La carrière de Nicolas Goix, premier commis de la Marine et des Finances, mathématicien et affairiste
p. 143-160
Texte intégral
1À l’occasion d’une recherche sur la course à Brest, il avait été impossible d’identifier un armateur peu connu dont le patronyme, Goix, était ignoré y compris des fonds municipaux. Le rapprochement n’avait pas été fait avec un homonyme des bureaux de l’intendance de la Marine à Brest, avant qu’un de nos correspondant parisien – Michel de Rotalier – ne nous indique connaître ce nom, mais dans le milieu de la banque. Commençait alors une enquête, longue et difficile, pour vérifier une possible identité. À travers un premier état de la recherche, un essai de reconstitution prosopographique comme de son mode de vie, c’est un premier commis atypique qui se dévoile. Il ne fait que passer par les bureaux du port, avant d’occuper un emploi supérieur au ministère de 1780 à 1784. Les sources sont peu évidentes et trop souvent occurrentes1. Les dictionnaires biographiques classiques (Feller, Hoefer, Michaud, Prévot et Roman d’Amat) l’ignorent. Par commodité, nous avons organisé cet essai autour de trois questions. La carrière : comment devient-on premier commis et quel travail cela recouvre-t-il ? Quels sont le niveau de fortune et la vie quotidienne d’un premier commis ? Enfin, quelle reconversion opère-t-il après cette fonction ?
L’élévation d’un plumitif à la fonction de premier commis et son exercice (1772-1791)
2Nicolas-Louis Goix est né à Paris, paroisse Saint-Eustache, le 7 juin 1744. Son épouse, Julie Cathérine Collomb – en fait Catherine-Julie Coulomb – était née et avait été baptisée à Toulon, le 2 janvier 1751, fille légitime de Joseph – un marchand – et de Françoise Simon alias Sinot2.
Tableau 1. – La carrière de Nicolas Goix.
Répétiteur de mathématiques | Toulon | ca 1762 |
Commis aux écritures au secrétariat de M. de Ruis, intendant de la Marine et secrétaire particulier de celui-ci (depuis 1773 environ) | Brest | 1772-29 mai 1776 |
Réformé | Brest | 1776 |
Commis aux écritures dans les bureaux de la Marine (premier des commis au bureau des fonds) | Brest | 1er janvier 1777-1779 |
Bureau sous le premier commis des finances (contrôle) et « Contrôleur des dépenses de ce département en Finance » | Versailles | 1780-1791 |
Premier commis au bureau des fonds de la Marine & des colonies (Marine) | Versailles | oct. 1780- |
3Nicolas commence sa carrière à Toulon comme répétiteur de mathématiques. Lors de sa retraite du département, en février 1784, le maréchal de Castries, ministre de la Marine, mentionne « les 18 années qu’il a servi à Toulon et à Brest dans des places inférieures3 ». La carrière subalterne de Goix commencerait donc à Toulon, vers 1762.
4Passé de Toulon à Brest, Goix y arrive vers 1772, déjà marié. Il perd une partie de ses effets sur le vaisseau le Souverain, pour lesquels il demande une indemnisation. L’intendant de Brest « feu M. de Ruis avoit arrêté à 6300 l.t. l’état des frais à lui remboursés et de la perte qu’il avoit essuyée d’une partie de ses effets embarqués sur le vaisseau le Souverain » en y comprenant les frais de voyage. Mais au 23 avril 1780 rien n’a encore été versé et Sartine écrit « à l’égard de l’indemnité à revoir à la paix4 ».
5À compter de 1773 environ, il est employé comme commis aux écritures au secrétariat de M. de Ruis-Embito, intendant de la Marine à Brest, et ce jusqu’à la mort de ce dernier le 29 mai 1776. Celui-ci, en poste à Brest depuis 1771, était un homme déjà âgé à qui l’on reprochait de ne rien déléguer. Aussi, sa place en faisait-elle un Père Joseph que sa maîtrise des mathématiques, et donc de la comptabilité, devait achever de rendre indispensable. Son dossier le qualifie même de premier commis à Brest. Lors du voyage sur place du nouveau secrétaire d’État de la Marine, Sartine, entre le 24 août et le 8 septembre 1775, Goix est présenté par l’intendant, qui veut l’avancer, au ministre. « Le s[ieur] Goix qui servoit auprès de lui en qualité de secrétaire particulier » reçoit, à compter du 1er août 1776, une gratification annuelle de 500 l.t. jusqu’à ce qu’il soit placé, à imputer sur les états de dépenses extraordinaires du port5. Il est en effet menacé par la réforme des personnels de 1776 et le décès de de Ruis6. Au 1er janvier 1777, dans la nouvelle organisation de l’administration du port, Goix est confirmé comme le premier des huit commis du bureau des fonds et revues7. Sartine ne semble pas pressé de le rassurer dans un contexte d’économie :
« Le mémoire que vous m’avez remis du S[ieur] Goix employé en qualité de commis aux écritures à Brest : ses services ne m’ont pas paru assez longs pour lui procurer une pension de retraite dans le cas où il quitteroit le service, mais s’il le continuoit et qu’il vint à vacquer une place de professeur de mathématiques, je serois disposé à la lui procurer8. »
6Goix en affiche de l’amertume : « J’ignore les raisons qui ont pu déterminer M. de Sartine à me traiter aussi mal qu’il l’a fait lorsque j’ai quitté le service de la Marine9. »
7C’est à cette époque que l’on trouve mention d’une première opération dans laquelle il s’implique. Ayant développé connaissances locales et sens des affaires, Goix utilise, pour la première fois, son réseau maritime pour participer, à son échelle, à la guerre d’Amérique. Le 17 mars 1779, sont déposés à l’Amirauté de Léon, sise à Brest, le projet d’armement et le rôle d’équipage du corsaire la Revange10, une prise anglaise de 250 tonneaux et forte de 22 canons. Elle est armée « au mois » à Brest, par Goix, de Brest. Son commandant, de Kerillien – ou Kerillieau – de Vannes, a 120 à 125 hommes d’équipage sous ses ordres11. La dépense prévue est d’importance, montant à 48000 livres12. Or notre homme est un spécialiste des fonds et sert probablement de prête-nom et d’actionnaire de référence pour des investisseurs locaux, auxquels son entregent auprès des personnels de la Marine sert de facilitateur. Malheureusement, le corsaire s’échoue et est « pris par les Anglois le 21 may 177913 ». Cet épisode nous livre une information intéressante sur la psychologie du personnage : il a l’esprit d’entreprise et, en l’occurrence, celui d’une certaine prise de risque14.
