Chapitre I. Les prémisses de l’opération
p. 27-43
Texte intégral
« Tous les gens qui ne se trouvent pas à leur place d’origine sont toujours suspects à quelqu’un ou à tout le monde. [...] Pour s’aimer, il faut être deux, or l’indigène ne rend pas son amour à l’étranger. »
Elsa Triolet, Le rendez-vous des étrangers, préface, Paris, 1967, p. 11-12.
1Selon un recensement des étrangers, sur les 470000 à 530000 Espagnols entrés en France au début de 1939 lors de la Retirada1, seuls environ 100000 étaient encore présents en France métropolitaine en 19452. Cette estimation est confirmée par Javier Rubio qui évalue l’émigration politique espagnole à 125000 personnes en 1950 (ce chiffre n’incluant pas l’immigration économique)3. Néanmoins, l’importance numérique de l’émigration politique espagnole ne constitue pas, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un motif d’inquiétude de la part du gouvernement français. Comme le souligne Gérard Noiriel,
« Le gouvernement constitué à la fin de la guerre rassemble les principales composantes de la Résistance, et notamment le Parti communiste qui devient alors le premier parti de France, tant par le nombre d’adhérents que par le nombre d’électeurs. Le rôle essentiel qu’ont joué dans la lutte contre l’occupant les militants issus de l’immigration leur donne, pour la première fois depuis le début de la Troisième République, la possibilité de s’exprimer publiquement en tant que tels4. »
2En effet, à la Libération, les républicains espagnols bénéficient d’un certain prestige du fait de leur participation à la lutte contre l’ennemi commun dans les rangs des Francs-tireurs et partisans (FTP) puis des Forces françaises de l’intérieur (FFI) à partir de 1944 et de leur contribution à la libération de Paris5. « Ceux qui étaient constamment présentés dans l’espace public comme des “indésirables” […] sont devenus des héros nationaux6. » Le décret du 15 mars 1945 renforce cette position. Le statut de réfugié est accordé aux Espagnols qui, en droit ou fait, ne pouvaient jouir de la protection de leur gouvernement. La protection accordée aux réfugiés espagnols le 15 mars 1945 semble donc à la fois prendre en compte la réalité de leur installation dans l’hexagone et assumer la dette contractée dans la Résistance7. Quelques mois plus tard, le 3 juillet 1945, l’Office central pour les réfugiés espagnols (OCRE), chargé d’assurer la protection juridique et administrative des réfugiés, est créé et placé sous le patronage du Comité intergouvernemental pour les réfugiés (CIR)8 puis, de l’Organisation internationale des réfugiés (OIR)9 en décembre 1946. L’OIR a non seulement pour mission de gérer les flux importants de réfugiés engendrés par la Seconde Guerre mondiale mais a aussi vocation à s’occuper de la génération plus ancienne de réfugiés qui se composait de Russes blancs, d’Arméniens, de républicains espagnols et des premières victimes des persécutions politiques et raciales des régimes fascistes10.
3L’OIR définit les catégories de réfugiés relevant de son mandat et accorde une place particulière aux « Républicains espagnols et autres victimes du régime phalangiste en Espagne » qu’elle n’assimile pas aux « personnes considérées comme réfugiées avant la guerre11 ». Ses tâches sont variées et recouvrent des domaines tels que l’assistance, la santé, la formation professionnelle et l’emploi, le reclassement des réfugiés, le rapatriement, le transport ou encore la protection juridique. Même si le gouvernement français ne remet pas en question l’importance de l’OIR, il pose quelques conditions à la ratification de sa charte : celle « d’une participation adéquate de la France aux travaux de la délégation à Genève » – il considère en effet la France comme reléguée à une place inférieure à celle des États-Unis et de la Grande-Bretagne au sein de l’organisation – et « de l’extension de la compétence de la délégation de Paris12 ». En résumé, le gouvernement souhaite s’assurer un droit de regard sur le traitement réservé aux étrangers résidant sur son territoire. Très rapidement, cette volonté de la délégation française de garder toute sa souveraineté sur « ses » réfugiés envenime ses relations avec l’OIR. Dès 1948, le ministère de l’Intérieur reproche à cette organisation de délivrer des certificats aux Espagnols sans s’entourer des garanties nécessaires13. Cette focale particulière sur les Espagnols est probablement liée au fait qu’ils représentaient 40 % des réfugiés d’origine étrangère relevant de l’OIR en France (54059 Espagnols pour 136459 réfugiés)14.
L’émergence du « problème espagnol »
4Les préfets, hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, garants du maintien de l’ordre public, ont joué un rôle primordial dans la mise en exergue du « danger espagnol » et du rôle « subversif » joué par le PCE et ce, principalement dans le Sud-Ouest. Le « danger espagnol » constitue une préoccupation croissante des pouvoirs publics du point de vue sécuritaire et les préfets n’ont cessé, dès 1948, d’alerter le gouvernement à ce sujet. Ce rôle prépondérant joué par les préfets du Sud-Ouest est lié à la répartition géographique de la colonie espagnole dont le centre de gravité est, à la fin des années 1940, nettement situé dans cette région. Près de la moitié des Espagnols y résident et ils y constituent plus de 50 % de la population étrangère. Ainsi au 31 décembre 1949, près de 125000 Espagnols (émigrés politiques et économiques)15 sont domiciliés dans les douze départements de la Vème région militaire qui englobe les départements suivants : Ariège, Aude, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Landes, Lot, Pyrénées (Basses), Pyrénées (Hautes), Pyrénées Orientales, Tarn et Tarn-et-Garonne. Si l’on y ajoute les départements limitrophes du Lot-et-Garonne et de l’Hérault, vivent dans cette région 159000 Espagnols16. L’immigration politique supplante l’immigration économique dans la Haute-Garonne (représentant respectivement 12699 et 8978 personnes), l’Ariège, l’Aveyron, le Tarn-et-Garonne et les Landes17. Les réfugiés sont donc installés dans les régions habituelles de l’immigration espagnole d’avant-guerre, fait qui s’explique à la fois par le désir de rester proche de l’Espagne afin d’être prêts à y retourner en cas d’évolution de la situation politique et par la constitution de réseaux de solidarité, familiaux et idéologiques.
