Le roi, le duc et le marchand. Les Alpes, source de noblesse ou de déshonneur pour le prince ?
p. 151-170
Texte intégral
1En 1599, alors que tous les grands belligérants européens rangeaient leurs armes après des décennies de guerres civiles et religieuses, la France et la Savoie n’avaient toujours pas réglé le différend qui les opposait. Ce fut dans un contexte de négociations bloquées et de permanence des tensions que prit place un duel mémorable, celui qui opposa sur le pré Charles de Créquy, gendre du lieutenant général du Dauphiné Lesdiguières, à Don Philippin de Savoie, demi-frère du duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier, le 2 juin 1599. Ce duel, qui se déroula en plusieurs épisodes, avait pour motif la provocation et la défense de sa réputation. L’ultime rencontre eut lieu à Quirieu, sur les bords du Rhône, aux confins du Dauphiné et de la Savoie, et se solda par la mort de Don Philippin, percé de deux coups d’épée… et de deux coups de poignard. Une brochure ainsi qu’une gravure française, parue en 1600, reprirent le récit du glorieux fait d’armes de Créquy, pour mieux l’exalter dans un contexte de reprise de la guerre entre les deux pays, à partir du mois d’août 16001.
2Le duel avait été regardé avec attention au plus haut niveau de l’État : « Le Roy, qui avait été inquiet du succès de ce différend, en reçut la nouvelle avec beaucoup de joye2. » À la vérité, ce duel représentait plus que l’affrontement entre deux individus à l’honneur chatouilleux, il devint le reflet des fortes tensions qui agitaient les relations entre France et Savoie. Par ailleurs, l’événement prit une dimension prémonitoire, tant il semblait avoir annoncé prophétiquement un dénouement ordalique peu favorable aux Savoyards. Mais plus que tout, ce duel venait souligner combien grande était la part de l’honneur dans le conflit qui opposait non pas seulement deux gentilshommes, mais la France à la Savoie, et ce depuis l’année 1588. Pour le roi de France et pour sa noblesse, la guerre de Savoie était en effet un duel à grande échelle, qui avait pour motif une offense à l’honneur. Il s’agissait de se « revancher » d’une blessure ancienne, qui saignait au flanc du royaume depuis l’usurpation du marquisat de Saluces par le duc de Savoie. Ce territoire avait été unilatéralement envahi par le duc, à l’automne 1588, sous prétexte de le soustraire préventivement à une mainmise protestante, laquelle aurait menacé directement le Piémont et entamé la digue qui protégeait toute l’Italie, donc Rome. La nouvelle avait soulevé un tollé parmi la noblesse de France, pourtant, l’assassinat des Guise, suivi du soulèvement d’une grande partie du pays contre le roi Henri III, puis Henri IV, avait empêché toute reconquête au cours des dix ans qui avaient suivi. L’avènement d’un roi protestant sur le trône, en août 1589, avait même semblé donner raison à Charles-Emmanuel qui, aux côtés des ligueurs français et du roi d’Espagne, apparaissait comme l’un des principaux champions de la cause catholique en Europe.
3En Savoie, la perception du duel entre Créquy et Don Philippin fut aussi ramenée à une dimension symbolique où l’honneur tenait la première place. On connaît à ce sujet la réaction du duc lorsqu’on lui rapporta que Créquy, non content d’avoir le dessus sur son adversaire blessé, l’avait cruellement frappé à coups de dague afin de l’achever. C’était une attitude peu digne d’un gentilhomme, qui jetait une ombre vile sur sa victoire, alors que l’honneur était sauf du côté savoyard où le sang versé témoignait à lui seul des vertus nobles de Don Philippin et, à travers lui, de toute la maison de Savoie. C’était là l’essentiel aux yeux du duc, comme il le mentionna lui-même, de sa propre main, au bas d’une lettre adressée à l’un de ses fidèles : « J’aime mieux qu’il soit mort avec honneur que s’il vivait avec la moindre tache du monde. M. de Créquy a bien montré son ingratitude […] puisque mourant il lui a encore donné des coups de pugnale3. »
4La noblesse du comportement de chacun devenait ainsi un argument dans les rapports conflictuels entre France et Savoie : nobles Savoyards contre perfides Français, ou « vrais Français » contre « barbares » des Alpes ! Qui se comporterait avec le plus d’honneur ? L’enjeu était cependant bien au-delà des stéréotypes et visait, pour les uns comme pour les autres, à légitimer une guerre contre un prince voisin, et qui plus est de la même Église. Se posait aussi la question fondamentale de la place de la noblesse française aux côtés de son roi et de la redéfinition de l’image du prince dans une Europe en recomposition.
5 Cet aspect fut très présent dans les enjeux qui présidèrent aux accords de paix entre France et Savoie. En effet, la paix signée à Lyon, en 1601, qui mettait fin à une guerre de treize ans, n’éteignit pas toutes les rancœurs, bien au contraire ! Elle fut entourée d’une polémique généralement peu connue dont il reste une vague idée résumée par l’historiographie sous la forme d’une opposition entre deux conceptions de la guerre et de la paix : l’une, noble et ancienne, défendant l’honneur, face à une autre, moderne et pragmatique, optant pour l’utile.
6La réalité fut plus complexe, on s’en doute ; cependant, cette interprétation à partir de l’idée d’un choc entre deux cultures, semble être l’écume d’une polémique, ou d’un malaise, plus vaste, qui travaillait alors la noblesse de France. Ce fut suite à la signature du traité que l’ambassadeur vénitien Priuli eut une formule curieuse, qui soulignait comme une inversion dans l’ordre des choses, et surtout dans l’ordre des honneurs, aux dépens du roi Henri IV, pourtant vainqueur du duc de Savoie : le roi avait fait une paix de duc et le duc une paix de roi, l’un regardant bassement à l’utile quand l’autre avait regardé à l’honneur et à la réputation. Il en résultait à ses yeux que le roi avait dérogé à son rang quand le duc avait, au contraire, accru son honneur : « Il che diede occasione al mondo di dire : Che il Rè haveva fatto una pace da duca, & il duca una pace da Rè4. » Lesdiguières, de son côté, qui faisait alors partie des plus farouches opposants à la paix, aurait dit que « le Roy avoit traitté en Marchand, et le Duc de Savoye en Prince5 ». Dans tous les cas, c’était pour le monarque français un bilan sans honneur, qui l’avait conduit à une forme de dérogeance symbolique aux yeux d’une partie de sa noblesse. La guerre de Savoie et la paix qui avait suivi avaient donc eu ce pouvoir étonnant de faire déchoir le roi alors que, à l’inverse, elles avaient accru l’honneur et le prestige de Charles-Emmanuel puisqu’elles avaient fait symboliquement de lui ce qu’il avait toujours cherché à paraître : un roi. Roi, marchand, duc… La paix de Lyon brouillait l’ordre traditionnel, agissant de ce fait à la fois comme un motif et un symptôme de « malcontentement ».
7Cet épisode permet de reposer la question de la noblesse, de son identité et de ses paradigmes, et de voir l’utilisation, voire l’instrumentalisation, qui en était faite pour donner une certaine image du prince, à une époque où la noblesse, surtout en France, peinait à retrouver identité et unité autour de la défense de valeurs communes. Ce qui ne se fit pas sans heurts et douleurs, comme en témoigne le cas tragique du maréchal de Biron, exécuté, en 1602, pour avoir comploté avec l’Espagne et la Savoie. L’affaire s’inscrivait dans un contexte spécifique de profond « malaise de la noblesse ». De ce point de vue, l’ultime campagne de Savoie, survenue deux ans plus tôt, fut un tournant au cours duquel se creusa le fossé entre le Roi et ses gentilshommes. En effet, comme l’écrit Nicolas Le Roux, cette guerre sembla « totalement aux mains du roi » tandis que ses nobles guerriers étaient réduits au rang de simples exécutants6.
