6. Histoire sociale des idées politiques, crises politiques et catégories de perception
p. 131-144
Texte intégral
« La formation de [ce] “pôle d’attraction” ou “attracteur social” autour duquel s’objectivera le groupe [des cadres] doit être en réalité rapportée, pensons-nous, à la fois au jeu de la détermination forte des dispositions intériorisées propre aux conjonctures critiques et à la localisation conjoncturelle de ceux qui constitueront ce pôle.
Deux facteurs paraissent, en effet, commander la cristallisation de cet attracteur social.
D’une part donc, une proximité de dispositions acquises par une population d’ingénieurs (et, de façon remarquable, d’ingénieurs d’industrie) […].
Mais aussi, d’autre part, une localisation conjoncturelle bien inconfortable lors des grèves de 36. »
Michel Dobry, Sociologie des crises politiques, Paris, PFNSP, 1986, p. 256.
1Rompre avec l’histoire des idées traditionnelle implique, à notre sens, de nombreuses obligations que nous avons développées largement ailleurs1. Nous traiterons ici de celle qui consiste à prendre au sérieux les crises politiques, dont Michel Dobry a fait la sociologie, et les événements. Incontestablement, la question du rapport entre les « idées » politiques et les événements historiques est à la fois banale et piégée. Tout d’abord, parce que la théorie politique en France reste très attachée aux « questions pérennes » – à la différence du tournant qu’a inspiré ailleurs l’« École de Cambridge », notamment son représentant le plus connu, Quentin Skinner – et congédie par conséquent ce rapport à l’événement, et aux crises politiques. Ensuite, parce qu’elle est prise notamment dans les manuels, et par l’effet même des cours, dans un schéma évolutionniste paresseux mais puissamment téléologique qui mène inéluctablement… de Socrate au libéralisme, ce que suggère là encore Quentin Skinner dans La liberté avant le libéralisme. Enfin, parce qu’il est difficile de résister à la croyance (en partie ethnocentrée) selon laquelle les idées feraient l’Histoire. Bien sûr, il ne s’agira pas ici de renverser la tendance, c’est-à-dire de supposer inversement que la crise politique ferait les idées. Mais il s’agira, en repartant des acquis de la Sociologie des crises politiques de proposer deux pistes possibles de recherche et de travail, celle de Skinner qui s’intéresse avant tout au contexte discursif, celle des historiens, à commencer par Timothy Tackett, qui explorent la manière dont les événements radicalisent les acteurs révolutionnaires.
Dessiller le regard
2Deux textes de philosophes permettent tout d’abord de voir jusqu’où il faut aller si l’on veut véritablement articuler contexte, événement et histoire sociale des idées, celui d’Étienne Balibar dans Le Moment philosophique des années 60 en France2 et celui de la logicienne et philosophe Claude Imbert consacré à Lévi-Strauss, Le passage du Nord-Ouest3. Dans son chapitre, consacré aux « philosophes de l’événement », Étienne Balibar reconstitue son dialogue en 1967, alors que lui-même rentre de sa coopération en Algérie, avec son condisciple de l’ENS, Robert Linhart, qui venait de basculer exclusivement vers l’action politique, le maoïsme et le projet collectif de l’établissement en usine. Celui-ci finit par lui poser une question : « Qui passe les commandes au théoricien4 ? » On pourrait préciser cette question, et tel est sans doute l’implicite dans ce moment théorico-politique pour Linhart :
« Qui passe les commandes au théoricien politique ? » La réponse d’Étienne Balibar, qu’il souhaite inscrire, dans la lignée de Judith Butler et que l’on tord sans doute dans un sens qui n’est pas tout à fait le sien est la suivante : il s’agit « non pas tant de “penser l’événement” comme tel, que d’écrire “en rapport avec l’événement”, dans une modalité oblique, elle-même événementielle. »
3Ce que l’on essaiera de faire ici, c’est de proposer quelques pistes qui permettent de saisir les effets de cette « modalité oblique ».
4Le deuxième texte, celui de Claude Imbert, prend à bras-le-corps, l’articulation du contexte et du projet de Lévi-Strauss. Il s’agit donc de penser ensemble pour citer Lévi-Strauss dans Tristes Tropiques, les camps d’extermination, « l’obsession maniaque pour le sang et la torture, en réalité universelle5 », pour citer Claude Imbert « une Europe matériellement et intellectuellement dévastée6 » et le projet de Lévi-Strauss, c’est-à-dire son contenu théorique, ou plus largement ce qui a été étiqueté ensuite et unifié sous l’étiquette « structuralisme ». En particulier, Claude Imbert montre comment il s’agit de se « déprendre » du « moi » occidental (soit du « j’existe », conséquence de l’ego cogito cartésien mais « sans l’appui de la méditation cartésienne7 », ou encore de ce qu’elle appelle le « cartésianisme baladeur » de Sartre8) et des « habitudes mentales » qui l’accompagnent.