Les communistes espagnols : véritable danger ou simple figure de l’ennemi ?
5Régulièrement recensés, les Espagnols résidant en France font donc l’objet d’une attention soutenue de la part des services préfectoraux. Cette attention a pour principale cible les membres du Parti communiste d’Espagne – et non l’ensemble de la colonie espagnole, qui se divise alors en trois groupes distincts : les socialistes18, les anarchistes19 et les communistes20. Les divisions idéologiques nées de la guerre civile perdurent dans le pays d’accueil21. Dans un rapport datant de 1948, les services de la Direction de la surveillance du territoire (DST) recensent, pour toute la France, 98000 affiliés et sympathisants d’organisations politiques espagnoles, divisés comme suit : 41000 anarchistes, 30400 socialistes et 22000 communistes22. Le PCE est donc un parti minoritaire au sein de la colonie des réfugiés espagnols et le parti le plus surveillé. Dès lors, il est légitime de s’interroger sur les raisons de cette méfiance particulière.
6Dans un rapport du 11 février 1948 destiné au directeur général de la Sécurité intérieure, le préfet des Basses-Pyrénées fait ressortir « l’ingérence de la colonie espagnole dans les affaires politiques françaises dont le PCE aurait été le principal acteur » comme l’un des motifs de cette surveillance ciblée23. Ce qui est ici qualifié d’ingérence dans les affaires politiques françaises est la participation des Espagnols aux grandes grèves de 1947, dont le PCE fut un moteur dans la mobilisation, comme le souligne Robert Mencherini : apparaît ici la thèse du complot insurrectionnel sous la direction de Moscou dont le PCE serait le bras armé24. D’ailleurs, selon Phryné Pigenet, c’est à cette occasion que la police localise les « fauteurs de trouble » et améliore par la suite son système de fichage25.
7Ce faisant, le préfet des Basses-Pyrénées dédouane les autres partis ou organisations politiques espagnols en soulignant la « moralité », la « courtoisie » et la « discrétion » de la CNT et des groupements basques (placés sous l’égide du gouvernement d’Euzkadi) dans leurs rapports aux autorités françaises. Pourtant, il n’avance à aucun moment les éléments qui le poussent à supposer que le champ d’activités des membres du PCE se trouve bien plus en France qu’en Espagne – et constitue par là même un danger pour la France. Il se limite à souligner le caractère « invisible » de ce mouvement :
« Si l’on ne constate que très rarement l’entrée en France d’un réfugié se disant membre du parti communiste, c’est d’abord parce que certains membres de ce parti ont reçu l’ordre de rester en Espagne quoiqu’il arrive et de poursuivre coûte que coûte leur travail à l’intérieur26. »
8Il poursuit en affirmant que « ceux qui émigrent ont pour consigne de taire leur appartenance aux officiels français27 ». L’absence de preuve n’empêche pas pour autant le fonctionnaire de proposer des mesures d’expulsion ou d’éloignement du département pour tous les étrangers qui, à la suite d’un délit, seraient condamnés à une peine d’emprisonnement, mesures alors rejetées par la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Il apparaît clairement dans ces premiers rapports que le terme d’« Espagnols suspects » est alors synonyme de « communistes espagnols » et qu’il n’est à aucun moment question des Basques, des anarchistes ou des socialistes espagnols. Cet amalgame entre « suspects » et « communistes » se retrouve dans la conduite de l’opération Boléro-Paprika.
Les réfugiés politiques espagnols et la question de leur internement
9L’idée de l’internement dans les camps apparaît dans différentes notes dès novembre 194828. Il est alors question d’un internement en Corse pour les Espagnols expulsés, une simple assignation à résidence paraissant dangereuse. Cette mesure ne reçoit pas l’approbation du ministère de l’Intérieur pour deux raisons : l’une est juridique, l’article 28 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ne permettant pas de créer un camp ; et la seconde est pratique, cette mesure impliquant une garde permanente, des baraquements et une cantine29. Plus loin, une troisième raison apparaît, morale cette fois-ci : « Le scandale des camps d’internement où l’on meurt après avoir subi des sévices a suffisamment éclaté aux yeux de tous, en France même, aussi bien pendant l’occupation qu’après la libération. »
10L’apparente humanité de l’auteur de cette note est à remettre en question lorsque ce dernier estime quelques lignes plus loin « qu’il serait infiniment plus simple, plus humain même et moins dispendieux de remettre purement et simplement à la frontière de leur pays d’origine les étrangers qui se sont montrés indignes de notre hospitalité ». Dans la marge, une main anonyme ajoute de manière pertinente « plus simple, oui ; plus humain, non » : en effet, il est difficile de concevoir cette mesure comme plus humaine, sachant la manière dont étaient traités les opposants politiques au régime franquiste en Espagne30. Un an plus tard, en décembre 1949, nous retrouvons le même type de discours dans un rapport du préfet de Haute-Loire confronté alors à un afflux de clandestins espagnols dans son département et à une recrudescence de l’activité politique de la colonie espagnole qui selon lui en résulte :
« Le PCE manifeste en Haute-Loire une activité que l’on ne peut négliger […]. Il n’est pas douteux que la plupart des étrangers en cause seraient prêts à oublier trop facilement les règles de stricte neutralité qui s’imposent aux individus venus chercher asile dans notre pays, et à obéir aux consignes des fauteurs de troubles et de désordre. […] La sanction la plus efficace semble être l’expulsion31. »
11Le PCE est encore une fois désigné comme étant le danger, la première solution proposée est l’expulsion, et la DGSN réprouve à nouveau cette sanction administrative pour des raisons pratiques et juridiques.
