Chapitre IX. Les tensions sectorielles entre urgence sociale et médicale
p. 213-236
Texte intégral
1L’orientation et la relégation des malades sans-abri vers les urgences médicales peuvent en partie s’expliquer par la saturation et les dysfonctionnements de l’urgence sociale. Face à une offre d’aide et de soin limitée, les personnes sans-abri les plus vulnérables effectuent de perpétuels allers-retours entre les dispositifs d’urgence et la rue. Pour répondre à ces écueils, les dispositifs innovants de housing first cherchent à court-circuiter les temporalités traditionnellement en vigueur dans la prise en charge des personnes.
L’hôpital : régulateur des limites de l’urgence sociale ?
Soigner et assister dans l’espace public
2L’analyse des modalités d’intervention extra-hospitalières auprès du public en grande précarité révèle les tensions à la source de l’orientation vers l’hôpital et amène à remettre en question la pertinence des interventions sur le mode de l’urgence. En France, comme dans de nombreux pays, le traitement social du sans-abrisme persiste à osciller entre norme et déviance1. En témoigne le développement concomitant de dispositifs d’aide sociale (maraudes sociales, équipes mobiles de psychiatrie, etc.) et de mesures d’urbanisme sécuritaire entraînant notamment un durcissement du mobilier urbain (bancs anti-clochards, grilles, caméras de vidéo-surveillance). Parmi les symptômes les plus manifestes de cette tension sociale, on trouve notamment la succession d’arrêtés anti-mendicité pris par des municipalités et l’existence de regroupements associatifs vindicatifs à l’encontre des mendiants (association de commerçants de centre-ville, pétitions de riverains, etc.). En réalité, la rue est comprise à la fois comme un espace de contrainte et un espace de ressource pour les personnes sans-abri.
3Les professionnels intervenant directement sur la voie publique sont les policiers, les travailleurs sociaux maraudeurs, les pompiers et les équipes mobiles psychiatrie-précarité. Leurs principales missions s’orientent respectivement autour des fonctions de maintien de l’ordre public, d’aide sociale, d’assistance sanitaire et de soin de santé mentale. Cependant, un certain nombre de situations relèvent autant de troubles de l’ordre public (ivresse, occupation d’une cage d’escalier) que de véritables problèmes sociaux ou sanitaires (personne délirante sur la voie publique). Ces cas de figure peuvent générer des tensions voire des conflits entre les différents intervenants, comme en témoigne un infirmier pompier-volontaire :
« L’autre jour, les policiers ne voulaient pas prendre un gars ivre. C’était sa troisième IPM du mois, un truc comme ça. Ils nous ont appelés parce qu’ils disaient qu’il avait besoin de soins et qu’il ne pouvait pas aller en cellule de dégrisement. Pour nous, après examen, il allait bien. Il avait bu, mais il était cohérent. Il n’avait pas besoin de soins urgents, mais il faisait froid et il était quand même trop fragile pour rester dehors. Du coup on lui a proposé d’aller aux urgences » .
entretien Patrick, infirmier pompier volontaire
4Ce témoignage reflète à la fois les difficultés de collaboration entre les différents professionnels extra-hospitaliers et la position de « médiateur » des urgences. Le pompier volontaire remarque que son équipage est intervenu parce que les policiers « ne voulaient pas prendre » la personne sans-abri. Après une évaluation, les pompiers concluent que l’intéressé n’a « pas besoin de soins urgents ». Toutefois, n’ayant pas d’hébergement, il sera orienté aux urgences « par défaut », comme cela fut le cas pour la situation de monsieur D. évoquée précédemment.
5De manière générale, les pompiers et les policiers ont peu de liens avec les foyers d’hébergement – par ailleurs souvent complets – ainsi qu’avec les équipes mobiles, qu’elles soient sociales ou de psychiatrie. Le rapport ministériel relatif à la santé des personnes sans-abri2 recommande le développement d’un travail en réseau entre ces différents services. En l’absence d’une collaboration optimale entre l’ensemble des professionnels intervenant sur la voie publique auprès des sans-abri, les services hospitaliers d’urgences permettent occasionnellement de pallier les tensions et les manques interinstitutionnels. Comme le souligne un médecin urgentiste : « Les gens atterrissent aussi aux urgences parce que c’est encore le seul lieu où l’on ne peut refuser personne » (entretien Virginie, médecin). La fonction d’accueil du tout-venant permet d’asseoir les urgences dans un rôle de régulateur social à l’échelle de la collectivité. Jean Peneff démontre combien les « urgences sont aussi le produit de l’histoire de nos villes qui est jalonnée de conflits entre les grandes institutions responsables de la santé et de l’ordre public : médecine, justice, police. Leurs divergences ont été atténuées par la création de services-tampons multifonctionnels comme le sont les services d’urgences3 ». En dernier avatar, les urgences sont ainsi devenues le réceptacle de problèmes sociaux : « Une trop grande visibilité de certaines déviances (alcoolisme, drogue, vagabondage) suscite de la part des gouvernants, un appel rituel aux urgences4. » Ces services, ouverts à tous et en permanence, offrent une solution potentielle aux intervenants extra-hospitalier, pour qui le « problème SDF » peut se poser de la même manière qu’au sein de l’hôpital. La personne sans-abri est potentiellement indésirable pour ceux qui exercent leur activité au sein de l’espace public :
« Parfois il y a des heures de négociations entre la police et les pompiers ! Les policiers te disent que ça ne relève pas d’eux et qu’il faudrait du soin, les pompiers te disent que la personne est cohérente et orientée et que son état est compatible avec une cellule de dégrisement. Il faut bien voir que pour les deux, le SDF, c’est souvent un problème. On les appelle très souvent pour les mêmes personnes. Ils en ont souvent marre de recommencer les mêmes choses tout le temps. Ça immobilise des équipages et des véhicules. Véhicules qu’il faut parfois nettoyer “au karcher” après, vu l’état des SDF ; donc encore du temps en plus pour le nettoyage. Bref, c’est simple pour personne » .
entretien Stéphanie, bénévole maraudeuse
6Pour les pompiers et les policiers, l’intervention auprès de personnes qui vivent à la rue, peut représenter une charge de travail importante et répétitive. Ces prises en charges peuvent engendrer un sentiment de découragement, de frustration, voire d’exaspération. C’est ce dont témoigne la bénévole maraudeuse en constatant que les membres d’équipage « en ont souvent marre de recommencer les mêmes choses tout le temps ». Aux urgences, comme en amont de l’hôpital, le caractère itératif des prises en charge est une difficulté qui s’impose aux intervenants.
7Une autre difficulté est liée à la diversité et à la confrontation des mondes professionnels. Pompiers, travailleurs sociaux, policiers et membres des EPP n’ont pas les mêmes objectifs et ne partagent pas toujours le même langage, comme le révèle ce témoignage d’une bénévole maraudeuse.
« Je me souviens qu’un jour j’ai appelé le SAMU pour monsieur K. [nom d’une personne sans-abri]. Il n’était vraiment pas bien. Le gars du SAMU au téléphone me posait plein de questions. Moi, tout ce que je pouvais dire c’était qu’il n’était pas bien. Et plus j’essayais de dire que c’était urgent, plus l’autre me posait des questions et plus il me posait des questions, plus je ne savais pas répondre et plus ça m’énervait… enfin tu vois… je sentais bien qu’on ne se comprenait vraiment pas. Après, j’ai appris tout leur jargon : “Est-ce qu’il a perdu connaissance ? oui/non”, “est-ce qu’il est cohérent ? oui/non”, “est-ce qu’il y a des traumatismes ? oui/non”… enfin tu vois. Mais tout ça c’est venu bien après, avec des années d’expérience » .
entretien Stéphanie, bénévole maraudeuse
8Ce passage est caractéristique de la confrontation des différentes rationalités. Alors que la maraudeuse appelle le SAMU pour demander du secours dans ce qui lui semble être une situation d’urgence, elle ne parvient pas à décrire l’état de santé de la personne à l’aide d’une terminologie médicale. La différence des rationalités respectives peut entraver la collaboration des services œuvrant auprès des sans-abri. Au cours de leurs rencontres occasionnelles, les intervenants partagent une pluralité de discours et de perceptions propres à leur champ de compétence. Le risque d’incompréhension, de désaccord ou de tension apparaît d’autant plus important que le travail partenarial pluridisciplinaire semble insuffisamment développé5.