5Alors que la proposition que l’on peut tirer d’Étienne Balibar consiste à comprendre comment un « événement » passe (pour partie) les commandes et conduit donc à s’interroger sur les « modalités obliques », la proposition que l’on peut tirer de Claude Imbert consiste à interroger les mutations des catégories de perception, ce qu’elle appelle en référence sans doute ironique aux catégories marxistes, les « infrastructures perceptives9 ». Un exemple de Passage du Nord-Ouest permet à nouveau de préciser cette proposition. Claude Imbert y cite l’éditorial de Merleau-Ponty dans le premier numéro des Temps modernes de novembre 1945 : « La Guerre a eu lieu » et surtout « la phrase », écrit-elle, « inachevée, inachevable » qui « manifestait, tout à la fois, l’impuissance de la perception comme règle et compte-rendu et l’obscénité de sa prétention à se hausser jusqu’à l’histoire10 ». Cette phrase : « Et ces cars pleins d’enfants place de la Contrescarpe… » est l’une des manifestations de ce que Claude Imbert, philosophe du langage rappelons-le, nomme « un point d’aphasie philosophique11 ». C’est à ces conditions qu’elle peut désigner Claude Lévi-Strauss comme membre de la « génération que l’on dira de 194512 », en raison de la prise de conscience de ce que cette génération a historiquement traversé mais aussi de son contact avec des productions artistiques comme la « peinture non scénographique » qu’est Guernica ou l’« autre manière d’entendre13 » impulsée par Stravinsky. Génération qui, après avoir éprouvé que sa formation ne produisait aucune « intelligence du présent », a « engag[é] […] un travail à long terme touchant à nos schèmes de pensée et à nos repères cognitifs14 ». Il s’agit par là aussi de réfléchir à une hypothèse qui viendrait compléter, voire chahuter, celle de « régression vers les habitus15 ». Et par exemple de discuter la proposition selon laquelle « l’invention [de comportements et de représentations au moment d’une crise] n’est en somme, ni la duplication pure et simple de ce qui a été intériorisé, ni le surgissement soudain et mystérieux, ex nihilo, de l’innovation16 ».
6Ces deux propositions ont été formulées, au moins la seconde pour des producteurs « cardinaux » de théories –, producteurs cardinaux par référence aux Mondes de l’art de Howard Becker qui voit une œuvre d’art comme le résultat de la coopération de producteurs cardinaux et de multiples personnels de renfort. Si l’on admet, en référence à ce modèle, qu’une « idée » (ou une idéologie) politique est le produit d’une multitude d’acteurs (petits et grands, producteurs et récepteurs), ces propositions valent également et peut-être même a fortiori en ce qui concerne les mutations des conditions de perception pour les « personnels de renfort » qui participent à la production des idées politiques. Elles permettent de dessiner un horizon des ambitions si l’on veut prendre au sérieux le lien entre la production des idées et l’événement, le contexte ou la crise politique.
Contexte discursif et productions intellectuelles
7La première manière de répondre à ces défis, et sans doute l’une des plus élégantes, comme on le dirait d’une démonstration mathématique, est celle de Quentin Skinner. Dès ses premiers articles de méthode, celui-ci entend dépasser deux points de vue opposés : celui historiciste pour lequel il n’y aurait que des réponses à des contextes historiques et celui pour lequel au contraire il n’y aurait que des questions pérennes posées par les textes devenus canoniques. Pour Skinner, les deux positions sont fausses, mais c’est ici la fausseté de la première position qui nous intéresse principalement parce qu’elle permet de répondre au défi du contexte. S’inscrivant dans la philosophie de Wittgenstein et d’Austin, point trop longtemps et trop souvent oublié dans sa réception française, Skinner pose que réduire le texte à son contexte historique, c’est le réduire « au statut d’un effet de ce qui n’est pas lui17 ». Il s’agit au contraire de restituer au texte sa « force illocutionnaire », c’est-à-dire l’intention de son auteur, sachant que cette intention n’est pas celle qui précède l’action et qui est inconnaissable (« to do x ») mais celle qui se réalise dans l’action : « in x-ing18 »). Pour découvrir cette « intention », il y a bien un contexte à saisir et à reconstituer mais ce contexte est l’ensemble du discours politique du moment, de manière à comprendre la forme d’action que le texte d’un auteur entend promouvoir ou attaquer. En ce sens, et c’est pourquoi, la solution skinnerienne est sans doute la plus « économique », le contexte est avant tout un contexte discursif.
8Par exemple, sa lecture des textes politiques de Hobbes dans son avant-dernier livre, Hobbes et la conception républicaine de la liberté, consiste à montrer que, depuis l’écriture des Éléments de la loi naturelle et politique en 1640 jusqu’à la dernière édition latine du Léviathan en 1668, il y a une profonde évolution, et même un « désaveu de ce qu’il avait auparavant soutenu » à propos de la liberté. Mais si Skinner peut mettre au jour cette évolution, c’est parce qu’il « aborde la théorie politique de Hobbes […] dans sa dimension politique très concrète d’intervention polémique dans les conflits idéologiques de son temps19 », et c’est ce qui le conduit à restituer à propos de chacun des livres de Hobbes, les argumentaires qui lui sont contemporains (en partie oubliés) auxquels l’auteur du Léviathan réplique systématiquement. Au contexte discursif des œuvres de Hobbes contribuent, entre autres, au fil du temps, les monarchomaques « engagés dans la lutte contre la monarchie dans le cadre des guerres de Religion française et hollandaise20 », « les juristes de la Couronne anglaise dans leurs démêlés avec la Chambre des communes au cours des premières décennies du xviie siècle21 », les traductions anglaises de La République de Bodin « qui avait […] conquis un large public22 » ou des Discorsi de Machiavel, puis dans les années qui suivent l’exécution de Charles 1er, les « doctrines » du « clergé séditieux, qu’il soit romain ou presbytérien23 », « les “beaux messieurs démocrates”24 » qui s’inspirent des Grecs et des Romains ainsi que les « propagandistes de la République anglaise » comme John Milton et John Hall ou encore les auteurs levellers, mais aussi les gravures et emblèmes de son temps25. L’ensemble de ces productions discursives et artistiques est pris par Skinner comme autant d’« intervention[s] polémique[s] », d’« actes ». Ainsi qualifie-t-il le Léviathan lui-même comme un « grand coup rhétorique » et un « exercice d’ironie dramatique26 ».
