Chapitre VII. Reconstruire la légalité
p. 237-266
Texte intégral
1Le CPL et les CLL doivent se transformer, et préparer leur départ de la scène politique au profit des institutions plus traditionnelles. C’est l’objet d’un processus long et douloureux pour les institutions nées de la Résistance qui font l’expérience de leurs faiblesses face à la renaissance d’anciennes formations politiques dont les logiques contrecarrent les désirs de rénovation d’une partie des membres du CPL, quand elles n’essaient pas, nous l’avons vu, d’instrumentaliser l’action de celui-ci. Les élections municipales du 29 avril et 13 mai 1945 marquent le point final de cette évolution, lorsque les membres du CPL deviennent, pour la plupart d’entre eux, des élus se réclamant enfin nettement de logiques partisanes. Ce passage de témoin entre les institutions issues de la Résistance et les nouvelles assemblées élues ne marque pas la disparition totale du CPL. L’insurrection victorieuse, qui a lui conféré un grand prestige moral, a renforcé la conviction, surtout présente chez les communistes, que le destin du pays est intimement lié à la survivance des institutions résistantes, non pas en tant que gestionnaires des affaires publiques, mais en tant que garants moraux. Cette autorité morale est tout ce qui reste du CPL à partir du deuxième semestre de 1945, construite sur une mémoire de la libération de Paris écrite sur mesure pour lui.
Construire une carte politique provisoire
2Tout le paysage politique municipal du département de la Seine est à reconstruire. La libération marque pour les pouvoirs locaux « à la fois une rupture avec Vichy et un bouleversement par rapport à l’avant-guerre1 ». La rupture avec Vichy est évidente, puisque la quasi-totalité des maires sont mis à l’écart avec l’insurrection. Le bouleversement par rapport à l’avant-guerre n’est pas moins visible et revenir purement et simplement à la situation de 1939 est impossible, notamment parce que le personnel politique n’est plus le même. Beaucoup des maires déchus en 1939 et 1940 ont disparu ou se trouvent en dehors de la région parisienne, d’autres sont disqualifiés par leur attitude pendant l’occupation. La promotion de nouvelles élites locales, même éphémères, est donc nécessaire. Le Comité parisien de la libération a comme tâche essentielle de participer à la reconstitution des municipalités de son département, en collaboration avec les comités locaux de libération, en tant qu’arbitre2 et en tant que médiateur entre les propositions locales et l’acceptation du pouvoir préfectoral.
Un cadre législatif peu contraignant
3Le renouvellement des municipalités est, pour le département de la Seine, une nécessité impérieuse. Un grand nombre de maires3 sont à écarter pour avoir été grandement compromis dans la collaboration, et certains sont même en fuite au moment de la libération. Les 27 conseils municipaux communistes, suspendus en vertu des décrets du 26 septembre 19394, et remplacés par des délégations spéciales5, doivent également être remis en fonction6. Sont aussi concernés les conseillers municipaux communistes de toutes les autres communes de la Seine, y compris les conseillers municipaux de Paris, déchus par la loi du 20 janvier 1940. L’ordonnance du 21 avril 1944 rétablit tels quels ces conseils municipaux suspendus, à l’exception des membres « qui ont directement favorisé l’ennemi ou l’usurpateur7 ». L’adaptation de ce cadre légal est tout de même plus complexe. Premièrement, plusieurs de ces maires ont disparu pendant l’occupation. Jean Grandel, maire de Gennevilliers, est fusillé à Châteaubriant le 21 octobre 1941, Ernest de Saint-Étienne, maire de Clamart, meurt des suites de son arrestation en 1943, Georges le Bigot, maire de Villejuif, et Victor Cresson, maire d’Issy-les-Moulineaux, sont déportés et décèdent à Auschwitz et à Mauthausen. D’autres ont continué d’exercer leurs fonctions et sont devenus, à ce titre, des ennemis à abattre pour la Résistance. Certains y perdent même la vie. Georges Barthélémy, maire anciennement SFIO de Puteaux, est abattu le 10 juillet 1944 par des FTP, peut-être sur un ordre du parti communiste8. Aux premiers jours de la libération, d’autres maires sont assassinés, Georges Gérard au Kremlin-Bicêtre et Léo Piginnier à Malakoff. Ce dernier est victime selon toute vraisemblance de membres exaltés des Milices patriotiques. Jean-Marie Clamamus, maire de Bobigny échappe de peu au même sort. Ces deux derniers sont des membres actifs du Parti ouvrier et paysan français, parti collaborateur créé par Marcel Gitton qui regroupe un certain nombre d’élus communistes. La plupart des maires communistes qui ont désavoué le pacte germano-soviétique sont poursuivis par la vindicte du parti communiste, et figurent sur les listes noires que ce dernier diffuse. Le parti socialiste n’est pas moins impitoyable avec ses élus compromis et veille autant que possible à leur arrestation et leur incarcération9.
4Une autre cause de vacance vient du fait qu’un certain nombre d’anciens élus n’ont pas vraiment cherché à conserver ou retrouver leur mandat. C’est le cas des communistes Élie Bruneau à Colombes et de Fernand Dusserre à Orly, ou encore celui d’Eugène Fischer, maire néo-socialiste des Pavillons-sous-Bois, visiblement décédé très peu de temps après la libération. Enfin, certains maires prisonniers ou déportés ne sont pas des candidats au moment où la constitution du conseil municipal est en jeu, mais retrouvent leur poste au moment de leur retour. C’est le cas de Raymond Baudin, le maire de l’Haÿ-les-Roses, déporté à Buchenwald qui ne revient qu’au printemps 1945, ou bien celui de Jean Chardavoine, maire de Stains, prisonnier pendant la campagne de France, qui regagne la région parisienne après la libération et siège à nouveau au conseil municipal pendant quelque temps.
5C’est sur la base de l’ordonnance du 21 avril 1944 que les municipalités provisoires doivent être constituées. Cette ordonnance annonce, dans les nouvelles assemblées, la coexistence de deux groupes, en apparence distincts : les élus restés dignes et les résistants. En d’autres termes, les deux piliers du rétablissement de la légalité municipale sont les tendances manifestées lors de la libération et les élections de 1935. Le conseil municipal provisoire doit être composé des anciens élus restés dignes, auxquels sont adjoints des résistants locaux, pour atteindre le quorum, c’est-à-dire la moitié de l’ancien conseil, plus un. Cependant, le CPL repousse l’application stricte de l’ordonnance du 21 avril 1944, dès la libération10 et choisit la formule sémantique du CNR qui donne la priorité aux résistants sur les anciens élus11. Pour le CNR, et donc le CPL, le conseil municipal est composé du CLL auquel sont adjoints les anciens élus « restés dignes12 ». Il s’agit dès lors de trouver le bon dosage entre la légitimité électorale et la légitimité résistante, qui doit primer13. Ces deux logiques ou légitimités sont, suivant les lieux, en contradiction ou en accord. Le plus souvent, le CPL cherche à les mêler. Plutôt que d’être restés dignes de leurs mandats, il demande en fait aux anciens élus de remplir l’autre condition, c’est-à-dire d’avoir été des résistants incontestables. Ce choix est expliqué par le fait que la population, par l’insurrection, a exprimé son adhésion à la Résistance dans son ensemble : « Le peuple a voté avec des haches en abattant les arbres, avec des pioches en arrachant les pavés, avec des fusils en attaquant partout l’ennemi », dit Georges Marrane14.
6La constitution de la municipalité provisoire est un enjeu pour les formations membres du CPL, autant que pour les anciens élus. Être membre de l’assemblée politique provisoire devient presque une question d’honneur, une sorte de reconnaissance publique de la part prise par des personnalités ou groupements dans la lutte résistante. Deuxième atout, la présence dans les assemblées municipales provisoires à la libération est un tremplin pour les élections à venir, le moyen d’ancrer de nouvelles formations politiques dans le paysage. La constitution des conseils municipaux des communes de banlieue, et des municipalités d’arrondissement, est ainsi essentiellement l’objet de négociations politiques. La constitution du conseil municipal – l’ensemble de l’assemblée – doit être distinguée de celle de la municipalité – le maire et ses adjoints – qui est l’enjeu principal, sinon unique. La circulaire du CPL énonce ainsi que les maires et maires-adjoints doivent « être pris autant que possible dans l’ancienne majorité15 ». L’application de ce point particulier est le plus fluctuant, et est l’objet de presque tous les conflits. On pourrait même réduire la question de la composition des municipalités provisoires à celle de la couleur politique du maire, parfois à celle du premier adjoint, place souvent attribuée à un candidat malheureux. Si c’est surtout au CLL que l’équilibre politique du conseil municipal est décidé, la validation du CPL permet des correctifs, au nom des principes déjà énoncés, mais également d’autres négociations. Les membres du CPL sont parfois prompts à défendre un rapport de force favorable à leur formation ou leur tendance politique, quand bien même il se serait constitué en contradiction avec les principes. De la même manière, un même délégué peut tour à tour défendre sa formation ou sa tendance politique en employant, pour deux communes différentes, des arguments contradictoires. La chronologie de la nomination des conseils municipaux provisoires est très étalée : certains conseils municipaux sont remis en fonction dès l’insurrection, tandis que l’assemblée municipale provisoire de Paris est le dernier conseil municipal de France à se mettre en place, en mars 1945.
7En même temps, ces deux chronologies sont très imbriquées, puisque c’est le CPL qui gère, en partie, la durée de vie des CLL, en validant ou non la liste que ce dernier lui propose. Pour se faire, le CPL dispose de trois principales variables d’ajustement : les résultats des élections municipales de 1935, les résultats des élections suivantes, législatives de 1936 ou les diverses élections partielles qui ont lieu jusqu’en 1939 et enfin la composition politique des organisations de résistance les plus actives dans la localité, notamment l’identité du groupe qui a conquis la mairie au moment de l’insurrection. Le principe qui doit primer dans les cas litigieux est l’objet de régulières discussions, sans qu’aucune cohérence ne se dessine. D’autres questions apparaissent en fonction des questions et des décisions des CLL. Une adaptation d’importance ainsi initiée est la question de l’éligibilité des jeunes majeurs de moins de 25 ans. Dans les listes soumises à l’approbation du CPL, des jeunes, souvent les membres des FUJP, n’ont pas l’âge requis par la loi pour siéger dans un conseil municipal. La revendication d’abaisser l’âge de l’éligibilité est portée par une grande partie de la Résistance, y compris dans les projets constitutionnels de certains mouvements. Ainsi, de nombreux CLL présentent, pour faire partie des délégations spéciales, des jeunes de moins de 25 ans. Cependant, le directeur des affaires départementales demande leur remplacement en attendant qu’une loi soit votée16, ce qui n’est pas le cas avant les élections municipales d’avril 194517.
