Quand le livre est pérégrin. L’exemple de l’Occitanie médiévale entre performances et mutations, conservation et fragmentation
p. 31-58
Texte intégral
1Le texte médiéval couché sur parchemin nous est parvenu tel un voyageur sans bagage, souvent oral dans une première version, sans apparat ni titre dans ses plus anciennes attestations écrites, parfois sans signature, sans glose ni mémoire sinon la trace de son oralité première. Que sait-on en effet du premier acte d’écriture d’un écrivain laïc du xiie siècle au xive siècle (car les choses changent ensuite) ou de l’œuvre originelle d’un clerc, de son contexte de production, de la main qui a posé l’encre sur le plus ancien support ? Le plus souvent rien (sauf quand l’iconographie nous le représente parfois, tenant la plume dans un scriptorium orné d’un fragment architectural d’inspiration religieuse1). Pour la période choisie (1173-1250), les manuscrits qui ont été consultés ne sont jamais des volumes autographes, mais des copies tardives, réalisées au moins cinquante ans après la date supposée de la rédaction première du texte.
2Tel un voyageur sans bagage, mais inscrivant sa trajectoire dans un temps très long (huit siècles au moins), l’ouvrage aura pu se lester de versions nouvelles, d’adaptations, de translations voire de traductions, de mises en recueils le modifiant et l’altérant. Il s’est aussi enrichi de commentaires liminaires (des rubriques parce qu’écrites à l’encre rouge, ce dont témoignent plusieurs chansonniers italiens datés du xiiie siècle2). Des notes marginales apparaissent encore quand le copiste donne une indication au miniaturiste, qui réalisera ensuite l’image peinte3, ainsi una dona que canta4, quand un collectionneur porte une glose en page de garde ou refait la pagination. Le texte originel a traversé l’espace et le temps pour parvenir jusqu’à nous.
3Tel un voyageur infatigable, un arpenteur à la croisée de la diachronie et de l’interculturalité, il circule oralement sous un format peu quantifiable et selon la performance d’un jongleur. Ce dernier est parfois désigné comme étant aussi le colporteur du poème, mais sur ce point la chronologie n’est jamais assurée et ce peut être l’inverse : une pièce d’abord écrite5, puis diffusée lors de performances orales et publiques. Quoi qu’il en soit, la transcription résulte d’un travail silencieux et patient, accompli soigneusement par un copiste à l’intérieur d’un cloître ou dans une boutique, c’est-à-dire un atelier laïc et urbain, tel qu’il s’en trouve pour notre corpus, à Milan6, Venise7 entre Trévise et Padoue8, en Isère ou à Paris aux abords de Notre-Dame.
4Tel un voyageur courageux, il subit les aléas du sort réservé à son auteur ou à son autrice (en termes de répressions multiples, d’autodafés et de condamnations (Marguerite Porete, 1310). Sa circulation et ses mutations sont de surcroît accélérées en certaines situations de fractures historiques et sociales. Enfin tel un pérégrin, il est sans frontière. Sa souplesse linguistique le rend apte à toutes sortes d’adaptations. Teinté d’italianismes, il s’entend dans le Piémont jusqu’en Vénétie ; francisé, il se lit au nord de la Loire. Établi dans une langue plurielle, proche de l’oral, sans normalisation grammaticale, il demeure perméable aux variantes dialectales.
5Le genre des ouvrages pris ici comme exemples relève de la lyrique occitane ; il s’agit d’un corpus de poésie amoureuse, attribué à des femmes par une main médiévale. Soit trente-quatre pièces qui se distribuent entre poèmes dialogués (tensos ou jeux-partis) et monologues lyriques9 (cansos). Leur recension a été réalisée à plusieurs reprises. On retiendra l’anthologie de P. Bec qui, emboîtant le pas de rares devanciers10, nomme parfois ces poétesses, trobairitz11. Néanmoins, Chants d’amour des femmes-troubadours12 est le titre choisi pour sa périphrase (l’auteur se ravisant et évitant la féminisation de cet état de poétesse en ajoutant au féminin générique un masculin (femme-auteur) ; enfin vingt-cinq des trente-quatre poèmes sont accompagnés d’un court paratexte contenant une dénomination usuelle et quelques traces de vie.
6Cette onomastique fonde une auctorialité, elle en est même la première figuration topique, traduisant le souci originel d’établir la cartographie de leur production supposée. Selon un usage partagé dans le milieu des clercs et des lettrés13, se lisent les appellations suivantes référant explicitement à des lieux, contrées et cités : Azalais de Porcairagues, La comtesse (Beatritz) de Die, La comtessa (Garsenda) de Proenza, Maria de Ventadorn, Na Castelloza, Almucs de Castelnou et Iseut de Capion, Tibors de Sarenon, Gormonda de Montpellier, Clara d’Anduze, Guillelma de Rosers, Bieiris de Romans (soit douze des seize créatrices, les autres étant nommées par un simple prénom).
7On ajoutera à cette liste (car sa découverte fut plus tardive ou son existence moins assurée) Azalais d’Altier. Quant à leur période d’activité, elle se situe dans un temps de production très bref, entre 1173 et 1240, et s’ancre au sud de la Loire, entre Aquitaine, Languedoc, Provence, Drôme et Auvergne. Par ailleurs les manuscrits où sont conservés les poèmes sont en partie connus depuis l’enquête de grande ampleur que mena, à la fin du xviiie siècle, l’érudit et voyageur passionné, J.-B. de La Curne de Sainte-Palaye.
8Ce sont des compilations (recueils ou chansonniers), voire des anthologies réunissant poèmes, images et partitions qui ont sauvé les pièces en question, souvent isolées à l’origine sur un seul feuillet, en leur offrant un écrin protecteur, même si la reliure se brise et l’encre s’efface avec le temps ; même s’il faut parfois recopier le poème pour ne pas en perdre complètement la trace (aux dires de Rochegune, autre érudit du xviiie siècle dont le travail de copie fut méprisé par la suite). Ils attestent une richesse patrimoniale que d’autres corpus n’ont pas toujours, même au nord de la Loire. Ainsi, ce sont dix-huit manuscrits qui les détiennent14, conservés en partie aujourd’hui à la Bibliothèque vaticane (Vat.) et à la Bibliothèque nationale de France (BnF) (des recueils isolés se trouvent encore à New York, Florence, Venise, Modène, Milan). On notera donc qu’ils ont rarement été confectionnés en Occitanie, là où formellement ont été écrits les poèmes, mais plus sûrement en Italie du Nord aux xiiie et xive siècles. Cette première trajectoire s’impose comme objet d’exploration.
Le texte médiéval est par définition un texte voyageur
Cartographier les productions
9Pour l’établissement de cette cartographie première, outre le nomen proprium ou nom de baptême suivi du nom d’origine, le chercheur peut trouver confirmation d’une localisation en Occitanie médiévale en raison des nombreuses variations phoniques et graphiques qui émaillent l’ensemble des témoins [Fig. I]. L’aire géographique permettant la localisation de plusieurs poétesses durant leur brève période d’activité se repère globalement sur la carte suivante15 :
Fig. I : Carte de l’Occitanie médiévale
![Image 10000000000002030000017BA4B68D7F463969B4.jpg](/pur/file/143599/tei/img-1.jpg/download)
10La mention d’une cité d’origine se trouve confirmée dans la vida quand elle existe (soit le court texte préliminaire à caractère biographique, qu’on appelle encore razo quand il insiste davantage sur le contexte et le contenu du poème). D’Azalais de Porcairagues, probablement Portiragnes, près de Béziers dans l’Hérault, la vida dit ceci : « de l’encontrada de Montpeslier », à moins qu’il ne s’agisse de Pourcayrargues dans le Gard16 ; Na Castelloza : une dame della Casteldhoza, ou Na de Castel d’Oze en Auvergne, dans le Cantal, Maria de Ventadorn (Ventadour en Haute-Corrèze actuelle). Différemment de ces dernières, la poétesse suivante est désignée par un titre de noblesse, comtesse, suivi du territoire y afférant : Die dans la Drôme17 (voir Fig. II.).
