Chapitre 5 – Le façonnement ambivalent de la scène partisane par les urnes
p. 191-212
Texte intégral
1La constitution de 2011 et la loi de 2006 relative aux partis politiques contribuent à délimiter les frontières externes de la politique instituée, à travers l’édiction de normes et la production d’instruments qui permettent d’en verrouiller l’accès, d’en exclure les indésirables et d’en réguler le fonctionnement. Par ailleurs, les dispositifs qui encadrent la compétition électorale prolongent et consolident ces dispositions, tout en pesant sur la configuration interne de la scène partisane. En amont des scrutins, ils favorisent, d’une part, une meilleure représentation des femmes et des jeunes et, d’autre part, une surreprésentation du rural et une sous-représentation du vote citadin, dont l’enjeu principal est de réduire l’asymétrie entre les capacités de mobilisation électorale du Parti de la justice et du développement (PJD) et celles de ses compétiteurs. Ce faisant, dans un contexte de « transition permanente1 », les mises en scène concurrentielles de la représentation et « les luttes symboliques pour la définition de l’excellence politique » trahissent la confrontation entre anciens et nouveaux entrants (Offerlé, 1999, p. 25), entre des élites établies et des contre-élites émergentes.
Féminiser et rajeunir les représentants de la nation
2Malgré la constitutionnalisation précoce (1962) de l’égalité des droits politiques entre femmes et hommes, la sphère politique instituée fonctionne comme un club masculin jusqu’à la fin des années 1990. En effet, la progression des candidatures féminines aux élections législatives reste timide : 16 en 1963, 8 en 1977, 15 en 1984, 33 en 1993, 69 en 1997 (Enhaili, 2006, tableau 8). Il faut attendre les législatives de 1993 pour que 2 femmes (0,9 % des élus au scrutin direct) fassent leur entrée dans la Chambre des représentants, et la nomination en 1997 d’un gouvernement de transition pour que 4 femmes deviennent secrétaires d’État. À l’échelle communale (ibid., p. 17), 9 conseillères sont élues (0,067 % de l’ensemble des élus) dès 1976, mais la représentation féminine demeure minime : 43 élues en 1983 (0,28 %), 77 en 1992 (0,35 %), 83 en 1997 (0,34 %). Après deux décennies de combats féministes, les années 2000 observent l’affirmation d’un féminisme d’État (encadré 16), devenu « une source de légitimité de la modernisation politique » (Alami M’chichi, 2010, p. 31).
Encadré 16 : L’affirmation d’un « féminisme d’État »
Un premier tournant est impulsé par le gouvernement d’alternance en 1999 avec la proposition du « Plan d’action national pour l’intégration de la femme au développement ». Fruit d’une étroite collaboration avec des militantes féministes, ce projet innove par l’adoption d’une approche « genre » et cible quatre domaines d’intervention principaux : le renforcement des pouvoirs et des capacités dans les domaines juridique, politique et institutionnel ; l’éducation ; la santé et l’intégration au développement économique. Le premier volet suscite une large contre-mobilisation menée par les organisations islamistes. Le 12 mars 2000, le PJD et Al Adl wal ihsane (AWI) sont à la tête de la marche de Casablanca (un million de personnes selon les organisateurs et 200 000 selon la police), tandis que ceux qui soutiennent le projet manifestent le même jour à Rabat (un million selon les organisateurs et 100 000 selon la police). Dans ce contexte de polarisation, la réforme du Code du statut personnel est confiée à une commission royale (avril 2001) et le roi Mohammed VI s’érige peu à peu en « roi des femmes » (Berriane, 2013). Outre des actions symboliques, à l’instar de la médiatisation inédite du mariage royal et de la visibilité sans précédent dont jouit l’épouse du roi, le volontarisme législatif s’étend de la sphère privée, avec la révision du Code de la famille en 2004, aux champs religieux et politique, en passant par les engagements pris à l’échelle internationale. C’est dans ce cadre que des dispositifs visent à créer les conditions d’une féminisation des sphères associatives et politiques.
3À la veille des législatives de 2002, la révision de la loi électorale introduit un quota féminin de 10 % dans la Chambre des représentants, soit 30 sièges sur un total de 325. Grâce à cette réforme, le Maroc cesse de figurer dans les derniers rangs des classements internationaux en matière de représentation parlementaire féminine. Entre 1997 et 2002, le nombre de femmes députées est multiplié par 17,52. Sur le plan communal, ce n’est qu’en 2009 que la modification de la Charte communale permet l’adoption d’un quota féminin de 12 % : le taux de conseillères communales passe ainsi de 0,5 % de l’ensemble des élus à 12,3 %.
4Dans le sillage des protestations de 2011, l’enjeu est autant de poursuivre la féminisation de la représentation nationale que de la rajeunir. Désormais, 90 sièges sont réservés aux femmes (60) et aux « jeunes » de sexe masculin de moins de 40 ans (30) sur les 395 sièges de la Chambre des représentants, soit des quotas respectifs de 15,2 % et de 7,6 % (Bulletin officiel, 2011, article 23). En 2011, 67 femmes sont élues. Cinq ans plus tard, le quota « jeune » n’est plus réservé à la gent masculine, ce qui améliore de nouveau la part des femmes dans la Chambre des représentants. En 2016, celles-ci sont au nombre de 81, soit 21 % de l’ensemble des élus. Néanmoins, cette amélioration est jugée faible au regard des performances réalisées par les pays voisins. En effet, selon les classements mondiaux établis en fonction du pourcentage des femmes dans les parlements nationaux, le Maroc se situe à la 88e place, bien derrière l’Algérie (37e) et la Tunisie (40e) qui ont établi des quotas féminins de 30 % (Union interparlementaire, 2016).
5Reste à signaler deux effets des quotas réservés aux femmes et aux jeunes. Sachant que l’ordre de classement dans les listes qui leur sont dédiées tend à garantir l’élection ou à l’exclure, un tel enjeu contribue à attiser les conflits entre femmes, puis entre « jeunes » du même parti. Les tensions s’exacerbent d’autant plus lorsque les concurrents perçoivent dans ces agencements des logiques de proximité, souvent d’ordre familial, avec les dirigeants du parti (Vairel, 2009 ; Allal, 2009).
Tableau 8 – Représentation féminine dans la Chambre des représentants entre 1963 et 2016.

6Pour sa part, l’instauration d’un quota pour les jeunes au sein de la Chambre des représentants s’inscrit dans une historicité de l’action publique. Tout au long de l’histoire contemporaine du royaume, les discours officiels portent l’empreinte de l’ambivalence : « jeunesse menace ou jeunesse promesse ? » (Bennani-Chraïbi et Farag, 2007, p. 13.) Mais la nature du danger que celle-ci représente ne cesse de se reconfigurer.
7À partir de la fin des années 1980, la figure des années 1960 et 1970 d’une jeunesse intellectuelle, avant-garde révolutionnaire, laisse peu à peu place à l’archétype du jeune diplômé chômeur (encadré 12). Que ce soit dans le sillage de révoltes urbaines, d’attentats suicides ou du « printemps arabe », les maux de la jeunesse et les menaces qu’ils représentent pour la stabilité politique nationale et internationale tendent à être saisis sous le prisme de « la crise » (démographique, économique, de l’emploi, du logement, etc.). Outre le volet sécuritaire, les solutions envisagées relèvent principalement de trois domaines : la formation, l’emploi et la participation.