8C’est bien dans sa spécialité financière qu’il se rétablit après cette malheureuse tentative. Le montant des dépenses de la Marine, encore obéré par le conflit hors-normes en cours, ne laisse d’inquiéter le directeur général des Finances, trop heureux de pouvoir s’appuyer sur l’expertise d’un homme qui de plus connaît la machine brestoise de l’intérieur. Le 29 juin 1779, dans une note à Blouin – secrétaire personnel de Sartine et lui même premier commis des mouvements, grâces et emplois – il est précisé qu’il est « aujourd’hui attaché au bureau de la finance à Paris15 ». « Le s[ieur] Goix […] était commis à Brest aux appointements de 1200 l.t., lorsque M[onsieu]r Necker l’attira à Paris en 1780 pour lui confier un bureau sous le premier commis des Finances16. »
9Castries sent-il le risque ou la compétence de Goix est-elle si évidente qu’il appelle l’homme dans cette situation éminente ? Toujours est-il que, dès sa nomination, le nouveau secrétaire d’État permet à Goix d’effectuer parallèlement son retour à la Marine.
« Au mois d’octobre de la même année [1780], époque de la retraite du S[ieur] Guignace, le S[ieur] Goix vint à Versailles, et partagea ses services entre le bureau des fonds de la marine et celui qu’il avait en finance. Je ne comptais le garder que jusqu’au moment où j’aurais choisi un successeur au S[ieur] Guignace, mais les mouvements de la guerre ne m’ont pas permis de m’en occuper17 », écrit le maréchal.
10Il a donc hérité de la place libérée par un premier commis du bureau des fonds de la Marine, des colonies et des invalides, et de l’examen des comptes, qui est un parent de Léon-Michel Guignace, ingénieur-constructeur en chef à Brest depuis 1765.
11Goix partage donc son zèle entre le Contrôle général18 à Paris et la Marine à Versailles à partir d’octobre 1780 et jusqu’au 5 février 1784, soit durant la guerre d’Indépendance19. C’est une période de tension entre ces deux départements et leurs titulaires. Necker réussit à obtenir le retrait de son maroquin à Sartine en octobre 1780 avant de démissionner devant le refus du roi de lui accorder, entre-autres, la haute main sur les dépenses de la Marine, en 1781. Or, si Goix est employé par le Contrôle aux affaires de Marine, c’est comme « contrôleur de ce département en finance20 ». Aussi, après le conflit, Castries qui d’une part n’en a plus besoin et d’autre part veut se débarrasser de l’« œil » du Contrôle, l’abandonne aux Finances, le 5 février 1784. Il lui demande de voir son successeur, Dufresne, pour lui passer ses pouvoirs et ses papiers.
« J’espère que vous répondrez toujours à sa confiance lorsqu’il vous demandera quelques instructions sur les affaires qui ont passé dans vos mains pendant votre travail à la Marine, ou sur celles dans lesquelles il pensera que vos idées peuvent être utiles à ce département21. »
12Néanmoins, en 1814, Goix écrit qu’il avait quitté sa première place « avec l’autorisation du Roi de suivre en Finances, le contrôle des dépenses de la Marine22 ». De ce jour de 1784, Goix quitte le ministère de la Marine, mais pas les affaires de la Marine.
13Dans quel cadre travaille le premier commis Goix ? Il n’existait pas alors d’état-major général de la Marine et les chefs de bureaux étaient des personnages considérables par rapport aux officiers du grand corps.
14L’hôtel de la Marine et des Affaires étrangères accueille, en 1783, 106 personnes, chefs et commis23. Pour la Marine, prenant place après les intendants et directeurs comme chef du premier des bureaux, celui des fonds, Goix a le titre de « premier commis, chargé du bureau des fonds de la Marine, des colonies et des invalides ». Son bureau est le plus nombreux de la dizaine que compte alors le secrétariat d’État de la Marine. C’est sous Goix, vers 1783, que le bureau des fonds coloniaux cesse de dépendre de celui des colonies pour être rattaché au bureau des fonds. Quinze collaborateurs sont désormais sous ses ordres, regroupés en trois détails. Sept commis travaillent à celui des fonds de la Marine sous le sieur Bonjour, trois à celui des Colonies sous le sieur Mottet, enfin deux à celui des Invalides sous le commissaire Jean-Pierre Fagonde, en chef. Le coût du bureau des fonds est de 75600 l.t. par an, incluse la paye du premier commis, 21,16 % des appointements de l’hôtel du ministère24 !
15Goix est chargé de missions d’inspection assez fréquentes. En mai 1781, il se rend ainsi à Brest, où il fait enregistrer, par le contrôleur de la Marine, l’extrait d’une lettre du ministre au commissaire général ordonnateur qui accorde à Goix des pleins pouvoirs dans son domaine pouvant aller jusqu’à la réorganisation des bureaux de l’administration du port et arsenal :
« Je me suis déterminé à donner ordre à M. Goix premier commis de mon Bureau des fonds de se rendre à Brest pour examiner, par la communication des registres et papiers qu’il jugera à propos de se faire représenter, la situation des trésoriers, et l’état actuel des choses relativement au travail de tous les bureaux du port. Il pourra se faire que pour établir le nouvel ordre que j’ai prescrit, M. Goix juge qu’il soit nécessaire de faire des changements dans la destination des sujets et la distribution du travail ; Vous voudrez bien alors les ordonner et même établir de nouveaux bureaux s’il pense qu’il en puisse résulter plus de célérité, pour l’examen ou l’expédition des affaires25. »
Figure 1. – Organisation des bureaux de la Marine à Versailles (1783).

