Annexe. Les organismes acteurs, caractéristiques et complémentarité
p. 187-192
Texte intégral
1Cette annexe a été établie à partir des informations recueillies, lors d’une table ronde, par Catherine Dhérent, conservateur général du patrimoine, chef de projet Livre et Lecture à Lille Métropole, table ronde où étaient représentées les institutions suivantes : Service interministériel des archives de France (Emmanuel Pénicaut), Archives nationales (Isabelle Aristide-Hastir), Archives départementales (Olivier de Solan, Archives départementales de la Somme), Archives du ministère des Affaires étrangères (Pascal Even), Archives du ministère de la Défense (Agnès Chablat-Beylot), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (Valérie Tesnière), Historial de la Grande Guerre à Péronne (Marie-Pascale Prévost-Bault), Association pour l’autobiographie (Claudine Krishnan, représentant aussi Marlene Kayen du Deutsche Tagebucharchiv à Emmendigen, Allemagne).
2Cette recension, bien qu’elle soit incomplète, fait apparaître la diversité des organismes qui ont dans leurs missions principales, ou comme centre d’intérêt temporaire, la commémoration de la Grande Guerre et donc la collecte et le traitement d’écrits personnels en ce temps de conflit.
Services d’archives publiques
3L’ensemble du réseau des archives publiques en France est administré par le ministère de la Culture (Service interministériel des archives de France), à l’exception des archives des ministères des Affaires étrangères et de la Défense.
4Les archives privées sont une catégorie particulière d’archives, dont le recueil est encouragé. Pour garantir leur préservation, la législation française permet le classement de certains fonds comme « archives historiques ».
Archives nationales (59 rue Guynemer, 93383 Pierrefitte-sur-Seine)
5Temple de la conservation de la mémoire nationale, les Archives nationales sont un service à compétence nationale dont la mission est d’assurer la conservation et la valorisation des archives publiques, ainsi que des archives privées à caractère national. La collecte et la conservation des archives privées existent, officiellement, depuis la création en 1853 de la sous-série AB/XIX réservée aux entrées par voie extraordinaire et, administrativement, depuis 1949, avec la création de la section des Archives privées (aujourd’hui : département des Archives privées) et la création des sous-séries AP, AQ, AR, AS (archives privées, archives économiques, archives de presse, archives d’associations). Toutes les périodes sont concernées, du Moyen Âge à nos jours.
6Hormis les archives contenues dans des fonds de personnes ou de familles, les archives relatives à Première Guerre mondiale, qui n’avait pas, jusqu’à présent, fait l’objet de collecte spécifique, étaient naguère peu représentées. Grâce à la « Grande Collecte » une masse très importante de documents a été recueillie – définitivement en vue de leur conservation ou provisoirement pour permettre leur numérisation –, auprès d’un public nombreux.
Archives départementales (au chef-lieu de chaque département)
7Depuis la Révolution, il existe un service d’archives dans chaque département. Ces services constituent un maillage important pour la collecte des archives publiques, mais aussi privées, depuis l’époque des confiscations révolutionnaires jusqu’aux dons et dépôts actuels. Ces archives, dont les volumes sont faibles et dont le sauvetage répond généralement à des situations d’urgence, sont un riche complément des archives publiques.
8La Grande Guerre est pour les Archives départementales un objet de recherche particulier, sans être prépondérant en dehors du Centenaire, d’autant qu’il existe des acteurs majeurs dans ce domaine comme, par exemple, dans la Somme, l’Historial de Péronne. Toutefois, dans ce département, près de 30000 images concernant la guerre de 1914-1918 ont été collectées entre 2012 et 2013.
Ministère des Affaires étrangères (3, rue Suzanne Masson, 93126 La Courneuve Cedex)
9Le ministère des Affaires étrangères assure la conservation et la gestion de ses archives de manière autonome par rapport aux Archives de France. Il dispose d’un service chargé de conserver les archives de la diplomatie française, situé sur deux sites, à La Courneuve (archives de l’administration centrale) et à Nantes (papiers des ambassades et des consulats qui ont été rapatriés), soit environ 100 km de documents auxquels s’ajoutent les 40 km restés sur place. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’on s’est préoccupé de dissocier les archives privées de la correspondance politique ou consulaire, mélangées jusqu’alors dans des volumes reliés. Les diplomates dont la première vocation est d’observer, d’écrire et de rapporter des informations, ont beaucoup écrit. En outre, nombreux sont ceux qui pensent se servir de leurs notes pour écrire leurs mémoires, d’où l’importance de la documentation et la richesse des archives privées. 500 fonds divers ont ainsi été constitués dans les cinquante dernières années. Il n’y a cependant pas de département ou de section particulière : les archives privées sont rattachées au département du public. Pour les fonds anciens, la frontière n’est pas toujours stricte entre archives publiques et archives privées.
