Barbares, païens et fréquentables. Réflexions sur l’absence de martyrs aux mains des Anglo-Saxons
p. 95-108
Texte intégral
1Au cours des longs siècles de développement de l’écriture hagiographique, de nombreux peuples barbares ont été crédités – si l’on ose dire – de la mort de martyrs. Même s’il importe de rappeler que les Romains restent ceux à qui la tradition ecclésiastique attribue le plus grand nombre de meurtres de chrétiens, les peuples barbares du haut Moyen Âge occupent en la matière une place respectable, comme le démontrent amplement plusieurs contributions au présent volume. Ainsi les Vandales apparaissent comme des candidats privilégiés dès qu’il s’agit d’attribuer la passion d’un martyr à une population féroce et animée de la haine de Dieu et de la religion chrétienne : l’hagiographie martyriale suit quasiment leur trace de la Rhénanie à l’Afrique du Nord, en passant par l’Aquitaine et l’Espagne1. Pour autant, d’autres peuples ne sont pas en reste : les Suèves et les Alains, leurs compagnons de Wanderung, ont aussi quelques martyrs à leur actif ; les Goths (Wisigoths et Ostrogoths, dont l’arianisme est réputé, en partie à tort, avoir provoqué des persécutions), les Lombards (par exemple dans les Dialogues de Grégoire le Grand), les Huns (Attila étant même, selon la formule d’Edina Bozoky, un « faiseur de saints2 »), les Frisons (tueurs de saint Boniface) et plusieurs peuples de la Germanie intérieure, puis dans les siècles suivants les Scandinaves, les Hongrois et divers peuples slaves, sont tous réputés avoir mis à mort des chrétiens, qu’il s’agisse d’habitants des régions envahies ou de missionnaires venus leur porter l’évangile. Les Francs et les Burgondes sont, il est vrai, moins susceptibles de jouer un tel rôle, même s’ils n’en sont pas totalement exemptés3. Leur arrivée dans le monde romain n’est pas réputée avoir laissé après elle une traînée de martyrs comparable à celle que les Vandales auraient semée derrière eux. Le fait que des regna durables se réclamant de leur mémoire aient été établis dans les siècles suivants explique sans doute en partie pourquoi les hagiographes ont rechigné à prêter à ceux qu’ils voyaient souvent comme leurs propres ancêtres des actes aussi répréhensibles. Il est vrai aussi que leur installation a sans doute été moins traumatisante pour les populations chrétiennes des provinces occidentales que ne l’a été le passage des Vandales ou des Huns : les rois des Burgondes, bien que souvent ariens, ont vite établi de bonnes relations avec les évêques locaux4, et il en fut de même des premiers rois et chefs francs, qui bien que païens n’ont pas cherché à imposer leurs dieux aux populations gallo-romaines. Des travaux récents montrent que le christianisme n’a pas véritablement reculé en Gaule du Nord au tournant des ve et vie siècle, y compris dans les régions les plus septentrionales, et qu’il ne faut pas considérer les actions d’un Amand ou d’un Éloi au viie siècle comme relevant d’une logique de « mission d’évangélisation » de régions redevenues entièrement païennes, mais comme des entreprises de réforme religieuse et d’intégration plus étroite de ces régions au royaume neustrien5.
2Les Angles et les Saxons, populations barbares qui ont dominé la partie orientale des provinces anciennement romaines des Bretagnes à partir du milieu du ve siècle6, présentent la curieuse particularité d’appartenir aux deux catégories à la fois, ou à aucune des deux. D’une part, leur installation entraîna la quasi disparition du christianisme dans l’est de l’île, ou du moins un recul au moins comparable à celui entraîné par la présence des Huns et d’autres peuples barbares en Pannonie. Ajoutons à cela que Anglo-Saxons n’ont pas occupé l’île sans résistance : la période est marquée par des guerres et des brutalités, certes mal documentées mais, comme je tenterai de le démontrer, bien réelles. Force est pourtant de constater que ces mêmes Anglo-Saxons ne sont réputés avoir entraîné la mort d’aucun martyr : ces envahisseurs brutaux autant que païens, barbares dans tous les sens du terme, sans doute parmi les moins proches de la civilisation romaine d’entre les populations germaniques et autres qui ont pénétré dans l’Empire romain au cours du long ve siècle, ne sont à ma connaissance désignés par aucun texte hagiographique comme responsables de la passion d’un martyr indigène. Ainsi ni dans les vies de saints émanant des Bretons (terme qui recouvre les Gallois, les Cornouaillais et les Bretons continentaux) ainsi que de leurs voisins Irlandais, Scots et Pictes, ni dans l’hagiographie anglaise elle-même, les Angles, Saxons et Jutes « barbares » (ils sont parfois désignés par ce qualificatif dans les sources) n’apparaissent comme responsables de la mort d’un chrétien vénéré par la suite comme un saint. Ce n’est qu’après le début du processus de conversion des Anglo-Saxons – à savoir avec la mission envoyée par le pape Grégoire le Grand dans le Kent en 597 – qu’ils commencent à être décrits comme des faiseurs de martyrs, et ces martyrs sont toujours eux-mêmes des Anglo-Saxons, à l’instar du saint roi Oswald tué par le païen Penda7. À aucun moment en revanche les barbares anglo-saxons, païens et violents, ne sont présentés comme les persécuteurs du christianisme existant dans l’île avant leur arrivée, ni comme des faiseurs de martyrs au sens où le seraient les Vandales et les Huns.
3Comment expliquer cette étrangeté ? Certes, à l’instar des Francs et des Burgondes, les Angles et les Saxons ont par la suite donné leur nom à divers royaumes, et même au royaume des Anglais à partir du milieu du xe siècle. Mais cette explication ne suffit pas : comme on l’a vu, les Francs et les Burgondes avaient aussi la particularité d’avoir occupé leurs territoires de manière relativement pacifique, voire en alliance et coopération avec les autorités chrétiennes, ce qui ne fut certainement pas le cas des Anglo-Saxons. Surtout, si ce point peut en partie expliquer l’absence de martyrs imputés aux Anglo-Saxons dans l’hagiographie anglo-saxonne, il ne peut pas rendre compte de cette absence dans l’hagiographie bretonne et celtique en général.