16Ses missions donnent lieu à d’importants frais de déplacement, montant à 4000 l.t. en 1782 et à 6000 l.t. pour la demi-année suivante : « Au sieur Goix, chef du contrôle des dépenses de la Marine, pour remboursement de frais de voyages et dépenses par lui faits pendant les six premiers mois 1783, pour le service de l’administration26. »
17Son activité de premier commis des Finances, si elle dépasse le cadre de notre étude, serait plus délicate à cerner et d’abord par les destructions dans les archives du Contrôle général. Goix s’impose comme un rouage de la centralisation des finances publiques, portée par Necker à la fin de l’Ancien Régime. Jusqu’en 1781, les états au vrai de la Marine étaient en dehors de la vérification du Contrôle général27. Dès octobre 1780, la volonté du « grand argentier » fait que Goix est désormais employé pour le contrôle des fonds de la Marine au Contrôle général. En 1784, la guerre finie, le maréchal de Castries cède sans nostalgie celui qui représentait un autre ministre dans le fonctionnement de son département. Goix s’inscrit alors dans la clientèle du ministre genevois et dans celle de Bertrand Dufresne qui lui succède aux Fonds de la Marine, en 178428. En mars 1788, un édit crée « un seul et unique Trésor royal », bientôt sous la direction générale de Necker rappelé en août, et avec la nomination de Bertrand Dufresne comme intendant de ce nouvel organisme centralisé des finances de la monarchie29. Goix est donné à la fin de l’Ancien Régime, comme l’un des six premiers commis du Trésor royal30. Il y reste employé au contrôle des dépenses de la Marine. Sous la Révolution, il est titré « premier commis de l’administration générale des Finances », puis « premier commis de l’administration de la Trésorerie nationale ». Le 1er juin 1791, les commissaires de la Trésorerie nationale confirment le rôle de contrôleur financier qu’exerce Goix, le même qu’à la Marine : « Ainsi le bureau de M. Goix ne peut plus être qu’un bureau de comptabilité et de formation d’états au-vrai31. » Cette même année, à l’« époque de la révolution, il demanda sa retraite du département des Finances ; ce qu’il obtint, sans qu’il fut rien statué sur son traitement32 ». Il quitte définitivement le service de l’État, fortune faite, en 1791.
L’important patrimoine d’un premier commis
18Le niveau de vie de Nicolas Goix témoigne probablement de celui de nombreux hauts plumitifs du ministère de la Marine. Encore que, dans son cas, ses fonctions financières et ses investissements personnels ont certainement joué.
19Les émoluments successifs de Goix comme commis permettent d’établir son niveau de revenu. Lors de l’appel du procès pour sa succession, en 1829 (cf. supra), le montant de 80000 livres tournois annuelles est avancé. Comme commis à Brest, il était employé aux appointements confortables de 1200 livres annuelles33. De 1776 au 1er juillet 1779, il jouissait d’une gratification annuelle supplémentaire de 500 livres sur le fonds des dépenses extraordinaires du port. En avril 1780, Sartine porte sa pension à 1000 l.t. Comme premier commis de la Marine, il reçoit les appointements de 12000 l.t. sur le Trésor royal, auxquelles s’adjoint un supplément de 4000 l.t. « sur les invalides pour frais de voyage ». Ses émoluments sont donc de 16000 l.t., supérieurs à ceux de plusieurs intendants de l’organigramme du ministère à la même époque. Lors de sa retraite de la Marine, le 14 février 1784,
« Goix a obtenu au département de la Finance une pension de 4000 l.t. dont il jouit, réversible à sa femme ; et on lui a donné d’ailleurs 2000 l.t. sur les invalides de la Marine, tant sur sa tête que sur celle de sa femme et de sa nièce. »
20Le maréchal de Castries propose – ce que Louis XVI approuve d’un « Bon » – « d’ajouter un supplément de 3000 l.t. à ces [sommes] “afin de lui completter une pension de 9000 l.t. qui paraît d’autant plus considérable que le S[ieur] Goix reste attaché utilem[en]t aux bureaux de la finance, et qu’il peut y servir encore longtems34” ». Ce niveau de revenu permet déjà de vivre de manière bourgeoise. Il ne faut pas perdre de vue que s’y ajoutent ses revenus de premier commis des Finances et ses frais de déplacements. Goix fait partie des premiers commis les mieux payés du Contrôle général : « Cottin (8000 livres), Joseph-Ignace Cœdès (10000 livres), Nicolas-Louis Goix (10000 livres)35 ». Les Observations de M. Necker : sur l’avant-propos du Livre rouge insistent sur l’importance de ses indemnités de déplacement : « Au sieur Goix, l’un des chefs de bureau du premier commis des finances, la somme de 6,804 l.t. 18s 9d pour remboursement de ses frais de voyage de Paris à Brest, séjour à Rennes et retour. » En 1780, il avait obtenu – à valoir à son départ en retraite – 3000 l.t. de pension, avec réversion de 2000 l.t. à son épouse en survivance et, en 1783, une seconde à titre d’augmentation de 1000 l.t. Il jouit donc, au département de la Finance, d’une pension de iiie classe sur le Trésor royal de 4000 l.t.
Tableau 2. – Évolution des émoluments de Nicolas Goix au ministère de la Marine.

21La constitution de son patrimoine immobilier est mieux connue, mais semble postérieure à son départ du ministère de la Marine.
22L’ancien premier commis de la Marine se constitue un domaine à Montmorency, lieu de villégiature de la Cour. La base en est un moulin qui lui est vendu le 29 janvier 178736. Le moulin de Jaigny, « moulin-tour, couvert de bardeaux37 », est alors une propriété seigneuriale du prince de Condé qui la cède à Nicolas-Louis Goix38. Il est également concerné par le paysagisme à la mode d’après les traités d’agronomie ou les indications de La Quintinie et étend ses jardins :
« Ainsi peut-on suivre l’agrandissement des jardins d’un premier commis de la marine, Nicolas-Louis Goix, (moulin et fief de Jaigny) qui, entre 1781 et 1787, demande trois autorisations d’alignement pour clôturer et joindre à sa propriété d’Enghien de nouveaux héritages39. »
23L’intérêt de Goix pour ses jardins n’est pas que foncier, il est, le 18 octobre 1809, l’un des correspondants du Nouveau Traité des arbres fruitiers, continuateur de l’œuvre de Duhamel du Monceau40. C’est sur ses terres qu’« en 1788, un premier commis de la marine, M. Goix, construisit […] une vaste et superbe maison qui mérite le nom de château, surtout depuis que l’ancien est abattu. Il y employa plus d’un million41 ». Le « Château de Goix » ainsi qu’il est connu à Montmorency est édifié à l’extrémité sud-est d’un domaine de 13 hectares. L’ensemble des inféodations de la maison de Goix à Montmorency et de ses autres biens, dont le moulin, est constitué sous le nom de fief de Jaigny, le 17 mai 1789, au profit de ce dernier42.