10En ce qui concerne la Première Guerre mondiale, un travail est en cours pour identifier dans les fonds non classés les documents qui ont trait au conflit, notamment les journaux, correspondances des diplomates, parfois familiales, mémoires. Un guide recensera les archives privées et publiques qui ne sont pas encore accessibles aujourd’hui.
Ministère de la Défense (Château de Vincennes, 94300 Vincennes)
11Comme celui des Affaires étrangères, le ministère de la Défense est autonome pour la conservation et la gestion de ses archives. Il dispose d’un service centralisé pour les archives définitives, que vient compléter un réseau décentralisé pour les archives intermédiaires. Le Service historique de la Défense (SHD) a été créé en 2005, par mutualisation des services historiques des forces armées et du centre d’archives de l’armement. C’est donc un service relativement récent, mais qui s’appuie sur une tradition séculaire de conservation des archives à des fins de recherche historique au profit du ministère. Aux archives sur support traditionnel, s’ajoutent une très importante bibliothèque d’histoire militaire (de près d’un million d’ouvrages) et une collection de drapeaux, fanions et insignes d’unités. Le SHD collecte, conserve et communique les archives définitives du ministère de la Défense : sa mission première porte donc sur les archives publiques. Toutefois, selon ses textes de création et d’organisation, le SHD a aussi pour mission de « collecter, conserver, inventorier et communiquer les documents d’archives qui sont attribués ou remis au ministère de la Défense, à titre onéreux ou gratuit, ainsi que les témoignages oraux ». On y trouve ainsi plus de 4500 fonds privés de toutes tailles. La collecte s’effectue auprès de militaires, de leurs familles et aussi de collectionneurs. Au sein du Service, les archives privées sont collectées et traitées par le département des Entrées par voie extraordinaire.
12Les fonds d’archives publiques conservés par le SHD couvrent un champ chronologique qui va du 2e tiers du xviie siècle au début du xxie siècle et au sein duquel les périodes de conflits sont évidemment particulièrement bien documentées. Mais la Grande Guerre est sans doute le conflit qui a laissé le plus d’archives : conscientes de vivre un événement crucial de l’histoire, les autorités civiles et militaires ont attaché un soin particulier à la collecte et à la conservation des documents s’y rapportant. Les services historiques de l’armée de Terre et de la Marine, créés sous ce nom en 1919, sont eux-mêmes directement issus de la Première Guerre mondiale, avec pour mission première de tirer les enseignements du conflit pour mieux préparer l’avenir, en s’appuyant sur ce matériau : le monumental ouvrage collectif, Les armées françaises dans la Grande Guerre, publié pendant l’Entre-deux-guerres, est le résultat le plus significatif du travail engagé alors.
