9. Février 2012 et l’élargissement de l’Union européenne à la Serbie
Coups imbriqués et connexions d’enjeux
p. 197-215
Texte intégral
“As you all know, we have had a short agenda but with very substantial issues : Serbia and the European Council preparation. On Serbia, it will be no secret to anyone that the negotiations have been both difficult and tough today.”
Nicolai Wammen, ministre des Affaires européenne du Danemark, président en exercice du Conseil des ministres « Affaires Générales » de l’Union européenne, conférence de presse, Bruxelles, 28/02/2012
1Le 28 février 2012, les ministres des Affaires étrangères et européennes sont réunis à Bruxelles en Conseil « Affaires Générales » (CAG), avec seulement deux points ouverts à l’agenda : la préparation du Conseil européen du 1er mars et l’octroi à la Serbie du statut de candidat à l’entrée dans l’Union européenne. L’élargissement à la Serbie est en discussion depuis des mois, des années ; depuis la fin des guerres yougoslaves et le sommet européen de Thessalonique où, en 2003, les États des Balkans ont été reconnus comme candidats potentiels à l’adhésion ; depuis le partenariat européen pour la Serbie adopté en 2008 et la candidature officielle déposée en 2009 ; depuis la négociation et l’adoption pour la Serbie d’un Accord de Stabilisation et d’Association, antichambre de l’adhésion.
2L’octroi du statut de candidat, finalisé en CAG le 28 février 2012, n’est donc qu’une étape dans un dense processus, qui, au fil des élargissements successifs, s’est largement routinisé. Pour autant, l’obtention de ce statut n’est pas une simple formalité. La décision, presque prise en décembre 2011, avait été repoussée de trois mois, au Conseil européen suivant. Les dirigeants allemands en particulier, « sur une position extrêmement dure qu’ils n’ont pas eue à l’égard de tous les pays candidats1 », exigeaient de la Serbie qu’elle progresse d’avantage dans l’amélioration de ses relations avec le Kosovo2.
3Depuis près de dix ans, l’élargissement de l’UE à la Serbie était intimement connecté au statut du Kosovo et à l’évolution des relations entre les autorités de Belgrade et de Priština. Le lien complexe et contesté entre ces deux enjeux ne sera pas l’objet central de notre propos. Début 2012, la pression des Allemands, des Néerlandais et des Britanniques venait de faire effet. À quelques jours du CAG, le 24 février, les représentants serbes et kosovars étaient parvenus à un accord qualifié d’historique sur la représentation régionale du Kosovo3.
4La voie semblait donc dégagée pour l’octroi du statut de candidat et les dirigeants européens affichaient leur optimisme. Geste fort, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, venait de se rendre à Belgrade pour affirmer son souhait de voir la Serbie devenir officiellement candidate (« I think it will happen. Germany is very determined for that to happen4 »). Et pour appuyer cette dynamique, les ministres autrichien, français et italien adressaient une lettre à la Haute représentante pour la politique étrangère, Catherine Ashton, appelant à l’octroi du statut de candidat à la Serbie et déclarant que le pays avait rempli toutes les conditions nécessaires pour l’obtenir. La Serbie recevait également le soutien public des autorités espagnoles5 et bénéficiait d’un rapport favorable de la Commission européenne. Confiant, Borislav Stefanović, principal négociateur serbe déclarait :
« It is clear now that all the criteria set by the European Council for Serbia to get the EU candidate status have been fulfilled6. »
5ce que confirmait Carl Bilt, ministre suédois des Affaires étrangères7. À la fin de la première journée du CAG, le 27 février, le ministre français, Alain Juppé, avait même déclaré : « il y a eu un accord aujourd’hui8 ».
6Et pourtant… Le lendemain, à l’issue de la réunion ministérielle du 28 février 2012, l’étape n’est pas franchie. Les ministres parviennent seulement à recommander au Conseil européen de mars qu’il accorde le statut de candidat à la Serbie9. Le round de négociations se poursuit, au moins pour quelques jours.
7Pour de nombreux acteurs et observateurs, ce blocage de dernière minute est une surprise :
« despite expectations that the debate on Serbia’s candidacy for EU membership would be short, it was prolonged due to Romania’s strong position10 ».
8C’est donc la Roumanie, pourtant alliée traditionnelle des Serbes dans le processus d’élargissement, qui semble avoir bloqué (ou au moins freiné) le processus.
« The Romanian delegation unexpectedly refused to sign the agreement11. »« Dans la journée, mardi 28 février, une question jusqu’à présent ignorée et soulevée par la Roumanie a toutefois laissé craindre un nouvel échec pour Belgrade dans ses relations avec l’UE, après celui de décembre. Bucarest a inopinément posé de nouvelles conditions, inquiète du maintien des droits dont bénéficie la minorité Valaque (30000 personnes) en Serbie, considérée en partie comme roumaine12. »
9La manœuvre roumaine du 28 février peut être appréhendée comme un coup : la mobilisation de ressources (une voix au Conseil des ministres de l’Union européenne dans un processus décisionnel sous contrainte d’unanimité) dans une ligne d’action (obtenir de la Serbie de nouvelles concessions en faveur de la minorité roumaine Valaque). Ce coup est un engagement conditionnel (si nous n’obtenons pas satisfaction pour la minorité Valaque, nous refusons l’octroi du statut de candidat à la Serbie) qui opère une connexion entre un enjeu multilatéral européen (l’élargissement) et un enjeu bilatéral serbo-roumain (le statut d’une minorité ethno-nationale).
Négociations et connexions d’enjeux
10Les connexions d’enjeux (issue-linkage) sont une pratique courante des négociations internationales multilatérales13. Dès lors qu’elles s’insèrent dans des stratégies de revendication de valeur (en vue de capter une partie de la valeur produite par la négociation), ces connexions gagnent à être pensées comme des coups, au sens où l’entend Michel Dobry lorsqu’il articule l’activité tactique des protagonistes d’une mobilisation aux propriétés structurelles des espaces sociaux dans lesquels ils opèrent14. Pour essayer de comprendre et d’expliquer pourquoi certaines connexions « marchent » ou « ne marchent pas », il est particulièrement utile de saisir ensemble les paramètres et les effets structurels des flux stratégiques.
11Parce que la négociation est un processus, elle est toujours fondamentalement appréhendée par la littérature scientifique sous un angle stratégique. L’enjeu analytique est et demeure l’explication d’une succession d’interactions15. Les étiquettes et les variations terminologiques (analyse décisionnelle, structurelle, processuelle, culturelle, institutionnelle, cognitive, multi-niveaux…) informent en réalité d’abord d’une diversité d’interprétation des raisons et des modalités d’interaction16. Les engagements (ou les renonciations) sont ainsi étudiés au regard des anticipations tactiques, des rapports de forces, des séquences d’action, des spécificités culturelles (trop souvent réduites à des propriétés nationales), des contraintes institutionnelles, des modalités psychiques de traitement de l’information (raccourcis cognitifs, analogies…).
12En focalisant, in fine, l’attention sur les interactions, la littérature sur la négociation internationale est ainsi tendanciellement polarisée (explicitement ou non) par les flux stratégiques et néglige ce qu’elle a parfois approximativement saisi de structurel dans cette activité. Lorsqu’ils sont présents, les paramètres structurels sont à la fois trop souvent réduits à la distribution des capacités, aux rapports de force ou de puissance et trop vite délaissés par le retour du refoulé stratégique17. Les éléments structuraux sont alors souvent réduits à des propriétés antérieures et extérieures à la négociation18, ce dont témoignent, par exemple, les analyses centrées sur les négociations à motifs mixtes19 ou sur le dilemme du négociateur20, analyses par ailleurs extrêmement fécondes.
