Chapitre VIII. Synchronisations
p. 189-257
Texte intégral
1Dans notre ouvrage En Route vers le parlant, nous avons refusé d’utiliser des termes comme « révolution technologique » ou « bouleversement esthétique » pour décrire le « passage au parlant »1. Nous préférons parler d’une lente généralisation du procédé. Comme nous allons le montrer ci-dessous, les synchronisations mécaniques des films (manuelles ou automatisées) sont présentes de façon régulière dans toute la France et dans des salles de toutes tailles. Dés les premières projections, les journalistes ont rêvé de synchronisation image / son. Des phonographes, puis des gramophones sont présents à côté des projecteurs, même s’ils ne servent pas toujours à accompagner les vues. Les synchronisations sont nombreuses dans les années 1899 à 1904. Puis on assiste à une véritable « mode du parlant » dans la période 1904-1907. Enfin de 1907 à la Grande Guerre, Gaumont, Mendel, Pathé et de nombreux autres, fournissent les exploitants en matériel. Des centaines de films parlant et chantant ont été vus et entendus par les spectateurs français pendant la Belle époque.
Les journalistes rêvent de synchronisation image / son
Le Kinetophone
2Les inventeurs des différents systèmes cinématographiques et les écrivains de la fin du xixe siècle imaginaient « reproduire la vie » grace à l’association du phonographe et du cinématographe2. Le Kinetophone réalisa cette première association au début 18953. Cette machine montre des petits films associés à une musique grâce à des écouteurs, en France à partir du mois de mai 18954. Un journal de Lyon rappelle, en janvier 1896, que ce système Edison concurrence directement les séances Lumière du Grand Café, car les deux attractions se situent dans le même secteur des boulevards parisiens :
« Il serait difficile de rencontrer un Parisien qui ne se soit rendu à l’appel du doigt articulé d’Edison, celui qui fait pstt ! pstt ! sur le boulevard, presque au coin de la rue Rougemont. Alors je ne dirai pas notre émerveillement devant le kinétoscope, auquel on a ajouté maintenant un phonographe, ce qui reconstitue en même temps le rythme par les sons de l’orchestre et par le pas de la gitane sur scène5. »
3Il ne s’agit pas de projection puisqu’on regarde dans le Kinetoscope (boîtier sur lequel on se penche), mais on trouve ici une forme de synchronisation images/sons.
Des articles enthousiastes
4Parfois le langage utilisé pour demander une synchronisation mécanique des films montre une méconnaissance des phénomènes décrits : « Et si, en outre, un phonographe agissait parallèlement avec l’objectif du négatif et la lentille d’agrandissement des positifs […] alors, alors6… » Cet article, qui reste en suspens, donne une idée de la vision « scientifique » de certains comptes-rendus ! On annonce déjà la synchronisation, grâce à des rumeurs : « Il paraît, disent les gens bien informés, que M.M. Auguste et Louis Lumière, qui sont, l’un en mécanique, l’autre en chimie, de très grands savants et des expérimentateurs audacieux, préparent pour 1900 un appareil plus extraordinaire encore qui donnera à la fois le mouvement et la “couleur”, directement enregistrés, et par combinaison avec un phonographe, la parole ou le chant, bref toute la lyre, toute la vue notée et rendue7 ! » Le lyrisme typique de la période revient régulièrement sous la plume des enthousiastes témoins des premières projections. « Il ne manque plus que l’adaptation à cet appareil de la photographie en couleurs et du phonographe parleur pour donner la reproduction exacte de la vie8. » Cette phrase se retrouve dans de nombreux journaux français des années 1896-1897. Les spectateurs des premiers films, emballés par le progrès technologique qu’ils découvrent par des concerts de phonographes, des expériences scientifiques ou des conférences dans les foires et les associations d’éducation populaire, semblent persuadés que, rapidement, les courtes projections en noir et blanc vont évoluer. La multitude d’articles reprenant les mêmes termes nous démontre que le public s’attendait à des accompagnements sonores. Cela ne signifie pas que le « film parlant » allait s’imposer facilement. Cela explique simplement que les différents accompagnements sonores des films ne surprenaient pas outre mesure les spectateurs. « Il ne manque que la parole au cinématographe. Mais patience, le phonographe aidant, on verra et on entendra tout et de partout, sans avoir à se déranger9. » Ces phrases ne doivent pas être prises comme une programmation « naturelle » du son au cinéma. Elle reflète surtout le contexte de soif de progrès scientifique. « Un jour viendra où l’on aura combiné le phonographe avec le cinématographe, nous n’en doutons pas10. » « Après avoir animé la photographie, on va la faire parler, et, en Amérique, l’appareil des frères Lumière se double déjà du phonographe d’Edison11. » Les journalistes semblent presque déjà blasés ! Parfois, l’image suffit pour qu’ils imaginent les sons : « Tir au canon, il n’y a que le bruit des coups qui manque, mais on se figure l’entendre en voyant la fumée12. »
La prophétie de Dussaud
5Quand des appareils permettent de synchroniser effectivement des images et des sons, le lyrisme continue sous la plume des journalistes ou dans les paroles des inventeurs. Dans un entretien avec Charles François Dussaud, on trouve une vision téléologique du développement technique :
« Depuis Gutenberg, aucune œuvre n’aura pesé sur la destinée humaine comme celle de l’industrie du phonographe et du cinématographe […]. [Nous avons eu une 1re époque de tradition orale, une 2e époque de tradition écrite, une 3e époque avec l’imprimerie et voici la 4e époque :] L’époque contemporaine du phonographe et du cinématographe par l’industrialisation des découvertes scientifiques a mis à la portée de tous les hommes, quel que soit leur âge, quel que soit leur ignorance, le moyen de connaître intégralement tout ce qui se passe loin d’eux dans le temps et dans l’espace13. »
6Les mots de Dussaud, inventeur du système d’amplification par air comprimé, sont d’un lyrisme prophétique. Il déclare : « Le phonographe et le cinématographe pacifieront le monde14. » L’inventeur français entrevoit d’ailleurs une partie de la réalité audiovisuelle qui se développa quelques décennies plus tard, car il chante les louange du phonographe à air comprimé qui permet d’entendre des publicités et des nouvelles, partout dans les rues…
Phonographe et cinématographe, ensemble mais séparément !
Phonos de foires et de kermesses
7De très nombreux phonographes circulent en France lorsque les images animées se retrouvent sur les écrans. Les concerts de phonographes permettent au public des foires d’écouter des grands airs d’opéra et des chansons populaires pour quelques sous. Charles Pathé a commencé son commerce florissant par l’exploitation du phonographe Edison. Sur la foire de Monthény (Val-de-Marne), en septembre 1894, il fait entendre des cylindres grâce à des écouteurs branchés sur ses phonographes. Les affaires marchent si bien qu’il devient vite importateur de cylindres et de phonographes, qu’il achète à Londres et revend avec une bonne marge aux forains français15. En mai 1895, Pathé propose également à sa clientèle des kinétoscopes. C’est un des très nombreux forains qui font écouter des cylindres aux Français. Cette attraction de foire se multiplie quelques mois avant que les villes françaises connaissent leurs premières projections. Quand Ernest Grenier, un des tous premiers forains à passer des films, achète un projecteur en 1896, il possède déjà depuis plusieurs années des phonographes. À la foire aux sabots de Saint-Nazaire du 1er au 30 septembre 1896, Grenier présente un cinématographe et ses phonographes. Sur le même site, Alphonse Toussaint exploite lui aussi un phonographe et un « cinéphotographe ». Kœnig, à Sainte-Menehould le 11 novembre 1896, pour la foire de la Saint-Martin, montre toujours son phonographe et agrémente ses séances d’un cinématographe16.
8Dans les comptes-rendus des premières séances, les phonographes restent très présents. Souvent, ils n’accompagnent pas réellement les films car l’écoute des cylindres se fait avant ou après la projection. « Kermesse demain jeudi [à Arles en juin 1897], vendredi, samedi et dimanche, à l’école des Frères d’Arles, rue du 4 septembre. Tirs, phonographe, cinématographe, guignol17. » Les deux inventions, en 1897, sont complètement banalisées et intégrées dans les jeux d’une kermesse.
Phonos sans écouteurs
9Les haut-parleurs (pavillons) permettent déjà, depuis 1896, de faire entendre de la musique à toute une foule en supprimant l’inconvénient des écouteurs (peu hygiéniques !). Les présentations de 1896, dont nous avons signalé l’aspect pédagogique et scientifique, proposent successivement les cinématographes et phonographes, qui restent indépendants dans de nombreux cas. Par exemple à Arras en octobre 1896 :
« M. Botex a commencé hier ses expériences de cinématographe et de “machine parlante”, expérience qu’il poursuivra tous les soirs à partir de 6 heures […]. Quant à la “machine parlante”, c’est absolument merveilleux. La “machine parlante”, on le pense bien, est une application du phonographe ; mais une application infiniment perfectionnée. […] Les sons (paroles, musique vocale et instrumentale) enregistrés par la machine, peuvent être distinctement entendus de toute une salle18. »
10Le fait de ne plus utiliser les écouteurs soulage nombre de commentateurs :
« Phonographe-cinématographe. La séance se termine par une audition de phonographe, mais un phonographe nouveau système, c’est-à-dire qu’il n’est plus nécessaire de se fourrer dans les oreilles les deux petits tubes ordinaires, ce qui répugnait à beaucoup de personnes ; l’appareil muni d’un pavillon […] répand les sons dans la salle, à la grande satisfaction des auditeurs19 » ; « La photographie animée et vivante, avec audition de phonographe […]. Nota : chacun entend de sa place sans rien se mettre aux oreilles20. »
11Chaque machine occupe une partie distincte du spectacle : « Mercredi a eu lieu en présence de plusieurs notabilités et de la presse, la réouverture du cinématographe […]. La deuxième partie du spectacle a été consacrée à l’audition mécanique d’un singulier instrument : le mimophone, invention toute récente.
12Comme son nom l’indique, cet objet ingénieux est l’interprète assez fidèle de la voix et des sons. En somme c’est le phonographe auquel a été adapté une sorte de porte-voix qui empêche la diffusion des vibrations sonores et les porte d’une façon indirecte jusqu’à l’auditeur21. »
13Notons que l’audition semble de bonne qualité pour toute une salle grâce au pavillon adapté au phono et portant des noms amusants. Dans le cadre des projections synchronisées mécaniquement le son semblait également assez puissant pour les salles de moyenne capacité des débuts.
Le Stentor de Dufayel
14Le cinématographe des magasins Dufayel, à Paris, propose aussi des auditions de machines parlantes. Dans le programme de 1899, avec les différentes démonstrations scientifiques, après les projections cinématographiques, on propose « le Stentor, nouvel appareil créé par les établissements Pathé frères » et aussi le « téléphone haut-parleur du docteur Dussaud22 ». Au même titre que les rayons de Roentgen, dont la démonstration suit celle de ces deux appareils, les machines sonores représentent une attraction scientifique.
15Pour prouver le luxe de sa salle, un exploitant de Châtellerault n’hésite pas à présenter des films, un phonographe… et des jets d’eaux ! « La perception est très claire et on croirait entendre des voix humaines et des meilleures. Ensuite viennent les projections animées de scènes remarquables23. » Pour attirer les clients, proposer plus de nouveautés reste une condition primordiale.
16Ces expériences nouvelles, sont-elles couplées ? Les annonces restent parfois dans l’ambiguïté : « Les photographies animées qui composeront ces spectacles très variés sont présentées avec une telle perfection qu’elles donnent l’illusion de la vie réelle. L’emploi du phonographe Edison et du théâtrophone ajoute une attraction très appréciée des spectateurs24. » Autre exemple d’ambiguïté : « Prochainement seront installés à Auxerre, pour deux mois, le Cinématographe Lumière et le phonographe à haute voix25. » Dans ce cas les deux appareils furent montrés séparément. L’un alterne parfois avec l’autre comme à Avranches26. Les phonographes sont donc souvent présentés avant, après ou entre les films, pendant les deux premières années de projections de vues animées en France. L’un et l’autre sont des attractions qui fascinent tout autant le public, comme le prouvent de nombreux articles27. Les entrepreneurs de spectacle trouvent rapidement plus intéressant de « combiner les deux » comme on dit alors.
Des gramophones d’accompagnement partout en France
17Dans les toutes petites salles, pour remplacer des musiciens, des chanteurs ou même des bruiteurs, un gramophone « savamment dissimulé » suffit à faire rêver l’assistance. C’est en tous cas ce qu’affirment les publicités de ces petites salles. Notons que le mot gramophone est employé, sans doute pour prouver l’équipement moderne de la salle qui n’utilise plus des rouleaux (phonographe) mais des disques, système plus puissant. Néanmoins, les appellations ne sont pas des garanties suffisantes. Les noms propres deviennent des noms communs dés leur commercialisation. Le gramophone remplaçant les musiciens sans prétendre synchroniser les films, se trouve dans de nombreuses salles. Par exemple, dans la ville touristique de Thonon, on vante les séances de 1909 dans « la coquette salle […], avec plus d’un kilomètre de films entièrement nouveaux et le concours du New-Giant, le Phono si puissant28 ». Les nouveaux gramophones, assez puissants pour être entendus par toute une foule, permettent de divertir l’assistance pendant les entractes. À Villefranche-sur-Saône, la salle dépendant d’un concessionnaire Pathé, fait écouter des disques Pathé sur un phonographe Pathé quand le spectacle cinématographique fait une pause (1908-1914). Pathé, dont la branche phonographique faisait plus de bénéfices que celle consacrée au film jusqu’en 1907, reste une référence dans le domaine de la musique mécanique.
18Certains spectacles peuvent entraîner des confusions : les disques servent-ils à accompagner des films ? À Lyon, en septembre 1912, au Nouveau-Théâtre, on annonce « l’Opéra-Théâtre Pathé ». Dans cette salle où des films passent parfois, le nouveau spectacle n’est autre que le Trouvère… sur disques :
« C’est là, évidemment, toute une petite révolution dans l’art théâtral […]. À voir les progrès réalisés par le “phonographe” – car c’est de “Phono” qu’il s’agit et pas du tout de “Cinéma” – il fallait s’attendre à cette adaptation à la scène. C’est prodigieux ! Le voilà bien le théâtre populaire, l’opéra mis à la portée de tous, accessible aux plus petites scènes. Il ne sera plus permis bientôt à qui que ce soit d’ignorer certaines œuvres du vieux répertoire lyrique. Avec l’Opéra-Théâtre Pathé – dont la première exhibition a été faite hier au Nouveau-Théâtre de Lyon – les vieux opéras d’abord, puis ceux du répertoire courant ensuite, puis enfin les œuvres nouvelles, vont être d’un accès facile pour les plus petites villes, les campagnes elles-mêmes, les bourgades les plus reculées. […] Alors que sans nasillement, fort claires, fort belles s’élancent les voix de Mlle Lapeyrette, de MM. Noté, Fontaine ou Marvini, des mimes de talent tiennent les rôles et les jouent. Par l’exactitude des gestes, tous donnent aux personnages leur véritable vie. Articulant les paroles – mais sans voix – par un synchronisme parfait, ils donnent l’illusion qu’ils chantent et cette illusion est absolue […]29. »
19L’article de présentation ne triche pas avec le lecteur : ce n’est pas du cinéma. Les disques permettent d’accompagner les gestes d’acteur, non pas sur l’écran, mais sur scène. L’utilisation du nom Pathé pourrait tromper certains amateurs de films accompagnés par des disques. En 1912, toutes les possibilités de croisement entre disques, films et scènes sont utilisées. L’intermédialité de tous ces spectacles se lit dans ces programmes. Les phonographes plus puissants permettent de créer des spectacles musicaux sans avoir à payer de musiciens. Ici, il s’agit d’éviter d’employer les grands artistes lyriques de la France de l’époque. Si ce système de mime a existé quelque temps, la mode de la synchronisation sur disques se développe d’abord dans les salles diffusant des films.
Synchronisation manuelle
Combinaison souple du phono et du cinématographe
« Aujourd’hui samedi et dimanche soir, au théâtre [de Charlieu, Loire], représentation extraordinaire de photographie animée, combinée avec le Haut Chanteur Phonographe à grande voix. La réunion de ces deux nouveautés fait plus que doubler l’attrait de la représentation30. »
20Peut-on parler de synchronisation ? Dans le cas cité ci-dessus, il semble qu’on utilise le phonographe pour remplacer un accompagnement fait par des musiciens. Quand l’accompagnement est particulièrement choisi en fonction de la vue, nous entrons dans le domaine de la synchronisation « souple ». Si un décalage se produit entre l’image et le son, ce n’est pas grave. Ce qui importe, c’est d’avoir une musique « appropriée ». L’accompagnement phonographique le plus utilisé en 1896-1899 fut l’hymne russe, comme nous l’avons déjà noté. La visite du Tsar à Paris, projetée dans toute la France, était souvent accompagnée par le rouleau de l’hymne correspondant :
« Nous avons admiré particulièrement les portraits du “Tsar et de la Tsarine” en grandeur naturelle et en couleurs. Ce sujet apparaîtra pendant que le phonographe jouera l’hymne russe (fanfare) et il constituera un vrai tableau d’actualité31. »
Le plus souvent on trouve : « Le défilé des fêtes franco-russes, accompagné de l’hymne national russe, n’est pas un des moindres attraits de ces réunions32. »
21La plupart du temps, on assure que les vues animées sont « combinées » avec le phono : « Une représentation extraordinaire et sensationnelle avec les plus récentes merveilles du siècle et notamment la photographie animée, combinée avec le nouveau phonographe33. » Quelques descriptions précises permettent de vérifier la volonté de synchronisation de certains exploitants.
Synchronisation précise, à la main
« On sait qu’un nouveau cinématographe, le cinématographe Pierre Petit, est depuis peu installé passage Sainte-Catherine [à Saint-Étienne]. […] Ce qui double l’intérêt de ce spectacle c’est le “haut-parleur”. Cet appareil se compose d’un phonographe perfectionné par Edison lui-même, et qui s’entendant de toute la salle au moyen d’un immense pavillon métallique, reproduit, avec une intensité de sons remarquables et une exactitude véritablement étonnante, la parole, la musique et le bruit. Le phonographe, combiné avec le cinématographe, produit un effet magique, en accompagnant sans le moindre contretemps les chants et les danses projetés sur l’écran34. »
22Nous remarquons une volonté de synchronisation précise, en rythme, des danses et des chants. Dans les jours qui suivent, les séances proposées par Pierre Petit se trouvent détaillées. On peut entendre, « deux chansonnettes variées, deux marches, un quadrille, un hymne ou un duo de pisto [sic, pour piston ?] (Haut-parleur Edison)35 ». Ces différents airs semblent se placer sur les films suivants, sans qu’on sache exactement qui accompagne quoi : Quadrille de l’avenir, Fête du Carnaval de Nice : Le Char de la musique, Le Groupe des chanteurs ambulants, La Voiture du président et celle des souverains russes pendant les fêtes franco-russes à Paris, Scène à la terrasse d’un café : consommateur maladroit, Sauts d’obstacles au camp de Sathonay, Boulevard de la Madeleine à Paris. Ce sont probablement les scènes filmées lors du carnaval de Nice, quinze jours plus tôt, comme le précise l’article, qui sont les plus à même d’être en rythme avec les musiques choisies, en plus du quadrille.
« On nous annonce l’arrivée à Vienne, venant de Paris, du “cinématographe américain”, accompagné du Haut-Parleur Edison. […] Ce haut-parleur, combiné avec le cinématographe, produit un effet magique, en accompagnant sans le moindre contretemps les chants et danses projetés sur l’écran36. »
23En réalité, ce cinématographe vient plus de Saint-Étienne que de Paris, continuant une tournée dans la région (et utilisant presque les mêmes phrases pour faire sa publicité).
24Le phonographe permet également de faire des « bruitages sur rouleau » ou des accompagnements réalistes, comme les sons de foules : « [Parmi les films] “l’arrivée du Tsar à Paris”. À l’aide d’une merveilleuse machine parlante, on entend les trompettes et la Marseillaise, ainsi que les acclamations de la foule37. » Pour attirer le public, chaque forain doit se différencier. Ici, l’utilisation des rouleaux pour bruiter les acclamations du défilé franco-russe nous paraît être une des premières tentatives de recréation d’une ambiance sonore complète.
25La précision dans le choix des rouleaux permet d’attiser également le chauvinisme du public, pendant cette période d’ultranationalisme :
« Depuis mercredi soir (pour rester quelques jours encore), M. Chalot donne au café de Foy, en face du port [de Cherbourg], d’intéressantes représentations de “cinématographie” combinées avec le “graphophone”. […] Disons qu’en même temps qu’il vous montre de magnifiques tableaux animés, tels que “la mort du clairon”, l’on entend les paroles et le chant de la belle pièce de Paul Déroulède, de sorte qu’on croirait entendre parler ce troupier qu’on voit mourant. De même du “défilé d’artillerie” au son des trompettes : on voit les chevaux en marche et en même temps l’on entend les trompettes. C’est merveilleux38. »
26Cet article de 1897 ressemble beaucoup aux nombreux comptes-rendus qui fleurirent ensuite dans les journaux pour chaque présentation de synchronisation mécanique, insistant sur l’idée que l’on croit entendre parler le personnage. Les deux premières années de projections françaises sont riches d’expérimentations sonores.
27Un des tous premiers « enregistrement direct » d’un son ensuite diffusé avec les images prises dans le même lieu, semble avoir eu lieu dans le Poitou en novembre 1896. Le photographe Arambourou était toujours à la recherche de nouvelles expériences : « L’Héliocinégraphe projette […] “la gare” dans laquelle arrive un train d’où descendent ou montent, empressés, les voyageurs pendant que le phonographe accompagne des bruits du lieu39. » Est-ce une tentative de bruitage à l’aide d’un phono ? Comme souvent, il faut lire les articles publiés lors de la suite des présentations pour comprendre ce dont il s’agit : « Nous vîmes “l’arrivée à Châtellerault du train venant de Seuillé”, avec une audition phonographique prise à la gare de Seuillé40. » Le son aurait donc été pris dans le lieu qui est filmé. Le chroniqueur ne précise pas s’il y eu simultanéité de la prise de son et de la prise d’images. Il semble logiquement que le photographe a pratiqué la prise de son d’ambiance après avoir filmé l’arrivée du train. Aujourd’hui, les ingénieurs du son parleraient de « son seul » pris sur le lieu de tournage puis placé sur les images correspondant à cet environnement sonore. La phrase que nous venons d’écrire est totalement anachronique. Elle nous permet simplement de faire une comparaison entre une des premières tentatives de prise de son sur le lieu du tournage, avec un décalage de quelques minutes, et la pratique habituelle des ingénieurs du son aujourd’hui. Les tourneurs des premiers temps n’ont certes pas « tout inventé ». Cet exemple nous permet de noter la grande variété des pratiques et des expériences proposées au public avant 1907.