Des violences bien réelles
4Avant de tenter de répondre à cette question, il est donc nécessaire de commencer par questionner la réalité même de la violence exercée par les païens sur les chrétiens dans le monde insulaire aux premiers siècles médiévaux : les Anglo-Saxons ont-il été réellement violents, ont-ils réellement tué des chrétiens ? Les rares sources écrites l’affirment très clairement. À une date difficile à déterminer entre la fin du ve et le milieu du vie siècle8, le prêtre Gildas témoigne ainsi de la brutalité des invasions de ceux qu’il désigne comme des barbares, des païens et auxquels il réserve un chapelet de noms d’animaux peu amènes : « les très féroces Saxons », « semblables à des loups dans la bergerie » sont « une horde de lionceaux surgissant de la tanière de la lionne barbare » qui « plante ses terribles griffes » dans la partie orientale de l’île9. Les « Saxons » sont sous la plume de Gildas l’équivalent des Assyriens et des Babyloniens bibliques10 : ils détruisent les villes et les églises, « tous les habitants, avec les chefs de l’Église, avec les prêtres et le peuple, parmi l’étincellement des glaives et du crépitement des flammes, furent ensemble jetés au sol11 » ; ils laissent derrière eux « des morceaux de cadavres recouverts de croûtes de sang pourpre, comme une gelée qui eût été mélangée dans quelque affreux pressoir12 ». S’il faut bien sûr faire la part de l’exagération, il n’en reste pas moins que, au moment où Gildas écrivait, les « Saxons » étaient vus par une partie au moins des Bretons comme des barbares brutaux, des païens hostiles à la religion chrétienne.
5Le fait que le christianisme ait presque entièrement disparu de la moitié orientale de l’île va dans le même sens : malgré l’existence probable de quelques poches chrétiennes, et en dépit du fait qu’une partie du petit peuple a peut-être continué à pratiquer le christianisme et à se définir comme chrétien, il ne fait pas de doute que les dynasties royales et les élites des royaumes anglo-saxons étaient toutes païennes à la fin du vie siècle. De toute évidence, à la différence des Francs, et même à la différence de la plupart des peuples barbares, ariens ou païens, les Anglo-Saxons n’avaient que faire des églises. Aux yeux de Gildas, c’était bien « à cause de la sinistre division due aux barbares13 » que les Bretons ne pouvaient plus accéder aux tombes des martyrs d’époque romaine comme les saints Alban (à Verulamium) et Julius et Aaron (à Caerleon). Faut-il y voir le signe de persécutions exercées par les barbares ? Ce n’est pas certain, mais il me semble difficile de nier que la pratique du christianisme a connu dans l’est de l’île un recul considérable, voire un véritable effondrement, du fait de l’arrivée des barbares.
6Il apparaît en outre que la brutalité des relations entre Anglo-Saxons païens et Bretons chrétiens ne s’est pas limitée au premier épisode guerrier rapporté par Gildas ni aux premières décennies de l’installation des barbares : Bède le Vénérable (mort en 735) rapporte à cet égard un épisode tout à fait significatif. Au début du livre II de l’Histoire ecclésiastique, il explique comment le roi païen Æthelfrith (mort vers 616) fit massacrer les moines du monastère gallois de Bangor Is-coed. Le récit de Bède rapporte en effet comment Æthelfrith « rassembla une immense armée et, près de la Cité des Légions, qui est appelée par les Angles Legacæstir et plus correctement Carlegion par les Bretons14, massacra la plus grande partie de ce peuple hérétique ». Quant le roi vit les moines et comprit la raison pour laquelle ils étaient venus, il « fit tourner les armes d’abord contre eux, et ensuite il détruisit le reste des troupes de cette armée impie, non sans de grandes pertes pour ses propres soldats ». Bède ajoute alors que « parmi les moines venus pour prier, environ mille deux cents périrent dans cette bataille, et que seulement cinquante se sauvèrent par la fuite15 ». Ainsi les moines de Bangor ont bien été massacrés par un roi païen, de manière consciente, précisément parce qu’ils étaient des clercs et parce qu’ils étaient en train de prier : superbe occasion pour fonder un culte martyrial. Pourtant, ils n’ont jamais fait l’objet d’un culte, ni à Bangor ni ailleurs.
7Pourquoi ces moines massacrés par des païens dans l’acte même de la prière n’ont-ils pas été mis en avant ? Et partant, pourquoi les nombreux autres chrétiens bretons dans le même cas n’ont-ils pas été commémorés ? Là où les auteurs continentaux ont plutôt eu tendance à exagérer les choses et à prêter aux Vandales ou aux Huns plus de persécutions que ce dont ils se sont réellement rendus coupables, qu’est-ce qui explique ce silence des hagiographes insulaires ? On peut avancer plusieurs types de réponses.
