Yves Denéchère et Jean-Michel Matz (sous la dir. de), Histoire de l'Université d'Angers du Moyen Âge à nos jours
PU de Rennes, 2012, 324 p., 29 euros
p. 186-188
Texte intégral
1Avec celles de Paris, Orléans, Toulouse et Montpellier, l'Université d'Angers est l'une des plus anciennes de France. « Fruit d'une entreprise collective exemplaire » (Daniel Martina, ancien président de l'Université) de douze historiens de l'Université d'Angers, cette histoire magistrale, remarquablement et abondamment illustrée de maintes photos, cartes et reproductions de manuscrits provenant, soulignons-le, pour l'essentiel, de fonds de documentation angevine (archives départementales, bibliothèque municipale) prend la mesure de dix siècles d'activités universitaires angevines : enseignement, recherche, vie étudiante. C'est une histoire complète sur la longue durée
2Pionniers de l'Université angevine du Moyen Âge, les premiers maîtres de l'École Cathédrale dispensent un enseignement qui sera la source d'un « vivier de poètes », en particulier au moment de la Renaissance angevine du xiie siècle, cependant que se spécialisent les sciences canoniques et le droit civil et que s’affirment, dans leur originalité, culture et éducation monastiques (Carole Avignon). La lente genèse de l'Université se réalise en fait tout au long d'un siècle et demi (vers 1230-vers 1398). Parvenue à maturité, au xve siècle, l'Université d'Angers connaît une période de plein essor et de reconnaissance. Elle est partie prenante des événements culturels (théâtre et mystères), religieux (processions, fêtes solennelles) ou politiques (entrées royales). Une bibliothèque est attestée à partir de 1431. Les étudiants, venus d'une quarantaine de diocèses, représentent à peu près le dixième de la population, au nombre d'un millier réparti en six nations : Anjou, Bretagne, Maine, Normandie, Aquitaine et France (Jean-Michel Matz).
3La rédaction de la seconde partie de cette histoire – la plus longue de l'existence de l'Université d'Angers, qui n'est toutefois pas celle sur laquelle on possède le plus de documents – a été confié à Michel Nassier, Didier Boisson et Jacques Maillard. Adopter une posture équilibrée entre le pape et le roi, s'insérer dans les échanges européens à la Renaissance, tenir bon dans la tourmente des guerres de religion, résister à un certain déclin, aplanir les différends entre facultés sont les difficultés majeures que doit affronter, aux xvie, xviie et xviiie siècles, une Université dont les facultés se distinguent par quelques caractères propres : prépondérance du Collège d'Anjou pour les arts, laïcisation du corps professoral pour le droit, impulsion donnée à la médecine par les Hunauld, père et fils, positions très orthodoxes de la faculté de théologie lors des crises jansénistes – qui permettent à cette dernière faculté d'être associée à la Sorbonne. Toutefois, l'Université d'Angers souffre d'une certaine atonie ou acédie : ses 4 à 500 étudiants, vers 1750, n’ont plus ni la joie ni la fureur de vivre qu'avaient leurs mille aînés du Moyen Âge, au point que, en janvier 1765, le président Roland est contraint de ramener les étudiants des six nations à une seule : la nation d’Anjou.