8Depuis l’avènement de Mohammed VI, l’appel au rajeunissement des élites politiques et à la participation électorale des jeunes est récurrent. En 2011, les protestations du Mouvement du 20 février lui donnent un nouvel élan : création du Conseil de la jeunesse et de l’action associative3 ; incitation des partis politiques à « redoubler d’efforts pour favoriser la réconciliation des citoyens, surtout les jeunes, avec l’action politique dans sa noble acception patriotique 4 » ; mise en place d’un quota au sein de la Chambre des représentants. Les « aspirations légitimes » de la jeunesse sont reconnues. Mais, face à la menace implicite qu’elle constitue, celle-ci est sommée de devenir une « actrice » dans le cadre d’une « révolution renouvelée du roi et du peuple » en vue de « parachever l’édification du Maroc de l’unité, du progrès et du développement global5 ». En 2018, dans le prolongement d’une nouvelle vague protestataire, le projet de réintroduction du service militaire apparaît comme une autre tentative de disciplinarisation de la « jeunesse inutile » (Almoukhlis, 2014), plus que jamais érigée en classe dangereuse.
Réduire une asymétrie électorale croissante entre le PJD et ses concurrents
9Depuis son entrée en scène, le PJD observe une poussée électorale qui se poursuit au-delà de son accession à la tête du gouvernement en 2011. Ce faisant, l’asymétrie se creuse entre lui et ses concurrents. Dès le début des années 1960, le régime a procédé à une stratégie de densification de la scène partisane pour faire face à l’asymétrie électorale en faveur du Mouvement national. A posteriori, c’est la réduction effective de cet écart qui a rendu possible la formation du gouvernement d’alternance consensuelle en 1998. Au cours des années 2000, l’ingénierie électorale prend le relais de l’intervention directe dans les urnes, pour entraver la progression du PJD, puis pour favoriser l’émergence d’un contrepoids en vue de polariser l’arène électorale.
Une progression électorale continue…
10Les résultats obtenus par le PJD pendant les scrutins directs législatifs et communaux constituent un bon indice des prouesses électorales de ce parti (tableaux 9 et 10). Entre 2002 et 2016, il multiplie le nombre de ses sièges par trois dans la Chambre des représentants6, et par huit dans les communes.
Tableau 9 – Progression du PJD dans la Chambre des représentants.

Tableau 10 – Progression du PJD à l’échelle communale.

11Au niveau de la Chambre des représentants, le PJD s’érige dès 2002 en troisième force électorale, après l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et l’Istiqlal, alors même qu’il ne se présente que dans 61 % des circonscriptions. Lors du scrutin de 2007, il couvre toutes les circonscriptions et arrive au premier rang en nombre de voix exprimées, mais au deuxième en nombre de sièges derrière l’Istiqlal. À cette occasion, il manifeste sa faible présence dans les zones rurales. En 2011, il s’impose en tant que première force électorale. S’il gagne quelques élus dans les provinces à dominante rurale, il confirme son ancrage urbain. Alors qu’il mobilise près de 23 % des votes exprimés sur le plan national, ce taux s’élève à 39 % en moyenne dans les 13 préfectures du royaume, autrement dit dans les collectivités territoriales à dominante urbaine7. En revanche, il enregistre ses scores les plus bas dans des provinces rurales, soit moins de 6 % des suffrages exprimés (Goeury, 2014). En 2016, le PJD récolte 27 % des voix exprimées, devançant de 6 points son concurrent direct, le Parti authenticité et modernité (PAM), qui arrive en deuxième position avec près de 21 % des voix. Le nombre de votes en sa faveur s’accroît de 50 % entre 2011 et 2016. Depuis les législatives de 1977, c’est la première fois que deux partis totalisent plus de 20 % des voix chacun et que l’un d’entre eux dépasse le seuil des 25 % (tableau 118). D’après les analyses électorales effectuées par le géographe D. Goeury, la tendance du PJD à mobiliser un vote essentiellement urbain se poursuit9. D’une part, les plus fortes progressions sont enregistrées dans les circonscriptions préfectorales (à dominante urbaine), là où le parti est bien implanté localement. D’autre part, si le nombre de suffrages en faveur du PJD double dans 30 circonscriptions provinciales (à dominante rurale), il tend à se concentrer dans les villes moyennes, et en particulier celles où il a conquis des présidences de commune en 2015. Sur cette nouvelle carte électorale (figure 11), une ligne de partage se dégage entre, d’une part, la politique nationale10, associée au vote urbain et au PJD et, d’autre part, la politique locale et patronnée, en affinité avec le PAM, une tendance annoncée dès les communales de 2015.
Figure 11 – Résultats des législatives de 2016 par circonscription, le PJD dans les préfectures et le PAM dans les provinces.

12Dès sa création, le PJD projette d’investir les mairies pour faire son apprentissage de la politique instituée et se faire apprivoiser par ses concurrents (Catusse et Zaki, 2009). Toutefois, après les attentats du 16 mai 2003, dont certains, notamment à l’USFP, lui attribuent la « responsabilité morale », le parti de la lampe (misbah* – logo électoral du PJD, figure 12) fait profil bas. Aux élections communales de 2003, il ne présente des candidats que dans 18 % des circonscriptions, tout en ciblant les zones urbaines où il est le mieux ancré (Wegner, 2011). En dépit de cette autolimitation, mais grâce à la stratégie adoptée lors des communales, il devient la deuxième force électorale au niveau des villes de taille moyenne et emporte 7 arrondissements sur les 8 où il s’est présenté à Casablanca. Après avoir présidé 16 conseils communaux en 2003, il en dirige 50 en 2009 et 168 en 2015 (tableau 10). Sa conquête des villes s’accélère en 2015 (Desrues, 2016). Il préside les conseils communaux de 19 des 35 villes de plus de 100 000 habitants et dirige les 9 plus grandes villes du royaume : Rabat, Casablanca, Fès, Meknès, Tanger, Marrakech, Agadir, Salé, et Kénitra11. En outre, l’électorat du parti reste concentré dans les circonscriptions uniques des communes de plus de 35 000 habitants12, soumises au scrutin de liste à la proportionnelle (57 % des votes en faveur du PJD)13. Inversement, ce parti n’obtient que 14 % des votes dans les communes de moins de 35 000 habitants et seulement 6 % des suffrages dans les circonscriptions uninominales, c’est-à-dire les plus rurales.
13Autrement dit, bien que le PJD ait enregistré une poussée électorale continue, il puise son électorat principalement dans les zones urbaines, à l’instar de l’USFP des années 1990. Reste à souligner que cette progression et ses modulations trahissent les stratégies d’endiguement mises en œuvre.
Figure 12 – Bulletin de vote, législatives de 2016.

Sur ce bulletin de vote figurent les noms des vingt-six partis politiques en lice lors du scrutin législatif du 7 octobre 2016 dans la circonscription locale de Rabat-Chellah, leurs logos et les noms des candidats en tête de liste. Seize organisations ont présenté une liste locale, parallèlement à la liste nationale destinée à la représentation des femmes dans le cadre d’une circonscription nationale ; elles disposent de deux cases. Dix formations n’ont pas constitué de liste locale ; elles ont une seule case. Relevons en particulier les symboles suivants : l’enveloppe pour la FGD, la balance pour l’Istiqlal, l’épi de blé pour le MP, la lampe pour le PJD, le livre pour le PPS, le cheval pour l’UC, le tracteur pour le PAM, la colombe pour le RNI, la rose pour l’USFP.
… en dépit des stratégies d’endiguement
14L’ingénierie électorale tend à refléter les dynamiques à l’œuvre sur la scène électorale, tout en contribuant à affecter sa configuration et les perceptions des électeurs (Barwig, 2009). Pour autant, ses effets sont indissociables des autres règles du jeu politique. Dans le Maroc de « la nouvelle ère », le recours à cet instrument est prépondérant. Cette prérogative est du ressort de l’Intérieur, qui consulte néanmoins les partis représentés au sein du Parlement14. Même lorsque le secrétaire général du PJD devient chef du gouvernement en 2011, l’ingénierie électorale poursuit le même objectif : entraver la progression de ce parti, avec la complicité de ses concurrents. Dans un premier temps, elle se combine avec une intervention dans les urnes, des pressions et des incitations à l’autolimitation. Lorsque le PJD devient incontournable, la stratégie de la bipolarisation est adoptée : l’enjeu est de favoriser la formation d’une force électorale susceptible de le contrebalancer, le PAM, et ce faisant d’atténuer la fragmentation de la scène partisane.