13Par la masse qu’elles représentent comme par le rôle qu’elles ont joué dans l’histoire des services historiques, les archives de la Grande Guerre occupent donc une place essentielle dans les fonds conservés par le SHD. Aussi abondantes soient-elles, les archives publiques n’en ont pas moins été rapidement complétées par des « entrées par voie extraordinaire », terme archivistique le plus approprié pour désigner des ensembles mêlant archives publiques et papiers privés dans des proportions variables. Pendant et après le conflit, les premières dominaient dans les saisies opérées par les autorités militaires au domicile de certains officiers qui se les étaient appropriées, au détriment de la confidentialité requise par la conduite des opérations militaires. Après la Seconde Guerre mondiale, une grande vague de dons et de dépôts est venue enrichir le Service historique de l’armée de Terre, provenant des officiers supérieurs ou généraux en fonction durant le conflit ou de leurs descendants : fonds Foch, Weygand, Serrigny ou Franchet d’Espèrey… Avec le renouveau de l’historiographie de la Première Guerre mondiale, dans le dernier quart du xxe siècle, sont arrivés – et arrivent encore au SHD – des dizaines de mémoires et témoignages individuels, ainsi que de nombreux fonds d’une grande variété d’acteurs du conflit, de tous grades. Un département du SHD, le département des Entrées par voie extraordinaire, gère ces archives, écrites, iconographiques ou orales, quelle que soit leur date. À l’occasion des commémorations du Centenaire, le SHD a réalisé un Guide des sources relatives à la Grande Guerre et un accent particulier a été mis sur les fonds d’origine privée dans toute leur variété, avec notamment le recensement des quelque 550 mémoires, témoignages et correspondances de cette période, collectés par les services historiques au fil des décennies. Dans ce guide, publié en 2014, figure également l’état complet des quelque 170 témoignages oraux, de tailles variées, relatifs à l’aéronautique militaire de la Grande Guerre, recueillis par l’ex-Service historique de l’armée de l’Air depuis les années 1970.
Autres organismes publics et privés
Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (6 allée de l’université, 92000 Nanterre)
14Tout à la fois institution publique de recherche, bibliothèque, musée et centre d’archives, la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) est rattachée à l’université de Nanterre et spécialisée en histoire contemporaine.
15La Grande Guerre tient une place particulière dans les collections de la BDIC. Elle a, en effet, été fondée pendant la Première Guerre mondiale à partir de la collection privée des époux Leblanc, pour recueillir tout type de documents concernant ce conflit : images et écrits auxquels est appliqué un traitement documentaire. Le tiers de ses collections porte sur cette période, soit 4,5 millions d’unités. C’est pour l’enseignement supérieur et la recherche la plus importante collection sur cette thématique, en France. Les archives privées stricto sensu occupent environ 2000 mètres linéaires sur 35000. On y trouve aussi des fonds qui n’intéressaient pas les archivistes à l’époque du conflit comme, par exemple, les registres de la censure. La BDIC monte des opérations croisées avec des institutions privées, plus marginalement avec des institutions publiques. Un programme particulièrement intéressant est mené avec La Voix du Nord qui a exploité le fonds de l’Académie de Lille dans lequel sont conservées les rédactions des enfants de la Région Nord pendant la Guerre. Le journaliste Bruno Vouters prévoit une publication dans les éditions locales du journal. Les documents sont numérisés dans leur totalité et non par échantillon. Un renvoi est fait vers la bibliothèque numérique de la BDIC, l’Argonaute.
Historial de Péronne (Place André Audinot, 80200 Péronne)
16Cette institution publique, totalement consacrée à la Première Guerre, a ouvert en 1992. L’Historial de la Grande Guerre est un musée départemental, dépendant du Conseil départemental de la Somme. Les collections sont gérées par un conservateur ; l’association « Historial de la Grande Guerre » assure la gestion de l’établissement par une délégation de service public. Ce musée est un musée d’histoire, axé sur la présentation comparée des trois principaux belligérants du front occidental : Allemagne, Grande-Bretagne, France. Les collections, riches de 65000 items, traitent du domaine militaire et du domaine civil, selon une présentation chronologique et thématique liée à l’histoire des mentalités des sociétés en guerre (avant-guerre/guerre/après-guerre). Au-delà de la section militaria et des autres sections liées à la vie civile, le musée est riche de collections en deux dimensions illustrant la culture de guerre : beaux-arts, photographies, affiches, presse, correspondances… Les témoignages de combattants se trouvent en grand nombre sous forme de carnets intimes, de retranscriptions de journaux intimes ou lettres de soldats, d’ouvrages, d’albums photographiques. Toutes ces pièces appartiennent au musée ; toutefois quelques rares ensembles sont confiés à l’institution en dépôt, en attendant d’être, si possible, transformés en dons.