8Si le CPL joue un rôle d’arbitre, et de décision, ce sont bien les CLL qui sont à la base du pouvoir municipal reconstitué. Avant même que les principes soient définis, la compétition politique est rude dans les arrondissements et les communes. Quand le processus de constitution des municipalités provisoires débute, la présence dans le CLL reste une obligation pour qui veut participer à l’administration de la commune, car c’est le CLL qui désigne cette nouvelle assemblée. Plus exactement, ce sont les organisations membres du CLL qui doivent élire, à l’unanimité, le maire provisoire18. Ainsi, la qualité de la transition politique est fortement dépendante du climat dans lequel a lieu la constitution du CLL, dans les premiers jours de la libération. C’est ainsi qu’il faut comprendre une grande partie des contestations de la composition des CLL dans les jours qui suivent la libération. Dans certaines villes communistes où le conseil municipal de 1939 peut être reconstitué rapidement, le CLL est écarté, de bon gré ou de force, par les anciens élus ou bien par les représentants des organisations communistes, en attendant le retour de ces anciens élus. Cela étant, il n’existe pas de schéma immuable de la constitution du CLL. Puisqu’il n’existe pas une légalité clairement définie, certains n’hésitent pas à prendre les devants pour imposer des situations de fait. C’est le cas à Issy-les-Moulineaux19, à Saint-Denis20, à Bois-Colombes21, où une partie des formations membres du CLL se plaignent d’être mises à l’écart de toutes les décisions. Un document interne à la préfecture22, vraisemblablement daté du mois de septembre 1944, recense 17 communes où des difficultés liées à la constitution du CLL empêchent la mise en place sereine de la liste du conseil municipal. Dans un tiers de ces communes, c’est la question de la récupération du pouvoir par le parti communiste, qui occupait la mairie en 1939, qui est au cœur du conflit. L’autre difficulté la plus fréquente est la manifestation d’une mainmise du CLL par une partie de ses membres, à l’exclusion des autres. À chaque fois, le document pointe la tendance communiste comme désirant s’emparer sans partage du pouvoir municipal, alors même que le résultat des élections municipales précédentes lui est défavorable. Des conflits ont aussi lieu dans des communes où des circonstances particulières ont bouleversé les cadres politiques, et où les forces issues de la Résistance sont face à une sorte de vide. C’est le cas dans les communes dirigées par des maires PPF, à Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine, à Aubervilliers, la ville de Pierre Laval, ainsi qu’à Dugny pour d’autres raisons : la commune détruite par un bombardement en 1943 a été évacuée de la quasi-totalité de ses habitants et n’a, de ce fait, pas pu constituer de CLL.
9Les élus évincés entre 1939 et 1942 peuvent tous revendiquer de faire partie du conseil municipal de la libération, bien que leurs chances ne soient pas toutes égales. Les maires communistes, parce qu’ils ont été évincés avant la défaite, bénéficient d’un préjugé favorable23. Le retour des élus communistes se fait donc très facilement, et leur comportement pendant l’occupation est très peu questionné puisque le parti a déjà procédé en grande partie à son épuration. Quant aux autres élus, la situation est variable, en fonction de leur attitude personnelle et de la géopolitique locale. Ceux qui ont succédé, dans des délégations spéciales, aux maires communistes suspendus sont poursuivis par la vindicte de ces derniers ou de leurs remplaçants. C’est particulièrement le cas à Issy-les-Moulineaux et à Colombes, deux communes où une coalition socialiste et communiste était à la tête de la municipalité avant la guerre. Ce sont en effet des conseillers municipaux socialistes, Jean Alessandri et Émile Boyer, qui ont accepté de devenir président des délégations spéciales créées à l’automne 1939. À la libération, sans que leur action dans la Résistance ne soit remise en cause, la rancune des communistes est un obstacle à leurs ambitions et tandis qu’Émile Boyer réussit à être nommé 3e adjoint, Jean Alessandri ne peut pas faire partie du conseil municipal provisoire. Pour les maires maintenus ou nommés par le gouvernement à partir de 1941, la situation est plus claire. Les actions des maires maintenus ou nommés par l’État français sont toutes vues comme étant potentiellement des actions de trahison. En effet, les membres du CPL s’accordent à dire que les maires des communes de banlieue, et plus encore les membres du conseil municipal, sont des élus politiques, à la différence des édiles provinciaux qui sont avant tout des administrateurs dévoués à leurs populations24. Ainsi, c’est aux élus de prouver que leur action dans la Résistance est suffisante pour pouvoir prétendre à un siège. Comme pour les parlementaires ayant voté « oui » le 10 juillet 1940, il faut attester d’une « participation active et effective à la lutte contre l’ennemi et l’usurpateur25 », la « seule activité humanitaire, même dangereuse26 » ne suffit pas. Ici, la faute originelle n’est pas d’avoir voté les pouvoirs constituants au maréchal Pétain, mais d’avoir accepté d’être nommé par lui et, surtout, de s’être personnellement associé à des démonstrations de confiance et de fidélité au chef de l’État français. En effet, au moment de leur mise en place, entre 1941 et 1942, les nouveaux conseils municipaux ont souvent voté des adresses de fidélité au maréchal Pétain27.
10Plusieurs maires en fonction sous l’occupation ont souhaité, sans succès, conserver leur écharpe après la libération. Le plus souvent, ces anciens maires présentent leur dossier devant le CLL, comme le prévoit la procédure. On peut citer Georges Beaugrand (PC) à Gentilly, Léon Clément (SFIO) à Dugny, Charles Auffray (socialiste indépendant) à Clichy, Antonin Poggioli (SFIO) au Bourget, ou encore Charles Gatefait (Alliance Démocratique) à Asnières. Suivant les cas, les arguments avancés pour justifier cette demande diffèrent, soit qu’ils se prévalent d’une attitude de résistance, certificats à l’appui, soit qu’ils mettent en avant leur esprit de sacrifice pour la communauté. Quelques cas emblématiques de maires ou de conseillers municipaux qui revendiquent une action dans la Résistance sont soumis au comité plénier, qui fait preuve, à l’image des CLL, d’une intransigeance, que certains qualifient de « surenchère de patriotisme28 ». Certains anciens élus ne baissent pas les bras, et en appellent au ministre de l’Intérieur ou au chef du gouvernement29, qui, dans ce cas précis, ne déjuge pas les comités de libération30.
La recherche des équilibres politiques
11La composition des délégations provisoires, avec quelques réserves, est un objet d’études essentiel pour comprendre les enjeux de pouvoirs nés de la libération et la représentation qu’ont les acteurs de ces enjeux et de leur propre poids politique. On se trouve dans un entre-soi : les assemblées locales s’autodésignent, si on considère que le CLL fait pratiquement toujours partie de la délégation spéciale, dont la composition représente pratiquement toujours la tendance de la majorité du CLL. Elles sont validées par un organisme, le CPL, qui possède plus ou moins la même composition politique et fait nécessairement confiance à la valeur du jugement d’un organisme qui lui est intrinsèquement lié, le CLL. Enfin, le dernier filtre, le directeur des affaires départementales, n’a pas pour ambition de bouleverser les décisions de ce qui reste malgré tout l’expression d’une certaine forme de volonté populaire. On assiste à un moment de négociation directe, de compromis entre l’État et les formations politiques, moment assez unique à comparer avec la façon dont les délégations spéciales étaient désignées auparavant (en dehors de la période particulière de 1939-1940).
12À la différence des représentants des partis politiques, qui ont tous à défendre leurs positions antérieures à la guerre, les mouvements de résistance et des syndicats font leur apparition dans le jeu politique, exercice périlleux et plein de sous-entendus. Les représentants des mouvements de résistance et des organisations syndicales sont souvent gênés par la tournure des échanges qui portent essentiellement sur l’appartenance politique de tel ou tel délégué. Ils s’efforcent de faire accepter l’idée que leur mouvement n’est pas rattaché à l’une ou l’autre des tendances politiques. Ainsi, Roger Deniau refuse de voir Libération-Nord être qualifié sans nuance de socialiste, tandis que les déléguées de l’UFF, de leur côté, s’élèvent contre la propension à les rattacher au PC. La préfecture de la Seine et le ministre de l’Intérieur, quant à eux, classent les mouvements de résistance dans l’une des quatre grandes tendances qu’ils identifient comme composant le paysage politique français de la libération : communiste, socialiste, centriste, modéré. Pour étudier les équilibres dans les conseils municipaux provisoires31, la préfecture de la Seine rassemble les différents mouvements de résistance et associations dans les dénominations suivantes : les communistes et apparentés forment le plus grand groupe avec le PC, le FN, les FTP, les FUJP, l’UFF, l’Assistance Française, le mouvement des prisonniers et déportés et les Comités populaires. CDLR, CDLL et Libération-nord sont rangés dans la famille socialiste, tandis que l’OCM et le MLN sont affiliés aux modérés. Le parti radical forme une tendance à lui seul, comme l’Union des syndicats (CGT), classée à part, à la différence de la CFTC, rattachée aux modérés. Cette répartition se vérifie en partie : le PC peut toujours compter sur 8 à 12 voix favorables, ce qui, ajouté à sa capacité à présenter des candidats crédibles partout ou presque, lui donne un avantage indéniable. La tendance socialiste peut, de la même manière, compter sur le soutien plus ou moins régulier des mouvements de résistance, Libération-Nord, CDLR, Défense de la France, Résistance et l’OCM. Le plus souvent, les radicaux, démocrates chrétiens et modérés complètent l’une ou l’autre coalition en fonction des circonstances locales.
13Pour les communes de banlieue, les dossiers problématiques portent moins sur ces savants calculs que sur la couleur politique du maire, en comparaison avec les résultats électoraux de l’avant-guerre, ou de l’action d’un ancien élu. Une trentaine de litiges sont étudiés par le CPL plénier. Certains autres cas ont été réglés suffisamment tôt pour que le CPL n’ait pas eu à s’en emparer. C’est par exemple le cas pour Saint-Denis où le conflit entre le CLL et Auguste Gillot, autodésigné maire provisoire, est réglé par l’intervention de quelques membres du CPL, au bénéficie du statu quo32. Ce travail de médiation fait partie intégrante des instructions données aux CLL lors de la réunion d’information du 31 août 194433. Le CPL doit notamment statuer quand le CLL n’a pas réussi à s’accorder à l’unanimité sur la liste à proposer. Ce cas se présente dans 18 communes ou arrondissements34. À chaque fois, le CPL réussit, par la médiation ou par un vote, à décider pour le CLL, sans pour autant être lui-même toujours unanime. L’arbitrage ultime du préfet de la Seine n’est jamais nécessaire. Pour les autres municipalités problématiques, le débat est soulevé par les membres du CPL, alors, que le CLL avait réussi à trouver, tant bien que mal, une position unanime35.