15Le découpage des circonscriptions électorales pour l’élection de la Chambre des représentants illustre bien les modalités de recours à ces technologies. Aux côtés des méthodes classiques – sous-représenter les circonscriptions urbaines, surreprésenter les zones rurales, montagneuses et semi-désertiques, intégrer des zones rurales dans des circonscriptions à dominantes urbaines (Kasmi, 2015) –, l’Intérieur mobilise également une connaissance fine de la démographie et de l’information électorales. Après la création de nouvelles circonscriptions électorales en 2002, le découpage est modifié à la veille des scrutins de 2007 et de 2011. À la veille de l’alternance, les principes officiels sont énoncés, soulignant la nécessité de « combiner équilibre démographique et équilibre territorial » avec un écart maximal de 20 % (Bulletin officiel, 1997). En 2011, cette marge disparaît de la nouvelle loi organique de la Chambre des représentants, qui fixe des critères beaucoup plus souples (Bulletin officiel, 2011).
16Si le découpage de 2002 est loin de respecter la marge des 20 %, celui de 2007 est interprété comme « une mesure préventive pour désamorcer “l’inévitable” succès du PJD » (Desrues et Lopez Garcia, 2008). À titre d’exemple, pour une magnitude de 2 sièges, le ratio est de 10 240 habitants par siège à Aousserd dans les provinces sahariennes, alors qu’il est de 142 866 habitants par siège à Ben Msik, une circonscription populaire de Casablanca (Szmolka, 2010). Bien que l’Intérieur ait incité au regroupement de partis politiques, à l’instar de ceux issus de la matrice du MP, les effets escomptés restent insuffisants pour contrebalancer l’avancée du parti de la lampe. Dès lors, à la veille des législatives de 2007, l’un des enjeux est d’empêcher un parti d’obtenir plus d’un siège dans une même circonscription. Pour ce faire, le nombre de circonscriptions passe de 91 à 95, et une seule d’entre elles continue à être dotée de plus de 4 sièges (Ouarzazate). Autrement dit, la réduction de la magnitude des circonscriptions se poursuit15, ce qui atténue encore davantage les effets de la proportionnelle.
17Ces mesures ciblent tout particulièrement les circonscriptions comme Casablanca et Tanger, où le PJD s’est illustré en 2002, « soit en réduisant le nombre des sièges en jeu […], soit en incorporant une part importante de population rurale dans la composition de la circonscription » (Desrues et Lopez Garcia, 2008). Néanmoins, ce parti parvient à obtenir plus deux sièges dans les villes côtières de Tanger, Larache, Kénitra, Salé Médina et Rabat Océan. L’Istiqlal réussit la même performance à Fès et à Taroudant sud. Quant à la liste menée par Fouad Ali Himma à Rhamna, sa région d’origine, elle emporte les trois sièges en compétition. Cependant, les protestations de 2011 entravent la progression électorale du parti de l’ami du roi, l’une des cibles des protestataires. Mais, passée cette parenthèse, le PAM se mobilise en vue d’arriver en tête aux législatives de 2016. À la veille de ce scrutin, le seuil électoral est abaissé de 6 à 3 % pour les listes locales16. Cela se traduit par une légère augmentation du quotient électoral17, supposée favoriser les petits partis tout en pénalisant ceux, comme le PJD, qui ont un très fort ancrage (Tafra, 2016, p. 10).
18En définitive, quel est l’impact de l’ingénierie électorale sur la fragmentation ou la bipolarisation de la scène partisane marocaine ? Comme nous l’avons vu, pour préparer l’alternance, les autorités produisent un système électoral où aucun parti ne peut totaliser 15 % des voix. Celui-ci se révèle efficace dès 1993. Ensuite, lorsqu’il n’est plus envisageable d’intervenir directement dans les urnes et que les méthodes utilisées n’entravent pas suffisamment la poussée du PJD, le changement de stratégie vise à bipolariser la scène électorale. En 2016, deux partis récoltent plus de 20 % des voix (tableau 11). Mais la persistance de la fragmentation n’est pas la conséquence directe du mode de scrutin adopté. Si la proportionnelle au plus fort reste contribue bien à freiner l’apparition d’un parti trop puissant, elle favorise cependant les listes qui emportent le plus de voix. Par ailleurs, l’adoption d’un seuil électoral élevé ne suffit pas, en soi, à atténuer significativement l’émiettement. En effet, ce phénomène résulte d’une combinaison de facteurs. D’une part, un lourd héritage de saucissonnage des partis, de découpages qui multiplient le nombre des circonscriptions, réduit leur taille, tout en leur attribuant peu de sièges. D’autre part, comme nous allons le voir, une configuration politique qui favorise les mobilisations clientélaires, sanctionne les organisations de masse et attise les conflits internes au sein des partis politiques.
Tableau 11 – Le poids des partis politiques à travers les suffrages législatifs (1963-2016).

Réajustements et mises en scène de la représentation politique
19En intrication avec les dispositifs institutionnels et les technologies électorales qui pèsent en amont sur les conditions de l’éligibilité et de la (dé)mobilisation des voix, des luttes symboliques produisent également des effets de cens électoral18. Dans ce qui suit, nous allons examiner comment ces filtres contribuent à configurer les filières de recrutement des élus, les ressources mobilisées pour se faire élire, ainsi que les manières d’« aller au peuple19 ». À cet égard, les parlementaires élus au suffrage direct20 constituent un analyseur privilégié des réajustements et des mises en scène de la représentation politique. Ces phénomènes sont d’autant plus fluctuants que le taux de renouvellement de la Chambre des représentants tend à augmenter. D’après les chiffres disponibles, il est de 39 % en 1997, 64 % en 2002, 57 % en 2007 et 64 % en 201621. Le fait même que les « élus éphémères22 » soient plus nombreux que les « professionnels23 » se reflète dans la recomposition des filières socioprofessionnelles d’accès au Parlement et à travers les batailles autour de la bonne représentation politique.
La recomposition des filières socioprofessionnelles d’accès au Parlement
20Tant s’en faut, les données disponibles sur les professions des parlementaires élus au scrutin direct, puis ceux de la Chambre des représentants au Maroc, ne permettent pas de fournir un « tableau des professions d’origine des députés qui ne passe pas par le double filtre de la déclaration de l’élu et du recodage de l’administration24 » (encadré 17). Dès lors, nous invitons à appréhender les recompositions des filières socioprofessionnelles d’accès au Parlement marocain comme une mise en scène de la représentation politique (Catusse, 2008).
Encadré 17 : Les professions des parlementaires, des données filtrées
Les données disponibles sur les professions des parlementaires marocains élus au scrutin direct, puis ceux de la Chambre des représentants sont le produit de plusieurs filtres.
Premièrement, elles proviennent de sources différentes : celles du ministère de l’Intérieur, publiées par A. Claisse (1985b) pour les scrutins de 1977 et de 1984, et par M. Catusse (2000) pour les années 1993 et 1997 ; celles du ministère de la Communication (2002) pour la législature de 2002 ; l’annuaire des députés de la Chambre des représentants pour 2002 et 2007, et les données produites par l’administration de la Chambre des représentants pour 2011, et récoltées par M. González García de Paredes au cours de sa recherche doctorale sur « La représentation politique et parlementaire des jeunes » au Maroc25. Dans le cadre d’un travail d’équipe avec ce think tank, nous avons consolidé les données de 2007 et de 2011.
Se pose ensuite le problème du codage. Les catégories construites par le ministère de l’Intérieur ou de la Communication varient dans le temps. Concernant les données « brutes » disponibles pour les législatures 2002, 2007, 2011, nous les avons recodées, mais il arrive qu’elles n’indiquent que la branche d’activité (pour les agriculteurs par exemple), que le secteur d’emploi (« fonctionnaire ») ou qu’elles soient trop vagues (« directeur », « administrateur »). Quant à celles de 2016, elles sont peu utilisables en l’état. La catégorie qui vient en tête et qui regroupe 108 personnes est celle des « indépendants », sans qu’on sache ce que cela recouvre exactement.
