Jus proprietarium et jus ecclesiasticum
La restauration de l’abbaye de Saint-Maur-sur-Loire au milieu du ixe siècle
p. 21-44
Texte intégral
1La réforme monastique carolingienne a été introduite en Bretagne sous le règne de l’empereur Louis le Pieux. Cette question de l’histoire de la Bretagne du haut Moyen Âge a retenu l’attention d’Hubert Guillotel1. Nous proposons ici d’étudier un aspect de l’histoire de l’établissement qui joua un rôle important dans l’introduction de cette réforme, c’est-à-dire le monastère de Saint-Maur-sur-Loire appelé aussi Glanfeuil. Son histoire, du ixe au xiie siècle, est intimement liée à celle de l’abbaye Saint-Pierre-des-Fossés près de Paris. Pour comprendre les relations entre ces deux monastères il faut remonter au milieu du ixe siècle lorsque fut restaurée la fonction abbatiale à Saint-Maur-sur-Loire.
2En 828-834, le comte de Porhoët puis du Maine, Rorgon, qui avait reçu ce monastère de l’empereur Louis le Pieux entreprit de le restaurer tant du point de vue matériel que spirituel2. Cependant c’est seulement au début du règne de Charles le Chauve dans les années 840-850 qu’est rétablie la fonction abbatiale dans le cadre d’une réforme originale.
3Les sources diplomatiques concernant cette abbaye permettent de saisir les mécanismes de la mise en place de cette réforme dont les aménagements éclairent les ambiguïtés, nées de l’attribution de cet établissement ecclésiastique à un grand. Ce sont principalement quatre diplômes du roi Charles le Chauve3. De 845 à 850, ces actes donnent des éléments suffisants pour tenter de suivre et de décrire l’organisation institutionnelle de l’abbaye. Ils mettent également en évidence le rôle joué par le roi et celui d’un de ses principaux conseillers l’évêque de Poitiers et archichapelain Ébroin. Par ailleurs, le récit d’Eudes de Glanfeuil composé en 869 apporte des éléments essentiels qui éclairent et permettent d’affiner l’analyse des diplômes4.
Les actes de donation du roi Charles le Chauve
Les menses conventuelle et abbatiale en 845
4Au cours de l’année 845, le roi Charles le Chauve est en guerre contre les Bretons de Nominoé. En juin ou juillet, il assure ses arrières en signant une convention à Saint-Benoît-sur-Loire avec Pépin II d’Aquitaine son neveu rebelle. Puis, il mène campagne contre Nominoé parcourant les régions de la marche de Bretagne, de l’Anjou et du Maine5. En octobre, quittant Rennes il s’arrête à Noyant-la-Gravoyère en Anjou. Là, le roi concède deux diplômes au monastère de Saint-Maur, datés du 21 octobre6. Cette double donation, surprenante par elle-même met en relief d’une manière rigoureuse la distinction entre la mense abbatiale réservée à l’abbé et la mense conventuelle destinée à la communauté des moines ainsi que les droits qui leur sont respectivement attachés dans l’organisation de l’abbaye. Ils nous font percevoir la volonté politique du roi et de son archichapelain et principal conseiller, Ébroin, évêque de Poitiers. Dans le premier diplôme, le roi transfère de son droit dans le droit et le pouvoir de Saint-Maur7 l’église Saint-Vétérin de Gennes où repose le corps du saint avec un factus, c’est-à-dire un manse, tenu par le prêtre qui dessert l’église et six manses, facti, dépendants de ce lieu dans le domaine de Canava avec un manse de maître, mansus indominicatus8. L’ensemble est donné avec tout ce qui s’y rattache vignes, prés, bois, eaux, cours d’eau, moulins, les autres constructions, le marché établi à Gennes et les serfs. Ainsi autour de Saint-Vétérin, c’est tout un ensemble de biens constituant le village de Gennes avec un centre d’exploitation rural qui sont attribués à Saint-Maur. Mais que désigne l’expression potestatem loci ? Le terme potestas dénote le pouvoir juridique de commandement, hérité du droit romain, il s’attache à la personne qui en est investie9. Si l’on étudie la forme du texte, on remarque que le formulaire utilisé par la chancellerie royale est le même que celui d’une donation à un particulier10. Pourtant l’acte attribue les biens au monastère, cependant une place importante est accordée à Ébroin. C’est lui qui intervient auprès du roi pour que cette donation puisse avoir lieu. Si d’un point de vue diplomatique l’acte pose problème dans la mesure où la chancellerie utilise un formulaire, qui en temps normal ne s’applique pas à un établissement monastique, celui-ci prend tout son sens si d’un point de vue juridique on considère que ce n’est pas la communauté des moines qui reçoit ces biens mais uniquement, d’après le préambule, son rector c’est-à-dire l’évêque et archichapelain Ébroin (in ejus juris potestatem). Selon la règle de saint Benoît, c’est le moine élu par la communauté monastique avec le nom d’abbas qui est le rector, c’est-à-dire celui qui dirige avec droiture. Mais à l’époque carolingienne le rector est bien souvent un laïc ou un clerc, qui reçoit à titre de charge publique, (honor), l’abbaye que le roi lui attribue11. Ici Ébroin n’appartient pas à la communauté monastique ; il est donc l’abbé séculier de l’abbaye. L’expression potestatem loci renvoie à la formule in ejus juris potestatem. Or la potestas du lieu est exercée par Ébroin qui a reçu en honor l’abbatiat de Saint-Maur, à ce titre il est le bénéficiaire de l’acte. La fin du précepte renforce très clairement l’idée qu’à cette date, on trouve une mense abbatiale à Saint-Maur-de-Glanfeuil. La donation est étendue aux rectores présents et à venir qui en vertu du droit de propriété, jus proprietarium, auront la libre disposition des biens concédés et l’acte poursuit : « qu’ils aient en tout le libre et absolu pouvoir de faire tant pour donner que pour vendre pour l’utilité de l’Église et même pour échanger12 ». Les biens sont donc placés dans la mense abbatiale de Saint-Maur et les rectores présents et à venir auront sur ceux-ci un droit de propriété. Le roi par ce diplôme veut gratifier Ébroin et rehausser l’honor de son principal et fidèle conseiller, artisan de la convention signée avec Pépin II quelques mois plus tôt. Venant du roi la concession d’une église, ici Saint-Vétérin, à un fidèle n’a rien de surprenant, cette pratique reste courante à l’époque de Charles le Chauve. C’est pourquoi, l’Église ne cesse de la condamner. En juin 845, lors d’un synode tenu à Meaux, les évêques l’ont rappelée au roi13. Dans cet acte délivré en faveur de l’abbé séculier de Saint-Maur, peut-on déceler l’attitude de ce dernier ? Deux éléments nous montrent que Charles le Chauve ne reste pas insensible aux recommandations des évêques. D’une part la donation est faite à Ébroin pour « l’utilité de l’Église », et d’autre part l’acte mentionne le prêtre desservant de Saint-Vétérin, il est explicitement écrit que ce dernier tient un manse qui est attaché à l’église14. On trouve ici un exemple concret de cette réforme promulguée du temps de Louis le Pieux qui préconise l’attribution d’une terre à chaque église pour la subsistance du clergé15. Le fait que l’acte mentionne très clairement cette situation est une garantie de pérennité pour le statut de Saint-Vétérin de Gennes. Comment ne pas voir ici un compromis, dans ce contexte difficile le roi cherche à concilier les nécessaires réformes de l’Église et les impératifs politiques.