14Sur le fond, les mêmes conflits parcourent CLL et CPL. Le plus récurrent est l’opposition entre socialistes et communistes, par l’intermédiaire des partis politiques mais aussi des mouvements de résistance qui leur sont proches, c’est-à-dire le FN et Libération-Nord. On peut trouver dans pratiquement chaque CLL une illustration des difficultés de dialogue entre ces deux partis. Souvent, chacun des deux camps défend un candidat pour le poste de maire, et l’opposition a également lieu pour les postes d’adjoints. Cette lutte pour la suprématie des partis de gauche touche en majorité des communes dirigées par les socialistes avant la guerre, y compris des bastions comme Suresnes ou Pantin. Les communes dirigées avant-guerre par une coalition socialiste-communiste sont également l’objet des plus vives discussions, comme à Colombes36. Autre trait récurrent, la dénonciation par les modérés des incohérences entre les résultats électoraux de l’avant-guerre et la physionomie politique des nouvelles municipalités. Ils sont particulièrement attentifs au cas de communes considérées comme des bastions de la droite, Neuilly-sur-Seine, Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Mandé ou Vincennes. Les représentants des partis modérés du CPL, Robert Bétolaud, Maurice de Fontenay ainsi que Max André soutiennent souvent la candidature des anciens élus, eux-mêmes issus la plupart du temps des partis modérés. Pour ces membres du CPL, l’évincement systématique des anciens élus et le glissement de majorité vers la gauche introduisent un décalage néfaste entre les tendances de la population et celles du pouvoir municipal. En effet, les délégations spéciales, en représentant à parts plus ou moins égales toutes les tendances politiques de la Résistance, ont en moyenne des tendances largement plus avancées que la population de beaucoup de communes. On retrouve ici l’analyse de Jean-Marie Guillon sur la transposition du modèle du CNR et du CPL, « surréaliste sur le plan communal37 ». Cela pourrait contribuer, selon les modérés du CPL, à « couper l’assemblée municipale de la population de la commune38 » et entraîner la défaite des candidats présentés par la Résistance aux élections municipales.
15Il est convenu que la préfecture de la Seine valide, en dernière main, la liste des conseils municipaux sur proposition du CPL et que le gouvernement en fasse de même pour le conseil municipal de Paris et l’assemblée départementale de la Seine39. Le secrétaire général de la préfecture, le bras droit du préfet, suit donc de très près l’évolution de la carte politique de son département. Jean Mons intervient parfois en séance pour donner le résultat des consultations électorales dans un arrondissement ou une commune, et une fois pour demander que le maire du 10e arrondissement soit de tendance modérée et non un syndicaliste40. Son intervention est critiquée par André Tollet, André Carrel et Georges Marrane, sur le fond comme sur le principe et, à la suite de cet événement, les remarques de la préfecture sont faites par écrit à l’intention du bureau du CPL ou de la commission des CLL. Toutefois, il ne semble pas que le préfet ait souhaité se placer en contradiction avec le CPL au sujet des nominations. La plupart du temps, la préfecture de la Seine a entériné les choix des CLL corrigés par le CPL. Face aux demandes des anciens élus, elle donne toujours la primauté au respect des tendances exprimées à la libération pour justifier cette évolution. C’est le cas pour Neuilly-sur-Seine et La Garenne-Colombes. La préfecture juge le plus souvent la composition des délégations spéciales conforme à la situation locale, quand bien même le gauchissement de l’assemblée est manifeste. C’est par exemple le cas à Asnières qui passe d’un conseil municipal modéré avant guerre à une délégation spéciale assez largement dominée par les organisations socialistes et communistes41.
16La plupart des délégations spéciales des communes de banlieue voient leurs compositions arrêtées entre le 26 septembre et la fin du mois de novembre 194442. C’est par la suite que les discussions sur les assemblées parisiennes ont lieu. En plus des différents débats institutionnels qui ont retardé cet examen, il faut également considérer que le CPL étudie siège par siège la composition de l’assemblée municipale et de l’assemblée départementale provisoire. Les mêmes discussions se font jour, bien que les interlocuteurs principaux changent. Il ne s’agit plus majoritairement d’une concurrence entre socialistes et communistes, mais d’un combat mené par les modérés, Alliance démocratique et Fédération républicaine en tête, pour conserver la majorité au conseil municipal. Les deux principaux partis du conseil municipal de 1939, classés dans la tendance modérée, sont en forte minorité au CPL mais tout au long des débats sur la constitution et la composition des assemblées provisoires de Paris et de la Seine, leurs délégués comptent parmi les principaux orateurs, en particulier parce que la plupart des cas de réintégration d’anciens élus concernent des membres de leurs formations politiques. Le ministre de l’Intérieur avait souhaité que l’ensemble des candidatures soient connues le 5 décembre 1944, c’est en fait le 19 janvier 1945 que le CPL rend ces derniers avis, après plus d’un mois d’étude des diverses candidatures et un fastidieux exercice de dosage politique. 57 sièges sont à pourvoir, qui doivent comporter les anciens élus restés fidèles à leur devoir, les remplaçants des élus morts pour la France, à compléter par des représentants désignés par les comités de libération des arrondissements. Le sort des anciens élus est traité en premier, avec la même sévérité que les anciens élus de la banlieue pour ceux qui ont continué à siéger au conseil municipal après 1941. Quatre d’entre eux ont vu leur dossier examiné : Charles des Isnards, Gaston le Provost de Launay, Victor Bucaille et Frédéric Dupont et seul ce dernier est repris par le CPL43. Outre ses activités avérées de Résistance, le fait qu’il ait publiquement dénoncé les mesures répressives prises par l’occupant soutenu par l’État français joue en sa faveur44, bien qu’il ait voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940. Ces propositions sont validées par la préfecture. En tout, 17 membres du conseil municipal de 1939 font partie de l’assemblée municipale de Paris. 16 ont été proposés par le CPL et la préfecture, auxquels le général de Gaulle ajoute Victor Bucaille45. Jean Raymond-Laurent, le leader du groupe des anciens conseillers municipaux, en contact avec le CPL au cours de l’été 1944, est réintégré46. Cinq conseillers municipaux communistes sont remplacés par leur parti, c’est donc 35 nouveaux conseillers qui sont nommés sur proposition des CLL et du CPL. Ces propositions sont acceptées par le gouvernement à quelques nuances près, corrigeant légèrement les équilibres en faveur des deux partis de la droite. La question du président de l’assemblée n’est jamais évoquée en séance plénière du CPL, bien que, dans les couloirs, il en soit question dès les lendemains de la parution de l’ordonnance du 30 octobre 1944. La nomination d’un communiste est écartée, étant donné l’historique du poste, et on parle surtout de Robert Bétolaud ou de Maurice de Fontenay47.
17La constitution des municipalités d’arrondissement se fait en lien avec l’examen des candidatures pour le conseil municipal provisoire. Souvent, le même type de débat agite le CLL et le CPL à ces deux occasions. Ce synchronisme est poussé à l’extrême dans le 12e arrondissement, où les deux désignations sont l’objet d’une transaction : au cours de la séance du 19 janvier 1945, Gérard Jaquet demande que, en contrepartie de la désignation d’un conseiller municipal communiste dans le 12e arrondissement, le maire provisoire Marcel Wizenne du parti communiste cède sa place à Maurice Gautier, de la SFIO, anciennement premier adjoint. Cependant, ces négociations sont internes au CPL puisque le préfet ne prend pas d’arrêtés instituant les municipalités d’arrondissement avant le début de l’année 1946. Les négociations dans les CLL d’arrondissement et au CPL n’ont pour but que de modifier des situations de fait amenées à perdurer, toujours dans l’espoir d’une réforme. Pour l’assemblée départementale provisoire, les discussions sont moins passionnées que pour l’assemblée municipale, et ce sont souvent des présidents de délégations spéciales qui sont choisis, suivant un schéma traditionnel pour les élus de la Seine48.
18Léo Hamon, dans son carnet, à la fin mai 1944, anticipe la libération en estimant que le notable résistant est celui qui a le plus de chance de faire l’unanimité pour siéger dans les futures assemblées49. En banlieue, la constitution du pouvoir local provisoire est effectivement facilitée quand des notables se trouvent impliqués dans le processus. Un grand nombre de délégations spéciales font appel, comme le CPL, à des personnalités, qui ne sont pas officiellement affiliées à une organisation, qu’elles soient des médecins ou des ecclésiastiques. Dans les communes qu’il dirigeait en 1939, le parti communiste développe quant à lui le discours du bastion reconquis50. Plus généralement, sur les 80 maires provisoires, près de la moitié sont des anciens élus de leur commune, dont une majorité de maires ou d’adjoints. Douze maires retrouvent un poste qu’ils ont déjà occupé. Deux maires qui ont officié pendant toute l’occupation sont maintenus à la libération, Gaston Richet à Châtenay-Malabry et Fernand Schwartz à Villeneuve-la-Garenne. À Saint-Ouen, le sénateur Alexandre Bachelet, maire de 1927 à 1929, est à nouveau désigné. Enfin, neuf maires communistes retrouvent leur fonction : Marius Sidobre à Arcueil, Albert Petit à Bagneux, Paul Coudert à Bagnolet, Henri Arlès à Bonneuil-sur-Marne, Joanny Berlioz à Épinay-sur-Seine, Maurice Catinat à Fresnes, Georges Marrane à Ivry-sur-Seine, Raymond Barbet à Nanterre et Pierre Kérautret à Romainville. À Fontenay-sous-Bois, l’ancien maire Jules Grévin, membre du CLL au titre de Libération, n’est pas désigné maire51. Douze présidents de délégations sont des anciens adjoints, dix ont été de simples conseillers municipaux, et on retrouve encore quelques cas particuliers. À ces élus et anciens élus, on pourrait presque ajouter Alphonse Le Gallo, président du CLL et de la délégation spéciale de Boulogne-Billancourt, qui est employé de mairie, mais surtout fils d’Alphonse Le Gallo, conseiller municipal et adjoint d’André Morizet de 1929 jusqu’à la guerre, ainsi que Henry Lasson à Antony, « vieil employé de l’administration52 » qui mène la Résistance de certains agents communaux. Si, parmi les maires et les adjoints, les anciens élus sont très présents, cette prépondérance est plus diluée sur l’ensemble des délégations spéciales. Sur près de 2000 conseillers municipaux provisoires, 20 % sont des anciens élus53. Parmi ceux-ci, 57 % sont communistes, 23 % socialistes et 9,5 % républicains de gauche54.
19La libération entraîne un gauchissement notable du territoire et une domination du parti communiste et ses mouvements apparentés, avec 45,5 % des conseillers municipaux sur tout le département de la Seine55. Le conseil municipal de Paris a particulièrement changé sa physionomie, malgré l’action des représentants des partis modérés. Eux qui avaient la majorité avant la guerre ne disposent plus que de 25 % des sièges, à l’inverse de la tendance communiste, qui passe de 17 à 35 %56. L’entrée du CPL dans l’assemblée est une des raisons principales de cette orientation, ainsi que l’adaptation de la représentation par arrondissements, qui donne plus de poids aux arrondissements de l’Est parisien, plus peuplés et plus populaires57. Cette tendance s’accentue au sein de l’assemblée départementale, où la répartition des délégués issus de la banlieue est assez proche de celle de 1935, c’est-à-dire déjà largement dominée par le parti communiste. En 1935, ce parti disposait de 27 sièges sur les 50 réservés aux arrondissements de Saint-Denis et Sceaux58. Dix ans plus tard, dans l’assemblée départementale provisoire, les représentants de la banlieue sont répartis ainsi : 31 communistes et apparentés, 12 socialistes et apparentés, 3 radicaux, 1 démocrate-chrétien et 3 modérés59.