Il va sans dire que rien ne permet d’identifier ni le moment de la carrière professionnelle auquel le répondant se réfère, ni un éventuel multiactivisme, ni la part du travail effectué pour « renvoyer une image positive, ne correspondant pas toujours à [l’]activité réelle » (Boelaert, Michon et Ollion, 2017, p. 11-12). Enfin, ne serait-ce que parce que l’administration a souvent recodé une bonne partie de ces données, il reste difficile d’« interroger les catégorisations de manière contextualisée » pour éviter de naturaliser des « vocables semblables mais qui signifient des choses différentes » (Offerlé, 2017, p. 457).
Du fait de la nature de ces données, les regroupements réalisés tendent à tenir compte des catégories qui font sens pour les acteurs.
– La catégorie « Hommes d’affaires, entrepreneurs, directeurs de société, industriels » rassemble également les occurrences : directeur d’entreprise, chef d’entreprise. Combiner cette catégorie avec celle des commerçants (comme nous l’avons fait précédemment) permettait de faire ressortir les tentatives de transfert des capitaux économiques vers le politique. Mais, dans la mesure où les données disponibles entre 2002 et 2011 autorisent la reprise d’énoncés plus ou moins bruts, nous y renonçons.
– La catégorie « Enseignants » réunit tous les cycles d’enseignement du public et du privé. Dans les données officielles, elle est souvent dissociée de celle de « fonctionnaires ».
– La catégorie « Cadres supérieurs, professions libérales et intellectuelles » regroupe des professions libérales réglementées (avocature, médecine, etc.), des activités exigeant des diplômes supérieurs scientifiques prestigieux (ingénierie), des professions supérieures liées à l’information et aux médias (par exemple le journalisme).
– Lorsqu’une donnée est imprécise, manquante ou très faiblement représentée, nous avons fait le choix de l’insérer dans « Autres ».
21En contexte démocratique, des professions plus que d’autres prédisposeraient à la réussite politique. Les unes, comme l’enseignement, l’avocature, la médecine, seraient « conductrices » ; d’autres, comme le journalisme, les relations publiques ou celle de collaborateur politique, seraient choisies de manière « instrumentale » et anticipée (Cairney, 2007, p. 217).
22À cet égard, relevons que les viviers socioprofessionnels les plus classiques dans les démocraties fondatrices sont concurrencés dans le Parlement marocain par des filières moins fréquentes ailleurs (tableau 1226) : les « agriculteurs » au départ, les « entrepreneurs » pour finir (Catusse, 2008). Ces variations trahissent les tentatives successives du régime de s’adapter et de renouveler ses clientèles, tout en laissant entrevoir les transformations qui affectent, dans un même mouvement, la compétition pour capter les ressources et les élites, l’économie du vote, et les énoncés légitimes au sujet de l’excellence politique.
23Comme nous l’avons vu, depuis la relance du « processus démocratique », les autorités aspirent à diversifier la représentation parlementaire, au niveau des bassins socioprofessionnels entre autres. Parmi les députés élus au suffrage direct en 1977, le profil des « Indépendants », investis et soutenus par le ministère de l’Intérieur, refléterait l’ouverture voulue par le régime sur les classes moyennes, les cadres et les fonctionnaires, qui étaient jusque-là l’apanage des partis issus du Mouvement national, notamment de l’USFP. Ainsi, les professions libérales et intellectuelles prédominent, mais les agriculteurs, qui incarnent les clientèles rurales du régime, demeurent très présents.
24La composition du Parlement en 1984 laisse transparaître la poursuite de la diversification et du rééquilibrage entre les filières, recherchés par les autorités, à la suite des premières retombées sociales du Programme d’ajustement structurel. Pour rappel, cette stratégie aurait recoupé l’aspiration des élites administratives et politiques à la « modernisation », associée à la représentation des femmes, des jeunes et des « cadres ». Grâce à l’appui de l’Administration, l’Union constitutionnelle (UC) puise abondamment dans la fonction publique.
25En 1993, la quête de l’alternance se traduit par le renforcement du nombre d’enseignants, surreprésentés à cette époque au sein de la gauche. À partir de cette date, deux viviers jusque-là dominants parmi les clientèles du régime, à savoir les agriculteurs et les cadres de l’administration (autres que les enseignants), amorcent une courbe descendante.
26En 1997, à la veille de la formation du gouvernement d’alternance, la Chambre des représentants élue au suffrage direct révèle la montée en flèche des catégories dotées en capitaux économiques. Cette tendance s’amplifie en 2002 et en 2007, pour s’infléchir après les protestations de 2011. Dorénavant, les filières en concurrence sont, d’une part, les enseignants et les professions libérales et intellectuelles, revigorés par la très forte progression des élus du PJD et, d’autre part, ceux qui figurent dans les statistiques sous les étiquettes « industriels », « hommes d’affaires », « directeurs de société » ou « entrepreneurs ». Ce phénomène fait écho aux mutations de l’économie du vote au Maroc.
27Il serait trop réducteur de percevoir dans la montée des « entrepreneurs » et des « hommes d’affaires » au sein du Parlement une traduction mécanique du « grand récit » qui a érigé de telles figures en symbole de la performance, de la « réforme » et du « changement politique » (Catusse, 2002a). En effet, à l’échelle du Parlement, les « entrepreneurs » élus ne constituent pas une catégorie sociale et politique homogène. Comme nous le verrons, leur domination au sein de la Chambre révèle, en premier lieu, la prépondérance des mobilisations clientélaires sur le marché électoral marocain. Leurs profils trahissent souvent une déconnexion entre des tentatives de codifier un nouveau seuil de l’excellence politique – qui renvoie à une « économisation du politique » à l’échelle des énoncés légitimes (Catusse, 2008) – et des modes de fonctionnement du marché électoral marocain – qui dénotent une marchandisation du politique. Si les « compétences » et les « performances » de quelqu’un comme Driss Jettou (encadré 13) peuvent être reconnues en haut lieu et favoriser un accès direct au centre, elles ne sont pas en soi reconvertibles en capital électoral. Pour ce faire se déploient des formes réajustées de fabrique partisane de la notabilité (Fretel, 2004). Elles passent en premier lieu par des « luttes symboliques pour la définition de l’excellence politique » et pour la délimitation de la « bonne » représentation (Offerlé, 1999, p. 25).
Tableau 12 – La mise en scène des origines socioprofessionnelles des élus lors des scrutins législatifs en pourcentage.

Batailles symboliques autour de la « bonne » représentation
28Au cours de l’histoire du suffrage universel dans les démocraties fondatrices, l’effet aristocratique de l’élection se réagence au fur et à mesure que la base électorale s’élargit. Il en est de même pour les tensions entre « identification » et « distinction » (Rosanvallon, 1998). Selon Michel Offerlé, « certaines conjonctures de recomposition de l’espace politique » sont particulièrement propices aux tentatives de « réajustement (momentané ou durable) des propriétés du personnel politique et de sa légitimation » (Offerlé, 1999, p. 25).
29Au Maroc, depuis 2002, plusieurs observations localisées sont menées durant les campagnes électorales27. Elles mettent en évidence des batailles symboliques entre anciens et nouveaux entrants, et des manières différenciées d’« aller au peuple ». Qu’ils se réclament de la hiérarchie ou de l’égalité, qu’ils mettent l’accent sur les propriétés sociales qui les distinguent ou sur celles qui les rapprochent de leurs électeurs, les concurrents tentent de recodifier les conditions de la réussite politique en fonction de leurs propres caractéristiques. Nous aborderons ces processus en ponctuant trois registres de légitimation en particulier : l’identité, le dévouement et la compétence.