5Dans cette perspective, au moment d’aborder le second acte, on peut se demander quel dessein a sous-tendu l’action du roi ?
6Daté du même jour un second diplôme est établi en faveur de Saint-Maur, il est le complément du précédent et donne tout son sens à l’action du roi Charles le Chauve. Toujours à la demande d’Ébroin, le roi concède au monastère in jus beneficiarium, c’est-à-dire en bénéfice, dans le domaine de Bessé : une maison seigneuriale, casa dominicata, avec l’église des martyrs Gervais et Protais, avec les vignes et tous les autres biens qui lui appartiennent ainsi que dix manses, facti ; dans celui de Rillé : un courtil désert avec ses dépendances et cinq facti et demi ; dans le domaine de Syon : la terre de saint Cyr et un factus ; dans celui de La Mimerolle : dix facti avec l’église consacrée à Marie et saint Martin ; dans celui de Saint-Just-sur-Dive : cinq facti ; dans le domaine de Fenêt : un factus et dans celui de Portiacum : un factus16. Tous ces biens sont donnés en toute intégrité avec les colons et les serfs demeurant sur ces terres, avec les maisons ainsi que toute autre installation, avec les terres cultivables et incultes, les vignes, les prés, les bois et pâturages, les eaux, les moulins, les cours d’eau et les droits de circulation des biens. Au total, une donation de trente-trois manses et demi, auxquels il faut ajouter, la maison seigneuriale de Bessé, le courtil désert de Rillé et leurs dépendances dont l’importance n’est pas précisée. L’acte ajoute que ces biens étaient tenus par un fidèle du roi, Ithier. Il avait très certainement reçu ces terres en bénéfice ou bienfait, car le nombre de manses qu’il tenait correspond au minimum de terres que recevait un vassal royal pour assurer ses services17. Pour l’Anjou cette donation est relativement importante. À titre de comparaison, on peut évoquer les chiffres avancés par Jean-Marc Bienvenu au sujet du domaine de Soeurdres qui comptait quarante-trois manses18. Cette description permet d’en apprécier l’importance mais aussi de mieux souligner la finalité recherchée par l’acte lui-même. Sur les sept noms de lieu mentionnés, trois sont associés à une église, Bessé, Saint-Cyr-en-Bourg et Mimerolle, cela permet de mettre en relief la volonté royale. En rappelant le nom de celui qui avant Saint-Maur en a été le bénéficiaire, Ithier, on en déduit la situation antérieure de ces biens d’Église, attribués à l’entretien de ce vassal et plus particulièrement à celui de son équipement militaire. Ainsi cette pratique, où l’affectation de biens d’Église sert à rémunérer les services de laïcs, si souvent critiquée par le clergé19, trouve ici une solution. Le roi concède ces biens, dont les trois églises, à un établissement monastique en l’occurrence Saint-Maur-sur-Loire et ceci à la demande de son abbé séculier, Ébroin, bénéficiaire du premier acte. Le diplôme est explicite, les biens sont destinés à l’honor du lieu et aux besoins des moines20. Ils sont donc placés dans la mense conventuelle de l’abbaye. Pour garantir l’efficacité de l’acte et son application, on relève dans les clauses finales les termes de ministri et rectores désignés comme étant ceux qui auront la responsabilité de gérer les biens selon la règle monastique21. On peut aisément reconnaître sous le mot de rector, celui qui dirige l’abbaye et administre ses biens. Comme nous l’avons vu, ce dernier peut-être un laïc, dans le cas de Saint-Maur c’est un clerc, l’évêque Ébroin. Le danger est donc réel pour une abbaye de voir peu à peu diminuer au profit de l’abbé séculier ce qui fait vivre les moines. À la lumière de cette explication, on comprend mieux le contenu et le sens du mot ministri, qui associé à celui de rectores, ne peut désigner que les représentants des moines. On voit ici nettement comment pour éviter la perte de leurs biens, le roi confère aux moines la charge de les administrer. Ces ministri et ces rectores devront en particulier percevoir et verser chaque année les nones et les dîmes aux desservants des églises dont dépendent les terres confiées à Saint-Maur22. Ces redevances en nature destinées aux églises ont été confirmées en 779 par Charlemagne, puis réaffirmées au concile de Tours en 813 et aux assemblées d’Aix23 de 818-819. L’injonction qui est faite ici montre le souci du roi de voir appliquer et respecter les droits accordés à l’Église. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant que la terre de saint Cyr située dans le domaine de Syon soit en fait un cas identique à celui rencontré dans le premier acte de 845, c’est-à-dire une église à laquelle est attachée une terre pour les besoins du prêtre du lieu, terram sancti Syrici, le diplôme n’en dit pas plus.
7Ainsi, l’abbaye est en quelque sorte l’instrument de la politique royale. Le roi transfère en bénéfice à un établissement monastique des biens qui autrefois avaient été concédés, de la même manière, à un laïc. À titre de bénéficier le monastère les administre. L’injonction « aussi longtemps qu’il apparaîtra qu’en cet endroit ils militent pour le Seigneur sous la norme monastique » complète la perspective réformatrice du roi qui allie, pour que la donation puisse être pérenne, l’usage et la possession de ces biens à la nécessité d’observer la règle de saint Benoît. Par son action le roi contribue à l’épanouissement de l’idéal monastique dont la prière d’intercession, un des éléments essentiels, est invoquée dans la dernière clause de l’acte24.
8Par ces deux actes le roi encourage son fidèle Ébroin dans son soutien à la vie monastique en rehaussant, par une donation en pleine propriété, son honor d’abbé séculier de Saint-Maur, et montre sa volonté d’appliquer les réformes engagées dans l’Église en garantissant, d’une part aux églises séculières des revenus pour leurs desservants et d’autre part aux moines de Saint-Maur la détention de biens pour la communauté.