Graphique 1. – Assemblée municipale provisoire de Paris. Répartition politique.

Graphique 2. – Assemblée municipale provisoire de Paris. Répartition politique.

20Pour la banlieue, prendre le CLL comme base de la délégation spéciale aboutit aussi à modifier la physionomie des assemblées provisoires. Ce changement est plus ou moins marquant en fonction du nombre d’anciens élus repris. À Ivry-sur-Seine, par exemple, le conseil municipal de 1939 est reconstitué quasiment à l’identique, avec l’addition de représentants du FN, de l’UFF, de comités de ménagères, du Secours populaire et de l’Assistance française60. Cette assemblée est si proche de celle de 1939 qu’elle est officiellement nommée conseil municipal provisoire, et non pas délégation spéciale61. Cependant, dans la plupart des cas, le CLL constitue l’armature de la délégation spéciale et la volonté de faire une place à toutes les tendances introduit la diversité dans tous les conseils municipaux : dans les fiefs, qu’ils soient modérés ou socialistes, chaque délégation spéciale accueille des tendances complètement absentes du conseil municipal précédent. C’est flagrant à Puteaux, où 20 % du conseil provisoire est composé de modérés, alors qu’en 1935, les communistes et les socialistes se partageaient plus de 90 % des voix. Étant donné le nombre toujours constant des organisations de résistance présentées comme faisant partie de la tendance communiste (FN, FUJP, UFF…), c’est au détriment des socialistes que se réalise cet ajustement : quand socialistes et néo-socialistes rassemblaient les deux tiers des suffrages en 1935, la délégation spéciale, certes dirigée par un socialiste, ne compte plus que 45 % de socialistes. On retrouve exactement ce schéma à Suresnes ou à Clichy.
21Pour les observateurs et les acteurs de ce changement, c’est pourtant essentiellement la couleur politique du maire qui détermine vraiment le changement. Dans la Seine, 19 communes voient un changement de couleur politique du maire par rapport à 193962. Dans tous les cas, ce changement s’effectue de la droite vers la gauche, sauf à Orly, précédemment communiste, dirigé en 1944 par le docteur Gouy, médecin membre des FFI et de CDLL. Il s’agit d’une anomalie liée à une situation locale confuse. Le docteur Gouy est un maire de compromis, mais la plupart des adjoints sont membres du PC63. Aubervilliers, Pierrefitte et Saint-Denis constituent une fois de plus des cas particuliers, notamment les deux dernières qui, en 1935, ont élu des candidats se revendiquant du mouvement ouvrier, qui basculent ensuite dans l’extrême-droite et la collaboration. Le parti communiste fait de la conquête de ces municipalités une question de principe. Le PC récupère le siège de maire à Aubervilliers et à Saint-Denis, tandis que c’est une personnalité indépendante, résistant de l’OCM, qui est nommée à Pierrefitte-sur-Seine, malgré la forte volonté du PC de voir son candidat désigné. Dans 15 communes, un glissement plus ou moins important vers la gauche a lieu. Il se fait, au bénéfice du parti communiste, surtout par l’intermédiaire du FN, qui gagne ainsi sept municipalités. En effet, en tant que tel, le PC ne gagne que les communes de Joinville-le-Pont et La Courneuve, mais des représentants du FN proches du PC sont à la tête des municipalités d’Asnières-sur-Seine, de Bois-Colombes, de Châtillon, des Lilas et de Vanves. De la même manière, les socialistes obtiennent huit nouvelles mairies, dont seulement deux par l’intermédiaire de Libération-Nord (à Neuilly-sur-Seine et à Vincennes).
22Les mouvements de résistance sont inégalement représentés. Libération-Nord a 12 présidents de délégations, le FN en compte 11, l’OCM 4, le MLN 3 et CDLL 2. On note l’absence de présidents siégeant au nom de CDLR, alors même qu’il s’agissait d’un des mouvements les plus actifs dans la Seine-banlieue. Libération-Nord, parfois en retrait dans les comités locaux, est quant à lui extrêmement présent, de par sa proximité avec la SFIO. Dans une dizaine de cas, le maire provisoire de la commune, bien que délégué d’un mouvement de résistance, a été ou est un élu de la commune. C’est le cas en particulier des deux maires restés en poste pendant toute l’occupation, qui sont présentés au titre de CDLL pour Fernand Schwartz à Villeneuve-la-Garenne et Libération-Nord pour Gaston Richet, ainsi que pour Paul Hochart, adjoint au maire de Chevilly-Larue, présenté par la CFTC. Il s’agit là de répondre à la circulaire et aux pratiques du CPL qui demande que les anciens élus maintenus après 1941 soient mandatés par des organisations de résistance capables de garantir leur action dans la résistance. Le FN fournit cinq maires anciens élus, Jean Bertaud, modéré, à Saint-Mandé, Edmond Desboeuf, radical, à Thiais, Paulin Cornet, socialiste indépendant proche des communistes, à Pantin et Gaston Roulaud et Pierre Boussuge, communistes, à Drancy et Colombes, deux communes dirigées par le PC avant-guerre. À Villetaneuse, Lucien Paillard, ancien élu SFIO, est désigné maire avec l’étiquette de l’OCM.
23En attendant l’élection, les femmes font leur entrée dans les institutions politiques françaises par le biais des comités de libération et de leurs prolongements, les conseils municipaux provisoires et délégations spéciales64. Les délégations spéciales et conseils municipaux provisoires font la place à 165 femmes, soit 8,5 % des 1923 conseillers municipaux. Saint-Ouen, Romainville et Ivry-sur-Seine comptent plus de 20 % de femmes au conseil provisoire65. À l’égal des hommes, elles s’engagent le plus souvent au nom de leur action dans la Résistance, et dans l’organisation qu’elles ont rejointe clandestinement. Cependant, dans beaucoup de cas, elles siègent dans les conseils municipaux provisoires et les délégations spéciales en tant que représentantes des femmes. La prépondérance des représentantes de l’Union des femmes françaises (UFF), « la seule organisation féminine de la clandestinité66 », en est l’illustration. Comme les FUJP avec les jeunes ou le MNPGD avec les prisonniers et déportés, l’UFF se considère comme l’organisme légitime pour prendre la parole au nom de toutes les femmes. À l’image des deux autres organisations précitées, cette union est composée en très grande majorité de femmes membres du parti communiste. Ce dernier, qui était avant la guerre le parti le plus féminin, présente très peu de ses militantes dans les assemblées locales, seulement quatre, c’est-à-dire une de plus que la SFIO. En revanche, les militantes communistes sont extrêmement présentes dans les délégations spéciales au nom de l’UFF, mais également au nom de l’Assistance française, organisme de solidarité né dans la clandestinité, qui n’est représenté que par des femmes. Ces deux organismes fournissent 75 % des membres féminins des délégations spéciales. L’autre catégorie significative (8,5 %) est celle des personnalités locales, terme générique qui peut désigner des notables, en particulier des médecins67 ou plus rarement des religieuses (Sœur Thérèse à Saint-Mandé68). Chaque mouvement de résistance du CPL est représenté par une femme au moins une fois, cependant, elles sont toujours accompagnées par un membre masculin du même mouvement. Les femmes sont toujours associées à ce rôle de soutien, d’assistante sociale (deux femmes siègent dans des délégations spéciales à ce titre), quand elles ne sont pas uniquement considérées comme des victimes de la situation : six nouvelles conseillères municipales sont présentes en tant que veuves de guerre, femmes ou mères de fusillé, ou femmes de prisonnier, et deux sont admises à siéger en remplacement de leur mari prisonnier69.
« Sortir du provisoire70 » : et après ?
Les élections municipales
24Les premières élections doivent être les municipales. Pourtant considérées par beaucoup d’observateurs comme un scrutin non politique, elles sont tout de même attendues « comme signes de l’opinion publique71 » étant donné l’éloignement de la dernière consultation électorale. La date et l’opportunité même de ce scrutin ont suscité de vives controverses. Le corps électoral est en effet amputé de tous les prisonniers encore détenus en Allemagne, ainsi que des nombreux soldats engagés dans l’armée à la suite de la libération. Le rejet des élections doit également être considéré comme un aspect de l’opposition entre les tenants du retour rapide aux formes traditionnelles de la République et ceux de la perpétuation des institutions de la Résistance. En effet, le « principal effet politique72 » de ces élections est de mettre à l’écart les comités de libération. Le parti communiste, dans son ensemble, est contre, tandis que, au sein des autres formations politiques, les avis sont partagés. La solution de procéder à des élections municipales provisoires est adoptée par l’assemblée des CDL, réunie à l’Hôtel de ville les 15 et 16 décembre 194473. Ce texte de l’assemblée des CDL au sujet des élections est approuvé par l’Assemblée consultative provisoire le 19 décembre74. Ce caractère provisoire des élections est une concession à ceux qui, à l’Assemblée consultative provisoire, au CNR et au CPL souhaitent attendre le retour des prisonniers et déportés75.
25Avant de voter, une tâche essentielle est de redéfinir le collège électoral qui prend part à ce vote. Les femmes votent, sont éligibles pour la première fois et encouragées à s’inscrire massivement sur les listes électorales76, ce qui représente une augmentation du collège électoral supérieure à 100 %77. La révision des listes électorales, c’est-à-dire l’inscription de toutes les femmes, la vérification des domiciles, après une période où les déplacements de population ont été fréquents et la prise en compte des inéligibilités nées des procédures d’épuration78 est un travail de longue haleine. Ce sont les comités de libération qui sont les premiers concernés par ce travail, relayés par les délégations spéciales79. Le CPL détache plusieurs de ses membres pour superviser cette opération pour la ville de Paris et propose également des dispositions pour que cette opération soit facilitée pour les victimes de l’occupation qui « du fait de l’application des lois de Vichy80 », ne peuvent présenter les deux dernières quittances de loyer, c’est-à-dire les résistants clandestins, les réfractaires et les israélites81.