11On citera encore Na Bieiris de Romans (« Dame Béatrice de Romans-sur-Isère ») qui est mentionnée dans une modeste rubrique du ms. T18, en haut du feuillet (voir Fig. III).
12Et Azalais d’Altier, une désignation transcrite sur un parchemin de Venise (daté de 1268, ms. V : Marc. APP cod. XI. 124 feuillets, fol. 149 (unicum), non reproduit ici19) ; mais Altier se trouve en Lozère et l’autrice de ce Salut « donne » son nom à la rime.
Tantz salutz e tantas amors,
E tantz bens e tantas onors,
E tantas finas amistatz
E tantz gaugs com vos volrïatz,
E tantz ris e tant d’alegrier
Vos tramet Azalais d’Altier
A vos, Dòmna, cui ilh volria
Mais vezer que ren qu’el mon sia ;
Tant de saluts et tant de tendresses,
tant de biens, tant d’honneurs,
tant de précieuse amitié,
tant de rires, tant d’allégresse,
autant de joie que vous en souhaiteriez,
vous envoie Azalais d’Altier,
à vous, dame qu’elle voudrait
voir plus que toute femme au monde.
13Cette marque identitaire voulue par une main médiévale (la main autographe peut-être) se trouve réalisée à la manière des signatures de romans en vers ou en prose, quand le nom de l’auteur est inséré dans le prologue ou l’épilogue20, une telle pratique donne à cette signature un semblant de fiabilité.
Divers épicentres et un réseau d’échanges
14Outre cet ancrage originel, les poèmes, une fois composés, circulent d’une contrée à l’autre, d’une cité à l’autre. Il est frappant de constater que, homme ou femme, l’on n’écrit pas pour soi dans le silence d’une chambre ou à l’ombre d’un scriptorium. Le poème, surtout quand il relève de la canso ou de ce qu’on appelle le salut a une adresse, une destination mentionnée dans l’envoi (ou tornada). L’unique pièce d’Azalais de Porcairagues en donne une occurrence remarquable étudiée ailleurs. Le poème est destiné à la vicomtesse Ermengarde de Narbonne21, et la tornada informe qu’un jongleur a été choisi pour accomplir le voyage qui fera connaître le poème ; il empruntera (à pied, voire à cheval) des routes semées d’embûches pour porter la chanson, puis en accomplira la performance, lai, « là-bas », ves Narbona22 (voir Fig. IV).
15La pièce lyrique La Doussa votz ai auzida, « J’ai entendu la douce voix » constitue un autre témoignage de cette circulation et de ce réseau d’échanges ; on sait que Bernart de Ventadour (1147-1190), l’auteur désigné de ce poème, adressa à la même vicomtesse ses propres vers, et performe le poème en mentionnant dans l’envoi le nom du jongleur-voyageur Corona. Ce dernier portera le poème Lai, « là-bas », à Narbonne, à « celle de qui on ne pourrait dire du mal tant tout ce qu’elle fait est parfait ».
16Il serait aisé de multiplier les exemples23, car il existe plusieurs berceaux : Ventadour en est un sous la houlette de Marie du même nom, protectrice des arts et épouse d’Ebles V ; Anduze également dans les Cévennes, car Clara d’Anduze24 y est renommée, au vu des textes dont nous disposons, en relation épistolaire avec Azalais d’Altier et Uc de saint Circ ; Die, la cité, où la comtesse du même nom tient une cour ; elle semble de surcroît avoir été sollicitée ailleurs, en Auvergne et en Provence, pour juger la poésie25. Orange de Raimbaut d’Aurenga, infidèle amant de la comtesse, également intime, aux dires des vidas et razos, d’Azalais de Porcairagues.
17Certainement cette poésie se diffuse-t-elle lentement, localement, à l’échelle du borg. Mais les témoignages sont plus concordants et précis quand le voyage s’accomplit d’une cité à l’autre. L’échelle la plus souvent mentionnée est l’encontrada (la contrée), voire au-delà, comme le laisse entendre le poème d’Azalais, qui signale l’existence de débats amoureux en Auvergne : Car ço ditz om en Velai, « car nous disons en Velay » (v. 21). Il existe non seulement un réseau primaire, très ancien (1173) vers Narbonne, mais aussi une pluralité de trajectoires entre les puys d’Auvergne, la Lozère et la Provence.
18L’exemple cévenol est patent : Clara, dame d’Anduze, est en lien avec le poète Uc de Saint-Circ (du nom de la cité repérable actuellement dans le Lot en Quercy). Ce poète, dont il sera question plus loin, car sa trajectoire personnelle contribua à la diffusion transalpine des corpus connus, « signe » encore une description très flatteuse de la poétesse d’après la razo26 qui le concerne (ms. P). D’elle par ailleurs on ne connaît qu’un unique poème conservé dans le ms. C27. Ce que ces lignes mettent en avant, ce sont les qualités d’intercession de Clara et l’aide que ce dernier lui apporta en rédigeant pour elle maintes lettres28. La razo souligne encore son besoin impérieux d’attirer à elle femmes et hommes, de soigner son propre renom et de toucher ses pairs en des liens d’indéfectible amitié. Il en découle une copieuse correspondance, lit-on, une composition poétique (unica) qui est adressée à l’ami absent.
Le régime épistolaire ou le pouvoir de la lettre
19Cette pièce, rimée en vers décasyllabiques, a en effet tout de la lettre ; les mots : vous, ami, bel ami (ainsi apostrophé) s’y entendent incessamment à l’attaque des syntagmes, comme l’enchaînement des motifs de la plainte amoureuse, parce que l’autre est absent, parce que cet amour est empêché. Le planctus amoureux s’ancre dans un espace d’interlocution étroit, de « je » à « tu », sans autre médiation rhétorique que de parler de soi et de l’autre, d’espoirs, d’attente, de désespoir ; l’adresse formellement y est intrinsèque, inscrite dans la tornada du poème.
Amics, tant ai d'ira et de feunia,
Quar on vos vei, que quant iu cug chantar,
Planh e sospir, per qu'ieu non puesc ço far
A mas coblas que'l còrs complir volria
Ami, j'éprouve tant de colère et de tristesse
de ne pas vous voir que, lorsque je pense chanter,
j'émets plaintes et soupirs, aussi ne puis-je pas faire exprimer
à mes couplets ce que mon cœur souhaiterait accomplir29
20Quant au Salut de [N’Azalais d’Altier], il est donné intégralement30 et semble appartenir au même réseau d’échange, car, par ailleurs, Uc dédie à Azalais l’une de ses chansons (pièce XIV31). Contemporaine de ce dernier (ca 1217-ca 1253) et par conséquent de Clara, il se pourrait de son côté qu’elle ait adressé à la châtelaine d’Anduze ce document en forme de lettre. Les circonstances précises en sont énoncées dans le corps du texte : soit une querelle entre « Uc » et « Clara », qu’elle cherchait à apaiser. La dimension poétique de l’ouvrage est indéniable, mais sa forme et sa formulation rhétorique l’inscrivent dans un mouvement qui n’est autre que la trajectoire épistolaire propre à la correspondance, dont l’intercession est le moteur thématique.
21In medias res l’énumération de saluts, ponctuée d’anaphores et de copules e(t), d’autant de parallélismes exprimant ce qui est adressé dans le document en question : des marques d’intérêt à l’endroit de la destinataire, les manifestations attendues d’un amor coral et sincère, des vœux de bonheur, d’honneur, de rencontres, de joie, tout cela est lancé (tramet) à « Clara » dans le cadre étroit des cinq premiers vers du poème, le sixième venant clore la période. Une sorte de strophe d’ouverture en somme. L’harmonie de l’ensemble est rendue sensible par l’unité de ton, résultant de cette « captatio benevolentiae32 » qui s’arrête sur le vers 27, puis, moyennant un envoi caractéristique, « bona dòmna », ainsi apostrophée33, sur un vers plus court et non rimé. L’unité en question est renforcée par le choix continu des octosyllabes à rimes plates (ce qui est une autre caractéristique du genre). Le salut d’amour débute par les formes de l’éloge, et une première résolution s’accomplit avec la signature de l’auteur (v. 6). On y entend ensuite diverses variations lexicales sur le motif de la joie : gaugs qui est « jouissances34 » à venir, rire, allégresse, énonçant ce qui est en attente et en espérance, la rencontre prochaine qui impliquera de se déplacer. On note que le texte voyageur précède la voyageuse.