9Ainsi, l’ambiguïté d’une politique royale tiraillée entre les nécessités politiques et le souci de réformer l’Église trouve ici un compromis dont on aimerait pouvoir mesurer les effets.
L’action du roi en 850
10Le diplôme de 850 permet d’établir une comparaison avec les précédents préceptes. À Chambellay, le 15 août 850, Charles le Chauve accorde de nouveaux biens au monastère de Saint-Maur. Lorsqu’il délivre cet acte, le roi est à nouveau en campagne contre les Bretons25. À travers sa forme et son contenu ce diplôme permet d’observer les prolongements des actes de 845. On remarque en effet une modification du cadre institutionnel dans lequel s’établissaient les prérogatives de chacune des menses de l’abbaye. À la prière d’Ébroin, le roi concède certains de ses biens en Anjou dans le domaine de Soulanger sept facti et demi avec une cour seigneuriale, cortis dominicata, ainsi que les vignes et des bois ; en Poitou dans le domaine de Bournand quatre facti26. Ces biens sont donnés avec les membres de la familia, c’est-à-dire ici les serfs qui sont attachés à la cour seigneuriale, avec les terres cultivables et incultes, les vignes, les prés, les bois, les pâturages, les eaux, les cours d’eau et les droits de passage ou de circulation des biens. Au total onze facti et demi auxquels il faut ajouter la cour seigneuriale de Soulanger.
11Au premier abord, aucun indice dans cette donation ne semble révéler un quelconque prolongement des actes de 845 et de l’action royale. Si en effet les biens par eux-mêmes n’évoquent rien de très significatif, excepté le fait qu’ils se situent dans la même zone géographique que ceux de 845, c’est-à-dire le sud-est du Saumurois aux confins de l’Anjou et du Poitou, un élément décisif laisse percevoir une continuité voulue et souhaitée par le roi. Ces biens qu’Ébroin demande à Charles le Chauve de concéder à Saint-Maur dépendent de l’église Saint-Vétérin de Gennes ; ceux-ci avaient été détenus par le comte d’Anjou27. Cette indication permet alors de reconstituer d’une manière très précise le processus engagé en 845. À cette date, le roi place l’église Saint-Vétérin dans la mense abbatiale de Saint-Maur. Il donnait également le domaine de Canava, dépendance de cette église. Et ici, cinq ans plus tard, profitant de la vacance de l’honor comtal angevin, du fait de la trahison du comte Lambert28, le roi poursuit cette attribution des biens de Saint-Vétérin au profit d’une autre église Saint-Maur-sur-Loire.
12Le contenu de l’acte permet d’apprécier l’action du roi vis-à-vis de Saint-Maur, on peut alors se demander quelle mense va bénéficier de cette dotation ? Il y a là comme un point de repère pour déceler l’évolution institutionnelle de l’abbaye entre 845 et 850.
13Les biens sont ici concédés au monastère dans un but bien précis : « pour les luminaires de cette église et les besoins des moines de ce lieu afin qu’ils les détiennent selon le droit ecclésiastique29 ». La communauté des moines est explicitement mentionnée, c’est à elle que les biens sont attribués pour ses besoins en particulier pour l’entretien du luminaire. Pour cela les biens sont placés dans le droit ecclésiastique. On retrouve cette notion un peu plus loin dans le dispositif de l’acte, mais cette fois-ci en lien avec le rôle qu’exercent les rectores qui selon ce droit ecclésiastique devront administrer ces biens :
« Nous les déléguons légalement sous l’autorité des recteurs de ce lieu pour être administrés suivant le droit ecclésiastique, c’est-à-dire que tout ce qui peut être fait et exigé par eux selon le droit et raisonnablement pour les honneurs, les nécessités et travaux de ce même susdit monastère […] que cela fournisse une aide et qu’ils soient une contribution en tout temps aux usages et besoins des moines servant le Christ en ce même lieu30. »
14On voit une évolution très nette par rapport à l’acte de 845 qui attribuait des biens à la mense conventuelle de l’abbaye en la prémunissant de toute ingérence d’un éventuel rector séculier. Si la volonté royale est identique c’est qu’il faut chercher ce qui a changé dans la situation institutionnelle de l’abbaye. L’acte de 845 fait état des ministri et rectores et nous avons expliqué ce que ces termes recouvraient, ici rien de tel, les ministri ne sont plus évoqués. Seul l’abbé, rector, dispose de la pleine et entière administration des biens, le roi les attribue explicitement pour être placés sous l’autorité souveraine, auctoritas, des rectores. Comment ne pas mettre en regard l’auctoritas de l’abbé présentée ici et la potestas d’Ébroin du premier acte de 845 ? Point d’achoppement, cette différence essentielle laisse entrevoir que des transformations ont pu se produire dans l’intervalle. Ce n’est plus selon la seule potestas, pouvoir délégué qui découle de l’honor que l’on a reçu du roi, que l’abbé exerce ses fonctions mais selon l’auctoritas qui relève du droit ecclésiastique. L’on comprend mieux alors que les biens de Saint-Vétérin donnés à Saint-Maur ne soient pas attribués à la mense abbatiale à partir du moment où celle-ci n’existe plus. La donation est destinée au monastère qui dans la plénitude de son droit ecclésiastique peut disposer de ces biens sous l’autorité des rectores. C’est de cette manière que l’abbé est évoqué dans la règle de saint Benoît. Il est celui auquel on reconnaît un pouvoir de gouvernement sur l’abbaye31.
15On peut se demander quelle est la place d’Ébroin dans ce nouveau cadre. L’acte lui-même nous le dit, le roi rappelle que le monastère avait été « donné un jour en droit de propriété par notre père au susnommé vénérable évêque32 », il est fait explicitement référence au droit de propriété d’Ébroin sur l’abbaye dès le temps de Louis le Pieux. Dans son récit, les Miracles de saint Maur, Eudes rapporte qu’Ébroin a reçu le monastère d’abord du roi Pépin d’Aquitaine puis de l’empereur alors qu’il n’était qu’évêque nommé33(episcopus constitutus) entre 834 et 837. Le premier acte de 845 évoquait ce droit dans le cadre bien défini de la mense abbatiale où Ébroin exerçait sa potestas. Dans l’acte de 850, on ne retrouve pas la séparation nette de 845 entre les deux menses. La communauté monastique augmente ses prérogatives dans la mesure où le roi donne des biens aux moines, et fait référence aux rectores du monastère en invoquant le jus ecclesiasticum et l’auctoritas qui en découle. Quant à Ébroin, il se voit simplement rappelé par le roi son droit de propriété sur l’abbaye. L’acte n’évoque au sens strict ni l’une ni l’autre des menses mais utilise les deux notions de jus ecclesiasticum et jus proprietarium dont l’interdépendance reste à cerner.