26Les CLL sont des acteurs de l’élection. Une grande partie des membres des CLL sont candidats, parfois dans une liste commune. Ce scrutin est pourtant marqué par l’inflation des étiquettes et la variété des listes de coalition. La participation des organisations syndicales, contrairement à la tradition française, est également une curiosité82. Le travail dans les CLL et les conseils municipaux provisoires a sans aucun doute favorisé certains rapprochements locaux, la nécessité de conclure des alliances pour faire des majorités dans des délégations recouvrant un large éventail de tendances politiques. Il y a également, au sein de certaines délégations spéciales ou CLL, la volonté de conserver l’esprit d’unité de la libération pour continuer l’œuvre de rénovation amorcée. C’est par exemple dans cette perspective que le CLL de Pantin prend une résolution le 22 février 1945 :
« Le CLL considérant que, dans l’intérêt supérieur du pays, soit du point de vue de la conduite de la guerre, soit du point de vue de la reprise économique soit de tout autre point de vue il y a lieu de maintenir à tout prix l’unité de tous. Dans ces conditions, le comité local de libération insiste d’une manière toute pressante auprès des groupements dont font partie les membres du conseil municipal pour qu’ils s’entendent sur la confection d’une liste commune aux élections prochaines83. »
27Pour les CLL, l’enjeu réside bien souvent dans la constitution de cette liste d’union qui est une garantie pour les électeurs. À Antony, Champigny-sur-Marne, Châtenay-Malabry, Pierrefitte-sur-Seine, Sceaux et Vincennes, la grande majorité des organisations membres du CLL s’entendent également sur une liste commune. Partout où des listes unitaires regroupant communistes, socialistes et une partie au moins des mouvements de résistance, la victoire est très nette, dès le premier tour. Par exemple, les 22 listes communes entre le PC et la SFIO gagnent toutes la mairie84. Les mouvements de résistance et les partis politiques s’allient fréquemment, à l’exception du MLN qui présente beaucoup de listes autonomes, sans grand succès d’ailleurs85. À Pierrefitte, une coalition très large l’emporte dès le premier tour, qui rassemble le PCF, la SFIO, le MRP, la CFTC et la CGT et toutes les organisations résistantes86.
28En banlieue, la très grande diversité des listes et des coalitions rend l’analyse du scrutin assez compliquée. Le principal élément à retenir est la continuité entre les CLL, les délégations spéciales et les conseils municipaux élus. 70 % des présidents de délégations spéciales sont élus, même si tous ne sont pas reconduits au poste de maire87. Quand le maire sortant est battu ou ne se présente pas, comme c’est le cas dans 24 communes, c’est le plus souvent un de ses adjoints qui est porté dans le fauteuil du maire. En tout, près de 90 % des maires élus aux élections municipales ont été maires ou adjoints dans l’assemblée provisoire. Sur l’ensemble des conseillers municipaux, ce sont 433 membres des assemblées provisoires qui sont élus en 1945. Onze maires élus avant la guerre le sont à nouveau (10 maires communistes et Gaston Richet, à Châtenay-Malabry, qui réussit l’exploit d’être maire sans discontinuer de 1938 à 1947). Ernest Perney et Georges Marrane sont les seuls membres du CPL à se présenter en banlieue plutôt qu’à Paris. À Levallois-Perret, Ernest Perney mène une liste de l’Union patriotique républicaine et antifasciste en compagnie des communistes88, tandis que Georges Marrane est réélu à Ivry-sur-Seine89.
29Ces élections marquent tout de même un profond renouvellement du personnel politique local et une « gauchisation spectaculaire90 ». 83 % des élus sont nouveaux91 et 47 communes changent de majorité par rapport à 193592. Bien que principal promoteur des listes uniques avec la SFIO et les mouvements de résistance, le parti communiste est le seul parti à être en mesure de l’emporter en se présentant seul, sous le nom de l’union patriotique républicaine et antifasciste (UPRA), en particulier dans les communes qu’il dominait avant guerre. La SFIO et le MRP, nouveau parti, sont quant à eux obligés de s’allier pour l’emporter. Dans 27 municipalités, le PC est dans une situation d’« hégémonie incontestée93 », et il est « prépondérant dans 22 autres communes94 », c’est-à-dire qu’il a recueilli entre 40 et 50 % des suffrages. Dans les deux tiers des communes, la liste UPRA, composée en grande partie de communistes, remporte la victoire. Si on rajoute les listes d’alliance entre le PC, le PS, les radicaux ou le MRP et les mouvements de résistance, le PC fait partie de la majorité de trois conseils municipaux sur quatre. Les modérés connaissent évidemment un mouvement inverse. Avant la guerre, 20 communes étaient dirigées par des maires modérés. En 1945, ils ne sont plus que 5 à représenter cette tendance : Paul Hochart à Chevilly-Larue, Paul Casalis à Créteil, Edmond Petit à Bry-sur-Marne et Jean Bertaud à Saint-Mandé, qui se rangent ensuite sous la bannière du RPF, mais aussi à Neuilly-sur-Seine, où la liste de « Concorde nationale républicaine et sociale » l’emporte au second tour contre la liste de la Résistance. Elle est conduite par Martial Massiani et contient plusieurs anciens élus conservés par Vichy95. Les maires ou adjoints destitués à la libération avaient pourtant dans beaucoup d’endroits constitués des listes. C’est le cas à Vincennes avec l’ancien maire Léon Bonvoisin, aux Lilas, à Créteil, à Charenton, à Puteaux, etc., pour des résultats parfois significatifs. Ainsi, Gaston Blanchard, l’ancien maire de Créteil, recueille 25 % des voix au premier tour96.
30Plus de la moitié des membres du CPL sont candidats dans l’un des six secteurs de Paris. Dans la liste de l’union des mouvements de résistance (MLN-CDLR-OCM), 4 membres du CPL se présentent et trois, Marie-Hélène Lefaucheux, Léo Hamon et Robert Salmon, sont têtes de liste. Dans les listes de l’union patriotique républicaine antifasciste du parti communiste, Paul Langevin, André Carrel, Juliette Môquet, Hélène Mugnier, Albert Ouzoulias, Jeanne Fanonnel et Eugène Saint-Bastien se présentent97. Robert Bétolaud (Alliance démocratique, 3e secteur), Maurice de Fontenay (Fédération républicaine, 3e secteur), Max André (MRP, 5e secteur), Jean Panhaleux (UFR, 4e secteur) sont également candidats, dans Paris, tout comme trois anciens membres du CPL Albert Rigal, Pierre Ruhlmann et Marie Rabaté. Seuls trois d’entre eux ne sont pas élus : Jeanne Fanonnel, Eugène Saint-Bastien et Pierre Ruhlmann. André Tollet, le président du CPL, n’est pas candidat, sans doute par fidélité à la tradition syndicale, mais également parce qu’il est encore imprégné de l’idée que le CPL peut continuer à peser en tant que tel, en dehors des assemblées98. Les résultats de ce scrutin confirment en grande partie les équilibres mis en place par le CPL. Le conseil municipal de Paris est très proche dans sa composition de l’assemblée municipale provisoire. La poussée de la gauche est « contenue99 », et c’est surtout au centre et à droite que les changements les plus importants s’effectuent, avec la montée du MRP qui représente « un succès quasi unique avec 14 sièges et 22 seulement pour la droite traditionnelle100 ».
Graphique 3. – Conseil municipal de Paris, 29 avril 1945.

31À Paris, 64 membres de l’assemblée provisoire se présentent, 43 sont élus101. Plus de 20 % des conseillers municipaux l’étaient déjà en 1939, dont 8 ont été maintenus par Vichy102. Les élections cantonales étant repoussées pour permettre le retour des prisonniers, déportés et mobilisés103, l’assemblée départementale provisoire est composée pendant quelques mois des membres du conseil municipal élu et les délégués de banlieue désignés par les CLL et le CPL. L’élection du conseil général de la Seine, qui a lieu en septembre 1945, met définitivement fin au régime provisoire, sans modifier la situation du CPL, qui avait de toute façon déjà passé la main à l’assemblée départementale provisoire.
La nouvelle vie104 des Comités de libération
32Dès avant ce scrutin, à partir du 6 mars 1945 et l’entrée en fonction de l’assemblée municipale provisoire, le CPL avait perdu une grande partie de ses pouvoirs. Pourtant, tandis que tous ses membres sont intégrés à l’assemblée, il décide de perdurer en tant que tel :
« Le CPL décide de se consacrer exclusivement à sa mission de mobilisation du peuple, de façon à permettre au Gouvernement provisoire de la République de s’appuyer sur lui pour résoudre les graves problèmes de l’heure105. »
33Cette position avait été avancée par Albert Rigal au début du moins d’août 1944106, ce qui avait provoqué l’étonnement des autres membres du bureau du CPL au cours de ce que Léo Hamon avait appelé une « discussion de fous qui auraient fait de la scolastique107 ». À intervalles réguliers, entre la libération et la dernière séance du CPL à l’Hôtel de ville, des discussions autour de ce thème ressurgissent. Le devenir des institutions de la Résistance est une préoccupation pour une partie des membres du CPL, notamment en ce qui concerne la cohabitation avec les assemblées provisoires, puis les assemblées élues. Pour les communistes, l’idée est d’instaurer une distinction entre des assemblées locales régulières, qui seraient dévouées aux tâches administratives, tandis que les CLL et le CPL seraient les garants de la politique de leurs territoires. D’après Henri Denis, ce souci de « maintenir l’originalité du CPL108 » est à l’origine du refus des membres communistes du CPL d’examiner le projet de statut de la régie des transports parisiens, au début du mois de février 1945. Le CPL serait moins libre de sa parole, y compris dans la critique, s’il était associé directement à la mise en place d’un projet qu’il ne pourra pas suivre jusqu’à son dénouement.
34Le 19 mars 1945, le CPL est installé dans un appartement de dix pièces réquisitionné par la préfecture de la Seine, au 5e étage d’un immeuble situé 21, rue Béranger, dans le 3e arrondissement de Paris. Cette installation s’est effectuée « sans récrimination aucune109 ». Il bénéfice encore de facilités accordées par les pouvoirs publics, en attendant le règlement d’une subvention. La mise à l’écart du CPL est en effet limitée par le fait que son rôle officiel n’est pas achevé avec la mise en place des assemblées parisiennes. Des textes de loi ont donné des missions aux CDL qui sont loin d’être achevées au printemps 1945. Par exemple, ils sont consultés en cas de modification du conseil général, ils peuvent saisir les cours de justice pour des cas d’indignité nationale, ou encore donner leur avis dans les affaires d’épuration des directeurs, agents et employés de caisses d’épargne110. L’épuration est le principal champ où les CDL ont encore un rôle à jouer. Certaines de ces commissions sont spécifiques à Paris, la commission d’épuration de l’Hôtel de ville, et celles du cinéma et du métro, mais les commissions de triage, de contrôle des prix, et de confiscation des profits illicites fonctionnent toujours. Le fait de retrouver son destin originel de comité de libération n’est pas seulement un vœu politique de son président, mais aussi une nécessité juridique pour le ministère de l’Intérieur qui cherche à prévoir le plus précisément possible le rôle des CDL. L’application de l’article 19 du 21 avril 1944 sur la passation de pouvoir entre les CDL et les conseils généraux a fait l’objet de diverses interprétations. Sous la pression des CDL, il est convenu que c’est après les élections que ce passage de témoin doit avoir lieu111. Ensuite, leur disparition doit résulter « de la simple constatation de l’arrivée à son terme de la mission à eux confiée par l’ordonnance du 21 avril 1944112 ». La tâche fixée par le ministère n’est pas négligeable. Les CDL doivent coordonner l’action des organisations de résistance et des associations de résistance et désigner ou proposer les représentants de la Résistance dont la participation est prévue au sein des comités, commissions ou autres organismes crées en vertu d’ordonnances, de décrets ou d’arrêtés ministériels113. Par ailleurs, le gouvernement reconnaît aux CDL une légitimité pour traiter des problèmes nés de la Résistance et de la libération, ainsi que les garants de l’esprit de la Résistance, « le levain de la nation libérée114 ». Le ministre propose que « les CDL demeurent des organismes départementaux de coordination des mouvements de Résistance et continuent à être chargés de la désignation des représentants de la Résistance dans divers comités, commissions et conseils. Ils ont un rôle consultatif dans les problèmes nés de l’occupation, de la Résistance et de la libération qui n’entrent pas dans les attributions des Conseils municipaux ou des Conseils Généraux115 ». Pour toutes ces raisons, le CPL, comité de libération du plus important des départements, reçoit une subvention d’un million de francs, octroyée par un arrêté du mois de septembre 1945116.