13La sociologie des coups, en déplaçant le regard vers les conditions d’émergence, de possibilité d’un mouvement et vers ses effets structurels, permet de combiner les perceptions des acteurs, leurs calculs et leur rapport au risque, à des éléments de structure (sectorisation des activités, distribution et valeur des ressources…) qui peuvent également fluctuer dans les cours d’actions. L’approche en termes de sociologie des coups permet de tenir ensemble les paramètres stratégiques et structurels et de penser ainsi l’épaisseur relationnelle de chaque mouvement.
14L’impact d’une connexion d’enjeu n’est en aucun cas lié à des caractéristiques qui seraient spécifiques à ce « type » de coups. Ses effets sont radicalement variables. Certaines connexions bloquent ou débloquent une négociation. Certaines créent ou détruisent de la valeur. Mais comme nous le verrons également, ces coups peuvent avoir des effets même si les connexions échouent (ce qui montre au passage le gain analytique à penser l’effet des coups plutôt que l’effet des connexions).
15La condition de possibilité d’un coup est liée à la disponibilité de ressources. La connexion n’est pas un coup si elle est seulement formulée par un acteur dénué de capacité à intervenir dans le jeu (par exemple une opinion exprimée dans la presse, sur un blog, ou twittée, mais sans appui et sans relai à la table des négociations). La connexion comme coup est structurellement située et tributaire de l’opérationnalité et de la valeur relative des ressources engagées. L’impact du coup (sa perception, sa portée, les réactions) dépend de l’arène, de ses logiques sociales spécifiques (institutionnelles, temporelles, etc.), de sa surface sectorielle (ou plurisectorielle), de la configuration des rapports de force, de la dynamique antérieure des échanges de coups (qui informent non seulement de l’état de la négociation mais aussi d’autres négociations potentiellement – ou non – connectables). Et dans ces jeux européens, les changements de table (de celle des conseillers à celle des ambassadeurs, des ministres, ou des chefs d’États et de gouvernements) peuvent avoir d’importants effets sur la dynamique de la négociation.
16L’élargissement de l’Union européenne à la Serbie est l’objet de discussions entre les délégations des États membres dans de nombreuses arènes institutionnelles du Conseil (Western Balkans Committee (COWEB), Comité élargissement (COELA), Comité des Représentants permanents des États membres auprès de l’Union européenne (COREPER), Conseil des ministres « Affaires Générales » (CAG), Conseil européen). Les représentants roumains peuvent tenter une connexion dans l’une et/ou l’autre de ces arènes en s’appuyant notamment sur la même ressource (une voix dans un processus de décision à l’unanimité). Pour autant, les conditions et les effets de l’activation de cette ressource pour jouer le coup d’une connexion d’enjeu varient d’une arène à l’autre. Ce qui peut être facilement entendu dans une négociation entre conseillers diplomatiques, éventuellement évoqué dans les échanges ministériels peut heurter au Conseil européen :
« Quand ça remonte au Conseil européen, c’est une dynamique complètement différente. C’est juste pas crédible. [À chaque niveau] les dynamiques de négociation sont très différentes21. »
17En d’autres termes, pour comprendre et expliquer les coups qui tentent de connecter l’octroi du statut de candidat à la Serbie à d’autres enjeux et leurs effets, il est nécessaire de situer chaque fois relationnellement les ressources mobilisables : parce que la valeur d’une même ressource fluctue d’une arène à l’autre, comme fluctuent également les modes de faire valoir des ressources (pour reprendre l’expression de Michel Dobry22). Ce qui « choque » au Conseil européen peut ne pas choquer au CAG, au COREPER ou au COWEB.
Des coups de fin de partie
18Contrairement à ce qu’espéraient la plupart des ministres et la présidence danoise, la négociation de l’octroi du statut de candidat à la Serbie ne s’est pas achevée le 28 février 2012. Pour autant, le fait même que de nombreux acteurs centraux aient anticipé la clôture de cette phase de négociation, qu’ils y aient même, généralement, aspiré, n’est pas sans effet sur l’émergence et la réception du coup roumain. Toute négociation s’inscrit dans une temporalité, plus ou moins figée, plus ou moins institutionnalisée. Un processus lourd, comme l’élargissement de l’Union européenne, est fragmenté en étapes, en paliers qui constituent autant de négociations intermédiaires, elles-mêmes inscrites dans des horizons temporels. L’ouverture et la clôture de chacune des étapes constituent un enjeu central des négociations européennes. C’est par exemple sur la date d’ouverture officielle des négociations d’élargissement avec la Serbie qu’a principalement achoppé le CAG du 25 juin 2013 (le ministre allemand des Affaires étrangères souhaitant repousser cette date à 2014) et ce sont donc les chefs d’État et de gouvernement qui, au Conseil européen, le 28 juin, ont fixé le calendrier.
19Si les enjeux de calendrier sont si importants pour les acteurs (au point de nécessiter une négociation entre les sommets des États), c’est sans doute pour partie parce que le début et la fin d’un processus de négociation constituent des conjonctures particulièrement vulnérables à la revendication de valeur, et en particulier à la connectivité d’enjeux. Dans les négociations d’élargissement, les connexions sont massives et prennent souvent le nom de conditionnalités. La pression allemande est très forte pour connecter l’élargissement de l’Union européenne à la Serbie à la normalisation des relations de la Serbie avec le Kosovo. Et c’est avant l’ouverture et à la fin de chaque phase de négociation que cette pression est exercée avec le plus de force.
20Les temporalités des négociations d’élargissement sont balisées institutionnellement par le calendrier des sommets européens, dans la mesure où ces étapes sont systématiquement inscrites à son agenda (sans pour autant qu’il y ait nécessairement une discussion à ce niveau). Ces points d’ancrage institutionnel contraignant élèvent le coût d’un échec des négociations : en cas de désaccord la décision est mécaniquement reportée de plusieurs mois et remobilisera plusieurs maillons et de longues ramifications indirectes des chaînes de préparation du Conseil européen.
« À chaque fois qu’il y a une étape dans la perspective européenne d’un pays des Balkans, il s’expose à un risque de blocage de derrière minute parce qu’un État avec lequel il peut avoir un différend bilatéral plus ou moins grave va provoquer un blocage. Il y a un moyen de pression extrêmement fort à disposition des États qui sont déjà dans l’UE23. »
21Le 28 février 2012, le ministre roumain n’est pas le seul à formuler des réserves sur l’octroi du statut de candidat à la Serbie en opérant des connexions de dernières minutes. Sans menacer de bloquer la décision européenne, le ministre lituanien utilise également la tribune du Conseil pour afficher le fort mécontentement de son pays à l’annonce d’une candidature serbe (Vuk Jeremic) à la présidence de l’Assemblée générale des Nations unies, contre le candidat lituanien, Dalius Čekuolis. Les Lituaniens savaient qu’en cas de vote à New York, ils perdraient face aux Serbes.