9Cette attention au contexte discursif, voire au contexte rhétorique, – ce qu’il a développé dans son dernier ouvrage Forensic Shakespeare –, est aussi chez Skinner une attention aux « points historiques », c’est-à-dire au moment où une théorie s’est imposée contre une autre. Dans son article, publié dans le volume consacré près de trente ans après sa parution aux Fondations de la pensée politique moderne, où il revient sur l’écriture du livre mais aussi sur les critiques qui lui ont été adressées27, il explique à plusieurs reprises combien ce qui l’intéresse, ce sont les « discontinuités », les « contrastes », les « changements conceptuels », ce qui précisément le distingue, juge-t-il, du travail de Foucault.
10Cette piste du « contexte discursif » peut également être explorée à partir de l’historien d’art, Michael Baxandall, qui partage des références avec Skinner, et notamment, le même intérêt pour la philosophie du langage. Dans Formes de l’Intention28 – l’intention étant définie de manière équivalente à celle de Skinner –, Baxandall s’interroge sur les options discursives, théoriques et/ ou esthétiques possibles dans une configuration historico-politique donnée. Par exemple, dans son analyse de Une dame qui prend du thé (1735) de Chardin, Baxandall recherche les proximités entre la peinture de Chardin et les thèses de Newton et de Locke, ou plus exactement entre sa peinture et les « différentes formes de vulgarisation du “newtonisme” ou du “lockisme”29 ». La démonstration le conduit à explorer la diffusion de ces théories en France, jusqu’aux ouvrages de vulgarisation, ainsi que les traités pratiques (d’anatomie, de peinture, d’architecture…) qui permettent de considérer à cette époque qu’une peinture n’est « pas tant […] une représentation de la substance ou de la nature [qu’une] représentation de la perception visuelle qu’on en a30 ». Chardin, conclut Baxandall, aurait donc peint l’« histoire d’une expérience perceptive31 ». Et c’est en cela qu’Une dame qui prend du thé est un tableau « lockien », sans qu’il y ait une « relation directe » entre le tableau et l’œuvre, mais au sens où ils s’inscrivent l’un et l’autre dans « un (même) ensemble d’idées32 ».
11Si cette double solution est la plus élégante, la réduction du contexte à un contexte discursif conduit néanmoins tout d’abord à délaisser sa dimension sociale – même s’il existe quelques rares allusions de Skinner à des explications sociales du triomphe d’une théorie sur une autre33 ou au moins une mention de « pré-conditions matérielles34 » de l’acceptation d’une nouvelle théorie politique. La manière, ensuite, dont s’articule contexte discursif et crise politique, en l’occurrence pour l’œuvre de Hobbes, les guerres civiles anglaises, le régicide et l’instauration de la République par Oliver Cromwell, reste, pourrait-on dire, dans le hors-champ du projet.
La Révolution a fait les Lumières
12La deuxième piste possible est celle tracée par une partie des historiens, à commencer par Roger Chartier dans Les origines culturelles de la Révolution française. Il s’y attaque à la thèse, proposée notamment par des philosophes comme Burke ou Hegel dès la crise elle-même, mais aujourd’hui encore vivace, qui veut que les Lumières (et notamment Rousseau) aient « fait » la Révolution. Il montre, à l’inverse que c’est la Révolution qui a constitué (à travers les fêtes, les panthéonisations de Rousseau et Voltaire, les catéchismes révolutionnaires, les almanachs, les jeux de cartes et bien sûr les discours politiques) les Lumières comme origines de la Révolution. Ce renversement (qui a lui-même son propre contexte historique soit la célébration du Bicentenaire de la Révolution, la domination alors d’une vision furétienne de celle-ci, une controverse très feutrée avec Robert Darnton qui donne, lui, une fonction opératoire de délégitimation des élites traditionnelles et de la monarchie aux « Rousseau des ruisseaux »35) passe notamment par la transformation des « origines intellectuelles » en « origines culturelles ». Transformation qui consiste à s’intéresser non plus aux « idées », voire aux discours, mais aux pratiques et à leur transformation. C’est là une nouvelle manière, après celle de Baxandall, de comprendre les modifications des catégories d’appréhension du sensible dans leurs liens avec l’événement et les crises politiques, évoquées à la suite du texte de Claude Imbert. Ainsi, Chartier souligne, par exemple, la croissance de l’alphabétisation et du nombre de livres possédés, y compris chez les domestiques et les compagnons, l’apparition des cabinets de lecture et des loueurs de livres mais aussi la pluralité des manières de lire. Celles-ci passent à la fois par la multiplicité des registres de réception – les pamphlets pornographiques écrits par la bohème peuvent être pris comme des textes littéraires, une mine d’informations sur la Cour ou une source de plaisir – et par l’évolution des techniques, de « la lecture à haute voix », proche de la remise de soi, à « la lecture silencieuse36 » capturant plus aisément l’imagination du lecteur, ou encore au « mode de lecture “sentimental”37 », qui instaure un rapport personnel, parfois passionnel avec l’auteur, notamment à l’occasion de la publication des grands romans à succès de la deuxième moitié du xviiie siècle.