35Si cette dualité peut éventuellement se justifier d’un point de vue théorique tant que les élections n’ont pas permis d’asseoir les assemblées municipales sur la légitimité populaire, il faut bien constater que ce souci de perdurer n’est pas uniformément partagé par tous les membres du CPL. Une partie de ses membres s’accommode et même se satisfait de se voir décharger du travail administratif, au profit de l’assemblée municipale provisoire en mars 1945, pour redevenir pleinement l’organisme héritier de la Résistance, le garant de la légalité insurrectionnelle, qui n’a plus grand-chose à revendiquer qu’une influence morale. C’est avant tout la vision des membres communistes du CPL, promoteurs également des États généraux de la renaissance française, auxquels le CPL, en fait essentiellement André Tollet et André Carrel, participent, après avoir mené une large campagne auprès des comités locaux de libération. Pour André Tollet, l’ADN syndicaliste est un argument supplémentaire, lui qui croit avant tout en une « conception non électoraliste de la politique117 ». D’un autre côté, une majorité des membres du CPL qui siègent dans les assemblées provisoires puis qui sont élus aux élections municipales font preuve d’une certaine indifférence envers la perpétuation du CPL après le 12 mars 1945 : à la première séance du CPL post Hôtel de ville, de nombreux membres « ne répondirent pas à la convocation de leur président ou […] firent une simple apparition en cours de séance118 ».
36Cette transition est mieux réalisée par les CLL car anticipée. André Tollet, le 31 août, prévient les CLL rassemblés à l’Hôtel de ville qu’ils ne doivent pas cesser de se réunir, malgré la composition des assemblées provisoires :
« Les assemblées doivent choisir maintenant les municipalités provisoires en même temps qu’elles doivent continuer à désigner le bureau du CLL pour que nos organismes de résistance, qui ont acquis tant de droits et tant d’autorité de la population, continuent à mener leur action. N’oublions pas que nos Comités Locaux de libération, grâce auxquels a eu lieu l’insurrection qui a tant fait pour l’avenir du pays, doivent continuer à vivre119. »
37Dans toutes les communes étudiées, le comité local continue d’exister après la mise en place des conseils municipaux. Dans un courrier, André Tollet explique la répartition des deux institutions : les conseils municipaux s’occupent de l’administratif, les CLL des tâches politiques120. C’est aux antipodes de la vision gouvernementale, qui affirme que la nécessité de fait qui justifiait l’existence des CLL a « incontestablement disparu dès la mise en place des conseils municipaux rétablis ou des délégations municipales, les [Comités de libération] n’ont manifestement, plus de raison d’être et doivent, par suite, être réputés comme n’ayant jamais existé121 ». Le CPL est très vigilant pour faire des CLL les aiguillons de la politique municipale, à l’image de ce que le CPL veut être après sa propre passation de pouvoir. Il s’agirait du « véritable caractère122 » des comités de libération. Un document interne au CPL les considère comme la principale représentation de la population, tandis que le conseil municipal provisoire est vu comme le pouvoir administratif, et propose que le comité de libération, dans certains cas, puisse s’opposer aux décisions du conseil municipal « qui ne répondrai[en]t pas aux nécessités de l’heure présente ou qui irai[en]t à l’encontre des véritables intérêts de la population123. Comme pour le CPL, les CLL sont également en charge de l’achèvement de divers dossiers, notamment pour l’épuration, bien après le passage de témoin avec les délégations spéciales, et même les élections. Par exemple, en 1946, le CLL de Pantin est saisi à cette époque de demandes visant à réintégrer des ouvriers de la manufacture du tabac, qui auraient fourni du tabac ou des allumettes à des résistants et à des prisonniers en transit en gare de Pantin124.
38Le congrès des comités de libération, en décembre 1944, en acceptant finalement le principe des élections municipales et cantonales provisoires, a dans le même temps préparé une porte de sortie aux comités de libération, en faisant voter à l’assemblée un « serment125 » d’unité et faisant des CDL les « animateurs de la renaissance française126 » et les instruments de l’application du programme du CNR. Une fois sa période officielle achevée, en mars 1945, le CPL est un des artisans de la « Renaissance Française », et de ses États généraux, manifestation politique et patriotique organisée par le CNR le 14 juillet 1945, qui a pour objet, d’après André Tollet, « de rechercher tout ce qui peut rendre à la France, sur le plan politique et économique, son rang de grande nation127 ». Il s’agit en fait d’un prolongement du congrès des CDL, avec l’ambition que ceux-ci continuent à être les porte-paroles de la Résistance dans le débat public. L’organisation des États généraux dans le département de la Seine est avant tout l’affaire du bureau du CPL et des CLL. Le CPL plénier n’aborde pas la question, sauf pour la déléguer à une commission préparatoire, créée dans la foulée de l’assemblée des CDL, le 20 décembre128. Au bureau, c’est essentiellement André Tollet et André Carrel qui sont impliqués dans la préparation de cette initiative. Certains CLL constituent également une commission spécifique, et commencent à sensibiliser la population à l’événement. Le CLL de Boulogne-Billancourt, par exemple, autorise ses membres à intervenir dans les salles de cinéma129. Des cahiers de doléances sont rédigés localement, parfois très en amont de la réunion du 14 juillet. À Noisy-le-Sec, le « cahier de la Renaissance française présenté par les Noiséens au Comité parisien de la libération », est mis au point au début du mois de décembre 1944130. Toutes les personnalités de la commune sont sollicitées, par grands secteurs socio-professionnels (artisans, industriels, commerçants, ouvriers…), et une longue liste de réformes est proposée. Après le 6 mars 1945, le CPL travaille plus spécifiquement sur l’organisation de la manifestation. À la fin du mois de mai, il met sur pied l’organisation du congrès départemental des États généraux, où toute la population du département doit être représentée, à raison d’un délégué pour 4000 habitants. Ce congrès doit désigner les 245 délégués du département pour le congrès national, prévu donc le 14 juillet 1945131.
39Le 14 juillet 1945, la manifestation est placée sous l’égide du CNR et du CPL, qui doivent tirer les conclusions de tous les cahiers de doléances reçus et établir un programme à remettre au gouvernement132. Le gouvernement surveille d’assez près cette initiative, en demandant aux préfets des rapports complets133. Le jour dit, le cortège rassemble, selon les renseignements généraux, 25000 personnes. La tribune installée place de la Bastille est surtout occupée, en plus des membres du CNR et du CPL, par les dirigeants du parti communiste, accompagnés par quelques membres de la SFIO134. Ce mouvement connaît un nouveau regain d’actualité après les élections générales d’octobre 1945, après lesquelles les présidents de CDL se réunissent à nouveau à Paris. Constatant que les partis victorieux des élections à l’assemblée constituante se réclament tous du programme du CNR, l’assemblée des CDL « décide qu’en tout état de cause les comités locaux et départementaux de la libération doivent se maintenir jusqu’à la réalisation intégrale du programme du CNR135 ». Cependant, faute d’avoir pu faire entériner par le gouvernement un projet de statuts, proposé par le CNR en mars 1945136, les CDL sont abandonnés peu de temps après ces élections. Au conseil des ministres du 4 décembre 1945, le gouvernement estime qu’il n’y a pas lieu de soumettre à l’assemblée constituante un projet de loi sur les CDL, et les invite, s’ils le souhaitent, à devenir des associations137.
40Malgré son rôle amoindri, le CPL n’en reste pas moins une des vitrines de la Résistance et le témoin de l’insurrection parisienne. C’est à ce titre qu’il est invité, en compagnie du conseil municipal provisoire, en Angleterre par le London county council en mars 1945138. En revanche, dans la célébration de la victoire en avril et mai 1945, le CPL, bien qu’assimilé à la Résistance parisienne, est rejeté dans le passé : il est cité, mais non considéré comme une institution encore agissante. Le 2 avril 1945, le général de Gaulle, au cours de la cérémonie où il remet à la ville de Paris la Croix de la Libération, rappelle que la lutte pour la libération de la capitale et de sa banlieue s’est exercée « suivant le plan prévu139 » par la Résistance, et cite, sans les mettre particulièrement en avant, toutes les institutions de la Résistance impliquées dans l’événement, dont le CPL. André Tollet en conçoit une certaine rancune, d’autant plus que cet événement se tient une fois l’assemblée municipale provisoire installée, de sorte que la représentation de la Résistance parisienne est symbolisée par André Le Trocquer, le président de l’assemblée, et non par le président du CPL140. De son côté, le CPL se considère comme un porteur de la mémoire de l’insurrection et s’autoproclame son principal acteur, avant-garde de la population parisienne. Dès le 11 octobre 1944, le bureau décide de publier une brochure retraçant l’activité du CPL pendant la clandestinité. C’est Armand Maynial-Obadia qui est chargé du projet141. Au début de l’année 1945, ce projet est devenu un « livre d’or142 » dont la rédaction est confiée à Claude Roy. Intitulé « Paris, les heures glorieuses, août 1944 », et sous-titré « Le CPL prépare et dirige l’insurrection143 », il rassemble un certain nombre des textes que le bureau du CPL a fait paraître sous l’occupation, accompagné de photographies, et des mises en contexte et commentaires lyriques ou poétiques de Claude Roy, écrivain résistant auteur d’un recueil sur son expérience de l’insurrection parisienne, Les Yeux ouverts dans Paris insurgé144. L’album sort au mois de décembre 1945145.