[Or] « il y avait un gentleman’s agreement dans le groupe EEG24 (et le sous-groupe informel d’Europe orientale) pour une candidature lituanienne à la présidence de l’Assemblée Générale. La candidature de Jeremic a été une surprise. Les Lituaniens étaient d’autant plus irrités qu’ils y voyaient un coup de la Russie25 » qui de fait, soutenait publiquement la candidature serbe26.
22À cette affaire s’ajoutait également un litige financier, les autorités serbes ayant nationalisé des avoirs détenus en Serbie par trois compagnies lituaniennes, Arvi, Alita et Sanitex27. Alors ce 28 février,
« D’un seul coup “business environnement” était devenu un sujet et donc quelque chose à négocier. Il fallait voir comment on allait le traiter. Quel langage adopter dans les conclusions du CAG sur cette question. Sachant qu’il y avait des États membres qui ne voulaient pas aller trop loin et que la Commission estimait que l’environnement des affaires en Serbie n’était pas pire qu’ailleurs. Alors ça a créé un obstacle qu’il fallait surmonter28. »
23Le gouvernement lituanien adoptait une ligne dure, sans aller jusqu’au blocage. Et pour accroître la pression sur les autorités serbes, les Lituaniens avaient également lié ces contentieux bilatéraux à l’autre grand enjeu des relations de la Serbie avec l’Union européenne : l’accord de stabilisation et d’association. Cet accord était signé depuis plusieurs mois au niveau européen, mais il devait être ratifié par chaque État membre. Jusqu’au bout les Lituaniens ont maintenu le lien entre cet accord et leurs litiges économiques avec la Serbie. La Lituanie a été le dernier État membre à ratifier l’accord (18 juin 2013), signant dans le même temps un arrangement avec les autorités serbes soldant leur principal contentieux économique.
24Une connexion à l’enjeu de l’élargissement est un puissant moyen de pression, à condition d’obtenir le soutien des autres États membres et de ne pas générer une trop forte dette de négociation. Les effets du coup ne sont pas nécessairement favorables à celui qui tente la connexion. La réception du coup dépend de sa formulation, de l’arène, du moment, de son intensité.
« Dans le processus d’élargissement, il y a des tentatives d’européanisation de différents bilatéraux. Certains États membres font valoir qu’il n’y a pas de raison que les vingt-sept reprennent à leur compte les préoccupations d’un seul. Pour la Lituanie, comme ils n’ont pas été jusqu’à bloquer, les États membres ont été compréhensifs29. »
25En phase terminale de négociation, au niveau ministériel, une prise de parole est un signal fort sur la sensibilité d’un enjeu. La délégation qui tente la connexion doit ajuster l’intensité de sa revendication aux conditions de son acceptabilité dans l’arène de négociation. L’accueil de la demande de connexion dépend des anticipations sur la valeur en jeu et ses bénéficiaires. Très souvent, comme ici dans le cas lituanien, chaque connexion renvoie aux intérêts d’un acteur ou d’un groupe d’acteurs limités (un lobby sectoriel, économique, social ou bureaucratique30). Le coup s’inscrit alors dans un échange nourri de la répétition des négociations européennes, de l’enchaînement de soutiens croisés, de concessions à la marge et peu coûteuses31. Les demandes internes ciblées relayées par une délégation nationale reçoivent généralement un accueil relativement compréhensif, dès lors qu’elles n’entravent pas véritablement le processus de négociation. Il est en revanche plus difficile pour un État de bloquer seul un accord dans une arène hiérarchiquement élevée, sauf à faire valoir ce que les acteurs appellent « une ligne rouge ». Souvent mal défini par la notion floue ou tautologique d’intérêt national fort ou vital, la « ligne rouge » mise en avant par une délégation est un coup qui intègre une demande de connexion avec le jeu politique national. La connexion ne porte pas ici sur la satisfaction d’une préférence ciblée défendue par un gouvernement, ni même sur une contrainte de ratification, mais sur la protection du gouvernement lui-même32. Le blocage reposant sur une « ligne rouge » est acceptable parce qu’il traduit le basculement de la défense des intérêts des représentés à la défense du représentant lui-même (« il s’agit d’une question existentielle33 »).
« Il y a un prix politique si on bloque. Il faut vraiment qu’on soit assez fort. Il faut vraiment que ça soit un enjeu politique fort, notamment de politique intérieure. Il faut que le pays soit capable de résister à la pression des autres, parce qu’il sait qu’autrement, en interne, il saute34. »
26Les négociations du 28 février 2012 étaient incontestablement balisées par des « lignes rouges ». Les ministres européens s’apprêtaient en effet également ce jour-là, à lancer une étude de faisabilité d’un accord d’association et de stabilisation avec le Kosovo. Or tout rapprochement avec le Kosovo pouvait constituer potentiellement un risque politique très lourd pour les représentants des États membres qui ne reconnaissaient pas ce pays. Les autorités chypriotes, par exemple, en prise avec un enjeu séparatiste interne majeur et non résolu ne pouvaient pas accepter, sans se mettre politiquement en danger, qu’un geste soit réalisé en direction d’une province sécessionniste (le Kosovo) sans compensation acceptable et forte pour l’État concerné (la Serbie). Il était donc essentiel pour les gouvernements des États qui ne reconnaissaient pas le Kosovo (les « non reconnaissants » : Chypre, Espagne, Grèce, Roumanie, Slovaquie) de lier toute concession à l’égard d’un rapprochement européen avec cette région à une avancée dans l’élargissement à la Serbie.
27À la lumière de ces observations, la menace roumaine de blocage pouvait paraître assez surprenante (comme elle a surpris de nombreux acteurs et observateurs). Si le sort de la minorité ethno-nationale valaque était une « ligne rouge » pour le gouvernement roumain, un dossier sur lequel se jouait sa survie politique, comment expliquer qu’il émerge avec force si tardivement ? Ce blocage apparaissait d’autant plus étonnant que la Roumanie était l’un des cinq « non reconnaissants » et soutenait activement l’élargissement à la Serbie. Le président roumain, Traian Băsescu n’avait-il pas récemment déclaré à Belgrade :
« Serbia is the key to peace in the Balkans. Ordinary Serbs as well as Serbian politicians need to know Serbia has Romania’s unqualified support in its progress to the EU. We believe Serbia should become an EU member country and part of EuroAtlantic integration as soon as possible35. »
28Le statut de la minorité valaque était depuis plusieurs années l’objet de discussions bilatérales serbo-roumaines. Et à l’occasion de son récent déplacement en Serbie, le président roumain avait publiquement déclaré que ce dossier ne devait pas être lié au processus d’élargissement à la Serbie (en particulier à la ratification de l’accord de stabilisation et d’association36).
29Pourtant, ce 28 février 2012, le coup est lancé, la connexion est tentée. Brusquement les représentants roumains s’alarment du sort de la minorité Valaque et tentent d’obtenir de nouvelles concessions des serbes (la signature d’un protocole sur les minorités, une évaluation du respect des droits de la minorité valaque du Timoc (à l’est de la Serbie), la possibilité pour ces co-nationaux de bénéficier d’un enseignement en roumain et d’un nombre suffisant de lieux de culte37). Le président serbe, Boris Tadic, présent à Bruxelles dans l’attente de la décision européenne « historique » réagit vivement à l’annonce du blocage roumain. Il n’accepte pas que tous les citoyens serbes se déclarant valaques soient automatiquement considérés comme roumains : « La Serbie ne l’acceptera à aucun prix car une telle démarche va contre les standards européens. Chaque citoyen de la Serbie peut déclarer son appartenance à une ethnie conformément à son sentiment38. »
30La menace roumaine de blocage contraint toutefois les autorités serbes à aligner pour partie les temporalités des négociations bilatérales du dossier valaque sur les temporalités des négociations d’élargissement. Le coup roumain est un engagement conditionnel, une menace39, qui affecte simultanément la dynamique des négociations bilatérales et européennes. Dès lors que la menace est visible et crédible, les autres protagonistes sont contraints de prendre position, comme nous le verrons plus loin. Mais il reste encore à expliquer ce blocage inattendu.