Dynamique révolutionnaire et catégories philosophiques
13Ensuite, l’exploration de la relation entre une crise et l’émergence de nouvelles catégories politiques conduit bien évidemment à évoquer l’ensemble des travaux de Tackett sur les élus aux États-généraux, la fuite à Varennes38, et, de manière récente, la Terreur. Dans son ouvrage sur les premiers mois de la Révolution, il s’agit pour montrer la radicalisation des élus (soit du point de vue des idées politiques, leur capacité à s’instituer en membres d’une Assemblée constituante et donc à mettre fin à la monarchie absolue au profit d’une monarchie constitutionnelle), de rompre avec deux explications dominantes de la Révolution, toutes les deux « étiologiques » comme l’écrirait Michel Dobry. La première voit dans les facteurs sociaux et économiques ainsi que dans les antagonismes des ordres l’explication de la Révolution, tandis que la seconde, soulignant la très grande proximité des élites bourgeoises et aristocratiques, privilégie « l’effondrement interne de la monarchie39 », provoquée par le triomphe des Lumières les plus radicales. S’appuyant sur de très nombreuses sources mais centralement sur celles, biographiques (journaux, correspondances, mémoires, etc.), qui demeurent, il décrit tout d’abord la composition sociale des ordres. Contre l’hypothèse d’une proximité des élites, Tackett fait apparaître les écarts de richesses et de statuts entre représentants du Tiers et de la Noblesse, et insiste notamment sur tout ce qui, dans la dynamique des débats, aura des effets sur les représentations, les émotions et les prises de position. Ainsi les représentants de la Noblesse appartiennent à « l’aristocratie la plus haute et la plus prestigieuse40 » – par exemple ¾ d’entre eux sont titrés, alors que ce n’est le cas que de 5 % de la noblesse – et se caractérisent avant tout par leur carrière militaire (pour 4/5e des élus) voire par leur participation à une guerre, et par la contrepartie de celles-ci : leur quasi absence d’études. Tout, à l’exception de la petite minorité de la noblesse de robe (1/10e), ne pourra donc en situation de crise que les opposer aux membres du Tiers (qui sont, rappelons-le, en raison des débats sur la représentation des ordres qui ont précédé les élections, deux fois plus nombreux). 2/3 de ces élus ont reçu une formation juridique (on y dénombre notamment 218 magistrats et 181 avocats) et/ou ont exercé des responsabilités jusqu’auprès des administrations royales ou des ministres pour une toute petite minorité d’entre eux. Un tiers, enfin, sont universitaires, hommes de lettres ou médecins. En revanche, s’ils connaissent une certaine aisance, si certains peuvent même avoir une mère ou une femme aristocrate, leur richesse moyenne est 7 à 8 fois inférieure à celle des Nobles.
14Leurs pratiques culturelles ne sont pas plus explicatives du déclenchement de la Révolution. Un petit dixième de l’ensemble des députés a publié, mais leurs écrits sont très minoritairement liés aux Lumières et parfois même leur sont hostiles. Lorsqu’ils évoquent les questions politiques ou les grands hommes, ces auteurs « font grand cas d’un gouvernement éclairé et d’un sens du bien public, mais l’accent est généralement mis sur des réformes venus d’en haut41 ». En bref, jusqu’en juin 1789, ils ne font pas le lien entre les Lumières et leur actualité. De même, si certains députés du Tiers sont déjà des leaders dans leur région d’origine, si certains se sont « rodé[s] […] aux formes et aux procédures de la politique collective42 », si la majorité des futurs élus « sont déjà préparés aux nouvelles formes de la politique révolutionnaire43 », ils n’en ont pas forcément assimilé les contenus comme le montre l’écart entre ce qu’ils écrivent et le pamphlet, appelé à devenir célèbre, de Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers ?44 Même Robespierre, qui appartient à la toute petite minorité de ceux qui s’indignent de la misère du peuple, se montre attaché à la figure du Roi.
15Dès lors, pour comprendre la radicalisation de ces élus, Tackett s’intéresse, à une conjoncture fluide par excellence, soit les six semaines qui s’écoulent entre l’arrivée à Versailles et la proclamation par le Tiers qu’il se constitue en Assemblée constituante, qu’il décrète les impôts illégaux et qu’il est la seule autorité à pouvoir en créer, et qu’il rédigera une Constitution hors de toutes pressions royales ou aristocratiques. Plus encore, et c’est bien l’hypothèse d’une modification des repères cognitifs qui s’en trouve validée, dès lors les élus mettent effectivement en lien ce qu’ils sont en train de faire et de dire avec les catégories les plus usuelles des Lumières : la Raison, la loi naturelle, les droits de l’Homme.