8Nous reprendrons ici cette question du malaise nobiliaire, mais en l’abordant moins sous l’angle social que sous l’angle du territoire, celui des Alpes, et de ses représentations politiques en lien avec l’honneur. C’est pourquoi je ferai une lecture de l’épisode de la guerre de Savoie et de ses prolongements à travers les imprimés polémistes qui parurent à cette époque. Il s’agit principalement de la controverse oubliée, qui eut lieu en France, entre 1599 et 1605, au sujet de la pertinence qu’il y avait ou non à reprendre une guerre contre la Savoie et contre l’Espagne alors que l’on venait de signer la paix à Vervins, en 1598. Vaste débat que l’histoire a retenu sous la formule consacrée par Henri Hauser de « polémique du soldat français7 ». La polémique aurait été lancée par un texte de Pierre de L’Hostal, huguenot béarnais, intitulé Le Soldat françois, paru en 1604 (L’Estoile parle d’un premier texte dès 1603). Ce texte initial déclencha une cascade de publications se répondant les unes aux autres. On en compte douze pour la seule année 1605 ! L’attaque, qui comportait plusieurs charges contre la Savoie, suscita une réponse du Cavalier de Savoye ou response au Soldat françois (1606), qui elle-même déclencha une réaction genevoise, Le Citadin de Genève avec une nouvelle réponse savoyarde… Il y eut plus tard un Réveil du soldat français (1614), mais qui n’avait plus grand-chose à voir avec la querelle originelle.
9La polémique lancée par le Soldat français tournait autour de la question d’une reprise ou non de la guerre contre l’Espagne, mais il y avait de manière sous-jacente tout un questionnement autour de la place de la France en Europe, de l’identité en recomposition de sa noblesse autour de la notion du « bon Français » et de l’image même du roi de France. Il apparaît également que les arguments alors agités étaient souvent des arguments beaucoup plus anciens, remâchés de l’année 1599, au moment de la reprise de la guerre contre la Savoie, voire de l’année 1559, lors de l’indigeste paix du Cateau-Cambrésis. Dans cette polémique, il existe un volet oublié, celui portant directement sur la Savoie et les Alpes. Pourtant, ces territoires tenaient une place relativement importante dans le déploiement argumentaire. La polémique du Soldat français s’appuyait en effet sur le problème originel du Marquisat de Saluces et posait la question des conditions dans lesquelles la guerre avait été livrée contre la Savoie pour le récupérer : quelle pertinence y avait-il eu pour un roi de France d’aller se battre contre un petit duc, au milieu des précipices alpins, pour finalement céder ce territoire ? Les reproches furent d’autant plus vifs que le roi, non content d’avoir été se battre contre un plus petit que soi, avait en effet accepté de négocier avec lui en échangeant le Marquisat de Saluces contre la Bresse, le Bugey, le Pays de Gex et le Valromey. L’honneur n’avait pas été grandi lors de la paix de Lyon puisque le roi avait cédé à un moindre que lui. La polémique du soldat français avait donc pour prétexte une querelle d’honneur, qui faisait du gentilhomme, « le soldat français », le principal lésé. Par l’aigreur qu’elle suscitait, cette paix de Lyon faisait directement écho à une autre paix honteuse, symbole s’il en fût du malaise de la noblesse au xvie siècle : la paix du Cateau-Cambrésis. Celle-ci, en mettant fin au conflit et en rendant toutes les conquêtes françaises d’outremonts, avait été perçue comme une humiliation qui privait désormais les gentilshommes des honneurs qu’ils moissonnaient en Italie, et plus particulièrement en Piémont. Il paraît ainsi impossible de comprendre la paix de Lyon et les aigreurs qu’elle provoqua sans se référer à la paix du Cateau-Cambrésis.
10Sous ses allures de victoire consensuelle, la guerre de Savoie et la paix de Lyon cachaient donc en réalité plusieurs niveaux de frustrations et de rancœur propres à la noblesse française. La polémique, qui tirait argument de ces vieux leviers nobiliaires, fut aussi le duel de papier engagé entre deux conceptions et deux constructions de l’idée de l’honneur qui toutes deux donnèrent aux Alpes une dimension qualitative inédite et néanmoins déterminante dans la construction de l’image du prince, notamment en Savoie.
La paix de Lyon, une paix honteuse pour le roi ?
11Curieusement, alors que le roi de France avait écrasé son adversaire en remportant un incontestable succès militaire (prise de Chambéry, de Montmélian, de Bourg en Bresse etc.), il n’y eut aucun triomphalisme du côté français. En dehors du traditionnel Te Deum, la paix de Lyon ne donna lieu à aucune célébration particulière. C’était pourtant la première conquête française depuis la prise de Calais, près d’un demi-siècle plus tôt… Mais était-ce vraiment une conquête ? Beaucoup en doutaient ! L’événement fut donc quelque peu étouffé par le mariage royal célébré à Lyon, peu avant, entre Henri IV et Marie de Médicis. Comme en témoigne le libelle De Bello Sabaudico aliisque rebus gestis, epistola, paru à Lyon en 1601, qui faisait, malgré son titre, beaucoup plus état du mariage que de la guerre de Savoie (avec trois pièces sur quatre). Ce texte public était à l’image de ce que les chroniqueurs de l’époque écrivaient en leur for privé, tels le Parisien Pierre de L’Estoile et le Dauphinois Eustache Piémond, qui ne mentionnèrent aucun enthousiasme populaire ni aucun feu de joie à l’annonce du traité, effusions pourtant coutumières en de telles occasions. On peut s’interroger sur le pourquoi d’un tel silence, qui semble révéler une forme de déception dont les imprimés ont gardé la trace.
12Dès 1599, plusieurs textes avaient cherché à légitimer la reprise de la guerre contre la Savoie en agitant le motif de l’honneur bafoué, le Marquisat de Saluces ayant été ravi à la France en 1588. Parmi ces textes, le plus musclé était celui de la Savoysiene8. C’était une charge féroce, attribuée au Français Antoine Arnauld, qui faisait office de belliqueux plaidoyer contre la maison de Savoie. Le texte était une entreprise de démolition de la moindre des prétentions dynastiques des Savoie, mais surtout une mise en accusation de Charles-Emmanuel, dont l’attaque de Saluces réclamait une inconditionnelle revanche :
« Quelle plus grande honte […] Que de voir ses places, & son arcenal de là les mons enlevez par un petit Duc de Savoye ? […] Certes un vray François ne peut parler de ceste insolente bravade, qu’avec souspirs & regret extreme : Toutes les paroles sont au-dessous d’une telle indignité9. »
13On sait que ces textes étaient souvent repris et leur contenu intégré dans des histoires plus générales. Ainsi La Popelinière publiait-il, dès mai 1601, une histoire de la guerre de Savoie dédiée à la gloire de Sully, dans laquelle il s’inspirait directement des arguments de la Savoysiene10. Brantôme lui-même s’en fit aussi l’écho lorsqu’il rappela, à la même époque, que, aux yeux de beaucoup, et malgré la malheureuse paix du Cateau-Cambrésis, les rois de France restaient les seuls titulaires et maîtres de toutes les terres d’un Piémont qui légitimement leur appartenait11. Des imprimés et instructions donnés au roi visèrent à faire pression afin, non seulement de faire la guerre, mais surtout de ne rien céder au duc. Au contraire, il fallait exiger du vaincu le prix fort et saisir l’occasion pour regagner sur lui toutes ces villes et châteaux qui avaient été bradés en 1559. D’après le juriste dauphinois Claude Expilly, le roi de France était en droit de réclamer quarante autres places en sus du Marquisat. Son plaidoyer pour la conquête s’achevait sur la reprise du thème ancien, mais toujours vivace, d’un roi de France « libérateur » des Italiens. C’était pour Expilly l’occasion d’évoquer le « peuple captif » dont la délivrance ne pouvait venir que d’Henri IV, ce grand monarque qui, disait-il, faisait fondre devant lui la neige et les montagnes des Alpes. Une fois les cimes abaissées, comme en 1494, c’était toute la Péninsule qui serait à portée des canons français.