Des stratégies identitaires concurrentielles
30Les stratégies identitaires déployées reflètent des visions concurrentielles de ce qui constitue le groupe, ses valeurs, son « authenticité », et des modalités différenciées de réactivation des solidarités. Les frontières se définissent et se redéfinissent au niveau des perceptions des électeurs, des propos des candidats et de leurs agents. Bien qu’elles varient selon les configurations locales et la nature des interactions, ces luttes sont sous-tendues par deux pôles : se réclamer de la hiérarchie (Siegfried, 1980) et prétendre au leadership social en valorisant une origine (asl) constituée comme distinctive ; valoriser la proximité entre candidats et électeurs, et mettre en évidence des similarités ethniques, régionales, locales, etc.
31Ces tensions sont manifestes dans les campagnes électorales successives observées par H. Ilahiane (2004) dans l’oasis du fleuve du Ziz (Haut Atlas oriental), un milieu rural hiérarchisé en proie à des changements sociaux rapides. À partir des années 1970, les Haratine (« affranchis »), les membres d’un groupe pendant longtemps assigné à un statut de subordonné, connaissent une mobilité sociale ascendante via la migration. Ils intègrent peu à peu les conseils du village, dont ils étaient écartés jusque-là. Ce faisant, ils concurrencent les notables – des chorfa ou descendants du prophète et des élites berbérophones – dont le statut repose sur la naissance et la propriété de la terre. Ces anciennes élites commencent par disqualifier l’élection « démocratique » et le « désordre » qu’elle produit, lorsqu’elle bénéficie à des personnes, à leurs yeux, démunies de « valeur sociale ». Pendant les élections, elles mobilisent principalement à travers les relations de patronage. En revanche, les candidats et les élus Haratine tendent à « ethniciser » la campagne électorale dans un sens qui est porteur d’égalité.
32Dans le cas des provinces sahariennes, étudié par V. Veguilla (2004), les enjeux identitaires sont d’un autre ordre. Ils sont d’autant plus hypertrophiés que ces territoires font l’objet d’un conflit de souveraineté et qu’ils ont connu des transferts de population. Au cours de l’histoire récente, les autorités centrales ont favorisé l’accès aux mandats électifs des « vrais Sahraouis », selon l’autodésignation des membres de ces tribus, tout en confiant les postes administratifs à des originaires du Nord du pays. En 2002, 31 candidats en tête de liste sur 35 sont de « vrais Sahraouis ». Mais ils sont contraints de se disputer les faveurs des autres électeurs. Dès lors, la faible efficience du registre tribal est compensée par la proposition de politiques publiques, et surtout par des échanges clientélaires et marchands.
33Les identités collectives activées pendant le moment électoral ne se réduisent pas à des dimensions ethnique, tribale ou régionale. Dans les bidonvilles casablancais observés par L. Zaki (2004), les stratégies d’identification ou de différenciation recourent à des critères topographiques, des dates distinctes d’arrivée en ville ou au bidonville, des origines géographiques communes (Zaki, 2004). Elles puisent aussi dans d’autres registres : un « capital d’autochtonie » (Retière, 2013), l’appartenance à un groupe de pairs ou à une classe d’âge, le fait de partager les mêmes précarités sociales, autant de caractéristiques qui s’incarnent dans la figure de « l’enfant du quartier » (encadré 18). Plus que jamais, la « bonne » représentation est associée à l’égalité plutôt qu’à la hiérarchie. En effet, les personnages saillants, reconnus comme aptes à représenter les intérêts collectifs du groupe, ne sont pas nécessairement les chefs de famille, les plus âgés ou les plus fortunés, mais des acteurs dont la légitimité se construit sur la base de leurs actions et de leur ancrage dans la société locale. Dès lors, la notoriété s’énonce moins en termes de « notabilité » que de « popularité » (cha‘biyya), une qualité politique devenue cardinale, et étroitement articulée à la propension à l’altruisme.
Encadré 18 : Les ressources sociales des « enfants du quartier » (wlad ad-derb), retour d’enquête à Casablanca
D’après nos enquêtes pendant les années 2000 à Casablanca, ceux que l’on surnomme les « enfants du quartier » (wlad ad-derb) sont le plus souvent des jeunes hommes – et par extension des femmes d’âge mûr – dépourvus des capitaux socio-économiques et culturels qui prédisposent à l’indépendance matérielle et intellectuelle. Leur notoriété repose avant tout sur leurs ressources sociales et associatives, aisément reconvertibles en force de frappe électorale. Ils se distinguent par des savoir-faire, des savoir-vivre et des savoir-être.
Les savoir-faire stratégiques sont multiples. Même sans emploi, une infirmière de formation est en mesure de rendre d’immenses services dans un bidonville, en l’absence d’une couverture sociale généralisée. Quant au chauffeur de taxi, faute de lignes de bus régulières, en situation d’urgence, il peut sauver des vies en mettant sa voiture de location à disposition de ses voisins. Par ailleurs, la reconnaissance demeure grande à l’égard de la monitrice qui, au bout d’un an, permet à des femmes illettrées de déchiffrer des versets du Coran. Les plus instruits – ou même une femme de ménage dans un lieu aussi stratégique que la commune – jouent un rôle d’intermédiaires culturels, intercèdent en faveur des plus démunis, déboussolés à chaque négociation du moindre papier administratif.
Il faut aussi se distinguer par son aptitude avérée à servir ses semblables, à susciter leur confiance, voire leur pitié. Le respect et la confiance se gagnent grâce à des traits de personnalité (audace, honnêteté, « sale caractère »), des comportements (générosité, disponibilité, piété filiale, etc.), se concrétisant dans des actes de soutien répétés, exprimés à travers des formules récurrentes : « tay weqef m’ana » (il se tient « debout » à nos côtés), « ma tay tekhellach ‘lina » (il ne nous laisse pas tomber).
Par ailleurs, la notoriété s’étend souvent aux membres de la famille. Certains se substituent à leur oncle ou à leur père, au rôle social prééminent, espérant mobiliser aussi bien la génération des pères, grâce à leur nom, que celles des pairs, du fait de leur propre popularité, qui est du reste instable. Inversement, le registre de la pitié mobilise tout autant (Zaki, 2004). Le « méchant » du quartier peut également jouer un rôle central. Il appartient souvent à une fratrie masculine nombreuse qui se distingue par sa taille et sa force. Il est tantôt protecteur, tantôt prédateur, arbitre de l’ordre et du désordre.
Ces dispositions et ces pratiques se traduisent de plus en plus en engagements dans les organisations informelles et formelles du quartier. Grâce à leurs qualités, les personnes « populaires » se hissent au sommet de la chaîne de solidarité. Ici et là, des bidonvilles expérimentent des formes de mutualisation (collectes ponctuelles en cas de maladie et de décès, ou régulières pour assurer des services collectifs). Et, bien avant l’avènement des associations dans ces zones, les équipes de football constituaient déjà les lieux privilégiés de gestation d’un esprit de corps, convertible en force de mobilisation électorale, canalisable par les entraîneurs de football, et sur lesquels parient souvent les patrons électoraux.
Très fréquemment, ce sont ces mêmes réseaux de proximité qui sous-tendent la création d’associations de quartier. Ce registre est devenu tellement central que, lorsqu’ils évoquent leurs propres qualités, les candidats des quartiers tendent à utiliser l’attribut « associatif » (jam‘awi) comme synonyme du mot « populaire » (cha‘bi). Ainsi, modèle associatif et clientélisme ne s’opposent pas systématiquement, les réseaux de solidarité horizontaux formels et informels s’érigeant en maillons du dispositif clientélaire électoral. De même, il serait trop hâtif de considérer ces « enfants de quartier » comme « dépolitisés ». Leurs propos manifestent souvent une politisation par désingularisation : ils expriment une « identité », énoncent des « problèmes », expriment un « sentiment d’injustice » et désignent, parfois, des « responsables » (Gamson, 1992). Lorsqu’ils disent « nous », ils se réfèrent tantôt aux « jeunes », tantôt aux habitants de leur bidonville, quartier, et au-delà aux catégories populaires agglutinées dans les poches de pauvreté de la ville. Ils se présentent souvent comme des mashuqin (broyés par la vie) face aux « puissants » qui les courtisent à la veille de chaque scrutin. Sur un marché devenu très concurrentiel, l’élection s’érige alors en moment privilégié pour les dominés, qui s’avèrent loin d’être manipulables à volonté, pour acheminer leurs réclamations de ressources rares à l’adresse de « ceux d’en haut ».