Une hagiographie anglaise nationale et clivante
8Dans le sillage des observations faites plus haut à propos des Francs et des Burgondes, on peut supposer que les hagiographes anglo-saxons n’ont pas eu envie ni intérêt à présenter leurs ancêtres, même païens, comme des massacreurs de chrétiens. Cela est sans doute vrai, mais on peut aller plus loin : on constate que Bède, le principal historiographe anglo-saxon à évoquer cette période du ve-viie siècle, adopte un regard essentiellement « national », qui tend non seulement à excuser les actions des personnages appartenant à la « nation16 » angle ou anglaise (et plus précisément à la gens des Northumbriens, installée dans le nord de l’Angleterre actuelle), mais même à les justifier. En effet, c’est Æthelfrith lui-même qui, bien que païen, se trouve du bon côté, c’est lui que Dieu approuve et soutient17. Les chrétiens bretons sont pour Bède de mauvais chrétiens, leur combat est celui d’un « peuple hérétique », ou plutôt d’une « nation infidèle18 » qui s’est éloignée de la vraie foi en refusant de se soumettre à l’autorité de l’évêque Augustin envoyé par Grégoire le Grand. La fin de l’épisode est parfaitement révélatrice de l’opinion de Bède :
« C’est ainsi que se réalisa la prédiction du saint évêque Augustin, bien que lui-même eût été depuis bien longtemps rappelé au royaume des cieux, afin que ces hérétiques (perfidi) comprissent aussi par une mort physique vengeresse qu’ils avaient méprisé les recommandations qu’il leur avait données pour obtenir le salut éternel19. »
9Ainsi, Bède justifie-t-il l’action du barbare païen bien plus que celle des moines indigènes : dans un tel contexte, il devenait bien entendu très difficile de voir émerger en Angleterre même un culte des victimes chrétiennes des Anglo-Saxons païens.
10Les choses vont même plus loin dans l’écriture chrétienne anglo-saxonne, témoignant d’un renversement complet : dès lors que les Anglo-Saxons ont eux aussi adopté le christianisme, ce sont les Bretons qui, bien que toujours chrétiens, deviennent les barbares. Ce renversement est déjà à l’œuvre chez Bède : dans sa Lettre à Ecgberht (écrite peu de temps avant sa mort et adressée à l’évêque Ecgberht d’York), Bède insiste sur la nécessité pour le roi de ne pas céder trop de biens fonciers à l’Église et de garder suffisamment de terres à confier aux guerriers et aux nobles « qui défendent notre nation contre les barbares », afin que le royaume des Northumbriens soit protégé « contre les raids barbares20 ». Dans ce passage, les « barbares » ne peuvent être que les Bretons chrétiens du pays de Galles ou (plus probablement) du Strathclyde21. Bède écrit ailleurs que, du temps de l’archevêque Théodore et de l’abbé Hadrien (c’est-à-dire dans le dernier tiers du viie siècle), les Anglais étaient heureux : « pourvus de rois puissants et chrétiens, ils terrorisaient toutes les nations barbares22 ». De qui pouvait-il s’agir en cette fin du viie siècle, sinon des Bretons, Pictes et Scots, c’est-à-dire de peuples chrétiens vivant au nord et à l’ouest des Anglo-Saxons ? Ironie pour le moins cruelle, ce sont les Gallois ou Bretons qui sont désignés comme barbares : car ceux que les Anglo-Saxons désignaient du terme péjoratif de Wealas23 étaient les descendants directs des citoyens britto-romains, ceux qui se donnaient à eux-mêmes le nom de Cymry – du brittonique *cumbrogi, « compatriotes » et « concitoyens24 » –, les seules populations de l’Occident post-romain à n’avoir jamais été soumises à une royauté barbare ! Et cela n’alla pas en s’arrangeant dans les siècles suivants : les populations chrétiennes de l’ouest de l’île furent de plus en plus perçues comme barbares, ayant besoin d’être civilisées au contact des Anglais ou des Normands plus policés25.
11Cette perspective, nationale plutôt que strictement religieuse, est aussi à l’œuvre dans la manière dont Bède rapporte la mort des deux premiers souverains northumbriens convertis au christianisme, puis tués au combat et vénérés comme des martyrs : Edwin (mort en 632/633) et Oswald (mort en 642). Edwin, roi chrétien, est tué par un autre chrétien, le Breton Cadwallon26 ; Oswald est quant à lui tué par un païen, le roi mercien Penda27. Or dans les deux cas, l’adversaire est avant tout présenté comme l’ennemi de la gens des Northumbriens, et dans les deux cas c’est l’alliance monstrueuse des mauvais chrétiens bretons et d’Angles encore païens qui entraîne la mort du saint roi. Il se dégage d’ailleurs du portrait du païen Penda une impression beaucoup moins négative que du celui du chrétien Cadwallon. Penda est en effet dépeint comme un grand chef de guerre, certes impitoyable et ambitieux, mais qui laisse son fils Peada se convertir au christianisme, dont il autorise les missionnaires à prêcher librement dans le royaume28 ; surtout, Penda « haïssait et méprisait les gens instruits de la foi chrétienne qu’il surprenait à ne pas en observer les devoirs, qualifiant de méprisables et de misérables ceux qui dédaignaient d’obéir au Dieu en qui ils croyaient29 ». Dans un passage révélateur, Bède compare Penda et Cadwallon, les deux persécuteurs des Northumbriens, insistant sur le fait que « l’un était païen et l’autre un barbare encore plus cruel que le païen30 ». En effet la cruauté de Penda était, aux yeux de Bède, liée à son idolâtrie (donc à son identité religieuse) bien plus qu’à son appartenance à un peuple originaire du Barbaricum (donc à son identité ethnique) ; en revanche, malgré son nom de chrétien (malgré sa « bonne » identité religieuse), Cadwallon était un Breton et donc un ennemi (porteur de la « mauvaise » identité ethnique) : ainsi Cadwallon « était si barbare de cœur et de mœurs qu’il n’épargnait pas même le sexe féminin ou l’âge innocent des petits enfants : au contraire, avec une cruauté sauvage il mettait tout le monde à mort avec des tortures31 ». Ainsi les « bons » rois chez Bède sont tous anglais, mais ils ne sont pas tous chrétiens, et ils châtient indifféremment païens et chrétiens, à partir du moment où ils se mettent en travers du plan de Dieu pour la nation qu’il s’est choisie32.