16Les facteurs de cette radicalisation, et par conséquent de modifications des catégories d’appréhension des élus, sont nombreux mais tiennent avant tout à la « dynamique des débats45 » et aux interactions quotidiennes entre eux. Ceux du Tiers se découvrent tout d’abord (en raison de leurs propriétés sociales et culturelles, mais aussi de leur mode de sélection propre qui les a obligés, à la différence des autres ordres, à faire campagne) meilleurs orateurs et soutenus par le public versaillais. Tackett donne ensuite une part tout à fait centrale aux émotions – facteur dont l’importance dans son œuvre ne cesse de croître. Elles sont liées à l’indécision du Roi, à la rumeur qu’elle engendre d’une arrestation des élus puis à l’humiliation éprouvée par les représentants des deux premiers ordres lorsque le monarque invite les trois ordres à siéger ensemble, au « sentiment d’unité et de concorde fraternelle entre les ordres46 » – en tout cas des élus qui siègent encore – lorsque Louis XVI vient enfin les saluer le 15 juillet. Elles sont liées encore, inextricablement, à « l’irruption brutale47 » des classes populaires, avec les émeutes parisiennes de juillet puis lors de la « Grande peur ». Plus de trois quarts d’entre eux, écrit Tackett, sont « épouvantés », « horrifiés » et persuadés que ces émeutes sont le fruit de complots, et ce d’autant plus quand les violences gagnent leur ville. C’est dans ce double contexte émotionnel que se déroule la nuit du 4 août. Dans la suite de l’analyse, et en particulier, à propos des mois qui suivent l’installation des députés, sous la pression des foules parisiennes descendues à Versailles, Tackett prête attention aux effets des dispositifs matériels et des emplois du temps sur la constitution des opinions et des groupes48. Ainsi, les estrades face à face de la Salle du Manège aux Tuileries « contribue[nt] à la polarisation », tandis que pèse la fatigue d’élus qui siègent sept jours sur sept, de 9 h à 22 h ou 23 h, avec une seule pause, et se réunissent, de plus, plusieurs fois par semaine, dans leur club respectif.
Émotions et Républicanisme
17Le texte sur Varennes49 est peut-être encore plus saisissant sur l’effet immédiat d’un événement sur les croyances et les catégories politiques. En effet, la crise elle-même dure à peine quelques jours, et Tackett suit cette fois l’événement heure par heure. C’est à la dimension émotionnelle qu’il est le plus sensible puisqu’il décrit la fuite de Louis XVI et donc sa trahison comme une « expérience profondément traumatisante et déstabilisatrice », alors que les Français éprouvaient pour lui un « profond respect » et une « affection véritable50 ». Si Tackett suit le Roi et son équipage tout au long de sa fuite et de son retour, on peut, ici, se concentrer sur Paris pour comprendre la probabilité de la formulation d’une solution républicaine par certains clubs comme les Cordeliers fréquenté par Desmoulins, Danton ou Marat. La capitale, avec ses 700 cafés où l’on lit la presse radicale, sa cinquantaine de clubs politiques et ses 48 sections qui se réunissent régulièrement, où l’on a connu des formes de grèves ou d’actions collectives contre la hausse des prix ou la loi Le Chapelier, vit depuis le début de la Révolution une « radicalisation exceptionnelle51 ». Tackett est attentif au brouhaha de l’alarme (les cloches des paroisses qui sonnent le tocsin, le tambour de la garde nationale qui appelle les hommes aux armes), à l’attaque contre l’ensemble des symboles royaux de la ville, des plus officiels (les statues sont voilées de noir, les fleurs de lys des bâtiments sont ôtées ou recouvertes, les bustes royaux ôtés, les portraits de Louis XVI jetés à la rue) aux plus triviaux (les enseignes des restaurants « au bœuf couronné » sont détruites, le roi et sa famille sont représentés en cochons). Dorénavant, les journaux, même modérés, avec l’annonce de la fuite de Louis XVI et la découverte de la lettre où il explique n’avoir accepté les lois révolutionnaires que « contraint et forcé52 » se montrent défavorables au Roi. Il en va de même chez les députés jusqu’à la droite modérée53, élus en 1789, que quelques mois séparent des élections à la Législative. Le discrédit quasi général s’accompagne néanmoins au fil du temps d’interrogations plus clivantes – le roi doit-il être rétabli ? Jugé ? – avant que l’exonération l’emporte à la mi-juillet. Ces émotions s’accompagnent – et rendent possible – des expériences politiques inédites : les sections parisiennes qui siègent en permanence et accueillent les citoyens passifs pendant la fuite du Roi, les défilés de sans-culottes, armés de faux, de fourches, et de piques coiffés de bonnets phrygiens, des manifestations parfois réprimées très brutalement par la Garde nationale comme celle du 17 juillet au Champ-de-Mars, après l’annonce du maintien du Roi…
18Cette séquence (fuite, arrestation et mobilisation populaire) s’est achevée par une vague de répression à l’endroit des Républicains (arrestations, mises au secret, censure de la presse, fermeture des clubs, espionnage des cafés), accusés d’être des comploteurs contre la Révolution, mais ce qui nous intéresse avant tout ici est son effet sur les catégories d’évaluation du politique. Les lettres, venues de Province, adressées à l’Assemblée nationale permettent, en effet, de mesurer le basculement de l’opinion (lettres, précisons-le, représentatives d’un secteur bien particulier de l’« opinion », les élites). La désaffection est identique à celle des Parisiens et interprétée de la même manière par l’intermédiaire des Clubs. À partir de la mi-juillet, seul un témoignage sur six demeure favorable au Roi. La comparaison avec Charles IX (qui fit ordonner la Saint-Barthélemy sous couvert du mariage de sa sœur) vient remplacer celle, récurrente auparavant, avec Henri IV. La moitié de ces lettres souhaitent dorénavant la destitution du Roi ou son jugement, même si l’idée républicaine demeure, là aussi, marginale.