Pressions et opportunités d’agenda
« Officiellement c’est la question de la minorité Valaque. C’est la raison officielle, présentable. La raison réelle, c’est qu’ils ont fait un lien avec Schengen40. »
31La fin annoncée d’une étape des négociations d’élargissement, les nombreux engagements officiels pris par des dirigeants européens en faveur de la Serbie, les manifestations publiques de la confiance des ministres des Affaires étrangères et européennes sur l’issue de la réunion du CAG du 28 février, élevaient d’autant les coûts d’une solution de rechange. Puisque les gains allaient être répartis, autant ajouter à la mise quelques dossiers bilatéraux dont les porteurs s’accapareraient aussitôt la valeur créée. Mais outre ces liens connectés au principal partenaire de la négociation en voie d’achèvement (ici la Serbie), d’autres liens, à la prévisibilité plus incertaine, pouvaient être imaginés. Ces liens ne reposaient pas sur les transactions en cours entourant les relations avec le pays candidat, mais sur les éventuelles opportunités qu’ouvrait la configuration des agendas de chaque réunion où le dossier d’élargissement était négocié. Cet enjeu se retrouvait ponctuellement à côté d’autres points encore ouverts et potentiellement très éloignés. Ces aléas d’agenda affectent les calculs des participants à la négociation. L’importance d’un point est relative et elle dépend pour partie des autres points à l’ordre du jour. Il peut être alors tentant d’appréhender l’agenda du jour comme un paquet et d’essayer d’opérer des connexions d’opportunité.
32Depuis des mois, plusieurs États-membres, en particulier les Pays-Bas avec le soutien de la France, bloquaient l’élargissement de l’espace Schengen à la Roumanie et à la Bulgarie, en mettant en avant des rapports intermédiaires de la Commission européenne sur la réforme du système judiciaire et la lutte contre la corruption dans ces pays41. Ce point était à l’agenda du Conseil européen de mars 2012, préparé par le CAG du 28 février. Le ministre roumain des Affaires étrangères, Cristian Diaconescu, affirmait : « à ce Sommet, Bucarest défendra par ailleurs de manière catégorique son droit à entrer dans l’espace Schengen, de libre circulation. Nous remplissons les critères. Il n’est pas normal de tergiverser sur la décision pour des raisons de politique intérieure », les autorités roumaines considérant que l’opposition néerlandaise provenait du Parti de la liberté (PVV) d’extrême-droite, soutien de la coalition au pouvoir aux Pays-Bas42.
33La mise à l’agenda d’une réunion (ici le CAG, qui prépare le Conseil européen) agrège fortuitement un ensemble de dossiers qui, en temps ordinaire, peuvent être largement déconnectés les uns des autres. Cette coprésence crée a minima des liens par convergence ponctuelle des temporalités et des lieux de négociations. Elle crée également des liens dès lors que la configuration des acteurs centraux reste la même de l’examen d’un point de l’agenda à l’autre, les acteurs étant alors pris dans une dynamique de négociation où la répétition des interactions affecte les anticipations tactiques43 et où se trouve mise en jeu la réputation des négociateurs. L’issue des réunions des Conseils est également un enjeu global pour le gouvernement, ici danois, qui occupe la présidence tournante du Conseil des ministres et pour le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. En d’autres termes, même si la réunion ne porte pas sur un accord global et que chaque point est en principe négocié, conclu ou rejeté séparément, il y a tout de même une dynamique d’échanges de coups qui affecte les négociations dans leur enchaînement (concessions, renvois d’ascenseur, mise en visibilité d’acteurs et d’enjeux…). Et même si les points à l’agenda restent relativement cloisonnés, certains enjeux de la réunion ne peuvent pas l’être (comme ceux qui relèvent notamment des intérêts propres des négociateurs en tant que négociateurs).
34Pour autant, dans des agendas aussi hétérogènes que ceux des Conseils européens, aux enjeux de valeur très variable, il n’est pas évident d’opérer de telles connexions. Les liens entre les points à l’agenda ne sont pas nécessairement acceptables et encore moins avouables.
Résistances et gestion des connexions
« Certains ont vu dans cette manœuvre une tentative du gouvernement roumain de faire pression sur les autres pays présents au sommet pour marchander son adhésion et celle de la Bulgarie à l’espace Schengen. Le veto néerlandais, soutenu par d’autres États comme la France, bloque le dossier depuis plusieurs mois. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a nié les liens entre les deux sujets lors d’une conférence de presse dans la soirée du 1er mars44. »
35En tentant une double connexion imbriquée (une connexion de façade avec le dossier bilatéral valaque et une connexion de coulisses avec le dossier européen de l’espace Schengen), les Roumains se sont heurtés à de vives résistances liées tant au contenu qu’aux modalités d’exercice du coup. L’effet d’une connexion (en tant qu’engagement conditionnel) dépend pour partie de sa visibilité45. Évidemment si aucun négociateur n’est informé de l’engagement conditionnel, il n’aura pas d’effet direct sur les anticipations et ne pourra modifier le périmètre de la négociation. Mais à l’inverse, si le coup déroge aux pratiques admises ordinairement en tentant une connexion qui a de bonnes chances d’être perçue comme artificielle, opportuniste et sans fondement, il est préférable de limiter drastiquement sa zone de transparence. L’effectivité de l’engagement dépend alors de la restriction du champ de circulation de l’information, non seulement par l’absence d’affichage public du lien, mais en écartant également une grande partie des négociateurs présents à la table multilatérale.
36La connexion d’agenda avec le point Schengen était un coup risqué, difficilement acceptable et par là-même tributaire du secret. Le ministre roumain ne devait faire comprendre ce lien qu’à un nombre très réduit d’interlocuteurs, principalement ceux qui, à l’instar des présidents des Conseils, avaient une capacité de médiation et un accès à l’information plus complet que les autres protagonistes.
37Mais dès lors que cette connexion ne pouvait être affichée à la table des négociations, elle ne pouvait, seule, s’inscrire dans un coup qui active la ressource de blocage contrôlée par le ministre roumain. Elle devait être discrètement imbriquée dans un autre coup à découvert, qui, le 28 février 2012, prit la forme d’une connexion de l’élargissement à la Serbie au sort de la minorité valaque. Le dossier valaque était donc, ce jour-là, le coup qui faisait exister la menace de blocage, coup d’appui indispensable à la crédibilité des connexions secrètes. Dans une négociation ordinaire, en conjoncture routinière, les « marchandages couverts et les marchandages qui ne le sont pas » peuvent être aussi « tendanciellement, interdépendants46 ».
38Pour le dossier Schengen, à la difficulté de faire admettre la connexion, s’ajoutait donc également celle de préserver le secret.