Synchronisation mécanique
Synchronismes variés entre 1899 et 1906
28En 1899, plusieurs systèmes de synchronisation mécanique des images et des sons fonctionnent. Laurent Mannoni et Giusy Pisano-Basile ont expliqué comment Auguste Baron avait enregistré le son et l’image de différents numéros de music-hall41. Ces films synchrones ne semblent jamais être sortis du laboratoire de Baron. Mais Dussaud et Jaubert ont proposé au public leur Phonorama. La salle du sous-sol de l’Olympia résonne pendant quatre mois avec les sons du Phonorama. Les spectateurs, en même temps qu’ils voient le film sur l’écran, entendent les sons synchrones dans les écouteurs (de téléphone) dissimulés dans le dossier de chacun des fauteuils de la salle42. Après cette présence dans le célèbre music-hall entre avril et juillet 1899, le Phonorama s’installe à l’Exposition universelle de Paris 190043. La prise de son s’effectuait grâce à douze microphonographes (invention de Dussaud) disséminés sur la scène où passaient les artistes, et dans l’orchestre. Le chant et l’accompagnement semblent avoir été pris en direct, pendant la prise de vue. D’après le témoignage de Félix Mesguich, des « cris de Paris » ont été filmés et enregistrés à cette occasion. Les bandes sont ensuite coloriées dans les ateliers de Mme Chaumont. Le Phonorama reste pendant toute la durée de l’Expo, d’avril à octobre 190044. Jean-Jacques Meusy, analysant les recettes de cette attraction, trouve qu’il est exagéré de croire à une réussite car Berthon, Dussaud et Jaubert ne gagnent que très peu d’argent avec leur Phonorama. Dans la multitude d’inventions proposées pendant cette foire universelle gigantesque, leur système serait passé inaperçu ou presque45. Giusy Pisano pense que les attractions de foire plus « classiques » comme la magie ont concurrencé toutes les présentations cinématographiques, avec ou sans son46. Notons que ce système part ensuite en tournée et que des Français et des Européens ont testé cette première intégration d’écouteurs dans des fauteuils.
29La concurrence est rude pour les films synchrones pendant l’Expo 1900. Mme Marguerite Vrignault, sociétaire de la Comédie Française, exploite le Phono-Cinéma-Théâtre47. Ce système est aujourd’hui assez connu car on a pu restaurer certains des films projetés. De plus, l’affiche du spectacle se trouve reproduite dans de nombreux ouvrages48. On sait que les spectateurs de l’Expo ont pu voir des extraits de grandes pièces et d’opéra comme Hamlet, Falstaff, Don Juan. Mais quels étaient les films synchronisés ? Un article souvent cité, du Figaro, laisse croire qu’on entendait de nombreuses voix célèbres.
« Grâce à la combinaison complète et absolue de ces deux merveilles modernes, le phonographe et le cinématographe, on est arrivé à un résultat d’une rare perfection et dont il faut féliciter M.M. Clément Maurice et Lioret. […] Quant au phonographe, c’est également une pure merveille de netteté et de sonorité […]. Nos petits-neveux admireront les sublimes attitudes de Sarah, entendront la voix claironnante de Coquelin, et revivront nos émotions et nos joies artistiques49. »
30À la vision de l’affiche, et à la lecture des articles d’époque, de nombreux historiens ont déduit que Sarah Bernhardt avait été enregistrée et filmée dans Hamlet. En fait, le journaliste explique bien qu’il s’agit d’admirer les attitudes de la grande Sarah, alors qu’on peut entendre Coquelin. De nombreux films de ce programme sont muets. Sarah Bernhardt ne parle pas, l’enregistrement sur cylindre n’a pas pu être réalisé à temps pour l’Exposition50. Le clown Little Tich fait son numéro dans le silence. Une restauration abusive au début des années 1930 avait ajouté des bruitages ! Un documentaire de 2004 permet d’écouter les rares bandes sonorisées à l’époque et dont on a pu retrouver les rouleaux : la tirade de Cyrano par Coquelin et une danse espagnole51. Plusieurs airs d’opéra et de chansons sont en musique, de même que des danses. Jean-Jacques Meusy a expliqué que le système de synchronisation reste manuel dans le Phono-Cinéma-Théâtre. Le phonographe avec son grand pavillon est placé devant les spectateurs « tandis que dans la cabine, l’opérateur tourne plus ou moins vite la manivelle du cinématographe pour conserver le synchronisme52 ». Pour obtenir un meilleur son, le phonographe est remplacé, comme en témoigne un article du Gaulois :
« Le succès du début s’est transformé en triomphe […]. N’est-ce pas un charme tout à fait inédit que de voir grâce au cinématographe, vivre et agir devant soi nos premiers acteurs, et de les entendre en même temps, grâce à un phonographe perfectionné ? Notons à ce propos, que depuis hier le Phono-Cinéma-Théâtre possède un nouveau et puissant phonographe qui est le dernier mot de la perfection53. »
31L’historien des salles parisiennes, en épluchant les recettes des différentes attractions, note une fois de plus que l’enthousiasme des journalistes semble exagéré. Le son est nasillard et pas très puissant. Le public ne se déplace pas en masse. Le Phono-Cinéma-Théâtre est en déficit à la fin de l’Expo. Toujours est-il que près de 250 à 300 personnes vinrent chaque jour écouter et voir ces films, pendant dix mois54. Cela représente déjà des milliers de spectateurs expérimentant le son synchronisé.
32Une troisième attraction propose du son synchrone pendant l’Exposition 1900 : le Théâtroscope utilise aussi un phonographe. Il est présent simultanément sur les boulevards55. On a peu d’éléments sur ce système.
33Des trois synchronismes présentés à l’Exposition universelle de 1900, le PhonoCinéma-Théâtre connut le plus grand nombre de spectateurs en continuant à fonctionner bien après la fermeture de l’Expo. Une tournée européenne permit de faire entendre Coquelin dans différentes métropoles comme Genève, ou Stockholm56. Toute la France entend les films présentés par Mme Vrignault, puisque qu’elle montre sa machine aussi bien à Marseille, en janvier 1901, qu’à Chalon-sur-Saône en avril de la même année57. Certains forains indélicats s’emparent du nom Phono-Cinéma-Théâtre pour présenter une synchronisation de leur cru. Pendant l’Expo, une loge de la foire de la Saint-Romain à Rouen, se présente sous cette appellation pour montrer des films sonorisés par un phonographe. Le véritable Phono-Cinéma-Théâtre réplique par un courrier au Journal de Rouen, qui fait une certaine contre-publicité au forain Bidard :
« La Société du Phono-Cinéma-Théâtre, installée dans la rue de Paris à l’Exposition, nous écrit qu’elle a la propriété exclusive de ce titre. Elle ajoute qu’elle a l’intention d’organiser des tournées en France et qu’elle se propose de choisir la ville de Rouen comme première étape de cette tournée. Aussi nous prie-t-elle de dire qu’elle prend des mesures judiciaires contre les personnes qui se servent d’un titre qu’elle déclare lui appartenir exclusivement. Voilà qui est fait58. »
34Cet avertissement de procès, par presse interposée, prouve l’attrait publicitaire pour les synchronisations chez les forains, prenant le risque d’attaque judiciaire pour profiter d’un des premiers engouements pour les « films sonores ».
35Le programme est renouvelé quand le véritable Phono-Cinéma-Théâtre s’installe à l’Olympia, à Paris en octobre et novembre 1901. La cabine de projection étant placée loin de la scène où se situe le phonographe, le projectionniste, Félix Mesguich, est obligé de tenir un écouteur téléphonique sur son oreille pour vérifier qu’il projette le film sans désynchronisation. Il rapporte un incident :
« Je me souviens, notamment, qu’un soir, j’étais enfermé dans ma cabine, au premier étage, tandis que M. Berst était placé avec son phono à l’orchestre. La salle se trouvait plongée dans l’obscurité, lorsqu’une main malveillante coupa le fil de transmission acoustique qui me permettait de suivre à distance, au moyen d’un récepteur, la marche du cylindre. Sans interrompre la séance, je réussis néanmoins à terminer ma projection dans un synchronisme parfait, et personne ne s’aperçut que l’opérateur avait été subitement frappé de surdité59. »
36On constate que le système a été modifié par rapport au mois précédents, grâce à l’ajout d’un écouteur téléphonique. Cette synchronisation reste manuelle comme dans la plupart des projections sonores avant 1907. C’est le cas lorsque, pour certains films, le cinématographe Dufayel utilise un phono. Le producteur et réalisateur Henri Diamant-Berger se souvient d’une séance de 1902, alors qu’il avait sept ans :
« Un jeune premier […] se lamentait parce que la femme qu’il aimait se mariait avec un autre. Un phonographe – mais il me semblait que c’était le personnage lui-même – exhalait sa douleur en chantant :
Je serai là, Nina la Belle,
Dans l’église où tu te marieras !
Je serai là, Nina cruelle,
Et dans ton cœur tu souffriras60 ! »
37Les chansons, de plus en plus nombreuses sur rouleau, puis sur disque avec le développement du gramophone, permettent à de nombreux exploitants de sonoriser leurs films en faisant parfois croire à une synchronisation.
38Un vrai système de synchronisation, le Ciné-Phono (terme devenu générique à cette date et désignant plusieurs procédés mais utilisé principalement par Pathé) s’installe en juillet 1906 au Théâtre de Grenelle, à Paris. On peut y voir et entendre des « scènes Ciné-Phono, chantées et mimées par Polin et Mercadier61 ». Ce Ciné-Phono fonctionne selon le principe du Phono-Cinéma-Théâtre, avec écouteur téléphonique pour que l’opérateur puisse régler la vitesse du projecteur62. Les scènes chantées par ces deux vedettes populaires viennent d’être montrées par Pathé, en juin 1906, lors d’une fête de la revue Phono-Ciné-Gazette.
Mode du parlant et chantant 1904-1907
39De nombreux systèmes sont utilisés, autour de 1904-1907, dans toute la France par des tourneurs : The Pioneer Cinematograh Parlant63, The American Singer-Cinemato présente Carmen, Faust, Mignon 64… Le Royal Vio65 présente, « des scènes prises sur le vif, Le Siffleur, entre autres, qui danse le pas national dans Whitechapel […]. On verra Le Joyeux mari, et l’on entendra chanter et parler la photographie animée, ayant avec l’illusion de la vue, l’illusion de l’ouïe66 ». Au moins un film présenté est ici synchrone : Le Siffleur. Sans doute, un autre l’est-il aussi, mais l’annonce est assez ambiguë. En 1905-1906, les forains proposant des films parlants et chantants se multiplient et parcourent toute la France. En concurrence les uns avec les autres, ils insistent dans leurs annonces sur le côté sonore de leur système. Quand les mots « parlant », « chantant », sont utilisés, le propriétaire de la machine affirme (ou prétend !) ainsi sa capacité à synchroniser mouvement des lèvres et paroles. La mode sonore de 1905-1906 touche toutes les villes. Notre étude sur Lyon, et l’analyse d’autres villes nous donnent de bons exemples.
40À Lyon, en 1905, des projections chantantes se succèdent. En utilisant la presse locale et les archives municipales, nous avons montré que différents tourneurs se concurrencent en annonçant des vues parlantes67. Polin « chante grâce à une machine parlante », proposée en mai par le Cinématographe Géant de M. Hermant. De début septembre à fin novembre 1905, c’est le « grand cinématographe parlant Impérator » qui fait entendre des vues animées aux Lyonnais. À cette date, et jusqu’à fin décembre, le « Ciné-Phono-Théâtre-Urania » propose des vues sonores… dont aucun journal lyonnais ne donne les détails. Il peut s’agir du système Mendel. Pendant le mois de février 1906, l’Ultra-Cinéma-Phono fait chanter, entre Saône et Rhône Bonsoir, Madame la lune, chanson de Mercadier, une des vues musicales de son programme. En février et mars 1906, une grande salle, le Nouvel Alcazar, ex-cirque Rancy, rappelle de temps en temps dans les journaux qu’elle possède une machine parlante. La salle ayant accueilli l’Impérator, le propriétaire a pu acheter au tourneur son système de synchronisation. Lorsqu’une concurrence trop forte se fait sentir, le Nouvel Alcazar ressort son matériel sonore, particulièrement le jeudi, jour des enfants, d’après les annonces des journaux. Cette succession de projections avec films chantés ou parlants se clôt en 1906 par la réutilisation chez un forain d’un film proposé par un tourneur : Bonsoir, Madame la lune, revient cette fois dans le Théâtre Mondain de Jérôme Dulaar. Ce forain établissait son cinématographe pendant de nombreux mois dans le quartier populaire de la Croix-Rousse. Deux autres chansons de Mercadier sont proposées aux spectateurs du Théâtre Mondain. Le projectionniste synchronisait l’image selon le procédé décrit par Félix Mesguich, grâce à un écouteur de téléphone68. La saison 1905-1906 fut donc particulièrement « chantante » à Lyon, comme dans d’autres villes françaises.
41À Marseille, en 1906, Napoléon Rancy ne s’occupe plus du cirque paternel pendant un temps et diffuse des films chantants en reprenant l’appellation (et peut-être l’appareil) Phono-Cinéma-Théâtre et un programme de stars du music-hall : Mercadier, Polin, Yvette Guilbert, Dranem69. Les entrepreneurs de cirques, comme ceux des ménageries, utilisent le cinématographe dans leurs programmes. Ils aiment particulièrement projeter les films parlants. On le constate sur les affiches du cirque Spessardy, sur les annonces du Théâtre Grenier, sur celles du forain Clam70.
42À Rouen, la concurrence entre les cinématographes favorise également l’utilisation des systèmes sonores. L’Imperator Cinématographe parlant s’était établi pendant le mois de juin 1904 au cirque municipal de Rouen. Est-ce le même qui passa à Toulon en 190571, puis à Lyon un an plus tard (et qui devient Impérator, avec un « é ») ? Les appellations changent en fonction des forains et tourneurs qui se copient les uns les autres et peuvent renommer leur installation d’un jour sur l’autre, en changeant de ville, ou même en restant sur place ! La Dépêche de Rouen nous informe que ce tourneur avait traversé tout le Nord de la France : Dunkerque, Calais, Boulogne, Amiens72. Les films de l’Imperator proviennent tous de chez Pathé. Le clou du spectacle devait être LE film parlant de l’exploitant, en l’occurrence, La Lettre, de Félix Galipaux73. Les monologues de Galipaux avaient été enregistrés. En raison du manque de détails sur le système utilisé, on suppose qu’un phonographe diffusait le monologue pendant la projection du film correspondant, avec un projectionniste qui essaye de rester dans le rythme du texte. L’Imperator revient à Rouen en février 1906… s’il s’agit du même appareil. Mais il n’est plus question de films parlants mais seulement d’un conférencier.
43À peine le Chronomégaphone était-il en vente que le forain Grenier s’en emparait. L’appareil, Chronophone perfectionné par amplification par air comprimé fut proposé par Gaumont pendant l’été 1906. Le Théâtre Électrique Grenier projette des films chantants à Rouen, pendant la foire de la Saint-Romain, octobre et novembre 1906. Le Journal de Rouen fut enchanté par la précision de l’appareil :
« C’est curieux de précision, tellement le mouvement du cinéma et le chant du phonographe sont bien coordonnés. Aussi, les spectateurs ont-ils pu voir et écouter avec plaisir le duo de Mireille “O Magali ma bien-aimée” entre Vincent et la gentille magnanarelle. Une scène d’un excentric [sic, selon l’orthographe de l’article, mélangeant l’anglais et le français] américain a aussi un succès fou. Le refrain de la chance que chante le sujet et qui n’est qu’une succession d’éclats de rire a communiqué une belle gaîté à la salle. On se tordait littéralement, presque autant que l’excentric [resic] sur l’écran74. »
44La concurrence sur le son fait rage à Rouen puisque le forain Pierre Iunk, dont le Théâtre des Fantoches n’utilise bientôt plus que le cinématographe, propose lui aussi des films parlants. Il semble que Iunk utilisait un Biophonographe ou Cinémato Haut-Parleur. Il est possible qu’il s’agisse du Biophon mis sur le marché par le concurrent de Gaumont, l’Allemand Oskar Messter75. La publicité de Iunk affirmait que son « Idéal Cinématograph’« (3e appellation) était le plus précis car c’était « le seul appareil au monde permettant de prendre et de reproduire à la fois les gestes et les paroles, et surtout ne pas confondre avec les grossiers essais tentés dans le même but76 ». La synchronisation fonctionne bien puisque la Dépêche de Rouen s’enthousiasme :
« Ce n’est plus de la pantomime morte et monotone à la longue, mais bien du théâtre, du vrai théâtre, avec du dialogue, des réparties spirituelles, des conversations hilarantes. Les gestes et les paroles ! On comprend que cette innovation ouvre un champ nouveau à l’intelligent directeur M. Pierre Iunk. Il permet d’aborder l’interprétation d’opéras, d’opérettes, de comédies, de chansonnettes, de scènes dramatiques et comiques. On joue et chante : Aïda, Mignon, Carmen, la Fille du régiment, Guillaume Tell, la Visite au Major, le Muet mélomane, le Papa de Francine, etc. Et ce sont des grands artistes en renom, ceux de l’Opéra, du Français et des music-halls de Paris, qui sont entendus chez Iunk77. »
45Si Iunk possède un appareil allemand, il faut que l’interchangeabilité soit établie avec Gaumont, ou avec Mendel, puisque les films proposés sont en français. En plus des films cités par le quotidien, Iunk montre d’autres parlants : Mireille, La Traviata, La Juive, La Marseillaise, et La Leçon de musique. Le programme entre ces deux grands forains est assez semblable, puisque Grenier passe lui aussi le Duo de Mireille et Carmen. Il se différencie avec un autre opéra, Faust et avec son « Excentric américain ». De plus Grenier passe huit titres qui ne semblent pas parlants78. Tous ces films synchronisés se trouvent aussi bien sur les catalogues Mendel que Gaumont. Un troisième concurrent surgit pendant la même foire. Abraham DuLaar (même si l’orthographe change, il s’agit bien du frère de Jérôme Dulaar, dont on a vu qu’il était établi à Lyon) parcourait l’Ouest de la France avec son Théâtre Aérogyne. Ce spectacle de femme volante reste l’attraction principale, accompagnée par des tours de magie et par un cinéma parlant ! Le spectacle comporte une ouverture par un concert du Metrostyle Pianola (piano mécanique), puis l’Aérogyne, les Apparitions célestes (effets lumineux), et le Royal Cinématorama (« sans scintillements ni trépidations »). En deuxième partie de programme, on trouve « l’Aérophono-cinématorame, Phonographe à air comprimé, dernière merveille de la science moderne […] présenté à l’Académie des Sciences, phonographe et cinématographe combinés79 ». Les appellations ronflantes utilisées par les forains ne permettent pas de savoir quel était le véritable nom de l’appareil. Le film parlant est placé une fois de plus en fin de programme, comme le clou du spectacle. D’après les articles, la magie de la femme volante demeure l’élément d’attraction le plus fort chez Abraham DuLaar. La famille Dulaar (un troisième frère est aussi banquiste) a pu faire circuler entre ses baraques de foire le projecteur chantant.
46Au total, la foire de la Saint-Romain d’octobre et novembre 1906 à Rouen permettait au public de se divertir en voyant neuf cinématographes, dont trois systèmes de synchronisation mécanique. Parmi les autres forains présentant des films on trouve le dompteur Bidel et ses fauves rugissants, le Théâtre Delafioure qui fait alterner des films avec les numéros d’un transformiste copiant Fregoli puisqu’il se nomme Frego, les Fantoches Nicolas qui attirent beaucoup d’enfants avec leurs marionnettes, la Ménagerie Poisson, le Théâtre Levergeois et le Grand Palais des Cinématographes de Julien Marrécau. Les vues animées restent mêlées à de nombreuses autres attractions, au sein même de chaque loge de foire. L’évolution technologique est suivie de très près par les forains. Le son synchrone devient un argument de vente encore plus important en 1905 et 1906, dans toute la France. À partir de novembre 1906, la ville de Béziers voit défiler des cinématographes parlants80. On assiste à une vague de cinématographe parlant et chantant en 1905-1906. De nombreux systèmes sont vendus à partir de cette période.
Un système léger, Mendel
Le Cinémato-Gramo-Théâtre
47À la fin de l’année 1906, Mendel propose près de 70 « scènes de Cinémato-Gramo », dont les numéros de catalogue arrivent jusqu’au « 523 » ! Des publicités apparaissent dans L’Indicateur de la photographie, par exemple. Le slogan choisi est alors : « rénovation du cinématographe par le synchronisme ». Et la réclame précise, pour rassurer les exploitants, « les appareils peuvent être placés à n’importe quelle distance l’un de l’autre ». L’image montre des disques de Mignon, La Juive, Aïda, Norma et explique les avantages du Cinémato-Gramo-Théâtre :
« Appareil nouveau reproduisant avec toute leur intensité toutes les scènes de la vie, bruits et mouvements, paroles et gestes, par la combinaison synchronique et parfaite d’un cinématographe et d’un gramophone spécialement construit à cet effet, et comportant les derniers perfectionnements. Demandez le catalogue où vous trouverez les dernières nouveautés scientifiques. Une fortune à faire en exploitant partout le Cinémato-Gramo-Théâtre81. »
48La publicité est légèrement mensongère, quand elle prétend que la machine peut reproduire tous les bruits de la vie. Les disques utilisés et recommandés étant ceux de chants d’opéra, et de chansons populaires, on y trouve aucun « bruit de la vie » ! Mais ces arguments pouvaient pousser les forains, principaux clients de Mendel, à acheter son appareil82.

Publicité Mendel, Phono-Ciné-Gazette, 15 août 1906, coll. part.
49Les revues comme Phono-Ciné-Gazette impriment des listes de nouveautés83. Il s’agit d’air d’opéra comme Faust, La Bohème, Carmen, ou de musique religieuse comme L’Ave Maria de Gounod, ou encore de refrains d’opérette tels que Les Cloches de Corneville, Le Papa de Francine, Les Mousquetaires au couvent, de quelques danses comme la « valse acrobatique » Estudiantina et la danse espagnole La Mattchiche et surtout de chansons et numéros comiques interprétés par Dranem, Polin, ou Charlus.
Les disques du commerce
50Appelé un temps « Phono-Ciné » (ce qui entraîne des confusions avec le système Pathé), cet appareil fut rebaptisé : Cinémato-Gramo-Théâtre. Mendel filmait des acteurs anonymes mimant les airs existant déjà sur disques du commerce. L’interprète de la chanson, ou du sketch, était célèbre, mais pas l’acteur dans le film, sauf Polin, Dranem et Charlus qui rejouaient devant la caméra leurs disques. Ce procédé économique ne semble pas avoir entraîné beaucoup de protestations. Une lettre publiée par Phono-Ciné-Gazette montra que certains, dans le public, n’étaient pas dupe :
« Monsieur,
J’apprends que des fabricants de films cinématographiques mettent en pratique la combinaison nouvelle que voici pour obtenir un “synchronisme” entre le film et le disque. Ils prennent par exemple un disque chanté par M. X et font mimer le chant par M. Z. Or forcément on annonce la scène chantée par M. X. Moi, artiste, je ne laisserai pas annoncer une scène chantée par moi, quand on représentera sur l’écran une physionomie autre que la mienne. Je profite de votre publicité pour faire connaître ma protestation84. »
51Cette protestation permet de comprendre pourquoi de nombreuses personnes ont cru que Caruso avait été enregistré avec synchronisation image / son. En fait, un film Mendel avec un acteur anonyme mimait le chant de Caruso, qu’on pouvait acheter dans le commerce. Ce principe permettait d’obtenir rapidement des films moins chers. Les loges de foire achetèrent ce système, mais le « synchronisme simple et parfait » de Mendel pu être utilisé dans de nombreux cas, sans que le nom de l’inventeur soit cité.

