Conclusion de la troisième partie. Un effet de champ : faire son titre pour faire sa place
p. 253-254
Texte intégral
1Anthony, doublement camarade de Tarik car camarade de promotion réel à l’IUT et camarade de papier dans l’espace des étudiants construit où il se situe à proximité à l’extrémité de la « petite porte », présente une trajectoire qui est aussi un mode de sortie de son destin qui aurait pu le mener en presse écrite régionale puis hors du secteur. Elle apparaît aussi comme un contrepoint de trajectoires suivies à l’opposé de l’espace par les étudiants dominants. Ainsi Anthony fait écho à David (mais aussi à Sophie) puisqu’il va créer son propre magazine : un gratuit culturel régional. À sa sortie de l’IUT et d’une année de licence professionnelle en option magazine dans la même école, il travaille pendant deux ans environ dans les rédactions de la presse quotidienne régionale de la région en passant de CDD en CDD. Lassé de cette vie et de ce journalisme, il réactive un projet qu’il avait imaginé avec un camarade, Tarik justement, lors de son année de licence professionnelle. Il mobilise des compétences spécifiques puisque dans son année de licence, il avait justement été formé à la création de magazine. Aidé par quelques amis, il obtient des financements pour l’aide à la création d’entreprise, s’installe dans la capitale régionale où, quasi seul, il fait tourner ce magazine qui se pérennise. Ses ressources et ses dispositions ont contribué à cette tentative et cette réussite car même s’il était situé à la « petite porte » de l’espace des étudiants, il est d’origine sociale intermédiaire, à capital culturel du côté de sa mère : son père est employé de banque et sa mère, professeure des écoles. Il compte quatre années d’études puisqu’après son DUT de journalisme, il est parti, comme Tarik, un an à l’étranger dans le cadre d’un Diplôme universitaire puis est revenu faire une licence professionnelle dans son IUT. On retrouve des dispositions volontaristes, réfléchies, et une ambition calculée semblables à celles d’Adèle mais qui sont plus un peu plus risquées à première vue puisqu’il s’agit de créer son titre. De ce point de vue, Anthony présente une pratique en partie similaire à celle de David qui a créé agence de presse et crée son site spécialisé d’information à un autre pôle du champ, mais avec des moyens et une ambition sociale et journalistique autres. Le cas d’Anthony, que l’on peut rapprocher de celui de Sophie ou d’autres étudiants d’école intermédiaire18 ou de la « grande porte »19 et de bien d’autres exemples des promotions ultérieures d’étudiants, a aussi l’intérêt de révéler un effet de champ qui s’exerce justement sous différentes formes à différents pôles de l’espace (magazine, fanzine, média alternatif ou satirique, site d’informations en ligne, agence de presse) : la tentative, pas toujours couronnée de succès et pas toujours pérenne, de création de titre pour exercer son métier et échapper aux formes et lieux imposés de la pratique ou du moins trouver un moyen de l’exercer.
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