La conférence préfectorale du 4 janvier 1950
12Dès 1948, les autorités préfectorales cherchent à attirer l’attention du ministère de l’Intérieur sur le « problème espagnol ». Une première initiative émane d’Émile Pelletier32, principal promoteur de l’opération Boléro-Paprika et qui organise peu de temps après sa prise de fonction en mars 1948 une conférence des préfets du « Grand Sud ».
13Dans les années 1948-1949, les plaintes émanant des préfets restent des initiatives individuelles, propres à la situation de chaque département et dénuées d’actions collectives, auxquelles le ministère de l’Intérieur répond au cas par cas. La conférence du 4 janvier 1950 sur « le problème de l’émigration espagnole » – dont la conférence des préfets du Grand Sud sur le problème espagnol n’était que le prélude – marque le point de départ d’une action concertée qui aboutit à l’opération Boléro-Paprika neuf mois plus tard. Lors de cette conférence, tenue en présence du directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, sont principalement abordés les problèmes relatifs au contrôle des frontières, à ses répercussions sur les relations franco-espagnoles ainsi qu’à l’activité politique du PCE. Une note rapporte l’existence d’un grand nombre de filières pour les passages entre l’Espagne et la France et souligne le fait que « le gouvernement espagnol a fréquemment accusé le gouvernement français de protéger des mouvements hostiles à l’Espagne franquiste et de faciliter le passage d’auteurs d’attentats de France en Espagne33 ». Il s’agit dès lors pour le ministère de l’Intérieur d’obtenir un contrôle efficace des entrées en France et, pour le préfet, de mettre en place des mesures pour guider l’action coercitive à venir.
La mise en place des « propositions »
14La conférence du 4 janvier est suivie les 2 et 20 février 1950 d’une conférence régionale des préfets de la cinquième région militaire alors sous le commandement d’Émile Pelletier, devenu Inspecteur général de l’administration en mission extraordinaire (IGAME), sorte de « super préfet34 ». À cette occasion, il est décidé que les préfets lui adressent deux sortes de « propositions » – euphémisme employé pour désigner les listes des individus espagnols suspects. Les unes tendent à l’expulsion du territoire français des suspects espagnols les plus dangereux. Les autres dressent la liste des suspects espagnols non justiciables de la première mesure, et pour qui l’alternative serait l’assignation en résidence surveillée35. Un premier état des propositions est disponible en mars 1950 : 133 Espagnols sont alors « proposés » pour être déplacés en Corse, 141 pour être assignés à résidence. Les préfets de Haute-Garonne, des Pyrénées Orientales et de l’Aude soumettent le plus grand nombre de suspects espagnols concernés par une mesure d’éloignement avec respectivement trente et une, trente-trois et vingt-sept propositions. Les départements du Lot et du Tarn-et-Garonne ne proposent en revanche ni éloignement, ni assignation à résidence36.
15Le 22 mai 1950, soulignant la nécessité de frapper immédiatement l’intégralité de l’état-major du PCE (Bureau politique et Comité Central), de nouvelles propositions sont étudiées par l’IGAME, Émile Pelletier. Elles concernent une centaine d’individus, répartis comme suit : quarante membres de l’état-major du PCE et soixante dirigeants régionaux considérés comme « les plus dangereux37 » dans les départements de Haute-Garonne, des Pyrénées Orientales et de l’Aude38. Une mesure d’éloignement dans les départements métropolitains étant jugée contre-productive, il est décidé de les envoyer hors de métropole : le département de la Guyane, alors déficitaire en main-d’œuvre, apparaît idéal.
16L’opération Boléro-Paprika sera basée sur ces listes : au 1er septembre 1950, l’Inspecteur général conseille de reprendre les propositions du 22 mai 1950 (c’est-à-dire une centaine d’expulsions) comme programme minimum et ajoute que « si le gouvernement entend prendre des mesures complètes », il lui faut pour cela « reprendre les propositions adressées depuis mars 195039 ».
Boléro-Paprika : une initiative des préfets ?
17Comme nous l’avons souligné, les préfets sont particulièrement actifs dans la prise en compte de ce qui est qualifié de « problème espagnol » par les hautes instances et, dans sa correspondance avec le cabinet du ministre de l’Intérieur, Émile Pelletier insiste sur son rôle précurseur dans cette opération :
« Dès 1948, j’avais provoqué dans mon cabinet une conférence à laquelle assistaient les préfets de toute la région du Sud-Ouest […]. Depuis cette date et notamment depuis que j’ai été désigné comme Inspecteur général de la Région, il ne s’est pas tenu une conférence régionale où le règlement de ce problème n’ait été en permanence évoqué40. »
18De même, dès 1948, Louis Maurice Picard, alors préfet du Lot-et-Garonne, envoie de multiples rapports au ministre de l’Intérieur de l’époque, Jules Moch (qui est à partir de juillet 1950 ministre de la Défense nationale), alimentant la théorie de la « cinquième colonne » joué par le PCE :
« J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur la présence dans mon département de nombreux guérilleros espagnols qui d’après les renseignements que j’ai pu obtenir sont considérés par le PC comme des troupes de choc spécialement destinées à se trouver à la pointe du combat en cas de troubles41. »
19Il précise qu’il lui a déjà signalé ce problème en 1948 et souligne « la nécessité qu’il y [a] à éloigner ces étrangers du territoire français » car, selon lui, « les possibilités d’action du PC seraient réduites de neuf dixièmes42 ». Il est intéressant de noter que l’origine de cette opération émane des instances administratives départementales et remonte vers le ministère de l’Intérieur. Le terrain est préparé par les préfets : ils envoient les rapports de surveillance des différents mouvements républicains espagnols, préparent les listes des étrangers à appréhender et mesurent l’impact d’une possible opération de police à l’encontre de ces milieux dans « l’opinion publique43 ».