« Certains États membres l’ont su. Ils ont été scandalisés. C’est pas des manières de faire en européen, de faire des liens comme ça avec des dossiers47. »
39Excédé pendant le CAG, le ministre suédois des Affaires étrangère, l’un des plus fervents défenseurs de l’élargissement de l’Union européenne à la Serbie, twittait que « les États qui mettent sur la table des “sujets déconnectés” des discussions sur l’intégration européenne de la Serbie et du Kosovo font preuve d’un “manque d’esprit européen”48 ». L’agacement était d’autant plus vif que la connexion couverte avec Schengen, n’était, au début de la réunion, que partiellement ébruitée, brouillant la dynamique de la négociation tout en mettant en jeu la qualité des relations entre les négociateurs (entre la délégation roumaine et les autres délégations que la manœuvre avait plus ou moins « trompées ») :
« Tous les ministres n’étaient pas au courant. Certains, pendant le Conseil, essayaient de dire : “il y a un État membre qui a une difficulté. Il faut qu’on l’aide”. D’autres, qui savaient, étaient très irrités49. »
40L’engagement roumain était d’autant plus difficile à tenir, que la connexion officielle avec le dossier valaque était elle aussi largement contestée. Le ministre allemand des Affaires étrangère, Guido Westerwelle, acteur central du processus et longtemps considéré comme le plus réticent à l’élargissement de l’Union à la Serbie, exprimait « son exaspération » après le semi échec de la réunion :
« Du point de vue allemand, il aurait été approprié et juste de prendre une décision définitive (sur le statut) aujourd’hui50. »
41En connectant la négociation d’élargissement au dossier bilatéral valaque, le ministre roumain émet des revendications qui s’adressent à la fois aux autres États membres et aux autorités serbes qui se trouvaient alors dans une position délicate. Le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremić, présent à Bruxelles, tentait lui aussi de résister à la connexion. Il déclarait à la presse :
« Serbia does not respond well to blackmail. We cannot accept any additional conditions. The conditions were clear, and they have been met51. »
42Le Premier ministre serbe, Boris Tadić ajoutait quelques heures plus tard :
« Serbia would not agree to impossible conditions and would not give up on its principles. […] If Serbia showed weakness and agreed to blackmails, there would be no end to them. It is important that we stick firmly to our principles52. »
43Quelles que soient les raisons pour lesquelles les autorités roumaines tentaient de connecter le dossier valaque à l’octroi du statut de candidat à la Serbie, cet engagement pris dans les plus hautes arènes européennes donnait brusquement une forte visibilité à ce dossier53 et contraignait les autres négociateurs à se positionner. Et même lorsque la connexion était vigoureusement rejetée, comme ce fut le cas pour le dossier Schengen, le coup roumain mettait en jeu la réputation du Chef de l’État et de son ministre des Affaires étrangères, générant alors a minima des coûts pour « sauver la face ».
« Ça a été plus compliqué, notamment avec les Roumains, qui à la dernière minute ont sorti leur histoire de la minorité valaque. Enfin je ne reviens pas sur cette histoire assez pénible et assez peu loyale de la part d’un nouvel État membre qui a cherché une monnaie d’échange avec son problème sur Schengen. Qui ne l’a pas obtenu. Qui s’est mal comporté et qui du coup a eu une réprobation unanime. Le nouveau ministre roumain des Affaires étrangères s’est fait vraiment très très mal recevoir au CAG avec sa demande de faire un lien de dernière minute54. »
44Le 28 février 2012, aucune des tentatives de connexion n’a permis à leurs porteurs d’accroître réellement la valeur captée. Afin de minimiser l’impact des concessions, de part et d’autre, une partie des coûts des connexions ont été supportés par un acteur tiers, la Commission européenne. Aux conclusions du CAG ont été jointes deux déclarations, l’une sur le suivi, par la Commission européenne, du respect des droits des minorités en Serbie et l’autre sur le contrôle, par la Commission, des critères d’élargissement, en particulier celui portant l’amélioration de l’environnement des affaires55. Par ailleurs, dans les heures qui ont séparé le CAG du Conseil européen, les autorités roumaines et serbes se sont entendues sur une lettre d’engagement, aux termes de laquelle seraient garantis les droits de la minorité roumaine vivant en Serbie, de même que ceux de la minorité serbe vivant en Roumanie56.
45La connexion emboîtée avec le dossier Schengen, vivement rejetée par une partie des ministres progressivement mis dans la confidence, était elle aussi gérée par un tiers médiateur, le président du Conseil européen, Hermann van Rompuy. Ce dernier, pour protéger le crédit des plus hautes autorités roumaines, s’est efforcé de préserver le confinement de la négociation. L’échec de la connexion est scellé lors d’une réunion restreinte, avec les représentants roumains, bulgares et néerlandais, sous la direction du président du Conseil, juste avant l’ouverture du Sommet européen. Hermann von Rompoy annonce l’accord des parties sur une feuille de route qui repousse donc, à nouveau, l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen57.
46La fin annoncée d’un processus de négociation peut être assez logiquement perçue comme un moment propice à des tactiques de revendication de valeur par connexion d’enjeux. Pourtant, les connexions de dernière minute opérées le 28 février 2012, par les ministres lituaniens et surtout roumain n’ont pas eu véritablement les effets escomptés. Les revendications « de dernière minute » auraient-elles finalement peu de chances d’aboutir, et ce, d’autant qu’elles seraient formulées par des acteurs isolés et ayant un poids relativement modeste par rapport à d’autres États dans les processus décisionnels ? Le fait d’être seul et de faible poids ne peut constituer une explication suffisante. On observe que dans certaines conditions, tous les États membres, même les plus « petits » et isolés, peuvent activer une ressource de blocage dans les processus décisionnels européens à l’unanimité (Chypre, seule, bloque depuis son adhésion le recours aux moyens de l’OTAN pour les opérations de sécurité collective européenne). Pour mieux comprendre ce qui s’est joué le 28 février 2012 au CAG il apparaît analytiquement plus utile de mettre au jour les propriétés structurelles des espaces de négociation, de paramétrer structurellement l’occurrence des coups et leur portée.
Localisation et portée structurelle des coups
« Un autre diplomate d’un pays en faveur de l’entrée de la Roumanie dans l’espace Schengen a accusé Bucarest de mettre les problèmes concernant les minorités sur la table “au tout dernier moment”58. »
47Le déroulement du CAG du 28 février s’offre à l’observateur extérieur comme le récit de journalistes et d’acteurs captés par la zone d’emprise d’un jeu. Le CAG est une arène ministérielle dont le périmètre tactique, variable en fonction des points à l’ordre du jour, diffère nécessairement de celui des autres arènes dans lesquelles circulent (mais pas ensemble) les mêmes dossiers. Les acteurs qui négocient l’élargissement de l’Union européenne à la Serbie dans d’autres comités ne sont pas nécessairement exclus d’un CAG où ce point est inscrit à l’ordre du jour, mais leur poids relatif y est bien différent. Ils composent au CAG avec d’autres acteurs qui n’intervenaient pas, ou pour certain de loin, dans les négociations en comités.