16L’étude de ces trois actes de donation de Charles le Chauve a permis d’apprécier la politique royale vis-à-vis de l’abbaye de Saint-Maur. Plusieurs éléments manifestent que le roi inscrit son action vis-à-vis de cet établissement monastique dans un esprit de réforme souhaité par l’Église. Il y a associé l’entretien de la fidélité d’Ébroin. Ce dernier n’est sans doute pas étranger à cette politique, sa position, son influence et son implication dans l’abbaye de Saint-Maur en font même très certainement un artisan. Cependant à la lumière de l’acte de 850, on remarque que le monastère lui-même a vu son organisation se modifier selon les deux notions de jus ecclesiasticum et de jus proprietarium. Il s’agit maintenant de comprendre, en quoi consiste le droit de propriété d’Ébroin vis-à-vis de ce droit ecclésiastique dans l’organisation institutionnelle de l’abbaye.
L’établissement des Rorgonides à Saint-Maur
17Les actes de donation concédés par le roi Charles le Chauve à Saint-Maur-de-Glanfeuil révèlent l’organisation du monastère d’abord en 845 avec le système des menses, puis en 850 selon le jus ecclesiasticum. Cependant ce dernier acte ne permet pas d’établir avec rigueur le processus qui instaure ce nouveau cadre institutionnel.
18Par chance les actes de Charles le Chauve livrent un quatrième diplôme34. Ce dernier est un privilège monastique qui établit les principes sur lesquels doit être désigné l’abbé à Saint-Maur-sur-Loire. Dans ce précepte le roi prend des dispositions qui tiennent compte sous certaines conditions des droits d’Ébroin et de sa famille, les Rorgonides. Il s’agit de repérer comment ceux-ci s’impliquent dans la communauté et participent avec le roi au maintien de l’observance de la règle monastique dans l’abbaye. Cette présence de la famille d’Ébroin, en 847 à Saint-Maur, n’est pas une nouveauté, une charte du comte Rorgon, dont le nom a été donné au groupe familial, datée du samedi 1er mars 839 l’atteste déjà. Il intervient avant le règne de Charles le Chauve dans un cadre qui paraît différent de celui établi par ce dernier. Le diplôme de 847 serait donc une nouveauté pour Saint-Maur-de-Glanfeuil.
La réalité institutionnelle d’après le diplôme de 847
19Ce diplôme conservé en original, est parvenu jusqu’à nous par les archives de l’abbaye Saint-Pierre-des-Fossés. Délivré lors du plaid général de Bonneuil, en juillet35, il se place chronologiquement entre les diplômes de 845 et celui de 850. Il permet d’observer très précisément l’évolution institutionnelle de l’abbaye. C’est en effet à cette date que Charles le Chauve établit la nouvelle organisation des droits seulement évoqués dans le diplôme de 850.
20Dans l’exposé des faits, qui précède les dispositions royales, il est fait référence à un écrit souscrit par un groupe d’évêques qui établit un constat sur la restauration de l’abbaye et authentifie son nouveau statut. Puis le roi dans le dispositif, après avoir confirmé ce premier écrit, confirme également le précepte de Louis le Pieux qui fondait le droit de pleine propriété d’Ébroin sur le monastère de Saint-Maur.
21Charles le Chauve prolonge alors son action par la mise en place de dispositions qui associent les droits d’Ébroin sur l’abbaye, à un souci de réforme dont il prend la responsabilité. Ainsi, il est possible de mettre en évidence comment, par l’action de Charles le Chauve, le jus proprietarium d’Ébroin sur l’abbaye est lié au jus ecclesiasticum pour aboutir sous une forme particulière à une pleine restauration de la fonction abbatiale à Saint-Maur-sur-Loire.
Le privilège synodal
22L’exposé du diplôme royal de 847 indique qu’Ébroin a présenté au roi un privilège synodal approuvé et signé par un collège d’évêques dont en premier le même Ébroin36. Ce dernier semble bien l’avoir inspiré. Ce privilège en effet confirme, d’après l’exposé du diplôme qui nous le fait connaître, l’œuvre accomplie par l’archichapelain à Saint-Maur dans le cadre de son droit de propriété. Ici il faut être très attentif au contenu de ce constat confirmé par les évêques. Ébroin a rétabli et fondé l’abbaye « dans le statut et la religion de l’ordre monastique ». Il est donc l’artisan du rétablissement de l’organisation du monastère en conformité avec la règle de saint Benoît. L’acte poursuit, qu’il est aussi celui qui a restauré le monastère dans ses biens comme autrefois. On peut se rappeler les actes de 845 et souligner ici la volonté explicite de retrouver la situation prospère du temps où a été fondée l’abbaye37.
23Après cette première partie confirmative, les évêques décident que le monastère reste pour toujours « sous le culte monastique de la religion » et donc régi selon le droit ecclésiastique. Ils établissent d’une manière durable, en vertu de leur auctoritas, la restauration effectuée par Ébroin38. C’est ce texte, « cette même auctoritas sacrée de l’écrit des mêmes saints pères39 », que l’archichapelain présente à Charles le Chauve. Les données de l’exposé ont donc été tirées de cet acte synodal et correspondent à ce que l’on peut lire dans d’autres privilèges du même type aujourd’hui conservés portant en particulier sur la libre élection de l’abbé par les moines40. À la demande d’Ébroin, le roi décrète, dans le dispositif du diplôme, qu’il confirme « ce qui est contenu par droit sacré dans l’auctoritas de l’écrit susdit41 ». Ce qui renvoie au nouveau statut de l’abbaye mais surtout à l’œuvre accomplie par Ébroin. Le diplôme poursuit que rien ne doit être modifié ou changé au statut du monastère établi par les évêques42. Comment ne pas voir ici ce qui fonde le jus ecclesiasticum de 850 avec toutes les modifications qu’il apporte par rapport aux diplômes de 845 ? Ainsi, la volonté des évêques et plus particulièrement celle d’Ébroin s’est exprimée pour établir selon le droit ecclésiastique la réforme du monastère de Saint-Maur. Et le roi Charles le Chauve approuve et confirme l’acte qu’ils ont établi.