La surveillance des milieux communistes
20La surveillance des milieux communistes espagnols est effectuée par deux organismes : les renseignements généraux (RG)44 et la DST45.
21Deux faits divers sont « montés en épingle » et mènent la DST sur les traces des communistes espagnols. Il s’agit de « la caisse sanglante de Gironis » et de la découverte d’un dépôt d’armes à Barbazan.
« Barbazan » et « Gironis » : deux événements déclencheurs
22Le 17 février 1950, un dépôt d’armes, soupçonné d’appartenir à la 410e brigade de guérilleros (brigade dont les responsables sont membres du PCE46 et qui ont également été à l’origine de l’invasion du Val d’Aran en octobre 1944), est découvert en Haute-Garonne à Barbazan47. Cette découverte intervient après celles d’autres caches d’armes, de moindre importance, elles aussi relatées dans la presse48. Second élément : le 10 avril 1950, un promeneur découvre une caisse dans le lac de Gironis, situé dans la banlieue de Toulouse. Elle contient le corps de Redempcion M., réfugiée espagnole, employée dans une épicerie à Toulouse. L’enquête diligentée par la sûreté toulousaine identifie les assassins présumés comme étant deux Espagnols, militants communistes, qui participaient également à l’exploitation de l’épicerie. Le mari de Redempcion M., Miguel M., agent de liaison du PCE, avait disparu au cours d’une mission en Espagne, ce qui aurait été à l’origine d’une dispute, qui se serait elle-même soldée par l’assassinat de Redempcion M. par crainte d’une dénonciation.
23Ces deux faits divers, mis en relation par la presse et incriminant les milieux communistes espagnols, ravivent les fantasmes d’activités souterraines du PCE et les délires d’un espionnage au service de l’Union Soviétique. Ainsi un article relatif au meurtre de Redempcion M. et publié dans L’Indépendant intitulé « Le réseau d’espionnage de Toulouse communiquait par radio avec l’URSS » indique qu’
« il s’agirait d’une organisation extra-secrète de communistes espagnols ayant son siège à Toulouse, faisant de l’espionnage en Espagne et dans le midi au profit de l’URSS et dont les principaux membres étaient en relation avec Redempcion M., épicière de la rue Ricquet de Toulouse, qui étaient au courant de leur activité et dont ils craignaient les révélations49 ».
24Bien que le directeur de la DST oppose un démenti formel à ces « informations fantaisistes » et souligne qu’il n’y a « aucun lien entre le dépôt d’arme de Barbarzan, la découverte des postes émetteurs à Carbonne […] et l’affaire de Gironis50 », cette histoire a déjà semé le trouble dans l’opinion publique, prêtant à l’organisation communiste un caractère criminel et tentaculaire qu’elle est, en 1950, loin d’avoir.
Les infrastructures communistes espagnoles en France
L’amicale des anciens guérilleros
25Les opérations de surveillance des milieux communistes espagnols se multiplient tout au long de l’année 1950 et visent principalement le secteur militaire du PCE à travers l’Amicale des anciens FFI et résistants espagnols appelée dans les rapports « Amicale des anciens guérilleros51 ». Créée en 1945 et légalisée en 1947, l’amicale a pour but de prendre en charge les guérilleros démobilisés et de s’assurer de leur intégration dans la société française. Selon Phryné Pigenet, cette organisation aurait eu, dans l’immédiat après-guerre, ses entrées dans plusieurs ministères52. Pour autant, la DGSN la fiche comme étant dédiée « à mettre en place un appareil clandestin destiné à camoufler l’instrument de combat et d’ingérence que constitue sur notre territoire l’organisation des guérilleros53 ». Il est avéré que l’amicale avait des liens avec deux autres organisations dépendantes du PCE : la Société forestière française du Midi et l’hôpital Varsovie à Toulouse.
La Société forestière française du Midi
26En 1950, la Société forestière française du Midi (SFFM) créée par le général Fernandez et le colonel José Valledor54 (deux anciens guérilleros), à l’instigation du PCE, emploie 252 ouvriers « dont cinq seulement sont français » – ce qui ne manque pas d’attiser la suspicion des autorités françaises – et « n’a cessé de s’étendre et de prospérer pour devenir aujourd’hui le premier producteur de France en traverses de chemin de fer et à ce titre le premier fournisseur de la SNCF55… » La réussite économique de cette entreprise dépendante du PCE ne peut que conforter, aux yeux des autorités, l’image d’un mouvement communiste espagnol puissant, voire riche, en particulier dans le Midi.
27La méfiance à l’égard de la SFFM est renforcée par la découverte du dépôt d’armes à Barbazan, situé à une vingtaine de kilomètres de la frontière espagnole et à proximité d’un chantier de la SFFM, ce qui permet au préfet de Haute-Garonne de conclure que
« la découverte des dépôts d’armes à Barbazan permit d’établir que la Société française du Midi, ex-Société forestière Fernandez-Valledor, était une couverture d’organisation politique et paramilitaire. Cette société employait sur ses chantiers un grand nombre de guérilleros membres du PCE56 ».
28Pourtant, s’il est clair que ces groupements menaient une lutte active contre l’Espagne franquiste, on ne cerne pas réellement le risque encouru par la France. De nombreux rapports émanant de la DST tendent à conforter la thèse de guérilleros formant une armée en marche, organisée et préparée, forte de son expérience passée dans la résistance au franquisme puis à l’Occupation et prête à attaquer le gouvernement français57. Pour ces raisons, la SFFM fait l’objet d’une surveillance rapprochée : le 6 février 1950, le préfet de Haute-Garonne fait l’amalgame entre la SFFM et les guérilleros (eux-mêmes perçus comme des troupes de choc au service du PCF) et estime qu’à travers cette entreprise
« le PCE dispose dans le sud-ouest de la France implantée le long de la chaîne des Pyrénées d’une réserve de cadres d’éventuelles troupes de choc, éléments d’élite sur lesquels pourrait compter à l’occasion le PCF et qu’il aurait toutes facilités de diriger promptement sur un ou plusieurs points déterminés, grâce aux moyens de transports dont dispose la société58 ».