La discontinuité du christianisme dans l’est de l’île
12Mais si le discours « national » de Bède explique les choses du côté anglo-saxon, pourquoi les victimes indigènes des barbares païens n’ont-elles pas fait l’objet d’un culte dans le monde brittonique ? Une première réponse pourrait être trouvée dans le fait que la plupart de ces victimes doivent nécessairement être localisées dans l’est de l’île, c’est-à-dire dans des régions passées par la suite sous domination anglo-saxonne. Or on sait le caractère très local de la plupart des cultes martyriaux, et la difficulté de transporter un culte d’une région (mettons celle de Londres) vers une autre (mettons le pays de Galles). D’une certaine manière, c’est l’efficacité même de la destruction du christianisme par les Anglo-Saxons qui pourrait expliquer l’absence de cultes : il n’y avait tout simplement plus de communautés chrétiennes organisées pour mettre en place le culte. J’ai rappelé plus haut que les élites anglo-saxonnes étaient très largement (voire exclusivement) païennes au vie siècle. Il est logique de penser que, lors de la prise de contrôle du territoire par les barbares, ce sont d’abord les chefs des communautés indigènes et chrétiennes qui ont été éliminés ou qui ont fui le pays ; par la suite, ceux d’entre eux qui avaient pu survivre et rester sur place ont probablement cherché à s’assimiler au nouvel ordre politico-religieux et à adopter les usages religieux des nouveaux maîtres du pays33. Ainsi, les dirigeants qui avaient fui ne pouvaient plus accéder aux reliques de leurs éventuels martyrs et développer des cultes autour de ces reliques, tandis que ceux qui s’étaient accommodés de la nouvelle donne politico-religieuse n’avaient aucune raison d’encourager de tels cultes.
13On objectera que certains cultes de martyrs antérieurs à l’arrivée des Anglo-Saxons, c’est-à-dire datant de la fin de la période romaine, se sont maintenus dans l’île34. Mais ces cas sont extrêmement rares : en tout et pour tout, pour la moitié orientale de l’île qui m’intéresse ici, il n’y en a que deux. C’est bien sûr le cas du culte de saint Alban de Verulamium, dont Bède et l’archéologie laissent entrevoir une forme de continuité de part et d’autre des bouleversements du ve siècle35 : mais si ce culte est bien ininterrompu (ce qui n’est pas certain car les témoignages archéologiques sont d’une interprétation délicate36), il est précisément attesté dans une des rares « poches » où l’archéologie suggère un maintien du mode de vie britto-romain jusqu’en plein vie siècle37. Le seul autre cas est celui d’un certain « saint Sixte » (Sixtus), martyr mentionné dans les versions « continentales » du Libellus responsionum (un texte qui rassemble les questions posées par l’évêque Augustin de Cantorbéry à Grégoire le Grand et les réponses de ce dernier38), sur lequel Ian Wood s’est appuyé pour démontrer que le christianisme n’avait pas entièrement disparu du Kent à l’arrivée d’Augustin39. Mais on ne sait ni de quand datait le culte de « saint Sixte », ni quels récits on rapportait au sujet de ce martyr, ni où il était vénéré : c’est précisément l’absence de telles données qui a incité Augustin à demander des précisions à Grégoire, qui lui a conseillé de ne pas réprimer ce culte indigène, mais au contraire de l’affermir en important des reliques d’un martyr homonyme mais bien romain, le saint pape Sixte40.
14En dehors de ces deux cas assez problématiques, aucun culte martyrial d’époque romaine ne semble avoir survécu dans la future Angleterre. Or Gildas affirme qu’avant les guerres contre les Saxons, l’île connaissait un nombre important de cultes de martyrs des deux sexes, avec des sanctuaires construits dans des lieux variés41. Si deux cultes seulement peuvent être désignés comme de possibles survivances de part et d’autre de la césure du ve siècle, c’est donc que les changements furent profonds, et qu’ils se produisirent sur toute la côte orientale. Le martyrologe hiéronymien conserve le souvenir du culte d’un certain martyr « Augulus » – personnage dont on ne sait pratiquement rien, mais qui pourrait être rattaché à la ville de Londres à la fin de l’Empire42. Or ce culte a totalement disparu par la suite : sa mention dans un martyrologe gaulois du vie-viie siècle apparaît donc comme un monument fossile de ces nombreux cultes martyriaux bretons disparus.
15J’en déduirai donc que certaines lectures récentes appliquent de manière trop optimiste le modèle de l’Antiquité tardive à la situation bretonne. Au vu des données dont nous disposons, ce modèle – développé d’abord par Henri-Irénée Marrou puis par Peter Brown pour parler des régions centrales et méditerranéennes de l’Empire romain, et plus particulièrement des provinces orientales – me semble difficilement applicable à la partie orientale des provinces bretonnes, tout comme à d’autres régions périphériques de l’Occident romain où la dé-romanisation semble avoir été tout aussi importante, comme les provinces danubiennes ou les Maurétanies43. Si l’on se garde de plaquer sur la situation bretonne un modèle trop irénique pour elle, on conclura plutôt qu’en l’absence de cadres chrétiens, non seulement le culte des martyrs n’a pas pu se développer, mais qu’il a même fortement régressé dans les régions orientales de l’île.
Une stigmatisation inopportune ?
16Pourtant cette seule explication ne suffit pas. Le monastère de Bangor Is-coed est situé au pays de Galles, dans une région qui n’a jamais été soumise aux Anglo-Saxons, païens ou chrétiens. Les cadres auraient bien été là si l’on avait voulu développer un culte des moines massacrés par Æthelfrith à la bataille de Chester. Les textes gallois et irlandais qui mentionnent le massacre perpétré par le roi northumbrien montrent d’ailleurs que l’épisode était connu dans les siècles suivants, y compris hors d’Angleterre, et dans des traditions textuelles qui ne devaient rien à Bède44. Néanmoins, pour le compilateur de la « Chronique d’Irlande45 » qui a probablement écrit peu après les événements, tout comme pour les auteurs gallois de l’Historia Brittonum46 et des Triades de l’île de Bretagne47, qui ont rapporté cet épisode dans les siècles qui ont suivi l’événement, il s’agissait d’un épisode avant tout guerrier, et politique plutôt que religieux. Quand ces textes rapportent l’action d’Æthelfrith, ils le font sans sympathie pour ce dernier, mais les mentions sont souvent assez laconiques ; en tout cas elles ne donnent jamais l’impression que ces mille deux cents moines gallois auraient pu être vus comme des martyrs, encore moins qu’on leur aurait voué un culte. D’une certaine manière, seul Bède donne à cet événement la dimension religieuse paradoxale que j’ai dite, faisant du roi païen le bras armé de Dieu et des moines gallois de mauvais chrétiens promis au massacre ; pour ses « adversaires historiographiques » au contraire, le sens religieux de l’événement est nul.