La révolution de l’« aller vers » et le paradigme de la victime
9Le positionnement des maraudes et des EPP diffère fondamentalement de celui de la police et des pompiers : non seulement leurs interventions sont consacrées spécifiquement au public sans-abri dans une perspective d’aide et de soutien, mais surtout ils exercent une fonction spécifique visant à devancer la demande de la personne. Ainsi la règle de proximité des dispositifs d’urgence sociale consiste en un « aller vers » les lieux de vie pour offrir une prise en charge à « ceux qui ne demandent plus rien6 ». Les équipes mobiles spécialisées en psychiatrie suivent le même principe. La circulaire qui encadre leurs activités justifie leur existence en précisant que « l’exclusion génère une souffrance psychique résultant de facteurs complexes qui s’auto-entretiennent (vulnérabilité individuelle, événements de vie…), pouvant aboutir à un basculement dans une forme de retrait progressif et de non demande7 ». En instituant une intervention qui relève de la psychiatrie et du travail social, mais en excluant matériellement le suivi et l’accompagnement, la création des maraudes sociales et des EPP marque un bouleversement idéologique dans leurs domaines respectifs. Ces équipes ouvrent la voie à la possibilité d’une intervention ponctuelle pour répondre aux situations d’urgence, en allant au-delà même de la demande de la personne. Cette posture de « l’aller vers » rompt avec la perspective du guichet d’assistance qui répond aux demandes express des usagers. Elle se justifie par une considération de l’incapacité du sans-abri à se mobiliser et à formuler une demande d’aide. Suivant ce schème analytique, les personnes sans-abri sont considérées comme les victimes de la société de l’urgence caractérisée par les processus de précarisation généralisés : elles semblent éprouver de façon quasi-traumatique les effets aliénants de la précarité qui les plongent dans une forme de torpeur et de passivité.
10Cette victimisation est le paradigme qui a permis le développement des interventions psycho-sociales de proximité auprès des personnes vivant à la rue sur le modèle des services d’aide médicale urgente. Selon Francis Jauréguiberry, l’urgence « naît toujours d’une double prise de conscience : d’une part qu’un pan incontournable de la réalité relève d’un scénario aux conséquences dramatiques ou inacceptables et, d’autre part, que seule une action d’une exceptionnelle rapidité peut empêcher le scénario d’aller à son terme8 ». Cette double prise en conscience transparaît dans les textes qui décrivent les interventions du SAMU social et des EMPP. Ainsi, pour Xavier Emmanuelli, « l’urgence sociale qualifie toutes les opérations entreprises comme des sauvetages, lorsque la personne est considérée comme une victime en perdition et que sa vie semble en danger, à court ou à moyen terme9 ». Quant à la circulaire portant création des EMPP, elle précise que leur rôle est d’intervenir pour les « situations aiguës, dans lesquelles la restauration de la dimension de la vie psychique est pour certains “grands exclus” la condition même de leur survie10 ». Les secours aux victimes de la précarité nécessitent alors une réponse urgente. Ils autorisent l’exception et la mise en œuvre d’actions innovantes qui échappent aux normes habituelles. Alors que la pratique du travail social s’appuie traditionnellement sur un recours participatif de la personne, les interventions d’urgence sociale permettent d’aller « au-devant » de la demande et d’intervenir malgré le non-recours. Toutefois, si l’urgence agrée un consensus dans le domaine médical, la notion d’urgence sociale suscite un véritable débat.
La remise en cause de l’urgence sociale
11Il est possible de classer les objectifs de l’urgence sociale en reprenant la hiérarchie des cinq niveaux de besoins de l’être humain, définie par Maslow11 et illustrée ensuite par la célèbre pyramide représentée ci-dessous12.
12Les personnels de l’urgence sociale interviennent essentiellement sur les quatre premiers niveaux de besoins figurant dans la pyramide. Tout d’abord, ils offrent la possibilité de répondre aux besoins organiques primaires, notamment par l’apport de nourriture, de boisson chaude, de premiers soins ou de couvertures. Ensuite, l’attribution d’un hébergement permet d’offrir un environnement stable et de répondre aux besoins de sécurité d’existence. Puis, il s’agit d’instaurer des contacts sociaux, c’est-à-dire de développer un lien social, une relation empathique, humaine et compréhensive. Dans la mesure où cette relation se veut porteuse de reconnaissance des personnes en situation de désaffiliation, elle peut également répondre au quatrième niveau de besoin : celui d’estime. En ce sens, les travailleurs sociaux insistent sur la nécessité de mobiliser un savoir-faire et des compétences psycho-relationnelles, particulièrement dans le contexte des maraudes, où l’engagement d’une relation de pure sociabilité permet d’enrichir l’intervention d’une strate de civilité13. En dernier lieu, l’objectif final de l’urgence sociale est d’orienter la personne vers l’insertion et donc lui ouvrir la voie vers la réalisation de soi au sein de la société.
13En somme si l’urgence sociale s’est initialement inspirée du secteur médical dans le but de sauver des vies, la différence entre urgence sociale et urgence médicale s’est ensuite largement affirmée et d’autres besoins ont pu être pris en compte. Toutefois, la légitimité de ces interventions et l’existence même de la spécificité d’une urgence sociale fait toujours l’objet de controverses. Pour certains, l’urgence à caractère social n’existe pas. Reprenant les analyses dominantes du travail social dans les années 1960, ce discours nie la légitimité d’une intervention sociale dans l’immédiat. La définition d’une situation d’urgence est alors réduite à sa stricte dimension médicale : elle désigne le risque vital. En conséquence, l’action en urgence doit permettre – dans une perspective plus sanitaire que sociale – de répondre aux besoins organiques primaires et d’attribuer un hébergement. Comme le soulignent Daniel Cefai et Édouard Gardella, la « prestation de services à la rue ne s’accompagne pas forcément de sollicitation vis-à-vis de la santé de l’usage, de son moral ou de son passé. Pas plus que d’inquiétude marquée pour ses projets ou ses désirs. On peut concevoir une aide matérielle, donnée sans état d’âme, à la façon des soupes populaires de l’Armée du Salut, qui ont réduit au minimum les interactions des personnes chargées de la distribution des assiettes de nourriture ou de l’organisation sécuritaire de la queue avec leurs “assistés14” ». Pour les partisans d’un secteur d’urgence sociale valorisé en revanche, les interventions de première nécessité se veulent pluridimensionnelles. L’urgence « ne se tient pas à la sainte trilogie du nourrir, vêtir, abriter qui est le noyau de l’activité caritative ou humanitaire15 ». Outre l’aide matérielle apportée elle se caractérise par une action de reconnaissance et de revalorisation de l’autre à travers la dimension relationnelle.
14Derrière cette opposition de point de vue, c’est la hiérarchie de la pyramide de Maslow qui est débattue. La première représentation adopte une clé de lecture graduée de la pyramide qui implique la satisfaction du besoin inférieur pour pouvoir agir sur le suivant. Dans cette perspective, il apparaît inutile de travailler à la reconnaissance d’une personne tant qu’elle ne bénéficie pas de réponse à ses besoins organiques vitaux. En ce sens, les intervenants des équipes mobiles et des centres d’hébergement d’urgence ont pour fonction quasi-exclusive d’assurer la survie quotidienne des personnes sans-abri à travers la distribution d’eau, de nourriture et l’attribution d’un abri. Ce point de vue justifie la déqualification des professionnels de l’urgence sociale16. Plus généralement, ce raisonnement, qui trouve son analogie dans le monde médical, oppose la noblesse de l’accompagnement et du suivi (du patient ou de l’usager) à la déconsidération de l’intervention ponctuelle en urgence. Les attentes autour de l’urgentiste et du travailleur social en urgence, sont limitées à l’exécution d’un geste technique permettant de répondre aux besoins de première nécessité, avant d’orienter la personne vers les dispositifs d’aide sociale ou de soins pour une prise en charge pérenne plus globale. À l’inverse, la seconde opinion suggère qu’il est possible d’agir sur tous les besoins en même temps, ou sur l’un ou l’autre indépendamment. En ce sens, les compétences psycho-relationnelles du professionnel deviennent essentielles. Elles permettent de répondre aux besoins d’écoute, d’échange, de lien social et d’estime de la personne. Suivant ce raisonnement, la professionnalité des intervenants repose alors sur une compétence liée à la maîtrise des théories relationnelles fondées sur des concepts psychologiques ou psychosociologiques. Cette analyse tend à valoriser l’intervention d’urgence en tant que vecteur d’affiliation sociale.