Publicité Mendel, Le courrier cinématographique, n° 29, 13 juillet 1912, coll. part.
52Une aiguille indique si le phonographe ou le projecteur est en retard. Il suffit d’accélérer l’appareil décalé pour retrouver le synchronisme. Ce procédé est le plus simple. Mendel reçoit des louanges de Phono-Ciné-Gazette pour la simplicité de son système en juillet 1906. Le prix et l’ensemble des appareils du procédé Mendel furent décrits dans une publicité d’octobre 1906 :
« L’appareil synchronique s’adapte à n’importe quel cinématographe. Le prix de 1 800 francs comprend : le synchronisme, le gramophone, la transformation mécanique du cinématographe, les fils électriques de relation du cinéma [c’est-à-dire le projecteur] au gramophone, la pile sèche ou l’accumulateur. Le nouvel appareil à air comprimé, “le Tonnerre” est indispensable pour une bonne audition. Le prix est de 2 000 Francs. L’appareil de synchronisme emploie tous les disques du modèle courant : Gramophone, Zonophone, Odéon, Columbia, Fonotipia, Eden, Idéal, etc.85. »
53Le prix du matériel Mendel est relativement élevé si on achète le phono le plus puissant, mais il permettait en général de substantiels bénéfices, ce qui le rendait vite rentable. Comme ses concurrents Gaumont ou Pathé, à la même date, Mendel propose une amplification par air comprimé, ce qui explique le succès de ces procédés dans de grandes salles.
54Comme nous l’avons noté, les films synchronisés représentent le clou du spectacle et n’occupent pas toute la programmation des salles ou des banquistes. Les exploitants suivent le conseil de Phono-Ciné-Gazette :
« Le “Phono-Ciné” [en fait le Cinémato-Gramo de Mendel] obtient un grand succès d’intérêt ; le public comprend qu’il y a là une trouvaille admirable… N’en abusez pas, c’est un conseil que l’expérience permet de donner. Deux ou trois morceaux dans la soirée me paraissent suffisants. L’artiste qu’on voit faire la mimique du morceau phonographié perd tout l’intérêt s’il reste trop longtemps sur l’écran… Il faut du changement, une succession de scènes rapides86. »
Des publicités chaque semaine
55Les procédés de synchronisation fascinent les inventeurs. Les brevets sont déposés en grande quantité. Giusy Pisano-Basile en répertorie plus de 500, dans le monde entier, jusqu’au début des années 192087.
56Les procédés, permettant des synchronisations, sont vendus en plus grand nombre dans les revues corporatives à partir de 1907. Mendel propose le « Nouveau Synchronisme […] et le Tonnerre » dû à l’ingénieur Henri Joly88. Les publicités pour son Cinémato-Gramo-Théâtre paraissent dans toute la presse. Ces réclames se trouvent bien sûr en première place dans les publications dirigées par Charles Mendel lui-même. Par exemple dans l’Annuaire de la projection fixe et animée de 1911, on présente le « cinéma géant » comme « le plus parfait, avec ses derniers perfectionnements. Employé dans les plus grandes exploitations. Le CinématoGramo-Théâtre ou Cinématographe Parlant est la dernière application scientifique du phonographe et du cinématographe. La réunion de ces deux inventions a pour but de donner l’illusion complète de la vie par la concordance absolue des gestes et des paroles (ce que l’on n’avait pu obtenir jusqu’à ce jour)89 ».
57Chaque semaine Mendel propose des films synchronisés. Comme les appellations vont et viennent entre les compagnies, il n’hésite pas à utiliser les termes de la Gaumont, concurrence quelque peu déloyale. Dans les listes publiées par les revues corporatives, il appelle ses films synchrones des « phono-scènes artistiques ». Par exemple en juillet 1911, il vend des chansons filmées longues de 56 à 72 mètres qui ont pour titre : Le Clairon (de Déroulède), La Charité, Debout les gars, La Valse brune. Les possesseurs de Cinémato-Gramo pouvaient donc se réapprovisionner régulièrement90.
Pathé, son téléphone et son Ciné-Phono
Un système téléphoné
58Le troisième procédé, celui de Charles Pathé, concurrent de Gaumont et de Mendel, consiste à vendre un téléphone ! « Pathé, lui, a simplement dit à l’opérateur : écoutez le phonographe et tournez votre cinématographe de manière à être synchrone avec le phonographe. Pour que vous puissiez bien suivre et bien entendre, je vous vends un téléphone qui vous portera aux oreilles les propos du phonographe91. » Avant 1907, et l’amélioration du système, le téléphone est nécessaire pour caler l’image sur le son. Pathé propose d’acheter son matériel habituel de projecteur et de phonographe et il ajoute la vente d’un téléphone. Les catalogues, à partir de 1900, proposent des « Scènes Ciné Phonographiques ». On trouve, La Robe, poésie d’Eugène Manuel (1902), Les Saisons, La Femme est un jouet et Bonsoir Madame la lune par Mercadier ; Les Vierges, Le Fiacre et Berceuse verte interprétées par Yvette Guilbert ; deux monologues de Félix Galipaux, La Lettre et Au téléphone (1904) ; et des chansons de Polin (1905), Mercadier (1905), Maréchal (1906), Charlus (1906) 92… Le catalogue de 1905 décrit le principe :
« [Il s’agit d’adopter] la solution la plus naturelle, c’est-à-dire la commande indépendante des deux appareils. Quelques répétitions suffisent à l’opérateur [qui actionne le cinématographe à la main] pour régler ses projections à la vitesse invariable du phonographe93. »
59Tout repose sur l’habileté du projectionniste. Phono-Ciné-Gazette, très proche de la firme au coq, mit en avant le procédé Pathé pendant ses « fêtes » qui permettaient de faire écouter et de montrer aux exploitants les dernières nouveautés. Dans le compte-rendu de la « Première Fête du 13 mai 1906 », on glorifie le synchronisme. Alors que le numéro précédent de la revue prévenait : « Peut-être pourrons-nous faire entendre Polin et Mercadier pendant que le cinématographe reproduira leurs mouvements. Mais de cela, nous ne sommes pas sûr en raison des difficultés matérielles qui seront aplanies dans l’avenir94. » Cette prudence semble indiquer que la synchronisation Pathé dépendait beaucoup des circonstances et de la dextérité des techniciens. Finalement, 3 000 amateurs, participant à cette fête (d’après la revue qui exagère peut-être un peu les chiffres d’entrées), ont pu entendre et voir le chanteur populaire.
« Le plus grand succès a été pour Polin, interprétant La Venus du Luxembourg. Bien entendu, Polin était sur l’écran et sa voix venait du phonographe. Le synchronisme le plus absolu a été constaté entre le ciné et le phono et le public a compris la difficulté : il a vigoureusement applaudi95. »
60Cette projection était le clou de la soirée puisque, dans l’ordre de déroulement, on trouvait un concert de phonographe, puis des projections muettes accompagnées au piano par M. Cariage, et enfin le film synchrone avec Polin. La revue annonçait « appareils et films Pathé ». Dès le 29 mai 1906, Phono-Ciné-Gazette organisa une deuxième soirée dans la salle du Trocadéro. De nouveau on entend Polin, accompagné d’un film avec Mercadier :
« Ma Jolie de Mercadier et La Venus du Luxembourg de Polin ont été chaleureusement applaudies ; la concordance était parfaite, le synchronisme absolu entre le mouvement des lèvres sur l’écran et le son du phonographe à air comprimé. Il est vrai que nous avions d’excellents opérateurs de la maison Pathé qui se jouent de ces difficultés96. »
61Ce principe « téléphonique » de synchronisation se répandit dans les mois qui suivirent, lors des inaugurations de « salles Pathé » ou de « tournées Pathé ».
62Escamotage du Ciné-Phono chez les historiens
63Pathé n’a pas fait beaucoup de publicité pour son procédé, appelé Ciné-Phono, mais il a pourtant été vendu dans toute la France et même dans le reste du monde. Le Ciné-Phono semble avoir disparu des archives, ce qui est faux comme nous allons le voir97, et de la plupart des livres consacrés au cinéma français98. Plus étonnant, dans le livre consacré à Pathé lors de la grande exposition de 1994-1995 à Beaubourg, on nous affirme que « [Charles Pathé] ne réalise malheureusement pas le rapprochement du son et de l’image, contrairement à Léon Gaumont et d’autres qui feront des tentatives plus ou moins réussies de cinéma sonorisé99 ». Après des recherches dans différentes villes, nous pouvons affirmer que c’est faux. Par exemple à Paris, dans la salle de prestige de la firme, le Cirque d’Hiver, en 1908 le « Cinéma-Phono, dont le chant souligne point à point les scènes lyriques inscrites au programme » reste pendant plusieurs mois100. Le Ciné-Phono (appellation la plus courante), n’est pas un appareil de démonstration expérimental, c’est un système qui fonctionna dans de nombreuses salles fixes ou temporaires, en 1907-1910, en proposant des dizaines de films chantants. Gaumont produisit des centaines de films du même type, ce qui explique sans doute une plus large distribution de son équipement et une reconnaissance plus durable. Cela est aussi dû aux stratégies commerciales des deux firmes. Charles Pathé veut distribuer ses films le plus largement possible. Léon Gaumont s’attache plus à des éléments techniques qui le passionnent. Pratiquement chaque publicité publiée par Gaumont rappelle que la société fournit des films parlants, alors que presqu’aucune réclame de la firme au coq ne vante son appareil de synchronisation. Les deux compagnies ne promeuvent pas leurs procédés de la même façon. On trouve un aspect purement commercial à rentabilité immédiate pour Pathé, qui abandonne la synchronisation au bout de trois ans à peu près (si on ne compte pas les présentations antérieures à 1907 et le système est encore vendu en 1912). Par contre, il y a une recherche de reconnaissance de la part de la communauté scientifique du côté de Gaumont. Cela explique, en partie, la disparition du Ciné-Phono et la persistance du Chronophone dans les travaux historiques101. De plus, les déboires des sociétés concessionnaires de la marque Pathé entre 1907 et 1909 ne permirent pas de pérenniser le Ciné-Phono. Les conditions draconiennes mises en place par Charles Pathé empêchèrent le plein épanouissement des sociétés régionales102. Le système de location obligeant à une rotation plus rapide des films explique aussi l’impossibilité de faire perdurer certains numéros du Ciné-Phono. Trop de facteurs extérieurs entrent en ligne de compte pour juger d’un échec du système de synchronisation Pathé qui fit de toute façon entendre des dizaines de films pendant deux ou trois ans dans toute la France.
Le Ciné-Phono vendu dans toute l’Europe
64Enfin, dans les archives Pathé, des inventaires permettent de vérifier que les appareils Ciné-Phono sont stockés à Joinville et dans les succursales103. Il semble qu’à partir de 1908, le terme Ciné-Phono désigne les disques et les films correspondants, alors que l’appareil de synchronisme est appelé Synchrophone ou Synchronisme. L’inventaire de février 1907 note que des disques et films Ciné Phono sont stockés à Bruxelles. Un accord avec l’ingénieur Gentilhomme permet à Pathé d’utiliser et de vendre le Ciné-Phono et le Synchrophone104.

Synchrophone Automatique Modèle A. catalogue Gentilhomme, 1909, Fonds Rondel, Rk 649
65Ce dernier appareil est stocké à Londres, à Vienne et à Moscou en février 1908. Cinq machines de ce type sont à Joinville en février 1909, accompagnées de huit « phono-transmetteurs ». Dans les succursales, à cette date, on trouve un Synchronisme à Londres, 4 à Moscou avec 7 bobines Ciné-Phono, 2 Ciné-Phonos à Budapest, 4 à Vienne avec 321 disques Ciné-Phono ! En 1910, deux termes sont employés : Cinéphone (2 à Barcelone) et Synchrophone [exclusivité Gentilhomme, distribué par Pathé] (Londres, Milan, Budapest, Bucarest). En 1911, seuls des disques sont désignés comme Ciné-Phono, alors que les appareils s’appellent Synchronisme ou Synchrophone. Onze machines sont en stock entre Joinville et les différentes succursales. En 1912, 8 Synchrophones ou Synchronismes sont notés en stock.
66L’ingénieur Gentilomme, dont le système a été utilisé par Pathé sous le nom Ciné-Phono, a également vendu sous sa propre marque son procédé105. Un article de Phono-Ciné-Gazette détaillait les avantages du procédé en 1908, quand il était bien distribué par Pathé :
« 1° Le fonctionnement est réellement automatique, c’est-à-dire que les écarts sont empêchés ou rattrapés d’une manière automatique ; cela permet à l’opérateur de se consacrer complètement au projecteur ;
2° Le volume [pris par l’appareil] est restreint ;
3° L’adaptation peut être faite instantanément à des cinématographes et phonographes de tout système ;
4° L’emploi de films et de disques de fabrications différentes ne présente aucune espèce d’inconvénient ;
5° La présence d’un dispositif correctif permet à l’opérateur de corriger immédiatement un faux départ ou un décalage dû à ce que le film a été coupé à certains endroits ;
6° Le montage ne demande que quelques minutes ;
7° La fixation peut être faite en un endroit quelconque de la cabine, car il n’y a aucune transmission mécanique ;
8° Le prix en est relativement peu élevé106. »
67Pour réussir à bien maîtriser l’appareil, le projectionniste devait quand même s’entraîner plusieurs fois. Dans la première version, les faux départs ne pouvaient être rectifiés que si l’opérateur entendait parfaitement le phono, placé loin de lui. C’est pourquoi Pathé utilisa ce système en ajoutant l’emploi d’un téléphone qui reliait le phonographe à la cabine de projection, avant 1907. Cet article ne décrit que la version automatique du Synchrophone, donc à partir de 1907. Comme pour Gaumont cette synchronisation existait sous deux versions, automatique et à main. Une publicité parue dans Ciné-Journal en 1909 expliquait :
« Cinématographe Chantant, Synchrophones H. Gentilhomme, Automatique et à main, modèle défiant toute concurrence, phonographes amplificateurs, films synchronisés. Vente et location. Levallois-Perret, 128 rue du Bois107. »
68Dans son catalogue de 1909, Gentilhomme propose un synchrophone complet à partir de 1 141 francs (modèle D, le moins cher) et jusqu’à 3 484 francs (modèle A, version courant alternatif). Le système se présente sous la forme d’un tableau électrique avec variateur de courant permettant de réguler la vitesse du projecteur et celle du phonographe.
69Avec ces différents modèles, dont seul le quatrième est manuel, le projectionniste peut contrôler le phonographe depuis sa cabine de projection108. La revue Ciné-Journal, sans doute plus proche des projectionnistes et des exploitants, note que les,
« meilleurs procédés actuellement employés sont basés sur une commande électrique synchrone d’un phonographe et d’un cinématographe, la distribution du courant étant faite au poste cinématographique par un organe en relation angulaire constante avec le phonographe : c’est-à-dire qu’il est nécessaire d’ajouter, aux deux appareils exécutants, un dispositif électrique plus ou moins compliqué, qui a pour fonction de les relier109 ».
70Après cette longue phrase qui permet de perdre le lecteur et de suggérer que la manœuvre n’est pas aisée, l’article met en avant la simplicité du Synchrophone Gentilhomme. Il décrit l’action de régulation électrique en concluant : « Cette action de réglage persiste jusqu’au parfait rétablissement du synchronisme, et cesse, aussitôt après, avec une précision et une automaticité telles, que l’opérateur n’a à s’occuper de rien. » L’éloge de l’appareil continue sur deux pages. Au passage, Gaumont est critiqué, sans être nommé, car « tout appareil qui ne permet l’emploi que d’une seule marque de disques et de films rend son acquéreur tributaire de cette marque ». Pourtant, six lignes plus bas, un cartouche publicitaire vante les « projections parlantes » de Gaumont ! Il est difficile de savoir combien de spectateurs ont entendu des films synchronisés par le procédé Gentilhomme, en dehors de son accord avec Pathé en 1908. Les exploitants et forains ne mettaient pas en avant le véritable nom du procédé qu’ils utilisaient. La possibilité de passer tout type de films ou de disques, comme pour Mendel, mais avec un variateur vraiment automatisé faisait du Synchrophone un sérieux concurrent de Gaumont.
71Nous pouvons affirmer qu’à la veille du grand développement des salles fixes et spécialisées dans toute la France, l’attrait pour les technologies sonores est marqué. À la fin de l’été 1906, Mendel, Gaumont et Pathé semblent en rupture de stock ! « Plusieurs grandes maisons de Paris vendent ces appareils et ne peuvent suffirent aux demandes110. » Il peut s’agir parfois d’un effet d’annonce et certains forains ne montrent qu’un seul film moyennement synchrone. Du point de vue du simple client des cinématographes, les projections proposent des sons synchrones en plus grand nombre. En plus du choix des sons de bruitage, des voix humaines et des différents bruits parasites que nous avons notés, le spectateur profite de plus en plus des synchronisations mécaniques et des phonographes non couplés aux projecteurs. La présence importante des films pour Chronophone Gaumont semble un signe intéressant de mécanisation des sonorisations de films. Gaumont a fabriqué le procédé le plus fiable. Il a été vendu dans toute la France et a fonctionné avec régularité pendant des années.
Synchronismes Gaumont
Amélioration du système
72À Paris, la synchronisation mécanique fut essentiellement développée par Gaumont, dans différentes salles à partir de 1907. Mais son système, le Chronophone, existe dès 1903111. Il reste à l’état expérimental jusqu’en 1905. Léon Gaumont procède à des projections, devant différents publics, essentiellement pour des spécialistes, comme la Société Française de Photographie. Il montre l’appareil en 1904, à Nancy, à l’occasion du Congrès de photographie qui se tient dans cette ville, du 18 au 25 juillet112. Des améliorations successives permettent de vendre des appareils à partir de 1905113. À partir de fin 1905, les publicités font connaître le nom Chronophone114. Pendant l’année 1906, des publicités, vantant « l’Elgéphone à Air » (amplificateur) et sa « puissance inconnue jusqu’à ce jour », sortent dans les revues comme Phono-Ciné-Gazette. Cette revue corporative soutient largement le matériel de la firme à la marguerite. Un long article, commençant en première page, décrit le Chronophone comme « une merveille scientifique et un instrument de progrès qui marquera l’union définitive des deux grandes industries nouvelles115 ». Dans ce même éditorial de juin 1906, Charles Chancy encourage les exploitants à aller vérifier la fiabilité du Chronophone dans les locaux des Établissements Gaumont, rue Sainte-Catherine, à Paris. La revue fait donc une publicité importante au système Chronophone. En août 1906, elle lui consacre deux pages entières, avec quatre schémas116. L’un des schémas montre le système de régulation de vitesse qui permet de garder le synchronisme entre le projecteur et le tourne-disque. Ce tableau est appelé « Tableau chef d’orchestre ».

Publicité Gaumont, Photo-Ciné-Gazette, n° 65, 1er décembre 1907, coll. part.
73Phono-Ciné-Gazette accueille également des réclames payantes pour l’appareil. Gaumont, dans ses annonces de 1906, se présente comme « la première maison s’occupant spécialement des projections parlantes » et propose des vues en français, anglais, allemand, italien et espagnol117.
Gaumont et l’enregistrement en son direct
74Les « filmparlants », à partir de décembre 1910, sont des sketchs et extraits de pièces enregistrés en direct, grâce à un micro qui peut capter convenablement le son à cinq mètres118. Gaumont s’offre une grande page de publicité dans Ciné-Journal pour annoncer :
« 1911 ! Des Étrennes ! Voilà des étrennes et dont on parlera… Les Établissements Gaumont, distançant après neuf années d’études, les travaux célèbres d’Edison, viennent de présenter victorieusement à l’Académie des Sciences en sa séance du 27 décembre courant :
La Plus Merveilleuse invention faite depuis la découverte du Cinématographe. Le Chronophone Gaumont avec enregistrement direct qui permet de voir et d’entendre l’image cinématographique et parlante du même personnage prise en même temps et avec le même appareil. Grâce à l’enregistrement direct Gaumont, il est, dès maintenant possible, de reproduire, dans les exploitations les plus modestes, les pièces de théâtre en vogue, les concerts, les réunions, les discours, en un mot tout ce qui peut charmer, tout ce qui peut être évoqué, enseigné par la parole et le geste réunis119. »
75L’autoglorification de Gaumont laisse dans l’ombre la mise au point faite par les laboratoires d’Edison d’un procédé semblable, quelques semaines plus tôt, procédé qui ne représenta qu’une concurrence très réduite en France. L’idée de distribuer partout des pièces de théâtre se heurta à des problèmes de droits età la longueur des films. Mais de nombreux sketchs furent enregistrés. À partir de cette date, contrairement au principe des phonoscènes et sketchs antérieurs, on peut enregistrer plusieurs acteurs ou chanteurs. La difficulté du play-back restreignait les films synchrones à un seul acteur dont on pouvait voir la bonne synchronisation. Des duos musicaux, et des dialogues de théâtre peuvent être enregistrés. La séance de démonstration de Gaumont à l’Académie des Sciences en décembre 1910, lui permit de faire entendre (et voir) un coq, dont le cocorico ne saurait être joué en play-back, et qui pouvait être un clin d’œil à la concurrence 120…
« Aujourd’hui, c’est l’organe enregistreur qui a été perfectionné, il est devenu d’une extrême sensibilité. Il s’en suit qu’on peut placer les acteurs à plusieurs mètres du pavillon, ils jouent sans avoir à s’inquiéter de rien. Les deux appareils enregistreurs de la parole et du geste fonctionnent simultanément et avec un synchronisme absolu. Nous avons pu voir déjà, et tout le monde verra très prochainement, des scènes à deux, trois et quatre personnages qui sont d’une réalité parfaite121. »
76Cette retranscription d’une séance à l’Académie des Sciences se conclut par une anticipation de ce que Gaumont proposa plus tard : « Le Chronophone permettra de transporter partout les chefs-d’œuvre de notre théâtre, joués par les meilleurs acteurs ». En 1913, Léon Gaumont veut encore améliorer son Chronophone. Un double poste de gramophones, reliés au projecteur, permet d’enchaîner plusieurs disques. Gaumont appelle ce système le « Théâtre automatique ». Il lui permet de diffuser des pièces de théâtre durant près de vingt minutes. Ces pièces étaient enregistrées en direct. Elles furent diffusées jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. En mars 1913, une comédie créée au théâtre du Grand-Guignol, Asile de nuit, est projetée dans les salles Gaumont. Elle dure plus de 15 minutes. Charles Le Fraper écrit dans son journal, Le Courrier cinématographique :
« Il restait à résoudre une difficile équation pour arriver à substituer les disques les uns aux autres, sans arrêt, sans à-coup, sans interruption des bandes […]. À l’heure actuelle, c’est un fait accompli. On a donné en France, à Paris, une première audition d’une pièce de théâtre cinématographiée. La preuve est faite, et depuis vendredi dernier, l’Hippodrome Gaumont-Palace résonne des applaudissements qui saluent le couronnement d’une œuvre grosse de conséquences artistiques et industrielles122. »
77Une autre pièce filmée de la même longueur est projetée au Gaumont-Palace du 2 au 8 mai 1913, Le Commissaire est bon enfant adapté de Georges Courteline et Jules Lévy. Par la suite on ne trouve plus de publicité pour le « théâtre automatique ». Néanmoins, des petites pièces continuèrent d’être montrées pendant la Grande Guerre. Avec le double lecteur de disque, la sonorisation d’un long métrage est virtuellement possible. Il suffit de renouveler chaque disque sur chaque plateau à tour de rôle. Cela nécessite une grande dextérité de la part de l’opérateur. Ce procédé (avec un seul plateau tourne-disque couplé au projecteur), redéveloppé plus tard par Western Electric et adopté par Warner avec un système entièrement électrique, participe de la généralisation du parlant entre 1926 et 1933. Le processus de mise au point est très différent. On ne peut pas trouver de lien direct entre les deux systèmes. Une fois de plus, le « progrès » technologique ne suit pas une ligne droite. Et l’histoire du cinéma ne peut pas s’écrire de façon téléologique, en fonction de ce que nous savons qu’il advint ensuite.