48Pour le dire autrement, les participants au CAG, de même que ceux du Conseil européen, n’ont pas tous le même vécu historique des dossiers car ils sont très inégalement présents dans les autres arènes de négociation. Cette hétérogénéité des enchevêtrements de positions structurelles n’est pas sans effet sur les perceptions des différents protagonistes. Ce qui apparaît nouveau pour les uns, ne l’est pas nécessairement pour d’autres. Mais si les premiers, parce qu’ils sont de plus proches collaborateurs des ministres, ont un accès privilégié aux médias, c’est leur récit qui l’emporte à l’extérieur du champ de la négociation. Et il est probable que ces acteurs, moins impliqués au quotidien dans les échanges préparatoires sur les dossiers, perçoivent davantage comme des prises de position de dernière minute, des interventions qui mettent en avant des difficultés exposées jusque-là avec modération (et donc une visibilité réduite). Et pour cette raison, ce qui « étonne » certains joueurs de cette arène politique centrale (le CAG), n’en étonne pas nécessairement d’autres :
« C’est vrai que c’est arrivé assez tard. En même temps, ceux qui disent ça n’avaient pas vu les signaux avant-coureurs. En fait ce n’est arrivé tard que pour les gens qui découvrent le dossier. La vérité c’est qu’il y a une sensibilité roumaine forte à l’égard de ces minorités dans les pays des Balkans59. »
49Le récit médiatisé doit alors être mis à distance ou au moins interprété avec précaution. Ce que les journalistes rapportent, ce sont bien souvent des prises de position qui sont d’abord et avant tout des coups et des calculs captés par l’arène principale de négociation. Les prises de paroles, les confidences faites aux journalistes par des conseillers ou des dirigeants politiques, sont situées et leur interprétation doit l’être également. Que l’on s’attarde sur leur dimension stratégique ou sur leur émergence comme perception d’une réalité sociale, les paroles des diplomates et des ministres peuvent être rapportées à leur(s) périmètre(s) d’opérationnalité (les zones de captation des calculs60).
50L’étonnement peut être feint, tactique. Il peut aussi être réel et renvoyer à la trajectoire des acteurs. Nul n’est omniscient. Aucun individu ne prend part à la totalité des jeux dans lesquels se négocie le statut de candidat à l’entrée dans l’Union européenne de la Serbie. Les limites de la rationalité des acteurs doivent être rapportées à la structuration de l’espace social dans lequel ils sont déployés. La fluctuation des récits, des perceptions de la dynamique de la négociation, de la pertinence des coups, de l’acceptabilité des connexions ne se fonde pas sur des aléas individuels mais pour l’essentiel sur la position des acteurs dans la structure sociale de la négociation. Chaque acteur occupe et incarne une position et chaque position engage une perception spécifique du jeu. Ce qui étonne (réellement et/ou tactiquement) un participant du CAG n’étonnera pas nécessairement un membre du groupe de travail sur les Balkans occidentaux.
51Or il est indéniable qu’à y regarder de plus près, la connexion roumaine avec le dossier bilatéral valaque n’était pas nouvelle. L’enjeu de la communauté roumaine (valaque) de Serbie était l’objet de négociations régulières depuis de nombreuses années. Les autorités roumaines (avec de forts soutiens internes) et une partie des populations concernées en Serbie, considéraient la Roumanie comme une patrie nationale extérieure qui devait protéger et aider cette minorité ethno-nationale à obtenir des droits et des garanties de la part des autorités serbes (en particulier le droit de recevoir des enseignements en langue roumaine, de pratiquer leurs cultes dans des églises orthodoxes roumaines, de bénéficier de journaux et d’émissions de radio et télévision en roumain). La dynamique triadique61, articulant les surveillances croisées d’un État intégrateur (la Serbie), d’une minorité ethno-nationale (valaque) et d’une patrie nationale extérieure (la Roumanie), opérait à plein. La protection de cette minorité était d’ailleurs au centre des discussions entre les présidents serbe et roumain lors du déplacement de ce dernier à Belgrade quelques mois avant le CAG du 28 février62. Même si le président roumain avait affirmé à l’époque qu’il n’y avait pas de lien entre cet enjeu et l’élargissement à la Serbie, cette prise de position publique semblait difficilement conciliable avec le fait que la Roumanie tardait à ratifier l’accord de stabilisation et d’association de l’UE avec la Serbie. Le lien apparaissait d’autant plus évident que le bureau du Sénat roumain venait de repousser le vote de ratification de l’accord précisément pour cette raison63.
52Ce qui change peut-être, le 28 février 2012, c’est l’intensité avec laquelle les autorités roumaines opèrent la connexion. En menaçant de bloquer le processus d’élargissement à la Serbie pour cette raison, elles font du dossier valaque une « ligne rouge » qui n’avait pas été nécessairement identifiée comme telle auparavant. Une menace isolée de blocage au Conseil européen est un coup lourd. Il indique qu’une délégation est proche du point de rupture. Les négociateurs émettent souvent des réserves au cours du processus de négociation, mais la plupart sont généralement levées avant l’arrivée en CAG. En menaçant de bloquer l’accord, le ministre et le président roumains n’ont pas à défendre la connexion (qui en réalité était déjà-là), mais son intensité. Or même s’il apparaissait que le sort de la minorité valaque était réellement un enjeu de politique intérieure roumaine, il était plus difficile de croire que tout gouvernement roumain serait nécessairement mis en péril si des avancées significatives n’étaient obtenues en faveur de cette minorité avant l’octroi à la Serbie du statut de candidat à l’entrée dans l’Union européenne. Les autorités roumaines n’étaient pas en mesure de fournir des gages de plausibilité conformes à l’intensité de leur revendication.
53Les difficultés rencontrées par les dirigeants roumains étaient donc en réalité liées au besoin qu’ils avaient de convaincre leurs partenaires européens au plus haut niveau que la connexion avec le dossier valaque était pour eux proche d’une ligne rouge (intensification de leur préférence) afin d’activer leur ressource de blocage indispensable pour jouer une connexion masquée avec leur entrée dans l’espace Schengen.
54Cette seconde connexion, imbriquée dans la connexion au dossier valaque, était bien, quant à elle, une connexion « de dernière minute ». Mais est-ce pour cette raison, son aspect trop ouvertement « opportuniste », qu’elle ne pouvait être énoncée officiellement dans l’arène et qu’elle a été si fermement rejetée à mesure qu’elle transparaissait dans la négociation ? Esquissons une autre hypothèse.
55Le 28 février, les ministres discutent de deux points à l’ordre du jour : l’octroi à la Serbie du statut de candidat et la préparation du Conseil européen. Ce dernier est l’une des rares arènes européennes multisectorielles. Des dossiers de tous les domaines d’action publique peuvent être mis à l’agenda, les chefs d’États et de gouvernement étant à même d’opérer, si nécessaire, des arbitrages ou des compensations intersectoriels.