15Les débats relatifs à la fonction de l’intervention et à la qualification des professionnels exerçant dans l’urgence se retrouvent tant dans le secteur sanitaire que dans le secteur social. La frontière entre l’urgence et l’intervention à plus long terme se révèle souvent poreuse. Elle constitue un point de tension des modèles de travail social et de travail médical. Dans le champ de la promotion de la santé – susceptible d’unifier les deux secteurs d’activité qui se caractérisent par la même aspiration au bien-être – la charte d’Ottawa définit un certains nombres de préalables indispensables à toute amélioration de la santé : « L’individu devant pouvoir notamment : se loger, accéder à l’éducation, se nourrir convenablement et disposer d’un certain revenu17 […]. » La hiérarchie des besoins ainsi définie, positionne l’aide de première nécessité apportée par les services d’urgence sociale, comme un préliminaire nécessaire à toute amélioration de la santé. Le principe d’échelonnement des besoins – qui est l’un des socles de la distinction entre l’urgence de première nécessité et la prise en charge globale et pérenne – est régulièrement discuté dans le domaine du soin18. En ce sens, il n’est pas surprenant de le retrouver en tant qu’objet de controverses dans le champ de l’urgence sociale, qui tire ses fondements du secteur sanitaire.
16En outre, les débats autour de la conception et de la légitimité de l’urgence sociale, convoquent des valeurs professionnelles et politiques différentes19. De façon schématique, le tableau 11 décrit les diverses positions des partisans et adversaires de l’urgence sociale.
17La persistance de ce débat, malgré le développement conséquent des dispositifs d’urgence sociale depuis ces deux dernières décennies, atteste de la permanence historique des mouvements de balanciers identifiés par Julien Damon20 dans le traitement des personnes en situation de grande précarité. Mais l’urgence sociale est aussi régulièrement remise en cause en raison de son incapacité à honorer les principes qui lui sont inhérents.
18Malgré son institutionnalisation autour des principes d’inconditionnalité, d’immédiateté et de continuité de la prise en charge, le dispositif d’urgence sociale souffre de nombreux dysfonctionnements. L’augmentation continue de la population sans-abri confronte quotidiennement les professionnels aux contraintes organisationnelles d’une offre inférieure à la demande. Les maraudes n’ont pas assez d’aide pour tous les solliciteurs en termes de couvertures, de repas ou d’orientation vers l’hébergement. Les centres d’hébergement d’urgence sont régulièrement saturés. Les centrales téléphoniques de veille 115 sont surchargées face au flot continu d’appels réceptionnés. En 2012, 64 % des demandes formulées au 115 n’ont pas donné lieu à un hébergement, essentiellement du fait de l’absence de places disponibles21. Le plus souvent, les solutions proposées aux personnes appelantes ne sont pas adaptées à leur situation mais faites par défaut en fonction des capacités d’accueil. Ainsi la prise en charge offerte est généralement de courte durée. Le principe de continuité de l’accueil n’est pas effectif. Les personnes sont hébergées pour une, deux ou trois nuits – souvent sans évaluation sociale – puis remises à la rue avec la consigne de rappeler le 11522.
19L’inconditionnalité est aussi remise en question dans les pratiques d’accueil. Des normes à respecter en matière d’hygiène corporelle ou de non-état d’ébriété sont régulièrement imposées aux candidats à l’hébergement. Ces pratiques permettent aux professionnels d’optimiser la gestion d’un collectif et de minimiser les risques (d’agression, d’incivilités) pour le plus grand nombre d’usagers. De plus, pour gérer la pénurie de places, de nombreux 115 sont amenés à établir des règles d’attribution, imposées le plus souvent par leurs autorités de tutelle. Ces pratiques aboutissent à une sélection des publics à rebours des principes d’inconditionnalité. « Certaines structures d’hébergement refusent alors l’accueil des publics de nationalité étrangère, ou établissent un système de quotas de places pour ces derniers23. » D’autres s’en tiennent à la gestion d’une « file d’attente » : les premiers demandeurs seront les premiers servis. D’autres encore, essayent de satisfaire en priorité les usagers réguliers ou ceux qui rencontrent des difficultés de santé. Comme dans le secteur de l’urgence médicale, l’évaluation du risque sanitaire rencontré par les sans-abri, peut servir d’angle de « priorisation » pour l’attribution d’une prestation soumise à concurrence. Le partenariat entre les services hospitaliers et sociaux d’urgences peut ainsi se trouver renforcé localement par le biais de conventions partenariales au bénéfice des personnes les plus fragiles. Plus généralement, le risque encouru est apprécié au regard des températures. Ainsi, les plans d’urgences hivernaux et les plans canicules visent à parer aux risques d’hypo ou d’hyperthermie.
20Enfin, les associations constatent la complexité de la mise en œuvre du droit à l’hébergement opposable. Le recours au DAHO reste faible puisqu’il ne représente que 12 % du total des demandes confondues d’hébergement/logement24. Plusieurs facteurs sont évoqués pour expliquer le non-recours, dont le manque d’information du public sans-abri, la complexité des démarches administratives à entreprendre et à la crainte des étrangers sans titre de séjour qui limitent leurs contacts avec les administrations par peur d’être arrêtés.
L’urgence chronicisée et sa dimension normative
21La vocation de l’urgence sociale à offrir une orientation vers l’insertion est également mise à mal. En effet, l’accès aux CHRS est également entravé par le manque de places disponibles face à une demande accrue. Dans un contexte de compétition, certaines personnes sont écartées des dispositifs d’insertion sociale et sont reléguées vers les dispositifs d’urgence sur la base de critères formels. Toutefois, les critères définis par la loi25 ne suffisent pas pour faire un choix entre les nombreux demandeurs et les travailleurs sociaux utilisent inconsciemment des critères subjectifs pour sélectionner les personnes éligibles à l’admission en CHRS26. L’estimation de la motivation de la personne, le degré d’« employabilité » et la présence ou non de conduites addictives sont parmi les critères les plus discriminants. Ainsi pour certaines personnes, l’insertion apparaît « vraiment hors d’atteinte : étrangers en situation irrégulière, déficients mentaux dans la rue depuis longtemps, “clochards” de longue date… Ils sont plus ou moins (mal) installés durablement dans les réseaux d’urgence27 ». Il est possible de repérer un double paradoxe de l’urgence sociale. D’une part, les intervenants prennent en charge des problématiques chroniques (conduites addictives, situation administrative irrégulière, etc.) sur un mode ponctuel (aide occasionnelle de maraude et hébergement à la nuitée). D’autre part, en raison de la crise du logement et de l’absence de solutions pérennes, les services d’urgences dont la vocation initiale est d’être transitoire, participent à la chronicisation de situations de précarité, en maintenant de fait les personnes en grande difficulté dans des espaces de relégation. Le double paradoxe, oppose d’un côté, la temporalité des problématiques sociales au rythme ponctuel des dispositifs et de l’autre côté, les objectifs transitoires de l’urgence à la réalité des prises en charge chronicisées.
Tableau 12. – Le double paradoxe de l’urgence sociale.