29Il accuse la SFFM « d’activités militaires ou paramilitaires59 » et demande à la DST de mener l’enquête.
L’Hôpital Varsovie
30La SFFM n’est pas la seule organisation proche du PCE à être dans la ligne de mire du préfet de Haute-Garonne. Ce dernier demande à la DST d’enquêter également sur le fonctionnement de l’hôpital Varsovie60. Réquisitionné par l’état-major de l’« Agrupación de guerilleros españoles FFI » de Toulouse en septembre 1944 et fonctionnant au bénéfice de l’Amicale des guérilleros, il accueille les unités de guérilleros ayant combattu lors de la Libération et reçoit, entre autres, les soldats républicains espagnols blessés en octobre 1944 durant l’opération « Reconquista de Espana » au Val d’Aran61 ainsi que les combattants rentrés clandestinement d’Espagne. Les patients, tout comme les médecins, sont exclusivement espagnols. Il ressort des rapports que l’hôpital Varsovie est également considéré comme étant dangereux pour la sécurité de l’État français :
« dirigé et administré par des personnalités dont les liens avec le PCF et le PCE, voire avec le Kominform sont flagrants […]. Il [l’hôpital Varsovie] représente un danger pour la sécurité en raison de sa réputation de couverture du Kominform. […] Fait plus grave, les bénéfices qui parait-il sont substantiels servent à alimenter directement la caisse du PCE62 ».
31L’inquiétude du ministère de l’Intérieur semble porter principalement sur la manne financière que représente l’hôpital Varsovie (tout comme la SFFM) pour le PCE ainsi que sur ses liens avec le Kominform, bien qu’aucune preuve ne vienne étayer l’existence d’une quelconque relation entre eux.
La situation du Parti communiste espagnol sur le territoire français
32Tous ces rapports tendent à donner l’image d’un PCE puissant financièrement et militairement. Pourtant, le PCE est à l’époque confronté à un handicap de taille : à la différence d’autres partis républicains espagnols, il n’a jamais eu d’existence légale en France63. Les communistes espagnols, réfugiés en France après la défaite des armées républicaines, ont été, sous l’Occupation en premier lieu, regroupés au sein de l’Union nationale espagnole (UNE)64, puis des maquis de guérilleros ont été constitués principalement dans les Pyrénées, le Limousin et la Savoie. Alors qu’entre juillet 1945 et janvier 1948, les responsables du PCE reconnaissaient l’implantation du parti en France, en janvier 1948, ils déclarèrent que le parti n’existait qu’en Espagne. En 1950, les seules cartes détenues par les adhérents sont celles de l’Association des amis du Mundo Obrero – fait connu par les agents de la DST qui, dans un de leurs rapports, consignent : « La carte d’adhérent au PCE est un feuillet jaune sur lequel est inscrit “Amigos de Mundo Obrero”. Au dos, la signature du trésorier fait preuve du paiement des cotisations65. » L’organisation d’un meeting par l’Amicale de Toulouse le 16 avril 1950 pour fêter le 30e anniversaire de la fondation du PCE, en présence d’Antonio Mije (memvre du Bureau politique et du Comité central), constitue selon eux la preuve de son rôle de couverture du PCE.
33L’Amicale des anciens guérilleros, l’entreprise Fernandez-Valledor, l’hôpital Varsovie, l’Association des amis de Mundo Obrero : toutes ces organisations sont visées par le coup de filet de 1950, qui est le fruit du quadrillage effectué par la DGSN pour frapper de manière la plus efficace possible la totalité des individus situés en haut de l’organigramme communiste espagnol. La plupart des noms rattachés à ces organisations se retrouvent sur les listes des individus à appréhender lors de l’opération Boléro-Paprika. Suite à cette opération, l’Amicale des anciens guérilleros et l’Association des amis de Mundo Obrero sont frappées d’interdiction, l’hôpital Varsovie est dissous et l’entreprise Fernandez-Valledor plonge dans un marasme financier. Il apparaît par ailleurs que la structure interne du PCE, pourtant demeuré clandestin, n’a plus aucun secret pour le ministère de l’Intérieur comme le démontre une liste des dirigeants du PCE dans un document intitulé « Parti communiste espagnol en France66 ». Certes, cette liste comprend quelques erreurs et approximations, comme le fait de classer Angel A. dans les cercles dirigeants alors qu’il a été évincé du bureau politique pour « fautes idéologiques graves67 » en 1949, le PCE étant en pleine phase d’épuration entre 1946 et 195068. Néanmoins, il transparaît que le ministère de l’Intérieur dispose d’informations à jour et complètes sur les cadres du PCE. On comprend dès lors le succès rencontré par l’opération malgré les dispositions prises par le PCE dès 1949, averti alors par le PCF de l’opération en cours.
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34L’opération Boléro-Paprika a donc fait l’objet d’une préparation intense principalement portée par les préfets du Sud-Ouest. Toutes les organisations « liées » au PCE, telle que l’hôpital Varsovie, la SFFM ou l’amicale des anciens guérilleros furent étroitement surveillées par l’appareil de sécurité de l’Etat français. La construction des listes des personnes à appréhender fut par ailleurs dépendante de cette action de surveillance. Néanmoins, leur pertinence mérite d’être interrogée. Le déroulement de cette opération ainsi que ses conséquences et les réactions qu’elles provoquèrent feront l’objet du chapitre suivant.
Notes de bas de page
1 La Retirada, du mot « retraite » en espagnol, fait référence à l’exode des réfugiés espagnols de la guerre civile suite à la chute de la Seconde République espagnole et à la victoire du général Franco en février 1939.
2 Milza P., Peschanski D., « Préface », in Milza P., Peschanski D. (dir.), Exils et migration. Italiens et Espagnols en France (1938-1946), op. cit.