Le dévouement : entre la cause du peuple, l’amour de Dieu et le souci du citoyen
34La distinction par le dévouement se décline sous des formes non exclusives les unes des autres. Celui-ci peut être porté par une entreprise collective qui invoque une cause ou « l’amour de la patrie ». C’est par exemple le cas de candidats de l’USFP qui continuent à mobiliser, au début des années 2000 du moins, une composante essentielle de leur capital partisan : la répression, voire le fait d’avoir sacrifié le parti en 1998, puis en 2002 « pour sauver le pays ».
35D’autres encore puisent individuellement ou collectivement dans le registre de la « bienfaisance », plus ou moins discontinue, plus ou moins informelle, et qui serait motivée par « l’amour de Dieu » (fi sabil allah). Les pratiques d’évergétisme se développent aussi sous forme d’organisations plus complexes et plus durables, mais toujours charitables, à l’instar des fondations qui bénéficient du patronage de membres de la famille royale ou d’autres personnalités.
36De plus en plus, le souci du « citoyen » (al-muwatin) se fraie un chemin. En effet, l’expansion de l’offre associative à partir des années 1990 amène à une redéfinition de « l’action sociale » (‘amal ijtima‘i) dans un sens syncrétique mêlant développement social, ancrage dans un territoire, action de « proximité » (qaraba) et « politique du faire » (Goirand, 2000)28. À cet égard, les données de l’enquête par questionnaire que nous avons menée pendant les congrès nationaux de dix organisations partisanes entre 2008 et 2012 montrent que cet essor associatif se manifeste y compris au niveau des bassins de recrutement partisans. Sans constituer un phénomène nouveau, l’adhésion associative antérieure à l’engagement partisan connaît une courbe ascendante, notamment à partir du début des années 1990. Si l’adhésion associative tend à se banaliser, la nature des activités prédominantes varie significativement d’un parti à l’autre. Tandis que les organisations de gauche sont en affinité avec des associations de plaidoyer, les autres partis sont davantage corrélés avec des activités à caractère social et ancrées dans le local. Et c’est dans les articulations entre la sphère associative et la scène électorale que s’observe une réinvention du « dévouement », qui se prête à différents types d’homologation.
37Justement, les élus du PJD hybrident les registres de l’intermédiation institutionnelle, où « les élus jouent le rôle de traducteurs des demandes administratives des électeurs », du « service aux citoyens » et des activités sociales à caractère associatif (Catusse et Zaki, 2009, p. 83). Leurs succès électoraux semblent liés à cet agencement entre capitaux collectifs partisans, capitaux accumulés à travers le parti et son réseau associatif, et capitaux fructifiés à titre personnel et relevant de l’« autochtonie », de l’action de proximité et de la « politique du faire ». De ce point de vue, ils ont contribué à réinventer les relations clientélaires en leur insufflant un sens « moral »29, en les animant de l’esprit du « patronage démocratique30 », tout en leur donnant un ancrage partisan. Par ailleurs, ils ont mis en œuvre une « stratégie de différenciation », autour de trois axes : la compétence et la vertu des militants, la démocratie interne, et une communication fluide (Tomé-Alonso, 2018). La codification de la compétence mérite une attention particulière.
La codification concurrentielle de la compétence politique
38À partir de la fin des années 1990, la question de la compétence est au cœur des luttes que se livrent les nouveaux entrants dans la sphère partisane, qu’il s’agisse des élus du PJD ou des « entrepreneurs ». Les uns ont réussi à en reconfigurer les conditions d’accès, les autres peinent à donner une légitimité électorale à la compétence économique et technique. Dès lors, deux dynamiques sont en compétition. La première hisse la possession d’un capital scolaire et universitaire au rang de condition nécessaire pour accéder à la représentation politique, tandis que la seconde surenchérit en codifiant des seuils autrement élitistes.
39Depuis la première expérience parlementaire de 1963, nous l’avons vu, le niveau d’étude des élus de la Chambre des représentants n’a cessé d’augmenter. En 2002, seuls deux députés sont dépourvus de toute formation scolaire. En 2016, cette tendance persiste bien que le pourcentage d’élus ayant fait des études supérieures continue de s’accroître (tableau 1331).
Tableau 13 – Répartition des élus à la Chambre des représentants en 2002 et en 2016 selon le niveau d’instruction en pourcentage.

40Dans les campagnes électorales observées à Casablanca pendant les années 2000, la stigmatisation des « incompétents qui occupent les sièges du Parlement » – et qui sont par ailleurs « âgés » et surdotés en capitaux économiques – a pour corollaire la mise en avant de « jeunes » (Bennani-Chraïbi, 2004b ; Zaki, 2004). Souvent quadragénaires, ceux-ci sont dotés d’un savoir certifié mais exclus du pouvoir. Au second plan et dans certaines circonstances, il s’agit aussi pour ceux dont les capitaux scolaires sont dévalués, parce qu’ils ont été acquis au Maroc, de prendre leur revanche sur des figures de l’élite citadine de formation francophone (encadré 19).
41Pour sa part, en qualité de nouvel entrant, le PJD cherche à démontrer dès 2002 la surqualification de ses candidats, illustrant ainsi le « coûteux travail de légitimation » accompli en vue de prouver l’« honorabilité » du parti, la conformité de ses postulants « au modèle légitime du bon candidat »32. Jusqu’en 2011, le parti peut se prévaloir de pourcentages records d’élus ayant poursuivi des études supérieures (tableau 1433), ce qui contribue par ailleurs à augmenter la proportion de députés de formation universitaire (64 %) au sein de la Chambre (tableau 13). Quant à leur baisse depuis 2011, elle trahit sans doute un ajustement et une volonté de s’ouvrir à d’autres catégories sociales.
Tableau 14 – Répartition des élus du PJD à la Chambre des représentants entre 1997 et 2011 selon le niveau d’instruction en pourcentage.

42Néanmoins, les adversaires du PJD ne manquent pas de remettre en cause l’aptitude du parti à « gouverner », en mettant en avant une autre conception de la qualification, celle-là même qui associe « la réforme » aux figures du « technocrate » et de « l’entrepreneur », ainsi qu’à une « socialisation cosmopolite34 », qui découle depuis la fin des années 1980 d’une position d’« héritier ». Une telle surenchère trahit les résistances d’une élite qui tente de perpétuer son hégémonie au sein de l’appareil de l’État en érigeant ses propriétés distinctives « en normes tacites d’accès au champ du pouvoir politique35 ». Autrement dit, la superposition d’une qualification par un certain type de compétence et d’une qualification par la fortune laisse transparaître des revendications quasi censitaires. À cet égard, les propos tenus en 2008 par un « homme d’affaires », diplômé d’une école d’ingénieur française et ancien député, donnent à voir un glissement entre les déficiences d’une formation strictement marocaine et un déficit en termes d’insertion dans les réseaux de l’élite :
« C’est triste à dire, mais tout ce qui est issu de l’université marocaine, de la grande masse, n’a pas endossé de responsabilité importante que ce soit dans le public ou dans le privé. Ils sont limités par leur background. […] Ceux qui ont une formation purement marocaine ne sont pas dans l’économie. […] Quand on concentre le recrutement sur l’université marocaine, on se coupe des décideurs, des réseaux » (entretien réalisé par l’autrice, à Casablanca, en juillet 2008).