24À Paris, l’hôtel de Goys [sic], accueille sa banque et son logement dans la capitale, au moins depuis le Consulat jusqu’à son décès. Il y est « Prop[riétaire], él[igible], r[ue] du Faub[ourg]-Poissonnière, 6243 », dans ce quartier à la mode, prisé par les banquiers44.
Les tribulations d’un affairiste (1791-1826)
25La seconde partie de la vie professionnelle de Goix, après ses emplois publics de premier commis, se déroule en plusieurs épisodes qui tournent tous autour des affaires qu’il initie.
26Peu après sa démission, il est clair que Goix utilise son réseau social, constitué lors de son passage dans les ports comme au ministère de la Marine, et sa double connaissance de ce milieu et des questions financières qui y sont liées. Il se lance, dès 1789, dans la banque et le négoce – les deux sont alors indissociables –, avec des contemporains de Perregaux et Laffitte, comme Lecoulteulx45. Lecoulteulx de Canteleu, échevin et député du Tiers de Rouen, d’une famille de banquiers, a fondé une banque avec Magon de la Balue pour racheter les effets en France de la Banque Royale de Saint-Charles, la banque d’émission espagnole46. Les Archives parlementaires mentionnent ainsi la fourniture de piastres pour le service des colonies (1170000) et donc la spéculation.
« Le traité passé en particulier avec les citoyens Lecoulteulx, Goix et Compagnie, pour la fourniture à la marine, de ce numéraire, en 1792, et par lequel ils se sont obligés à fournir les piastres sur le pied de 90 livres net le marc, le change à Paris étant à 27 livres la pistole à l’époque de leur engagement ; ce traite, dis-je, offre, entre autres exemples qu’on pourrait citer, une donnée sûre, pour juger du renchérissement prodigieux et progressif de cette monnaie47. »
27Après sa démission du Contrôle général, en 1791, Goix aurait perdu son château de Montmorency « dont il dut se séparer sous la Révolution48 ». Il écrit, avoir été « ensuite traîné en prison d’où il ne sortit qu’à la mort de Robespierre49 ». Un déménagement après le 10 août 1792 – rue de Mesnard, à Paris – et une homonymie avec un Goix passé en Suisse l’avaient compromis, d’où sa dénonciation. Un factum joint, sorti des presses de Marat, le « Mémoire du citoyen Héron », le vise de façon très nette, comme ayant eu parti lié avec les Vandenyver. Cette famille de banquiers hollandais d’Amsterdam, établie à Paris, faisait fonctions de banquiers de la Cour avant d’être décapitée en 1793, dans la charrette de madame du Barri, leur cliente.
28Pour sa part, Goix est arrêté une première fois, le 12 septembre 1793, par Heussée et Cailleux, mais relâché fautes de preuves (la loi des Suspects n’ayant pas encore été votée). Il est de nouveau saisi avec son épouse et son beau-frère, soupçonnés d’aristocratie. Cette « mesure de sûreté générale », lancée le 23 septembre suivant, et qui prévoyait de les répartir dans trois prisons différentes, n’est pas complètement appliquée devant l’état alarmant de madame Goix. Lors des arrestations, le 27, elle est simplement « incarcérée à domicile50 ». Lui est d’abord détenu trois mois et demi comme suspect, dès le 28, à Sainte-Pélagie51, puis dans la prison du citoyen Belhomme (14 janvier au 30 juillet 1794). Il n’en sort que deux jours après la mort de Robespierre52. Nicolas-Louis Goix dépose une demande de passeport pour Philadelphie en l’an ii53. Monge, qui la lui accorde, l’aurait protégé, sûrement parce que comme mathématicien il le connaissait, mais peut-être également suite à la promesse de Goix de fournir à la République et à ses arsenaux les nombreuses matières qui leur manquent par l’effet des guerres de la coalition et de la suprématie de la Royal Navy.
29En avril 1793, il s’était fait recommander aux plénipotentiaires américains par le ministre de la Marine, Monge. Il importe des naval stores et des farines54. Le 17 novembre 1793 – alors qu’il est détenu pour incivisme – la section Lepeltier écrit « Aux citoyens représentants du Peuple, composant le Comité de sûreté générale » pour rendre compte « de sa conduite et des actes de civisme qu’il a rempli avec zèle », Goix en étant de toute évidence le rédacteur. Le 30 décembre, il se déclare « à la hauteur de la Révolution », et même « Excellent Républicain » ! Ses connaissances dans les milieux maritimes lui permettent de faire venir des vivres dans les ports, même depuis les pays ennemis. Il fait entrer des farines d’Espagne à Bayonne. Il laisse miroiter les avantages que la République retirerait de son projet : faire venir des « bleds » pour les armements nombreux de la République, sans faire sortir de numéraire de France. Il établit à cet effet, avec des amis, une maison de correspondance en Amérique. Le but en était, par le troc, de faire passer « bleds », farine et autres approvisionnements en échange de marchandises manufacturées en France. Il dit cependant attendre, toujours en prison, des modèles pour les ateliers qui donnent le goût des objets désirés par les Américains. Devant la disette et le besoin, des propositions lui sont faites pour augmenter les approvisionnements projetés. Il se flatte que ses travaux « ont reçus les applaudissements du ministère, comme on le verra par les copies ci-jointes des lettres originales qu’il a dans les mains ». Il promet de communiquer à la Convention son idée pour l’opération d’approvisionnement et insiste sur son désintéressement de patriote. Goix demande à la Convention de nommer des commissaires pour vérifier les faits afin de pouvoir être élargi. Il retarde son départ pour assurer l’arrivée des subsistances en dépit des croisières ennemies, prétend-t-il. Son dossier de suspect contient beaucoup d’adresses du ci-devant premier commis au Comité de sûreté générale55.
30Le 3 septembre 1794, peu après la libération de l’ancien premier commis, la Convention nationale donne approbation56 et, le 15 septembre suivant,
« le Comité de salut public approuve la soumission des citoyens Goix, Cart, Leveillard et Cie, commerçants à Philadelphie, pour la fourniture de blé, farine, viandes, et poissons salés, huile de baleine, potasse et autres matières ou denrées de première nécessité, à destination pour les ports de la République sur l’Océan. Le paiement de ces fournitures sera fait en traites sur Hambourg57 ».