22Un tel déploiement textuel régi par le principe de la lettre implique que des conditions sociétales existent, permettant l’épanouissement d’un réseau d’échanges. Une stabilité relative est indispensable, des routes à peu près sûres, un temps de paix, la circulation de messagers.
Textes et contextes
23On a pu juger en effet que cette période avait été favorable à la création littéraire, voire à la pratique d’un mécénat induisant l’organisation de concours de poésie (sources de déplacements, de convergences et de rencontres). Avant une date certaine (1208), une paix relative régnait en Occitanie, ce que la production très homogène, sur le seul plan linguistique, et la pratique très stable des genres littéraires attestent.
Au Nord, l’état de guerre presque permanent entrava, jusqu’au début du xiiie siècle, les relations sociales […]. La noblesse du Midi au contraire, presque affranchie du lien féodal, enrichie par un long état de paix, se montrait plus soucieuse de luxe et de plaisirs que de conquêtes ou d’aventures ; dès le début du xiie siècle, la vie de société s’y était amplement développée et dans ces réunions mondaines, où triomphaient leur grâce et leur beauté, les femmes avaient réussi à imposer leur goûts35…
24Mais, en ce tout début du xiiie siècle, divers événements eurent lieu provoquant une profonde fracture dans le monde occitan et divers processus migratoires. En 1208, à la suite de l’assassinat de son légat Pierre de Castelnau, le pape Innocent III déclencha une croisade qui fut ensuite menée pour le compte de la couronne de France contre le catharisme. Nombreux furent ceux qui se réfugièrent en Lombardie. Raimond-Roger Trencavel, vicomte d’Albi et de Béziers (1185-1209), résista un certain temps avant d’être fait prisonnier et de s’éteindre, oublié dans un cachot de ses propres basses fosses. À sa mort, Simon de Montfort, comte de Toulouse, mena une guerre de conquête voulue par Philippe-Auguste36. Béziers et Carcassonne furent mises à sac en 1209 et les vicomtés de Carcassonne, d’Albi et de Béziers furent annexées au domaine royal en 1226, c’est-à-dire sous le règne de Louis viii. L’Église se prononça contre le catharisme, considéré comme hérétique, de sorte que l’Inquisition devint active à partir de 1233 sous la houlette du pape Grégoire ix, la répression locale ayant été jugée peu efficace. Les hérétiques albigeois furent exterminés, le Languedoc annexé à la couronne de France, et les migrations vers l’Italie et la Catalogne37 devinrent incessantes.
25Ces faits sont connus, mais comme le rappelle G. Le Vot, qui, entre autres historiens, musicologues, paléographes et littéraires dont R. Nelli38, nous sert de guide ici, cette croisade entraîna la destruction de nombreux manuscrits musicaux39, ainsi que la fuite de ceux qui étaient les mieux aptes à voyager. C’est pourquoi la plupart des manuscrits contenant les poèmes cités sont italiens ; les troubadours connus, proches (parents, amants) des poétesses mentionnées, se réfugièrent dans le Piémont, en Lombardie et en Vénétie40 (voir Fig. V).
26A. Jeanroy s’en fait l’écho dans un article majeur daté de 193041 ; il y décrit comment certains troubadours, se retrouvant dans une grande précarité et sans protection, surent se frayer un chemin jusqu’à la cour de Montferrat au nord de l’Italie, c’est-à-dire entre autres noms, ceux de Raimbaut de Vaqueiras, Gaucelm Faidit, Arnaut de Mareuil, Pierre Vidal et Elias Cairel42. Dans la vida de Gaucelm Faidit (qui venait d’Uzerche en Corrèze) on trouve explicité le nom du marquis Boniface (1150-1207) ; en tant que mécène, son activité ne peut être démentie43.
E missers lo marques Bonifacis de Montferrat mes lo en aver et en rauba et en tan gran pretz lui e sas cansos44.
27Ce Boniface semble en effet un protecteur d’envergure, et probablement, selon A. Jeanroy, « l’introducteur de la poésie provençale en Italie45 ».
28Une autre étape, la cour des Malaspina (Massa aujourd’hui, en Toscane), intéresse notre propos, car elle permet de mieux comprendre comment ont été sauvés ces corpus, et tout particulièrement les poèmes écrits par des femmes que l’on retrouve dans des recueils italiens, dont les mss AHIK. Ces trobairitz demeurèrent là où elles habitaient. Pour autant nous retrouvons une partie de leurs productions bien préservées ou à l’état de fragments (voir le ms. H, véritable anthologie de ces poétesses, mais extrêmement mutilée), dans des chansonniers finalement confectionnés entre Trévise, Padoue et Venise.
29Ainsi la famille des Malaspina joua, entre 1194 environ et 1250, un rôle certain auprès des troubadours46. Le marquis Alberto (1160-1210), beau-frère de Boniface de Monferrat47 protégea Raimbaut de Vaqueiras, et Uc de Saint-Circ cite dans l’une de ses chansons (XV) Selvaggia d’Auramala, princesse de la famille des Malaspina dans les années 1220 à 123048. La trajectoire de celui qui « s’ajoglari » se lit dans sa vida.
30Uc de Saint-Cirq est un véritable passeur. Proche de Clara d’Anduze et d’Azalais d’Altier, il compose en Italie au moins deux, voire trois vidas. Mais faute d’autres signatures, à l’exception de celles qui sont explicitement consacrées à Bernart de Ventadour et à Savaric de Mauléon (noble troubadour poitevin49), et peut-être la sienne, nulle autre pièce ne peut lui être imputée :
Et ieu, N’Ucs de Saint Circ, de lui so qu’ieu ai escrit si me contet lo vescoms N’Ebles de Ventadorn, que fo fils de la vecomtessa qu’En Bernartz amet. E fetz aquestas chansos que vous auziretz aissi de sotz escriptas50.
31Probablement doit-on aussi à Uc de Saint-Circ d’avoir permis la collecte des œuvres des trobairitz, au point que certaines attributions se firent faussement en sa faveur : dans le ms. T, un poème de la comtesse de Die « Ab jòi et ab joven m’apais » lui est attribué. Sa période d’activité en Italie se situe entre 1220 et †1253, même si antérieurement l’on pourrait rendre compte de nombreux déplacements en suivant plusieurs trajets que précise sa vida (voir Fig. VI).
32Il séjourna longtemps en Lombardie, à Ferrare, où les marquis d’Este cultivaient le goût des arts. Et, selon A. Jeanroy51, il poursuivit sa route jusqu’en Vénétie, à Padoue et à Trévise où il reçut l’accueil déterminant d’Alberico da Romano52. Peut-être est-il l’auteur d’une grammaire provençale signée « Uc Faidit » (faidit signifiant « exilé53 » en occitan). Enfin sa vida nous apprend qu’il épousa une dame en Lombardie, probablement à Trévise où il finit son existence54.
33Une belle linéarité certes, mais qui ne résiste pas à la mise en carte de ses voyages. La vida crée un faux, au sens où la pérégrination textuelle y semble continue, incessante et géographiquement cohérente. A contrario le tracé cartographique révèle autant de fragmentations, d’inachèvements, de trajectoires interrompues, de mains levées laissant des blancs que nous comblons avec des pointillés. Le voyage spatialisé est épisodique, la lacune majeure alors que l’œuvre écrite a le pouvoir d’opérer un lissage syntaxique, parfait et illusoire ; une continuité apparente régit la succession des phrases et des syntagmes, notamment avec la copule E (« et ») ou diverses et imprécises formulations circonstancielles : « E quant », « lonc temps ». L’on considérera que la vida se nourrit du voyage de son auteur, mais que son historicité ne peut y puiser de véritables preuves (voir Fig. VII).