43En somme, la lutte pour la définition de l’excellence politique se cristallise autour de deux conceptions de la compétence. L’une, plutôt universaliste, est codifiée pour l’usage des « masses », incarnées par les jeunes diplômés et par les candidats du PJD, issus de l’enseignement public marocain. L’autre, davantage censitaire, est taillée en fonction des caractéristiques d’une partie de l’élite économique. Elle valorise plutôt les capitaux scolaires accumulés en dehors du royaume et qui se superposent avec les autres capitaux depuis que les politiques de coopération et les ajustements structurels ont mis fin à une politique d’attribution de bourses jusque-là généreuse36. À cet égard, la montée en flèche des élus du PJD au sein des conseils communaux, des régions, du Parlement, puis dans le gouvernement exacerbe une lutte sourde entre une élite « cosmopolite », dotée de diplômes décrochés dans des établissements étrangers prestigieux, plus à l’aise en français ou en anglais qu’en arabe, et une contre-élite majoritairement issue de l’enseignement public, qui contraint peu à peu les « héritiers » à se réajuster (encadré 19). Toutefois, le PJD a si bien intériorisé ces contraintes qu’il s’est efforcé de former, de spécialiser et de professionnaliser ses élus, voire d’adapter son recrutement (Wegner, 2011, p. 116).
Encadré 19 : L’initiation politique abrupte d’une banquière d’affaire « cosmopolite », échos de la presse et des réseaux sociaux
Le 5 avril 2017, Lamia Boutaleb est nommée secrétaire d’État chargée du tourisme dans le gouvernement El Othmani. Issue de la grande bourgeoisie de Fès, cette nouvelle venue en politique est l’incarnation même de l’héritière « mondialisée ». Ses premières interventions publiques suscitent une vague de persiflages révélateurs.
Sous l’ère de Hassan II, son grand-père, Moulay Ali Kettani, un ancien commerçant d’épices, devient l’une des plus grosses fortunes du royaume et une figure centrale du secteur bancaire (Belhouari, 2011). Avant de devenir « banquière d’affaire » dans le groupe familial, Wafabank, elle accumule un important capital scolaire, qui se matérialise dans quelques lignes de sa biographie officielle : licence en finance et gestion à l’École des hautes études commerciales (HEC) de Lausanne (1993), MBA à la Wharton School of Business de l’université de Pennsylvanie, « Program for Leadership Developpement, Launching New Ventures, Changing the Game » à la Harvard Business School (2007-2008)37.
Dès l’année 2000, elle occupe des postes à responsabilité dans la banque familiale et, après la vente de celle-ci, dans le groupe Attijari Invest. En 2009, elle devient la PDG du groupe Capital Trust qu’elle a cofondé. Après son entrée au gouvernement, ses proches ne manquent pas d’insister sur les « compétences » qu’elle a acquises en dehors du secteur bancaire : elle est conseillère du PDG de l’Office chérifien des phosphates (OCP) de 2007 à 2009 ; elle participe à la préparation du dossier financier de la candidature du Maroc pour accueillir la Coupe du monde de football de 2010 ; elle préside l’Association des sociétés de gestion et fonds d’investissement marocains (ASFIM), etc.
Avant son entrée au gouvernement, elle n’a aucune expérience politique. Bien davantage, elle n’adhère au RNI qu’en prévision de sa nomination en qualité de secrétaire d’État. Selon ses proches, la banquière est l’exemple même du « sang neuf » dont les partis ont besoin. D’après un dirigeant du RNI, cité par Telquel (Ollivier, 2017) : « C’est la première responsable du Tourisme qui connaisse la signification du “return on total asset”. […] Elle est calée en finance et en investissement, elle fera donc un bon interlocuteur pour les investisseurs touristiques internationaux qui sont nécessaires pour relancer ce secteur en berne. » Dans le même article, on peut lire : « Pétrie d’expériences, sauf politiques, Lamia Boutaleb pourra donc compter sur ses compétences de banquière d’affaires pour exercer ses nouvelles fonctions de secrétaire d’État. “En France, un banquier est bien candidat à la présidence. Et il est bien placé pour gagner”, s’amuse-t-on dans son entourage. »
Les ricanements que ses premières interventions orales suscitent sont révélateurs. Ils mettent en évidence la difficulté de convertir en politique des capitaux valorisés dans le monde des affaires (un nom, des titres prestigieux, des réseaux, des « compétences de banquière d’affaires », etc.). Ils font également écho à la bataille symbolique qui sous-tend la codification de l’excellence politique depuis l’affirmation électorale des élus du PJD.
À ce propos, dans un post publié en mai 2017 sur Facebook, le journaliste Abdellah Tourabi produit une analyse sémillante sur les mésaventures linguistiques de la nouvelle secrétaire d’État au Parlement, largement diffusées à travers la toile :
« J’étais fasciné par l’intervention de Lamia Boutaleb au parlement hier, car cette vidéo résume en 3 minutes, l’évolution du Maroc pendant les 30 dernières années.
Tout d’abord, il y a cette fracture linguistique, traduction d’une fracture sociale, entre deux Maroc : celui d’une élite privilégiée, issue des écoles privées, dont la langue française est une langue de vie, de pensée et d’expression, et une autre partie, plus grande, de la population marocaine, produit de l’école publique, qui n’utilise la langue française que d’une manière fonctionnelle, au travail, ou la subit comme une forme de domination et de supériorité. […]
Dans tous les gouvernements des années 80 et 90, il y avait des ministres technocrates, plus à l’aise en français qu’en arabe. Personne ne pouvait les critiquer ni leur reprocher cet “handicap”. Les réunions, les rapports, les projets de loi, les discussions se passaient en français, sans que l’on trouve cela étrange ou inapproprié. Mais maintenant, l’usage de la langue arabe, est devenu l’expression de cette forme d’égalité. La montée en force d’une nouvelle élite politique, les islamistes, a renforcé cette situation. Les railleries et les ricanements des députés du PJD, en écoutant Lamia Boutaleb trébucher et buter sur ses mots, symbolisent cette inversion des rapports de force. Il s’agit d’un véritable conflit de classes, dont la langue n’est que la partie visible de l’iceberg.
Et enfin, cette vidéo montre aussi une nouvelle évolution au sein de la vie politique marocaine : tout technocrate que l’on est, bardé des meilleurs diplômes au monde, ayant le CV le plus intimidant, l’opinion publique vous demandera désormais de lui parler sa langue, de présenter des comptes, et de maîtriser ses codes de communication, surtout quand on prétend assumer une fonction politique […]38. »
Conclusion
44Pendant les années 2000, les dispositifs qui encadrent la compétition électorale accentuent le caractère équivoque de la libéralisation du marché électoral marocain. Le temps électoral se régularise, les urnes deviennent de plus en plus transparentes, les figures de l’élection se féminisent et se rajeunissent, les catégories populaires se mobilisent sous l’effet d’incitations « positives » (irréductibles au vote d’échange), plutôt que « négatives » (pressions administratives). Néanmoins, l’ingénierie électorale prend le relais de l’intervention directe dans les urnes pour entraver aussi bien la constitution d’une majorité politique homogène que l’affirmation d’une force politique dont les capacités de mobilisation électorale surpasseraient celles de ses concurrents.
45À première vue, les modalités de cette libéralisation tendent à dissuader le vote fondé sur une offre programmatique. La « dilution des “marqueurs idéologiques” » découlerait de la cartellisation des partis politiques établis (Kasmi, 2015, p. 237-238). Leurs convergences seraient plus nombreuses que leurs divergences, ne serait-ce que parce qu’ils sont amenés à former des coalitions gouvernementales hétérogènes et pléthoriques, et que c’est l’exécutif monarchique qui établit les grandes orientations.