31Le 10 octobre suivant, Goix est dénoncé par son portier de la rue du Faubourg-Poissonnière comme projetant d’émigrer en Suisse, la vente de son mobilier étant annoncée par voie d’affiche. Mais il pourrait s’agir d’une confusion avec un homonyme ou une fausse destination sur un passeport. Lui, déclare qu’« il se sauva, avec sa famille, aux États-Unis d’Amérique pour attendre que la tranquillité se rétablit en France58 ». Son voyage, en compagnie de son épouse, de sa fille et de son jeune neveu, est confirmé. La question se pose de savoir s’il quitte le pays pour des raisons politiques – au moment où s’achève la Grande Terreur – ou s’il part officiellement et pour affaires. Plusieurs éléments font pencher vers cette seconde hypothèse : l’obtention d’un passeport par Monge ainsi que la mention d’une société de commerce maritime à Philadelphie reconnue par la Convention nationale.
32Un procès, en 1800, contre Nicholas Law, président de la United Insurance Company in the City of New York, indique qu’il continue d’avoir une activité maritime à New York59. Goix rédige ainsi un mémoire intitulé Court for the Trial of Impeachments and the Correction of Errors : between Nicholas Low, defendant in error, and Nicholas Goix, plaintiff in error : case on the part of the defendant in error qui est publié en 1801. En 1802, paraît à Albany, capitale de l’État de New York, Special verdict, in error, Nicholas Goix, versus Nicholas Low, president of the United Insurance Company. Il y est expliqué qu’il s’agit d’un conflit sur la remise en cause par les marchands de New York d’un arbitrage sur les assurances maritimes. Le procès Goix v. Low réexamine la décision Ludlow v. Dale de l’année précédente, relative en partie au droit des prises dans les cours d’amirautés américaines60.
33Il rentre en France, à l’avènement de Bonaparte, mais toutes ses pensions ont été annulées. Comme le travail sur celles-ci est terminé, il ne peut faire valoir ses droits et les faire rétablir.
34Goix renoue alors avec son activité de banque. Parmi les maisons parisiennes de commerce investissant dans la banque, « en mars 1801, Nicolas Goix et Cie fondent une “maison de commerce, banque et commission en marchandises61” ». Son associé est Jean Sigismond Gay. Les activités de sa banque semblent demeurer liées à son expertise en matière maritime. En nivôse an X (décembre 1801-janvier 1802), Barbé-Marbois, ministre du Trésor public, rend un rapport aux consuls sur le « Service des ports par les C[itoy]ens Goix et Julian ». Il constate que l’envoi d’écus est nécessaire pour les places maritimes qui n’en disposent pas à mesure de leur besoin, et que cela n’est guère facile pour Paris. Goix et Julian proposent au ministre de faire le service des quatre ports de guerre, à de meilleures conditions et en lieu et place de Guérard et Gobert, soit un pour cent pour tous frais et commission (1 ¼ pour Toulon). Ils se feraient rembourser sur la place de Paris. Ce traité serait passé pour un an, à compter du 1er floréal suivant. Cela est accepté : « An X. Traité avec Goix et Julian pour le service des ports de Toulon, Brest, Lorient et Rochefort62. » Sillan, Gay et Cie prend la suite de la précédente maison en juillet 1802.
35Goix acquiert plusieurs biens fonciers, dans la région de Senlis, ou dans le district de Corbeil. Pour 280000 l.t., des biens de l’abbaye de Saint-Eutrope-les-Chanteloup, sis à Arpajon. Ces achats s’inscrivent dans le cadre de son réseau. Il en va ainsi de celui du Couvent des Capucins de Château-Thierry dans des circonstances particulières. Louis Marie Marion de la Brillantais l’avait acheté comme bien national. Le 24 juillet 1797, le Malouin revend la moitié « indivise » du couvent à Pierre-Charles-Anselme Péchart, receveur particulier à Château-Thierry. Ensuite, le 4 frimaire an X (25 novembre 1801), Marion de la Brillantais vend l’autre moitié du couvent qu’il avait conservée à Nicolas Goix, qualifié de négociant, demeurant à Paris. Son vendeur – Marion de la Brillantais – était un grand fournisseur de la Marine de Saint-Malo, le plus riche Malouin du temps, que Goix ne pouvait pas ne pas connaître, ayant été employé à Brest. Il a probablement rendu service à Marion qui avait promis, sans en rien faire, d’y établir une manufacture d’armes. Goix revend rapidement à Louis Huvier, un marchand local, le 26 mars 1802 qui rachète l’ensemble du couvent.
36L’Annuaire de Paris de 1808 fait figurer Goix, banquier, parmi les « plus imposés ». Nicolas Goix est à la fin de sa vie un banquier reconnu, l’un des 200 actionnaires de la Banque de France63. Il y retrouve l’un de ses collègues, Lecoulteulx, régent de la Banque de France en 1800, après avoir été un des grands banquiers du Directoire.
37« Enfin on lui accorda, en 1813, en compensation de toutes les pertes qu’il avoit essuyées, l’expectative de la première place de receveur général des Finances pour son fils unique. » Mais les événements de la fin de 1813 et des trois premiers mois de 1814 rendent caduque cette décision64.
38Aussi, le 17 mai 1814, peu après l’abdication de Napoléon, Goix, écrit à « Monseigneur » sans le nommer en ces temps de changements rapides, sous l’en-tête de la « 1re Division, Pensions », et à l’adresse de M. Forestier (biffé par Rivière qui avait travaillé sous Goix avant la Révolution), afin de solliciter ses pensions. Il y joint copie de la lettre du maréchal de Castries, une caution dans les milieux de l’émigration. Y sont mentionnés les services et les grâces qui lui furent accordées sous l’Ancien Régime.
« Ces grâces furent annulées par la Révolution, ayant été mis en prison où je suis resté jusqu’à la mort de Robespierre, époque à laquelle je passais de suite aux États-Unis d’Amérique pour y attendre la fin de la Révolution. De retour en France, à l’avènement de Buonaparte, le travail sur les pensions étant terminé, je ne pus faire rétablir les miennes. »
39Il demande donc, en considération de ses trente-cinq ans de service, ses pensions autrefois accordées sur les Invalides « pour récompense des services éssentiels que j’avois particulièrement rendus à cette caisse65 ».