Le Chronophone chez les forains
78Les forains utilisent aussi les appareils Gaumont. Sans doute le moins cher, celui qui fonctionne de façon manuelle, est-il le plus accessible pour les loges itinérantes. À Limoges, en janvier 1908, un tourneur qui se proclame Barnum Excelsior, utilise probablement un appareil Gaumont et les phonoscènes qui lui correspondent. Un incident relaté à propos des bavardages du public pendant les séances de projection, montre que les films chantants représentaient une partie importante des séances de ce tourneur :
« Gros succès du Barnum Excelsior qui a fait ses débuts devant un public nombreux et charmé par le beau spectacle du Chronomégaphone-Photo-Théâtre. Un numéro de Mignon a été raté, mais le public ne peut pas en faire grief à la direction. Quelques personnes, qui se sont présentées pour voir le fonctionnement de l’appareil, ont pu comprendre pourquoi ce numéro n’a pas été enlevé comme les autres. Au moment d’un morceau de chant, les personnes qui causent dans la salle empêchent l’opérateur d’entendre le signal du départ, signal parfois très faible, comme pour ce morceau de Mignon. C’est pourquoi la direction prie le public de lui accorder une minute seulement de silence, aussitôt après l’annonce d’une vue parlante123. »
79Même si l’amplification à air comprimé fonctionne correctement, certains airs de Mignon, opéra du compositeur français Ambroise Thomas, commencent par des notes très douces. C’est le cas pour « Connais-tu le pays ? », chanson délicate dans laquelle Mignon, jeune fille enlevée par des Bohémiens, explique plaintivement sa situation au héros, Wilhelm124. Cet air, le plus célèbre de l’œuvre d’Ambroise Thomas, devait être perçu par une oreille attentive pour que démarre correctement la synchronisation. À cause des bavardages du public, le film chantant n’a pas eu l’impact espéré. Cet incident permet de préciser le type de Chronomégaphone utilisé. En effet, dans ce système de Gaumont, la synchronisation se fait automatiquement pour la « série A » ou « type automatique », alors qu’elle se fait manuellement pour la « série M. » ou « type à main125 ». L’opérateur doit rester vigilant pour que le début du film et du disque s’enclenche correctement. Cet article nous permet de constater que la synchronisation parfaite est recherchée afin que le « numéro » soit réussi. Cela permet également de se rendre compte que les gens bavardes pendant les projections, même « chantantes » !
80À partir de l’été 1906, le Chronomégaphone Gaumont devient assez puissant pour être entendu dans de vastes salles. Les tourneurs et les forains s’en emparent, même s’ils transforment parfois le nom de l’appareil. La famille Kétorza montre des « Phono-Scènes » chantées par Bérard, Dranem, Dona126. La synchronisation de Gaumont tourne dans toute la France. Les petites bourgades bénéficient des passages de forains équipés de Chronophones plus ou moins sophistiqués.
La promotion du Chronophone
81Parallèlement à ce fort développement commercial, Gaumont continue d’être présent dans les colloques scientifiques. En avril 1907, dans une « réunion internationale de physiciens », qui accueillit Marie Curie et des chercheurs d’universités européennes, « le clou de l’exposition était le nouveau Chronophone de Gaumont127 ». Le rédacteur de Phono-Ciné-Gazette exagère peut-être, mais cette volonté de Léon Gaumont de montrer ses procédés devant des assemblées de scientifiques, explique également le succès de l’appareil. Les journaux parlent de ces congrès, et vantent au passage la précision du Chronophone amplifié par air comprimé, le Chronomégaphone. En mai 1907, Gaumont est également présent lors de la fête de la revue Phono-Ciné-Gazette. Destinée principalement aux lecteurs de cette revue corporative, cette assemblée se compose essentiellement de directeurs de salles et d’exploitants forains. Plusieurs firmes montraient leurs films (Warwick, Vitagraph, Méliès, Pathé) mais seul Gaumont proposait, ce jour-là, des vues synchronisées.
« C’est ainsi qu’on a entendu et vu : des scènes de Mireille, de Paillasse, de La Juive, du Barbier de Séville, merveilleusement interprétées par le Chronomégaphone de la Maison Gaumont. L’auditoire a été stupéfait de la concordance absolue établie entre le phonographe et le cinématographe ; les sons paraissent réellement sortir de la bouche des interprètes qui défilaient sur l’écran. Ces scènes de phono-ciné ont été un véritable triomphe128. »
82Cette représentation fonctionnant bien, il ne fait guère de doute qu’elle explique aussi la présence massive de l’appareil dans les salles parisiennes dans les semaines et les mois qui suivent. Les directeurs de théâtre, témoins de l’amélioration du Chronophone, ou lisant de bons comptes-rendus, se procurèrent rapidement des phonoscènes. Le concurrent direct de la Gaumont ne synchronise pas forcément ses films ce soir-là, mais Pathé montre que son matériel reste à la hauteur : « Dans l’intervalle des vues cinématographiques, on a entendu plusieurs morceaux exécutés par le phonographe à air comprimé de la Maison Pathé avec une intensité de son extraordinaire129. » Pathé prouve ainsi qu’il peut répliquer à Gaumont sur le domaine de la musique enregistrée, ce qui explique aussi la saison d’utilisation du Ciné-Phono chez les concessionnaires Pathé à partir de fin 1907. Les articles réguliers et enthousiastes de Phono-Ciné-Gazette, placés en première page, expliquent aussi la décision de beaucoup de directeurs de spectacle de s’équiper en parlant. Le 15 juin 1907, ils peuvent lire des phrases du type :
« Il faudra bientôt autant de phonographes qu’il y a de cinématographes. En effet, le succès croissant, universel et constant des scènes phono-ciné dépasse toutes les espérances. Le répertoire phono-ciné s’augmente chaque jour de pièces nouvelles, ses auditeurs sont toujours plus nombreux et enthousiastes130. »
Les Chronophones à Paris
83À Paris, la firme à la marguerite fournit des Chronomégaphones à diverses salles. Les phonoscènes restent en permanence à l’affiche et habituent le public aux vues chantées. Pendant l’été 1907, le Théâtre Moncey présente « tous les soirs [des] séances de cinématographe et de Cinéma-Chanteur par le Chronophone
84Gaumont » d’après une affiche131. Par exemple un programme peut comporter : cinq films en première partie, alternant drames et comédies, puis le clou de la première partie, le Cinéma-Chanteur, avec Mireille duo de « O Magali », et Faust 1er acte II Partie. Après « l’entr’acte », quatre films soit comiques soit dramatiques, puis le final de la séance, le Cinéma-Chanteur, avec Carmen « L’air du Toréador » et enfin Dranem dans une marche intitulée « Allumeur ». Cette semaine du 14 au 20 juin 1907, le Chronophone Gaumont permettait d’attirer le public dans ce théâtre du XVIIIe arrondissement de Paris. Pendant l’été, c’est l’équipe de Maury, qui apporta ensuite le parlant à Rouen, qui loue la salle Moncey. Durant tout l’été, dans ce théâtre, proposant habituellement des pièces, on peut voir quatre phonoscènes chaque soir, avec renouvellement complet du programme le vendredi. D’autres théâtres profitent de cette vogue du parlant. Le théâtre du Gymnase offre sa scène, non plus à des acteurs, mais au Chronophone, de la mi-juillet à la mi-septembre 1907. Léon Gaumont lui-même a négocié la location de la salle. Ce théâtre du Xe arrondissement de Paris publie alors comme programme132 :
SALLE DU THÉÂTRE DU GYMNASE
Saison d’Été 1907
Tous les soirs à partir de huit heures et demi
Représentation du Chronophone Gaumont
(projections parlantes)
Opéras, Opéras comiques, Scènes amusantes
Changement de programme toutes les semaines
Pendant les entr’actes, Projections de Photographies en couleurs
(brevet Lumière)
Matinées jeudis et dimanches
Prix des places : 2 F, 1 F, 0,75, 0,50
85Les prix sont normaux, mais le programme, uniquement constitué de phonos-cènes et de sketchs enregistrés, est inhabituel. Dans les autres lieux de programmation, les quatre films chantants ou parlants ne se présentent qu’en fin de séance. Après cet été parisien sonore, le Chronophone est repris par les Frères Isola, à L’Olympia et à Parisiana. Leur Compagnie des Cinéma-Halls permet ainsi d’entendre dans deux salles les films chantants tous les après-midi, sauf les jeudis, dimanches et fêtes quand le music-hall reprend ses droits133. Des billets de faveurs sont émis en novembre et décembre 1907, par exemple à l’occasion du Salon de l’automobile. À partir de cette date le Chronophone (en fait le système d’amplification est présent la plupart du temps, mais les exploitants n’utilisent que rarement le terme Chronomégaphone), ne quitte pratiquement plus l’affiche à Paris, jusqu’à la Guerre de 14-18. On trouve les phonoscènes dans plusieurs salles simultanément. La production sonore de Gaumont augmente. Le catalogue de janvier 1908, qui comporte 156 pages, réserve 72 pages aux « projections parlantes134 ». Dans ce catalogue, l’argumentation de l’entreprise est imparable pour pousser les exploitants de toutes salles et de baraques foraines à acheter un Chronophone :
« Tâchons de faire comprendre à tous les exploitants l’intérêt qu’ils auront à s’occuper les premiers du Chronophone Gaumont dans leurs régions. Le succès va aux nouveautés, et il est d’autant plus grand qu’elles sont sensationnelles. Où existe-t-il actuellement une invention propre à intéresser le public autant que nos projections parlantes ?
Avez-vous un établissement important, dirigez-vous un théâtre, un music-hall, portez votre choix sur le modèle automatique. Votre budget est-il limité, reportez-vous sur notre modèle à main. Nous avons prévu tous les cas. […] Si vous consultez nos listes de phonoscènes, vous pourrez remarquer que nous en avons déjà édité plusieurs centaines, notre répertoire s’enrichit de plus en plus et de sujets toujours plus artistiques. […] Peut-être nous dira-t-on c’est très beau : mais dans une grande salle de spectacle votre phonographe paraîtra aphone. Le cas a été prévu, comme on pense bien, et nous livrons, sur demande, un amplificateur basé sur la détente de l’air comprimé, dont les études de rendement et la construction ont été exécutées, comme tout le reste, dans nos propres usines. Cet instrument donne aux sons une puissance plus grande que celle de la voix humaine. […] Le Chronophone est en exhibition à l’Hippodrome de Londres depuis le mois de décembre 1906. Nous l’avons nous-mêmes présenté au public à Paris, au Moulin-Rouge, pendant l’été 1906 et au Théâtre du Gymnase pendant l’été 1907 et ensuite dans la grande Salle des fêtes du Petit Journal. Plusieurs de nos clients ont également exhibé le Chronophone avec le plus grand succès à Paris dans les music-halls et théâtres suivants : Hippodrome, Olympia, Parisiana, Antoine, Moncey, etc.135. »
86Cette argumentation semble avoir convaincu de nombreux exploitants forains ou fixes puisque le Chronophone se retrouve dans toute la France avant la guerre. L’appareil se vendait à partir de 2 750 francs, ce qui représentait à peu près la même somme que le meilleur modèle de Mendel. Les deux modèles les plus perfectionnés de Gaumont coûtaient quand même 4 250 et 6 000 francs136. Cela restreignait leur achat aux directeurs des plus grandes salles de spectacle, et aux tourneurs possédants des baraques luxueuses. Ces prix de début 1908 baissèrent nettement par la suite. À la fin de l’année 1909, des publicités Gaumont avertissaient les exploitants que le synchronisme seul ne coûtait plus que 500 francs137.
87Pour la foire aux pains d’épice de 1909, l’Alcazar-Théâtre de la Veuve Chamu, propose, derrière sa parade de clowns, sur de grandes affiches, le Cinématographe parlant et chantant Chronophone Gaumont138. Une photographie montre cette loge de foire en 1909, et ce système fut utilisé par Chamu pendant plusieurs années. Des salles de toutes tailles passent des films chantants. L’auberge des Adrets, un café-concert, devient « cinématographe des Adrets », mais les clients ont toujours droit à une consommation. La salle change de nom et passe des phonoscènes en 1912139. Une salle à la courte vie, le Canadian Cinéma propose elle aussi des films sur Chronophone Gaumont en 1908. En 1912, des exploitants se plaignent d’avoir épuisé le catalogue Gaumont et réclament plus de « filmparlants ». Ce terme désigne les sketches, déclamations et autres extraits de théâtre, bref tout ce qui n’est pas musical ou chanté (qui se rassemble sous l’appellation « phonoscène »). Comme nous l’avons vu, les « filmparlants » sont, normalement, enregistrés en direct. La réponse de l’administrateur-directeur de Gaumont est publiée dans la revue Ciné-Journal.
« Nous sommes heureux de voir l’ardeur que mettent aujourd’hui les exploitants à vouloir présenter eux-mêmes nos filmparlants ; cela prouve que nous avons bien atteint le but poursuivi. D’ailleurs nous n’avons nullement l’intention de monopoliser cette invention et de la réserver à nos seuls établissements. Ce procédé serait contraire au système commercial que nous avons adopté jusqu’à présent en cinématographie. Mais, pour éviter tout mécompte, nous avons cru préférable de ne pas répandre librement nos filmparlants avant de posséder un répertoire suffisant pour alimenter une exploitation suivie. Aux multiples difficultés de l’enregistrement direct sont venues s’ajouter les délicates questions de droits d’auteurs, et de longs mois ont dû s’écouler dans la discussion et l’élaboration d’une solution qui puisse concilier les intérêts de chacun140. »
88Gaumont donne donc les raisons de cette lenteur à fournir des filmparlants. Les problèmes de droits s’ajoutent aux difficultés d’enregistrer en direct ces sketchs et extraits de pièces. Ces échanges par journaux interposés montrent que la demande était forte pour ce genre de films synchronisés. On trouve d’ailleurs une grande quantité de filmparlants dans les salles de la région lyonnaise entre 1912 et 1914.
89Les salles qui passent ces films se multiplient dans les années 1910-1914. Au 7 boulevard Poissonnière, une salle parisienne reprise directement par la Société Gaumont, le 29 juin 1908, s’appelle « Phonocinéma Gaumont » jusqu’en 1910 puis Chronophone Gaumont. D’après le conseil d’administration de Gaumont, cette salle ultra-spécialisée qui ne diffuse pratiquement que des phonoscènes et des filmparlants (à partir de 1910), donne des résultats satisfaisants141. M. Fossoul, le gérant peut se vanter d’une progression de la fréquentation et des recettes : en 1908, le montant des recettes annuelles s’élève à 156 411 francs, et il passe en 1913 à 311 463 F. Cette salle représente la réussite commerciale et industrielle du Chronophone. Les séances ont lieu de 14 h 30 à 18 heures et de 20 h 30 à 23 h 30 ou minuit. En 1913, le succès aidant, la salle fonctionne en continu car il n’y a plus d’interruption entre matinées et soirées. Les prix se situent dans la fourchette des prix habituelle : 0,50 ; 1 et 2 F142.

Première partie du programme du Gaumont-Palace, du 20 au 26 octobre 1911, coll. Institut Lumière.
90Le fleuron du groupe, le Gaumont-Palace, diffusa des films parlants et chantants de 1911 jusqu’aux années 1920143. Pour les 5 500 spectateurs du « paquebot de la place Clichy », le spectacle dure trois heures avec deux entractes de 10 ou 15 minutes. Les revues corporatives donnent souvent le détail de ce programme.
91La première partie se conclut en général par deux phonoscènes. Ces chansons filmées peuvent être des airs populaires de Dranem, Polin, Mayol ou des arias d’opéra. Par exemple, 22 scènes de Faust ont été filmées et enregistrées, ce qui représente une longueur totale de 1 300 mètres144. Si ces morceaux avaient été mis bout à bout, l’opéra entier aurait été entendu dans un long métrage. Mais le but de Gaumont est de donner des petits airs connus à chaque représentation. La troisième partie du programme classique du Gaumont-Palace contient deux filmparlants. Il s’agit, comme nous l’avons vu, de quelques monologues de théâtre, ou d’un sketch de music-hall. De la musique encadre toutes les parties, et accompagne les films non-synchronisés. L’immense cinéma se révèle être une réussite financière145. La salle est souvent pleine. Les films sonores ne représentent qu’une petite partie du programme, mais ils participent de cette réussite. Les différents témoignages montrent que ces films s’entendaient parfaitement dans toute la salle, grâce à l’amplification par air comprimé, même si le son était plat et nasillard146. À partir de 1913, le cinéma montre également des films en couleurs naturelles avec le Chronochrome.
Les Chronophones à Saint-Étienne et Lyon
92En dehors de Paris, les films chantants ou parlants de Gaumont sont largement diffusés. À Saint-Étienne, une grande salle Gaumont s’est mise en place sur le modèle du Gaumont-Palace. Un Skating périclitait. Pour renouveler la clientèle on passa des films pendant que les patineurs continuaient d’évoluer sur la piste. Cela ne suffit pas à redresser les finances. Gaumont reprend l’affaire et installe une des plus grandes salles de spectacle de la ville, en concurrence avec l’Alhambra, contrôlé par Pathé. En avril 1913, on peut lire dans la presse stéphanoise :
« Royal-Cinéma, avenue Président Faure. Établissement modèle. Espace, confort, sécurité, hygiène. Films artistiques, comédies, drames, actualités, etc. Phonoscènes et films parlants Gaumont. Ouverture : vendredi 25 courant147. »
93À partir du 25 avril 1913, la salle Gaumont de Saint-Étienne diffuse massivement les films synchronisés pour Chronophone. En règle générale, 8 ou 9 phonos-cènes et filmparlants passent sur l’écran du Royal, chaque mois, jusqu’à la déclaration de guerre en 1914. Au total 64 films synchronisés furent proposés dans cette salle en un an et trois mois148. Chaque semaine, une phonoscène, (une chanson comique, parfois romantique, mais moins d’airs d’opéra que dans d’autres villes), voisine avec un filmparlant (sketch). Gaumont fournit hebdomadairement deux nouveaux films synchronisés à cette salle. La régularité de cette diffusion montre la réussite technique et commerciale du Chronophone dans la préfecture de la Loire.
94Les films montrés correspondent, avec un décalage de quelques mois, aux films passant dans la vaste salle de la Scala à Lyon. Dans ce lieu de spectacle apprécié des lyonnais, le Chronophone s’est également établi durablement.
95L’appareil avait été utilisé par un concurrent, le Nouvel Alcazar en mars et avril 1910. La liste des scènes chantées n’était pas donnée régulièrement149.
96La Scala est la seule grande salle lyonnaise qui met en place une relation stable avec Gaumont. À partir de janvier 1911, les séances de trois heures de la Scala proviennent en majorité du catalogue Gaumont, même si des films de la Biograph ou de la Vitagraph apparaissent dans son programme. La programmation suit de très près celle des salles Gaumont de Paris, avec moins d’un mois de décalage150. Les programmes de la Scala apparaissent parfois dans les revues parisiennes :
97« La Scala de Lyon, après d’importantes réparations et transformations, fait sa réouverture le 26 août avec les filmparlants Gaumont. Cet établissement devient le modèle du genre par ses programmations réellement bien choisies et son orchestre impeccable151. » Le quotidien local le mieux renseigné sur les spectacles, Lyon républicain ne donne ce jour-là qu’une annonce succincte : « À huit heures et demi, réouverture. Programme inédit. Filmparlants de Gaumont et phonoscènes. Spectacle de famille, bon marché152. » Les spectateurs habituels sont rassurés. Le nouveau système de synchronisation n’entraîne pas une hausse des tarifs. Le lendemain de cette réouverture, la presse ne tarit pas d’éloges.
« Les films parlants Gaumont, dont c’était, hier, le premier voyage en province, ont été définitivement mis au point, et par une habile combinaison phonographique, font vivre les personnages en scène. Le succès a été considérable, et une ovation, qui s’adressait à l’inventeur et au projectionniste, a accueilli ces œuvres. […]
Faut-il ajouté que le directeur de Scala-Théâtre, M. L. Froissart, présente son spectacle d’une façon intelligente et agréable : un orchestre remplit les entr’actes, des chanteurs se font entendre, des machines reproduisent avec exactitude les bruits et complètent l’illusion. Le succès est assuré pour longtemps à la bonbonnière de la rue Thomassin153. »
98Le journaliste ne se souvient plus des projections Gaumont qui passèrent à L’Alcazar deux ans plus tôt ! Il semble ignorer les nombreux forains qui promènent leurs Chronomégaphones depuis l’été 1906, sans parler des nombreuses salles qui projètent régulièrement des phonoscènes partout en France. Lyon est plutôt en retard en ce qui concerne la régularité des projections des films chantants Gaumont. La Scala permet de combler ce retard et l’auteur de l’article dit vrai lorsqu’il parle de succès durable. Remarquons que la foule a remercié le projectionniste par une ovation. Ce travailleur de l’ombre, oublié dans sa cabine, représente pourtant une bonne part du succès des films synchronisés. Même si le procédé Gaumont utilisé ici est probablement le plus cher, donc le plus perfectionné, entièrement automatisé pour la régulation de la vitesse, il fallait un certain doigté pour mettre en place l’appareil et pour réussir à maintenir le synchronisme. Scala-Théâtre représente le grand luxe des salles spécialisées. En plus du Chronophone, le public peut apprécier un grand orchestre, un bruitage précis (avec machines à bruits) et des chanteurs qui accompagnent certains films !