17Les journées de collecte d’archives privées de la Première Guerre mondiale, dénommées d’abord « Dons de mémoire » en novembre 2012 et juin 2013, puis rattachées à la Grande Collecte en novembre 2013, ont été organisées par les Archives départementales de la Somme, en partenariat avec l’Historial de Péronne, dans ses locaux, à l’occasion des vingt ans de cette institution, puis dans ceux des Archives départementales. Du point de vue des Archives départementales, ce partenariat a été intéressant car l’Historial a joué un rôle de conseil historique très apprécié et a récupéré les objets en trois dimensions dont le public souhaitait faire don, les Archives recevant pour leur part les documents écrits. Du point de vue de l’Historial, cette action a permis de délocaliser l’opération à Péronne et de faire venir des personnes de l’Est du département. Pour certaines familles, le fait de conserver des objets et des documents de la Grande Guerre les a amenées plus naturellement à venir au musée. Des personnes, venues de l’extérieur du département de la Somme, ont été attirées par l’Historial de la Grande Guerre du fait de sa notoriété et du fait qu’elles n’avaient pu être suffisamment bien informées sur le dispositif Europeana – Grande Collecte. C’est alors que l’histoire familiale a pu devenir nationale.
18Rappelons que l’Historial de Péronne donne priorité à la dimension intime du papier alors que le musée de la Grande Guerre, créé à Meaux en 2011, collecte plutôt des objets et des militaria. Ces deux organismes entretiennent une connaissance mutuelle.
Association pour l’Autobiographie et le patrimoine autobiographique (La Grenette, 10 rue Amédée Bonnet, 01500 Ambérieu-en-Bugey)
19De statut privé, contrairement aux grandes institutions précédemment citées, l’Association pour l’Autobiographie et le patrimoine autobiographique (APA) a été créée en 1992 par Philippe Lejeune et Chantal Charvériat-Dumoulin. Reconnue d’intérêt général, elle se consacre à la reconnaissance de l’écriture autobiographique et à la conservation de son patrimoine. Son premier objectif est donc d’accueillir et d’archiver les textes autobiographiques non publiés. Selon une convention la liant à la municipalité d’Ambérieu-en-Bugey, le fonds est installé dans la médiathèque de cette commune de l’Ain où sont conservés plus de 4000 documents. Une chargée de mission est dédiée à leur traitement ; une association de 700 bénévoles est répartie dans toute la France.
20L’APA œuvre avec plusieurs institutions publiques, privées, nationales, européennes, internationales, mais ces collaborations n’ont jamais concerné la collecte. Pour la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, l’APA a travaillé avec des organismes européens d’archives privées (Belgique, Allemagne, Italie). Cette collaboration a consisté en échanges de textes pour des publications respectives et a été marquée par l’organisation de manifestations conjointes. La Grande Guerre présente l’intérêt d’être accompagnée d’un développement sans précédent des écritures ordinaires et elle constitue un thème récurrent dans les autobiographies du xxe siècle qui sont bien sûr majoritaires dans le fonds de l’APA. Le fonds concernant cette période est particulièrement riche, quantitativement et qualitativement, en journaux, correspondances et récits. Des groupes de relecture se constituent pour travailler sur certains thèmes et publier des cahiers thématiques. Pour la Guerre de 1914, des groupes de projets bénévoles ont été constitués.
Deustche Tagebucharchiv (Marktpl. 1, 79312 Emmendingen, Allemagne)
21Située à Emmendingen en Allemagne, la Deustche Tagebucharchiv a un fonctionnement analogue à l’APA et de nombreux projets communs se sont développés depuis 2011. Cette institution a été créée en 2002 sur l’exemple de l’association italienne Archivio nazionale spécialisée dans l’accueil d’archives privées autobiographiques. Près de 15000 documents sont maintenant conservés près de Fribourg. Des bénévoles assurent le fonctionnement. Comme au sein de l’APA, des groupes de travail étudient le fonds de façon méthodique, par thème, avec des projets de publications et de manifestations. En 2011, un groupe spécifique à la Première Guerre mondiale s’est constitué. Des centaines de textes évoquent ce conflit : témoignages, journaux, écrits de témoins directs. On constate que, comme en France, cette guerre a marqué un tournant dans les écritures ordinaires, reconnues bien plus tardivement. Un groupe a relu les documents, a pris contact avec les déposants et transcrit les textes manuscrits. Le travail a été poursuivi en Italie, Allemagne, Belgique avec des manifestations communes, par exemple, à Strasbourg et Emmendingen. Des traductions ont aussi été entreprises. Il faut souligner l’intérêt de ces travaux menés en coopération.
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