14Le tropisme des guerres d’Italie était bien vivant, et la critique orchestrée contre le duc de Savoie pour recouvrer le Marquisat fut un prétexte pour en rallumer l’ardeur. Elle fut une tentative ouverte de revenir à une possible annexion de la Savoie et du Piémont par la France, comme en 1536 ! Celle-ci n’avait-elle pas été justifiée jadis par les droits que prétendait avoir le roi François Ier, par sa mère Louise, et dont Henri II avait légitimement hérité12 ? Pour beaucoup, comme on le voit chez Brantôme et dans le contenu de la Savoysiene, qui d’ailleurs citait Brantôme, c’était au roi de France de revendiquer un butin de vainqueur, à savoir des villes et territoires appartenant au duché de Savoie. Par de multiples références à des faits prétendument attestés dans les « histoires », l’auteur remettait en question nombre de possessions savoyardes acquises depuis le xive siècle, comme le comté de Nice ; ainsi que toutes les concessions faites depuis la paix du Cateau-Cambrésis : « La Savoie est aussi bien à sa Majesté que Paris mesme13. » L’auteur de la Savoysiene prêchait en faveur de son annexion pure et simple, de manière à faire des Alpes la seule et vraie frontière dans cette partie est du royaume, tout comme les Pyrénées en bornaient les limites au sud : « La nature […] a borné les grands Empires […]. Les vraies bornes des Gaules du côté de l’orient sont les Alpes14. »
15Les Alpes conservaient un rôle très secondaire dont le seul intérêt ici était d’être une marge. Elles n’étaient pas un espace d’honorables et de fertiles conquêtes, mais une limite naturelle qui impliquait de fait l’annexion de la Savoie à la France.
16Outre les limites naturelles, l’auteur de la Savoysiene développait des arguments que l’on peut sans anachronisme qualifier de nationalistes, dans la mesure où ceux-ci passaient par la langue et par la culture. D’après lui, les Savoyards, enfants perdus des rois de France, n’attendaient que cette occasion pour rejoindre le royaume. Là était leur vraie patrie, car ces Savoyards n’étaient en somme que des Français qui s’ignoraient ; preuve en était qu’ils détestaient les Piémontais :
« Dieu a aussi regardé de son œil de pitié ces pauvres peuples de Savoye, qui sont de même langue que nous, & nos vrais compatriotes, nés la plus part sous l’empire légitime de nos roys François I et Henry II, & qui n’appréhendent aujourd’hui rien tant au monde, que d’être remis sous la superbe domination des Piémontais, qu’ils haïssent autant comme ils aiment & honorent les excellentes vertus de leur vrai Roy, aux genoux duquel ils se jettent, à fin qu’ils ne soient misérablement abandonnés15… »
17Le précédent de 1536 était alors dans tous les esprits ! La Savoie ayant été vaincue militairement, rien n’était plus facile que d’en réitérer sinon l’annexion du moins l’occupation. Les structures administratives étaient éprouvées, tel le parlement de Dauphiné, les hommes étaient prêts : le président Claude Expilly fut nommé procureur général au sénat de Savoie, en 1600-1601 ; Jean de la Croix de Chevrière, autre président du parlement de Dauphiné, fut nommé garde des Sceaux de Savoie ; Créquy, le gendre de Lesdiguières, reçut le titre de lieutenant général en Savoie, et Escodéca, sieur de Boisse, fut gouverneur de Saluces, puis de Chambéry à la chute de la ville. L’histoire donnait à la France l’occasion de corriger sa propre histoire en revenant sur « l’infortunée paix » de 1559. Mais les clauses de la paix de Lyon avaient démenti tous ces beaux espoirs.
18La reprise de la guerre avait pu faire croire aux éléments les plus radicaux du royaume que leurs arguments revanchards l’avaient définitivement emporté dans le cœur du roi. Pourtant, si la guerre fut en effet un succès français du point de vue militaire, les buts ultimes poursuivis par ses plus ardents partisans ne furent pas du tout atteints. La Savoie fut épargnée et s’en tira finalement à bon compte en gardant le Marquisat. Il en résulta une double frustration, par la guerre et par la paix, et une double blessure, celle de l’honneur et celle de la noblesse censée le défendre et le racheter. Loin de refermer les blessures, la guerre de Savoie et la paix de Lyon avaient au contraire réveillé une autre blessure de la noblesse française, plus ancienne, reçue au Cateau-Cambrésis en 1559.
19Ces motifs de frustrations et de contestation se retrouvent dans le texte du Soldat françois, édité trois ans à peine après la paix de Lyon. Bien que publié en pleine paix, cet imprimé se faisait l’écho de toutes les frustrations issues de cette guerre sans vainqueur, et même de la honte qu’il y avait eue à l’entreprendre et à signer la paix. Il reprenait une batterie d’arguments agités dès 1599, où l’on retrouvait ceux de La Savoysiene, désormais matrice en la matière. Le Soldat françois persistait dans ses encouragements à entreprendre une grande guerre. Il se faisait l’écho d’un double malaise, qui sonnait comme une critique adressée au roi Henri IV : non seulement le roi s’était battu contre un simple duc, mais, circonstances aggravantes, le roi était venu se battre dans les Alpes. Il en résultait une dégradation de sa réputation, voire une dévalorisation de sa dignité royale : « Croyez moy, Sire, vos coups ruez sur la Savoye ne font point retentir au loin vostre réputation. » Le premier grief portait en effet sur la question du rang. Aux yeux du Soldat, il était dégradant pour le roi d’être venu se battre contre un simple duc, voire contre un si « petit duc » :
« Mais qu’en personne un Roy de France monte à cheval contre un duc de Savoye, c’est ravaler son autorité et mettre sa grandeur à pied et au décours [déclin] […]. Les rois sont sans pairs, et hors de combat sans autres rois, l’honneur ne s’en prend qu’à son égal16… »
20Le duel, normalement destiné à réparer l’honneur outragé, avait donc été dévoyé, puisqu’un roi ne pouvait combattre que son égal. La souillure en était d’autant plus grande que la personne même de son ennemi avait été constamment dévalorisée. Depuis la Satyre Ménippée, le duc avait été durement attaqué par les auteurs français qui l’accablaient de toutes les tares. Il était jugé vénal (« banquier d’Italie »), mesquin (« petit », « pygmée ») et perfide (« renard ») etc. Bref, c’était un adversaire sans honneur et sans noblesse. L’audacieuse ambassade que le duc avait menée en France, précisément en 1599-1600, fut regardée après coup non comme une entreprise de libéralité et d’amitié nobiliaire, mais comme une affaire de corruption vénale à laquelle on associa la trahison du maréchal de Biron. Être déloyal, le duc achetait les fidélités de la bonne noblesse qu’il détournait perfidement de son vrai prince :
« Et encore ce banquier d’Italie venir en France pour cavaler les esprits, & avec l’ameçon de ses largesses, leur vouloir faire avaller la trahison & la perfidie ; venir en France, & accoster les meilleurs serviteurs avec paroles toutes luisantes de doublons17. »
21Se battre en personne contre un tel adversaire était donc un vrai déshonneur pour le roi. Il aurait suffi, dit le texte, d’apporter un portrait peint du roi pour le vaincre :
« Il ne falloit qu’en faire porter le tableau en Savoye & en Piemont, pour mettre autant de glace sur le cœur de vos ennemis, comme il y avoit de nege sur leurs montagnes18. »
22Cette guerre n’avait donc pas été menée convenablement, sauf à la prolonger contre l’Espagne et à donner ainsi au roi de France un adversaire à sa mesure. On revenait à l’idée que le principal objectif était au-delà des monts, voire au-delà du Piémont, « trop maigre déjeuner », c’est-à-dire en Italie et en Espagne. Car avoir châtié le « serviteur » n’avait de sens que si l’on s’attaquait ensuite au « maître », c’est-à-dire au Roi Catholique19. C’était aussi la politique que le grand-duc de Toscane escomptait voir mener en Italie par le roi son gendre, auquel il venait à peine de donner sa fille Marie20 ! Le Soldat français n’était pas un exemple isolé, d’autres textes avaient eux aussi insisté sur des considérations touchant à l’image du roi, laquelle aurait souffert d’une guerre sans honneur. De ce point de vue, il est intéressant ici de voir comment l’image des Alpes et de ses habitants fut utilisée pour apporter des arguments supplémentaires aux défenseurs de l’honneur.