17On remarque d’ailleurs que la manière dont les sources bretonnes présentent les Anglo-Saxons est certes très souvent hostile, mais que cette hostilité n’est pas de nature religieuse. Il importe de souligner qu’au moment où ces sources ont été écrites, c’est-à-dire (si l’on excepte le seul Gildas) à partir du ixe siècle, les Anglo-Saxons étaient chrétiens, et les Bretons avaient avec eux des relations religieuses. Les barbares étaient devenus fréquentables, et ils étaient fréquentés. Il est vrai que Bède prétend d’une part que jamais les Bretons « ne transmirent ni ne prêchèrent la parole divine aux peuples des Saxons ou des Angles, qui habitaient la Bretagne avec eux48 », et d’autre part que « les Bretons ont coutume de ne faire aucun cas de la foi et de la religion des Anglais et de n’avoir pas plus de relations avec eux, en aucun domaine, qu’avec les païens49 ». Mais l’historiographie récente a montré que cette affirmation de Bède était tout à fait exagérée, ou qu’elle devait tout au moins être limitée aux régions septentrionales de l’île : des Bretons ont bien contribué à la conversion des Anglo-Saxons, en particulier dans le Sud-Ouest, par exemple dans le Wessex ou dans la vallée de la Severn50. De même qu’ils avaient converti les Irlandais et les populations du nord de l’île, les Bretons ne se sont pas désintéressés du salut de leurs voisins barbares.
18Par conséquent, à la différence de Bède, les Bretons ne voyaient probablement pas les Anglo-Saxons comme des ennemis d’un point religieux, mais plutôt comme des opposants dans un conflit perçu comme d’abord politique et ethnique : leur paganisme au moment de leur arrivée dans l’île – élément essentiel aux yeux d’un Gildas qui écrivait avant leur conversion – n’était plus pertinent au ixe siècle, lorsque l’hagiographie galloise ou bretonne a commencé à se développer, regardant en arrière vers son « Âge des Saints ». Aussi n’était-il guère intéressant à cette époque de les présenter comme des brutes assoiffées de sang chrétien. Les Vandales, les Alains ou les Goths n’existaient plus depuis longtemps au moment où des textes hagiographiques leur ont imputé la mort de martyrs en Gaule ou en Espagne ; au contraire, les Anglo-Saxons étaient un vrai peuple, cibles de mission puis partenaires chrétiens, qu’il ne s’agissait pas de stigmatiser outre mesure. Il n’y avait aucun intérêt stratégique à les présenter comme des tueurs sanguinaires de martyrs.
Un désintérêt pour les martyrs ?
19Enfin, et peut-être surtout, il faut pour finir nous pencher sur un phénomène propre aux chrétientés brittonique et irlandaise : ces Églises sont caractérisées par l’absence presque totale de culte des martyrs, alors que domine très largement le seul culte des confesseurs, tous locaux51. Ce trait se retrouve dans toutes les régions « celtiques52 », sauf en Écosse, qui apparaît plus proche du modèle anglo-saxon : on y vénérait par exemple saint Donnán d’Eigg et ses compagnons, tués par des pirates difficiles à identifier (peut-être des Pictes)53, et quelques martyrs royaux et victimes des vikings tardivement ajoutés aux calendriers54. Au pays de Galles au contraire, la toponymie indique un glissement de sens précoce, peut-être dès le vie siècle, et de manière certaine au viie siècle : le mot merthryr (du latin martyres, au pluriel) est compris comme désignant les reliques d’un saint, quel qu’il soit55. Quand la région a émergé des ténèbres documentaires à partir du ixe siècle, il apparaît qu’en dehors de quelques mémoires extrêmement locales et sans culte véritablement attesté (citons pour exemple la mémoire en pointillés des martyrs Aaron et Julius à Caerleon56), la quasi-totalité les hagiotoponymes, y compris ceux en « merthyr + nom de saint », étaient liés non pas à des martyrs stricto sensu mais à des fondateurs d’églises monastiques qui prétendaient avoir été créées au cours l’« Âge des Saints », c’est-à-dire pendant un long viie siècle57. C’est sans doute pour cette raison que le culte d’Alban de Verulamium, qui aurait pourtant pu bénéficier du titre prestigieux de « protomartyr » de la Bretagne, ne s’est développé au pays de Galles qu’à partir du xiie siècle, quand la région a commencé d’être intégrée à l’aire de culture anglo-normande, où le culte des martyrs et de leurs reliques était bien plus valorisé58.
