625.
11 Liber Graduum, Kmosko Michael (éd.), Patrologia syriaca I. 3, Paris, Firmin Didot, 1926.
12 « Les prêtres terrestres et matériels – qui assistent et adorent Dieu pour toujours, de telle sorte qu’ils doivent être semblables à du feu ardent – sont l’antitype de la hiérarchie spirituelle » : Auzépy Marie-France (trad.), « La signification religieuse de l’aniconisme byzantin », in Campagnolo Matteo et al. (éd.), L’aniconisme dans l’art religieux byzantin, Genève 2015, p. 31 ; pour cette Histoire ecclésiastique attribuée à Germain de Constantinople, voir Bornert René, Les commentaires byzantins de la divine liturgie du viie au xve siècle, Paris, Institut français d’études byzantines, 1966, p. 125-180.
13 Bouchet Christian (trad.), Fioretti des moines d’Orient. Jean Moschos, Le Pré spirituel, Paris, Migne, 2006, chap. 150, p. 158-160.
14 Pour plusieurs histoires analogues, voir Déroche Vincent, « Représentations de l’eucharistie dans la haute époque byzantine », Travaux et Mémoires, 14, 2002, p. 167-180.
15 Brown Peter, « Eastern and Western Christendom : A Parting of the Ways », in Brown Peter, Society and the holy in late antiquity, Londres, Faber and Faber, 1982, p. 166-195, particulièrement les p. 180-190 sur L’Épiphanie de la sainteté et son rapport aux institutions.
16 Anastase le Sinaïte, op. cit. question 55, p. 107-108 : « Si tu as trouvé un homme spirituel (pneumatikos) capable de te guérir et de prier pour toi, confesse-toi à lui et lui seul. » Noter aussi la question 32, op. cit., p. 83 : lorsqu’on a offensé quelqu’un et que l’on obtient ensuite son pardon, ce pardon ne vous dispense de pénitence envers Dieu que si cette personne qui pardonne est « un spirituel ou un prêtre digne » ; ce n’est pas n’importe quel prêtre qui peut pardonner au nom de Dieu. Voir Dagron Gilbert, Riché Pierre et Vauchez André (dir.), op. cit., p. 323-326.
17 Traité imprimé dans Migne, Patrologia Graeca 83, col. 283-304, sous le nom de Jean Damascène à Syméon est due à Holl Karl, Enthusiasmus und Bussgewalt in der griechischen Kirche, Leipzig, J. C. Hinrichs, 1898 – incidemment, c’est ce livre sur le monachisme byzantin qui a inspiré à Max Weber son binôme charisme/institution.
18 Traité éthique V, 1-12, Darrouzès Jean (éd. et trad.), Traités théologiques et éthiques. tome II, Eth. iv-xv, Paris, Cerf, 1967, coll. « Sources chrétiennes », 129, p. 78-81.
19 Voir la traduction récente de Montleau Florence de, Les grandes catéchèses. Livre I, Les épigrammes (I-XXIX), Bégrolles-en-Mauges, Abbaye de Bellefontaine, 2002.
20 Krausmuller Dirk et Grinchenko Olga, « The 10th Century Stoudios Typikon and its Impact on 11th and 12th Century Byzantine Monasticism », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 63, 2013, p. 153-175.
21 Voir Delouis Olivier, « L’autorité, l’Ancien et l’higoumène à Byzance », in Cottier Jean-François, Hurel Daniel-Odon et Tock Benoît-Michel, Les personnes d’autorité en milieu régulier. Des origines de la vie régulière au xviiie siècle, Actes du septième colloque international du CERCOR, Strasbourg, 18-20 juin 2009, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2012, p. 267-288.
22 En revanche, le retour récent de beaucoup de monastères, surtout à l’Athos, vers un cénobitisme strict et un pouvoir fort de l’higoumène marque un retour du balancier.
23 « La norme et l’exception : analyse de la notion d’économie », in Simon Dieter (dir.), Religiöse Devianz, Untersuchungen zu sozialen, rechtlichen und theologischen Reaktionen auf religiöse Abweichung im westlichen und östlichen Mittelalter, Francfort-sur-le-Main, V. Klostermann, 1990, p. 1-18.
24 Voir Dagron Gilbert, Riché Pierre et Vauchez André (dir.), op. cit., p. 198-201.
25 « Lettre 12 », Thiel Andreas (éd.), Epistolae Romanorum pontificum genuinae I, Zürich/New York Hildesheim/Olms, 2004, p. 350-352.
26 Dagron Gilbert, Empereur et prêtre : étude sur le « césaropapisme » byzantin, Paris, Gallimard, 1996.
27 Le titre III sur le patriarche s’ouvre par cette phrase étonnante : « Le patriarche est une image vivante et animée du Christ, qui, par ses actes et par ses paroles, exprime la vérité » [Dagron Gilbert et al. (trad.), op. cit., p. 205].
28 Vie d’Ambroise par Paulinos (= Bibliotheca hagiographica Graeca 67), in Papadopoulos-Kerameus Athanasios (éd.), Analekta hierosolymitikès stachyologias, t. I, Reprint of the 1888-1897 edition, latinisé, Saint-Pétersbourg, 1891, p. 27-88.
29 Cheynet Jean-Claude, « Le patriarche turannos : le cas Cérulaire », in Ordnung und Aufruhr im Mittelalter : historische und juristische Studien zur Rebellion, Francfort-sur-le-Main, V. Klostermann, 1995, p. 1-16.
30 Pour une vue d’ensemble, voir Dagron Gilbert, Empereur et prêtre, op. cit., chap. vii, « La royauté des patriarches », p. 229-255.
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