40Il adresse une seconde réclamation, le 15 décembre 1814, au comte Beugnot, ministre secrétaire d’État au département de la Marine et des Colonies (7 septembre 1814-20 mars 1815). Elle est cette fois traitée par Bourdon66. Ses services ne sont plus que de trente ans ! Il rapporte qu’« il a obtenu 9000 francs de pension de retraite tant sur les Invalides de la Marine que sur le Trésor royal, avec l’autorisation du Roi de suivre en finances, le contrôle des dépenses de la Marine ». Il rappelle que l’expectative de la première place libre de receveur général des Finances pour son fils unique est toujours dans les bureaux du ministre de ce département. Il se prétend le seul en France a avoir éprouvé un si grand malheur que la perte de ses grâces, et demande au ministre de les lui rétablir67.
41Nicolas-Louis Goix meurt à Paris 3e ancien, le 19 avril 182668. La fortune du décédé suscite certaines convoitises. Il s’en était largement prémuni en n’adoptant pas complètement la fille qu’il avait élevé, et en adoptant en revanche son neveu qui l’avait accompagné en Amérique et qu’il avait formé au métier de la banque. Ce dernier, Augustin Louis Goix-Collomb, dit Coulomb-Goix, n’est officiellement adopté que le 23 mars 181469. Il est le propre neveu de Goix – son père étant le beau-frère du premier commis – Augustin Germain Coulomb Goix, né à Toulon le 28 mai 1756 et décédé le 10 juin 1841, à Paris. C’est une « grande figure » du service de Santé de la Marine. Engagé dans la Marine comme aspirant chirurgien en 1771, il est reçu élève chirurgien à l’École de Brest, le 1er avril 1775, alors que son beau-frère y est en poste comme secrétaire de l’intendant. Ses mérites et son courage lui permettent de devenir pharmacien de la Marine et inspecteur du service de santé maritime70. Chevalier de la Légion d’Honneur, il l’est également dans l’ordre de Saint-Michel (1816), et surtout, est créé chevalier héréditaire par lettres patentes du 22 juin 1825 avec règlement d’armoiries71. Il avait épousé à Paris, le 30 janvier 1797 (11 pluviôse an V), Marie Anne Sophie Landrot, probable mère de l’héritier72.
42La parenté adoptive s’ajoutant à une succession par mariage complique l’affaire, des cohéritiers ayant émergé outre-Atlantique. Lors de son émigration en Amérique, la fille adoptive de Goix s’était en effet mariée. Or, alors que Nicolas-Louis est décédé depuis près de deux ans, paraît, en 1828, un mémoire en défense. Celui-ci est porté par Louis et Auguste-Émile Kelleher, enfants et héritiers d’Adélaïde Goix, décédée, et par leur père Hugues-Louis Kelleher. Ils s’opposent à la succession échue à la veuve Goix, née Coulomb, et au sieur Augustin-Louis Coulomb, son neveu, en réclamant la rectification de l’état-civil de leur mère73. Ils avaient perdu devant la 1re chambre du tribunal de première instance de la Seine le 23 mars 1828. La demoiselle n’avait pas ignoré sa filiation et toujours conclu ses actes sous le nom de Bailly. Le 17 janvier 1829, l’audience solennelle de la Cour royale de Paris, entend en appel l’avocat de Hugues-Louis Kelleher, tuteur de ses enfants mineurs. Il expose que lorsque Goix vint habiter à Paris, il était accompagné de son épouse et de sa fille présentée comme légitime, Adélaïde. Il lui fit donner une éducation de qualité au couvent de Saint-Joseph. Durant l’incarcération de Goix, en 1793, elle obtint de venir lui rendre visite chaque jour en prison et il lui confia une liasse de papier à coudre dans ses jupes et à n’utiliser qu’après sa mort. Il se les fit rendre lors de son départ pour New York avec elle, son épouse et le jeune Coulomb. Après un orage, ils relâchèrent assez longuement à Cork, en Irlande. Le jeune Kelleher, âgé de 20 ans, s’éprit des mérites de la demoiselle Goix. Nicolas le fait venir rapidement à New York et les projets de mariage sont conclus, paroisse Saint-Pierre. Selon Kelleher, Goix aurait fait preuve d’une machiavélique malhonnêteté : le mariage étant religieux, il n’y avait pas eu publication de bancs ou signatures, il aurait de plus fait inscrire sa fille sous le nom de « Marie-Jeanne Bailly » au dernier moment, dans un acte en latin ! Par exception au droit commun, comme elle jouissait des droits d’un enfant légitime, il demande qu’elle hérite puisqu’elle est décédée en cette qualité ; M. Goix n’ayant jamais tranché de son vivant74. La Cour royale de Paris se réunit, le 24 janvier 1829, en audience solennelle pour entendre l’avocat de la veuve Goix et de son fils adoptif. Celui-ci expose que madame Goix ayant perdu un enfant dans les premières années de son mariage, ne pouvait plus en avoir et qu’elle choisit celle que l’on connaît comme sa fille à l’hospice de la maternité. On se serait ensuite attachée à la petite Adélaïde, fille d’un caporal de Marine, Jean Bailly. La preuve n’en peut être apportée, faute de la mauvaise tenue des registres en l’année 1774, se désole l’avocat. Il réaffirme qu’elle même savait qu’elle n’était pas leur fille et d’ailleurs ne fut jamais dotée en dépit de la fortune des Goix. Les 50000 francs du mariage étaient seulement un prêt à rembourser dans les cinq ans par la nouvelle madame Kelleher, toujours qualifiée de demoiselle Bailly. Sans même se retirer la cour confirme en appel le jugement qui déboute les Keheller75.
43L’héritier de Goix est dès lors Augustin-Louis Coulomb-Goix qui reprend la place de Goix comme actionnaire à la Banque de France76 et poursuit son activité bancaire depuis l’hôtel du Faubourg-Poissonnière.