34Au reste, il est indéniable que les manuscrits n’ont pas, dans leur grande majorité, été confectionnés là où les poètes et poétesses composèrent les pièces lyriques. La plupart des poèmes ont été collectés et mis en recueil en Italie septentrionale55. Seuls les mss BnF fr. 856 C, 22543 R, dit « La Vallière » (et peut-être également le ms. BnF fr. 15211 T), sont réellement provençaux.
35Il fallut donc qu’une profonde fracture sociétale déclenchât cette migration massive des textes et des hommes, même si une certaine mode, semble-t-il, poussait déjà ces derniers à visiter l’Italie56. En termes de rapports de genre, il n’y a pas trace de déplacement au féminin. Ce sont les hommes qui ont collecté les pièces écrites par les femmes, tâche rendue plus aisée du fait de les avoir personnellement côtoyées. Chemin faisant, ils ne manquèrent pas de rappeler qu’elles avaient composé mantas et bonas cansos. Si on leur doit ce sauvetage, les vidas et razos auront alors été ajoutées aux textes afin de préciser le contexte de leur rédaction. Ces gloses liminaires attestent la place enviable que les poétesses (Dòmna/Na) occupaient dans la noblesse occitane jusqu’à son déclin, leur statut (jamais débattu) de compositrices et de mécènes, leur rôle dans la diffusion de la poésie et la qualité de leur jugement.
La pérégrination affecte l’ouvrage
Entre conservation et fragmentation
36Ultérieurement, les premiers gestes de conservation eurent également lieu en Italie. Des noms d’acquéreurs émaillent les pages de garde, laissant supposer que les textes une fois mis en recueil ont été placés sous la protection d’érudits attentionnés, moyennant une passation fiable d’une bibliothèque à l’autre (privée et/ou institutionnelle).
37Soit le ms. A, lat. 5232, daté des années 1280, conservé aujourd’hui à la Bibliothèque vaticane. M. Jullian le localise à Venise pour la copie et l’ornementation très riche. On y relève notamment la trace des trois poétesses précédemment citées : la comtesse de Die, Na Castelloza et Marie de Ventadour. Ce chansonnier dut appartenir ensuite à Alde Manuce le Jeune (1547-1597), imprimeur vénitien bien connu57, puis à Fulvio Orsini, collectionneur et bibliophile aguerri (1529-1600) à Rome58, qui légua son importante bibliothèque privée à la Bibliothèque vaticane.
38Cette trajectoire est claire et précise, si bien que le recueil traverse les aires géographiques et les époques sans trop de tribulations. Le circuit en est court. On pourrait, concernant le ms. T (Paris BnF, fr. 15211, xive et début du xve siècle pour la partie provençale) suivre un cheminement assez semblable, mais en France. Ce recueil contient une des quatre pièces connues de la comtesse de Die et le poème unicum de Na Bieiris de Romans. Le manuscrit, de petit format, provient de Lesdiguières, non loin de Romans-sur-Isère ; il a probablement appartenu à Henri Jacques Nompar de Caumont, académicien, et descendant au xviiie siècle d’une maison du midi de la France, dans la vallée de la Durance. Puis il fut vendu à la librairie Rigolet à Lyon en 1759 avant de rejoindre les collections de la Bibliothèque Nationale. Le fait qu’il ait été cédé dans de bonnes conditions lui a assuré une conservation efficace jusqu’à sa dernière acquisition.
39À l’inverse, un recueil a pu demeurer là où il avait été confectionné et faire l’objet de remaniements incessants, de réemplois destructeurs ; il est même arrivé que certains subissent les actes d’un vandalisme parfaitement assumé. Beaucoup a été dit à propos du ms. italien H qui aurait pu être exécuté par une femme ou pour une femme, tant il contient de nombreuses images de poétesses, à moins qu’il ne s’agisse d’une compilation réalisée par des « étudiants59 » puisant à des sources diverses. Il est exclu, au vu de sa facture particulière, que des copistes professionnels l’aient confectionné60. Lodovico Castelvetro61 (1505-1571), humaniste et philologue à Modène, le posséda, mais n’en dit rien, puis Pietro Bembo (né à Venise en 1470-mort à Rome en 1547) l’acquit à Rome à la fin de sa vie, enfin le recueil entra en la possession de Fulvio Orsini à Rome, en 158462. Ce dernier signale combien le volume est abîmé (absence de couverture et d’espositioni). Il le lègue assez rapidement, en l’état, à la Bibliothèque vaticane où il se trouve actuellement. Les feuillets manquants concernent surtout les poésies de femmes. Quant aux miniatures les représentant, elles ont subi des grattages divers, au niveau des mains et des visages. On ajoutera que sept feuillets ont été arrachés63 après la citation de Na Lonbarda ; d’autres manquent entre la citation d’Azalais de Porcairagues et celle de La comtesse de Dia. De cette dernière, deux images peintes apparaissent sur le même feuillet, ce qui n’est pas conforme aux usages. Plus étrange encore, Na Iseuz de Capion et Ma dompna N’Almucs se retrouvent face à face et à la toute fin du volume Ma dompna Maria de Ventedorn est isolée. On pourra encore supposer, comme l’avance M. Jullian, que l’absence remarquée de Na Castelloza64, pourtant parmi les mieux connues des poétesses, est due à la fragmentation du manuscrit. Ces effacements et brisures prouvent à eux seuls combien une localisation stable n’est pas forcément un gage de pérennité.
40De même, en France, le ms. C, aujourd’hui conservé à la BnF sous la cote fr. 856 (ancien 7226 de la Bibl. du Roi65), est un parchemin in-folio de 396 feuillets, daté du xive siècle, exécuté dans le Sud-Ouest de la France (Narbonnais). Il semble y être demeuré jusqu’au xviie siècle, avant d’être acquis par Mazarin et d’entrer dans la Bibliothèque du Roi. Il s’agit d’un des rares manuscrits véritablement provençaux, qui a priori n’a voyagé qu’une fois. Cependant il est également très dégradé. Des vignettes66 ont délibérément été découpées, et l’ouvrage est incomplet à la fin67. Pour autant il contient des poèmes de Clara d’Anduze, de la comtesse de Die (mais dont l’initiale ornée a aussi été découpée), une signature d’Uc de Saint-Circ, des pièces de Dame Gormonde de Montpellier et d’Azalais de Porcairagues.
Autres faits, autres mœurs : la spoliation
41Il arrive enfin que le voyage soit forcé. Le livre est déplacé parce que spolié. C’est ainsi que dans nos corpus, l’on rencontre assez régulièrement la mention : ms. BnF (ancien ms. de la Bibliothèque vaticane) avec deux côtes. Le ms. M conservé à Paris, BnF fr. 12474 (anciennement Biblio. vaticane 379468) est bien un ms. italien qui fut conservé par F. Orsini, puis cédé à la Vaticane avant d’être confisqué par Napoléon en 179969. C’est le cas également du ms. K, aujourd’hui à la BnF sous la cote fr. 12473 (ancien Biblio. vaticane, 3204) ; il aurait peut-être appartenu à Pétrarque, puis, après différents intermédiaires, à F. Orsini, avant que ce dernier ne le lègue également à la Vaticane. Sans trop entrer dans le détail, car un livre n’y suffirait pas, on apprend en consultant les notices de la BnF, et en forçant un peu la recherche, que derrière ce double référencement se cache un acte de guerre. Ces recueils font partie des cinq cents manuscrits saisis par le général Bonaparte à partir de juillet 1797 et transportés à Paris en vertu du traité de paix de Tolentino (19 février 1797) conclu entre le Pape Pie VI et la République française. On apprend aussi que…
…le volume [k] a été officiellement rendu aux représentants du pape en 1815 avec les autres manuscrits provenant de la Bibliothèque Vaticane, puis, comme le ms. BnF français 12474, qui est aussi un recueil de chansons de troubadours, il a immédiatement été offert en don à la France, en raison de l’esprit de conciliation dont Pie VII était animé à l’égard de Louis XVIII70.
42Dans l’article VIII du traité de paix en question, il est bien fait référence au traité d’armistice qui le précéda de peu, et qui fut signé à Bologne71, il est question aussi de la célérité avec laquelle cette spoliation fut accomplie :
L’article VIII du traité d’armistice signé à Bologne, concernant les manuscrits et objets d’art, aura son exécution entière et la plus prompte possible.