Problématiques chroniques des usagers ≠ Rythme ponctuel des dispositifs |
Objectif d’insertion des usagers ≠ Maintien dans les dispositifs d’urgence |
22D’un point de vue politique, la permanence de l’urgence sociale et son incapacité à résoudre la problématique du sans-abrisme montrent les limites d’une intervention publique et associative devenue répétitive. Malgré les promesses des candidats Lionel Jospin et Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles de 2002 et 2007, qui annonçaient l’objectif de « zéro SDF » en quelques années, les plans d’hébergement d’urgence continuent de se succéder pour répondre aux difficultés des personnes démunies et victimes des processus de précarisation généralisés. Comme le constate Pierre Vidal Naquet, l’urgence « ne garantit en rien l’amélioration des conditions de vie qui dépendent moins de la qualité des prestations proposées que de la place accordée dans la société aux personnes en grande difficulté28 ». Les politiques de l’urgence définissent cette place suivant un paradigme d’exception guidé par la raison humanitaire29. Elles se caractérisent par un écart par rapport aux politiques institutionnalisées et peuvent engendrer un impact négatif sur les droits des personnes qu’elles cherchent précisément à secourir. Les droits dans l’urgence sont tendanciellement définis à minima dans une pratique de d’aide sociale à deux vitesses.
23Déjà à son époque, Simmel démontrait que la prise en compte de la pauvreté relève d’un processus sociologique à la fois constructiviste et catégoriel30. Ainsi, les personnes sans-abri peuvent être appréhendées comme l’objet d’une politique publique au service d’un biopouvoir reposant sur une dimension morale31. Selon Stéphane Rullac, les dispositifs d’urgence sociale, bâtis sur une vision globalisante et misérabiliste des personnes sans-abri, offrent un service spécifique de maraude en rapport avec leur supposée culture de l’indigence extrême. En outre, la chronicisation des prises en charge en foyer d’hébergement d’urgence instaure une forme de régulation sociale qui conduit à institutionnaliser une souffrance constante des usagers. Quant à la stabilisation portée par le PARSA, elle a pour effet de substituer l’urgence à un temps infini qui ne permet pas davantage de se raccrocher aux passerelles vers le logement autonome. Pour résumer, en érigeant une réponse univoque à destination des sans-abri et une revendication morale en loi32 (un toit inconditionnellement pour tous), les politiques publiques condamnent les services d’urgence sociale à ne pouvoir répondre efficacement à la diversité des besoins d’un groupe hétérogène. Selon l’auteur, cette réponse consiste à nier l’existence de la culture de groupes qui s’organisent, en partie ou en totalité, de manière différente des normes d’habitat en vigueur. Il s’agit d’une vision ethnocentrique permettant de considérer le « SDF » comme sauvage plutôt que d’accepter la sauvagerie de notre société. En ce sens, les dispositifs d’urgence sociale relèvent d’une assistance normative. Ils visent à réintégrer les comportements déviants à la réalité du fonctionnement social dominant qu’ils menacent. Dans cette perspective, les dispositifs de maraudes sont parfois accusés de participer à une forme de nettoyage de l’espace public visant à soustraire les sans-abri à la vision du grand public.
24Ces analyses posent la question du refus d’hébergement régulièrement débattue publiquement33. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer le refus des sans-domicile à bénéficier d’une mise à l’abri : l’insécurité dans les foyers, la pathologie mentale, la volonté de ne pas côtoyer d’autres sans-abri, etc. Si, traditionnellement, les associations plaident pour la liberté de choix des personnes à la rue, les intervenants se voient confrontés à la question du risque létal pour la personne à la rue. « À quel moment la tolérance à un mode de vie différent et le refus d’imposer une norme sociale se retournent-ils en une faute éthique et juridique, celle de non-assistance à personne en danger34 ? » En observant le SAMU social de Paris, Édouard Gardella et Daniel Cefai rendent compte de la moralité coordonnée dans le travail de l’équipe mobile. Face aux situations complexes et difficiles, les intervenants discutent entre eux et prennent une décision En cas d’hésitations, ils « peuvent en dernier recours faire appel au SAMU médical » pour orienter la personne à l’hôpital35. Là aussi, les services hospitaliers d’urgences peuvent donc apparaître comme une solution palliative face aux difficultés rencontrées dans le cadre de l’urgence sociale. Toutefois, après avoir été orienté aux urgences, il arrive que la personne ressorte de l’hôpital sans solution d’hébergement.
Les allers-retours entre les urgences et la rue
La psychopathologie de la clochardisation
25Si les urgences sociales et médicales partagent une intention d’orientation vers des services permettant un suivi à plus long terme, toutes deux semblent fréquemment mises à mal dans leur vocation initiale, au cours de leur prise en charge des personnes sans-abri. Les professionnels du champ médical et social constatent des allers-retours cycliques entre les services d’urgence et la rue chez certaines personnes en situation de grande précarité.
26Pour comprendre la persistance de ces cycles morbides malgré la diversité des dispositifs d’insertion et de soins existants, quatre types d’explications peuvent être avancés.
27La première explication avancée est la lecture pathologique du phénomène de clochardisation. Les personnes sans-abri les plus marginalisées, victimes de leur structure psychique, se trouveraient dans l’incapacité d’accéder aux parcours d’insertion. Cet angle d’approche est notamment celui de Patrick Declerck, psychanalyste, ethnologue et intervenant auprès de Médecin du Monde, qui a suivi la population des clochards de Paris durant plus de quinze ans. Il s’intéresse à ceux qu’il appelle « les naufragés », à cette frange de la population sans-abri qui vit dans la rue de façon habituelle et installée. Pour Declerck, l’extrême désocialisation est une maladie du lien. Elle résulte d’une exclusion sociale, de polytraumatismes infantiles, d’une relation à la mère précocement très perturbée, d’une primauté du passage à l’acte sur la mentalisation et, dans l’immense majorité des cas, de conduites addictives à l’alcool ou aux produits psychotropes. Cette approche psychopathologique, est notamment étayée par les concepts de « forclusion anale » et de « souffrance-fond » qui caractérisent la structure psychique particulière des clochards. La clinique de la grande désocialisation conduit à imaginer une autre forclusion que génitale. Les troubles de la continence liés aux alcoolisations massives se traduisent d’un point de vue métaphorique par la saleté, la puanteur, la perte répétée des papiers d’identité et la perte des repères spatiotemporels. L’ensemble de ces phénomènes renvoient au registre anal de la construction précoce de la personnalité. Par ailleurs, la souffrance-fond qui accompagne le sujet, devient partie intégrante de son identité. Elle le place dans l’incapacité de prendre pleinement conscience de ses mécanismes de défense. L’aménagement chronique de sa propre désocialisation apparaît alors comme une solution instinctive pour éviter l’effondrement psychotique, le suicide ou le meurtre. Suivant cette analyse, la réinsertion n’est ni possible, ni accessible aux personnes marginalisées. La clochardisation est un exil dont on ne revient pas. Dans ce contexte, seuls les dispositifs d’urgence permettent une assistance minimale. Les dispositifs d’insertion apparaissent hors de portée des « naufragés ». Cette conviction repose d’abord sur un constat empirique de Declerck : en quinze ans, il n’a pas connu de cas de réinsertion.
28Si les pratiques thérapeutiques et sociales élaborées autour d’un objectif ultime de réinsertion échouent, c’est parce qu’elles sont totalement inadaptées aux besoins de cette population. Patrick Declerck repère trois étapes habituelles dans la prise en charge d’un sujet. La première est la période de « lune de miel » où soignant et soigné semblent avoir les mêmes objectifs (effectuer les démarches administratives pour permettre un accès aux droits de protection sociale, trouver un emploi, un logement, etc.). À cette phase, succède une période de mise à l’épreuve où le soignant attend du soigné qu’il montre de quoi il est capable, ce qui entraîne un enchaînement de comportements apragmatiques du soigné (rendez-vous manqués, rechutes, etc.) écrasé par l’angoisse de décevoir. Finalement, c’est le rejet du soigné par le soignant qui se produit car celui-ci déçoit et semble afficher la volonté de ne pas guérir. Au bout du compte, le patient se retrouve avec encore moins de confiance en lui et plus de méfiance vis-à-vis des professionnels impuissants à lui venir en aide. Ces éléments peuvent participer au maintien des cycles morbides entre les dispositifs d’urgences et la rue.