3 Rubio J., « La population espagnole en France : flux et permanences », in Milza P., Peschanski D. (dir.), Exils et migration. Italiens et Espagnols en France (1938-1946), op. cit.
4 Noiriel G., Immigration, antisémitisme et racisme en France. Discours publics, humiliations privées, Paris, Fayard, 2007, p. 486.
5 Les Espagnols sont les premiers à entrer dans Paris. La 2e DB du général Leclerc entre dans la ville le 24 août 1944 avec la 9e compagnie, « La Nueve », commandée par le capitaine Dronne et composée presque exclusivement d’Espagnols. La langue officielle de commandement y était d’ailleurs le castillan.
6 Noiriel G., Immigration, antisémitisme et racisme en France. Discours publics, humiliations privées, op. cit., p. 487.
7 Dulphy A., « La politique espagnole de la France », in Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 68, octobre-décembre, 2000.
8 Mis en place en 1938, dédié à l’assistance des personnes déplacées.
9 Voir les travaux de Marrus M., Les exclus. Les réfugiés européens au xxe siècle, Paris, Calman-Levy Histoire, 1986, p. 343-351, et de Nuscheler F., International Migration. Flucht und Asyl, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenchaft, 2004, p. 202-203.
10 Brochure de l’OIR, « Le problème des réfugiés », Genève, 1948, Archives nationales (AN) F7 16061.
11 Ibid.
12 Assemblée nationale, session de 1947, Rapport fait au nom de la Commission des Affaires étrangères sur le projet de loi tendant à autoriser le président de la République à ratifier la constitution de l’OIR signée par la France le 17 décembre 1946. Par M. Alfred Coste-Floret, Député. AN F7 16061.
13 Aussi souligné par Pigenet P., « La protection des étrangers à l’épreuve de la “guerre froide” », in Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 46-2, avril-juin, 1999, p. 296-310.
14 Information du 29 avril 1950, Statistique concernant les réfugiés d’origine étrangère relevant de l’OIR en France. AN F7 16061.
15 Il est difficile de trouver des chiffres portant exclusivement sur les réfugiés politiques espagnols. Les réfugiés espagnols ne sont pas séparés de l’ensemble des Espagnols résidents sur le territoire français dans les travaux de l’Insee et les sources statistiques ou études d’intégration. Les chiffres portant sur les réfugiés politiques livrés dans cette étude sont des données approximatives citées par Geneviève Dreyfus-Armand et Javier Rubio.
16 Chiffres cités par Dreyfus-Armand G., « Présence espagnole en France : la forte empreinte des républicains », in Migrance, un siècle d’immigration espagnole en France, numéro hors-série, 3e trimestre, 2007, p. 26.
17 Ibid., p. 27.
18 Principalement du PSOE, Parti socialiste ouvrier espagnol.
19 Principalement de la CNT, Confédération nationale du travail.
20 Du PSUC (Parti socialiste unifié de Catalogne) et du PCE. Le PSUC résulte de la fusion du Parti catalan prolétarien (PCP), de l’Union socialiste de catalogne (USC), de la Fédération catalane du Parti socialiste unifié d’Espagne et du Parti communiste espagnol, qui eut lieu le 25 juillet 1936. Dès lors, le PCE n’est plus présent en tant que tel en Catalogne, mais contrôle étroitement le nouveau parti « unitaire », membre de l’Internationale communiste (IC). Les communistes visés par l’opération Boléro-Paprika étaient aussi bien membres du PCE que du PSUC, qui peut dès lors être perçu comme la fédération catalane du PCE.
21 Voir Clochard O., Legoux L., Schor R., « L’asile politique en Europe depuis l’entre-deux-guerres », in Revue européenne des migrations internationales, vol. 20, no 2, 2004, p. 7. Pour plus d’informations sur les différentes composantes de l’exil républicain, voir Bernecker W.L., Spanien-Handbuch. Geschichte und Gegenwart, Stuttgart, UTB für Wissenschaft, 2006.
22 Archives départementales de Haute-Garonne (ADHG) 127 W 8.
23 Rapport sur la colonie espagnole dans les Basses-Pyrénées de la part du préfet au Directeur général de la sécurité nationale (11 février 1948). Le préfet des Basses-Pyrénées, Gabriel Delaunay, enverra par ailleurs de multiples rapports à la Direction de la sûreté du territoire en s’attaquant principalement aux communistes espagnols. AN F7 16075.
24 Mencherini R., Guerre froide, Grèves rouges. Parti communiste, stalinisme et luttes sociales en France – Les grèves « insurrectionnelles de 1947-1948, Paris, Éditions Syllepse, 1998, p. 101-108.
25 Pigenet P., « « Papiers ! » – Les forces de l’ordre et les réfugiés espagnols (1939-1945) », in Blanc-Chaléard M.-C., Douki C., Dyonet N., Milliot V. (dir.), Police et migrants – France (1667- 1939), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001.
26 Note du préfet des Basses-Pyrénées à la DST – Catégorisation des réfugiés politiques (29-12-1949). AN, F7 16075.
27 Ibid.
28 Télégramme chiffré envoyé au directeur général de la Sûreté nationale et au préfet de Corse concernant l’envoi d’expulsés espagnols en Corse (17-11-1948). AN F7 16075.
29 Ministère de l’Intérieur. Note pour le Directeur général de la sûreté du 18-11-1948 – Installation d’un camp d’internement en Corse destiné à recevoir les réfugiés politiques expulsés en raison de leur attitude au cours des événements récents. AN F7 16075.