99Chaque semaine, jusqu’à l’été 1914, les phonoscènes passent dans cette « bonbonnière ». Les comptes-rendus disparaissent quelques jours après la réouverture, car la qualité du programme est établie et que le public sait à quoi s’attendre. Le 3 septembre, on peut encore lire :
« La Scala-Théâtre a renouvelé à peu près entièrement son spectacle […]. Le clou de la représentation est toujours constitué par les phonoscènes. Ceux de cette semaine sont particulièrement réussis. Des chanteurs, qui sont en même temps des comédiens de talent, interprètent avec un art parfait deux œuvres célèbres : “Mon Verre” et le “Rêve passe”. Grâce à la collaboration étroite du cinéma et du phonographe, ce n’est plus une reproduction que le spectateur a sous les yeux, mais la réalité elle-même. Le même éloge va à l’audition de banjo, par un virtuose de cet instrument154. »
100Après cet article, les auditions de phonoscènes deviennent banales à Lyon et les journaux ne se donnèrent plus la peine de répéter que la synchronisation était de très bonne qualité. Cette semaine-là, deux chansons et un morceau de musique représentent la partie synchronisme du programme. Ensuite, les journaux ne donnent plus comme information que « vues nouvelles, filmparlants de Gaumont et phonoscènes155 ». La direction prévient régulièrement les spectateurs qu’ils doivent retenir leur place « sans supplément de prix » car la salle de 2000 places est souvent pleine156. Pour obtenir le détail du programme, il faut lire la presse corporative nationale. Le Courrier cinématographique nous apprend que « lorsque paraissent sur l’écran les films parlants de Gaumont : Quelle femme est-ce ?, Au Paradis, La Ceinture d’or, avec l’interpellation du “chiqué”, c’est une hilarité générale157 ». Le correspondant local du Courrier décrit ainsi la soirée de gala qui eut lieu la semaine précédente. Les films cités sont des sketches, classés dans la catégorie « filmparlant » de Gaumont (saynètes enregistrées en son direct depuis décembre 1910). Ce même article de Louis Raymond annonce l’arrivée d’un concurrent sérieux pour les salles de la presqu’île lyonnaise. Le Royal Cinéma vient d’être inauguré place Bellecour et passe des films coloriés. Ces éléments nous rappellent que le contexte d’innovation technologique de l’époque, qui permet d’attirer les spectateurs, inclut la couleur. Parfois il s’agissait de couleurs naturelles, pour le Kinemacolor, et généralement de coloriages au pochoir ou à la main. En décembre 1912, le Courrier souligne le succès d’un filmparlant à la Scala, Les Deux Poissards. Film qui a pu changer de titre, Les Deux Pochards, pour passer six mois plus tard à Saint-Étienne158. À défaut de la presse lyonnaise, on peut suivre la programmation de films synchronisés dans les revues parisiennes et dans les quotidiens stéphanois puisque la salle Gaumont (le Royal) de Saint-Étienne reprend, avec quelques mois de décalage, les films montrés à Lyon. Les sketches diffusés par le Scala ne font pas tous rire le correspondant du Courrier : « Dans les films parlants Gaumont, l’Étrange interview est d’une incohérence en effet bien étrange. Il est heureusement suivi d’un intéressant monologue de Dranem, Un Monsieur original159. » La banalité de la projection de films synchrones se révèle par le fait qu’on critique le contenu des films au lieu de s’extasier sur la précision de l’appareil. Le programme de la Scala de Lyon ressemble beaucoup à celui du Gaumont-Palace par son organisation. Par exemple la semaine du 5 au 12 janvier 1912, après un « panorama colorié », et un film « dramatique », deux phonos-cènes Gaumont s’insèrent dans la première partie du programme. Le lettrage du programme officiel met en avant l’importance de ces chansons synchronisées.

Programme du Gaumont-Palace, janvier 1912, première partie, coll. part.
101À la suite des phonoscènes, une comédie et un « comique » (série Bébé) passent avant l’entracte. La deuxième partie contient une attraction de music-hall (« le Trio Alfred, Excentriques »), une « grande scène dramatique » et un petit film comique. Après le deuxième entracte, une autre attraction occupe la vaste scène du cinéma (« le Professeur Steil et ses lions »). Puis on projette un documentaire, avant les « filmparlants-Gaumont » (en général deux sketches). Un court film précède les « Gaumont-Palace actualités », et un comique (Calino). La séance se conclut par l’orchestre jouant une « retraite160 ».

Programme du Gaumont-Palace, janvier 1912, troisième partie, coll. part.
102Chaque fois que des films synchronisés passent dans ce programme de 1912, le lettrage attire l’attention du spectateur sur cet élément.
103À Lyon, la Scala reprend cette structure de programme et chaque séance dure également trois heures. Par exemple, en mars 1913, la première partie comporte : un documentaire, un film dramatique, quatre comiques. Après l’entracte, le spectateur a droit à une comédie, deux films parlants : Sujet périlleux, Erreur judiciaire, suivis du « journal » (actualités) et d’un comique (série Zizi). Après l’entracte, la troisième partie propose un documentaire, une comédie, deux phonoscènes : Aubade à Ninetta, Harmonie du soir. Une comédie conclut les projections avant que l’orchestre ne joue une retraite161. Les grandes salles proposent donc une grande variété de films et, au centre de leur programme, les films synchroniséstiennent une place choyée. Ils sont mis en vedette. À Lyon, le programme est quasi muet sur le contenu des films, jusqu’à la Grande Guerre, mais redit chaque jour que le Chronophone est présent :
104« Scala-Théâtre. Tous les jours matinée à deux heures et demi, soirée à huit heures et demi. Vues choisies, actualités mondiales, phonoscènes, filmparlants, etc.162. » À partir de janvier 1914, une deuxième salle projette des phonoscènes et filmparlants à Lyon. La Gaieté Gambetta, qui passait parfois des films, mais consistait surtout en une salle de bal, offre au public un programme composé de films Gaumont, dont des films synchronisés. Une affiche du programme de ce lieu polyvalent, en juillet 1914 prouve que des bals continuaient de s’y dérouler, mais le centre de l’affiche stipule « Tous les soirs à huit heures et demi, CINÉMA PARLANT 163 ». Le lettrage énorme utilisé signifie l’importance de cette attraction. La guerre a stoppé cette programmation parlante régulière de phonos-cènes dans deux lieux simultanément.
105Des Ciné-Phonos du Pathé, aux films sur Chronophone de la Scala, la régularité et la réussite commerciale des projections synchronisées, au sein des salles lyonnaises, sont avérées pendant la période 1907-1914. À Saint-Étienne, et dans de nombreuses autres villes françaises, l’intégration des phonoscènes dans les programmes de projections de grandes salles montre la banalisation des vues synchronisées à cette période en France164.
106Presque 800 phonoscènes et filmparlants ont été tournés par Gaumont. Mais la guerre stoppe cette production, comme l’ensemble des tournages français. Après 1916, ces films sont encore exploités, mais plus aucun n’est produit165. Le Gaumont-Palace semble avoir été la dernière salle utilisant des phonoscènes. Elles y sont projetées jusqu’en 1925166.
Des séances synchrones, partout en France après 1907
De nombreux procédés synchrones chez les forains
107Dans les villes sur lesquelles nous avons pu trouver des renseignements précis, on constate une recrudescence des synchronisations mécaniques. La concurrence reste très forte entre les salles et les tourneurs qui présentent des films chantants ou parlants, jusqu’à la Guerre de 14-18. Une étude systématique de toutes les villes françaises révélerait un nombre énorme de projections synchrones aux mêmes dates.
108À Annecy, où les informations sont des plus succinctes, on signale fin 1907 un tourneur avec un système de synchronisation, utilisant le « Bioscop Parlant167 ». Impossible d’identifier le mécanisme utilisé car le tourneur, Favier, réutilise le nom de son appareil précédent, le Bioscop Américain, même s’il a acheté du matériel d’une autre marque. Dans l’Est de la France, et dans les territoires occupés par l’Allemagne, on trouve des systèmes parlants qui peuvent provenir de chez Messter. Le Wintergarten de Mulhouse, propriété de M. Hausberger, se proclame en 1911, avec ses projections parlantes : « Erstes und feinstes Tonbildtheater am Platz » (le premier et le plus élégant des cinémas parlants de la place). Il ajoute parfois dans ses publicités, « le plus grand établissement d’Allemagne ». Cela donne une idée de la capacité de la salle qui devait rivaliser avec les grands théâtres cinématographiques de Berlin, si elle ne les dépassait pas réellement168. Dans cette salle immense de Mulhouse, comme à la même date dans l’immense Hippodrome de la place Clichy en train d’être transformé en Gaumont-Palace à Paris, la taille du lieu ne gêne pas les projections avec synchronisations. En Lorraine, pendant l’été et l’automne 1908, la tournée de The Royal Wio propose un système Parlant et Chantant. The Royal Wio parcourt toute la région avec ce procédé en faisant des étapes très courtes, ne restant, généralement, qu’un jour dans chaque ville169. On trouve aussi un « Électric Cinéma Parlant », un Théâtroscope qui permet d’entendre « Mrs Polin, Mercadier, Dranem, Galipaux, etc170 ». Ce sont presque toujours les mêmes interprètes qui sont cités d’une affiche à une autre. Ces chanteurs étaient les plus appréciés, au vu du nombre d’annonces de spectacle où ils se retrouvent cités.
109Les plus petites villes dans la période 1907-1910 connaissent le cinématographe parlant avec synchronisation mécanique. Les forains se fournissent très souvent chez Mendel, qui propose des systèmes de synchronisation et des films bon marché171. Dans les grandes villes, plusieurs systèmes se concurrencent. Nous avons déjà cité des tournées de cinéma chantant à Nancy. En 1910, le Théâtre-Cirque exotique Salvator (repéré à Rouen, Limoges, etc.), présente son spectacle où se succèdent les animaux savants et du cinéma parlant172.
110Les forains et les cirques ne précisent pas le nom du système qu’ils utilisent, ou donnent un nom fantaisiste à leur machine. Pierre Iunk, sur sa loge luxueuse proclame : « L’Idéal Cinématographe Parlant et Chantant. Le rêve n’existe plus, mais la réalité s’impose173. » La parole signifie alors réalisme, ou ici « réalité » ! Les banquistes aiment dire qu’ils proposent le système de cinéma parlant « le plus parfait ». On le lit par exemple sur les affiches du cirque Spessardy en 1912. Ce cirque continue de présenter des ours cavaliers (Spessardy’s Riding Bears), mais ses affiches en « franglais », placardées en Bretagne en 1912, insistent sur son cinématographe parlant :
« Ville du Pouliguen. Ce soir, et pour quelques jours seulement, route de Pin-Château près du park [sic], The Globe Trotter, Spectacle Gigantesque, Sensationnel, Incomparable, Artistique, Mondain, Grand Record Cinématograph-Théâtre [sic], Parlant & Chantant, le plus beau, le plus parfait existant, féeries, drames, comédies, Spectacle idéal pour les Familles, tout à la fois merveilleux, unique et prodigieusement amusant du commencement à la fin. Les scènes animées donnent l’illusion de la vie. […] Tous les soirs 10 à 15 attractions les plus nouvelles paraîtront devant le public. À chaque séance paraîtra le Merveilleux Cinéma Parlant & Chantant. On y verra et entendra nos grandes étoiles parisiennes. Le public est instamment prié de ne pas confondre le Record-Cinématograf [sic] avec les établissements de ce genre vus jusqu’à ce jour. The Globe-Trotter [sic] est un Cinéma-Géant [sic] renommé pour son installation grandiose et confortable174. »
111En utilisant les mots « les attractions paraîtront devant le public », le couple Spessardy montre qu’il abandonne le cirque pour ne plus proposer que des films. On devait retrouver les chansons des Dranem, Polin, et autre Mayol, puisque les « grandes étoiles parisiennes » se trouvent dans le programme. Si les ours continuent de monter des chevaux, comme le prouve l’image au centre de l’affiche, Charles Spessardy se dispense dorénavant de les transporter dans ses tournées. Une petite phrase sur l’affiche signale : « Les ours savants des Folies-Bergère de Paris, dressés par M. & Mme Spessardy the Globe-Trotter lui-même [sic] et représenté [sic] sur l’écran de son Magnifique Cinéma. » L’attraction essentielle de 1912 se trouve décrite au centre de l’affiche, le cinématographe parlant et chantant. À la même période, le forain Delille offre au public « la plus grande merveille du xxe siècle [qui] peut se voir et s’entendre : le cinéma chanteur, parleur [sic] avec ses scènes d’opéra, féeries et scènes comiques175 ».
112Jérôme Dulaar, qui continue ses allers-retours entre Lyon et le Sud-Est de la France, utilisait en 1910 le « véritable cinéographe » parlant, chantant, synchronisé. Son neveu, Moïse Rodier, explique : « Nous disposions derrière l’écran d’un petit banc sur lequel était installé un phono coiffé d’un énorme pavillon. Le diaphragme était relié par deux tuyaux de caoutchouc à une pompe à air actionnée par un moteur électrique. Le résultat était formidable ! Le son renvoyé vers la salle était décuplé par cette machine infernale176. »
113À la foire de la Saint-Martin, en 1910, à Angers, on trouvait au moins cinq forains montrant des films, dont quatre proposaient quelques vues synchronisées : Grenier, Clam, Kétorza et Laurent177. En 1914, le Cinéma Mondain Montigny présente un spectacle avec « le phénomène Dario, l’artiste sans bras dans ses exercices de force et d’adresse », à la fin des trois heures de représentation qui étaient essentiellement occupées par des films muets et du « cinéma parlant178. » Cette même année, le Théâtre Grenier fait sa tournée avec divers films et attraction (dont le calculateur Tarentino), et le « cinématographe Parlant et Chantant », qui permet d’entendre : Le Crucifix de Fauré, chanté par Mme Laute-Brun, de l’Opéra et M. Elval, du Théâtre-Royal de La Haye179.
114La période, de 1907 à 1914, voit toute la France sillonnée par des tourneurs, cirques et forains proposant des cinémas chantants et parlants dont la marque exacte de l’appareil est quasiment impossible à déterminer.
Forte concurrence sonore à Nice
115À Nice, plusieurs salles proposent des films synchronisés à partir du printemps 1907. Le 29 mai 1907, le Politeama prévient ses clients : « Prochainement inauguration des séances de cinématographe parlant. Spectacle absolument nouveau pour Nice180. » Cette salle, qui passe surtout des films, semble la plus rapide pour l’acquisition d’un synchronisme. Pour faire durer le suspens, le lendemain, le Politeama-Théâtre annonce : « prochainement inauguration des séances cinématographiques de l’Electre Perfectionné181. » Deux jours plus tard, le nom correct du procédé sonore est imprimé dans le quotidien local :
116« Prochainement ouverture de l’Electric Cinéma Concert, attraction de premier ordre pour la première fois en France ; sélection d’opéras, opéras comiques et opérettes, chantés par les artistes les plus en renom du monde entier ; attractions de music-hall, ballets, voyages, trucs et féeries. Spectacle entièrement électrique182. »
117À ce stade de la publicité, impossible de savoir si ce sont des numéros sur scène ou des films chantants qui sont proposés. Le « pour la première fois en France » essaye de faire croire à la nouveauté absolue du système. Il est possible que la machine soit effectivement importée, par exemple d’Italie voisine. Pour tenir le public en haleine, chaque jour on l’informe des progrès de l’implantation duprocédé : « les travaux d’installation de l’Électric Cinéma Concert sont activement poussés. Dans quelques jours, le public sera admis à applaudir la plus intéressante nouveauté du jour183. » C’est le 15 juin que le Politeama inaugure son Électrique (ou Électric) Cinéma Concert. Pendant plus de quinze jours, la salle est fermée, de façon à installer la machine et à la tester. Le 16 juin, au lieu d’un compte-rendu flatteur de la première soirée, le journal publiait une piteuse annonce de report : « Étant donné les défectuosités de l’installation électrique, les représentations de l’Electric Cinéma Concert sont renvoyées à une date ultérieure afin de permettre le fonctionnement parfait des appareils184. »
118Cette contre-publicité tombait d’autant plus mal que les articles précédents insistaient sur le « spectacle entièrement électrique » ! Le jour suivant le feuilleton continue : « Incessamment, réouverture »… Le 21 juin, l’annonce devient plus optimiste : « C’est demain samedi 22 juin que l’Electric Cinéma Concert reprendra ses séances avec un perfectionnement parfait des appareils ; tout fait prévoir, pour ce nouveau début, un grand succès. Le programme sera absolument nouveau ; le spectacle sera divisé en trois parties de la durée de 3 heures185. »
119Si le « perfectionnement (est) parfait », la soirée devrait être plus réussie ! Le 22 juin, l’annonce parle de « véritables débuts » et détaille quelques chants d’opéra : « Le Barbier de Séville, Lakmé, Salomé, Mignon ». Le lendemain, L’Éclaireur de Nice donne enfin un compte-rendu dans son « Courrier des théâtres » qui prouve que la synchronisation a fonctionné :
« Il y avait foule, hier au soir, au Politeama, pour les débuts de l’Electric Cinéma Concert. Le spectacle tout à fait nouveau pour Nice, et d’un incontestable intérêt, a plu vivement aux nombreux spectateurs qui ont apprécié la parfaite netteté des vues cinématographiques, agrémentées d’auditions phonographiques.
On a ainsi applaudi tour à tour les scènes d’un irrésistible comique telles que : le Cavalier novice et l’Échelle et les tableaux impressionnants de la Course fantastique de Paris à Monte-Carlo en 15 minutes.
Le même succès a accueilli les sélections musicales d’opéras populaires, comme le Barbier de Séville, Lakmé, Mignon, etc. Et l’illusion a été si grande qu’on a pu réellement s’imaginer assister à une véritable représentation théâtrale, avec des personnages bien vivants, se mouvant dans de naturels décors186. »
120L’appareil fonctionne et les airs d’opéra peuvent s’entendre. Les jours suivant, l’annonce insiste sur le programme constamment varié, avec le même procédé et « le prix des places à la portée de toutes les bourses187 ». De plus le jeudi, les enfants accompagnés entrent gratuitement. Comme dans les autres programmations de vues synchronisées, après les airs d’opéra, ce sont les chansons comiques qui se font entendre : Mayol avec « Questions indiscrètes », annoncé le 28 juin. Et le 30 juin, on rassure les derniers indécis : « l’Electric Cinéma Concert fonctionne maintenant d’une façon parfaite ». Le 6 juillet, le Politeama rassemble plus de films chantants : « Grande soirée extraordinaire, 6 vues synchronisées : Le Barbier de Séville (trio) chanté en italien par Mlle G. Ughet, MM. Fernando de Lucia et Pini Corsi ; Lakmé ; La Tosca, prière chantée en italien ; Mireille, “O Magali” (duo) ; à la demande générale La Mattchiche et Dranem, le chanteur populaire188. »
121Ce programme se maintient jusqu’au 10 juillet, date à laquelle « on annonce les dernières ». Le 12 juillet, plus de programme détaillé. C’est la fin de la saison pour tous les cinématographes. Puis la salle ne réapparaît dans le journal que le 30 juillet pour des représentations de pièces de théâtre par une troupe italienne. Dans la suite de l’été, les pièces jouées sont toutes en italien. Deux des vues synchronisées étaient chantées en italien. Nice n’est française que depuis une quarantaine d’années à cette date. De plus la langue niçoise se rapproche des dialectes italiens du Nord, du fait du long rattachement au Piémont. Les échanges entre Nice et l’Italie continuent d’être fréquents. Le Politeama semble avoir des liens particuliers avec les compagnies transalpines. Le système de synchronisation, qui a fonctionné 21 jours, pouvait être un procédé italien. Le catalogue Mendel fournissait aussi ces airs d’opéra, tout comme Gaumont, mais la marque aurait, sans doute, été citée. Les débuts délicats ont failli réduire à néant la possibilité de faire entendre des films chantants à Nice. Ces premiers spectacles synchronisés, en 1907 seulement, montrent un certain retard par rapport à la vogue de la saison 1905, qui ne semble pas avoir touché la Côte d’Azur. Pendant le printemps et le début de l’été, trois autres salles proposaient des films, dont deux se faisant appeler Pathé et dénonçant la voisine comme usurpatrice. À partir de novembre 1907, trois cinématographes sont de nouveaux installés dans différents théâtres (Eden, Idéal, Fix), sans compter les présentations dans les Casinos. La saison touristique d’hiver bat son plein. L’été n’attire pas encore les étrangers189. En décembre le Politeama reprend une tournée cinématographique, baptisée Lux, alors que l’Artistic Cinéma s’annonce comme Théâtre des projections parlantes :
« Les travaux d’aménagement de la salle et l’installation des merveilleux appareils de synchronisme qui vont y être exploités sont poussés très activement. […] Cette attraction, nouvelle pour Nice, qui fait actuellement courir tout Paris au théâtre du Gymnase, ne manquera pas d’avoir ici un très grand succès190. »
122Cette précieuse indication, en dernière ligne, nous permet de savoir qu’il s’agit du Chronophone Gaumont. Pour retrouver le public qui a déjà goûté aux films chantants, chaque jour, les annonces insistent, mensongèrement, sur un spectacle « tout à fait nouveau pour Nice191 ». À partir du samedi 14 décembre, on peut juger sur pièce de la nouveauté de ces attractions : « air de Figaro » tiré du Barbier de Séville, comme à l’Electric Cinéma Concert quelques semaines plus tôt, « Charme d’amour » une chanson romantique… Le programme dure une heure et semble comporter deux scènes synchronisées et le reste en vues muettes. Les séances s’enchaînent à 2, 3, 4 et 5 heures, puis à 8, 9 et 10 heures. Comme pour le Politeama, l’entrée est « permanente, sans attente ». Au bout de cinq jours, une salle annonce qu’elle veut concurrencer le Théâtre des projections parlantes. Elle prend le nom de « Lyrique, Cinéma-Chantant », avenue de la Gare (assez loin de l’autre établissement, situé boulevard Victor Hugo). Sans vergogne, le directeur de cette salle reprend les phrases des autres annonces de procédés synchrones : « La plus sensationnelle attraction du jour ! La dernière merveille du siècle ! Pour la première fois à Nice ! Ouverture après-demain samedi192 ! » Le 21 décembre, six salles niçoises ne passent plus que des films. Deux de ces salles offrent des vues chantantes. Le « Théâtre des projections parlantes » s’est rebaptisé « Artistique-Cinéma », pour ne pas être confondu avec son nouveau concurrent ou à cause d’une coquille du quotidien local. « Le Lyrique, cinéma chantant » donne trois chansons filmées : « L’Trou de mon quai » chanté par Dranem ; « Parais à ta fenêtre », chanté par Affre de l’Opéra ; « Le Noël d’Adam » chanté par Weber, de la Gaîté193. La chanson comique, pas toujours du meilleur goût, rivalise avec l’air romantique. Les autres vues ne sont pas synchronisées. On trouve le même programme qui attira le public pendant l’été 1907 à Paris. Il s’agit bien de phonoscènes Gaumont. Le 25 décembre, Noël oblige, le programme se fait encore plus éclectique. L’Artistic-Cinéma qui retrouve le nom de Théâtre des Projections parlantes, passe aussi bien de l’opéra (Mireille, l’air de « l’Ange du paradis »), que de la chanson comique (« Allumeur marche » de Dranem) ou des hymnes religieux (« Minuit Chrétiens »), suivant un film muet de circonstance : La Nativité de N.S. Jésus-Christ.