20En Irlande, l’évacuation du martyre va même plus loin puisqu’on y développe l’idée des trois couleurs du martyre, qui en vient à diluer la notion en l’assimilant plus ou moins à celle, plus vaste, de sainteté : le martyre rouge est le martyre « réel », la mort pour la foi ; le martyre blanc est la mort au monde pour Dieu, l’ascèse monastique qui peut dans le monde irlandais prendre des formes extrêmes ; le martyre glas (bleu, vert ou livide selon les traductions) désigne les privations extrêmes de la pénitence59. Si tous sont martyrs, les « vrais » ne le sont donc pas plus que les autres, et les martyrs « rouges » ne sont pas les mieux traités dans le lot. Au début du ixe siècle, le Martyrologe d’Óengus rapporte que saint Columba d’Iona n’a pas voulu devenir le maître spirituel de Donnán d’Eigg, parce qu’il ne souhaitait pas se lier à un homme qui se dirigeait vers un martyre rouge60. L’histoire est évidemment apocryphe, mais elle montre que le martyre stricto sensu n’est pas seulement très peu attesté en Irlande, mais qu’il y était en outre relativement déprécié. Ainsi une attitude extrêmement valorisée en Europe centrale et orientale, celle que l’on trouve par exemple chez les martyrs russes Boris et Gleb allant vers la mort dans une forme d’imitatio Christi – sans rechigner, en pleine connaissance de cause, et même avec joie – était exceptionnelle et même relativement mal vue en Irlande. Ce n’est sans doute pas un hasard si la quasi totalité saints irlandais réputés martyrs (d’ailleurs souvent tués pour des raisons politiques ou crapuleuses, et non à proprement parler pour la foi) sont vénérés hors d’Irlande : ainsi de Feuillen à Nivelles en Brabant61, Lugle et Luglien à Lillers en Artois62, Kilian et ses frères à Würzburg en Franconie63, Donnán à Eigg en Écosse64, Indract à Glastonbury dans le sud-ouest de l’Angleterre65.
Conclusion
21Si aucun culte n’a été rendu à une victime chrétienne de ces barbares païens qu’étaient les Anglo-Saxons, c’est donc pour plusieurs raisons. Avant tout, ce n’est pas parce que les Angles et les Saxons auraient été plus tendres ou moins brutaux que d’autres peuples barbares : au contraire, leur installation dans l’île s’est accompagnée d’un réel recul du christianisme, et elle a sans nul doute donné lieu à des violences contre le clergé. La vision irénique d’une Grande-Bretagne incluse dans une « Antiquité tardive » où les évolutions sont lentes et pacifiques doit donc être critiquée. Mais l’ampleur même de la déprise chrétienne, le développement d’identités non chrétiennes et non bretonnes dans tout l’est de l’île (ces identités que Bède réunirait plus tard sous l’appellation géniale et novatrice de gens Anglorum), la fuite et le déclin des élites britto-romaines dans ces mêmes régions ou leur assimilation aux nouvelles conditions, puis finalement la conversion de ces Anglo-Saxons au christianisme au cours du viie siècle, expliquent pourquoi les cadres chrétiens qui auraient pu assurer le maintien et le développement du culte des martyrs ont été soit inexistants, soit eux-mêmes anglo-saxons. Sur l’autre versant des îles, dans le monde « celtique », c’est-à-dire chez les Bretons et leurs voisins irlandais, le défaut de lecture proprement religieuse des invasions une fois passée l’époque de Gildas, mais aussi le manque d’intérêt pour les martyrs en général, expliquent largement cette absence.
Notes de bas de page
1 La tradition commence ici avec Victor de Vita, Histoire de la persécution vandale en Afrique, et elle connaît de nombreux développements jusqu’à la fin du Moyen Âge.
2 E. Bozoky, Attila et les Huns. Vérités et légendes, Paris, Perrin, 2012, p. 82-108.
3 Pour le cas des martyrs de Trèves mentionnés par Grégoire de Tours : voir la contribution de Klaus Krönert et Charles Mériaux à ce volume.
4 J. Favrod, Les Burgondes. Un royaume oublié au cœur de l’Europe, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2005 (Le Savoir suisse, 4), p. 92-95.
5 Ch. Mériaux, Gallia irradiata. Saints et sanctuaires dans le nord de la Gaule du haut Moyen Âge, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2006 (Beiträge zur Hagiographie, 4), p. 32-52.
6 La question de la fin de la Bretagne romaine et de l’installation des « Anglo-Saxons » a donné lieu à une bibliographie imposante. Je me permets de renvoyer ici à la synthèse historiographique que j’ai proposée dans « Dark Ages : les siècles perdus de l’histoire britannique », dans Les âges de Britannia. Repenser l’histoire des mondes britanniques (Moyen Âge-xxi e siècle), J.-F. Dunyach, A. Mairey (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 17-31.
7 Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique du peuple anglais, III, 9, introduction et notes André Crépin, Michael Lapidge (éd.), P. Monat, Ph. Robin (trad.), Paris, Cerf, 2005 [désormais Bède, HE] (Sources chrétiennes 489-491), vol. II, p. 58-59.
8 La datation du De Excidio de Gildas reste un sujet disputé. Voir sur ce point G. Karen, Gildas’s De Excidio Britonum and the Early British Church, Woodbridge, Boydell, 2009, et en dernier lieu la brève mais solide mise au point de N. J. Higham, « Gildas », dans The Anglo-Saxon World, N. J. Higham, M. J. Ryan (éd.), New Haven/Londres, Yale University Press, 2013, p. 57-62.
9 Gildas, De Excidio Britanniae, ch. 23, dans The Ruin of Britain and other documents, M. Winterbottom (éd. et trad.), Chichester et Londres, Phillimore, 1978 (Arthurian Period Sources 7) [désormais Gildas, DEB], p. 97 : ferocissimi Saxones ; quasi in caulas lupi ; grex catulorum de cubili leaenae barbarae ; terribiles infinxit ungues. Sauf mention contraire, les traductions sont les miennes.
10 A. Gautier, « Les jérémiades de Gildas, ou la question d’un “Âge d’Arthur” », dans Histoires des Bretagnes. 1. Les mythes fondateurs, M. Coumert, H. Tétrel (dir.), Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, 2010, p. 99-117.
11 Gildas, DEB, chap. 24, p. 98 : omnesque coloni cum praepositis ecclesiae, cum sacerdotibus ac populo, mucronibus undique micantibus ac flammis crepitantibus, simul solo sternerentur.
12 Gildas, DEB, chap. 24, p. 98 : cadaverum frusta, crustis ac si gelantibus purpurei cruoris tecta, velut in quodam horrendo torculari mixta.