*
44Finalement, certaines questions demeurent, comme celle de sa formation, en premier lieu. Quelle proximité avec Necker et Dufresne lors de son recrutement au Contrôle général des Finances ? L’importance de ses activités de spéculateur sous la Convention nationale ? Ou encore le détail de son activité aux États-Unis ? Que déduire de cette étude ? D’abord, la carrière sans doute atypique d’un premier commis, mais surtout une illustration d’une mobilité sociale certaine sous l’Ancien Régime. De simple répétiteur de mathématiques, de commis aux écritures dans un arsenal, Goix réussit, en moins de 15 ans, à devenir premier commis dans deux ministères, à s’assurer une aisance financière, se constituer un fief, se bâtir un château, et le tout avant la Révolution française ! Ensuite, il apparaît, très tôt, dans ses réflexes sociaux, comme un homme de la première moitié du xixe siècle : en témoignent l’importance qu’il accorde à la propriété, aux affaires, ou son implication active dans la banque. Il se constitue certes un fief, mais ne semble pas rechercher l’anoblissement, d’autant qu’il n’a pas alors de fils. Enfin, et puisqu’il faut bien nous restreindre, l’importance des réseaux de la Marine est évidente au cours de sa vie : passeport accordé par Monge, bien acheté à Marion-La Brillantais, objet et associés de ses sociétés d’approvisionnement, famille de son héritier…
Notes de bas de page
1 AN, Marine, F7 4728, « Godet-Gom » ; AN, C7 122 (dossier de pièces de reconstitution de carrière afin d’obtenir le paiement de gratifications ou de pensions).
2 AD du Var, 7E 144/77, BMS, Toulon, paroisse Sainte-Marie, 1751, f° 1 v°.
3 AN, Marine, C7 122, Castries au roi, 5 février 1784.
4 AN, Marine, C7 122, 27 avril 1780.
5 SHD, Marine, Brest, 1E 191, f° 151. La Cour à l’ordonnateur, 21 juillet 1776, reçu le 26. Les dépenses extraordinaires du port sont un titre comptable qui comprend alors essentiellement des gratifications.
6 Lors de son arrivée au ministère de la Marine, Sartine souhaite réorganiser les personnels administratifs, malmenés par des réformes ratées. Afin de faire des économies, il limite le nombre des commissaires et commis par bureau et par arsenal, réformant les plus âgés ou les moins bien notés.
7 SHD, Marine, Brest, 1L 9, f° 172.
8 SHD, Marine, Brest, 1E 196, f° 617, la Cour à l’ordonnateur, 16 mars 1778, r. le 23.
9 AN, Marine, C7 122, Goix, 21 février 1780.
10 Bourde de la Rogerie H., Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790, Inventaire des Fonds de l’Amirauté de Léon…, AD Finistère, B 5030, 17 mars 1779 [le fonds a été détruit au cours de la seconde guerre mondiale].
11 SHD, Marine, Brest, 2P7 15, n° 13, Bâtiments armés à Brest, Bâtiments pontés.
12 Inventaire sommaire…, op. cit., B 5030.
13 SHD, Marine, Brest, 2P7 15, n° 13, loc. cit.
14 Autorisée dès 1778, la course remporte alors un grand succès auprès de la noblesse comme de la bourgeoisie. Des sociétés par actions sont constituées afin d’armer en course des navires de commerce désormais sans emploi du fait de la menace britannique, voire des corsaires spécialement construits. Les actionnaires espèrent un profit substantiel en investissant dans ces entreprises risquées (fortune de mer, capture de leur corsaire…).
15 AN, Marine, C7 122, deux notes, la seconde à Blouin.
16 Ibidem, Castries au roi, 5 février 1784.
17 Ibid.
18 Le Contrôle général des Finances rassemble les services de ce principal ministre, chargé des finances (état des caisses, crédits aux ministres, vérification des états au vrai) et de certaines activités économiques de l’État (manufactures, ponts-et-chaussées…) avec l’aide des intendants des Finances et de ceux du commerce.
19 AN, Marine, C7 122, copie d’une lettre de Castries à Goix, 5 février 1784.
20 AN, Marine, C7 122, Goix à Beugnot, 15 décembre 1814.
21 Ibidem, Copie d’une lettre de Castries à Goix, 5 février 1784.
22 Ibid.
23 « Dénombrement des Chefs et Commis Établis et travaillant dans les hôtels de la Guerre, Marine et Affaires étrangères en 1783. »
24 « Marine et Colonies. État des appointemens, supplémens d’appointemens, pensions et gratifications dont jouissent divers intendans, chefs de bureaux, commis et autres entretenus à la Cour et à Paris », 1er juillet 1783, f° 3.
25 SHD, Marine, Brest, 1L 10, f° 70 r°, 29 mai 1781.
26 État de comptant de l’année et des restes de l’année 1783…, Paris, Imprimerie nationale, 1790, p. 84.
27 Legay M.-L., « La science des comptes dans les monarchies française et autrichienne au xviiie siècle », Histoire & Mesure, vol. 25, n° 1, 2010, p. 231-260.
28 On ne peut s’empêcher de remarquer la proximité entre les carrières de Goix et de Dufresne, un client de Necker. Bertrand Dufresne, (1736-1801), directeur-général du Trésor royal (1776- 1781), succède à Goix comme « intendant général des fonds de la Marine et des Colonies », et est fait conseiller d’État (1784). Il est membre du Conseil de la Marine (1788) et, la même année, intendant du nouveau Trésor royal, sous Necker, enfin directeur général du Trésor royal (1789), puis directeur général du Trésor public (1791).
29 Glineur C., « D’un trésor à l’autre : les débats parlementaires autour de la trésorerie nationale sous la monarchie constitutionnelle », Annales historiques de la Révolution Française, n° 2, Paris, Armand Colin, 2013, p. 3-25.
30 Almanach royal, année commune MDCCLXXXIX..., Paris, Laurent d’Houry, 1789, p. 565.
31 De la situation du Trésor public au 1er juin 1791 : par les commissaires de la Trésorerie nationale, Condorcet, Lavoisier, de Vaines, Dutremblay, Rouillé de l’Étang, Cornut de la Fontaine, p. 153 [donne par erreur la mort de Goix en 1794].
32 AN, Marine, C7 122, Goix à Beugnot, 15 décembre 1814.
33 SHD, Marine, Brest, 1L 9, f° 172.
34 AN, Marine, C7122, Castries, « Pour le Roy, Goix », 5 février 1784.
35 Bosher J.-F., « The Premiers Commis des Finances in the Reign of Louis xvi », French Historical Studies, vol. 3, n° 4, 1964, p. 475-494, ici : p. 475.