Le précepte de Louis le Pieux
24Cet écrit fonde le droit de propriété d’Ébroin sur l’abbaye et tous ses biens. C’est le jus proprietarium que l’on retrouve en 850, et qui en 845 est strictement lié aux biens attribués à la mense abbatiale de Saint-Maur dont est titulaire Ébroin. Ce précepte est évoqué deux fois : en premier lieu lorsque le roi, dans l’exposé, signale qu’Ébroin est venu le solliciter au sujet du monastère de Saint-Maur que son père lui a donné ; puis une seconde fois dans le dispositif, lorsqu’il confirme le précepte de son père immédiatement après l’auctoritas des évêques43. Dans la forme du diplôme, entre la requête d’Ébroin et la confirmation du précepte de Louis le Pieux que l’on trouve dans le dispositif, la teneur de l’exposé ne prend en compte que l’acte des évêques. Cet écrit en effet confirmait dans un premier temps l’œuvre accomplie par Ébroin à Saint-Maur. Or lorsqu’il est fait référence à cela, l’exposé précise : « où il est contenu (dans l’écrit des évêques) comment lui-même (Ébroin) a accompli avec un zèle scrupuleux ces choses qui ont été dites44 », c’est-à-dire les actions d’Ébroin. Celles-ci ne sont exposées qu’à la suite de la première mention du jus proprietarium45.
25Ainsi, l’action d’Ébroin confirmée par le privilège synodal est rattachée explicitement à son droit de propriété. Il n’est pas écrit qu’Ébroin a présenté le précepte de Louis le Pieux. Et Charles le Chauve atteste son existence en le confirmant mais n’en rappelle pas le contenu dans les détails. On peut se demander si Charles le Chauve a vraiment eu sous les yeux le précepte de son père ou s’il s’est contenté de l’écrit des évêques qui attestait son existence et l’œuvre qui y était attachée. Il faut noter que la confirmation de ce précepte fait le lien avec les nouvelles dispositions que le roi prend dans son diplôme vis-à-vis de l’abbaye et qu’elles débutent comme nous allons le voir par ce qui concerne le jus proprietarium d’Ébroin.
Les dispositions établies par Charles le Chauve
26Dans la pratique, Ébroin semble avoir profité de son droit de propriété pour restaurer le statut monastique de l’abbaye. Dans la suite du dispositif du diplôme, le roi Charles le Chauve vient achever et garantir l’action commencée par Ébroin. Il en prend ainsi la responsabilité. Pour cela, après la confirmation du diplôme de son père, il assure à Ébroin, jusqu’à sa mort, la propriété du monastère. Il est soumis « à son droit et à sa domination » à titre viager46. Le terme dominacio renvoie explicitement à celui de dominus, c’est-à-dire le maître, celui qui est seigneur, un propriétaire. Ici, Ébroin exerce donc un dominium sur le monastère. C’est le terme qu’utilise Eudes dans son récit des Miracula sancti Mauri lorsqu’il évoque le droit des moines des Fossés47. Ensuite, Charles le Chauve établit les dispositions concernant à plus long terme l’avenir de l’établissement. Il attribue par avance, après la mort d’Ébroin, le monastère à Gauslin. Ici le diplôme souligne l’état de ce dernier et son lien de parenté avec Ébroin « l’homme religieux Gauslin qui lui est proche par le lien de consanguinité48 ». Ce choix n’est pas un hasard, on peut déjà supposer que Gauslin est moine à Saint-Maur de Glanfeuil. D’ailleurs le roi accompagne cette transmission du jus proprietarium d’Ébroin de deux conditions que doit remplir la personne de Gauslin. Il doit en effet mener la vie monastique selon la règle de saint Benoît. Il remplit déjà cette condition, puisque dans ce contexte il est désigné par les termes de religiosus vir. Il doit également gouverner par des décrets conformes à la règle les habitants des terres appartenant à Saint-Maur49. Ces conditions sont le préalable indispensable à l’acquisition du droit de propriété sur l’abbaye par Gauslin. Il faut faire ici le rapprochement avec l’acte de 850 où les biens concédés n’étaient plus liés à la seule potestas de la mense abbatiale mais à l’auctoritas. Il est clair que celle-ci est fondée sur l’acte des évêques, aujourd’hui perdu, et sur ce diplôme de 847.
27On saisit mieux alors le sens que peuvent avoir les termes déjà cités : in statum et religionem monastici ordinis funditus restruxisse ; statuerit […] sub monastice religio cultu ; beati Mauri monasterioli statu. Avant 847, Gauslin est déjà le rector régulier du monastère. Il remplit les conditions nécessaires pour recevoir le dominium sur l’abbaye. La restauration d’Ébroin ne s’attachait pas seulement au rétablissement de la vie monastique selon la règle de saint Benoît, mais aussi au statut du monastère, c’est-à-dire à son gouvernement par un abbé régulier. Le choix de ce dernier chez les Rorgonides renforçait du même coup les prérogatives et le prestige de la famille. L’autorisation des évêques semble avoir été établie pour confirmer le rétablissement d’un abbé régulier à Saint-Maur. Or Eudes rapporte que Gauslin a été ordonné abbé le 30 mai 845 veille de la Pentecôte50. Ainsi, en 847, en garantissant la succession du droit de propriété au rector Gauslin, le roi assure après la mort d’Ébroin, à plus ou moins longue échéance, la pleine restauration de l’abbatiat dans le monastère en conformité avec la règle de saint Benoît. Gauslin en effet réunira en sa personne, le jus ecclesiasticum établi par les évêques, confirmé par le roi et le jus proprietarium qui lui est concédé par avance dans ce diplôme. Il est l’instrument et l’acteur d’une unité dans la direction future de l’abbaye. Il faut voir maintenant comment ces prérogatives familiales vont se prolonger.
28C’est le pouvoir royal qui prend le relais et établit d’une manière durable le cadre institutionnel de Saint-Maur. À la mort de Gauslin, l’établissement doit être placé « comme les autres monastères réguliers de notre royaume sous la protection et la défense de notre garde51 », c’est-à-dire considéré comme un monastère royal. Le roi intervient ici plus directement dans le processus de réforme de l’abbaye et d’une manière qui vise à concilier le respect de la règle et ses intérêts ainsi que ceux de la famille rorgonide : le diplôme prévoit en effet que les moines auront la liberté d’élire leur abbé « selon la règle de saint Benoît ». Cependant ce retour à la règle52 est soumis à conditions. Le roi conserve un droit dans la désignation de l’abbé. Lui et ses successeurs peuvent choisir dans la famille d’Ébroin et de Gauslin celui qui peut leur succéder à condition qu’il soit apte à remplir les fonctions d’abbé, « selon la volonté de Dieu, » ce qui implique qu’il remplisse les mêmes garanties religieuses que Gauslin. Dans le cas contraire les moines auront la liberté d’élire leur abbé selon la règle53. On voit ici le caractère mitigé de la réforme du monastère de Saint-Maur.