13 Gildas, DEB, chap. 10, p. 92 : lugubri diuortio barbarorum.
14 Il s’agit très probablement de l’actuelle ville de Chester.
15 Bède, HE, II, 2, vol. 1, p. 296-298. Je cite la traduction de O. Szerwiniack et al., Bède le Vénérable : Histoire ecclésiastique du peuple anglais, Paris, Les Belles Lettres, 1999, vol. I, p. 85-86.
16 À la suite de Georges Tugène, j’emploie à dessein au sujet de l’œuvre de Bède le terme « nation », qui peut sembler anachronique et qui pourtant traduit sans doute de la manière la plus juste les mots latins gens et natio, abondamment utilisés par Bède. Je souscris donc dans une large mesure aux analyses de G. Tugène, L’idée de nation chez Bède le Vénérable, Paris, Institut d’études Augustiniennes, 2001, et Id., L’image de la nation anglaise dans l’Histoire ecclésiastique de Bède le Vénérable, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2001.
17 Sur ce personnage et son traitement paradoxal par Bède, voir A. Gautier, « Tueur de moines et père d’un saint : Æthelfrith de Northumbrie », dans Histoires des Bretagnes. 4. En marge, M. Coumert, H. Bouget (dir.), Brest, Centre de recherche bretonne et celtique, 2015, p. 131-146.
18 Bède, HE, II, 2, vol. I, p. 296 : gentis perfidae (je traduis).
19 Bède, HE, II, 2, vol. I, p. 298 ; trad. cit., vol. I, p. 86.
20 Bède le Vénérable, Lettre à Ecgberht, § 11, dans Abbots of Wearmouth and Jarrow, Ch. Grocock, I. N. Wood (éd. et trad.), Oxford, Clarendon Press, 2013 (Oxford Medieval Texts), p. 142-144 : qui gentem nostram a barbaris defendant ; a barbarica incursione.
21 C. Stancliffe, Bede and the Britons, Whithorn, Friends of the Whithorn Trust, coll. « Whithorn Lectures », n° 14, 2007, p. 25-28.
22 Bède, HE, IV, 2, vol. II, p. 202 ; trad. cit., vol. II, p. 14.
23 Ce terme désigne à la fois un « étranger » (en particulier de langue celtique ou romane) et un « esclave » ; il traduit parfois le latin barbarus ; le mot français apparenté est « welsche ». J. Bosworth, An Anglo-Saxon Dictionary, article « Wealh », éd. révisée par T. N. Toller, 1921, mis en ligne par S. Christ et O. Tichý, Prague, Univerzita Karlova, 2010 [http://www.bosworthtoller.com], consulté le 19 mars 2016.
24 Ch. A. Snyder, An Age of Tyrants. Britain and the Britons, A.D. 400-600, University Park (PA), Pennsylvania State University Press, 1998, p. 249-250.
25 Voir plusieurs études du recueil d’articles de J. Gillingham, The English in the Twelfth Century : Imperialism, National Identity and Political Values, Woodbridge, Boydell, 2000, en particulier « The Context and Purposes of Geoffrey of Monmouth’s History of the Kings of Britain », p. 19-40, et « Conquering the Barbarians : War and Chivalry in Britain and Ireland », p. 41-58.
26 Bède, HE, II, 20, vol. I, p. 394-398.
27 Bède, HE, III, 9, vol. II, p. 58-59.
28 Bède, HE, III, 21, vol. II, p. 116-118.
29 Bède, HE, III, 21, vol. II, p. 118 ; trad. cit., vol. I, p. 171.
30 Bède, HE, II, 20, vol. I, p. 396 ; trad. cit., vol. I, p. 126.
31 Ibid.
32 Notons que l’identification des Angles comme un « peuple élu » chez Bède et chez les auteurs anglo-saxons qui l’ont suivi et imité a été récemment contestée par G. Molyneaux, « Did the English Really Think They Were God’s Elect in the Anglo-Saxon period ? », Journal of Ecclesiastical History, 65 (2014), p. 721-737 ; les nuances importantes apportées par Molyneaux ne changent pas le fond de mon argument.
33 Sur cette logique d’assimilation, voir surtout A. Woolf, « Apartheid and Economics in Anglo-Saxon England », dans Britons in Anglo-Saxon England, N. J. Higham (dir.), Cambridge, Boydell & Brewer, 2007, p. 115-129.
34 Ce point est particulièrement défendu par M. Garcia, Saint Alban and the Cult of Saints in Late Antique Britain, thèse de doctorat inédite, University of Leeds, 2010.
35 Voir en particulier Alban and St Albans. Roman and Medieval Architecture, Art and Archaeology, M. Henig, Ph. Lindley (éd.), Leeds, British Archaeological Association, 2001 (BAA Conference Transactions 24). Je renvoie aussi à mon article « À qui appartient saint Alban ? Mémoires affrontées des martyrs de la Bretagne romaine », dans Compétition et sacré au haut Moyen Âge : entre médiation et exclusion, F. Bougard, Ph. Depreux, R. Le Jan (dir.), Turnhout, Brepols, 2015, p. 39-66.
36 M. Biddle, B. Kjølbye-Biddle (dir.), « The Origins of St Albans Abbey : Romano-British Cemetery and Anglo-Saxon Monastery », dans Alban and St Albans…, p. 45-77.
37 K. R. Dark, Civitas to Kingdom. British Political Continuity 300-800, Londres, Leicester University Press, 1999, p. 86-89.
38 Grégoire le Grand, Libellus Responsionum, M. Deanesly et P. Grosjean (éd.), « The Canterbury Edition of the Answers of Pope Gregory I to Augustine », Journal of Ecclesiastical History, 10 (1959), p. 1-29, ici p. 29. J’appelle « versions continentales » celles dont la transmission est indépendante de celle de l’Histoire ecclésiastique de Bède.