Le choix de la personne
29Une autre explication donnée par les professionnels est celle du choix délibéré de la personne sans-abri. Soignants et travailleurs sociaux constatent ainsi que le refus de soin et d’aide sociale est clairement revendiqué par certains usagers comme relevant de leur liberté individuelle. La question du choix est notamment évoquée dans les travaux d’Alexandre Vexliard36. Pionnier de l’étude psychosociologique des « clochards », il appréhende la trajectoire sociale de ces derniers comme une expérience de désocialisation, une situation d’abandon social se jouant en quatre phases essentielles.
30La première est une phase de rupture de l’individu avec son univers social. Déclenchée par un événement brutal tel qu’un deuil, un divorce, une infirmité, une perte d’emploi ou de position sociale, elle plonge l’individu dans le sans-abrisme. Ce dernier se rebelle et multiplie les tentatives pour maintenir ses modalités d’existence antérieure alors même que celles-ci continuent de se dissoudre. Cette phase est caractérisée par une forme d’agressivité et le fait que le sans-abri repousse ses compagnons d’infortune. La phase régressive ou de repli sur soi succède au premier stade. L’individu se familiarise avec ses nouvelles conditions de vie. L’espoir de s’en sortir demeure, mais les échecs répétés détruisent peu à peu la confiance et l’enthousiasme. Le sans-abri se déprécie et se sent responsable de ses échecs. Prenant conscience de la situation conflictuelle, il commence à admettre son nouveau statut. Mais face aux difficultés de sa nouvelle condition, il se prépare à réagir. La phase suivante est caractérisée par la résolution du conflit et la rupture avec le passé. L’individu commence à adopter les codes de conduite des sans-abri. Les moyens socialement admis pour subvenir à ses besoins ne lui sont plus accessibles et il commence à mendier. C’est aussi à ce stade qu’il commence généralement à boire, à supporter la réduction de tous ses besoins et à fréquenter d’autres sans-abri. Mais cette étape est aussi la plus aiguë de la crise conflictuelle. Si l’évolution s’achève à ce stade, la décision du suicide peut intervenir. Enfin, la dernière phase est celle de résignation. Elle se caractérise par une rationalisation et une valorisation de la situation manifestée par l’acceptation de sa situation. L’identité sociale du sans-abri se transforme, il affirme son choix et revendique sa liberté. Parvenu au dernier stade de la désocialisation, le clochard a renoncé à ses besoins et s’est accoutumé aux frustrations. Vexliard parle d’« un homme sans besoins, dans un univers sans valeurs37 ». Il est devenu aussi « un homme sans histoire » : « Dans la vie du clochard, en l’absence de buts, rien n’est important et il ne lui arrive rien d’important38. » Les travaux de Vexliard, à l’instar de ceux de Snow et Anderson39 démontrent que vivre dans la rue est une mise à l’épreuve des représentations de soi. Avec le temps, l’identité sociale de la personne se transforme et se modifie jusqu’à pouvoir revendiquer un style de vie et une sous-culture de la rue. Parvenu au dernier stade de sa désocialisation, le clochard peut exprimer avec fierté sa liberté pour liquider le conflit qui l’oppose à la société au cœur même de son histoire individuelle. Dans ces conditions, le recours aux dispositifs d’aides sociales ou de soin n’est pas désiré. Les contacts avec les soignants et les travailleurs sociaux sont essentiellement non participatifs et limités au champ de l’urgence, comme lorsque la personne est ramenée inconsciente par les pompiers à l’hôpital ou abordée par les maraudes chargées d’aller au-devant de toute demande.
L’impossible projection vers l’avenir
31Enfin, une dernière explication à la persistance de cycles morbides consiste à souligner la difficulté des personnes sans-abri à se projeter hors de l’urgence. Il n’est pas rare d’entre les professionnels évoquer la limitation des comportements des sans-abri à une action à courte vue, à une réponse à l’immédiat. Pour Lionel Thelen, « la temporalité du sans-abrisme baigne dans un présent continu, un temps annulé car, pour qu’il y ait impression de déroulement, une démarcation entre passé et avenir, faut-il encore avoir une fonction, une mission exigeant des impératifs, des investissements dans le futur. Or le sans-abri ne se voit concéder aucun rôle propre – sauf ceux qu’il s’auto-attribue – et est dépossédé de ceux qu’il pouvait avoir eu40 ». Cette analyse se rapproche de celle de Richard Hoggart. Lorsqu’il analyse « la culture du pauvre41 », il remarque que les populations les plus démunies sont forcées à vivre au jour le jour. Du fait de leur manque de moyens matériel et financier, elles se trouvent dans l’incapacité d’envisager un avenir à plus longue échéance. En termes de recours aux soins et à l’aide sociale, ce rapport au temps serait un obstacle à la mise en œuvre d’une attitude préventive et peut expliquer un recours tardif aux services sociaux et médicaux.
32Ces difficultés se posent encore avec plus d’acuité pour les personnes sans-abri, tant le lien entre le temps et l’habitat apparaît essentiel. L’acte d’habiter se réfère à une forme de permanence et de continuité, via la dimension matérielle d’une demeure, d’un logement. Le bâti, le domicile, apportent dès lors une certaine stabilité, en réponse à la précarité de la vie humaine. Il constitue en ce sens, un « artifice humain », entendu au sens d’Anna Arendt : sa fonction est « d’offrir aux mortels un séjour plus durable et plus stable qu’eux-mêmes… Si nous n’étions pas installés au milieu d’objets qui par leur durée peuvent servir et permettre d’édifier un monde dont la permanence s’impose à la vie, cette vie ne serait pas humaine42 ». L’interdépendance entre l’habitat et l’identité humaine repose ainsi sur le socle du temps. Pour Levinas, le « recueillement » dans la demeure représente la condition première de l’intériorité et « ouvre la dimension du temps43 ». L’habitat, établit encore Heidegger, permet de « ménager » son être propre et offre la possibilité symbolique d’ajourner l’échéance de la mort44. Par la permanence de sa matérialité, la demeure permet à l’homme de se soustraire aux changements permanents du monde moderne caractérisé par l’accélération temporelle. Elle permet d’opposer à l’incertitude de l’avenir, une gestion plus sereine du présent. Dépourvu de cette possibilité, l’individu sans-abri peut se trouver condamner à errer dans une forme d’urgence et d’immédiateté permanente.
33Il n’est pas question ici de stigmatiser les personnes en situation de précarité, ni de préjuger, de façon déterministe d’une incapacité d’action et de projection. D’ailleurs l’anthropologue Claudia Girola45, qui travaille sur le récit de vie des personnes sans-abri et la reconnaissance de leur identité positive démontrent bien qu’ils ne sont pas « hors du temps ». Ils ont un passé, une histoire familiale, un rapport à l’avenir. Girola s’érige contre le fait que les travailleurs sociaux préjugent souvent d’une perte de repère spatio-temporelle des sans-abri, sans envisager suffisamment, que le non-respect des rendez-vous (par exemple) peut constituer un jeu de lutte avec les institutions qui les accompagnent. Mais il existe bel et bien des rapports entre les dimensions d’instabilité et d’incertitude liées aux situations de précarité et les difficultés du rapport à l’avenir qu’elles engendrent. Ces éléments ont déjà été soulignés par un certain nombre de travaux. Ainsi, la définition de Joseph Wresinski stipule que la précarité « compromet gravement les chances de réassumer ses responsabilités par soi-même dans un avenir prévisible46 ». Pierre Bourdieu souligne qu’elle « affecte profondément celui ou celle qui la subit, en rendant tout l’avenir incertain, elle interdit toute anticipation rationnelle47 ». Enfin, Serge Paugam48 démontre que les situations de précarité, par la privation d’avenir qu’elles représentent, sont sources de souffrance pour ceux qui y sont confrontés et peuvent engendrer de l’anxiété et une dévalorisation de soi. Alors que nous sommes passés d’un « état social » à un « état social actif », qui tend à conditionner l’attribution des prestations à la nécessité de la participation projective de l’usager49, l’assistance des individus qui ne disposent pas de telles capacités d’action ou de projection semble de plus en plus remise en question. Voilà pourquoi les services d’urgences, qui s’inscrivent dans une réponse aux besoins immédiats, peuvent faire figure de seul refuge à tous ceux qui connaissent un rapport à l’avenir sévèrement compromis.