Émotions et Terreur
19Le dernier livre de Tackett, The Coming of the Terror in the French Revolution54, est comparable par son interrogation au travail sur les élus de 1789 : comment les élites politiques révolutionnaires ont-elles accepté et, plus encore, justifié voire promu la Terreur ? « Comment ceci est arrivé55 ? », pourrait-on résumer. Il l’est encore par la méthode – suivre le cours des événements dès 1789, et par le choix des matériaux les plus à même de renseigner sur l’évolution des subjectivités et des catégories d’évaluation. Il mobilise notamment les mémoires et correspondances qui, pour ces dernières, outre leur rareté, peuvent parfois être très lacunaires, en raison de la surveillance policière pendant la « Grande terreur ». Enfin, dans la lignée de l’ouvrage sur Varennes, c’est avant tout aux émotions et à leur « versatilité56 » qu’il s’intéresse57. Mais plus nettement que dans son enquête sur la fuite du Roi, ce sont des émotions particulières qu’il prend en compte : la « peur et l’incertitude » et la manière dont celles-ci sont constamment « allées de pair » avec « l’espoir et l’enthousiasme58 ».
20Comme Tackett le souligne dans sa conclusion, la Terreur ne peut s’expliquer par un seul facteur, ni « la culture d’Ancien régime, ni l’influence de quelques-uns, ni les seules circonstances. La Terreur est plutôt advenue par une addition d’évolutions entraînées par le processus révolutionnaire lui-même59 », raisonnement comparable à celui avancé pour la conversion des députés de 1789. Enchaînement que l’on ne reprendra pas dans le détail mais dont on évoquera uniquement les principaux aspects. Ici, c’est avant tout la manière dont l’enchâssement des événements et leur caractère radicalement inédit ne sont à la fois pas le produit d’une « idéologie pré-existante et bien définie » et combien ils lèvent des émotions conduisant « à une série d’improvisations qui [constitueront] la structure institutionnelle de la Terreur60 » qui sont centrales. En effet, cette double caractéristique conduit à des solutions intellectualo-politiques impensées jusque-là (la Terreur) tandis qu’elle modifie les catégories intellectuelles et émotionnelles d’appréhension du cours des choses en train d’advenir.
21C’est d’abord au rapport à l’autorité que Tackett prête attention. Il repère l’« effondrement61 » rapide de l’ensemble des institutions d’ancien régime ainsi que la mise en place de pouvoirs parallèles (la Garde nationale, les sections, les sociétés et les clubs populaires), facteurs d’énergie, de soutien mais aussi de désunion, puis l’« anarchie62 » croissante au fil du temps : les émeutes, les départs des aristocrates, la multiplication des prêtres réfractaires, les troubles religieux et enfin la guerre civile dans l’Ouest de la France. Cette déstabilisation, présente dès 1789, particulièrement accentuée, estime Tackett, dès le printemps 1791, se repère dans les rêves de chute que leur retrouve dans les journaux et les lettres – signe, pourrait-on commenter, de la modification des catégories d’appréhension du politique, nous allons y revenir.
22C’est ensuite la perception de la « menace contre-révolutionnaire63 » et, en général, l’obsession des complots qui constituent l’un des fils rouges du texte. Si les opposants ne développent que progressivement une idéologie cohérente, s’ils apparaissent rétrospectivement faibles, les révolutionnaires n’ont à ce sujet aucune certitude, mais sont au contraire exposés très tôt à la très grande violence verbale de leur presse, vectrice de leur hypersensibilité aux menaces. En cela, la Terreur vue par Tackett constitue une exemplification passionnante de « l’incertitude structurelle » de ce que Michel Dobry désigne comme de « “grandes” crises politiques64 ». Si les rumeurs, en particulier populaires, suivent les canaux anciens, si l’obsession du complot est une constante au xviiie siècle, elles sont aussi facilitées comme les dénonciations, par la presse puisque certains journalistes en ont fait leur fonds de commerce (c’est le cas de Brissot avec Le Patriote ou de Marat dans L’Ami du peuple), et par les clubs, deux formes nouvelles de sociabilité. Cette « terreur ordinaire65 » acclimate, selon Tackett, la pratique de la dénonciation par les leaders de la Révolution. De même, après Varennes, la méfiance des membres des élites vis-à-vis des rumeurs décroît. Mieux, ils s’y convertissent d’autant plus qu’ils n’y ont pas cru initialement et que débute une série de trahisons. Pour tous, à commencer par le Peuple parisien, la guerre et le « mélange […] d’excitation et […] d’appréhension » qu’elle suscite, deviennent un horizon possible. Après la prise des Tuileries et les affrontements sanglants du 10 août 1792 qui précipitent la chute de la Monarchie, Paris demeure en proie à la « peur » et à l’esprit de « vengeance66 » dont l’une des matérialisations sont les « massacres de septembre », alors que la Prusse a commencé son invasion. Tackett prend soin de décrire précisément – ce que nous ne pouvons détailler ici – tous les dispositifs matériels qui contribuent à la tension : les sessions permanentes des clubs et des sections, les cloches qui sonnent, les illuminations nocturnes de Paris, la fermeture de ses portes, la destruction des statues et des images royales. Ils participent à la production de « l’extase67 » des patriotes après la victoire de Valmy, ou de la foule de 80000 à 100000 personnes qui auraient assisté à l’exécution de Louis XVI.
23Dans la logique de son premier ouvrage, Tackett considère également ce qui se produit à l’Assemblée législative puis à la Convention, ainsi qu’au sein des nouvelles institutions révolutionnaires (Commune de Paris, Comité de salut public, clubs et sections…) qui, progressivement, marginalisent les députés. À l’Assemblée, la violence est palpable, certains viennent armés, les pressions sur les non alignés sont intenses, la Marseillaise est chantée à chaque session de la Convention. Les émotions, originellement tournées contre les aristocrates animent progressivement les affrontements entre élus (Jacobins contre Feuillants, Montagnards contre Girondins), affrontements dont le résultat est la « diabolisation » des adversaires. Écrasés de travail, poursuivant tout du long les réformes égalitaires, les députés ont changé de vêtements, ôté leurs perruques et leurs chaussures à boucle, le tutoiement s’est généralisé. Les nouveaux personnels politiques issus des classes moyennes (comme Hébert à la tête du Père Duchesne) adoptent le vocabulaire et les vêtements des militants issus des classes populaires68. Lorsque les désastres militaires s’accumulent au moment où la Guerre de Vendée commence, ou lorsque Dumouriez le héros de Valmy passe à l’ennemi, c’est une quasi panique qui saisit la Convention.