36 Vente du moulin à Nicolas-Louis Goix, ancien premier commis de la Marine, 29 janvier 1787. Inféodation de la maison de M. Goix à Montmorency et de ses autres biens, sous le nom de fief de Jaigny, 17 mai 1789, avec trois plans (Archives anciennes du château de Chantilly, 1-BA-012, Moulin de Jaigny à Montmorency).
37 Biotteau G., « Les Moulins de Montmorency », Le Petit Journal des moulins d’Isle-de-France, n° 29, juin 2006, p. 1-3.
38 Rabasse J., « Les seigneurs de Montmorency, les princes de Condé », Revue de la Société d’histoire de Montmorency et de sa région, n° 7, 1989, p. 4-5.
39 AD du Val-d’Oise, demandes B 95/1277 (du 25 juin 1781), B 95/1281 (du 28 octobre 1785), B 95/1283 (du 21 mai 1787) [citées par Quellier Fl., « Le bourgeois arboriste (xviie-xviiie siècles). Les élites urbaines et l’essor des cultures fruitières en Île-de-France », Histoire urbaine, n° 6, 2002, p. 23-41, ici : p. 26].
40 Duhamel du Monceau H.-L., Nouveau Traité des arbres fruitiers… par Duhamel Du Monceau. Nouvelle édition considérablement augmentée, 2 vol., vol. 1, Paris, Roret, 1850, p. 112.
41 Quesné J. S., Confessions de J. S. Quesné, depuis 1778 jusqu’[en 1835], orné d’un portrait, 3 vol., vol. 3, Paris, Pillet aîné, 1828-1835, p. 139.
42 Voir note n° 36.
43 Dulac H., Almanach des 25000 adresses des principaux habitans de Paris, pour l’année 1820, Paris, C.L.F. Panckoucke, 1820, p. 304.
44 Lefeuve Ch., Les Anciennes maisons de Paris. Histoire de Paris rue par rue, maison par maison, 5 vol., vol. 3, Paris, C. Reinwald et A. Twietmeyer, 1875, p. 144.
45 Redlich F., « Jacques Laffitte and the Beginnings of investment Banking in France », Bulletin of the Business Historical Society, vol. 22, n° 4/6, 1948, p. 137-161.
46 Azimi V., Les Premiers sénateurs français, Consulat et Premier Empire 1800-1814, Paris, A. et J. Picard, 2000, p. 241.
47 Convention nationale, Archives parlementaires, séance du jeudi 25 octobre 1792, p. 670.
48 Revue historique de droit français et étranger, vol. 67, 2006, p. 465.
49 AN, Marine, C7 122, Goix à Beugnot, 15 décembre 1814.
50 Lenormand F., La Pension Belhomme : une prison de luxe sous la Terreur, Paris, Fayard, 2002.
51 Journal de Paris National, n° 273, lundi 30 septembre 1793, p. 1098.
52 AN, Marine, C7 122, Goix à Beugnot, 15 décembre 1814.
53 AN, F7 3570, demande de passeport (an ii, 5 pièces).
54 Lenormand F., op. cit., notice 65.
55 AN, F7 4728, dossiers alphabétiques du Comité de Sûreté générale, Goix, n° 44. 8.
56 Lindet. R. – AN, AF II, 76 [non enregistré] ; Aulard F.-A. (éd.), Recueil des actes du Comité de salut public, avec la correspondance officielle des représentants en mission et le registre du conseil exécutif provisoire, t. XVI, Paris, Presses universitaires de France, 1889-1951, p. 496.
57 Ibidem, p. 723.
58 AN, Marine, C7 122, Goix à Beugnot, 15 décembre 1814.
59 Special verdict, in error, Nicholas Goix, versus Nicholas Low, president of the United Insurance Company, Albany (New York), Whiting and Leavenworth, 1802, 15 p.
60 Goix est dit Suisse, naturalisé aux États-Unis en 1796, ce qui confirmerait sa sortie de France par ce pays.
61 Soboul A., La Civilisation et la Révolution française : la France napoléonienne, Paris, Arthaud, 1983, p. 347. Bergeron L., Banquiers, négociants et manufacturiers parisiens du Directoire à l’Empire, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1999, p. 23, 269 et 276.
62 Dainville-Barbiche S. de et Le Moël G., Cabinet de Napoléon Ier et Secrétairerie d’État impériale…, Paris, Archives nationales, 1994, p. 88.
63 Banque de France, Assemblée générale des actionnaires de la Banque de France du 29 janvier 1823, Paris, Imprimerie de la Banque de France, 1823, n. p. : 108e actionnaire par ordre alphabétique.
64 AN, Marine, C7 122, lettre à Beugnot, 15 décembre 1814.
65 Ibid.
66 Marc-Antoine Bourdon de Vatry, ancien collègue de Goix dans les bureaux brestois, puis ministre de la Marine du Directoire. Sous la Première Restauration, il est directeur du personnel de la Marine (12 juillet 1814), puis intendant des armées navales (21 juillet).
67 AN, Marine, C7 122, lettre à Beugnot, 15 décembre 1814.
68 État-civil reconstitué de la Seine.
69 Ibid.
70 Brisou B. et Sardet M. (dir.), Dictionnaire des médecins, chirurgiens et pharmaciens de la Marine, s.l., SHD, 2010, p. 216-218.
71 Révérend A., vicomte, Titres, anoblissements et pairies de la Restauration 1814-1830, nouvelle éd., t. I, Paris, Librairie Honoré-Champion, 1974, p. 218.
72 État-civil reconstitué de la Seine.
73 Mémoire à consulter et consultation pour Louis Kelleher et Auguste-Émile Kelleher, enfans et héritiers d’Adélaïde Goix, décédée épouse du sieur [Hugues-Louis] Kelleher, contre la dame veuve Goix, née Coulomb, et le sieur Augustin-Louis Coulomb, son neveu, Paris, impr. Gaultier-Laguionie, 1828, 66 p.
74 Le Courrier des tribunaux. Journal de jurisprudence et des débats judiciaires, n° 640, 18 janvier 1829, p. [473]-474.
75 Ibidem, n° 647, 25 janvier 1829, p. [493].
76 Banque de France, Assemblée générale des actionnaires de la Banque de France du 24 janvier 1828, Paris, Imprimerie de la Banque de France : 46e actionnaire (au moins dès 1826).
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008