La disqualification sociale et la stigmatisation
34Une dernière explication souligne les processus de « disqualification sociale » et de stigmatisation d’après les concepts respectivement élaboré par Serge Paugam50 et Erving Goffman51. Cette analyse insiste sur le discrédit de ceux dont on peut dire qu’ils ne participent pas pleinement à la vie sociale. La disqualification concerne les personnes pauvres, dépendantes à l’égard des services sociaux et des services de soins52. Cette dépendance modifie à la fois l’identité de l’individu et les formes de sa reconnaissance sociale. Les plus pauvres se voient assigner à une carrière spécifique qui altère leur biographie préalable et devient un stigmate marquant l’ensemble de leurs rapports avec autrui. Serge Paugam et Erving Goffman insistent sur le caractère interactif des processus de disqualification et de stigmatisation. De ce point de vue, les institutions sociales et de santé participent à la stigmatisation des personnes les plus démunies. Elles les relèguent sur les itinéraires de la précarité et les disqualifient. Le patient ou l’usager est d’abord défini par son statut négatif de sans-abri. Par ailleurs, l’ethnocentrisme véhiculé par les soignants et les travailleurs sociaux53, contribue à rattacher à ce stigmate les représentations de « mauvais malade » et de « mauvais pauvres ». Ces catégories trahissent l’interprétation du mode de vie des sans-abri en fonction des valeurs des professionnels chargés de leur venir en aide. Elles entravent fortement l’accès aux dispositifs de soin et d’insertion. En somme, plutôt qu’une conséquence d’un comportement spécifique des personnes sans-abri, les cycles morbides reliant les urgences à la rue peuvent être appréhendés comme une forme d’exclusion produite par le système lui-même et par ses acteurs. Dans un contexte où l’insuffisance de places au sein des services sanitaires et sociaux ne permet pas de répondre positivement à l’ensemble des demandes d’admissions, les personnes sont placées en compétition et la représentation sociale négative des sans-abri joue clairement en leur défaveur. En conséquence, les dispositifs d’urgence, qui minimisent leurs critères de sélection et qui se veulent accessibles à tout un chacun, se trouvent chargés de l’accueil des personnes les plus disqualifiées et stigmatisées.
Le housing first : sortir de l’urgence et limiter les hospitalisations itératives
La remise en cause des systèmes de paliers
35Pour sortir de ces allers-retours entre les urgences et la rue, le housing first propose une alternative innovante. Développé à New York en 1992, par le psychologue clinicien Sam Tsemberis, le modèle pionnier, baptisé Pathways to housing (les chemins vers le logement), est une organisation sans but lucratif dont l’objectif est de venir en aide aux personnes sans-abri qui cumulent la maladie mentale et les conduites addictives. Il s’agit d’attribuer à ces personnes un logement permanent avec un accompagnement médico-social intensif, flexible, individualisé et pluridisciplinaire pour leur permettre de se stabiliser dans cet habitat. Les conditions d’inscription dans le programme Pathways to Housing ne comptent qu’une exigence. Le bénéficiaire doit accepter de s’inscrire dans un programme de gestion budgétaire avec le personnel, en vertu duquel 30 % de son revenu est consacré au logement. Les participants au programme ont accès à une prise en charge globale par une équipe ACT (Assertive Community Treatment) pluridisciplinaire (experts, spécialistes de toxicomanie, infirmiers, psychiatres, travailleurs sociaux, spécialistes de l’emploi). Cet accompagnement est mobile, disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. L’utilisation du service se fait sur une base volontaire, mais le locataire est encouragé à rencontrer l’équipe une fois par semaine.
36Le housing first remet en cause les modèles d’accès au logement par paliers en vigueur dans de nombreux pays européens. Il permet de renverser ces principes classiques de l’action sociale organisés autour d’une évaluation de la « capacité à habiter » et d’un impératif curatif exigé pour l’accès au logement autonome. En France, le modèle d’accès progressif au logement est profondément ancré dans les approches politiques et dans l’organisation de nombreux services d’aide aux personnes sans-abri. Les théories et les valeurs sous-jacentes de ce modèle conduisent les bénéficiaires à devoir se montrer « prêts au logement ». Les placements transitoires en hébergement visent la stabilisation et l’apprentissage de la personne. Le changement individuel est requis au cours des différentes prises en charge (ouverture et maintien des droits sociaux, bonne observance thérapeutique, sevrage, etc). Ces exigences préalables sont souvent opposées, de façon plus ou moins explicite, à l’accès aux différents paliers qui conduisent vers le logement autonome. A contrario, le housing first repose sur l’idée d’une priorité donnée au logement pour les personnes sans-abri (même si elles abusent d’alcool ou de substances) au principe que le logement est un droit fondamental. Ses principes sont les suivants54 : le respect, le contact chaleureux et la compassion sont offerts à tous les bénéficiaires du programme ; les professionnels s’engagent à travailler avec les bénéficiaires aussi longtemps qu’ils en ont besoin ; une solution d’habitat est offerte au sein d’appartements éclatés en milieu ordinaire ; l’attribution du logement et de services d’accompagnement sont indépendants l’un de l’autre ; le choix des consommateurs de produits est respecté ; enfin le programme vise le rétablissement et la réduction des préjudices sociaux et sanitaires.
37Suite au succès du premier projet américain55, plusieurs programmes axés sur le logement ont été mis en place sous le nom de housing first. Le terme est devenu plus ambigu56 puisqu’il est désormais utilisé pour décrire une variété de projets hétéroclites qui transforment, dans de plus ou moins grandes mesures, les principes de base du modèle pionnier57. Toutefois, la règle fondamentale, reste celle de l’attribution immédiate d’un logement pérenne aux personnes sans-abri, quelques soient leurs problématiques de santé mentale ou de conduites addictives.
Expériences étrangères
38Aux États-Unis, entre 2005 et 2007, les programmes d’accompagnement des personnes psychotiques basés sur l’accès au logement et sur un modèle de santé communautaire ont permis de réduire non seulement les recours aux urgences hospitalières mais aussi les incarcérations58. Ces programmes s’avèrent rentables au niveau macro-économique et présentent un rapport coût-efficacité supérieur aux solutions classiques. Au Canada, le gouvernement a pris les mêmes orientations en faisant passer les personnes sans domicile directement des refuges dans un logement permanent. En février 2005, le programme Streets to Homes (De la rue à un logement) est lancé à Toronto puis dans un second temps une expérimentation du programme housing first intitulé At home (Chez soi) est déployé sur 5 sites (Moncton, Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver).
39En Europe, un premier programme expérimental de housing first auquel ont pris part dix États-membres s’est déroulé entre août 2011 et juillet 2013. Ses résultats finaux ont été publiés sous la forme de rapports d’évaluations individuels et d’un rapport global59 rédigé par le sociologue allemand Dr Volker Busch-Geertsema. Financé par la direction générale de l’Emploi de la Commission européenne, le programme comportait deux branches : l’expérimentation de l’accès direct à un logement individuel et pérenne de personnes sans-abri cumulant un ensemble de problématiques sociales complexes (troubles psychiques, addictions, parcours à la rue parfois très long, etc.) d’une part, et une stratégie de mutualisation d’expériences entre nations d’autre part. Les sites pilotes d’Amsterdam, de Copenhague, de Budapest, de Glasgow et de Lisbonne, ont mis en place des dispositifs innovants inspirés des principes mis au point par le Dr Sam Tsemberis. Le rapport d’évaluation démontre l’efficacité des dispositifs d’accès au logement sans pré-requis d’insertion. Dans les cinq sites pilotes évalués, en dépit de contextes socio-économiques, de modèles de prises en charge et de situations du mal-logement extrêmement hétéroclites, la recherche révèle des taux de maintien dans le logement ainsi que des taux de satisfaction des usagers très importants. Le taux de maintien atteint 97,2 % à Amsterdam, 93,9 % à Copenhague, 92,9 % à Glasgow et 79,4 % à Lisbonne. Seul le site de Budapest enregistre un taux de maintien de moins de 50 %. Mais c’est aussi précisément le site qui s’est le plus écarté des principes de housing first en n’offrant qu’un accompagnement social peu intensif, de courte durée et un logement temporaire.