30 À ce sujet, se référer à l’ouvrage de Hermet G., Les communistes en Espagne, étude d’un mouvement politique clandestin, Paris, Fondation nationale des sciences politiques, Armand Collin, 1971 et de Gomez Bravo G., El exilio interior. Carcel y represion en la Espana franquista (1939-1950), Madrid, Taurus Historia, 2009. Suite à la victoire de Franco, une terrible répression s’installe et le gouvernement franquiste légalise la peur. Les lois répressives et rétroactives se succèdent. La loi du 1er mars 1940 fait des anarchistes, des socialistes, des communistes et des francs-maçons des délinquants. La loi de sécurité de l’État du 29 mars 1941 a pour objet la destruction par la répression de toute résistance. On estime à 400000 le nombre de personnes emprisonnées par les franquistes entre le 18 juillet 1936 et 1945 et à 220000 le nombre de républicains morts et exécutés en prison pour cette même période. Les arrestations et exécutions se poursuivent jusqu’à la mort de Franco.
31 Note du préfet de Haute-Loire à la DGSN – Afflux de clandestins espagnols en Haute-Loire, recrudescence de l’activité politique de la colonie espagnole en résultant – difficultés de mise en œuvre des sanctions administratives (23-12-1949). AN F7 16075.
32 Émile Pelletier, né le 11 février 1898 à Saint-Brieuc, embrasse la carrière préfectorale dès 1920. De septembre 1940 à décembre 1942, il est préfet de la Somme. Écarté par Laval puis mis en disponibilité officielle en avril 1943, il devient membre de l’Organisation civile et militaire, l’un des grands mouvements de la Résistance intérieure française. En 1945, il est nommé préfet de la Seine-et-Marne et, en 1947, préfet de la Haute-Garonne. En 1948, il est également nommé Inspecteur général de l’administration en mission extraordinaire – fonction qu’il exerce jusqu’en 1955. Il représente par ailleurs la France à la conférence Internationale sur les Pyrénées (1949- 1950). Durant toute la durée de son exercice, il est un ardent partisan du contrôle de l’action des réfugiés républicains dans les zones frontalières. En 1955, il est nommé préfet de la Seine, puis ministre de l’Intérieur dans le gouvernement du général de Gaulle de 1958 à 1959.
33 Note sur la conférence du 4 janvier 1950 sur le problème de l’émigration espagnole. AN F7 16075.
34 Cette institution est née des grèves insurrectionnelles de 1947 lorsque les pleins pouvoirs furent donnés au Préfet Massenet sur les autorités civiles et militaires de la neuvième région militaire afin de rétablir l’ordre dans le sud du pays. Projet de loi initié par Jules Moch, il fut adopté le 21 mars 1948 par le Parlement en dépit de l’opposition des parlementaires communistes et avait pour objectif d’assurer la liaison entre l’organisation militaire et l’administration civile dans une zone déterminée pour assurer le maintien de l’ordre suite aux mobilisations sociales de 1947. Pour plus d’informations, voir l’article de Rouban L., « Les préfets entre 1947 et 1958 ou les limites de la république administrative », in Revue française d’administration publique, vol. 4, no 108, 2003, p. 551-564.
35 Note pour Monsieur l’Inspecteur général du 1er septembre 1950 : règlement du problème des suspects espagnols. ADHG 5681 W 5.
36 État des propositions, mars 1950. ADHG 5681 W 5.
37 Leur dangerosité n’est à aucun moment défini dans ces rapports.
38 État des propositions, mai 1950. ADHG 5681 W 5.
39 Note pour Monsieur l’Inspecteur général du 1er septembre 1950 : règlement du problème des suspects espagnols. ADHG 5681 W 5.
40 Le préfet de Haute-Garonne, Inspecteur général de l’administration en mission extraordinaire à Monsieur le ministre de l’Intérieur – Cabinet et la DGSN – Cabinet – Règlement du problème des suspects espagnols (08.09.1950). ADHG 5681 W 5.
41 Note du préfet de l’Aude au Vice-Président du Conseil, ministre de l’Intérieur (06-03-1950). AN F7 16075.
42 Ibid.
43 Pour un éclairage pertinent sur la fabrique de l’opinion publique, voir Gaïti B., « L’opinion publique dans l’histoire politique : impasse et bifurcations », in Le mouvement social, no 221, 4e trimestre, 2007, p. 95-104.
44 Les renseignements généraux étaient un service de renseignement français dépendant de la Direction générale de la police nationale (DGPN) qui avait pour mission la surveillance de « la vie politique, économique et sociale » du pays, définition assez vague. Son principal objectif était de renseigner le gouvernement sur tout mouvement pouvant porter atteinte à l’État.
45 La Direction de la surveillance du territoire était un service de renseignements du ministère de l’Intérieur au sein de la DGPN, chargé historiquement du contre-espionnage en France. Il lui revient d’identifier par recoupement les résidents étrangers suspectés de se livrer à des activités d’espionnage.
46 Rapport sur le PCE en France. Archivo histórico del PCE (AHPCE), Caja 97/2.
47 Qui comprendrait, selon Dreyfus-Armand mais aussi José Cubero, sept tonnes d’armes et de munitions provenant du bataillon de guérilleros stationné dans les environs pendant la guerre.
48 Cubéro J., Les républicains espagnols, op. cit., p. 315.
49 L’Indépendant, 7 septembre 1950.
50 L’Indépendant, 7 septembre 1950.
51 Elle sera aussi dissoute en septembre 1950.
52 Elle se base pour cela sur les propos de Luis Fernandez, qu’elle a recueillis en 1995 mais ne s’appuie sur aucune autre source. Pigenet P., « La protection des étrangers à l’épreuve de la “guerre froide” : l’opération Boléro-Paprika », op. cit., p. 302-303.
53 Rapport sur le PCE en France. AHPCE, Caja 97/2.
54 Aussi appelée « Entreprise Fernandez-Valledor ».
55 Informations sur la Société forestière du Midi du 9-02-1950. AN F7 16114.
56 Le préfet de Haute-Garonne à Monsieur le ministre de l’Intérieur – conséquences opération Boléro-Paprika sur SFFM et anciens guérilleros. Notes du 19-08-50. ADHG 5681 W 5.