29Enfin, le roi place le monastère sous la protection de son immunité. Il interdit à tout agent du pouvoir royal d’intervenir sur les églises, les terres et les autres biens de l’abbaye tant pour exercer la justice que pour percevoir les amendes qui en découlent ou réquisitionner les hommes du monastère pour l’ost. Toutes ces charges publiques seront assurées par l’abbé et ses représentants. Le roi renonce également au profit des moines à sa part sur tout ce qui peut être perçu par l’abbaye54.
30Ainsi, ce diplôme de 847 permet de mieux cerner le cadre institutionnel de l’abbaye de Saint-Maur au milieu du IXe siècle et le rôle joué par les Rorgonides dans cet établissement. Leurs prérogatives trouvent ici une forme d’expression concrète et originale. Le roi a su concilier d’une manière judicieuse son alliance politique avec la famille d’Ébroin et le souci de réforme de l’Église. Avec Ébroin et Gauslin apparaît un groupe familial qui semble uni par une action commune. L’ensemble des décisions prises conduit à la mise en place d’un cadre institutionnel qui ménage sur un plan politique les prérogatives royales et celles des Rorgonides tout en soutenant l’essor spirituel à Saint-Maur. Il faut essayer maintenant de préciser de quelle manière les Rorgonides se sont introduits dans l’abbaye avant 845.
La présence des Rorgonides avant 845
31Le cartulaire de Saint-Maur conserve la copie d’un acte privé, datée du 1er mars 839, fait au monastère même55. Cette charte délivrée par le comte du Maine Rorgon a depuis longtemps retenu l’attention des historiens56. Cet acte en effet est un élément essentiel pour reconstituer le groupe familial des Rorgonides. L’analyse de son contenu nous offre de pouvoir bien observer le cadre dans lequel la charte a été établie. Ainsi, les renseignements qu’elle donne au temps de Louis le Pieux, sur les Rorgonides, permettent une confrontation avec l’évolution institutionnelle que nous venons de décrire. Le comte Rorgon concède à l’abbaye un bien héréditaire. Il s’agit d’un alleu situé en Anjou dans la condita de Mazé et le bien s’appelle Maiminias57. Sont compris dans la donation : l’église du domaine avec la dîme, l’offrande et la sépulture, les serfs soumis à son droit, en particulier trois chefs de famille avec leurs enfants et la serve Leufrade ; les champs, les vignes, les bois, les chemins, les eaux et cours d’eau. Au terme de l’énumération l’acte conclut par la formule générale : « tout ce qui manifestement se trouve dans ce lieu et dans ce domaine ». Bien qu’ils soient nommés distinctement, le locus et la villa semblent être suffisamment imbriqués pour qu’on puisse y voir un village avec son église paroissiale58. Cet alleu est aussi un exemple de biens d’Église possédés par un laïc. Et ici Rorgon place l’église du lieu sous le pouvoir d’un établissement monastique, il abandonne avec son domaine son église « privée ». Ainsi, il participe au mouvement de réforme qui touche l’organisation du réseau des églises rurales. Après la description des biens, Rorgon rappelle qu’il les donne tel que ses parents Gauzlin et Adeltrude les ont eus. Il souligne ainsi son droit héréditaire59. Rorgon remet donc tout cela au monastère de Glanna où son frère Gausbert, mène la vie monastique. Puis il offre son fils Goslin à Dieu, sous la responsabilité de son frère, et place sous leur domination tous les biens qu’il vient de donner à l’abbaye, avec le pouvoir des viguiers (et filium nostrum Gauslinum Deo obtulimus ; ibi ita ut ab hac die sub eorum dominacione ipse res superius nominate cum omni vicariorum potestate permaneant ad habendum vel possidendum). La fin de l’acte regroupe un certain nombre de garanties. Tout d’abord, une clause prohibitive destinée à interdire à tout héritier de Rorgon de chercher à revenir sur ce qui vient d’être établi. Cette interdiction est accompagnée d’une clause pénale, une amende de dix livres d’or, et d’une clause comminatoire de condamnation éternelle60. Ensuite, Rorgon fait corroborer son acte et excommunier ceux qui y porteraient atteinte par deux évêques : celui d’Angers, Dodon et celui de Poitiers, Ébroin dont il précise qu’il est proche par le sang. Enfin il le fait souscrire par ses fidèles dont les noms figurent en bas de l’acte. Outre ces dix noms, souscrivent avec Rorgon, son épouse Bilechilde, qui a confirmé la donation, et son frère Gausbert61.
32L’acte manifeste l’implication de la famille dans la vie du monastère de Glanfeuil : le comte Rorgon est le donateur, son cousin l’évêque Ébroin intervient pour protéger la donation, un troisième, Gausbert, frère de Rorgon, tient une place prépondérante dans la communauté monastique tandis que Goslin vient juste d’y être placé par son père.
33Les renseignements que livre la charte de Rorgon mettent en évidence au temps de Louis le Pieux la présence des Rorgonides à Saint-Maur. En découvrant la position qu’occupe Gausbert, on peut déceler les éléments de continuité et de rupture qui existent entre l’époque de Louis le Pieux et le cadre institutionnel de 847.
34Ce frère du comte Rorgon est d’abord un moine qui vit selon la règle. Dans l’acte il est désigné par l’expression, homme vénérable (ubi vir venerabilis germanus noster Gausbertus, devotissimus Christi famulus, una cum aliis monachis regularem vitam ducit). Ainsi, bien qu’on le distingue au sein de la communauté monastique, il est un des moines, il n’est pas appelé abbas. Il faut donc croire qu’il n’assume pas toutes les prérogatives d’un abbé. D’autres renseignements sont fournis sur la situation de Gausbert par un diplôme de 835 de Pépin Ier d’Aquitaine. À la demande du frère de Rorgon ce roi confirme un acte de Louis le Pieux en faveur de l’abbaye Saint-Pierre-des-Fossés. Dans cet écrit on apprend aussi que Gausbert, vir venerabilis, a fait profession monastique dans ce monastère avec l’accord de l’empereur. Enfin Pépin Ier évoque le rôle qu’exerce Gausbert, en ces termes : « en considération de la grâce du service du susdit très dévoué Gausbert et de la fonction inestimable de ses prières62 ». Il semble donc que Gauzbert ait la même fonction en 835 et 839. Or dans l’acte de 835, il intervient en faveur des Fossés et non pour Saint-Maur. De ces observations, il faut s’interroger sur le lien qui existe entre ces deux abbayes.