Les Alpes : territoire de l’anti-noblesse ?
23Pour le Soldat français, la valeur du marquisat était dans l’honneur qu’il y avait à le reprendre, non dans le territoire lui-même. Et c’était tout bonnement un scandale à ses yeux que de voir tant de soldats, de gentilshommes et le roi en personne s’être mobilisés pour si peu, à savoir « pour quatre arpents de terre, pour une grange et une métairie de la France ». Ce « petit marquisat » était un motif bien trop modeste pour qu’un roi tel que le grand Henri s’en contentât sans honte. Quelques années auparavant, en 1600, le poème conclusif du De Bello avait lui aussi tiré argument des Alpes pour critiquer l’intervention française lors de la guerre de Savoie. Le texte s’adressait à Henri IV auquel il reprochait très respectueusement d’être venu en personne dans des lieux aussi barbares. Qui plus est pour y affronter non un égal, mais un « roitelet » et son armée « d’excréments de la terre » :
« Sire, que faites-vous, ô grand Mars de la France
Par ses rochers affreus, le repaire des ours ?
Vous punissez grand Roy d’un Roitelet l’offence,
Et de tant de trophées vous allongez le cours.
Sire, que faites-vous parmi ses precipices
Par ses Atlas seiour eternel des hivers ?…
Mais que luy serviront les armes sans courage,
Les forces sans valeur, cent mille Savoyars
Excrements de la terre, allant contre l’orage
Des François indomptez, qui sont conduits d’un Mars21 ? »
24Les Alpes et leurs habitants, tels que dépeints ici, avaient un effet disqualifiant, qui soulignait comme un dévoiement du roi et de sa noblesse. Si l’on s’attache au vocabulaire utilisé, on remarque que celui-ci donne une image particulièrement sombre des Alpes qui correspond à la vision commune que l’on avait des montagnes à cette époque. Il s’agissait d’un univers sauvage et hostile, marqué par une prétendue barbarie associée à la rudesse des rochers et à la froidure du climat22. Le texte du De Bello ne parle que de « rochers affreux », d’« ours », de « précipices », d’« hivers », auxquels il associe des images négatives et dégradantes, qui sont censées être celles des ennemis du roi, telles que le « roitelet » pour le duc, dont les soldats « sans courage » et « sans valeur », sont réduits à une armée d’« excréments » sortis tout droit du ventre de la terre. Les Alpes apparaissent donc bien comme le territoire de la souillure, incapable de produire autre chose que de la matière fécale !
25Les peuples qui résidaient dans de tels lieux, Suisses et Savoyards, étaient traditionnellement regardés comme des rustres sylvestres, « dépourvus de clémence » et qui manifestaient moins de piété que les Turcs ! On voit que l’on retrouve dans le passage du de Bello quelques-uns des stéréotypes utilisés au sujet des Suisses. Or ceux-ci représentaient l’archétype de l’anti-noblesse en Europe, à cause de leur histoire et de leur organisation politique. Les Suisses incarnaient en effet le défi permanent de la roture face aux princes de l’Europe, qu’ils soient ducs de Bourgogne ou même empereurs. Il avait fallu un roi français, François Ier, pour parvenir à rétablir l’ordre social qu’ils menaçaient en les écrasant à Marignan en 1515. Mais l’idée d’une menace, d’un désordre suisse, resta cependant vivace tout au long du xvie siècle23.
26Le Soldat français et la Savoysiene puisèrent très largement dans ce registre connu de peurs et d’ethnotypes, ceci à dessein de mieux disqualifier le prince de Savoie en flétrissant sa réputation. Ils associèrent désormais son image à celle de ses territoires, c’est-à-dire qu’ils dénoncèrent un prince marqué par la démesure et par l’effroi, un prince qui franchissait les précipices de l’audace et qui s’enflait d’ambition pour atteindre des sommets d’orgueil auxquels sa naissance ne lui donnait pas droit. « Franchir le precipice de toutes mesures, espandre ses ailes au-delà de l’air & de la raison […] c’est obliger sa vanité aux vents & aux tempestes », proclamait Le Soldat français dans son attaque contre Charles-Emmanuel. L’ambition pouvait être une vertu noble lorsqu’elle était tournée vers une cause juste, mais pas quand elle sombrait dans la démesure dont on accusait Charles-Emmanuel. Aucune noblesse ne pouvait être attachée à de tels territoires ni au prince qui régnait sur eux. En cela, le duc était bien le reflet fidèle de ses repoussantes montagnes.
27Ces divers arguments, tant celui des Alpes regardées comme bornes naturelles que celui d’un duc sans noblesse parce que monstrueusement alpin, connurent une postérité prolongée – Jules Michelet aidant24 –, laquelle nourrit l’historiographie et les motifs d’annexion qui trouvèrent leur épilogue autour de 1860, lorsque la Savoie devint française et que les Alpes devinrent la frontière linéaire et stable d’États-nations25. Relais fut alors pris par les notions plus policées de « retard » et « d’archaïsme » dont on affubla les Alpes et leurs habitants relégués par la science au registre du crétinisme.
28La vision de la paix de Lyon et du rôle de la montagne fut radicalement inverse en Savoie. Les Savoyards, et surtout leur duc, pourtant vaincus militairement en 1600, tirèrent un profit politique de la situation pour accroître leur prestige et construire une identité nouvelle à partir de leurs territoires alpins.
Les Alpes : un surcroît de noblesse pour les Savoie ?