39 I. N. Wood, « The Mission of Augustine of Canterbury to the English », Speculum, 69 (1994), p. 1-17.
40 Très probablement Sixte Ier martyr (115-125 selon la tradition romaine).
41 Gildas, DEB, ch. 10, p. 92.
42 R. Sharpe, « Martyrs and Local Saints in Late Antique Britain », dans Local Saints and Local Churches in the Early Medieval West, A. Thacker, R. Sharpe (dir.), Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 75-154, ici p. 121-123.
43 Le modèle est assumé par M. Garcia, « Romans Go Home ? An Archaeological and Historical Exploration of the Cult of Saints in Late Antique Britain », dans Approaching Interdisciplinarity : Archaeology, History and the Study of Early Medieval Britain, c. 400-1100, Z. L. Devlin, C. N. J. Holas-Clark (dir.), Oxford, Archaeopress, 2009 (BAR, British Series 486), p. 55-61. On trouvera une référence intelligente et bien argumentée, mais à mon avis encore trop optimiste, à ce modèle, dans G. Halsall, Worlds of Arthur. Facts and fictions of the Dark Ages, Oxford, Oxford University Press, 2013. Pour une discussion plus complète de l’usage de ce modèle pour l’histoire de la Grande-Bretagne, je renvoie à nouveau à mon article, « Dark Ages », p. 28-30.
44 Gautier, « Tueur de moines… ».
45 Th. M. Charles-Edwards, The Chronicle of Ireland, Liverpool, Liverpool University Press, 2006 (Translated Texts for Historians 44). Ce texte, plus ou moins contemporain des faits, n’est connu que par des annales irlandaises plus tardives comme les Annales d’Ulster.
46 E. Faral, La légende arthurienne. Études et documents. Les plus anciens textes, t. 3 : Documents, Paris, Champion, 1929 (Bibliothèque de l’École des hautes études, 257), p. 2-62. On trouvera une traduction anglaise dans Morris John, Nennius : British History and the Welsh Annals, Londres et Chichester, Phillimore, 1980 (Arthurian Period Sources 8). L’œuvre, qui date des années 829-830, est parfois attribuée à un moine nommé Nennius, mais cette attribution est probablement fantaisiste : voir la présentation de l’œuvre par M. Coumert, Origines des peuples. Les récits du Haut Moyen Âge occidental (550-850), Paris, Institut d’études augustiniennes, 2007, p. 441-451.
47 Trioedd Ynys Prydein : The Triads of the Island of Britain, R. Bromwich (éd. et trad.), Cardiff, University of Wales Press, [1963], 3e éd., 2006. Cette collection, dont les plus anciens manuscrits datent du xiiie siècle, était destinée à aider les bardes gallois à mémoriser les principaux récits du fonds légendaire brittonique en les classant par « groupes thématiques » de trois.
48 Bède, HE, I, 22, vol. I, p. 192 ; trad. cit., vol. I, p. 41.
49 Bède, HE, II, 20, vol. I, p. 398 ; trad. cit., vol. I, p. 126.
50 P. Sims-Williams, Religion and Literature in Western England, 600-800, Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; S. Pearce, South-Western Britain in the Early Middle Ages, Londres et New York, Leicester University Press, 2004.
51 Sur ce point, voir les études rassemblées dans Local Saints and Local Churches…, en particulier Th. M. Charles-Edwards, « Érlam : the Patron-Saint of an Irish Church », p. 267-290 ; J. R. Davies, « The Saints of South Wales and the Welsh Church », p. 361-395 ; O. J. Padel, « Local Saints and Place-Names in Cornwall », p. 303-360.
52 Sur cette notion problématique, voir surtout W. Davies, « The Myth of the Celtic Church », dans The Early Church in Wales and the West : Recent Work in Early Christian Archaeology, History and Place-Names, N. Edwards, A. Lane (dir.), Oxford, Oxbow Books, 1992, p. 12-21.
53 Th. O. Clancy, « Donnán, St », dans Celtic Culture : A Historical Encyclopedia, J. T. Koch (dir.), Santa Barbara, Denver et Oxford, ABC Clio, 2006, p. 607-608.
54 Th. O. Clancy, « Scottish Saints and National Identities in the Early Middle Ages », dans Local Saints and Local Churches…, p. 397-421.
55 R. Sharpe, « Martyrs and Local Saints… », p. 141-143.
56 G. R. Stephens, « Caerleon and the Martyrdom of SS. Aaron and Julius », Bulletin of the Board of Celtic Studies, 32 (1985), p. 326-335.
57 R. Sharpe, « Martyrs and Local Saints… », p. 148 ; Th. M. Charles-Edwards, Wales and the Britons 350-1064, Oxford, Oxford University Press, 2013, p. 591 et 614-615.
58 A. Gautier, « À qui appartient saint Alban ?… », p. 55-56.
59 C. Stancliffe, « Red, White and Blue Martyrdom », dans Ireland in Early Mediaeval Europe. Studies in Memory of Kathleen Hughes, D. Whitelock, R. Mckitterick, D. Dumville (dir.), Cambridge, Cambridge University Press, 1982, p. 21-46.
60 T. O. Clancy, « Donnán… ».
61 P. Grosjean, « Le trésor mérovingien de Sutton Hoo, S. Feuillen et S. Éloi », Analecta Bollandiana, 78 (1960), p. 364-369.
62 E. Bozoky, « La légende des saints Lugle et Luglien », dans Un premier Moyen Âge septentrional : études offertes à Stéphane Lebecq, Ch. Mériaux, E. Santinelli-Foltz (dir.), Revue du Nord, 93 (2012), p. 761-777.
63 D. Ó Riain-Raedel, « Kilian », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford, Oxford University Press, 2004, version en ligne [http://www.oxforddnb.com], consulté le 12 juillet 2014.
64 Clancy, « Donnán… ».
65 M. Lapidge, « The Cult of St Indract of Glastonbury », dans Ireland in Early Mediaeval Europe…, p. 179-192.
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