41Le CPL devient une association en novembre 1946, et participe, avec de très nombreux comités locaux, eux aussi devenus des associations, aux différentes commémorations de la libération de Paris. Le CPL est l’organisateur d’une commémoration annuelle de la libération de Paris à la gare Montparnasse dans les derniers jours du mois d’août. À la fin des années cinquante, bien que regroupant toujours une grande partie des organisations héritières de celles qui siégeaient dans le Comité parisien de la libération, le travail commémoratif de l’association est conduit par un petit groupe d’anciens membres proches du parti communiste. En juillet 1958, les participants à une réunion de travail sont André Tollet, André Carrel, Albert Ouzoulias, Armand Maynial-Obadia, Georges Marrane et Jeanne Fannonel146. En août 1964, des grandes manifestations ont lieu pour célébrer le vingtième anniversaire de la libération de Paris. L’association du CPL est une grande force de proposition, notamment en proposant l’organisation d’un spectacle son et lumière et d’un bal populaire147. Cette même année, le CPL organise une importante manifestation en hommage aux victimes de la cascade du Bois de Boulogne, et édite une brochure mémorielle sur ce massacre148. Suite à ce regain d’activité, le travail mémoriel de l’association du CPL, trouve une autre concrétisation au sein d’une association pour la création d’un musée de la Résistance, en 1965, dans laquelle on retrouve André Tollet, et dont Georges Marrane est le premier président. André Tollet un des principaux animateurs de cette association, dont il devient vice-président en mai 1970149, puis président le 15 janvier 1977, après le décès du premier président, Georges Marrane150. André Carrel membre du comité de parrainage mis en place en janvier 1968151, lui succède à sa mort en 2001. Lorsque le musée est inauguré, en novembre 1985, quatre membres du CPL sont présents : André Tollet, Léo Hamon, Jacques Piette et Maria Rabaté152.
42Propre à tous les après-guerres, ce temps de reconstruction et de normalisation de la société et des institutions est ici compliqué par les aspirations nées de la Résistance et de la libération. Le CPL a essayé de mener de front une entreprise de rénovation institutionnelle du département avec ses obligations administratives. Il faut bien constater que les secondes ont très vite pris le pas sur le premier, provoquant une grande frustration chez ses membres, dont la bonne volonté s’est effritée face aux pesanteurs qu’ils ont été incapables de lever ou de détourner. Cependant, le CPL n’en reste pas moins un acteur essentiel d’une reconstruction politique du département. Son manque de modération, parfois incontestable et derrière lequel la diversité de son action a été cachée, ne doit pas faire oublier que c’est avec bien plus de sérénité que dans d’autres régions que le rétablissement de la légalité républicaine a été mené dans le département de la Seine.
Notes de bas de page
1 Robert Mencherini, « Les changements des rapports de forces politiques », in Gilles Le Béguec et Denis Peschanski (eds.), Les élites locales dans la tourmente : du Front populaire aux années cinquante, Paris, CNRS Éd., 2000, p. 39.
2 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 14 septembre 1944, procès-verbal de la séance du 28 août 1944.
3 Sauf mention contraire, les renseignements biographiques sur les élus mentionnés dans ce chapitre sont tirés du Maitron en ligne [http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/].
4 Journal officiel de la République française n° 232 du 27 septembre 1939, p. 11771.
5 Journal officiel de la République française n° 240 du 5 octobre 1939, p. 12030.
6 Les conseils municipaux concernés sont ceux d’Alfortville, Arcueil, Bagneux, Bagnolet, Bobigny, Bondy, Bonneuil, Clamart, Colombes, Drancy, Épinay-sur-Seine, Fresnes, Gennevilliers, Gentilly, l’Haÿ-les-Roses, Issy-les-Moulineaux, Ivry-sur-Seine, Maisons-Alfort, Malakoff, Montreuil, Nanterre, Noisy-le-Sec, Orly, Romainville, Stains, Villejuif, Vitry-sur-Seine.
7 Journal officiel de la République française, n° 34, 22 avril 1944. Ordonnance du 21 avril 1944 relative à l’organisation des pouvoirs publics en France après la libération, article 5.
8 Site personnel d’André Calvès [http://andre-calves.org/autres%20redactions/Lexecution%20de% 20Barthelemy.htm], page consultée le 25 février 2014.
9 AN, 3AG(4)/42, le président de la Délégation Spéciale de Montrouge au ministre de l’Intérieur, 20 novembre 1944. Dans ce courrier, Marc Delauzun écrit : « L’ancien membre de la LVF E. Cresp a été libéré de Drancy. »
10 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 14 septembre 1944, procès-verbal de la séance du lundi 4 septembre 1944 ; BHdV, Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n° 200 du 7 septembre 1944. Instructions pour la formation des conseils municipaux provisoires et l’élection des maires et adjoints.
11 AN, 397AP/10, CNR, Commission des CDL, instructions aux CDL, Municipalités, 11 avril 1944.
12 AN, 397AP/10, ibid.
13 AN, 397AP/10, ibid.
14 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 7 octobre, procès-verbal de la séance du lundi 2 octobre 1944.
15 BHdV, Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n° 200 du 7 septembre 1944. Instructions pour la formation des conseils municipaux provisoires et l’élection des maires et adjoints.
16 AD 92, 1154W349, Neuilly-sur-Seine. Direction des affaires départementales, formation de la délégation spéciale de Neuilly-sur-Seine, 4 novembre 1944.
17 AN, C/15253, dossier 164, résolution tendant à abaisser l’âge de l’électorat et de l’éligibilité adoptée le 2 août 1945, n° 130.
18 MRN, 12/114, le secrétaire général du CPL au CLL de Levallois, 6 septembre 1944.
19 AD 92, 1154W/349, Issy-les-Moulineaux compte rendu sur la situation à Issy-les-Moulineaux, 31 août 1944.
20 MRN, 14/AGIL/16, le président du CLL au président du CPL, 2 septembre 1944.
21 AD 92, 1154W/349, Bois-Colombes, note manuscrite de Jacques Kosciusko, s. d.
22 AD 92, 1154W/349, Bois-Colombes, communes dans lesquelles la désignation du maire responsable soulève des contestations, s. d.
23 Le fait que beaucoup d’entre eux aient essayé de reconquérir leur mairie en juin 1940 est encore inconnu.
24 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 21 octobre 1944, procès-verbal de la séance du lundi 16 octobre 1944.
25 Ordonnance n° 45- 582 du 6 avril 1945, JORF du 7 avril 1944, p. 1914-1915.
26 Peter Novick, L’épuration française : 1944-1949, Paris, Balland, 1985, p. 174.
27 Ce reproche est fait à de nombreuses reprises par le CPL, notamment pour des anciens élus de Levallois-Perret ou de Créteil.
28 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 20 novembre 1944, procès-verbal de la séance du mardi 14 novembre 1944.
29 AN, F1b1/885, lettre de M. Vary, ancien conseiller municipal de Châtillon, 17 octobre 1944, Motion des élus sociaux de Clichy au ministre de l’Intérieur, 25 septembre 1944, lettre de J. H. Stenger, ancien conseiller municipal du Perreux, 14 octobre 1944.
30 AN, F1b1/885, lettre de M. Nething au général de Gaulle, 6 octobre 1944.
31 AN, 110AJ/72, note concernant le projet de décret portant constitution de l’assemblée municipale provisoire de Paris, 17 février 1945.
32 MRN, 14/AGIL/16, commission des comités locaux à M. Gillot, maire de Saint-Denis, 9 novembre 1944.
33 MRN, 14/AGIL/16, commission des comités locaux de libération à tous les présidents de CLL, 31 août 1944.
34 Il s’agit des arrondissements et communes ci-après : 2e arrondissement, 9e arrondissement, 15e arrondissement, 20e arrondissement, Aubervilliers, Colombes, La Courneuve, Dugny, Fontenay-aux-Roses, Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, Orly, Le Perreux, Pierrefitte-sur-Seine, Le Pré-Saint-Gervais, Sceaux, Suresnes, Vincennes.
35 Dans le 11e arrondissement, 12e arrondissement, Asnières, Bois-Colombes, Châtillon, Choisy-le-Roi, Créteil, Fontenay-sous-Bois, Nanterre, Neuilly-sur-Seine, Pantin, Saint-Mandé, Saint-Maur, Saint-Ouen, Villemomble.
36 BHdV, Bulletin municipal officiel de la ville de Paris, n° 257 du 16 novembre 1944.
37 Jean-Marie Guillon, « “Parti du mouvement” et “parti de l’ordre” (automne 1944-automne 1945) », op. cit., p. 47.
38 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 20 novembre 1944, procès-verbal de la séance du mardi 14 novembre 1944.
39 JORF du 7 novembre 1944, Ordonnance du 30 octobre 1944 portant établissement d’une assemblée départementale provisoire dans la Seine, Ordonnance du 30 octobre 1944 relative à l’établissement d’une assemblée municipale provisoire de la ville de Paris.
40 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 9 octobre 1944, procès-verbal de la séance du lundi 14 octobre 1944.
41 AD 92, 1154W349, Asnières, Formation de la délégation spéciale d’Asnières, rapport au préfet, s. d.
42 BHdV, Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n° 216 du 27 septembre 1944, n° 256 du 15 novembre 1944.
43 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 11 décembre 1944, procès-verbal de la séance du mardi 5 décembre 1944.
44 MRN, 2/BMO, ibid.
45 AN, 110AJ/72, note concernant le projet de décret portant constitution de l’assemblée municipale provisoire de Paris, 17 février 1944. Proposé par le préfet à la réintégration, Adrien Tixier l’écarte, mais il est finalement contredit par le chef du gouvernement.
46 AN, 110AJ/72, constitution de l’assemblée municipale provisoire de Paris, Tableau d’ensemble présentant le conseil municipal au 1er septembre 1939 et résumant schématiquement les propositions de la préfecture de la Seine pour la constitution de l’Assemblée provisoire, s. d.
47 AN, 3AG(4)/41, direction des RG, rapport du 10 novembre 1944.
48 Philippe Nivet, « Les assemblées parisiennes », in Gilles Le Béguec et Denis Peschanski (eds.), Les élites locales dans la tourmente : du Front populaire aux années cinquante, Paris, CNRS Éd., 2000, p. 369.
49 AN, 72AJ/42, journal de Léo Hamon, p. 120.
50 Emmanuel Bellanger, Administrer la « banlieue municipale » : activité municipale, intercommunalité, pouvoir mayoral, personnel communal et tutelle préfectorale en Seine banlieue des années 1880 aux années 1950, op. cit., p. 1145. Il faut là encore avoir à l’esprit que la tentative de reprise des hôtels de ville par les maires communistes en juin 1940 n’est pas connue à la libération.
51 Ibid., p. 1156.
52 Emmanuel Bellanger, Administrer la « banlieue municipale » : activité municipale, intercommunalité, pouvoir mayoral, personnel communal et tutelle préfectorale en Seine banlieue des années 1880 aux années 1950, op. cit., p. 414.
53 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 267. Cette proportion est plus forte que pour le conseil municipal de Lyon (70 %) et égale au pourcentage de renouvellement des élites locales dans les Bouches-du-Rhône, bien que dans ce département, des écarts entre villes et campagne soient à relever, ce qui n’est pas le cas pour la région parisienne (Robert Mencherini, « Les changements des rapports de forces politiques », op. cit., p. 39).
54 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 267.
55 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 267.
56 Philippe Nivet, Le Conseil municipal de Paris de 1944 à 1977, op. cit., p. 72-73.
57 JORF du 7 novembre 1944, Ordonnance du 30 octobre 1944 portant établissement d’une assemblée départementale provisoire dans la Seine, Ordonnance du 30 octobre 1944 relative à l’établissement d’une assemblée municipale provisoire de la ville de Paris.
58 Les autres sièges étaient divisés entre les socialistes (11), les Républicains de gauche (6), et les radicaux, démocrates populaires, URD et PPF qui comptaient un ou deux sièges chacun.