57 Prenons pour exemple un rapport de la DST, non-signé, daté du 4.3.1950, qui attribue « au nommé Luciello », secrétaire général de l’association des anciens FTPF à Carcassonne, les propos suivants : « Il n’est plus douteux que le gouvernement nous a déclaré la guerre. […] Ils [les guérilleros de la Haute-Vallée de l’Aude] savent qu’ils sont destinés à être des troupes de choc, aussi, malgré les affaires qui viennent de se passer en Haute-Garonne, leur moral n’est nullement ébranlé ; […] d’ailleurs leurs armes sont en excellent état et parfaitement entretenues ; il ne leur reste qu’à y mettre les balles pour les faire fonctionner », in Opération Boléro Paprika (1950, 9 septembre), préparation, bilan : états nominatifs, correspondance, rapports (1950). ADHG 5681 W 5.
58 Informations sur la société forestière du Midi (09-02-1950). AN F7 16114.
59 Note pour la DST. AN F7 16075.
60 Note pour la DST. Demande de renseignements concernant l’hôpital Varsovie à Toulouse. AN F7 16075.
61 « Reconquête de l’Espagne. » Opération à l’initiative du PCE, qui avait pour objectif de renverser Franco militairement afin de rétablir la République Espagnole. À la Libération, près de 3000 maquisards espagnols, à l’appel de l’UNE et sous l’égide de l’AGE, se lancent dans une guerre de libération de l’Espagne et pénètrent au Val-d’Aran le 19 octobre 1944 sous le commandement du Colonel Vicente Lopez Tovar. À la suite d’une contre-attaque massive de l’armée franquiste (80000 hommes appuyés par l’artillerie et l’aviation), l’ordre de repli est donné 11 jours plus tard. Le bilan est lourd du côté républicain : 129 morts, 214 blessés et 218 prisonniers – dont une partie fut condamnée à mort – contre 32 morts du côté franquistes. Pour de plus amples détails, voir Dufour J.-L., Trempé R., « La France, base-arrière d’une reconquête républicaine de l’Espagne : l’affaire du Val d’Aran », in Les Français et la guerre d’Espagne, Perpignan, CREPF, 2004 et Cubero J., Les Républicains espagnols, op. cit., p. 243-272.
62 Préfet de la Haute-Garonne à Monsieur le vice-président du Conseil, ministre de l’Intérieur et Direction générale de la sûreté nationale : hôpital Varsovie à Toulouse (07-02-1950). AN F7 16114.
63 Il est interdit le 6 septembre 1939, une vingtaine de jours avant l’interdiction du PCF qui aura lieu le 26 septembre 1939.
64 L’UNE fut créée après l’attaque allemande contre l’URSS en juin 1941 à l’initiative du PCE qui décida de l’entrée en résistance de ses militants, du retour en Espagne des meilleurs cadres du PCE, de la création d’une école de formation politico-militaire destinée à fournir des militants à l’Espagne et de la fondation d’une école régionale de cadres. Elle était ouverte à tous les Espagnols qui s’opposaient à une alliance entre l’Allemagne et l’Espagne et elle réclamait le rétablissement des libertés ainsi que des élections libres en Espagne.
65 Note de renseignement sur Mundo Obrero remis au préfet le 24 avril 1950. ADHG 5681 W 5.
66 Parti communiste espagnol en France. Document non daté. AN F7 16075. Cette liste pointe les membres dirigeants du PCE, leur fonction ainsi que leur localisation : « Secrétaire générale : Dolorès Ibárruri ; Vicente Uribe : ascesseur politique ou conseiller technique. C’est lui qui fixe l’attitude du parti à l’égard des autres partis politiques espagnols ; Antonio Mije : responsable et organisateur en chef de l’agitation et de la propagande en France ; Santiago Carrillo : organisateur de la résistance en Espagne, du ravitaillement en armes, en numéraires et documents de propagande qu’il a la responsabilité de faire parvenir aux guérilleros du PCE qui luttent en Espagne ; Francisco Anton : ministre des Finances du PCE. Main haute sur tous les fonds du parti ; Fernando Claudin : remplissait les fonctions actuelles de Santiago Carrillo. Se trouvent depuis un an à Moscou ; Enrique Lister : chef du service d’investigation militaire ; Juan Modesto : chef de la section militaire du PCE, plus particulièrement en ce qui concerne l’agitation en Espagne ; Louis Fernandez : chef responsable de l’organisation clandestine des guerilleros espagnols en France ; Irene Falcon : collaboratrice particulière de Dolores, actuellement à Moscou ; Miguel Arconada : ancien ambassadeur du gouvernement républicain espagnol en Tchécoslovaquie. Chef du corps diplomatique du (futur) parti ; Angel A. : chargé de l’instruction politique et de la préparation des cadres en France et de ceux qui sont dirigés sur l’Espagne. Créateur et organisateur des écoles de cadres du parti en France ; Joseph Moi : secrétaire général de l’agitation et propagande du PSUC en France ; Leandro C. : chargé de l’agitation et de la propagande du PC d’Euskadi en France ; Raphael Vidiella : chargé de l’activité syndicale de l’UGT de Catalogne. » Seuls Leandro C., Angel A.et Irene Falcon seront expulsés vers la RDA. Irene Falcon sera rapidement redirigée vers Moscou, Angel A. et Leandro C. seront intégrés au collectif de Dresde.
67 Suite à la rédaction d’un de ses articles parus dans « Nuestra Bandera » – périodique dont il était lui-même responsable –, le PCE le sanctionne pour fautes idéologiques graves. Il est exclu du comité central du PCE et est mis à l’écart du parti. Stiftung Archiv der Parteien und Massenorganisationen in der DDR – Bundesarchiv (SAPMO-BArch) DY 30/IV 2/20/272.
68 Plus de 2000 militants seront exclus du PCE entre 1946 et 1950, chiffre cité par : Joan Estruch Tobella, « El PCE en la clandestinidad », Madrid, Siglo XXI de España, 1982, p. 70.
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