123Le Lyrique reprend « l’Trou de mon quai », et le succès phénoménal de Mayol « Viens Poupoule » ainsi qu’une autre chanson de l’artiste, « Questions indiscrètes ». Le programme comprend au total 8 scènes chantées, dont deux fois « le Noël d’Adam » par Weber. Le trio des chanteurs comiques français est au complet puisque Polin chante « la Balance automatique194 ». Le plus grand ténor de l’époque, Caruso, chante l’Elisir d’amore. Il avait eu un succès énorme avec la romance du second acte de cette œuvre de Donizetti, reprise au Metropolitan Opera de new York en 1904195. Caruso n’a jamais été filmé et enregistré simultanément. Le Lyrique nous révèle donc ici qu’il utilise des disques de grands interprètes synchronisés avec des acteurs mimant la chanson en play-back, au moins pour certaines de ces vues chantées. Le procédé fut largement répandu grâce à Mendel. Le Lyrique a donc pu s’équiper avec le Cinémato-Gramo-Théâtre.
124Dranem, Polin et Mayol se disputent les chansons sur l’écran et sur disque, et continuent aussi de circuler en chair et en os sur toutes les scènes de France. Ce 25 décembre 1907, les Niçois peuvent aller écouter Mayol au Lyrique dans deux chansons enregistrées, et à l’Eldorado, music-hall qui a fait venir le véritable chanteur pour son gala des fêtes de Noël.
125Pour la fin de l’année, le « Théâtre des projections parlantes » ne passe plus que des chansons romantiques, « Gaby », « Amoureuse », « Quand les amoureux ». En face, le Lyrique propose deux extraits d’opéra, Mireille et Paillasse, accompagnés d’une chanson (ou d’un sketch) qui nous semble, aujourd’hui, plutôt raciste, « Rire nègre, interprété par Bamboula »196. Les deux salles maintiennent leur programme à l’identique, alors qu’une troisième salle se met à passer, le 31 décembre, des vues synchronisées. Le Fix-Cinéma, passe une des scènes Ciné-Phono les plus diffusées dans les salles habituellement liées à Pathé (qui existait aussi dans le répertoire Gaumont) : « Rachel quand du seigneur » tiré de La Juive et chanté par M. Gautier, ténor de l’Opéra [de Paris]. Une autre chanson accompagne le gros programme muet de cette salle : « La Mascotte », chantée par M. Boyer de l’Opéra-Comique. Le Fix-Cinéma n’a pas prévenu à l’avance de son choix de films chantants pour agrémenter la Saint-Sylvestre. Comme dans de nombreuses autres villes françaises, la concurrence fait rage grâce au parlant entre les salles diffusant des films, fin 1907 et début 1908. Quatre jours plus tard, le 4 janvier 1908, le Fix ne parle plus que de la musique, improvisée par son pianiste, et n’évoque plus aucune vue synchronisée. Ses films chantants n’étaient loués que pour les fêtes. À l’Artistique, Mignon, « O Sole mio » et un ballet, sur « une musique de Léo Delibes », sont entourés de vues muettes. Le Lyrique continue de passer tout le répertoire d’Affre et de Weber, deux ténors197. Ces deux salles continuent de passer trois vues chantées, réparties en général en une chanson comique (Dranem, Polin ou Mayol) et deux extraits d’opéra198. Le 26 janvier 1908, après trente-sept jours de projections chantantes, le Lyrique annonce sa dernière représentation. Quatre ténors passent encore dans des extraits d’opéra et d’opérette, et les chansons comiques sont également redonnées. Le Théâtre des projections parlantes reste sans concurrent sur le plan des scènes chantées. Le 31 janvier, il diffuse deux vues synchronisées, dont une vient d’être réparée : « “Gaby” dont un accident nous avait privés, triomphe de nouveau199. » Mais le 1er février, cette tournée cinématographique chantante s’arrête également. Au total, le Chronophone utilisé dans cette salle (sans que jamais la marque de Gaumont ne soit citée), a attiré des spectateurs à Nice pendant 48 jours, tout en étant fortement concurrencé par deux autres salles qui montrent des systèmes proches, et par quatre salles diffusant des films muets.
126Une fois de plus, l’étude détaillée d’une collection complète d’un journal local a permis de vérifier le succès commercial des procédés de synchronisation. Ces attractions ne sont pas des expériences, mais des éléments importants, dans un spectacle cinématographique toujours en recherche de nouveautés. Le spectacle reste saisonnier, comme il se doit dans cette ville de villégiature d’hiver. Après ce festival de projections de tous types, de l’automne 1907 à février 1908, seule une salle Pathé donne une programmation régulière uniquement basée sur des films. Les music-halls utilisent le cinématographe comme bouche-trou, quand un numéro vient à manquer, ou que le spectacle est trop court200. En 19081909, le nombre de projections annoncées dans les journaux chute, et certains parlent de crise du cinématographe à Nice201. Ces informations proviennent de la lecture des quotidiens, mais des salles peuvent fonctionner sans publier aucune annonce. On les remarque au détour d’un fait divers, comme lorsque deux jeunes maçons jettent des pierres sur la façade d’un « cinéma » installé Promenade des Anglais, en août 1908202. Cette baraque foraine (d’après la description succincte), n’a jamais été signalée dans les programmes des spectacles. Le nombre total de séances reste toujours plus important que ce que nous pouvons déduire d’après les journaux.
Les tournées « chantantes » à Limoges
127À Limoges, au printemps 1908, le tourneur ayant une exclusivité Pathé propose un choix très varié de films, parmi lesquels quelques chansons filmées. Pathé, au Cirque municipal, doit être « le rendez-vous du tout-Limoges mondain et élégant ». Lors des soirées de gala, une fois par semaine, le directeur offre « de gracieux bouquets aux dames203 ». Encore une fois, c’est grâce à un incident qu’on se rend compte de la présence des films synchrones :
« C’est devant une salle des plus sélectes que s’est déroulé le nouveau programme qui a conquis toutes les faveurs du public élégant qui se pressait dans l’enceinte du cirque. Une rupture soudaine dans la canalisation à air comprimé, qui s’est produite au cours du Phono-Ciné, a interrompu cet intéressant numéro très réussi et la réparation n’a pu avoir lieu au cours de la soirée. La direction présente ses excuses au public qui assistait à cette représentation204. »
128L’équipement sonore reste fragile. Cette fois il ne s’agit pas de désynchronisation mais de manque de puissance sonore. Cet article nous apprend que, comme le Chronomégaphone, le Ciné-Phono utilisait l’air comprimé pour pouvoir faire entendre sa musique à de vastes salles (selon le procédé gentihomme dont nous avons parlé).
129À la fin du mois d’avril 1908, le Cinéma-Théâtre-Pathé quitte Limoges. Il revient d’août à octobre 1908, sous la direction de Charles Le Fraper, futur créateur du Courrier cinématographique. Le Ciné-Phono est toujours présent, mais pour être plus attirant il est renommé « Cinéma Chanteur ». La synchronisation reste le clou du spectacle. Sur la façade du cirque municipal, on trouve, dans l’ordre, les calicots suivants (en essayant de respecter les lettrages utilisés) :
CIRQUE
CINÉMA THÉÂTRE PATHÉ FRÉRES
CINÉMA-CHANTEUR
130Tout autour de la façade, on trouve les affiches des nombreux films diffusés pendant ces programmes de trois heures. Parmi les seuls noms visibles sur une carte postale, le système de synchronisme se détache nettement, alors que cette tournée Pathé bénéficie aussi d’un orchestre d’une dizaine de musiciens et d’un bruiteur très adroit. La photographie de la façade du cirque de Limoges, fin août 1908, nous permet de juger de l’importance de la synchronisation dans le programme205. Sur cette image, on distingue une trentaine d’enfants, la plupart en chapeau (canotier pour les garçons, chapeaux variés pour les demoiselles), donc en « habits du dimanche », et seulement une dizaine de mères de famille. Pas de casquettes ou d’enfants tête nue, ce qui semble indiquer une assistance plutôt bourgeoise pour cette séance, même s’il existe des places à 50 centimes, voire moins pour les enfants. Peut-être est-ce une séance d’un jeudi après-midi, où d’un dimanche. Alors que les femmes sont chargées de sortir les enfants, les hommes sont soit au travail, soit au bistrot… peut-on supposer. Les séances du Cinéma-Chanteur attirent les enfants, et beaucoup viennent seuls, ou entre copains.
131Pendant les deux mois de la première tournée Pathé, au cirque de Limoges, le Ciné-Phono a fonctionné à chaque séance, malgré un incident relaté dans le journal. Pendant les deux mois et une semaine de la deuxième tournée, l’appareil fonctionne encore à chaque séance, chaque jour. Une série de trois incidents, entre le 28 août et le 2 septembre 1908, fait dire aux deux historiens de Limoges que le fonctionnement du Ciné-Phono était « aléatoire206 ». Au contraire, pour nous, si le quotidien local retranscrit avec tant de zèle le moindre problème, cela signifie que les autres jours, tout marche très bien. Voici les trois articles qui montrent que deux journées n’ont pas bénéficié du synchronisme : les 30 et 31 août. Le 1er septembre l’appareil a eu un problème de courroie vite résolu :
« C’est ce soir que le Cinéma-Chanteur, autrement dit, le Ciné-Phono, débute au cirque municipal. Nous avons vu, privilégiés, les premiers essais de cet appareil et nous fûmes frappés de sa perfection extraordinaire. Certes, il est difficile de réaliser plus parfaitement le synchronisme de la voix et du mouvement. Le programme de ce soir comporte une chansonnette comique de Charlus, “Drapeau vert et bâton blanc”, un fragment de “la Juive”, chanté par Gautier, un des pensionnaires les plus éminents de notre Académie nationale, et une chanson comique populaire, “Quand l’amour chante”, par Dalbret207. »
132Ce programme se retrouve au cours des inaugurations des salles Pathé dansdifférentes villes françaises, à Lyon ou à Saint-Étienne, par exemple. Pendant une semaine, ces deux chansons populaires et cet air célèbre de l’opéra de Jacques François Halévy, devaient résonner sous la charpente de bois du cirque. Mais deux incidents gênent ce « clou du spectacle » :
« En dépit des prévisions optimistes du directeur du CINÉ-PATHÉ, de larges pancartes annonçaient hier soir qu’un nouvel incident priverait encore les spectateurs de Cinéma-chanteur. Il faudra donc attendre que la réparation soit exécutée208. »
« Un incident de peu d’importance, le relâchement d’une courroie de transmission, contraignit Dalbret, l’artiste en vedette, à recommencer le premier couplet de son morceau à succès : “Quand l’amour chante”, et personne ne s’en est plaint, au contraire209. »
133Le 1er septembre, le Ciné-Phono est réparé et si une courroie saute, cela n’empêche pas de pouvoir remettre en synchronisation l’appareil. Remarquons que si on excepte le mot courroie, la façon dont le dernier article est rédigé porte à croire que Dalbret est présent dans la salle. Après la tournée Pathé, le cinéma chantant continue de passer par Limoges. Le théâtre-Cirque Salvator, de décembre 1908 à janvier 1909 propose un programme alternant films et dressage de fauves :
1341re partie : cinématographe (voyages, sports, etc.)
1352e partie : les animaux du jardin d’acclimatation de Paris
1363e partie : audition du cinématographe parlant de l’Hippodrome de Paris. Quatre auditions chaque soir (opéra, opéra comique, concert et variété)210.
137Le système Gaumont succède à celui de Pathé, puisque c’est le Chronophone (ou Chronomégaphone, la plupart du temps à cette date, car couplé avec une amplification par air comprimé) qui équipa l’Hippodrome, avant même qu’il ne devienne le Gaumont-Palace. La salle est déjà une référence publicitaire. La saison 1908-1909 a connu une grande mode sonore à Limoges, comme dans beaucoup d’autres villes françaises.
138Dans le Limousin, les deux historiens de la ville n’ont pas noté une persistance du phénomène, contrairement à d’autres villes. Quand, fin mars 1909, une tournée Pathé revient à Limoges, c’est sans aucune publicité concernant le Ciné-Phono. Il semble bien que l’appareil ne fut plus utilisé par les salles ou les tournées Pathé après le début 1909. Trop d’incidents ? pas assez de rentabilité ? Le procédé n’est plus en vogue dans les programmes de la firme au coq. Charles Le Fraper qui s’installe à son compte dans une salle limougeaude de mai à juillet 1909 ne reprend pas non plus de procédé de synchronisation.
Le Ciné-Phono et la Société Cinématographe Monopole
139La Société Cinématographe Monopole fut une des compagnies « alliées » à Pathé pour développer les locations de films. Elle était chargée du grand Sud-Est de la France, de Lyon à Nice, en passant par toute la Provence. Si la région du pourtour de Lyon a bénéficié d’une attitude commerciale remarquable, l’agent général concessionnaire sur Nice, ne montra guère de pugnacité. Après la saison d’hiver 1907-1908, qui vit fleurir les vues synchronisées sur la côte d’Azur, la seule salle qui continue à diffuser des films (muets) l’Eden, ferme ses portes. De septembre 1908 au printemps 1909, les annonces proclamant la beauté des vues Pathé ont disparu. L’agent local de la société Monopole n’arrive pas à convaincre les directeurs de salle niçois de prendre des films de la firme au coq ? Il passe une petite annonce qui montre le peu de succès de son activité (nous mettons en gras, ou en capitales pour reproduire au mieux le texte de l’annonce) : « Le Cinématographe Pathé-Frères loue des films et du matériel à tous les exploitants et facilite l’installation de toutes personnes désirant monter un cinématographe, même dans les petites localités. Écrire à la Société concessionnaire pour le Sud-Est : CINÉMATOGRAPHE MONOPOLE, 6 rue Grôlée, Lyon, ou à son Agent général à Nice, 27 avenue de la Gare211. »
140La seule réaction des salles de spectacle locales est une reprise ponctuelle des projections au Casino Municipal de Nice avec l’appellation « Cinématographe Pathé et visions d’art212 ». Aucune salle ne porte la bannière Pathé jusqu’au début avril 1909, date à laquelle l’Eden-Cinéma Pathé revient, avenue de la Gare213. À partir de cette date, l’Eden projette les « Films d’Art », comme L’Assommoir ou Le Baiser de Judas en annonçant toutes les trois semaines, à peu près, ce changement de programme, mais sans passer d’annonces quotidiennes214. La stratégie publicitaire varie selon les régions. Il est possible que la salle, sûre de son public, n’ait pas eu besoin de mettre son programme dans le journal. Il est peu probable, par contre, qu’elle n’ait pas passé d’annonce dans le cas où elle diffusait des films parlants. De 1907 à 1909, l’Eden-Cinéma Pathé Frères de Nice, n’a fait qu’une seule annonce de vue synchronisée : « Puis “Polin”, vue Ciné-Phono, vient nous divertir avec sa “Marche émoustillante”215. » En retard de plusieurs mois sur la période de concurrence sonore entre les salles niçoises, la Société Monopole n’a placé qu’une seule vue Ciné-Phono dans sa salle de l’avenue de la Gare, d’après l’étude des journaux. Mais d’autres films ont dû être diffusés dans ce lieu, ne serait-ce que parce que l’installation complexe du synchronisme demande à être rentabilisée au moins sur quelques jours. Aucune autre publicité n’a été faite sur les autres films synchrones qui auraient pu être montrés par cette salle, la seule ayant un contrat avec Cinématographe Monopole sur Nice. En juin 1910, on remarque dans le programme le Barbier de Séville et Werther, mais rien n’indique que ces films bénéficient d’une synchronisation, alors que ces extraits d’opéra sont généralement des vues chantantes216. Comme ces œuvres lyriques existent également sous formes d’adaptations filmées muettes, nous ne pouvons pas trancher, en l’absence de précisions sur le métrage, la distribution, etc.
141Nous en sommes réduits, à cause du manque d’archives, à des hypothèses sur le rejet par cette salle du système sonore (pas de compétence ? échec de la tentative avec la chanson de Polin ?), ou sur son refus de payer des annonces dans la presse à ce sujet (un public fidèle suffisant ?), alors que les programmes débordaient de films chantants en 1907 et 1908. Le plus étonnant demeure la politique très différente décidée par la même entreprise, Monopole, pour des salles de plus petites villes, où une moindre concurrence devait se faire sentir, ou une ville plus grande, comme Lyon.
142À Lyon siège de la société Monopole, les annonces n’ont pas été aussi nombreuses qu’on pouvait le croire. Depuis 1906, le Théâtre Pathé-Grôlée assure une programmation de qualité. Après une présentation de La Juive chantée par Gautier, aucun élément ne permettait de savoir si d’autres vues synchronisées passaient dans cette salle217. À la rentrée 1908, le mot Ciné-Phono apparaît.
« La direction […] est heureuse et fière de pouvoir offrir à son aimable clientèle un programme que, jusqu’à ce jour, personne n’a pu égaler. Il comprend les dernières nouveautés de la maison Pathé frères, ainsi que les vues Ciné-Phono qui procurent le plaisir d’entendre Charlus dans “le Muet mélomane” et “V’la le rétameur”. À la demande générale, on donnera encore cette semaine “l’Arlésienne”, d’après A. Daudet. Ce film incomparable, d’une grande valeur, fait l’admiration de tous. Chacun voudra le voir218. »
143Le Pathé-Grôlée donne l’ensemble de son programme comme étant inégalé. Il n’insiste pas sur les films synchronisés. Pas de description précise de l’appareil, ni d’explication sur la nouveauté technologique. Dans cette salle, les films chantés semblent être un complément de programme banal. La semaine suivante, le 25 octobre 1908, on peut voir et entendre « “Joséphine Polka”, vue chantée où Charlus, le chanteur populaire déploie toute sa grâce de chanteur et de danseur219 ». Une à deux « vues chantées » se trouvent dans le programme chaque semaine. Les chansons comiques et les extraits d’opérettes dominent, comme « les Mousquetaires au couvent », opérette de Varney, chantée par M. Boyer de l’Opéra-Comique220. Les notations de « vues chantées » deviennent de plus en plus rares dans les journaux lyonnais, mais les films synchronisés restent sans doute à l’affiche du Pathé-Grôlée, qui ne détaille plus ses programmes. Le 24 janvier, une scène Ciné-Phono « chantée par Affre, de l’Opéra » se glisse en fin d’annonce. Par contre, « l’actualité merveilleuse que l’on peut admirer [au Pathé-Grôlée] est sans contredit le vol à 120 mètres de hauteur qu’a effectué Wilbur Wright, l’homme-oiseau221 ». Les films synchronisés sont devenus une attraction habituelle, qu’il n’est plus besoin de signaler, alors que les exploits aéronautiques peuvent surprendre le public. En février, « “Je me balance”, avec Dranem », noté en fin de programme ne contient plus aucune qualification précisant qu’il s’agit d’une chanson. Comme cet acteur comique jouait aussi dans des films muets, la confusion reste possible222. Seuls les connaisseurs savent que « Je me balance » est une chanson sentimentale créée par Dranem à l’Eldorado de Paris223. Dranem est une des vedettes les plus en vue à cette époque et il parcourt la France avec son tour de chant. L’indication du titre suffit sans doute. Les « connaisseurs » sont assez nombreux. Fin février l’annonce du Théâtre Pathé-Grôlée n’indique plus que quelques noms : « Toutes les nouveautés Pathé frères sont au nouveau programme, Dranem, Mercadier, Charlus224. » Le public sait que la chanson comique est encore à l’affiche. Jusqu’à la fin de l’année 1909, aucune autre « vue chantée » signalée, mais les chansons synchronisées doivent être présentes, sans que la publicité apparaisse à leur sujet. Elles font partie du programme habituel et ne constituent plus une « attraction exceptionnelle ». Il faut attendre le 5 mars 1911 pour que les quotidiens lyonnais nous renseignent sur un système sonore dans la salle Pathé. « Par le Phono Électrique-Pathé, modèle nouveau : “le Cor”, mélodie chantée par M. Albert de l’Opéra-Comique, “Rigoletto”225. » Ce « modèle nouveau » n’apparaît qu’une fois dans la presse lyonnaise. Les vues Ciné-Phono semblent rester à l’affiche à raison d’une ou deux par semaine, pendant un peu plus d’un an, avec un retour grâce à un appareil amélioré en 1911.
144Pathé ne met pas vraiment en avant la synchronisation. Pourtant c’est un des éléments du programme de ses salles entre 1907 et 1911. Les salles du circuit Monopole autour de Lyon font un peu plus d’efforts pour expliquer au public quand il peut voir et entendre des chansons sur leurs écrans.
145Grâce aux journaux de Villefranche-sur-Saône, nous avons le détail des nombreuses scènes Ciné-Phono distribuées par le réseau Cinématographe Monopole, contrairement aux quotidiens de Nice ou de Lyon.
146La ville de Villefranche-sur-Saône, à 35 km au nord de Lyon, comptait environ 20 000 habitants entre 1906 et 1911226. La ville se situe sur le parcours de nombreuses loges de foire présentant des films (de Kobelkoffau Cinémato-Cirque). Le tourneur Favier installe en mai 1908 son Cinématographe Bioscop
147Théâtre, accompagné du Bioscop-parlant227. En mai 1909, le Théâtre-Cirque Salvator, montre aux Caladois des phonoscènes grâce à son Chronomégaphone228. Si les tourneurs et forains font déjà entendre des vues synchronisées aux habitants de Villefranche, la régularité des projections muettes et sonores provient d’une salle Pathé. Par une lettre du 24 novembre 1908, la Société Anonyme Cinématographe Monopole, sis 6 rue Grôlée [parfois orthographiée Grolée] à Lyon, « a l’honneur de solliciter […] l’autorisation de donner dans l’immeuble de Regel, appartenant à la Ville, 63 rue Nationale, à Villefranche, des séances de projections cinématographiques et de donner des auditions de phonographe à partir de courant décembre 1908229 ».
148À partir de cette date, Villefranche-sur-Saône possède une salle de cinéma permanente qui bénéficie des mêmes programmes que le Pathé-Grôlée de Lyon, avec un décalage de quelques jours ou de quelques semaines. L’opérateur est M. Grimon et, l’accompagnement musical est dû à M. Falaize, qui imite également les bruits (l’illusion de la réalité). Cinématographe Monopole anticipait peut-être sur les projections de Ciné-Phono en citant, dès sa lettre de demande d’installation auprès du maire de la ville, les « auditions de phonographe ». Le Ciné-Phono utilisé alors à Lyon devait être proposé à Villefranche. D’autre part, les entractes des séances cinématographiques pouvaient être meublés par les disques Pathé230. Même si la salle ne présente pratiquement que des films, au cours de l’année 1909, on y découvre aussi un gala de boxe, une « tournée chansonnière », ou le concert « des médaillés coloniaux231 ». À partir du samedi 13 février 1909, l’Eden-Cinéma Pathé-Frères de Villefranche diffuse régulièrement des « vues synchronisées » par le Ciné-Phono232. Pendant un an, chaque semaine, cette salle Pathé montre les chansons et monologues de Charlus, Maréchal et Mercadier, les trois interprètes qui reviennent le plus souvent dans les programmes. Les mêmes chansons ou sketches de Charlus, « le Muet mélomane » et « V’la le rétameur » passent avec six mois de décalage sur Lyon dans la salle caladoise (6 et 14 mars 1909 à l’Eden). Cela signifie que quand le Pathé-Grôlée annonce juste des « vues chantées », sans en décrire le contenu, il s’agit sans doute des mêmes films passés peu après à Villefranche…que nous retrouvons ensuite à Saint-Étienne.