29Contrairement aux Français, les Savoyards, exaspérés par le va-et-vient des armées dans leurs vallées, accueillirent très favorablement la fin des hostilités contre la France. René de Lucinge, qui négocia le traité de Lyon pour Charles-Emmanuel, en exagéra sans doute les aspects bénéfiques afin de mieux se justifier ; néanmoins, ses remarques sont intéressantes car elles permettent de pondérer les avis traditionnellement avancés sur cette question. D’un point de vue strictement territorial, Lucinge prétendait à juste titre qu’il fallait moins regarder les modestes richesses apparentes du Marquisat que son potentiel marchand en forte expansion. Dans ce domaine, son poids était bien supérieur à celui des régions d’en deçà des monts, Savoie, Bresse et Bugey qui, toutes ensemble, ne pouvaient aucunement rivaliser avec lui. D’autant qu’en perspective de l’échange, Charles-Emmanuel avait sur place multiplié les aliénations de son domaine26. L’avenir appartenait donc au marquisat de Saluces, pas à la Bresse ni au Bugey :
« Si l’on regarde le trafic qui anoblit les villes et les pays, le Marquisat excelle l’échange de deçà, d’autant qu’il se débite davantage au moindre marché qui se tient à Carmagnole toutes les semaines qu’en tous ceux de Bresse et du Bugey en un an.
J’y oserais comprendre la Savoye toute et tout le demeurant de ses pays. La Rivière [= Riviera] de Gènes envoie ses trésors là pour les débiter à tout le Piémont, par la Lombardie et vers le Dauphiné. En tout les états de deçà les monts on n’eut su faire un parti, ni tirer des marchands six mil écus sans les étrangler. Là, il se trouvera un ou deux marchands, seuls, qui feraient parti de trente, de quarante mil écus27. »
30L’ambassadeur vénitien, dans son hostilité au duc de Savoie, confirma lui aussi la richesse de cette province. Il rapportait par exemple que la pression fiscale avait été telle, au cours des dix années d’annexion par la Savoie et de guerre contre la France, que le Marquisat avait été capable de fournir une contribution énorme au duc : plus de deux millions d’écus d’or, quand il n’en donnait que vingt mille par an à la France. On voit donc que l’échange n’était pas si déséquilibré qu’on l’a dit et que Lucinge avait, sur ce point, une vision assez juste sur les futures perspectives des deux États, vision qui était aussi celle de son maître28. Le duc y avait certes perdu en noblesse, en termes de familles nobles, mais y avait gagné en potentiel marchand ! On voit que, contrairement aux critiques qui faisaient dans cet échange du roi le marchand et du duc le roi, le duc n’avait pas fait abstraction de « l’utile » et de ses intérêts financiers.
31Néanmoins, en dehors de toute considération économique, ce fut bien l’image princière de Charles-Emmanuel qui en sortit grandie et non son sens du commerce. À l’issue de cette longue guerre, le territoire du Marquisat de Saluces, convoité depuis des siècles par les Savoie, avait enfin été agrégé au duché. C’était une véritable conquête et c’était en soi une grande victoire pour Charles-Emmanuel, c’était même, d’une certaine manière, la fin d’une histoire pluriséculaire commencée au temps des comtes de Savoie et des dauphins de Viennois. Cette paix était à tout point de vue une étape décisive dans la politique dynastique et territoriale des Savoie. Ainsi, malgré les foudres dont il accabla son négociateur, René de Lucinge, Charles-Emmanuel ratifia le traité de Lyon et le célébra avec fastes, à Turin, le 14 octobre 160129. La paix fut célébrée dans toutes les langues des États de Savoie-Piémont, soit l’italien, le piémontais, le français et le savoyard (c’est-à-dire le francoprovençal), dans un texte publié à Turin en 1601 au lendemain de la signature du traité. Une chanson, intitulée Canzonetta alla savoiarda sopra la Pace, y célébrait le duc en vers francoprovençaux, qui se voyait attribué tous les mérites de ce retour à la paix et aux promesses de l’âge d’or :
« Loé sey Nostron Seignour, | « Loué soit notre Seigneur |
De bon cour | De bon cœur ; |
Et Charles nostron bon prince | Et Charles, notre bon prince. |
Qui a passa setta pez, | Qui a signé cette paix |
A jamais | À jamais |
florira en sa province. » | Prospérera en ses États. » |
32Dans le texte français qui célébrait le traité, Charles-Emmanuel était salué à la fois comme un Mars et comme un artisan de paix, un autre Samuel et un autre Octave, celui « qui tient le monde en paix. » Dimension triple à travers l’image d’un règne aux dimensions mythologique, biblique et impériale ! Le Cavalier de Savoye fut la réponse savoyarde apportée au Soldat françois. Ce texte, du savoyard Marc-Antoine de Buttet, neveu du poète Marc-Claude (conseiller d’Emmanuel-Philibert), édité en 1605 puis 1606, utilise des arguments forgés visiblement bien avant, dans le contexte des négociations de la paix de Lyon. Il s’agissait de réfuter point par point les arguments du Soldat français paru l’année précédente (1604)30. Il jouait sur l’image traditionnelle d’un duché porte des Alpes en l’associant à celle du temple de Janus, et voyait en son duc le point fixe et stable grâce auquel « nul ne bougera ». Il était désormais « le ressort de l’harmonie de la paix, le gond sur lequel se tourne, s’ouvre et se serre la porte de la concorde31 ». Rien ne pouvait laisser penser que la Savoie avait été vaincue et l’image de son duc n’avait aucunement souffert de la déconfiture de ses armées. Les vainqueurs n’étaient pas ceux que l’on croyait ! Un dessin anonyme, conservé à Turin, semble en avoir célébré le thème, qui donne à voir le triomphe vaincu par la paix. Y figurent deux branches d’olivier recouvrant une palme accompagnées de la devise : Vincitur pace triumphus32. La Savoie triomphait pour les mêmes raisons que celles qui désolaient le Soldat français.
33Pour s’être battu afin d’éloigner de l’Italie la menace hérétique, pour avoir tenu tête aux forces du plus grand roi d’Europe et obtenu de la France ce qu’il lui avait si audacieusement pris en 1588, le duc de Savoie put même apparaître comme le vrai vainqueur et le grand bénéficiaire de la paix. Il avait en cela parachevé l’œuvre de son père Emmanuel-Philibert. Le Cavalier de Savoye ne s’y trompait pas, qui saluait son duc en tant que « grand et magnanime Charles-Emmanuel » pour les mêmes raisons que celles qui suscitaient tant de honte chez Le Soldat françois. On pourrait même dire que Le Soldat avait en quelque sorte donné des arguments en faveur de la cause savoyarde. La grandeur princière de ce duc avait en effet été démontrée à tous, car si le plus grand roi d’Europe avait dû se déplacer en personne pour venir le combattre, c’était bien parce que seul un roi tel qu’Henri IV était un adversaire à sa taille, le seul en mesure de le vaincre. À ce titre, le duc avait été traité comme un égal du roi, ce qui, en soi, était déjà une immense victoire personnelle pour Charles-Emmanuel, peut-être même la seule véritable victoire qui comptât à ses yeux. Surtout au regard de la politique étrangère conduite par le duc depuis vingt ans33.