56Le coup roumain du 28 février engage donc une première connexion avec le dossier valaque, qui est une connexion sectorielle, relevant des relations dites « de bon voisinage » inscrites depuis des années dans le champ de la diplomatie politique, et qui n’est pas rejetée en tant que telle (ce qui heurte, c’est son intensité). Les Roumains s’engagent également ce jour-là sur une seconde connexion, avec leur entrée dans l’espace Schengen, qui est cette fois une connexion intersectorielle, le dossier n’étant pas pris en charge ordinairement par les ministres des Affaires étrangères, mais par ceux de l’Intérieur. Notre hypothèse est que les connexions intersectorielles sont bien plus difficiles à opérer, en particulier lorsqu’elles ne sont pas le fait d’un engagement collectif64, mais d’une demande isolée. Une partie de l’activité tactique du président du Conseil européen a d’ailleurs consisté à préserver les frontières sectorielles en maintenant les négociations sur l’espace Schengen dans le canal intérieur :
« Suite à des consultations préparatoires intensives ces dernières semaines, nous disposons aujourd’hui d’une feuille de route. Nous avons demandé au Conseil Affaires intérieures d’adopter une décision en septembre et, dans le même temps, d’identifier et de mettre en œuvre des mesures visant à faire aboutir le processus65. »
57Les négociations multilatérales impliquant directement les sommets des États sont bien souvent pensées comme de grands marchandages aux cours desquels les dirigeants politiques pourraient arbitrer en faveur de leurs intérêts internes les plus puissants tout en jouant de la palette des points inscrits à l’agenda pour offrir des compensations favorisant la conclusion d’un accord66. Mais contrairement à l’hypothèse de James K. Sebenius, il ne suffit pas que des enjeux soient « joints lors d’une conférence au sommet, plutôt que traités et évalués séparément à des échelons bureaucratiques inférieurs [pour] que s’opère une addition d’enjeux67 ». L’autonomie sectorielle tient, bien souvent largement, y compris jusqu’aux sommets des États.
58Le coup de double connexion d’enjeux tenté par le ministre roumain n’a pas eu la portée espérée. Mais une fois joué, le coup produit des effets, même s’il « échoue ». Pour avoir activé une ressource de blocage d’une négociation au niveau ministériel, les dirigeants roumains ont attiré l’attention sur eux et sur un dossier. Même si les autres protagonistes ont refusé le lien avec le dossier Schengen et douté que le dossier valaque soit un enjeu de survie politique pour le gouvernement et le président roumains, ces derniers, a minima pour ne pas perdre tout crédit, étaient contraints d’agir ultérieurement en tenant compte des nouvelles perceptions qu’ils avaient générées : « du coup, comme ils ont lancé le truc, ils continuent68 ».
Notes de bas de page
1 Entretien avec un diplomate français, Paris, mars 2012.
2 « Serbie candidate à l’UE : décision reportée », AFP, 09/12/2011. (« En vue d’accorder le statut de pays candidat [à l’UE] à la Serbie en mars 2012, les dirigeants européens chargent leurs ministres d’examiner et de confirmer que la Serbie a continué de faire montre d’engagement crédible et a réalisé des progrès supplémentaires dans la mise en œuvre des accords en vue d’une normalisation de ses relations avec le Kosovo. »)
3 Aux termes de l’accord dit « de l’astérisque », les autorités du Kosovo pouvaient participer aux activités d’organisations internationales, à condition que la mention du Kosovo soit systématiquement accompagnée d’un astérisque renvoyant à une note de bas de page, elle-même stipulant que : « Cette désignation est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi qu’à l’avis de la CIJ sur la déclaration d’indépendance du Kosovo. » À cet accord était joint également un protocole sur la gestion conjointe des frontières administratives.
4 « Top Serbian officials meet with German foreign minister », B92, 23/02/2012.
5 « Spanish envoy “convinced” candidate bid will succeed », B92, 22/02/2012.
6 « We fulfilled all EU conditions, negotiator says », B92, 24/02/2012.
7 « “Serbia has fulfilled the conditions for candidate status”, Swedish Foreign Minister Carl Bildt said. Czech minister Karel Schwarzenberg also expressed hopes “we will finally come to a positive agreement” and Austria’s Michael Spindelegger said “the mainstream is in favor of giving Serbia the status of candidate now”. » (« EU ministers agree candidate status for Serbia », AFP, 28/02/2012).
8 « Agreement reached on EU candidate status », B92, 27/02/2012.
9 Council conclusions on Enlargement and the Stabilisation and Association Process, 3150th GENERAL AFFAIRS Council meeting, Brussels, 28 February 2012.
10 « EU ministers recommend making Serbia candidate », B92, 28/02/2012. (D’après une source de la Commission européenne assistant au CAG).
11 « Romania threatens Serb hopes for EU status », Reuters, 28/02/2012.
12 « La Serbie rejoint la liste des pays candidats à l’UE », EurActiv, 02/03/2012.
13 Aggarwal Vinod K. (ed.), Institutional Designs for a Complex World : Bargaining, Linkages, and Nesting, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1998 ; Courtois Pierre et Tazdaït Tarik, « Coopération sur le climat : le mécanisme de négociations jointes », Négociations, no 18, 2012, p. 25-42 ; Crump Larry, « A Temporal Model of Negotiation Linkage Dynamics », Negotiation Journal, April 2007, p. 117-153 ; Haas Ernst B., « Why Collaborate ? : Issue-Linkage and International Regimes », World Politics, vol. 32, no 3, 1980, p. 357-405 ; Sebenius James K., « Negotiation Arithmetic : Adding and Subtracting Issues and Parties », International Organization, vol. 37, no 2, 1983, p. 281-316 ; Watkins Michael, « Negotiating in a Complex World », Negotiation Journal, July 1999, p. 245-270 ; Zartman William I., « La multilatéralité internationale. Essai de modélisation », Négociations, no 17, 2012, p. 37-50.
14 Dobry Michel, Sociologie des crises politiques, Paris, Presses de Sciences Po, 1992 (1985), p. 21 et suiv.
15 Hampson Fen Osler et Hart Michael (ed.), Multilateral Negotiations. Lessons from Arms Control, Trade, and the Environment, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1995 ; Starkey Brigid, Boyer Mark A., Wilkenfeld Jonathan, Negotiating a Complex World. An Introduction to International Negotiation, Lanham, Rowman & Littlefield Publishers, 2005 ; Nikolaev Alexander G., International Negotiations. Theory, Practice, and the Connection with Domestic Politics, Lanham, Rowman & Littlefield Publishers, 2007 ; Dupont Christophe, La négociation. Conduite, théorie, applications, Paris, Dalloz, 1994 ; Bourque Reynald, Thuderoz Christian, Sociologie de la négociation, Paris, La Découverte, 2002.
16 Il n’est guère étonnant, de ce point de vue, qu’une majorité d’auteurs s’appuie fréquemment sur la théorie des jeux, principalement dans ses variantes les plus littéraires, en témoigne notamment le succès des modèles développés à partir du jeu du dilemme du prisonnier (Axelrod Robert, The Evolution of Cooperation, New York, Basic Books, 1984).
17 « Weak actors will react to asymmetries in structural power by adopting bargaining tactics and strategies that change the status quo. » (Hampson Fen Osler et Hart Michael (ed.), Multilateral Negotiations… op. cit., p. 9.)
18 Singh Jagdip P., Negotiation and the Global Information Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
19 Schelling Thomas C., Stratégie du Conflit, Paris, PUF, 1986 (1960). Et c’est d’ailleurs pour saisir ce qui émerge et se redéfinit dans le cours de la négociation, y compris sur le plan structurel, que Michel Dobry lui substitue l’expression de « conflit à dynamique mixte » (Dobry Michel, Sociologie des crises politiques, op. cit., p. 24-25).
20 Lax David A. et Sebenius James K., Les Gestionnaires et la négociation, Montréal, Gaëtan Morin, 1995 (1986).
21 Entretien avec un haut fonctionnaire du Service Européen d’Action Extérieure (SEAE), Bruxelles, septembre 2013.
22 Dobry Michel, Sociologie des crises politiques…, op. cit., p. 24.
23 Entretien avec un diplomate français, Bruxelles, juillet 2013.
24 Le groupe EEG (Eastern European Group) est l’un des cinq groupes régionaux non officiels des Nations unies créés dans les années 1960 pour faciliter la coordination et les votes groupés à l’Assemblée générale des Nations unies.