43Un cas de figure qui n’est pas isolé. On mentionnera pour finir ce qui arriva au manuscrit I, 854 (anc. de la Biblio. Vaticane, 7225), mais qui se produisit beaucoup plus tôt dans l’histoire. Le recueil est daté de la fin du xiiie siècle72 et plus précisément des années 129073 ; il connaît une trajectoire en apparence similaire à celle des mss K et M depuis la Vénétie, car il présente les deux référencements. Or on le repère en France dès le xvie siècle, en raison des saisies d’ouvrages d’art durant les Guerres d’Italie, probablement dues à Charles VIII ou à Louis XII. Le volume aurait été déposé (sans certitude) à la Bibliothèque de Blois (1515) dans les trésors royaux, puis à Fontainebleau où François Ier réunit l’ensemble de ses collections, sa bibliothèque privée et la bibliothèque royale en 154474. D’après la notice de l’IRHT, on trouve au verso du feuillet de garde, une écriture du xvie siècle : « Livre des anciens pöetes provençeaulx ». Selon H. Omont, cette écriture se retrouve sur les livres qui ont fait partie de la bibliothèque de Fontainebleau sous François Ier75. On consultera également avec profit le mémoire de J.-B. Camps à ce sujet76.
44Nicolas Rigault, bibliothécaire, enregistre le recueil dans le catalogue de la Bibliothèque du roi à Paris, en 1622, sous le titre « Vies et chansons des vieux poètes provençaux ». Le volume est également mentionné par Étienne Baluze (1630-1718), bibliothécaire de Colbert à partir de 1667, sous la cote italienne 7225. En 1719, le roi Louis XV rachète ses collections, et le volume est consulté par Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye (1697-1781) qui en obtient une copie quasi intégrale (fol. 12 à 199)77.
45Quel chemin parcouru, presque miraculeux pour un tel recueil ! Or sans conteste la spoliation en aura permis la conservation, parce qu’il fut considéré à toutes les étapes de sa trajectoire comme un objet précieux, un butin de guerre ; il aura voyagé dans un quasi secret, résultat de tractations diverses, militaires, politiques et diplomatiques.
La translation
46Pour finir, étudier le texte voyageur impliquerait d’examiner différents processus intrinsèques qui ont pu accompagner la pérégrination des ouvrages, de la porosité formelle à l’adaptation linguistique inévitable. La plus ancienne attestation de ces différents transferts se repère dès la première mise en recueil des pièces lyriques, dans les ateliers de Vénétie, qui, comme le confirme J.-B. Camps, sont un « [f]oyer très important (et le plus ancien) de la mise par écrit des textes lyriques78 ». La copie n’évite pas l’adaptation, de la plus menue modification au doublon, de la lacune à la variante : il arrive ainsi que le déplacement vers l’Italie ait produit l’usage spontané d’italianismes. A. Jeanroy cite l’exemple de la vida d’Uc de Saint-Circ où l’on trouve com au sens de « avec », alors qu’en français cela se dit ab/ob/o79. Dans le ms. I au fol. 141-141v, on lit non pas comtessa de Dia, mais comtessa di Dia.
47Cette porosité linguistique se retrouve encore quand le poème a été francisé : soit le précieux ms. BnF fr. W 844 (sur parchemin, 217 feuillets, fin du xiiie siècle) qui n’est globalement pas occitan, mais français80 ; néanmoins il contient aux fol. 188-204 des pièces et fragments de pièces provençales, presque toutes anonymes. Or l’occitan, en tant qu’idiome originel, ne s’y reconnaît plus. Il colore le texte. En revanche si cinquante et une pièces sont accompagnées de leurs mélodies81, on y trouve ainsi le premier couplet de A chantar m’er de so qu’ieu no volria de la comtesse de Die, mais très altéré : A chantar m’er al cor que non devrie. Cette translation voulue répond au besoin de rendre la langue d’oc compréhensible au nord de la Loire. Or le sens en est changé (volria/devrie).
48L. Gauchat avançait, dès 1892, que cette migration de la production occitane résultait avant tout de l’action précoce de quelques poètes itinérants, qui se déplacèrent non pas vers l’Italie, mais cette fois vers le nord. Bernart de Ventadour, qui, d’après sa vida (signée par Uc) séjourna à la cour d’Aliénor d’Aquitaine, fut de ceux-là.
Bernart de Ventadour était à sa cour lorsqu’elle était duchesse de Normandie (1152-1154) [suite à son remariage avec Henri d’Anjou, futur Henri II] : il se peut qu’il l’ait accompagnée pour un temps en Angleterre82.
49Pour conclure, bien d’autres aspects de la pérégrination seraient à étudier comme la porosité générique (au sens grammatical), soit le glissement vers le neutre des marques linguistiques habituelles au sein des poèmes. On devrait également explorer la porosité générique (au sens poétique) quand un poème lyrique, une canso par exemple, glisse dans la catégorie du planctus parce que l’amant est mort et qu’il faut bien remanier le poème83 ; la porosité sémantique et interprétative quand on aborde la question de la traduction des poèmes ; la porosité registrale et dérivative, du sérieux vers la satire lorsque le même recueil I se retrouve en partie recopié dans « le manuscrit de Béziers » sur papier, daté du xviie siècle, et dont les illustrations ridiculisent principalement les poétesses.
50Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les chemins tortueux de la critique savante et universitaire, orchestrant dès la fin du xixe siècle une mémorialisation d’une grande discrétion, voire une patrimonialisation très partiale du corpus de poétesses, lui préférant la constitution d’anthologies au masculin, le référencement d’histoires littéraires ignorant une part de l’héritage. Car, concernant les trobairitz, il s’en est fallu de peu qu’au bout du voyage, leurs poèmes ne sombrent dans l’oubli, qui est un naufrage. Des jugements indignes ont mis en danger, non pas les recueils, mais au sein des recueils, les poèmes qui leur étaient attribués. De la sorte, sans l’action éclairée de quelques savants au xviiie siècle, dont J.-B. de La Curne de Sainte-Palaye et l’amiral de Rochegune, sans le mouvement très nostalgique des félibres (xixe siècle) orchestré par F. Mistral, sans le renouveau régionaliste et occitaniste en France des années 1970 sous les plumes audacieuses de R. Nelli et de P. Bec, etc., sans l’incroyable curiosité des chercheur.es américain.es des années 70-80 (M. Bogin, W. D. Paden), à la confluence d’une médiévistique savante et des Gender studies, ces textes voyageurs auraient cessé d’exister.
Fig. II : Français 854, fol. 141. La Comtesse de Die
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Fig. III : Français 15211, fol. 208v. Na Bieiris de Roman
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Fig. IV : Carte de l’Occitanie médiévale. Les épicentres et migrations
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Fig. V : Carte de l’Italie du Nord, 1494 (détail84)
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Fig. VI : Les déplacements d’Uc de Saint-Circ en Occitanie
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Fig. VII : Le trajet supposé d’Uc de Saint-Circ vers l’Italie
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Bibliographie
Texte(s) d’étude / Source(s) :
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Régnier-Bohler, D., Voix de femmes au Moyen Âge. Savoir, mystique, poésie, amour, sorcellerie (xiie-xve siècle), Paris, Robert Laffont, 2006.
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Études critiques :
Bec, P., « “Trobairitz” et chansons de femme. Contribution à la connaissance du lyrisme féminin au moyen âge », Cahiers de civilisation médiévale, 22, Poitiers, 1979, p. 235-262.
Jeanroy, A., « Les troubadours dans les cours d’Italie du Nord aux xiie et xiiie siècles », Revue historique (G. Monod), 1930, t. clxiv, p. 1-26.
Id., « Les troubadours en Espagne », Annales du Midi, xxvii, 1916, p. 141-176.
Jullian, M., « Images de Trobairitz », CLIO. Histoire, femmes et sociétés. Musiciennes, no 25, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2007 (consultation en ligne, clio.revues.org/3231).
Paden, W. D. (dir.), The Voice of the Trobairitz: Perspectives on the Women Troubadours, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1989.