149La chanson populaire domine largement pendant ces onze mois de films parlants. Deux extraits d’opéra seulement sur un total de 43 vues synchronisées annoncées en 1909. Chaque semaine le programme contient une vue nouvelle pour le Ciné-Phono. Le journal local précise chaque fois le titre, l’interprète, et parfois donne des éléments détaillés : « Valse réaliste, étude de mœurs prise sur le vif dans les bas-fonds de Paris, aux bouges de Montmartre, la vraie danse des apaches parisiens, gros succès d’originalité233. » L’annonce classique stipule : « Garde ton cœur Madeleine, romance chantée par Mercadier de l’Eldorado de Paris234. » Chansons et chansonnettes comiques prennent le dessus. Une seule vue musicale, mais humoristique : « Au clair de la lune, fantaisie originale pour xylophone jouée par les clowns musicaux235. » Les Caladois étaient-ils plus spécifiquement enthousiasmés par les films Ciné-Phono Pathé ? Pourquoi le Journal de Villefranche donne-t-il plus de précisions sur ces films que les journaux de Lyon, ou d’autres villes où la société Monopole distribuait les mêmes films ? La logique aurait voulu que, dans les villes plus grandes avec une vraie concurrence, les salles Pathé payent de longues annonces précisant les films chantants. Ces films circulent dans la saison 1908-1909, sans que les grandes villes affichent clairement leur passage, Lyon encore moins que Saint-Étienne. Est-ce parce que la salle de Villefranche qui ne contient que 500 places correspond mieux aux films synchronisés que les cinémas de 1 000 à 2 000 places de Lyon et Saint-Étienne ?
150À Saint-Étienne, ville de 140 000 habitants au tournant du siècle, les annonces concernant les films sonores distribués par Cinématographe Monopole sont remarquables d’incohérence. À plusieurs reprises, avec quelques semaines de décalage, l’Alhambra de Saint-Étienne affirme passer « pour la première fois » des vues synchronisées. Place Marengo, le 1er novembre 1907, la Société Cinématographe Monopole ouvre l’Alhambra-Cinéma-Pathé236. Le 13 décembre 1907, une vue synchronisée passe à l’Alhambra : « La ronde du garde champêtre, [vue] Ciné-Phono chantée et sifflée par M. Maréchal, de l’Opéra de Paris237. » Maréchal se retrouve chanteur d’opéra (ce qu’il n’a jamais été) ! Aucune campagne de presse n’a préparé le public à la spécificité du Ciné-Phono. L’annonce devient plus claire deux semaines plus tard : « Vues pour plaire et captiver. On a l’illusion d’être un moment à l’opéra en entendant la superbe voix du ténor Gautier dans La Juive (“Rachel quand du seigneur”)238. » Ce morceau fut souvent choisi dans les salles Pathé pour inaugurer une série de films synchronisés. À Lyon, on le présenta avec beaucoup d’ambiguïté en novembre 1906239. C’est ainsi que débute le synchronisme Pathé à Saint-Étienne240. Puis la presse reste muette sur les Ciné-Phonos, alors qu’une salle concurrente, l’Eden-Concert, propose les films de la tournée de l’American Electric Palace avec les vues synchronisées du Bioscop Parlant (Polin…)241. Ce tourneur reste en place jusqu’à la mi-juin, au moins242. Ce n’est qu’en octobre 1908 que cet American Electric Palace se déplace quelques kilomètres au nord de Saint-Étienne pour s’implanter à Roanne. Le quotidien roannais annonce des chansons de Gautier, Faguet, Noté, Maréchal, Mercadier, etc.243. Le répertoire du Ciné-Phono Pathé est identique. En mars 1908, les annonces précisant si la vue est « Ciné-Phono » reparaissent. L’Alhambra passe « Ma Jolie » par Mercadier244. En juin, cette dernière chanson revient. Puis on peut voir dans la salle Pathé stéphanoise « La chanson du pendu », par Maréchal245. Pendant l’été, l’Alhambra est en réfection et la direction diffuse des films dans un cinéma en plein air (le « Géant Forézien »), sur la place proche de la salle246. Les séances en plein air ne comprennent pas de vues synchronisées. En octobre les séances reprennent à l’Alhambra. Ce mois d’octobre 1908 paraît caniculaire d’après la presse. Des spectateurs mécontents écrivent aux journaux locaux pour se plaindre de ne pas pouvoir accéder à la buvette, selon la place qu’ils occupent, et de ne pas obtenir de carte de sortie pendant les entractes247. Quelques jours plus tard, un sabotage a lieu à l’Alhambra :
151« Des inconnus, profitant de l’inattention des contrôleurs, ont coupé dans la matinée du dimanche, à l’Alhambra-Cinéma-Pathé, le fil électrique reliant l’appareil cinématographique au phonographe, si bien que l’appareil n’a pas pu fonctionner. Dans la soirée, ils ont détérioré diverses pancartes de la même maison248. »
152Le « groupe de spectateurs assidus » stéphanois, qui avait signé une des deux lettres de mécontentement, aurait-il décidé de saccager le cinéma ? Cet incident permet de noter la présence du Ciné-Phono, alors que les quotidiens ne signalaient pas de vues synchronisées. Le synchronisme doit marcher à chaque séance, puisqu’à cause du sabotage, « l’appareil n’a pu fonctionner ». Le fil électrique reliant le phono au projecteur permet de savoir qu’il s’agit bien d’une synchronisation automatique, probablement du type Gentilhomme. Il faut un acte de vandalisme pour savoir que les vues chantantes continuent d’être diffusées ! L’incohérence publicitaire de l’Alhambra et de la Société Cinématographe Monopole est à son comble, moins de trois semaines plus tard, quand on peut lire dans la presse :
« La direction de l’Alhambra vient d’être avisée qu’à l’occasion des fêtes de Noël elle est autorisée à offrir à sa nombreuse clientèle deux vues sensationnelles et chantées par son nouvel appareil “le Synchronisme” qu’il (sic) a inauguré avant Paris. Les vues chantées avec un goût exquis et merveilleusement adaptées aux gestes donnent l’illusion de la réalité. En un mot, le nouvel appareil “le Synchronisme” laisse loin derrière lui les autres appareils que l’on a vus et entendus jusqu’à ce jour249. »
153Pourtant la direction ne change pas entre-temps ! On remarque que l’Alhambra se présente dans son annonce comme totalement soumis aux desiderata de la compagnie qui lui fournit les films. La direction « est autorisée » à montrer des scènes chantées. Cela peut sous-entendre que l’Alhambra aimerait passer plus de films synchronisés, mais que la Société Monopole ne le lui permet pas… Sans doute, l’Alhambra a-t-il reçu une nouvelle version du Synchronisme de l’ingénieur Gentilhomme, à moins qu’il ne s’agisse du système Couade, distribué par Pathé à partir de 1908250. L’aspect révolutionnaire de la machine reste très relatif puisque les vues demeurent les mêmes ! Le 1er janvier 1909, le cinéma passe un extrait d’opéra, Hérodiade « Vision fugitive », Ciné-Phono chanté par Corpait de l’Opéra-Comique. Une semaine plus tard on retrouve Charlus dans Le Chef d’Orchestre, Ciné-Phono comique251. Charlus chante encore sur l’écran de cette salle dans les semaines suivantes, parfois en duo avec Maréchal, et d’autres vues synchronisées sont diffusées jusqu’en juin 1909252. Plus rien pendant cinq mois, puis, le sketch de Charlus, « le muet mélomane » repasse le 17 décembre 1909253. Au contraire de Villefranche, les annonces de Ciné-Phono sont très irrégulières, alors que l’incident du fil électrique coupé révélait la présence constante del’appareil. À partir de décembre 1909, les vues Ciné-Phono sont spécifiées plus souvent à Saint-Étienne. En neuf mois, 27 films synchronisés passent dans la salle de l’Alhambra. En règle générale, une vue Ciné-Phono apparaît dans les programmes chaque semaine. À la fin du mois de novembre 1910, après trois dernières chansons synchronisées, le terme de Ciné-Phono disparaît de la presse stéphanoise. Cette fois aucun incident ne vient faire surgir l’appareil Pathé au milieu des faits divers. Une quarantaine de films chantants passèrent dans cette salle Pathé, entre décembre 1907 et novembre 1910, d’après les annonces dans la presse. Le Synchronisme fut sans doute plus utilisé que les journaux ne veulent bien le dire. Le répertoire reste identique à celui diffusé à Villefranche-sur-Saône, un an plus tôt. Par exemple, « Ode au chameau », chanson comique de Charlus, passa à Villefranche le 27 avril 1909, et à Saint-Étienne le 11 mars 1910. Certaines chansons sont reprises plusieurs fois, mais assez peu au regard du nombre total de scènes Ciné-Phono. Le circuit Monopole sur la région lyonnaise semble diffuser les vues synchronisées à Lyon (même si les journaux ne les évoquent presque pas), puis Villefranche-sur-Saône, puis Saint-Étienne. La logique de ces systèmes nous échappe encore, puisque après Lyon, la salle Pathé stéphanoise est ouverte en novembre 1907, alors que son homologue de Villefranche ouvre en novembre 1908. D’autres villes sont sans doute concernées, comme Roanne ou Vienne.
154Au total, les films synchronisés furent bien utilisés par Pathé dans les différents circuits concessionnaires mis en place par la firme au coq. Les annonces dans les journaux ne sont pas des documents assez fiables pour attester de la continuité de cette programmation sonore. Pourtant, elles permettent de vérifier l’importance des « vues Ciné-Phono sur procédé Gentilhomme » pour Pathé. De Limoges à la région lyonnaise, en passant par Nice, un film chantant se fait souvent écouter, entre fin 1907 et fin 1910. Pendant au moins trois ans, la firme au coq a relié sa branche phonographique et sa branche cinématographique en développant un système proposé un peu partout en France grâce à ses compagnies concessionnaires répandues sur le territoire. De plus amples recherches, dans de nombreuses villes françaises, pourraient confirmer cette pratique qui est, en tous cas, avérée pour le centre et le sud-est de la France.
Quelques exemples des autres systèmes existants
155Les frères Stransky vendent leur Cinématophone254. Il change parfois de nom dans certaines publicités comme dans Phono-Ciné-Gazette où l’appareil devient le Cinémaphone.
156Ils l’installent eux-mêmes dans une petite salle du passage de l’Opéra, 31 Galerie du Baromètre, en 1908. Dans ce Théâtre-Moderne, le cinématophone « parlant, chantant et dansant » donne « l’illusion complète de la vie ». Ils vendent des pianolas et autres instruments mécaniques. Dans leur petite salle, ils ont pu attirer les clients du quartier de l’opéra. Il semble qu’un appareil de ce type a fonctionné à Lyon255.
157Le Cinéma-Palace du boulevard Bonne Nouvelle à Paris, offre à ses clients le Cinéma chantant et parlant grâce au procédé d’Oswaldo de Faria, en 1908. Ce cinéma propose des « Projections en salle éclairée », un « concert symphonique » et son système synchrone. L’électricien de Faria fournit les films qu’il synchronise lui-même. À partir de 1911, Oswaldo de Faria s’associe à la Société Gentilhomme256.
158En 1913 et 1914, le Kinoplastikon, à Paris, projette des personnages se déplaçant dans un décor en trois dimensions. « Le spectacle présente des personnages filmés qui se déplacent parmi des objets réels situés sur la scène, tandis qu’un phonographe fournit des paroles, musiques et chants en un synchronisme approximatif257 ». Pour attirer le public, on augmente le « réalisme » en ajoutant les trois dimensions aux éléments sonores et parlants. Cette attraction n’a pas eu assez de comptes-rendus précis pour qu’on puisse juger de ce réalisme. Notons que Ciné-Journal s’étend sur la précision du rendu des trois dimensions mais n’explique pas le synchronisme sonore258. Cette invention, tentative de relief, s’ajoute à la longue liste des effets sonores et des projections en couleurs naturelles en France entre 1912 et 1914 qui tendent vers plus de « réalisme ».
159Le Kinétophone d’Edison, nouvelle version, sous forme de projecteur relié à un phonographe, prouve qu’il fonctionne parfaitement en novembre 1913, à Paris259. Devant un parterre de professionnels et d’invités, les courts films enregistrés en son direct passent avec une parfaite synchronisation260. Après cette présentation du 19 novembre 1913, dans la salle des fêtes du Journal, le Kinétophone continua de fonctionner, grâce aux allers-retours effectués par le représentant d’Edison entre Londres et Paris. La machine resta plusieurs mois à Paris, mais, pour l’instant, son programme n’a pas été retrouvé. On sait que les films pouvaient se désynchroniser si la courroie qui reliait le phonographe et le projecteur cassait, ou si le film s’abîmait et était rétréci. Le technicien chargé des réparations, A. F. Wagner, se souvient d’être venu à plusieurs reprises à Paris, au cours de l’année 1913, à cause de « projectionnistes maladroits261 ».
160D’autres procédés existent à cette date. Nous n’avons rendu compte que de ceux qui ont effectivement été utilisés dans des salles. Pour l’instant nous ne savons pas si des exploitants français présentèrent des synchronisations mécaniques avec le Cinéfono Ropéro, par exemple262. Le dispositif mécanique de l’ingénieur Constantini a-t-il été installé dans de nombreuses salles ? Ciné-Journal nous affirme que le procédé est d’une parfaite fiabilité263. Parfois on se demande si la mode du sonore ne permet pas de vendre des systèmes qui n’ont de synchronisme que le nom ! Par exemple, dans une publicité le « Tempograph » affirme être « le moins coûteux des synchronismes264 ». Il est difficile de savoir si cet appareil a été installé en France par la firme allemande qui le fabriquait.
161D’autres système existèrent brièvement comme le procédé Couade (vendu un temps par Pathé) ou le système Gilbs265. Même si les exploitants n’utilisèrent que ponctuellement ces machines, le choix important de procédés de synchronisation montre un réel engouement pour les films parlants juste avant la Grande Guerre. Les petites et moyennes exploitations utilisaient différentes machines et « bricolaient » leur propre installation. Les machines s’achètent et se revendent grâce aux petites annonces dans les journaux corporatifs. Par exemple : « Vend synchronisme Mendel avec amplificateur266 » ; « Un cinéma avec Chronophone Gaumont, à Reims, cherche à acheter phonoscènes d’occasion ». Idem à Marseille267.
162Inversement, des stocks de vues synchrones se vendent d’occasion :
163« À vendre, occasion, 13 films synchronisés (Gaumont)268 ». Cette annonce propose les classiques de Polin, Dranem, Mayol et quelques airs d’opéra.
« À vendre, pour cause de décès, matériel cinéma en pleine prospérité : chapiteau, entourage neuf, ayant servi trois mois. Machine à vapeur, caravane, films, cabine, poste tout monté, phono avec tous les appareils pour faire du cinéma parlant, appareil synchronisme de la Maison Gaumont. Matériel d’été pouvant contenir 800 personnes, un moteur de 4 chevaux avec tableau, dynamo toute installée dans une voiture prête à marcher. S’adresser à Mme Veuve Eugène Baron, Cinéma à Viviers (Ardèche)269. »
164Le matériel complet des forains peut être de bonne qualité et faire entendre les phonoscènes à travers toute la France.
165« Synchronisateur Mendel avec appareil complet (poste Elgé réflex) à vendre pour cause départ, 700 F. S’adresser à Turco, Valras-la-Plage (Hérault)270. » Le projecteur vient de chez Gaumont, le système de synchronisation est de marque Mendel et cela suffit pour passer des films chantants. Une petite salle, dans une toute petite station balnéaire de moins de 3 000 habitants, peut proposer des vues synchronisées.
166Quel Français fréquentant les lieux de projections avant 1914, aurait-il pu échapper aux films musicaux et chantés, ou aux sketches enregistrés ? Pour le public, peut importe le système et même la qualité du synchronisme. Ni les spectateurs, ni même les journalistes (à part ceux des revues spécialisées), ne font de comparaisons. Constatons que des simples forains aux salles de luxe, les clients des cinématographes ont découvert une attraction supplémentaire avec les films, le son (plus ou moins) synchrone. Après le succès des tournées de phonographe, l’association des films et des enregistrements, le temps des films avec du son a permis un renouvellement du spectacle. L’auditeur des séances de projection a pu bénéficier d’une multitude de procédés. Quand la concurrence entre les salles a fait rage, vers 1905-1907, l’acquisition d’un système sonore semblait être une condition sine qua non au développement d’une exploitation cinématographique. Pendant cette mode du son synchrone, les plus grosses compagnies ont amélioré la technologie existante. De ce fait, entre 1907 et 1914, les salles ont pu bénéficier, comme les forains, d’un son plus puissant et plus synchrone. On constate une véritable banalisation du son dans les séances. Mais l’intérêt pour les films synchrones n’est pas supérieur à celui concernant la couleur (de nombreux procédés sont utilisés pendant cette période), ou d’autres formes d’attractions sonores (chants, orchestres, bruitages). De cette profusion de systèmes synchrones, nous ne déduisons pas une soif du « cinéma parlant ». Nous constatons une fois encore la multiplicité des sons pendant les projections de films.
Notes de bas de page
1 Martin Barnier, En Route vers le parlant. Histoire d’une évolution technologique, économique et esthétique du cinéma (1926-1934), Liège, CÉFAL, 2002.
2 Laurent Manonni, Le Grand Art de la lumière…, op. cit., p. 358-383. Giusy Pisano, Une archéologie du cinéma sonore, op. cit. Pour les précisions sur les dépôts de brevets se reporter à ces deux ouvrages.
3 Patrick Loughney, « Domitor Witnesses the First Complete Public Presentation of the Dickson Experimental Sound Film in the Twentieth Century », Abel et Altman (dir.), op. cit.,215-219.
4 Laurent Manonni, Le Grand Art de la lumière…, op. cit., p. 375.
5 Le Siècle de Lyon, 9 janvier 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 350.
6 Aix-les-bains, Le Patriote républicain de la Savoie, 2 juillet 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 36.
7 Le Journal d’Amiens, indicateur de la Somme, 19 juin 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 48.
8 La Franche-Comté, Besançon, 13 mai 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 84.
9 L’Union républicaine de la Marne, 30 octobre 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 126.
10 Le Progrès de Saône-et-Loire, 22 octobre 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 130.
11 Périgueux, L’Avenir de la Dordogne, 10 septembre 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 378.
12 L’Union républicaine, Châlons-sur-Saône, 20 novembre 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 131.
13 Phono-Ciné-Gazette, n° 30, 15 juin 1906.
14 Avec ces termes Dussaud préfigure les magnats de la presse de la fin du xxe siècle, comme Ted Turner (créateur de CNN), qui croient que l’information donnée à tous peut mettre fin aux conflits.
15 Laurent Mannoni, Le Grand Art…, op. cit., p. 382. Daniel Marty, « Charles Pathé et le phonographe », in Jacques Kermabon (dir.), Pathé, premier empire du cinéma, Centre G.-Pompidou, 1994, p. 143.
16 Deslandes et Richard, op. cit., p. 140. Pour repérer ces pionniers, les deux historiens utilisent L’Industriel forain, sans toutefois citer les numéros consultés.
17 Le Petit Marseillais, 23 juin 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 60.
18 L’Avenir d’Arras et du Pas-de-Calais, 17 octobre 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 61.
19 Le Courrier de Flers, Flers, Orne, 7 février 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 178.
20 L’Avenir du Cher, Saint-Amand, 11 avril 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 415.
21 Le Mondain bordelais et du Sud-Ouest, 9 mai 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 103.
22 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 36.
23 Le Mémoriale du Poitou, 23 septembre 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 144.
24 Les Dépêches du Doubs et de la Franche-Comté, 19 mars 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 85.
25 L’Indépendant auxerrois, 21 avril 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 69.
26 L’Avranchinais, 23 octobre 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 72.
27 Autres lieux : Clermont-Ferrand, novembre 1897 ; Clamecy (Nièvre), 30 mai 1897 ; Épernay, 23 octobre 1897 ; Le Mans, mars 1897 ; Lyon, mai et avril 1897 ; Roanne, janvier 1897 ; Ruffec (Charente), janvier 1897 ; Saint-Bonnet-de-Joux (Saône-et-Loire), 6 juin 1897… cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 155, 159, 172, 209, 263-264, 400, 412, 415.
28 Pignal, op. cit., p. 56 sq.
29 Lyon républicain, 15 septembre 1912.
30 Le Journal de Charlieu, 25 septembre 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 137.
31 L’Écho de Châtellerault, 10 octobre 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 145.
32 La Loire républicaine, Saint-Étienne, 17 février 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 425.
33 L’Union républicaine, Cluny, 3 octobre 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 160.
34 La Loire républicaine, Saint-Étienne, 9 février 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 425.
35 Ibidem, 15 mars 1897.
36 Le Journal de Vienne et de l’Isère, 27 novembre 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 477.
37 Le Courrier de Saumur, 31 janvier 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 436.
38 La Vigie de la Manche et de Cherbourg, 25 au 25 décembre 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 152.
39 L’Écho de Châtellerault, 17 octobre 1897, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 145.
40 Le Mémorial du Poitou, 5 novembre 1896, cité in J. et C. Rittaud-Hutinet, op. cit., p. 146.
41 Giusy Basile et Laurent Mannoni : « Le centenaire d’une rencontre : Auguste Baron et la synchronisation du son et de l’image animée », 1895, n° 26, décembre 1998, p. 3-88. Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 245-259.
42 Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 240-244.
43 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 73 et note 12.
44 Félix Mesguich, Tours de manivelle. Souvenirs d’un chasseur d’images, Grasset, 1933. Cité in Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 88.
45 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 89.
46 Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 242.
47 Ibidem, p. 262 sq.
48 Par exemple dans Jacques Legrand (dir.), Chronique du cinéma, Boulogne-Billancourt, éditions Chronique, 1992, p. 73.
49 Le Figaro, 8 juin 1900, in Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 90.
50 Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 263.
51 Film de Éric Lange et Serge Bromberg, Les Premiers pas du cinéma : le son, Lobster Film, 2004 et DVD Le Muet a la parole, op. cit.
52 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 90. Voir aussi Giusy Basile et Marc Monneraye, « Le cinéma qui chante et le disque », in Emmanuelle Toulet (dir.), Le Cinéma au rendez-vous des arts, bibliothèque nationale de France, 1995, p. 146.
53 Le Gaulois, 9 septembre 1900, in Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 90.
54 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 91 sq.