40Quatre profils-types de parcours des bénéficiaires ont été identifiés dans chacun des sites pilote, excepté Budapest. Un premier groupe, qui représente la majorité des bénéficiaires, connaît un changement positif avec une diminution des préjudices liés à la vie à la rue et à la consommation de produits ; un second groupe connaît des expériences fluctuantes (des « hauts et des bas »), un autre groupe manifeste relativement peu de changements observables ; enfin, un dernier groupe, minoritaire, voit sa situation se détériorer ou ne réussit pas à se maintenir dans le logement et retourne à la rue. De manière générale, le soutien apporté aux résidents est important au cours de la période d’admission, puis diminue après un certain temps60. La temporalité de l’accompagnement suit souvent une évolution progressive. Après une période d’adaptation au logement, d’appropriation du lieu et de régularisation des démarches administratives, vient le temps de l’accès aux soins. C’est alors l’occasion d’entamer un projet thérapeutique pour tenter de sevrer les conduites addictives, d’améliorer la santé mentale et physique. Vient ensuite le temps où les personnes expriment certains besoins sociaux, tel que le besoin de surmonter l’isolement social et de trouver quelque chose d’utile à faire. Ces différentes étapes démontrent tout l’intérêt d’inscrire un accompagnement social et de soin dans le temps.
41Le rapport précité61 constate que le logement diffus produit généralement de meilleurs résultats en termes d’insertion que les formules de logement communautaire. Il permet une inscription dans un environnement social ordinaire et sur un territoire. D’un point de vue financier, les bénéfices du programme européen sont difficilement évaluables. La différence de coût des charges salariales et des systèmes de protection sociale propre à chaque pays entrave la possibilité d’une évaluation internationale comparative. En outre, les différents sites ne possèdent que peu de données sur l’utilisation des services coûteux (prison, hôpital) par les bénéficiaires dans l’année précédant leur admission au sein du programme. Toutefois, le site de Lisbonne est parvenu à démontrer l’existence d’une diminution drastique du nombre d’hospitalisations psychiatriques de leurs bénéficiaires. Alors que 58 % des participants au programme ont été admis dans un hôpital psychiatrique au moins une fois au cours de l’année avant de rejoindre le projet, seuls 6 % d’entre eux ont été hospitalisés au cours de leur prise en charge dans le projet.
Une expérience locale
42Dans la ville où se situe l’hôpital Grand-Est, le projet de création d’une structure d’hébergement expérimentale fonctionnant sur la base des principes du housing first, s’est mis en place à partir des constats des services sociaux, des pompiers et de la police municipale. Ces services se sont interrogés face aux recours itératifs de quelques personnes vivant à la rue de longue date et connaissant un état de santé dégradé. L’argumentaire du projet a permis de mettre en avant les difficultés majeures rencontrées par les bénéficiaires et par les professionnels, ainsi que les coûts des prises en charge itératives et ponctuelles. Pour ce faire, le profil de cinq personnes susceptibles de pouvoir intégrer une structure d’hébergement à destination de personnes vieillissantes à la rue a été repéré par le groupe de travail mis en place au sein de la plate-forme santé-précarité de l’ARS. Monsieur V. est l’une d’entre elle.
« Monsieur V. a un parcours fait d’errance, de périodes d’incarcération, de vie dans la rue…
Âgé de 58 ans, il est divorcé. Il est le père de quatre enfants dont il n’a pas la garde.
Il est bénéficiaire de l’AAH.
Monsieur V. rencontre des problématiques santés importantes (conduites addictives à l’alcool) qui occasionnent des passages réguliers par les services hospitaliers.
Il a des difficultés à s’inscrire dans un accompagnement ; différentes tentatives ont été faites. Il n’adhère à aucun projet d’hébergement.
Il a pour référente une assistante sociale de la ville. Il est suivi par l’équipe médico-sociale de rue de la ville et par l’infirmière du centre d’hébergement où il vient régulièrement dormir. »
43Dans l’année précédant la création de la structure, les cinq personnes repérées par le groupe de travail ont comptabilisées à elles seules, 511 journées d’hospitalisation à l’hôpital Grand-Est (majoritairement en service d’urgences)62, ainsi que 30 interventions de la police municipale, soit un total de 60 heures fonctionnaires à bord d’un véhicule occupé pendant la même durée. Suite à l’ouverture de la structure, les professionnels ont observé une nette diminution du recours aux services d’hospitalisation, de secours et de sécurité, pour la majorité des résidents, sans toutefois pouvoir établir de statistiques représentatives. Dans la petite structure qui compte quinze places, seule une minorité de personnes semble maintenir un mode de vie proche de celui qu’elles entretenaient lorsqu’elles étaient sans-abri (mendicité, alcoolisation, errance et désinvestissement du logement, etc.).
Accompagner dans le temps et lever le stigmate
44Ces approches novatrices questionnent la pertinence des interventions sociales ou sanitaires en urgence à destination des sans-abri. Elles démontrent combien les dispositifs d’accompagnement et de logement pérenne peuvent permettre aux personnes en situation de grande précarité de s’inscrire dans le temps et de se ré-affilier socialement. L’accompagnement proposé se veut adapté aux besoins de chaque personne, et ce, sans obligation de traitement, ni limite temporelle. Le housing first apporte une stabilité et une sécurité qui offrent au bénéficiaire l’occasion de retrouver de meilleures conditions de vie. Cette approche permet de court-circuiter les temporalités contemporaines soumises à la dictature de l’urgence. Elle rassemble dans un espace-temps l’accès à une capacité à habiter. Elle met à disposition de la personne une équipe pluridisciplinaire qui s’engage à travailler en fonction de ses demandes aussi longtemps qu’elle le souhaite. Ces nouvelles pratiques professionnelles peuvent déjouer les écueils liés à la multiplicité des temps d’intervention discordants et « déchronologiques ». Il s’agit de laisser le temps à la personne de définir son propre rythme de vie sociale et de (re)construire son parcours. L’évolution progressive des personnes accueillies, qui ont tendance à traverser plusieurs étapes successives (d’adaptation au logement, puis de soin et enfin d’expression de besoins et de projet sociaux) démontre combien la durée de la prise en charge est nécessaire pour voir enfin émerger « la demande » si chère à certains professionnels.
45Le housing first suit un principe de réduction des risques et d’intégration au sein de la communauté. Cette nouvelle posture permet de renverser les valeurs sous-jacentes de l’accès au logement par paliers. Les fondements moraux des approches progressives visent à transformer l’individu en « bon patient », en « bon usager ». A contrario, le housing first conduit à accepter la personne pour ce qu’elle est, avec ses problématiques (d’errance, de conduites addictives, etc.) ou ses difficultés. Les personnes sans-abri sont d’emblée considérées comme capables de vivre dans un logement autonome, pour autant qu’un accompagnement adapté soit proposé. Il s’agit de lever le stigmate, de reconnaître que la personne est un citoyen à part entière et n’a pas à faire preuve de ses compétences pour bénéficier d’une prestation d’aide ou de soin. Il n’appartient plus au malade de prouver sa bonne conduite. Ce positionnement s’oppose fondamentalement aux processus de sélection des personnes observés à la sortie des dispositifs d’urgence sociale et d’urgence médicale.
46D’un point de vue financier, le housing first semble pouvoir offrir une alternative aux coûts exorbitants des aller-retours répétés entre les services d’urgences et la rue. Toutefois, sur le plan hospitalier, le soin de la précarité réfère à des enjeux financiers et managériaux plus complexes.