24Une autre manière de lire l’ouvrage de Tackett, au plus près du lien entre catégories de perception, crise politique et production des idéologies, est de relire le récit en suivant les témoignages des acteurs, par exemple celui de Rosalie Jullien, auteur d’une abondante correspondante, dont le mari fut un député montagnard de la Convention et le fils cadet l’un des collaborateurs de Robespierre. Par exemple, en août 1789, c’est l’impression d’être prise « dans une violente tempête69 » qu’elle confie à son mari. Quelques mois plus tard, elle « a pris goût à la nouvelle culture démocratique », commente Tackett, et fréquente assidûment l’Assemblée constituante et sa propre section. À la fin 1791, nouvelle période d’anxiété, dans l’un de ses rêves, « elle marche sous un pâle clair de lune et dans un paysage étrange avant de tomber dans de profondes abysses70 ». Cette angoisse croît encore, au moment de l’invasion de la France, et de la prolifération des rumeurs. « Horreur, pitié, admiration, joie, plaisir, chagrin et terribles dangers […]. Je meurs d’anxiété », écrit-elle. Lors des massacres de septembre, malgré les tourments qu’elle en éprouve, elle conclut à « l’atroce nécessité » de ce qui est arrivé, puisque « le Peuple, dans sa fureur, a vengé les crimes de trois années de vile trahison » et sauvé la France71. Mi-1793, elle adhère à la vision des sans-culottes, assiste régulièrement aux séances de la Convention – autrement dit, elle participe activement aux encouragements ou aux cris de protestation à l’endroit des députés – et à certains procès du Tribunal révolutionnaire comme celui des Girondins. Au plus fort temps de la déchristianisation (endiguée par le culte de l’Être suprême, instauré par Robespierre), elle se décrit « frappée par un choc électrique » et « complètement abasourdie ».
25L’histoire sociale des idées a généralement délaissé le rôle des crises et des événements politiques. Nous avons fait le pari ici que travailler ce rôle revenait à prendre au sérieux l’intrication entre modifications des catégories d’évaluation et de perception et formulation de nouveaux possibles politiques, et que ce faisant, cette réflexion viendrait enrichir et prolonger l’analyse des « conjonctures fluides ».
Notes de bas de page
1 Matonti Frédérique, « Plaidoyer pour une histoire sociale des idées politiques », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 59, no 4 bis, « Regards sur l’histoire intellectuelle », 2012, p. 85-104.
2 Balibar Étienne, « Le philosophe et l’actualité : au-delà de l’événement ? », in Maniglier Patrice (dir.), Le Moment philosophique des années 60 en France, Paris, PUF, 2011, p. 211-234.
3 Imbert Claude, Lévi-Strauss, le passage du Nord-Ouest, Paris, Éditions de l’Herne, coll. « Carnets », 2008.
4 Balibar Étienne, « Le philosophe et l’actualité », op. cit., p. 212.
5 Cité, in Lévi-Strauss, le passage du Nord-Ouest, op. cit., p. 40.
6 Imbert Claude, Lévi-Strauss, le passage du Nord-Ouest, op. cit, p. 41.
7 Ibid., p. 43-44.
8 Ibid. p. 47. C’est elle qui souligne.
9 Ibid., p. 61.
10 Ibid., p. 59.
11 Ibid., p. 49.
12 Ibid., p. 48.
13 Ibid., p. 54-55.
14 Ibid., p. 47.
15 Auquel est consacré le chapitre vii de Sociologie des crises politiques, « La régression vers les habitus ».
16 Sociologie des crises politiques, op. cit., p. 242.
17 Selon le commentaire qu’en fait Jean-Fabien Spitz in « Comment lire les textes politiques du passé ? Le programme méthodologique de Quentin Skinner », Droits, 10, 1989, p. 133-145.
18 Skinner Quentin, « Motives, intentions and interpretation », in Visions of politics, vol. 1. Regarding Method, Cambridge University Press, 2002, p. 98.
19 Skinner Quentin, Hobbes et la conception républicaine, op. cit., p. 13.
20 Ibid., p. 56.
21 Ibid., p. 74.
22 Ibid., p. 75.
23 Ibid., p. 141.
24 Ibid., p. 142.
25 Sur ce point voir aussi Bredekamp Horst, Stratégies visuelles de Thomas Hobbes. Le Léviathan, archétype de l’État moderne. Illustrations des œuvres et portraits, Paris, Éditions de la MSH, 2003 [1999].
26 Skinner Quentin, Hobbes et la conception républicaine, op. cit., p. 13 et p. 201.
27 Skinner Quentin, « Surveying the Foundations : a retrospect and reassesment », in Annabel Brett and James Trully with Holly Hamilton-Bleakley (ed.), Rethinking the Foundations of Modern Political Thought, Cambridge UP, 2006.
28 Baxandall Michaël, Formes de l’intention. Sur l’explication historique des tableaux, (1985), Nîmes, Jacqueline Chambon, 1991.