25 Entretien avec un haut fonctionnaire du SEAE, Bruxelles, septembre 2013.
26 « Lithuania hopes for breakthrough in tense relations with Serbia », 15min.lt, 18/04/2013.
27 Ibid.
28 Entretien avec un diplomate français, Bruxelles, juillet 2013.
29 Entretien avec un fonctionnaire du Service Européen d’Action Extérieure, Bruxelles, septembre 2013.
30 Davis Christina L., « International Institutions and Issue Linkage : Building Support for Agricultural Trade Liberalization », The American Political Science Review, vol. 98, no 1, 2004, p. 153-169.
31 Sur la pratique ordinaire des négociations dans les arènes bruxelloises, voir notamment Yves Buchet de Neuilly, « Devenir diplomate multilatéral. Le sens pratique des calculs appropriés », Cultures & Conflits, no 75, automne 2009, p. 75 – 98 ; Elgrström Ole and Jönsson Christer, European Union Negotiations. Processus, Networks and Institutions, London, Routledge, 2005 ; Elgrström Ole and Jönsson Christer, « Negotiation in the European Union : Bargaining or Problem – Solving ? », Journal of European Public Policy, no 7, 2000, p. 684 – 704 ; Lewis Jeffrey, « How institutional environments facilitate co – operative negotiation styles in EU decision – making », Journal of European Public Policy, vol. 17, no 5, 2010, p. 648 – 664 ; Lewis Jeffrey, « The Janus Face of Brussels. Socialization and Everyday Decision Making in the European Union », International Organization, vol. 59, no 4, 2005, p. 937-971.
32 Si l’on conçoit la ratification en un sens très extensif, comme l’acceptabilité nationale en l’absence même parfois de toute contrainte institutionnelle, la mise en danger du négociateur peut alors entrer dans le paramétrage des jeux-gagnants (win-set) tel que le propose Robert Putnam (« Diplomacy and Domestic Politics : The Logic of Two – Level Games », International Organization, vol 42, no 3, 1988, p. 427 – 460).
33 Entretien avec un diplomate français, Bruxelles, juillet 2013.
34 Entretien avec un haut fonctionnaire du SEAE, Bruxelles, septembre 2013.
35 « Serbian and Romanian presidents meet », B92, 01/11/2011.
36 « Romanian President Traian Băsescu stated in Belgrade on Tuesday that there is no relation between the process of ratification of the Stabilization and Association Agreement (SAA) between the EU and Serbia in the Romanian parliament, and the so-called issue of Vlachs. » (ibid.)
37 « Serbie : la Roumanie a demandé des garanties normales sur les minorités », AFP, 28/02/2012.
38 « Serbie : la Roumanie a demandé des garanties normales sur les minorités », AFP, 28/02/2012.
39 Schelling Thomas C., Stratégie du conflit, Paris, PUF, 1986 (1960), p. 56 et suiv.
40 Entretien avec un haut fonctionnaire du SEAE, Bruxelles, septembre 2012.
41 « Serbie : la Roumanie a demandé des garanties normales sur les minorités », AFP, 28/02/2012.
42 Ibid.
43 De nombreux travaux, notamment ceux de Axelrod Robert (The Evolution of Cooperation, Cambridge MA, Basic Books, 2006, revised ed.) ont bien montré l’impact de l’itération dans les processus de négociation.
44 « La Serbie rejoint la liste des pays candidats à l’UE », EurActiv, 02/03/2012.
45 Lax David A. et Sebenius James K., Les Gestionnaires et la négociation, op. cit.
46 Dobry Michel, Sociologie des crises politiques, op. cit., p. 225.
47 Entretien avec un haut fonctionnaire du SEAE, Bruxelles, septembre 2013.
48 « Rumunija odlaže odluku o Srbiji », B92, 28/02/2012.
49 Entretien avec un haut fonctionnaire du SEAE, Bruxelles, septembre 2013.
50 « La Serbie toujours bloquée dans l’antichambre de l’Union européenne », AFP, 28/02/2012.
51 « German minister’s visit “key for success of talks” », B92, 24/02/2012.
52 « Serbia will not accept impossible conditions », B92, 29/02/2012.
53 Au point que l’on pouvait lire dans la presse qu’« en Serbie, un sentiment anti-roumain s’est propagé comme une traînée de poudre » (« Un accord en coulisse permet à la Serbie d’obtenir le statut de candidat à l’UE », EurActiv, 2/03/2012).
54 Entretien avec un diplomate français, Paris, mars 2012.
55 Council conclusions on Enlargement and the Stabilisation and Association Process, 3150th GENERAL AFFAIRS Council meeting, Brussels, 28 February 2012.
56 « La Serbie reçoit le statut de candidat à l’Union européenne », Le Monde.fr, 02/03/2012.
57 « Un accord en coulisse permet à la Serbie d’obtenir le statut de candidat à l’UE », EurActiv, 2/03/2012.
58 « Le sommet européen devrait éviter les questions épineuses », EurActiv, 01/03/2012.
59 Entretien avec un membre du groupe de travail du conseil sur les Balkans Occidentaux, Bruxelles, juillet 2013.
60 Dobry Michel, Sociologie des crises politiques… op. cit., p. 101 et suiv.
61 Modélisée par Brubaker Rogers, Nationalism Reframed. Nationhood and the national question in the New Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.
62 Alors même qu’il soutenait fermement l’élargissement à la Serbie, le président roumain soulignait que : « It is clear that those who are of Romanian descent have the right to preserve their culture and language and this right should be respected. » (« Serbian and Romanian president meet », B92, 01/11/2011.)
63 « Dans l’attente de gestes concrets de la Serbie sur les droits des Roumains/Vlaques du Timoc » (si gesturile concrete pe care Serbia le va face in privinta drepturilor romanilor/vlahilor din Timoc) (« Biroul Permanenent al Senatului a amânat votul privind ratificarea Acordului de aderare a Serbiei la UE. Motivul : drepturile românilor/vlahilor din Timoc », Romanian Global News, 26/10/2011).
64 Comme l’exemple des ministres de l’Industrie qui, au milieu des années 2000, avaient repris la main sur la réglementation des substances chimiques initiée pour d’autres raisons et dans une autre logique sectorielle par les ministres de l’Environnement.
65 Propos d’Hermann Van Rompuy repris par Euractiv (« Un accord en coulisse permet à la Serbie d’obtenir le statut de candidat à l’UE », 02/03/2012).
66 Moravcsik Andrew, « Preference and Power in the European Community : A Liberal Intergovernmental Approach », Journal of Common Market Studies, 1993 31 (4), p. 473 – 524 ; The Choice for Europe : Social Purpose & State Power from Messina to Maastricht, Ithaca, New York, Cornell University Press, 1998 ; Andrew Moravcsik and Kalypso Nicolaïdis, « Explaining the Treaty of Amsterdam. Interests, Influences, Institutions », Journal of Common Market Studies, 37 (1), 1999, p. 59 – 85.
67 Sebenius James K., « Negotiation Arithmetic… », art. cité, p. 288.
68 Entretien avec un haut fonctionnaire du SEAE, Bruxelles, juillet 2013.
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