34La venue du souverain français dans les Alpes était aussi l’aveu de l’échec de son lieutenant sur place, Lesdiguières, qualifié cette fois ironiquement de « pédagogue du Dauphiné » par le Cavalier. Lui qui prétendait donner des leçons au duc et, en quelques mois, « le mettre en chemise », avait dû supporter l’humiliation de voir d’autres, en particulier Sully, régler le problème savoyard à sa place :
« Il ne faut pas, pour avoir barre sur un si grand capitaine, des rois en peinture, des armées venant en poste, des lieutenants de province, moins encore le pédagogue du Dauphiné : il faut un Roy, et des vaillants, une armées, et des fortes, non des lieutenants, mais des chefs […]. C’est l’exploit d’un roi que l’entreprise d’une telle guerre34. »
35Le Cavalier cherchait à rivaliser de noblesse avec les Français. Son intitulé même renvoyait directement au gentilhomme, homme d’épée et de cheval, qui se distinguait du vulgaire « Soldat » combattant à pied. Il chercha ainsi à capter l’héritage héroïque du chevalier par excellence, Bayard, symbole, s’il en fut, de la noblesse d’épée et de ses plus hautes vertus. Sa figure était alors exaltée en France, notamment par Henri IV lui-même, lors de sa venue à Grenoble, et par son entourage35. Mais la figure était également revendiquée en Savoie, où le chevalier avait fait son apprentissage. Ainsi, le duc de Savoie en recherchait-il assidûment les armes, épée et masse d’armes, afin de les faire figurer, telles des reliques martiales, au cœur de ses collections de Turin. Le Chevalier était donc un enjeu pour les deux États qui, à travers cette grande figure de l’honneur nobiliaire, cherchaient chacun à légitimer leurs positions politiques. Le Cavalier regardait le lieutenant général du duc en Savoie, Charles d’Albigny, comme « le parangon, & l’asme mesme du grand capitaine Bayard36 ». Albigny était pourtant un Français renégat, ancien gouverneur de Grenoble pour la Ligue, passé dans les années 1590 au service du duc Charles-Emmanuel Ier. En France, on l’aurait plus volontiers associé à la mémoire du félon connétable de Bourbon qu’à celle du Chevalier « sans peur et sans reproche » ! C’était pourtant à ce « petit Bayard » que le duc de Savoie devait d’avoir reconquis la vallée de la Maurienne, en mars 1598, qui lui avait valu une belle victoire à Charbonnière ainsi que la capture de Charles de Créquy et d’une vingtaine de ses capitaines37. En 1602, il avait supervisé l’opération commando contre la cité de Genève et n’avait manqué que d’un cheveu de prendre la place. Élevé aux plus hauts honneurs par le duc, il avait acquis la réputation d’être un grand capitaine et un champion de la cause catholique38. En le comparant à Bayard, Le Cavalier l’opposait habilement à son homologue dauphinois, le lieutenant général Lesdiguières, qui, en plus d’être un hérétique, se voyait dénier toute vertu de noblesse, afin de le réduire à l’état vil de parvenu et de profiteur de guerre39.
36La prise de Carmagnole, qui avait donné le coup d’envoi à la conquête de l’enclave alpine de Saluces, en septembre 1588, devint le symbole de l’audace de la Savoie et de sa capacité à s’étendre et à moissonner les honneurs. Une gravure allégorique représentant l’entrée de Charles-Emmanuel dans Carmagnole, exécutée probablement vers 1618, commémora l’invasion survenue trente ans plus tôt40. Elle montrait le duc Charles-Emmanuel, en empereur victorieux, franchissant le seuil d’une porte monumentale, celle du panthéon de la gloire. Une telle porte n’était pas sans rappeler également les colonnes d’Hercule dont Charles Quint avait fait son emblème. L’intention de Charles-Emmanuel était bien d’aller « plus oultre » en repoussant toujours plus loin les frontières. figuraient également les quatre vertus cardinales, des putti portant les armes et le bâton de commandement du prince. Au fronton de la porte on pouvait lire « belli et pacis regina », ainsi que des allusions à la complémentarité de Mars et de Minerve. À travers ce document mémoriel, c’était comme si l’on avait voulu signifier que l’invasion surprise de 1588 avait inauguré une ère de gloire, d’honneurs et de conquête pour le duc de Savoie. Lequel avait donné à sa noblesse maintes occasions de s’illustrer. Ce que semblent confirmer les créations de chevaliers de l’Annonciade. On remarque en effet que 30 % de celles-ci le furent en 1602, c’est-à-dire à l’issue de la guerre contre la France.
37Surtout, l’acquisition du Marquisat avait été l’occasion d’un repositionnement territorial majeur des États de Savoie à partir des Alpes. C’était moins un glissement vers l’Italie qu’une alpinisation de la maison de Savoie qui s’était effectuée lors du traité de Lyon. Plus que jamais, les Alpes étaient devenues une parcelle du territoire ducal, et cette nouveauté avait donné une place exceptionnelle aux montagnes et à leur rôle guerrier. Le duc les avait davantage associées à son image identitaire dans ses portraits, comme en témoigne la gravure de Sadeler, réalisée en mémoire de la prise du Marquisat de Saluces, et directement inspirée d’une peinture de Giovanni Caracca. Celle-ci montre le duc à cheval, devant ses armées et ses montagnes, sous un crucifix et un centaure archer accompagné du motto « Opportune », symbole de l’opération éclair de 1588, une opération survenue « à temps ».
38Au début du siècle suivant, Honoré d’Urfé rédigea sa Savoysiade, une épopée dynastique de la maison de Savoie, qui donnait aux Alpes une place centrale et providentielle41. Les montagnes y étaient présentées comme une terre anoblie par le sang du martyre de saint Maurice et par les vertus guerrières du héros fondateur, le Saxon Bérold : « Aux Alpes il planta le sceptre de Savoie » (Savoysiade, Livre 1). En cela les Alpes apparaissaient non comme un lieu barbare et repoussant, mais comme la terre promise dans laquelle s’était enracinée la tige dynastique des Savoie, et dont le terreau fertile les conduirait un jour à coiffer une couronne royale. L’hommage appuyé rendu par Urfé à Charles-Emmanuel était un appel dans ce sens. Les Alpes devaient désormais servir de tremplin à ce duc, lequel, réconcilié avec la France d’Henri IV, chasserait les Espagnols et entreprendrait la libération de l’Italie.
*
39Il y eut donc bien deux visions qui se heurtèrent lors de la paix de Lyon, qui renvoyaient à la conception de l’honneur et de la place que celui-ci tenait encore dans la manière de concevoir la guerre et la paix. Dans l’affrontement de mots qui accompagna le contexte de la reprise de la guerre de Savoie et les années de paix qui suivirent, les Alpes tinrent une place spécifique, qui signalait la façon radicalement différente de regarder ces montagnes, selon que l’on servait le roi de France ou le duc de Savoie.
40En France, cette polémique fut à la fois participative de la constitution de la nouvelle identité nobiliaire, forgée autour de la notion de bon ou vrai Français, mais aussi une critique formulée contre le roi42. Une contradiction apparente qui souligne la complexité de cette notion de « Bon Français » au tout début du xviie siècle. Une notion qui ne cessa de se renforcer avec le durcissement de la politique française à l’égard de l’Espagne et dont la Savoie fit à nouveau les frais à la mort d’Henri IV, puis sous Richelieu, à partir de 1626, ce qui donna lieu à une nouvelle guerre de Savoie, et à une seconde campagne de dénigrement du duc Charles-Emmanuel portée par une Seconde Savoysiene ; l’histoire se répétait. Le triomphe dont on fit état lors de l’épisode du franchissement du pas de Suse, en mars 1629, serait certainement à interpréter au regard des frustrations de la guerre de 1600. En bousculant les barricades, Louis XIII accomplissait ce qu’Henri IV n’avait pas fait en son temps. Il ne s’était pas arrêté aux Alpes, mais les avait franchies, et par là même vaincues ! Du moins c’est ce qu’on tenta de démontrer. On célébra en effet la victoire de Suse par le biais du franchissement des monts, qui fut présenté comme un triomphe royal sur la montagne et ses dangers, en compensation de la modeste victoire militaire du roi sur un adversaire de moindre statut que lui.