29 Ibid., p. 134.
30 Ibid., p. 161.
31 Ibid., p. 170.
32 Ibid., p. 171.
33 Cf. La Liberté avant le libéralisme, op. cit.
34 « Surveying the Foundations… », op. cit., p. 248.
35 Darnton Robert, Bohème littéraire et Révolution, Le Monde des Livres au xviiie siècle, Paris, Gallimard/Seuil, 1983, p. 32 et pour une vision qui converge plus avec l’analyse de Chartier, Le diable dans le bénitier. L’art de la calomnie en France, Paris, Gallimard, NRF Essais, 2010.
36 « Lectures et lecteurs “populaires” de la Renaissance à l’âge classique », in Gugliemo Cavallo et Roger Chartier, Histoire de la lecture dans le monde occidental, Paris, Seuil, Coll. « Points », 2001, p. 346.
37 Voir aussi Wittmann Richard, « Une révolution de la lecture à la fin du xviiie siècle », in Gugliemo Cavallo et Roger Chartier, Histoire de la lecture dans le monde occidental, op. cit., p. 370.
38 Tackett Timothy, Par la volonté du peuple. Comment les députés sont devenus révolutionnaires (1996), Paris, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », 1997 et Le Roi s’enfuit. Varennes, les origines de la Terreur, (2004), Paris, La Découverte, 2004 ; voir aussi, « La Grande Peur et le complot aristocratique sous la Révolution française », Annales historiques de la Révolution française, no 335, janvier-mars 2004, p. 1-17 ; The Coming of the Terror in the French Revolution, Cambridge, Harvard University Press, 2015.
39 Par la volonté du peuple…, op. cit, p. 14.
40 Ibid., p. 24.
41 Ibid., p. 62.
42 Ibid., p. 75.
43 Ibid., p. 94.
44 De ce point de vue, la révolution a transformé aussi a posteriori le texte de Sieyès en prophétie.
45 Par la volonté du peuple, op. cit., p. 140.
46 Ibid., p. 159.
47 Ibid., p. 145.
48 Pour une perspective proche sur les « effets moraux » des architectures, voir Heurtin Jean-Philippe, L’Espace public parlementaire. Essai sur les raisons du législateur, Paris, PUF, 1999.
49 Il existe une interprétation en partie concurrente de Mona Ozouf, mais qui n’altère pas l’hypothèse qui nous intéresse ici sur le rôle de l’événement dans la modification des catégories politiques, voir sur ce point par exemple, Martin Jean-Clément, « Mona Ozouf. Varennes, la mort de la royauté (21 juin 1791) », Annales ESC, 2006, no 4, p. 956-958.
50 Le Roi s’enfuit. Varennes, les origines de la Terreur, Paris, La Découverte, 2004, p. 25.
51 Ibid., p. 118. L’historien australien David Garrioch propose dans La fabrique du Paris révolutionnaire, Paris, La Découverte, 2013 [2002] une lecture sur le temps long (modification des sensations, des rapports sociaux et genrés, déclin des coutumes anciennes, augmentation des migrations et des déplacements) qui rendront la radicalisation possible – il faudrait d’ailleurs prudemment ajouter : mais non nécessaire.
52 Le Roi s’enfuit…, op. cit., p. 129.
53 Rappelons que cette désignation est commode mais qu’elle est rétrospective et surtout que les positions sont labiles et les passages d’un camp à l’autre fréquents.
54 Harvard University Press, 2015.
55 The Coming of the Terror, op. cit., Introduction, p. 1. Toutes les traductions sont les nôtres. [NB. Les paginations mentionnées sont celles de l’édition en ligne de l’ouvrage].
56 Introduction, p. 4.
57 Une analyse exhaustive de l’ouvrage devrait s’attacher à montrer comment Tackett retravaille sur les périodes historiques qu’il a déjà étudiées pour privilégier avant tout les émotions, par exemple les rapports intrigués voire effarés des élites à la violence populaire.
58 Chap. 5, p. 1.
59 Conclusion, p. 3.
60 Conclusion, p. 7.
61 Cf. chap. 3.
62 Cf. chap. 6, p. 1.
63 Cf. chap. 4.
64 Sociologie des crises politiques, op. cit., p. 150-151.
65 The Coming of the Terror, op. cit., p. 11.
66 Chap. 8, p. 7.
67 Chap. 9.
68 Sur l’inadéquation des corps façonnés par l’Ancien régime au nouveau cours politique, cf. de Baecque Antoine, Le Corps de l’histoire. Métaphores et politique (1770-1800), Paris, Calmann-Lévy, 1993 et Matonti Frédérique, Hérault de Séchelles. Les Infortunes de la beauté, Paris, La Dispute, coll. « Instants », 1998.
69 Cité in The Coming of the Terror, op. cit., chap. 2, p. 22. Dans la correspondance éditée par Annie Duprat, « Les affaires d’État sont les affaires de cœur. » Lettres de Rosalie Jullien, une femme dans la Révolution 1775- 1810, Paris, Belin, 2016, Rosalie Jullien écrit le 27 août 1789, « Enfin, mon ami, nous sommes ballottés par tant de différents vents, nous sommes agités par de si diverses passions, nous sommes mus par de si puissants et de si grands intérêts, que les tourbillons s’entrechoquent et se brisent comme dans le plus violent orage », p. 45.
70 Chap. 5, p. 3. Il s’agit de notre traduction à partir du texte de Tackett, la lettre n’ayant pas été reprise dans l’édition d’Annie Duprat.
71 Chap. 8, p. 19.
Auteur
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