Rieger, A., « Ins e.l cor port, dona, vostra faisso. Image et imaginaire de la femme à travers l’enluminure dans les chansonniers de troubadours », Cahiers de Civilisation médiévale, Poitiers, Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, 1985, t. 28, p. 385-405.
Rieger, A., Trobairitz. Der Beitrag der Frau in der altokzitanischen höfischen Lyrik. Edition des Gesamtkorpus, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1991.
Notes de bas de page
1 Plus que d’un témoignage direct de l’existence d’un auteur, d’une autrice, il s’agit là déjà d’une figuration probable d’auctorialité.
2 Pour la nomenclature des manuscrits cités, voir Jeanroy, A., Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux (Manuscrits et éditions) [1916], Paris, Champion, 1966. Cette note marginale se trouve dans le ms. A, un chansonnier d’une grande richesse ornementale, conservé à Rome Vat., sous la cote lat. 5232. C’est un parchemin in-folio (de plus de 40 cm de haut) contenant 217 feuillets, daté du xiiie siècle et réalisé par une main italienne. Il présente 43 lettres ornées de miniatures avec quelques rubriques en vénitien, des vidas, des chansons, tensos et coblas ; ainsi que des sirventès.
3 Ou miniature, entrée TLFi (consultation en ligne : http://www.cnrtl.fr/definition/miniature): « Attesté dans le Dictionnaire de l’Académie française depuis 1694 […]. Emprunt à l’italien miniatura : “figure de très petites dimensions, peinte de couleurs vives, servant à orner les livres” […], dér. de miniare : “décorer avec des figures de petites dimensions”, empr. au lat. miniare : “peindre en rouge, enduire de minium” (un pigment de teinte rouge) ». Les notes marginales sont appelées « ‘postilles’, notes en dialecte de Vénétie dans la marge en face de chaque vignette portées à l’attention du miniaturiste et qui stipulent le sujet que celui-ci doit traiter ». Voir Jullian, M., « Images de Trobairitz », CLIO. Histoire, femmes et sociétés. Musiciennes, no 25, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2007 (consultation en ligne, clio.revues.org/3231, § 31) ; Lemaître, J.-L. et Vielliard, F. (dir.), Portraits de troubadours. Initiales des chansonniers provençaux I et K, Ussel, Musée du Pays d’Ussel-Centre Trobar, 2006, « Les postilles du chansonnier A », p. lxix.
4 Cf. le ms. A, Vat. lat. 5232, fol. 167v.
5 Voir par exemple l’unique poème d’Azalais de Porcairagues ou le salut d’amour d’Azalais d’Altier, en raison du caractère résolument épistolaire de leur teneur. Ce sont des lettres (Bec, P., Chants d’amour des femmes-troubadours, textes établis, traduits et présentés, Paris, Stock, 1995, p. 67 et 188).
6 Le ms. G se trouve à Milan (Biblioteca Ambrosiana, R. 71 sup.). Confectionné sur parchemin, 141 feuillets, il date du xive siècle.
7 M. Jullian, qui a étudié l’iconographie du ms. A, le localise à Venise pour la copie et l’ornementation. Elle le date du début des années 1280. Voir Jullian, M. : « Images de Trobairitz », art. cit., 2007 (consultation en ligne, clio.revues.org/3231). D’autres manuscrits sont localisés en Vénétie : le ms. I, conservé à la BnF sous la cote 854 (anc. de la Biblio. vaticane, 7225), est un grand parchemin in-folio à enluminures, d’origine italienne et vénitienne, de 199 feuillets, il est daté de la fin du xiiie siècle ; le ms. K, conservé à la BnF sous la cote fr. 12473, d’une main italienne (anc. Biblio. vaticane, 3204), contient 189 feuillets sur parchemin in-folio ; il est daté de la fin du xiiie siècle, soit les années 1290. Ce manuscrit ressemble fortement à I, dont il est peut-être une copie réalisée dans le même atelier en Vénétie.
8 Le ms. H, Vatican lat. 3207, fin xiiie, est un parchemin de format moyen in-4° (216 x 152 cm), comportant 61 feuillets, plus récent que A de quelques décennies d’après M. Jullian ; il aurait été confectionné entre Trévise et Padoue.
9 Cf. Zufferey, F., compte rendu de l’ouvrage d’A. Rieger, Cahiers de civilisation médiévale, 1994, vol. 37, no 37-145-1, p. 156-158. Et Rieger, A., Trobairitz. Der Beitrag der Frau in der altokzitanischen höfischen Lyrik. Edition des Gesamtkorpus, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1991.
10 Voir Schultz, O., qui en propose l’usage dans Die provenzalischen Dichterinnen. Biographien und Texte [Leipzig, 1888], Genève, Slatkine Reprints, 1975. Compte rendu par Thomas, A., Annales du Midi, revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, t. 1, no 3, Toulouse, Privat, 1889, p. 407-410. A. Rieger citée supra et W. D. Paden (dir.) (The Voice of the Trobairitz : Perspectives on the Women Troubadours, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1989) utiliseront également ce terme.
11 Bec, P., « “Trobairitz” et chansons de femme. Contribution à la connaissance du lyrisme féminin au moyen âge », Cahiers de civilisation médiévale, 22, Poitiers, 1979, p. 235-262.
12 Bec, P., Chants d’amour des femmes-troubadours, textes établis, traduits et présentés, op. cit., 1995.
13 La composition d’un nomen proprium (ou nom de baptême), fonctionne comme première marque identitaire, suivi d’un nom d’origine désignant une paroisse.
14 Beaucoup sont de grande taille, ornés des lettres historiées et destinés à la conservation. Des visages féminins y apparaissent, au sein de petites capitales ; les traits en sont gracieux, les ports altiers, ces visages sont rendus vivants par une gestuelle expressive et des couleurs chatoyantes.
15 D’après Paden, W. D., op. cit., p. 28.
16 Soit Portiragnes près de Montpellier, d’après Sakari, A., « À propos d’Azalais de Porcairagues », Mélanges de philologie romane dédiés à la mémoire de J. Boutière, I. Cluzel et F. Pirot (dir.), vol. 1, Liège, Éd. Soledi, 1971, p. 517, note 3, soit Porcairargues, arrondissement d’Alès, Gard.
17 Ms. I, Paris, BnF, fr. 854, fol. 141 (anc. de la Biblio. Vaticane, 7225) [La contessa di dia].
18 Ms. T, Paris BnF, fr. 15211, fol. 208v, xive et début du xve siècle pour la partie provençale, fol. 208v : « Na Maria pretz et la fina valors » attribué à [nabieiris deroman] et unicum.
19 Le Salut est isolé à la fin du recueil V conservé à Venise (Marc. APP cod. XI, parchemin, 124 feuillets). Exécuté en Catalogne en 1268, il aurait voyagé jusqu’en Italie du Nord : des feuillets vierges sont remplis par deux mains italiennes aux xive et xve siècles. On y repère la pièce au fol. 149 (unicum).
20 Voir la très belle étude d’E. W. Poe, « Un poème marginal : le salut d’amour d’Azalais d’Altier », Atti del Secondo Congresso Internazionale della « Association Internationale d’Études occitanes », Turin, 31 agosto-5 settembre 1987, Dipartimento di scienze letterarie e filologiche, Università di Torino, 1993, p. 284-285.
21 Ermengarde, fille d’Aimeric IV, vicomtesse de Narbonne, régna entre 1143 et 1192. Elle est la mieux connue des mécènes en Occitanie après Aliénor d’Aquitaine comme femme politique et figure intellectuelle de premier plan. Son nom apparaît dans le poème d’Azalais de Porcairagues, in Bec, P., Chants d’amour des femmes-troubadours, op. cit., 1995, p. 68.
22 Loc. cit., voir également Le Nan, F., « Que sont les poétesses devenues ? Enquête sur l’image, la voix et le genre dans l’Occitanie médiévale », Voix de femmes dans le monde, Au prisme du genre dans la littérature et les arts, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Nouvelles Recherches sur l’imaginaire », vol. 40, 2018, p. 196-197.
23 Voir d’autres citations mentionnant Ermengarde dans notre ouvrage à paraître, Le Nan, F., Poétesses et escrivaines en Occitanie médiévale. La trace, la voix, le genre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2021 (à paraître).