41Pour autant, dans sa célébration générale, cette victoire fut un triomphe moins sur le duc de Savoie et ses précipices que sur l’Espagne, comme le montrait la levée du siège de Casale, conséquence directe des accords signés entre Richelieu et Charles-Emmanuel après l’épisode de Suse. Ainsi, la guerre extérieure redevenait-elle une véritable source d’honneur pour le roi et pour la noblesse de France. Les revendications belliqueuses du Soldat français étaient en passe de se réaliser : les Alpes franchies, le roi de France, accompagné de ses gentilshommes, était de retour en personne en Italie pour y combattre son ennemi capital. C’était la reprise du cours interrompu d’une l’histoire séculaire autant que nobiliaire, qui devait étroitement associer le destin de la France à celui de l’Italie aux dépens de l’Espagne et des Habsbourg.
42En Savoie, au contraire, si l’on s’en réfère aux portraits princiers et à la littérature encomiastique, les Alpes devinrent à cette même époque de plus en plus un élément mélioratif de l’identité dynastique. À l’inverse du roi de France, le duc ne triomphait pas des Alpes, il régnait sur elles et combattait avec elles. L’épisode des barricades de Suse, qui avait matérialisé la frontière souveraine de ses États et comme augmenté le relief naturel des Alpes pour mieux stopper ses ennemis, en fut une magistrale illustration. Il n’y avait donc plus ni marchand, ni duc, ne restait que le « roi des Alpes ». Ainsi, quelques années plus tard, Tommaso Campanella qui, lui aussi, rêvait de voir la France revenir en Italie combattre l’Espagne aux côtés de la Savoie, pouvait-il écrire que son duc pourrait alors prendre le titre de « roi des Monts », « titre noble et superbe qui sied à Son Altesse43 ».
Annexe
ANNEXES
Tableau 1. – Les créations de chevaliers de l’Annonciade par Charles-Emmanuel Ier (d’après F. Capré, Catalogue des chevaliers de l’ordre du collier de Savoye, Turin, 1654, fol. 139 v°-211).

Le soldat françois, s. l., 1604 (extraits)
« Voire tant plus que le cœur est haut, tant plus le ressentiment doit estre grand, lors que l’honneur est prins à partie, & qu’on l’engage à une necessité de se défendre » (p. 127).
« C’est bien dit, pour quatre arpens de terre ; pour une grange & une metayerie de la France ; et pour un petit marquisat, que nous aurons ouvert le grand portail de Ianus, crié aux armes, veu toute la France en rumeur, nos légionnaires sous les enseignes, nostre noblesse à cheval, & à la teste de ces enfans de Mars, un Mars, foudroyant, qui bruyant, qui grondant, menaçoit du haut des Alpes le Piemont, & le Milan… »
« Il falloit bien, il falloit bien donner des verges à cet audacieux ; il falloit luy monstrer qu’il n’y avoit que trop de lions en France pour un renard, trop de dogues pour un briquet, trop de chats pour une souris : Petit ignorant, qui ne recognoissois pas qu’il ne falloit à un Roy de France indigné que des chevaux de poste pour courir la Savoye & le Piemont ? Petit brouillon, qui ne sçavois pas que les vistes avancemens sont suivis de ruine, & d’une roulante dissipation, & qu’un Estat accreu avec gourmandise & ambition, & un trop soudain eslevement à honneur, a les pieds de cire, suiets à se fondre aux premiers rayons de la Justice du ciel : Petit audacieux, trop ouvert d’oreilles pour esveiller son ambition au triste son des sanglots de la France, lors qu’un mal furieux courant toutes ses veines, elle demeuroit estendüe de son long, couverte de sang & de playes, & frappée d’un grand coup au cœur ; ne cognoissant pas que les grands Estats ne peuvent estre secoüez que par les fleaux cachez & mysterieux de la Providence ? Temeraire, de vouloir des premiers mettre les mains au partage de cet Estat sur une folle (p. 129) apprehension de sa cheute, sans cognoistre que franchir le precipice de toutes mesures, espandre ses ailes au delà de l’air & de la raison […] c’est obliger sa vanité aux vents & aux tempestes… » (p. 128).
« Et encore ce banquier d’Italie venir en France pour cavaler les esprits, & avec l’ameçon de ses largesses, leur vouloir faire avaller la trahison & la perfidie ; venir en France, & accoster les meilleurs serviteurs avec paroles toutes luisantes de doublons, promesses de grandeur, & les ceindre d’un nuage d’or, comme Iupiter pour dépuceler la belle Danaé ! Il falloit bien, il falloit donner des verges à cet audacieux. L’impunité aiguise les cousteaux des meschans, […] Et qui ne vous attaquera sans danger, si non vous donne le coup sans punition ? (p. 131).
Mais qu’en personne un Roy de France monte à cheval contre un Duc de Savoye, c’est r’avaller son autorité, & mettre sa grandeur à pied & au décours ; Ce chef oinct & sacré à infinis palmes & lauriers deubs à la bonne fortune de la France, ne se doit pas exposer à toute sorte (p. 132) de dangers ; Les Roys sont sans pair, & hors de combat sans autres Roys, l’honneur ne s’en prend qu’à son esgal, & Alexandre qui eust bien voulu gaigner le prix de la course à la teste des ieux Olympiques, ne faisoit que demander, y a il des Roys qui courent ?
Sire, on n’a iamais estimé, que la mort de Pyrrhus, qu’une femme tua d’un coup de tuille, fust honnorable, s’il faut dit un Demosthene françois qu’un Roy meure à la guerre, il faut que ce soit en Roy au milieu d’une fiere & sanglante bataille, environné de tout ce qu’il a de brave, de genereux & de vaillant en son Estat ; il faut qu’il soit noyé dans une mer du sang de ses ennemys, meslé avec celuy de ses gendarmes. Croyez moy Sire vos coups ruez sur la Savoye ne font point retentir au loin vostre reputation ; il falloit, ainsi qu’Alexandre qui quitta les Thebains comme suiet indigne de sa vaillance pour se tourner à la conqueste du monde ; il falloit laisser ce Pygmée pour les grues qui passent en septembre ; il failloit n’en tenir compte, pour ruer & vivement ruer ces braves coups de Roy, ces grands coups de foudre sur le dos de l’Espaigne. (p. 133) Comment donc, laisser mon Marquisat entre les mains d’un petit Duc ? »
« Mon grand Roy, je voulois dire que vous demeurant en vostre ville-monde de Paris, comme au centre où toutes les extremitez de vostre Royaume respondent, y prenant un bon peintre, vous y faisant tirer au vif, tenant un foudre à la main, ainsi qu’Apelles peignit Alexandre : il ne falloit qu’en faire porter le tableau en Savoye & en Piemont, pour mettre autant de glace sur le coeur de vos ennemis, comme il y avoit de nege sur leurs montagnes… » (p. 134).
« Sire, ce sçavant paedagogue du Dauphiné, qui tant de fois a donné des verges à ce petit Duc, & l’a foüeté jusques au sang, n’eust esté que trop capable pour cest Ambassade, qui devoit faire ses salutations à coups de canon, & ses harangues à coups d’espée (p. 135) :
C’est l’Espagnol Sire, c’est luy seul sans autre qui, repassant les leçons de son pere, fait herisser le Savoyard contre vous… » (p. 138).