59 AN, 110AJ/72, rapport au président du gouvernement de la république sur la constitution de l’assemblée départementale provisoire de la Seine, 20 février 1945.
60 AC Ivry-sur-Seine Registre de délibérations 314, procès-verbal de la séance du comité local de libération du 19 août 1944 et procès-verbal de la séance du comité local de libération du 14 septembre 1944.
61 BHdV, Bulletin municipal officiel de la ville de Paris n° 244 du 29 octobre 1944. C’est également le cas à Clamart (Bulletin municipal officiel de la ville de Paris n° 250 des 6-7 novembre 1944).
62 Voir l’annexe n° 12 pour le tableau complet des maires provisoires de la Seine.
63 Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule, Itinéraires orlysiens, op. cit.
64 D’après Emmanuel Bellanger, Administrer la « banlieue municipale » : activité municipale, intercommunalité, pouvoir mayoral, personnel communal et tutelle préfectorale en Seine banlieue des années 1880 aux années 1950, op. cit., p. 1256, des femmes sont nommées dans des conseils municipaux en 1942, souvent en tant que mères de famille.
65 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 267.
66 William Guéraiche, « Les femmes politiques de 1944 à 1947 : quelle libération ? », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 1, 1er avril 1995.
67 BdHV, Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n° 250 des 6 et 7 novembre 1944.
68 BdHV, Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n° 244 du 29 octobre 1944.
69 Cette tendance à confier aux femmes le domaine de l’action sociale et familiale perdure après les élections municipales. Dans les conseils municipaux élus, « [les femmes sont] des déléguées du maire très actives dans la promotion et le contrôle des services municipaux de la petite-enfance, de la jeunesse, des « anciens » ou des familles ». (Emmanuel Bellanger, Administrer la « banlieue municipale » : activité municipale, intercommunalité, pouvoir mayoral, personnel communal et tutelle préfectorale en Seine banlieue des années 1880 aux années 1950, op. cit., p. 1256.)
70 Philippe Nivet, Le conseil municipal de Paris de 1944 à 1977, op. cit.
71 André Siegfried, L’année politique 1944-45 : revue chronologique des principaux faits politiques, économiques et sociaux de la France de la libération de Paris au 31 décembre 1945, Paris, Éd. du grand siècle, 1946, p. 185.
72 Gilles Morin, « Les élections de 1945, étapes du rétablissement du pouvoir central », Historiens et géographes, La IVe République, Histoire, recherches et archives, n° 357, mai 1997, p. 215-231.
73 AN, 3AG(4)/41, note sommaire sur l’assemblée nationale des CDL, 15-16 décembre 1944.
74 MRN, 2/Q31, France Soir, n° 154, 20 décembre 1944.
75 MRN, 2/Q31, France Soir, n° 150, 16 décembre 1944. Moïse Robert-Pimienta, délégué de la Fédération républicaine déclare même, un peu fallacieusement, que le CPL est « opposé à des élections […] à l’unanimité ».
76 AC Pantin 1Fi/1090, affiche du CPL invitant les femmes à s’inscrire sur les listes électorales, s. d.
77 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 255.
78 Les militaires obtiennent le droit de vote le 17 août 1945, c’est donc aux conseils municipaux qu’est confiée la tâche de les inscrire sur les listes électorales.
79 MRN, 12/114A notes manuscrites d’André Tollet. Liste des membres de la commission de révisions des listes électorales, s. d.
80 BHdV « Vœu relatif à l’inscription sur la liste électorale des illégaux réfractaires », Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris n° 257 du 16 novembre 1944.
81 AD 75, 1520W/4, décisions prises par le bureau le 13 novembre 1944.
82 Gilles Le Béguec et Denis Peschanski (eds.), Les élites locales dans la tourmente, op. cit., p. 40.
83 AC Pantin H27, motions votées le 22 février 1945 par le CLL.
84 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 256.
85 C’est donc le cas à Pantin, mais aussi à Levallois-Perret, où la liste est pourtant conduite par le président de la délégation spéciale.
86 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 262.
87 C’est par exemple le cas de Léon Pesch à Bobigny ou d’Henri Vernet à Bourg-la-Reine.
88 AC Levallois-Perret 2K1/2, bulletin de vote de la liste d’Union patriotique républicaine et antifasciste, 29 avril 1945.
89 Roger Deniau devient maire de Puteaux aux élections municipales de 1947.
90 Gilles Le Béguec et Denis Peschanski (eds.), Les élites locales dans la tourmente, op. cit., p. 27.
91 Gilles Le Béguec et Denis Peschanski (eds.), Les élites locales dans la tourmente, op. cit., p. 407.
92 Emmanuel Bellanger, Administrer la « banlieue municipale » : activité municipale, intercommunalité, pouvoir mayoral, personnel communal et tutelle préfectorale en Seine banlieue des années 1880 aux années 1950, op. cit., p. 1175.
93 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 257.
94 Ibid.
95 Ibid., p. 263.
96 Ibid.
97 Les listes sont présentées dans six numéros successifs de L’Humanité du 19 au 24 avril 1945 (MRN, 2/Q41).
98 André Tollet avait proposé la même réflexion au moment de la constitution de l’assemblée municipale provisoire, souhaitant voir le bureau du comité rester en dehors de l’assemblée (AD75, 10114/64/5 10, rapport du secrétaire général de la Seine au ministre de l’Intérieur sur la réunion du bureau du Comité parisien de la libération du [2] janvier 1945, 5 janvier 1945).
99 Alfred Wahl, « Le choc politique de la libération », op. cit.
100 Ibid.
101 Philippe Nivet, « Les assemblées parisiennes », op. cit., p. 369.
102 Danièle Rousselier-Fraboulet, « La Seine », op. cit., p. 264.
103 André Siegfried, L’année politique 1944-45, op. cit., p. 191.
104 AD 75, 10114/64/5 9, note confidentielle du préfet, secrétaire Général de la Seine, au ministre de l’Intérieur, s. d.
105 MRN, 12/113, déclaration du bureau du Comité parisien de la libération, s. d.
106 MRN, 14/ATOL/1, procès-verbal de la réunion du bureau du CPL du 8 août 1944.
107 AN, 72AJ/42, journal de Léo Hamon, p. 198.
108 Henri Denis, Le Comité parisien de la Libération, op. cit., p. 149.
109 AD 75, 10114/64/5 9, note confidentielle du préfet, secrétaire Général de la Seine, au ministre de l’Intérieur, s. d.
110 AN, F1a/3240, rapport sur la réduction des pouvoirs des CDL, 2 février 1945.
111 AN, F1a/3240, note de la direction des Affaires départementales et communales, 18 décembre 1944.
112 Ibid.
113 AN, F1a/3240, note du ministre de l’Intérieur, 21 février 1945.
114 AN, F1a/3240, intervention d’Adrien Tixier à l’Assemblée Consultative sur la situation des CDL, paru dans le JO du 28 décembre 1944.
115 AN, F1a/3240, note d’Adrien Tixier à Pierre Tissier, 8 décembre 1944 sur l’interprétation de l’alinéa 5 de l’article 19 de l’ordonnance du 21 avril 1944.
116 AN, F1a/3240, note du ministre de l’Intérieur, septembre 1945.
117 André Tollet et Claude Lecomte, Ma traversée de siècle, op. cit., p. 61.
118 AD 75, 10114/64/5 9, note confidentiel du préfet, secrétaire Général de la Seine, au ministre de l’Intérieur, s. d.
119 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 14 septembre 1944, réunion d’information du 31 août 1944.
120 MRN, 12/113, déclaration du bureau du Comité parisien de la libération, s. d.
121 AN, F1a/3240, note de la direction des Affaires départementales et communale, 18 décembre 1944.
122 MRN, 12/114A, note manuscrite, « Vie des CLL », s. d.
123 MRN, 12/114A, ibid.
124 AC Pantin, H26.
125 MRN, 7/LIB/4, serment de l’Hôtel de ville, affiche s. d.
126 MRN, 7/LIB/4, ibid.
127 MRN, 2/BMO, supplément au BMO du 27 décembre 1944, séance du mercredi 20 décembre 1944.
128 MRN, 2/BMO, ibid.
129 AC Boulogne-Billancourt compte rendu de la séance du CLL, 15 février 1945.
130 MRN, 12/114, cahier de la Renaissance française présenté par les Noiséens au Comité parisien de la libération, décembre 1944.
131 Henri Denis, Le Comité parisien de la Libération, op. cit., p. 153. Réunion du CPL du 31 mai 1945.
132 MRN, 4/16, États généraux de la Renaissance française des 10, 11, 12, 13, 14 juillet 1945. Proclamation et serment du Palais de Chaillot. Résolutions adoptées en séance plénière, 1945, 40 p.
133 AN, F1a/3240, note du ministre de l’Intérieur aux préfets, 20 juin 1945.
134 AN, F1a/3240, note sur le défilé du 14 juillet par le CNR et le CPL, 14 juillet 1945.
135 AN, F1a/3240, note pour le ministre, « L’avenir des CDL », 30 octobre 1945.
136 AN, F1a/3240, projet de statuts des CDL transmis au ministre par le président du CNR le 16 mars 1945.
137 AN, F1a/3240, conseil des ministres du 4 décembre 1945.
138 BHdV, Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n° 56 du 8 mars 1945.
139 Discours du général de Gaulle, 2 avril 1945, Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n° 96, 25 avril 1945.
140 André Tollet et Claude Lecomte, Ma traversée de siècle, op. cit., p. 67.
141 AD 75, 1520W/4, décisions prises par le bureau, 11 octobre 1944.
142 AD 75, 1520W/4, décisions prises par le bureau, 2 février 1945.
143 MRN, 14/SAFMOQ, Claude Roy, Paris, les heures glorieuses, août 1944, op. cit.
144 Claude Roy, Les yeux ouverts dans Paris insurgé, Paris, R. Julliard, 1944, 123 p.
145 MRN, 12/114A La Marseillaise, 13 décembre 1945, L’Humanité, 19 décembre 1945.
146 AD 93, 49J/229, réunion du CPL, 10 juillet 1958.
147 AD 93, 49J/229, lettre d’André Tollet au préfet de police, 29 juin 1964.
148 Conseil général de la Seine, Comité parisien de la Libération, Cérémonie du 20e anniversaire de la mort des 35 martyrs de la Cascade du Bois de Boulogne, 6 juin 1964, Paris, Impr. municipale, 1964, 73 p.
149 MRN, Notre Musée. Bulletin de l’association pour la création d’un musée de la Résistance, n° 39, mai-juin 1970, p. 1.
150 MRN, Notre Musée. Bulletin de l’association pour la création d’un musée de la Résistance, n° 66, avril 1977, p. 4.
151 MRN, Notre Musée. Bulletin de l’association pour la création d’un musée de la Résistance, n° 22, janvier 1968, p. 1.
152 MRN, Musée de la Résistance nationale, brochure de présentation, novembre 1985, p. 28.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008