24 Une seule canso malheureusement lui est attribuée. Elle était probablement originaire d’Anduze dans le Gard, et sa période d’activité littéraire se situe durant la première moitié du xiiie siècle.
25 Voir la précieuse miniature du ms. H, fol. 49v, où l’on voit la dame, ainsi désignée, recevoir ou remettre un prix de poésie en forme de petit rapace, épervier ou faucon ; cf. Le Nan, F., Que sont les poétesses devenues ?, art. cit., p. 194-195.
26 Razo, c’est-à-dire « commentaire, glose, explication ».
27 Voir l’édition de référence : Boutière, J. et Schutz, A. H., op. cit. [1950], 1964, p. 243-244.
28 Bec, P., Chants d’amour des femmes-troubadours, op. cit., 1995, p. 92 : (traduction) « Vous avez bien entendu qui était Uc de Saint-Circ et d’où il était. Il aimait une dame d’Anduze, qui avait nom Dame Clara. Elle était très habile et instruite, avenante et belle, et avait un grand désir de célébrité et qu’on parlât d’elle, de près et de loin ; elle voulait aussi avoir l’amitié des nobles dames et des hommes de valeur. Uc connaissait son désir et sut bien la servir en ce qu’elle désirait le plus : il fit en sorte qu’on ne trouvât pas dans toutes ces contrées de noble dame qui n’entretînt avec Clara des relations amicales et intimes, et ne lui envoyât lettres, saluts et présents, en tout accord et tout honneur. »
29 Ibid., p. 95 ; pour la traduction, lire Régnier-Bohler, D., Voix de femmes au Moyen Âge. Savoir, mystique, poésie, amour, sorcellerie (xiie-xve siècle), Paris, Robert Laffont, 2006, p. 25.
30 Ibid., p. 187, le Salut très allusif est donné intégralement, p. 188 sq. P. Bec y identifie les trois protagonistes.
31 Poésies de Uc de Saint-Circ, publiées avec une introduction, une traduction et des notes par A. Jeanroy et J.-J. Salveda de Grave, Toulouse, Privat, 1913, chanson XIV et Introduction, p. xxiii.
32 Bec, P., op. cit., 1995, p. 187.
33 Poe, E. W., art. cit., p. 283.
34 Dictionnaire de l’occitan médiéval (DOM), op. cit. (consultation en ligne : http://www.dom-en-ligne.de/dom.php?lhid=5VwrMDCitMCmzZpRKrh4kn).
35 Ce qui est donné est repris par le grand critique A. Jeanroy, qui n’a de cesse de fustiger la laïcité relative de cette culture « sceptique ». Voir Jeanroy, A., Anthologie des troubadours, xiie-xiiie siècles [1927], éd. refondue, textes, notes, traductions par J. Boelcke, Paris, Nizet, 1974, introduction, p. 15. Mais nous tenons aussi d’A. Jeanroy une contribution importante sur ces phénomènes migratoires : « Les troubadours dans les cours d’Italie du Nord aux xiie et xiiie siècles », Revue historique (G. Monod), 1930, Paris, Librairie F. Lacan, t. clxiv, p. 1-26, ainsi que « Les troubadours en Espagne », Annales du Midi, xxvii, 1916, p. 141-176.
36 Voir pour le détail de cette chronologie le livre de G. Zuchetto et J. Gruber, Le Livre d’or des troubadours. Anthologie xiie-xive siècles, Paris, Les Éditions de Paris - Max Chaleil, 1998, p. 293-294.
37 On connaît l’existence d’un recueil des poétesses occitanes à la Bibliothèque royale de Madrid : « Recull de trobadoras provenzals : Nadalayda de Porcaragues, Na Lombarda, Na Guillerma de Rosen, la Comtessa de Dia. Ms. en fol. de la Bibl. Real », signalé dans l’ouvrage de Félix Torres Amat (1772-1847), Memorias para ayudar a formar un diccionario crítico de los escritores catalanes, Barcelona, 1836, p. 711 (cf. Bec, P., Chants d’amour des femmes-troubadours, op. cit., 1995, p. 18).
38 Nelli, R., Écrivains anticonformistes du Moyen Âge, t. I : La Femme et l’amour, Paris, Phébus, 1977, p. 13.
39 Le Vot, G., « Troubadours et trouvères », Histoire de la Musique. La musique occidentale du moyen-âge à nos jours, M.-C. Beltrando-Patier (dir.), Paris, Bordas, coll. « Marc Honegger », 1982, p. 53.
40 Bec, P., Chants d’amour des femmes-troubadours, op. cit., 1995, p. 18.
41 Nous tenons aussi d’A. Jeanroy deux contributions importantes sur ces phénomènes migratoires : « Les troubadours dans les cours d’Italie du Nord aux xiie et xiiie siècles », Revue historique (G. Monod), 1930, t. clxiv, p. 1-26, et « Les troubadours en Espagne », Annales du Midi, xxvii, 1916, p. 141-176.
42 Elias Cairel nomme souvent dans ses poèmes Guillaume iv de Montferrat (1207-1225), fils de Boniface.
43 Jeanroy, A., art. cit., p. 2.
44 Boutière, J. et Schutz, A. H., Biographies des troubadours. Textes provençaux des xiiie et xive siècles, Paris, Nizet, 1950 (2e éd. refondue, Paris, 1964, réimp. Paris, 1973), p. 167. Pour la traduction, ibid., p. 169 : « Et Messire le marquis de Boniface de Montferrat le fournit en avoir et en vêtements, et le mit en très grand prix, lui-même et ses chansons. »
45 Jeanroy, A., art. cit., p. 3.
46 D’après A. Jeanroy (art. cit., p. 7), après 1253, la famille de Montferrat n’est plus citée dans les vers des poètes.
47 Ibid., p. 3.
48 Ibid., p. 10. Voir également p. 17 : outre cette princesse, « […] la preuve en est dans le grand nombre de noms féminins qui émaillent les tornades, avec leur cortège d’épithètes platement louangeuses ».
49 Poésies de Uc de Saint-Circ, publiées avec une introduction, une traduction et des notes par A. Jeanroy et J.-J. Salveda de Grave, Toulouse, Privat, 1913, p. ix.
50 Boutière, J. et Schutz, A. H., Biographies des troubadours… op. cit., p. 25-26 ; et pour la traduction : Egan, M., Les Vies des troubadours, Paris, Union Générale d’Éditions, 10/18, coll. « Bibliothèque médiévale », 1985, p. 56 : « Et moi Uc de Saint Circ, ce que j’ai écrit de lui je l’ai appris du vicomte Ebles de Ventadour, qui fut fils de la vicomtesse que Bernart aima. Et il fit ces chansons que vous entendrez, écrites ci-après. »
51 Pour A. Jeanroy (« Les troubadours en Italie… », art. cit., p. 12), Uc de Saint-Circ aurait traversé la Toscane entre 1230 et 1240.
52 Ibid., p. 24 et note 4 : « Le recueil de chansons qu’il avait formé a été incorporé au grand chansonnier de Modène (fol. 153-211). » Lire également Bertoni, G., I Trovatori d’Italia : biografie, testi, traduzioni, note [1re éd. 1915], Modena, ed. Orlandini, p. 68. Alberico aurait fait lui-même compiler la plus ancienne anthologie provençale conservée, le ms. D., Biblioteca Estense, à Modene, daté de 1254 et formant le Liber Alberici (fol. 153r à 211r). C’est ce même recueil qui aurait permis à Dante (sous la protection des Malaspina dans les années 1300) de découvrir la poésie provençale et d’en être à son tour un passeur.