« Il ne faut point se herisser ny monstrer les dents & les ongles à la Savoye & au Piemont (trop maigre desieuner pour un grand Monarque affamé d’honneur & de gloire)… » (p. 164).
Notes de bas de page
1 H. Duccini, Faire voir, faire croire. L’opinion publique sous Louis XIII, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 446 ; Le combat au vray d’entre le seigneur Dom Philippes de Savoye et le sieur de Créquy, Paris, 1599.
2 Cité par F. Billacois, Le duel dans la société française des xvie-xviie siècles. Essai de psychologie historique, Paris, EHESS, 1986, p. 98-99. Même les célèbres commères des Caquets s’en firent l’écho en 1622, considérant que les grands mérites de Créquy lui valaient bien la connétablie : « Ce seroit faire tort à sa générosité que de le priver de la récompense deuë à un grand courage comme le sien […] qui luy fut tant favorable pour renverser don Philippin sur le pré. » Les Caquets de l’accouchée. Nouvelle édition, revue sur les pièces originales et annotée par M. Édouard Fournier, avec une introduction par M. Le Roux de Lincy, Paris, P. Jannet, 1855, p. 171.
3 Poignard en italien. Archivio di Stato di Torino [ASTo], Lettere duchi e sovrani, mazzo 25, fasc. 1, n° 2689 (lettre au sieur de Jacob, 5 juin 1599).
4 Bibliothèque Municipale de Grenoble, A 1866 (Vita e qualita di Carlo Emanuele il grande duca di Savoia, s. l. n. d.).
5 S. Guichenon, Histoire Généalogique de la Royale Maison de Savoie, Lyon, Barbier, 1660, p. 785.
6 N. Le Roux, « “Ce sont les rois qui ont les jettons à la main”. Henri IV, la noblesse et la guerre autour de 1600 », Cahiers d’histoire, t. XLVI, n° 2, 2001, p. 245.
7 H. Hauser, Les sources de l’histoire de France. Le xvie siècle (1494-1610), Paris, Picard, 1906-1915, 4 vol., t. IV, p. 204-209.
8 Première Savoysiene, s. l. n. d. [v. 1599-1600]. Ce texte fut réédité sous Richelieu et augmenté d’une « Seconde Savoysiene » (Grenoble, P. Marnioles, 1630).
9 Ibid., p. 10.
10 La Popelinière, L’histoire de la conqueste des pays de Bresse et de Savoye par le roy très chrestien, Paris, T. Ancelin, 1601.
11 Brantôme, Recueil des Dames, éd. É. Vaucheret, Paris, Gallimard, 1990, p. 186 (I, vi).
12 D. Le Fur, Henri II, Paris, Tallandier, 2009, p. 441.
13 Première Savoysiene, op. cit., p. 19.
14 Ibid., p. 13.
15 Ibid., p. 17.
16 Le soldat françois, s. l., 1604, p. 131-132.
17 Ibid., p. 131.
18 Ibid., p. 134.
19 Ibid., p. 128-132.
20 J.-F. Dubost, Marie de Médicis. La reine dévoilée, Paris, Payot, 2009, p. 105.
21 R. B. C., De Bello Sabaudico aliisque rebus, Gestis, Epistola, Lyon, 1601, p. 17-19.
22 Philippe de Caverel, en 1582, expliquait l’altération progressive de la langue française qui se « barbarise en Savoye, et hume avec l’air froid la rudesse des rochers, approchant les Alpes ». Cité par D. Nordman, Frontière de France. De l’espace au territoire xvie-xixe siècle, Paris, Gallimard, 1998, p. 464.
23 F. Walter, Histoire de la Suisse, Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses, 2010-2011 [2009], 5 vol., t. I, p. 61.
24 « Ce prince inquiet, brouillon, mal fait, malfaisant, avait un démon en lui. Sa personne était étrange, comme son singulier empire, bossu de Savoie, ventru de Piémont. Et l’esprit comme le corps ; il semblait gonflé de malice, travaillé dans sa petitesse d’un besoin terrible de s’étendre, de grandir et de grossir. » J. Michelet, Histoire de France au 17e siècle, Henri IV et Richelieu, Paris, 1861, p. 60. L’image du crétin des Alpes n’était pas loin !
25 S. Gal, « Charles-Emmanuel Ier ou les flétrissures du prince : la perception par la France du duc de Savoie et de ses “ambitions” (fin xvie-début xviie siècle) », in La Savoie et ses voisins dans l’histoire de l’Europe, 43e congrès des sociétés savantes de Savoie, Annecy, 2010, p. 109-121.
26 Ce point précis est souligné par A. Dufour, in R. de Lucinge, Les occurrences de la paix de Lyon (1601), éd. A. Dufour, Genève, Droz, 2000, p. 89 n. 174.
27 Ibid., p. 87.
28 L. Marini, « René de Lucinge… Le fortune savoiarde nello stato sabaudo e il trattato di Lione », Rivista Storica Italiana, t. LXVII, 1955, p. 360-361.
29 B. Haan, « La mise en application du traité de Lyon », Cahiers René de Lucinge, n° 37, 2003, p. 65 et 72-74.
30 L. Terreaux (dir.), Histoire de la littérature savoyarde, Montmélian, La Fontaine de Siloé, 2011, p. 351-357.
31 Le cavalier de Savoye ou response au soldat françois, Bruxelles, I. Reguin, 1606, p. 3.
32 ASTo, Storia della real casa, mazzo 13, n° 25 (poèmes et dessins anonymes en l’honneur de Charles-Emmanuel).
33 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, la politique du précipice, Paris, Payot, 2012.
34 Le cavalier de Savoye, op. cit, p. 214.
35 T. Godefroy, Histoire du chevalier Bayard et de plusieurs choses mémorables, Grenoble, J. Nicolas, 1650, p. 478-479.
36 Ibid., p. 216.
37 Relatione del seguito nella impresa che il serenissim. Duca di Savoia ha fatta nella ricuperatione della provincia della Moriana, et prigionia del Principe di Poys, Sig. Crichi, cO’l suo seguito, & nobilità, Turin, s. n., 1598.
38 Ce qui lui coûta la vie lors du changement de politique de Charles-Emmanuel, qui abandonna l’Espagne en faveur de la France, en 1608.
39 S. Gal (dir.), Bayard. Histoires croisées du Chevalier, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2007, p. 146-153.
40 Allegoria dell’ingresso du Carlo Emanuele I in Carmagnola, Biblioteca Reale, Torino, U-II (59). G. Romano (dir.), Le collezioni di Carlo Emanuele I di Savoia, Turin, Cassa di Risparmio di Torino, 1995, p. 26.
41 « La Savoysiade, Poeme heroique de Messire Honoré d’Urfé, marquis de Valromé et de Beaugé, baron de Chateaumorand, etc. », est un poème en neuf livres et 205 folios. L’exemplaire qui est conservé à Turin est daté de 1606, à Virieu-le-Grand, dans le Haut-Bugey, dont Urfé était seigneur. ASTo, Storia della real Casa, Storie generali, cat II, mazzo 7. Ce manuscrit a été entièrement microfilmé par l’université de Tours en 2002.
42 Cette polémique signalait aussi un glissement des enjeux vers un domaine déconfessionnalisé, susceptible de ramener la noblesse, en perpétuelle quête identitaire, à ses anciens idéaux hérités des guerres d’Italie.
43 T. Campanella, Sur la mission de la France, Paris, Éd. rue d’Ulm, 2005, p. 173.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008