Notes de bas de page
1 Rullac S., Le Péril SDF : Assister et punir, Paris, L’Harmattan, 2008 ; Gardella É. et Le Méner E., « Les SDF victimes du “nettoyage” des espaces publics ? », in N. Hossard et M. Jarvin (dir.), « C’est ma ville ! » De l’appropriation et du détournement de l’espace public, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 71-81.
2 Girard V., Estecahandy P. et Chauvin P., La santé des sans-chez-soi, op. cit.
3 Peneff J., Les malades des urgences, op. cit., p. 19.
4 Ibid., p. 24.
5 ARS, PRS-PSRS : État des lieux, op. cit., p. 164.
6 Cefai D. et Gardella É., L’urgence sociale en action, op. cit., p. 29.
7 Circulaire DHOS/O2/DGS/6C/DGAS/1A/1B no 2005-521 du 23 novembre 2005 relative à la prise en charge des besoins en santé mentale des personnes en situation de précarité et d’exclusion et à la mise en œuvre d’équipes mobiles spécialisées en psychiatrie.
8 Jaureguiberry F., « Télécommunications et généralisation de l’urgence », art. cité, p. 83.
9 Emmanuelli X. et Frémontier C., La fracture sociale, Paris, Presses universitaires de France, 2002, p. 82.
10 Circulaire DHOS/O2/DGS/6C/DGAS/1A/1B no 2005-521 du 23 novembre 2005 relative à la prise en charge des besoins en santé mentale des personnes en situation de précarité et d’exclusion et à la mise en œuvre d’équipes mobiles spécialisées en psychiatrie.
11 Maslow A., Motivation and Personality, New York, Harper and Row, 1954 ou Maslow A., « A Theory of Human Motivation », Psychological Review, vol. 50, 1943, p. 370-396.
12 Deliege D. et Leroy X., Humanisons les hôpitaux, Paris, Maloine, 1978, p. 30 qui citent, pour son application possible à l’hôpital et à la relation de soin, la pyramide élaborée à partir des travaux d’Abraham Maslow.
13 Cefai D. et Gardella É., L’urgence sociale en action, op. cit., p. 314-331.
14 Ibid., p. 315.
15 Ibid., p. 315.
16 Concernant le manque de reconnaissance des métiers de rue, voir notamment : Maurel E., « Observer les emplois et les qualifications de l’intervention sociale », Recherches et prévisions, vol. 54, décembre 1998, p. 35-49.
17 Charte d’Ottawa, 1986.
18 Voir par exemple à ce sujet : Pellissier J., « Réflexions sur les philosophies de soins », Gérontologie et société, vol. 118, 2006, p. 37-54.
19 FNARS, La veille sociale face à l’urgence, Paris, ESF éditions, 2001, p. 95-96 ; Bouquet B., « L’urgence incontournable », art. cité.
20 Damon J., La question SDF, op. cit., p. 26-35.
21 FNARS, Rapport annuel du 115 : Année 2012, p. 12.
22 Ibid., p. 5.
23 Ibid., p. 16.
24 Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable, Droit au logement : rappel à la loi, 6e rapport, Paris, La Documentation française, novembre 2012, p. 19.
25 L’article R345-1 du Code de l’action sociale et des familles précise que les catégories de publics accueillis par les CHRS sont définies par convention entre l’État et chaque CHRS.
26 Michalot T., « L’insertion sociale, un droit sous conditions : L’exemple des CHRS en France », Nouvelles pratiques sociales, vol. 22, 2010, p. 99-113.
27 Vidal-Naquet P., « Le paradoxe de l’urgence sociale », Revue Projet, vol. 284, 2005, p. 10-17.
28 Ibid., p. 16.
29 Fassin D., La raison humanitaire, op. cit.
30 Simmel G., Les pauvres, Paris, Presses universitaires de France, 1998 (1908).
31 Rullac S., « Le misérabilisme dans l’action sociale : Un racisme d’État contemporain ? L’exemple de la prise en charge des SDF depuis 1992 », Nouvelles pratiques sociales, vol. 22, 2010, p. 176-185.
32 Loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
33 Un important débat public à ce sujet a eu lieu en novembre 2008, alors que le président Nicolas Sarkozy proposait de contraindre les personnes sans-abri à rejoindre les foyers d’hébergement d’urgence lors des nuits de grand froid. Les associations intervenant auprès des sans-abri ont contesté ce projet en mettant en avant le respect de la volonté des personnes et en désavouant la faisabilité d’une telle mesure qui appellerait à transformer les lieux d’hébergement en lieux de détention.
34 Cefai D. et Gardella É., L’urgence sociale en action, op. cit., p. 257.
35 Ibid., p. 268.
36 Vexliard A., Le clochard : Étude de psychologie sociale, Paris, Desclée de Brouwer, 1957, p. 241-245.
37 Vexliard A., « Les clochards : Le “seuil” de résistance à la désocialisation », L’évolution psychiatrique, vol. 1, 1951, p. 150.
38 Vexliard A., « Le clochard : Un homme sans histoire », L’évolution psychiatrique, vol. 3, 1952, p. 509.
39 Snow D. A. et Anderson L., Down on their Luck : A Study of Homeless Street People, University of California Press, 1993.
40 Thelen L., L’exil de soi : Sans-abri d’ici et d’ailleurs, Saint-Louis, Publication des facultés universitaires de Saint-Louis, 2006, p. 226.
41 Hoggart R., La Culture du pauvre : Étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Les éditions de Minuit, 1970 (1957).
42 Arendt A., Condition de l’homme moderne, Paris, Pocket Agora, 1983 (1958), p. 187-188.
43 Levinas E., Totalité et infini : Essai sur l’extériorité, Paris, Le Livre de Poche, 1996 (1961), p. 169.
44 Heidegger M., « Bâtir, habiter, penser », in Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1995 (1951), p. 178.
45 Girola C., Vivre sans abri : De la mémoire des lieux à l’affirmation de soi, Paris, Rue d’Ulm, 2011.
46 Wresinski J., Grande pauvreté et précarité économique et sociale…, op. cit.
47 Bourdieu P., « La précarité est aujourd’hui partout », art. cité, p. 102.
48 Paugam S., Le salarié de la précarité, Paris, Presses universitaires de France, 2000.
49 Soulet M. H., « La reconnaissance du travail social palliatif », Dépendances, vol. 33, 2007, p. 14-18.
50 Paugam S., La disqualification sociale : Essai sur la nouvelle pauvreté, Paris, Presses universitaires de France, 1991.
51 Goffman E., Stigmate : Les usages sociaux du handicap, Paris, Les éditions de Minuit, 1975 (1963).
52 Parizot I., Soigner les exclus, op. cit.
53 Voir notamment : Benoît Y., Les sans-logis face à l’ethnocentrisme médical…, op. cit. et Rullac S., Et si les SDF n’étaient pas des exclus ?, op. cit.
54 Busch-Geertsema V., Housing first Europe : Final Report, Bruxelles, European Union Programme for Employment and Social Solidarity – PROGRESS, 2013, p. 4.
55 Tsemberis S., Housing first : The Pathways Model to end Homelessness for People with mental Illness and Addiction, Dartmouth PRC, Hazelden, 2010.
56 Pleace N., Exploring the Potencial of the housing first Model, Center for Housing Policy, University of York, 2010.
57 Certains projets fournissent par exemple des logements concentrés sur un même site, alors que le programme Pathways to Housing insiste sur l’utilisation de logements dispersés comme facteur essentiel de l’intégration sociale et du bien-être psychologique des résidents.
58 Girard V., Estecahandy P. et Chauvin P., La santé des personnes sans chez soi, op. cit., p. 149.
59 Busch-Geertsema V., Housing first Europe : Final Report, op. cit.
60 Ibid., p. 7.
61 Ibid.
62 À titre indicatif en 2007, année de rédaction du projet, le coût moyen d’une journée d’hospitalisation était de 1093,80 € en service de médecine, et de 1255,90 € en service de chirurgie.
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