35La réponse est dans la charte de Rorgon. Lorsque celui-ci concède ses biens à Glanfeuil, il les donne « à Dieu tout puissant, à notre Sauveur Jésus-Christ, à sa mère Marie toujours vierge et au bienheureux Pierre apôtre pour le monastère de Glanna, là où repose le corps du bienheureux confesseur du Christ Maur63 ». La dédicace de l’église de Saint-Maur au Sauveur est attestée par le récit d’Eudes dans les Miracula sancti Mauri mais aussi par dom Galland dans son histoire de l’abbaye de Saint-Maur d’après des documents qui étaient conservés au trésor de l’Église cathédrale d’Angers : « dédicace à saint Sauveur l’an 838 par Dodon év. d’Angers, 12e année du pontificat de Grégoire IV (pape), la seconde année de Dodon évêque d’Angers, 7e d’Ingelbert, 25e de l’Empire64 ». Les synchronismes donnés par cette source font nécessairement tomber cette dédicace durant la période des mois de septembre à décembre 838. On ne trouve pas cette dédicace au Sauveur, ni celles à Marie et à Saint-Pierre dans les diplômes de Charles le Chauve délivrés en faveur de Saint-Maur. Par contre, ceux octroyés par le même roi au monastère des Fossés sont presque tous, avec quelques variantes dédicacées « en l’honneur de la bienheureuse Marie toujours vierge et du bienheureux Pierre prince des apôtres65 ». En 839, ce n’est qu’après la dédicace des Fossés à sainte Marie et à saint Pierre que sont mentionnés le monastère de Glanna, puis le corps de saint Maur. Ainsi, de manière implicite c’est à Saint-Pierre-des-Fossés pour sa dépendance de Glanfeuil, que Rorgon fait la donation. À la lumière des données des actes de 835 et 839, on comprend mieux de quelle nature est la position de Gausbert à Saint-Maur. Il est dès avant octobre 835 à la tête des moines qui dépendent de Saint-Pierre-des-Fossés. Dans cette situation il ne peut pas porter le titre d’abbé. On en trouve la confirmation dans le récit d’Eudes. Selon lui lors de l’installation des moines des Fossés à Saint-Maur entre 832 et 834, Louis le Pieux aurait délivré un diplôme à l’abbé Ingelbert qui stipulait que les rectores des Fossés devraient y instituer des prévôts et des maîtres (praepositi et magistri). Et il laisse entendre plus loin que les premiers du temps d’Ingelbert à exercer ces fonctions furent Gausbert et un certain Guillaume66. Ainsi, l’acte de 839 atteste qu’à cette date encore Saint-Maur dépend des Fossés. Le cadre institutionnel qui est mis en place sous le règne de Charles le Chauve est donc une nouveauté. Cependant on remarque qu’en 839 Saint-Maur a une certaine autonomie. Rorgon en effet donne ses biens pour qu’ils soient sous leur domination, c’est-à-dire sous le pouvoir des moines et en particulier de Gausbert et de Goslin. Par cette donation de biens patrimoniaux et le don de son fils, Rorgon exprime l’espérance de son groupe familial de pouvoir garder Saint-Maur sous l’influence de la famille. Dans cette perspective Goslin est appelé à succéder à Gausbert, à la tête des moines. Ce n’est pourtant pas lui qui devient abbé le 30 mai 845 mais son cousin et homonyme Gauslin fils de Gausbert67.
36L’acte de 839 semble donc traduire la volonté des Rorgonides de voir l’abbaye devenir indépendante des Fossés. Quant à Ébroin il ne fait que souscrire la charte de son cousin, il s’associe à sa famille pour l’action qu’elle entreprend à Saint-Maur, mais seulement d’une manière extérieure à la communauté. Même s’il a reçu en droit de propriété l’abbaye, il ne fait que cautionner et ne joue pas le rôle qu’on lui verra tenir plus tard sous le règne de Charles le Chauve. Eudes précise à son sujet que du vivant du comte Rorgon il laissa la potestas aux frères des Fossés mais qu’ensuite il brûla le diplôme de Louis le Pieux délivré en leur faveur et renvoya les moines de cette abbaye restés fidèles. Ceci ne s’est produit comme l’indique Eudes qu’après la mort de l’empereur et celle de Rorgon68, entre 840 et 845.
37Grâce à cette série d’actes concernant Saint-Maur-sur-Loire, il est possible de mettre en évidence l’évolution institutionnelle par laquelle l’abbaye est restaurée sous le règne de Charles le Chauve, ceci avec le double concours du roi et des Rorgonides dont le plus influent à cette époque est Ébroin. À travers la restauration de ce monastère, le roi, de manière continue, applique les réformes plus générales entreprises par l’Église. Celles-ci engagées à la suite des assemblées d’Aix de 816-819 concernent particulièrement les biens d’Église et l’observance de la règle bénédictine. Parallèlement le groupe familial des Rorgonides dispose à partir de 847 de certaines prérogatives accordées par le roi, concernant en particulier le choix de l’abbé. Cependant son influence à Saint-Maur n’est pas une nouveauté, dès le règne de Louis le Pieux, ses membres sont impliqués dans l’abbaye, mais dans un cadre qui n’est pas celui décrit sous Charles le Chauve. Il semble en effet qu’il y ait à cette époque une dépendance de Saint-Maur vis-à-vis de l’abbaye de Saint-Pierre-des-Fossés près de Paris. Ébroin paraît jouer alors un rôle de second plan. Ce n’est qu’à partir de 840-841 que les Rorgonides introduits à Saint-Maur cherchent à rompre cette dépendance. Il demeure donc qu’entre 839 et 847, le statut de l’abbaye s’est profondément modifié, dans le cadre des aménagements que nous avons vus, au profit de l’essor spirituel de l’établissement. Les mécanismes mis en place à partir de 847 vont jouer tout au long du ixe siècle.
38C’est le récit d’Eudes qui permet de mesurer la pérennité de ce cadre institutionnel. Il indique en effet que Théodrade a succédé à son frère Gauslin69. Les deux abbatiats durent douze ans de 845 à 856-857. Gauslin est en Bretagne à la fin de l’année 850 et au début de l’année 851. Il est fait prisonnier au cours de la campagne menée en Nantais, en Anjou et dans le Maine par le comte Lambert associé à Nominoé contre Charles le Chauve. Gauslin doit résider dans l’abbaye de Redon environ quatre mois70. Il est peut-être cet abbé Gauslin qui souscrit les actes du concile de Bonneuil le 25 août 855. Comme on peut voir en lui l’abbé de Saint-Germain-des-Prés dans la charte de Brunard du 1er avril 850, il ne l’est plus le 18 décembre 855. Après Gauslin et Théodrade c’est Eudes, l’auteur des Miracula, parent de ces derniers qui est devenu abbé de Saint-Maur en 857-858, puis il devient aussi abbé de Saint-Pierre-des-Fossés après 869 à la mort de Godefroy71. Ce dernier avait d’abord été moine à Saint-Maur sous l’abbatiat de Théodrade72. Cela et le fait que durant les premières années de son abbatiat à Saint-Pierre-des-Fossés il ait constamment bénéficié du soutien des Rorgonides suggère qu’il appartenait sans doute lui aussi à ce groupe familial. Ainsi, l’archichancelier Louis, fils de Rorgon, à la demande de l’abbé Godefroy, intervient en faveur de Saint-Pierre-des-Fossés, de même à deux reprises un autre fils de Rorgon l’archichancelier Goslin, ce fils que Rorgon avait confié en 839 à Glanfeuil73.