4À partir de la suppression de l'Université en 1793, une période de presque deux siècles s'écoule, marquée par de nombreuses espérances déçues. La grande raison de cette amertume – à vrai dire, nous semble-t-il, plus laïque qu'angevine – c'est que l'enseignement supérieur catholique va prendre le relais de la vieille Université, du jour où la liberté de l'enseignement supérieur se trouve inscrite dans la constitution de la Seconde République, en 1848. Certes, la vie intellectuelle survit encore à Angers avant le Premier Empire avec, par exemple, l'École Centrale dont trois des professeurs sont d'anciens oratoriens, comme d'autres anciens ecclésiastiques – signe des temps – le sont dans d'autres écoles ou à la bibliothèque municipale. Certes, la création des Écoles de médecine et de pharmacie – noyau dur de la future Université des années 1960 – console des déboires éprouvés en droit, lettres et sciences (Jacques-Guy Petit). Ce faisant, l'Université Catholique de l'Ouest – comme on dit couramment à Angers, au lieu de Facultés libres, seule désignation juridiquement reconnue – est le talon d'Achille de l'enseignement supérieur public durant presqu’un siècle. Créées en 1875, sous l'impulsion de Mgr Freppel qui fait ce que n'avait pas osé faire le ministre Falloux (l’évêque, qui ne l'aime pas, l'appelle « Falloux Fallax »), les Facultés catholiques de l’Ouest ouvrent d'abord avec la faculté libre de droit, puis celle des lettres, des sciences et enfin de théologie. Cette Catho-là – qui n'avait pas de concurrente publique à la différence de celles de Lille, Lyon, Paris, Toulouse – vaudra à Angers l’épithète louangeuse d’« Athènes de l’Ouest » ! Quelque « discutée » qu’en soit « la réalité », la présence des Facultés Catholiques redonne à Angers l'image d'une ville universitaire dont, en ce temps-là, seules, dans l’Ouest, Rennes et Poitiers peuvent se prévaloir. C'est dire que la recréation de l'Université d'Angers, stricto sensu, n'est pas d'emblée acquise et qu'il faudra de l'inventivité et de la persévérance à ceux qui, dans la seconde moitié du xxe siècle, jugeront « et possible et souhaitable » l'avènement d'une seconde université, qu’on appellera désormais l’Université d'État. On le voit, c'est sur un horizon d'arrière-pensées, de polémiques plus ou moins feutrées et de négociations difficiles, que le décret du 27 octobre 1971 rétablit enfin une Université à Angers (Jean-Luc Marais).
5Alors s’affirme à Angers une jeune Université pluridisciplinaire. Et cette fois encore, les choses ne vont pas de soi. Car, au moment – c'est-à-dire à partir des années soixante-dix – où le paysage universitaire français connaît des secousses qui l'affectent profondément et doit assumer des mutations qui s'apparentent plutôt à des révolutions de structures, de mentalités, d'enseignement, la jeune Université sait très vite s’imposer, trouver sa place et affirmer son identité. Franchis les premiers pas, arrêtés les premiers choix, tracées les premiers voies d'une première décennie (1970-1980), les énergies universitaires d’outre-Maine se font synergies pour fournir les preuves d'une dynamique en cours, pour, tous ensemble, canaliser et maîtriser la croissance : campus angevin en travaux, délocalisations à Cholet, contrats État-Université de France, créations d’IUP, réinstallation en centre-ville (Faculté de droit, seconde BU, présidence de l’Université) sur le nouveau campus Saint-Serge (Yves Denéchère), recherche orientée et accrue, pôles d'excellence et axes forts, multiplication des doctorats, des échanges et des jumelages avec des universités étrangères (Cristiana Oghima-Pavie). L'Université, c'est le cursus, mais aussi « tout ce qu'il y a autour ». Du « Far-West » on est passé à la modernité : ce sont des points de vue estudiantins (Bénédicte Grailles). Et l'auteur de ces lignes, à son niveau, ne peut que confirmer ce que furent les pérégrinations successives qui emmenèrent durant vingt ans les premiers enseignants de la Faculté des lettres depuis le bâtiment D’ prêté aux littéraires par la Faculté des sciences jusqu'aux préfabriqués de la rue Lakanal et à la Faculté de droit-lettres du boulevard Lavoisier, les deux Facultés étant désormais dans leur plein essor, sises, l'une (droit) sur le campus Saint-Serge du centre-ville, l'autre (lettres) sur le campus de Belle-Beille au voisinage de la BU des lettres et sciences et de la Maison des sciences humaines.
6Désormais, on peut en croire Yves Denéchère dans sa conclusion, l'un des deux maîtres d'œuvre du récit de cette odyssée angevine de presque dix siècles : l'université du xxie siècle, à Angers, est sans conteste en route vers demain, vers des lendemains qui chantent…
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Figures du marginal dans la littérature française et francophone
Cahier XXIX
Arlette Bouloumié (dir.)
2003
Particularités physiques et marginalité dans la littérature
Cahier XXXI
Arlette Bouloumié (dir.)
2005
Libres variations sur le sacré dans la littérature du xxe siècle
Cahier XXXV
Arlette Bouloumié (dir.)
2013
Bestiaires
Mélanges en l'honneur d'Arlette Bouloumié – Cahier XXXVI
Frédérique Le Nan et Isabelle Trivisani-Moreau (dir.)
2014
Traces du végétal
Isabelle Trivisani-Moreau, Aude-Nuscia Taïbi et Cristiana Oghina-Pavie (dir.)
2015
Figures mythiques féminines dans la littérature contemporaine
Cahier XXVIII
Arlette Bouloumié (dir.)
2002