53 Poésies de Uc de Saint-Circ, op. cit., p. ix.
54 Id.
55 La réalisation des grands chansonniers à enluminures, comme A, I, K, H, M, N, s’est donc faite dans des ateliers laïques de Padoue à Venise. Voir l’article de Rieger, A., « Ins e.l cor port, dona, vostra faisso. Image et imaginaire de la femme à travers l’enluminure dans les chansonniers de troubadours », Cahiers de Civilisation médiévale, Poitiers, Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, 1985, t. 28, p. 385-405, et celui plus récent de Jullian, M., « Images de Trobairitz », art. cit., consultation en ligne, clio.revues.org/3231, § 6. On peut même supposer que IK, parce qu’ils sont très ressemblants, proviennent d’une même fabrique : « tous se situent ainsi dans une période où les monastères, rappelle A. Rieger (p. 387), qui avaient jusque-là le monopole presque absolu en matière de manuscrits, commencent à le céder, notamment en Italie du Nord, aux ateliers professionnels. Cela est dû à une sécularisation progressive du “marché”, aussi bien pour ce qui est de la clientèle (universitaires, noblesse et haute bourgeoisie) que pour ce qui est de la thématique, comme c’est aussi le cas de nos recueils de poésies amoureuses en langue vulgaire ».
56 Poésies de Uc de Saint-Circ, op. cit., p. xiv.
57 Alde Manuce le Jeune (1547-1597) est un imprimeur vénitien, petit-fils d’Alde Manuce l’Ancien (1449-1515), qui s’établit à Venise comme imprimeur en 1494. Cf. à ce sujet le site bien documenté : http://histoire.typographie.org/venise/chapitre4.html: « La ville était déjà un centre typographique d’importance et dans ce véritable carrefour culturel, vivaient de nombreux érudits grecs. Par ailleurs dans cette ville fabuleusement riche, existait un marché de marchands aisés, susceptibles d’acquérir des livres classiques pour décorer leurs palais. »
58 Cf. la notice de Jeanroy, A., Bibliographie sommaire des chansonniers provençaux (Manuscrits et éditions) [1re éd. 1916], rééd. Paris, Champion, 1966, p. 1. À propos de de F. Orsini (1529-1600) qui fut un véritable passeur, un conservateur remarquable, lire P. de Nolhac, La Bibliothèque de Fulvio Orsini, Paris, E. Vieweg, Libraire-Éditeur, É. Bouillon et E. Vieweg, successeurs [1re éd. 1887], Paris, Hachette, Livre BnF, réimpr. à l’identique, 2012, p. 316.
59 De Lollis, C., « Appunti dai mss provenzali Vaticani », Revue des langues romanes, t. XXXIII, 1889, p. 157-193. Voir en particulier la page 169.
60 Rieger, A., art. cit., p. 390. Cf. nos propres observations dans « Que sont les poétesses devenues ? Enquête sur l’image, la voix et le genre dans l’Occitanie médiévale », art. cit., p. 187 et « Bris de textes et autres fragments poétiques en Occitanie médiévale, Fragments, F. Daviet-Taylor et L. Gourmelen (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Nouvelles Recherches sur l’Imaginaire », vol. 38, 2016, p. 94-95.
61 Jeanroy, A., Bibliographie sommaire…, op. cit., 1916, p. 7.
62 Rieger, A., art. cit., p. 390, note 24.
63 Ibid., p. 390.
64 En effet, comme le souligne M. Jullian (art. cit., consultation clio.revues.org/3231, § 13) : « L’état fragmentaire de ce chansonnier pourrait laisser supposer qu’à l’origine elle y figurait en bonne place. » De la même façon, la miniature anonyme et le poème isolé qui l’accompagne (fol. 45a) devaient être à l’origine attribués et disposés à la suite d’une vida ou d’une razo.
65 Raynouard, F. J. M., Choix de poésies originales des troubadours [1816], Genève, Slatkine reprints, 1982, t. II, p. clvi.
66 Jeanroy, A., Bibliographie sommaire…, op. cit., 1916, p. 3.
67 Voir Notices de manuscrits français et occitans, Paris, CNRS-IRHT, 1937-2010 (consultation en ligne : http://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k140673j).
68 Voir Raynouard, F. J. M., op. cit., 1816, p. clvii.
69 Jeanroy, A., Bibliographie sommaire…, op. cit., 1916, p. 10.
70 Voir le site de la BnF, Archives et manuscrits : à propos du ms. français 12473 K cette très précieuse notice (consultation en ligne : https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark :/12148/cc13577n).
71 Pommereul, François René Jean, baron de, Campagne du Général Buonaparte en Italie, pendant les années ive et ve de la République française, Paris, éd. Plassan et Bernard, 1797, p. 305.
72 Jeanroy, A., Bibliographie sommaire…, op. cit., 1916, p. 8, et Raynouard, F. J. M., op. cit., 1816, p. clv.
73 Cf. Jullian, M., art. cit., § 6.
74 « Ce processus est parachevé à la fin du siècle par le transfert de la bibliothèque royale de Fontainebleau à Paris, où elle constitue le socle de l’actuelle Bibliothèque nationale de France. » Cf. à propos du catalogue de l’exposition Trésors royaux : la bibliothèque de François Ier, sur le site de l’INHA (consultation en ligne : https://blog.bibliotheque.inha.fr/fr/posts/bibliotheque-francois-ier.html). Voir Trésors royaux. La bibliothèque de François Ier, sous la direction de Maxence Hermant, avec la collaboration de Marie-Pierre Laffitte, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015.
75 Information prise d’après les Notices des manuscrits du département des Manuscrits et de la bibliothèque de l’Arsenal établies par la section romane de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT), 2010, p. 2100. https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark :/12148/bpt6k1406683/f11.image
76 Camps, J.-B., Vocabulaire du texte, vocabulaire de l’image. La représentation des troubadours dans les chansonniers occitans A (BAV, Vat. lat. 5232) I (BnF fr. 854) et K (BnF fr. 12473), Paris, École des Chartes, Mémoire de diplôme de master II, 2009.
77 À propos de cette copie tardive : soit le ms. 3091-3100, « Recueil des poésies des troubadours », voir la notice de la BnF (consultation en ligne : https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark :/12148/cc892127). Ancienne cote : 55 B. F. « Recueil des poésies des troubadours », xviiie siècle, provençal. Papier. Écriture du xviiie siècle. 385 × 250 mm. Demi-reliure en basane. Bibliothèque de l’Arsenal : ms-X, fol. Y. Copies faites pour La Curne de Sainte-Palaye, avec annotations et corrections de sa main. Outre le volume d’H. Omont (Catalogue général des manuscrits français, anciens petits fonds français, Paris, É. Leroux, 1902), on signalera l’ouvrage de François Avril, Marie-Thérèse Gousset et Claude Rabel, Manuscrits enluminés d’origine italienne, 2. xiiie siècle, Paris, Bibliothèque nationale, 1984, no 14, p. 14-15.
78 Camps, J.-B., op. cit., p. 10.
79 Jeanroy, A., Poésies de Uc…, op. cit., p. ix.
80 Notons encore que les deux corpus d’oïl et d’oc, « ont des liens entre eux », rappelle G. Le Vot, « répertoires contigus et quasi contemporains » (Le Vot, G., « Troubadours et trouvères », op. cit., p. 48).
81 Jeanroy, A., Bibliographie sommaire…, op. cit., 1916, p. 17.
82 Gauchat, L., « Les poésies provençales conservées par des chansonniers français », Romania, 1888, Paris, F. Vieweg, Libraire-éditeur, XVII, p. 380.
83 Voir l’ensemble des travaux d’A. Sakari (op. cit.) à propos du poème unicum d’Azalais de Porcairagues.
84 Cf. Shepherd, W., Historic Atlas, Perry-Castañeda Library, Map Collection, University of Texas Libraries at Austin, 1923. Consultation en ligne le 7 mai 2020. http://www.lib.utexas.edu/maps/historical/shepherd/italy_1494_shepherd.jpg The original (pour le site) ; https://www.translatoruser-int.com/translate?&from=en&to=fr&csId=c100352d-8f2c-4199-87d0-10081bdeb2e5&usId=530354b6-66c8-4739-a803-df1feaa53039&dl=fr&ref=SERP_ct&ac=true&dt=2020%2f5%2f7%2010%3a52&h=cV6Bci2HeZ9SEVIIVrfWP_enhIby1NNo&a=https%3a%2f%2fcommons.wikimedia.org%2fwiki%2fFile%3aItaly_1494_shepherd_detail.jpg (pour le document).
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