55 Ibidem, p. 92 et 98.
56 En 1901, le programme de l’Olympia-theatern de Stockholm reproduit le choix de films de l’Expo. Cf. Deslandes et Richard, op. cit., p. 71. À Genève, Mme Vrignault loue le Victoria-Hall pour quinze jours, du 3 au 19 février 1901. D’après les journaux, on refuse du monde presque tous les soirs. La Suisse du dimanche 3 février loue la netteté de la projection, mais regrette la faiblesse du son, dans la salle pleine, alors que les essais la veille avait donné beaucoup d’ampleur. La synchronisation des gestes et des sons fonctionne bien. Cf. Buache et Rial, op. cit., p. 23 sq.
57 Le Petit provençal, 16 janvier 1901, cité par Suzette Hazan, op. cit., p. 15. Le Courrier de Saône-et-Loire, 18 avril 1901. Ce journal précise : « les scènes les plus goûtées ont été Les Précieuses ridicules, le ballet Terpsichore, Cyrano, sans oublier la scène du dentiste et le duel d’Hamlet ». Merci à Julien Poussardin.
58 Le Journal de Rouen, 31 octobre 1900, in Poupion, op. cit., vol. 1, p. 139.
59 Mesguich, Tours de manivelle, Meusy, Paris-Palaces, op. cit., note 80. L’incident se reproduisit lors d’une séance stéphanoise, en 1908, avec un système Pathé.
60 Henri Diamant-Berger, op. cit. ; Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 102.
61 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 136.
62 Discussion avec Laurent Mannoni, juin 2004.
63 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 92.
64 Ibid., p. 93.
65 La Gazette du Centre, cité sans date par P. et J. Berneau, op. cit., p. 44.
66 Le Courrier du Centre, 31 mars 1905, in P. et J. Berneau, op. cit., p. 44.
67 Martin Barnier, « Technologie de sonorisation à Lyon en 1905-1906 », in Gaudreault, Russell, Véronneau (dir.), Le Cinématographe, nouvelle technologie du XXe siècle, Lausanne, Payot, 2004, p. 361-372.
68 Ces informations sont tirées de la lecture de la presse régionale, Le Progrès de Lyon, Le Nouvelliste, et le Lyon Républicain. Sur le Nouvel Alcazar, archives Municipales de Lyon, dossier 1121 WP 001. Sur Dulaar, Jacques Garnier, op. cit., p. 331. Témoignage de Moïse Rodier, neveu de Jérôme Dulaar, publié dans Le Progrès de Lyon, reproduit par Garnier sans date exacte de parution de l’entretien.
69 Deslandes et Richard, op. cit., p. 171.
70 Adrian, op. cit., passim., sans dates précises.
71 Catherine Laroque, Les débuts du cinéma à Toulon (1896-1929), Mémoire de maîtrise, Aix-en-Provence, 1969, p. 12-13.
72 La Dépêche de Rouen, 4 juin 1906, cité in Poupion, op. cit., vol. 1, p. 125.
73 Poupion, op. cit., vol. 1, p. 127.
74 Le Journal de Rouen, 2 novembre 1906, Poupion, op. cit., vol. 1, p. 287.
75 Cette hypothèse d’Olivier Poupion est plausible car les tourneurs se procuraient du matériel partout, même si Gaumont et Messter respectaient plus ou moins un accord pour se réserver le marché du sonore chacun dans leur pays. Cf. Harald K, « Messters Experiment der Dirigentenfilme », in Kintop, n° 3, 1994, p. 54. Dans cet article du numéro spécial de Kintop consacré à Messter, on apprend que Gaumont et Messter avaient passé cet accord et que Messter développa une version perfectionnée de son Biophon en 1906-1907.
76 Affichette citée par Poupion, op. cit., vol. 1, p. 288.
77 La Dépêche de Rouen, 23 octobre 1906, Poupion, op. cit., vol. 1, p. 288.
78 Filmographies établies par Poupion, op. cit., vol. 1, p. 334.
79 Journal de Rouen, 26 octobre 1906, et une affichette de foire, cités par Poupion, op. cit., vol. 1, p. 291.
80 Société de Musicologie de Languedoc, à Béziers, site Internet cité.
81 L’indicateur de la photographie, A. Lahure Imprimeur éditeur, 1906, p. 183. Merci à Jean-Claude Seguin.
82 Mendel a commencé à proposer des films correspondant à des disques du commerce dès 1901. En 1904, il a acquis les droits du synchronisme mis au point par Henri Joly. C’est ce système qu’il nomme Cinémato-Gramo-Théâtre. Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 264 sq. La machine continue de « synchroniser » les disques du commerce avec les films tournés par Mendel.
83 Phono-Ciné-Gazette, n° 36, 15 septembre 1906 et, n° 39, 1er novembre 1906.
84 Phono-Ciné-Gazette, n° 35, 1er septembre 1906.
85 Phono-Ciné-Gazette, n° 38, 15 octobre 1906.
86 Phono-Ciné-Gazette, n° 35, 1er septembre 1906, article de Jean Laurens : « Le cinématographe ; les sujets ».
87 Giusy Basile, Marc Monneraye, « Le cinéma qui chante et le disque », in Emmanuelle Toulet, op. cit., p. 146.
88 L’Industriel forain, n° 900, 3-10 novembre 1906.
89 Publicité parue dans Cinéma, annuaire de la projection fixe et animée, Annuaires Charles Mendel éditeur, 1911.
90 Le Courrier cinématographique, n° 2, 20 juillet 1911.
91 Charles Chancy, « Le Phono-Ciné, un art nouveau, une industrie nouvelle. Les initiateurs : Gaumont, Mendel, Pathé et X… Quatre système de synchronisme du Cinématographe et du Phonographe », in Phono-Ciné-Gazette, n° 34, 15 août 1906.
92 Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 266.
93 Catalogue : Anciens Établissements Pathé Frères Service du Cinématographe : Appareils et accessoires, avril 1905, p. 82-83. Cité in Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 266.
94 Phono-Ciné-Gazette, n° 28, 15 mai 1906.
95 Phono-Ciné-Gazette, n° 29, 1er juin 1906.
96 Phono-Ciné-Gazette, n° 30, 15 juin 1906.
97 Giusy Pisano, dans l’ouvrage tiré de sa thèse, signale, elle, le Ciné-Phono et cite des archives, comme les brevets, qui prouvent les accords de Pathé avec plusieurs inventeurs. Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 266-268.
98 Claude Beylie (dir.), Une Histoire du cinéma français, Larousse, 2000, p. 20. Nous ne citons pas les autres, mais le Ciné-Phono est oublié systématiquement.
99 Daniel Marty, « Charles Pathé et le phonographe », in Jacques Kermabon (dir.), Pathé, premier empire du cinéma, Centre Georges Pompidou, 1994, p. 143.
100 Comœdia, 10 juin 1908. Merci à William Galindo.
101 Nous-même, nous avons consacré un chapitre de notre thèse à ce besoin de reconnaissance sur le son chez Gaumont, chapitre repris dans notre livre : En Route vers le parlant. Histoire d’une évolution technologique, économique et esthétique du cinéma (1926-1934), Liège, CEFAL, 2002, p. 25-46. Nous n’avions pas écrit une seule ligne sur Pathé dans les pages consacrées aux concurrents de Gaumont. Il nous a fallu lire des quotidiens régionaux pour découvrir l’importance du Ciné-Phono.
102 Jean-Jacques Meusy, « La Stratégie des sociétés concessionnaires Pathé et la location des films en France (1907-1908) », in Michel Marie, Laurent Le Forestier, op. cit., p. 21-48.
103 Inventaire Pathé des exercices 1907 à 1911, Archives Pathé. Merci à Clémence Schmitt.
104 Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 267. C’est le brevet Mathelot et Gentilhomme du 11 juillet 1907 qui est acheté par Pathé.
105 Georges-Michel Coissac est un des rares historiens à signaler que Pathé a utilisé un système sonore pendant quelques années, Histoire…, op. cit., p. 331.
106 Phono-Ciné-Gazette, n° 75, 1er mai 1908.
107 Ciné-Journal, n° 45, du 27 juin au 3 juillet 1909.
108 Catalogue, Le Cinématographe parlant et chantant par le Synchrophone Universel, système Gentilhomme, Paris, 1909, 38 pages. Fonds Rondel, Rk649. Merci à Clémence Schmitt.
109 Ciné-Journal, n° 54, du 30 août au 5 septembre 1909.
110 Phono-Ciné-Gazette, n° 39, 1er novembre 1906.
111 La Nature, n° 1393, 5 décembre 1903.
112 Aurora, op. cit., p. 87.
113 Phono-Ciné-Gazette, n° 13, 1er octobre 1905.
114 Ibidem.
115 Phono-Ciné-Gazette, n° 29, 1er juin 1906.
116 Phono-Ciné-Gazette, n° 34, 15 août 1906.
117 Phono-Ciné-Gazette, n° 41, 1er décembre 1906.
118 Ciné-Journal, n° 123, 31 décembre 1910 et n° 124 du 7 janvier 1911.
119 Ciné-Journal, n° 123, 31 décembre 1910.
120 On peut entendre ce coq sur le DVD accompagnant le livre Le Muet a la parole, op. cit.
121 Ciné-Journal, n° 124, 7 janvier 1911. Le procédé est aussi présenté à la Société Française de Photographie le 18 ou 19 février 1911, et de nombreux journaux français s’en font l’écho, par ex. L’union républicaine de Roanne, 25 février 1911, cité in F. Zarch, op. cit., p. 212 sq.
122 Le Courrier cinématographique, 1er mars 1913.
123 Le Courrier du Centre, 14 janvier 1908, P. et J. Berneau, op. cit., p. 67.
124 Gustave Kobbé, Tout l’opéra, Robert Laffont, 1982, p. 470.
125 Publicité Gaumont, Phono-Ciné-Gazette, n° 34, 15 août 1906.
126 Garnier, op. cit., p. 324.
127 Phono-Ciné-Gazette, n° 51, 1er mai 1907.
128 Phono-Ciné-Gazette, n° 52, 15 mai 1907. Ici « phono-ciné » désigne tout film synchronisé, quel que soit la marque de l’appareil.
129 Ibidem.
130 Phono-Ciné-Gazette, n° 54, 15 juin 1907.
131 Affiche reproduite in Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 153.
132 Officiel des spectacles, juillet-septembre 1907, in Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 154.
133 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 156.
134 Roger Icart, « En feuilletant le catalogue Gaumont de janvier 1908 », Cahiers de la cinémathèque, n° 63-64, décembre 1995, p. 127.
135 Ibidem, reproduction d’une partie du catalogue de janvier 1908, p. 130.
136 Ibid., p. 130.
137 Ciné-Journal, n° 71, du 27 décembre 1909 au 2 janvier 1910.
138 Photographie reproduite dans Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 157.
139 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 162.
140 Ciné-Journal, n° 189, du 6 avril 1912.
141 Le Courrier cinématographique, n° 24, 8 juin 1912.
142 Source Annuaire Statistique de la ville de Paris, cité par Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 206.
143 Et même avant 1911, quand d’autres propriétaires louaient les services de la Gaumont. Par exemple en 1908, la Compagnie des Cinéma-Halls projette déjà des phonoscènes Gaumont. Cf. programmes dans le dossier Rk 1033 du Fonds Rondel.
144 Édouard Arnoldy, Pour une histoire…, op. cit, p. 39-43.
145 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 290.
146 Jean Vivié, « Souvenirs d’un spectateur de l’Hippodrome Gaumont-Palace », Bulletin de l’AFITEC, n° H.S., 1952, p. 17-23.
147 Le Mémorial de la Loire, 23 avril 1913. Cité par F. Zarch, op. cit., p. 326. Les annonces, selon les villes et les journaux, ne respectent que rarement l’orthographe officielle de Gaumont pour le mot « filmparlant ».
148 Relevé d’après les recherches de Frédéric Zarch, basées sur les annonces dans la presse. Zarch, op. cit., passim.
149 Lyon républicain, 12 mars 1910, 3 avril 1910.
150 Information de Renaud Chaplain.
151 Le Cinéma, n° 26, 27 août 1912.
152 Lyon républicain, 26 août 1912. Annonce quasi-identique dans Le Nouvelliste, 26 août 1912.
153 Lyon républicain, 27 août 1912. On trouve souvent « la Scala », mais les journaux lyonnais utilisent plutôt « le Scala-Théâtre », ou « Scala-Théâtre », tout court.
154 Lyon républicain, 3 septembre 1912.
155 Lyon républicain, 27 octobre 1912.
156 Lyon républicain, 3 octobre 1912.
157 Le Courrier cinématographique, n° 43, 19 octobre 1912.
158 Le Courrier cinématographique, n° 50, 6 décembre 1912. Sur Saint-Étienne, F. Zarch, op. cit., p. 337.
159 Le Courrier cinématographique, n° 3, 18 janvier 1913.
160 Fonds Rondel, Rk 1033.
161 Le Cinéma et l’écho du cinéma, n° 55, 14 mars 1913. Programme similaire dans les numéros du 21 mars et du 25 avril 1913.
162 Lyon républicain, 16 janvier 1914.
163 Affiche reproduite en photo dans un article d’une revue d’histoire lyonnaise : L. J. « Un pionnier du Cinéma. Les débuts du parlant à Lyon », Reflets de la vie lyonnaise, n° 39, 3 janvier 1952.
164 Autre exemple Béziers, au Casino à partir de janvier 1909, puis sans doute au Variété à partir de décembre 1909. Société de musicologie de Béziers.
165 La dernière phonoscène porterait le n° 774 et daterait de 1916. Information transmise en 1993 par le Musée Gaumont à Jean-Jacques Meusy. Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 234, note 177.
166 Giusy Basile, Marc Monneraye, « Le cinéma qui chante et le disque », in Emmanuelle Toulet, op. cit., p. 148.
167 L’Indicateur de la Savoie, 5 octobre 1907, in Pignal, op. cit., p. 36.
168 Odile Gozillon-Fronsacq, op. cit., p. 69.
169 Aurora, op. cit., p. 99 et 100.
170 Garnier, op. cit., sans référence de date ni de source, p. 324.
171 Georges-Michel Coissac, Histoire…, op. cit., p. 383.
172 Aurora, op. cit., p. 110.
173 Prospectus distribué à Étampes en 1909, cité par Garnier, op. cit., p. 335.
174 Affiche d’août 1912, reproduite in Adrian, op. cit., p. IV.
175 Adrian, op. cit., p. III. Photographie non datée d’une foire sur le cours de Vincennes, sans doute vers 1910.
176 Témoignage de Moïse Rodier, neveu de Jérôme Dulaar, publié dans Le Progrès de Lyon, reproduit par Garnier sans date exacte de parution de l’entretien, op. cit., p. 331.
177 Garnier, op. cit., p. 337.
178 Garnier, op. cit., sans référence de date ni de source, p. 335.
179 Affiche de la tournée 1914 de Grenier, reproduite in Garnier, op. cit., p. 338.
180 L’Éclaireur de Nice, 29 mai 1907.
181 L’Éclaireur de Nice, 1er juin 1907.
182 L’Éclaireur de Nice, 3 juin 1907.
183 L’Éclaireur de Nice, 13 juin 1907.
184 L’Éclaireur de Nice, 16 juin 1907.
185 L’Éclaireur de Nice, 21 juin 1907.
186 L’Éclaireur de Nice, 23 juin 1907.
187 L’Éclaireur de Nice, 27 juin 1907.
188 L’Éclaireur de Nice, 6 juillet 1907.
189 L’Éclaireur de Nice, 26 août 1908, montre que la visite de personnalités à la saison chaude reste inhabituelle : « On a paru s’étonner du voyage de Caruso à Nice, en plein été ».
190 L’Éclaireur de Nice, 4 décembre 1907.
191 L’Éclaireur de Nice, 12 décembre 1907, et 13 décembre 1907.
192 L’Éclaireur de Nice, 19 décembre 1907.
193 L’Éclaireur de Nice, 21 décembre 1907.
194 L’Éclaireur de Nice, 25 décembre 1907.
195 Kobbé, Tout l’opéra, op. cit., p. 294.
196 L’Éclaireur de Nice, 30 décembre 1907.
197 L’Éclaireur de Nice, 4 janvier 1908.
198 L’Éclaireur de Nice, entre le 13 et le 26 janvier 1908.
199 L’Éclaireur de Nice, 31 janvier 1908.
200 L’Éclaireur de Nice, 9,10, 11, 12 et 15 mai 1908. À l’Olympia, des projections en fin de programme le 9, mais pas le 10, retour du 11 au 14, mais disparition du cinématographe le 15 mai…
201 René Prédal, Le Cinéma à Nice : exploitation et réalisation, 1896-1930, Thèse soutenue à la Faculté des Lettres, université d’Aix-en-Provence, 1964.
202 L’Éclaireur de Nice, 1er août 1908.
203 P. et J. Berneau, op. cit., p. 66.
204 Le Courrier du Centre, 28 mars 1908, P. et J. Berneau, op. cit., p. 67. Les journaux utilisent indifféremment Phono-Ciné ou Ciné-Phono, ce qui ne facilite pas l’identification des appareils !
205 Photo reproduite en couverture et p. 72, P. et J. Berneau, op. cit.
206 P. et J. Berneau, op. cit., p. 73.
207 Le Courrier du Centre, 28 août 1908, P. et J. Berneau, op. cit., p. 73.
208 Le Courrier du Centre, 31 août 1908, P. et J. Berneau, op. cit., p. 73.
209 Le Courrier du Centre, 2 septembre 1908, P. et J. Berneau, op. cit., p. 73.
210 P. et J. Berneau, op. cit., p. 80.
211 L’Éclaireur de Nice, 21 février 1909.
212 L’Éclaireur de Nice, 3 mars 1909, 15 mars, etc.
213 L’Éclaireur de Nice, 4 avril 1909.
214 L’Éclaireur de Nice, 28 avril et 28 mai 1908.
215 L’Éclaireur de Nice, 14 juin 1908.
216 L’Éclaireur de Nice, 30 juin 1910.
217 Le Progrès, 9 octobre 1906.
218 Lyon républicain, 18 octobre 1908. Merci à Renaud Chaplain.
219 Lyon républicain, 25 octobre 1908.
220 Lyon républicain, 13 novembre 1908.
221 Lyon républicain, 24 janvier 1909.
222 Lyon républicain, 7 février 1909.
223 Informations tirées du Journal de Villefranche, 12 octobre 1909, quand la même vue Ciné-Phono passe à l’Eden.
224 Lyon républicain, 28 février 1909.
225 Lyon républicain, 5 mars 1911. « Le Cor » passe ensuite, le 25 juillet 1913, dans une salle Gaumont de Saint-Étienne sur procédé Chronophone ! Les vues chantées pouvaient-elles être utilisées par les différentes marques ? Comme il s’agissait de passer un disque et un film de façon synchrone, cela est possible.
226 M. Bruel et F. Perrut, Villefranche ancien, Villefranche au XXe siècle, Villefranche-sur-Saône, Syndicat d’initiative de Villefranche, 1971, p. 67.
227 Le Journal de Villefranche, 12 mai 1908. Merci à Delphine Seubil.
228 Le Journal de Villefranche, 29 mai 1909.
229 Archives Municipales de Villefranche, série I 177, vol. 1, dossier n° 1, pièce n° 5.
230 Le Journal de Villefranche, 15 juin 1909.
231 Le Journal de Villefranche, 7 juillet, 31 juillet, 16 octobre 1909.
232 Le Journal de Villefranche, 13 février 1909.
233 Le Journal de Villefranche, 21 septembre 1909.
234 Le Journal de Villefranche, 28 septembre 1909.
235 Le Journal de Villefranche, 5 octobre 1909.
236 Archives municipales de Saint-Étienne, 1 I 86, cité par Frédéric Zarch, Catalogue des films projetés à Saint-Étienne avant la première guerre mondiale, Publication de l’université de Saint-Étienne, 2000, p. 51. Merci à Frédéric Zarch.
237 Frédéric Zarch, op. cit., p. 56.
238 Le Mémorial de la Loire, 28 décembre 1907.
239 Cf. plus haut à propos des spectacles proposés à Lyon.
240 F. Zarch, op. cit, p. 56.
241 La Tribune républicaine, 29 mai 1908.
242 Les Annales Foréziennes, 7 juin 1908. Cette tournée reste sans doute jusqu’au 28 juin, ensuite les salles font relâche.
243 L’Union républicaine de Roanne, 4 octobre 1908. Cité par F. Zarch, op. cit., p. 85.
244 Le Mémorial de la Loire, 18 mars 1908. Merci à Sandrine Di Fruscia.
245 Le Mémorial de la Loire, 28 juin 1908, et F. Zarch, op. cit., p. 77.
246 Le Mémorial de la Loire, 16 juillet 1908.
247 La Tribune républicaine, 20 octobre 1908 ; La Tribune républicaine, 21 octobre 1908.
248 La Tribune républicaine, 23 octobre 1908.
249 Le Mémorial de la Loire, 25 décembre 1908.
250 Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 268.
251 F. Zarch, op. cit., p. 94-95.
252 J’ai quelque chose qui plait, par Charlus le 22 janvier 1909 ; la Musette, Rentrons sans bruit, 6 février ; Geneviève de Brabant par Charlus et Maréchal, Les Mousquetaires au couvent, par Boyer le 19 mars ; le Muet mélomane par Charlus, le 26 mars ; Garde ton cœur Madeleine, par Dalbret, le Petit Marmot par Polin, le 4 juin ; la Petite Tonkinoise par Charlus, le 18 juin 1909. F. Zarch, op. cit., p. 100, 101, 103, 104, 113.
253 F. Zarch, op. cit., p. 143.
254 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 205.
255 Publicité dans la revue lyonnaise Rive-gauche, n° 140, 1906.
256 Ciné-Journal, n° 131, du 25 février 1911.
257 Meusy, Paris-Palaces, op. cit., p. 341-342.
258 Ciné-Journal, n° 274, du 22 novembre 1913.
259 La mise au point de cette nouvelle version du Kinétophone fut annoncée à partir de 1910. Cf. Ciné-Journal, n° 112, du 15 octobre 1910.
260 Ciné-Journal, n° 274, du 22 novembre 1913.
261 Alfred Fenner Wagner, Recollections of Thomas A. Edison, Londres, City of London Phonograph & Gramophone Society/Symposium Records, 1991, p. 25-26.
262 Ciné-Journal, n° 164, du 14 octobre 1911.
263 Ciné-Journal, n° 144, du 27 mai 1911.
264 Ciné-Journal, n° 14, 19 novembre 1908.
265 Georges-Michel Coissac, Histoire…, op. cit., p. 332. La machine du capitaine Maurice Couade apparu dans le catalogue Pathé en 1908. Pathé ne développa pas la publicité pour ce procédé. Ces appareils furent même vendus en 1915 « au poids du déchet » ! Giusy Pisano, Une archéologie…, op. cit., p. 268 et 270.
266 Ciné-Journal, n° 6, 22 septembre 1908.
267 Ciné-Journal, n° 11, 27 octobre 1908.
268 Ciné-Journal, n° 25, 4 février 1909.
269 Cinéma-Revue, n° 2, février 1913 (3e année).
270 Cinéma-Revue, n° 9, septembre 1913 (3e année).
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