Introduction à la première partie

1Les conditions d’entrée dans les formations au journalisme les plus prestigieuses sont au début des années 2000 de plus en plus sélectives scolairement et socialement. Le journalisme est une profession qui devient attractive pour des enfants issus, non plus seulement de la petite-bourgeoise mais aussi des différentes fractions des classes supérieures. En découle une homogénéisation sociale croissante du public de ces écoles. Elles n’en constituent pas moins un microcosme structuré comme le montre l’espace hiérarchisé que dessinent les propriétés sociales et scolaires de leurs étudiants (chapitre 1). Il fait en effet apparaître une double opposition, selon que l’entrée dans ces formations s’effectue par la « petite porte » ou par la « grande porte » et selon que la trajectoire des étudiants s’inscrit dans un mode de reproduction fondé sur le capital scolaire ou sur des ressources plus diversifiées, en particulier le capital social. Mais la force de cette hiérarchie des écoles ne tient pas à la seule hiérarchie scolaire et sociale de leurs publics respectifs. D’ordre à la fois réelle et symbolique, elle est inscrite dans les faits mais aussi dans les esprits des étudiants (chapitre 2). En effet l’espace des écoles qu’ont fait apparaître leurs propriétés sociales objectives s’accorde avec celui que dessine la perception subjective qu’ils en ont comme le prouvent leur propre classement des formations, leurs choix de candidatures et d’admission. Enfin cette hiérarchie des écoles se retrouve au sein de l’espace que dessine le devenir professionnel de leurs étudiants qui oppose également une « grande porte » et une « petite porte » d’entrée dans le journalisme (chapitre 3). Apparaît ici une forme d’homologie propre à tout champ spécifique, qui, pour reprendre les termes de Pierre Bourdieu à propos du champ religieux1, relie la position dans la structure de distribution des instruments de production journalistique et dans la structure des positions journalistiques qui renvoient in fine à la structure de la distribution des biens journalistiques (c’est-à-dire des groupes sociaux des lecteurs et des auditeurs).