46Pourtant, les succès électoraux du PJD, continus entre 2002 et 2016, invitent à la nuance. D’une part, ces résultats manifestent les affinités de ce parti à fort capitaux collectifs avec l’univers urbain et, au-delà, avec la politique nationale. D’autre part, alors même que la confrontation entre anciens et nouveaux entrants s’accompagne de tentatives concurrentielles de redéfinition de l’excellence politique, l’essor du parti de la lampe tient justement au fait que ses élus parviennent à s’ériger en contre-élite, en réinventant aussi bien le militantisme partisan que les relations clientélaires. Face à lui, des partis fortement impliqués dans la course aux mandats, mais qui sont loin de disposer d’un appareil partisan et d’une base militante de la même envergure, recourent à d’autres modalités pour produire des formes de notabilité agencées aux contraintes de la sphère politique marocaine.
Notes de bas de page
1 Clin d’œil à D. Maghraoui (2012) qui parle en termes de « transition démocratique permanente ».
2 30 femmes ont été élues grâce à la « liste nationale », qui correspond à une circonscription nationale, et 5 femmes à travers les « listes locales » sur la base des circonscriptions locales.
3 Discours royal du 17 juin 2011.
4 Discours royal du 30 juillet 2011.
5 Discours royal du 20 août 2013.
6 Les données relatives aux élections de 1997 se rapportent aux résultats du suffrage direct.
7 Selon le découpage territorial de 2009, le Maroc est divisé en 16 régions, qui englobent 75 préfectures ou provinces (13 préfectures et 62 provinces), qui regroupent 1 503 communes (221 urbaines et 1 282 rurales). Avec le nouveau découpage de 2015, le nombre de régions est réduit à 12, mais le nombre de préfectures et de provinces reste le même.
8 Ce tableau complète celui que L. Storm (2008, p. 42) a réalisé pour les scrutins qui se sont déroulés entre 1963 et 2002 (au suffrage direct jusqu’en 1993, et pour élire les députés de la Chambre des représentants à partir de 1997). Les législatives de 1970, boycottées par l’Istiqlal et l’UNFP, n’ont pas été prises en compte. Les traitements que nous avons réalisés pour les résultats des législatives de 2007, 2011 et 2016 se fondent sur les données collectées par l’association Tafra et disponibles sur : [http://tafra.ma/donnees/], consulté le 27 décembre 2020.
9 Données produites et généreusement transmises par D. Goeury le 15 juin 2017.
10 Pour rappel, cela renvoie de manière idéale typique à un rapport au politique imprégné par des représentations et des identités politiques plus ou moins conflictualisées et qui transcendent les fragmentations « très localisées et territorialisées ».
11 Seule Oujda résiste à cette poussée : le PJD y est devancé par le PAM.
12 Le seuil est relevé à 35 000 habitants à la veille des communales de 2009 (Bulletin officiel, 2009, article 200).
13 Données transmises par D. Goeury le 15 juin 2017.
14 Une constante dans les constitutions marocaines : le « nombre des représentants, le régime électoral, les principes du découpage électoral, les conditions d’éligibilité, le régime des incompatibilités, les règles de limitation du cumul de mandats et l’organisation du contentieux électoral sont fixés par une loi organique ». Quant à la délimitation des circonscriptions électorales, elle est fixée par décret.
15 Le redécoupage de 2016 réintroduit des magnitudes plus élevées dans certaines circonscriptions (6 et 5 sièges).
16 Le seuil est de 3 % en 2002. Il est augmenté à 6 % en 2007, abaissé à 3 % pour la liste nationale en 2011, puis pour les listes locales en 2016.
17 Il correspond à la division du nombre de voix valides exprimées dans la circonscription par le nombre de sièges attribués à chaque circonscription (entre 2 et 6 sièges par circonscription en 2016).
18 Voir la note explicitant cette notion dans le chapitre 4.
19 Voir la distinction faite par A. Siegfried (1980, p. 320-321) entre deux systèmes électoraux. Le premier nécessite un passage obligé par les « autorités sociales ». Dans le second, « on va au peuple directement […] ; on ne se réclame pas de la hiérarchie mais de l’égalité ».
20 Pour rappel, ils représentent les deux tiers de la Chambre monocamérale jusqu’en 1993. À partir de 1997, le bicaméralisme est introduit et tous les membres de la Chambre des représentants sont élus au suffrage direct.
21 Les chiffres des années 2000 sont en grande partie fondés sur les données collectées par Tafra.
22 Expression utilisée par A. El Maoula El Iraki (2003, p. 247).
23 Dans le cas de la France, cette notion ambivalente s’oppose à la fois aux notables dilettantes, aux techniciens et aux personnages charismatiques. Elle renvoie à la rétribution, à l’inscription dans la durée, à la compétence, ainsi qu’à l’apprentissage de savoirs spécifiques (Offerlé, 1999).
24 Ce que J. Boelaert, S. Michon et É. Ollion (2017, p. 110) ont pu faire dans le contexte politique français.
25 Sur les parlementaires marocains, voir aussi M. A. Parejo (2002) et B. Tomé-Alonso (2015).
26 La surreprésentation d’une catégorie dans un parti est signalée en gris clair lorsqu’elle est notable, et en gris foncé lorsqu’elle est très forte.
27 Voir par exemple les ouvrages collectifs dirigés par M. Bennani-Chraïbi, M. Catusse et J.-C. Santucci (2004), L. Zaki (2009a) et M. Tozy (2010).
28 Sur les transformations de l’action associative au Maroc, voir par exemple E. Cheynis (2008), I. Bono (2010), Y. Berriane (2013).
29 C’est en phase avec « la probité comme argument politique » selon les termes de S. Smaoui (2009).
30 Notion employée par M. Agulhon dans son étude du Midi varois au xixe siècle. Il s’agit d’« un état moyen qui serait une sorte de structure égalitaire sous protection » entre deux états : « la structure “féodale” de la clientèle gravitant autour du patron, et la structure égalitaire pure » (Agulhon, 1979, p. 258 et 481).
31 Les données de 2002 ont été publiées par le ministère de la Communication (2002), celles de 2016 sont tirées d’un texte de synthèse produit par l’administration de la Chambre des représentants mais non diffusé au public.
32 Termes utilisés au sujet d’une autre situation par J. Lagroye, B. François et F. Sawicki (2002, p. 257-258).
33 Tableau réalisé par B. Tomé-Alonso (2016) sur la base des données qu’elle a extraites des curriculums vitae des élus.
34 V. Cicchelli (2016, p. 2) la définit en termes de « processus d’apprentissage de la part des individus des dimensions transnationales du monde qui les entoure ».
35 Termes utilisés par D. Dulong (1996, p. 124) dans son étude sur la Ve République.
36 Concernant les boursiers de l’État marocain qui étudient en France, leur nombre atteint le pic de 18 911 en 1982-1983, juste avant le début de la mise en œuvre du plan d’ajustement structurel (Simon, 2013).
37 Voir le site du ministère de la Culture et de la Communication, « La liste du gouvernement » (page web). Disponible sur : [https://web.archive.org/web/20170816002925/http://www.maroc.ma/fr/content/la-liste-du-gouvernement], capture du 16 août 2017.
38 Abdellah Tourabi, 2017, post Facebook, 11 mai. Disponible sur : [https://www.facebook.com/tourabi.abdellah/posts/10154749470246731], consulté le 18 novembre 2020.

Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La proximité en politique
Usages, rhétoriques, pratiques
Christian Le Bart et Rémi Lefebvre (dir.)
2005
Aux frontières de l'expertise
Dialogues entre savoirs et pouvoirs
Yann Bérard et Renaud Crespin (dir.)
2010
Réinventer la ville
Artistes, minorités ethniques et militants au service des politiques de développement urbain. Une comparaison franco-britannique
Lionel Arnaud
2012
La figure de «l'habitant»
Sociologie politique de la «demande sociale»
Virginie Anquetin et Audrey Freyermuth (dir.)
2009
La fabrique interdisciplinaire
Histoire et science politique
Michel Offerlé et Henry Rousso (dir.)
2008
Le choix rationnel en science politique
Débats critiques
Mathias Delori, Delphine Deschaux-Beaume et Sabine Saurugger (dir.)
2009