39En devenant abbé des Fossés Eudes réalise l’union des deux communautés. Le monastère de Saint-Maur-sur-Loire est alors soumis à Saint-Pierre-des-Fossés. Deux diplômes, l’un de Charles le Gros du 6 novembre 886, l’autre de Charles le Simple du 22 avril 921 attestent que, le roi Carloman, sous son règne (879-884), a réuni les deux monastères et c’est ce que confirme également la mention du diplôme perdu du roi Eudes (888-893). Les moines ne forment plus qu’une seule communauté sous le gouvernement d’un seul abbé74.
40Le diplôme de Charles le Simple retient plus particulièrement notre attention, en effet le roi met en place aux Fossés les mêmes mécanismes institutionnels que ceux établis à Saint-Maur-sur-Loire en 847 mais cette fois-ci au profit d’un autre lignage, celui des Adalards auquel appartiennent Adélaïde mère de Charles le Simple et Rumaud alors abbé de Saint-Pierre-des-Fossés :
« Enfin le susdit abbé Rumaud lorsqu’il quittera cette vie par la volonté de Dieu que les moines de ces monastères-ci aient la licence d’élire par eux-mêmes l’abbé à moins qu’il puisse être trouvé au même endroit quelqu’un de la lignée de notre mère vivant selon la règle qui toujours en ce lieu-là remplisse la charge d’abbé75. »
41On le voit ce qui à pris corps en 847 à Saint-Maur a bien été compris comme une solution pour garantir le maintien de la vie monastique tout en conservant un privilège familial et d’une certaine manière a fait école au début du xe siècle à Saint-Pierre-des-Fossés. Un tel système est révélateur de l’investissement des lignages nobles au sein des établissements monastiques et de l’enjeu qu’ils représentent. Si la vie monastique peut être restaurée conformément à la règle bénédictine, il paraît cependant bien difficile d’appliquer le principe de la libre élection de l’abbé par les moines.
Annexe
Pièce justificative
839, samedi 1er mars. – Monastère de Glanfeuil.
Charte du comte [du Maine] Rorgon en faveur de Saint-Pierre-des-Fossés pour sa dépendance de Glanfeuil en Anjou.
A. Original perdu.
B. Copie du cartulaire xiie siècle, arch. dép. du Maine-et-Loire H 1773, fol.16, sous le titre : Carta de Maziaco, d’après A.
C. Copie du début du xviie siècle, par André Du Chesne, BnF coll. Baluze, vol. 41, fol. 161 v°-162 r°, sous le titre : Charta de Maciaco vel Maziaco, d’après B. – D. Copie du début du xviie siècle, par dom A. Le Michel, BnF ms. 13818, fol. 259 v., d’après B. – E. Copie du début du xviie siècle, par le P. Sirmond, BnF coll. Baluze, vol. 139, p. 108, d’après B. – F. Copie incomplète du xviie siècle, BnF ms. 12779, fol. 87 r., d’après B. – G. Copie du xviiie siècle, par Dom Housseau, BnF coll. Touraine-Anjou, vol. 1, pièces 44, 46 et 48, d’après B.
a. – Beslyj., Évesques de Poictiers, avec les preuves, Paris, G. Alliot, 1647, p. 29, d’après B.
b. - Éd. Marchegay P., Archives d’Anjou, t. 1, Angers, 1843, n°xxxiv, p. 378-379, d’après B. Cette édition comporte quelques erreurs minimes.
Édition d’après B.
In nomine sancte et individue Trinitatis. Quicquid ecclesiis Dei largitur ratum atque in perpetuum debet esse firmissimum. Cupiditas enim quorumdam pravorum semper fit, calliditate nititur exterminare quod bonorum agit hominum caritas devote. At quod Deus bonorum inspirat mentibus id caritas ratum atque firmissimum elabore[t] confirmare penitus. Qua propter ego Rorgo comes, divino tactus amore, mee predium possessionis hereditarie, hoc est alodum nostrum qui est in pago Andecavo in condita Maciacinse, qui est in Valegia, loco nuncupante Maiminias ; hoc est ecclesiam ipsius ville cum decima, oblacione, atque sepultura cum cunctis que ad ipsam aspicere videntur cum servis videlicet et ancillis nostro jure subditis precipue his quorum nomina hic inserta sunt : Ratfredum scilicet cum infantibus suis, Constancium cum infantibus suis, Raganfredum cum infantibus suis, nec non et ancillam nostram nomine Leufradam ; cum campis, vineis, silvis et cum cunctis adjacenciis adherentibus cum omnibus suprapositis cumque perviis vel aquis aquarumque decursibus quantacumque videntur esse in ipso loco vel in ipsa villa, sicut genitor meus Gauzlinus et mater mea Altletrudis habuerunt, totum ad integrum tradimus Deo omnipotenti et salvatori nostro Jhesu Christo et genitrici eius perpetue virginis76 Mariae et beato Petro apostolo ad monasterium Glanna, ubi beatus Christi confessor Maurus corpore quiescit et ubi vir venerabilis germanus noster Gausbe[r]tus, devotissimus Christi famulus, una cum aliis monachis regularem vitam ducit et filium nostrum Gauslinum Deo obtulimus. Ibi ita ut ab hac die sub eorum dominacione ipse res superius nominate cum omni vicariorum potestate permaneant ad habendum vel possidendum. Qua propter precamur monentes, obsecramus adjurantes, prohibemus maledicentes ut nullus nostrorum heredum atque proheredum ab hinc et deinceps illut presumat repetere. Quod si presumpserit non evindicet set decem librarum auri multam persolvit regalem ad fiscum, regia coactus censura. Insuper vero iram omnipotentis Dei penasque gehennalis perhenniter tormenti, torquendus perpetuis vermibus atque inextinguibili cremandus igni, percipiat in eternum. Ut vero hic scriptum firmum et stabile maneat in evum, manibus venerabilium presulum, Dodonis scilicet Andecavensis ecclesie atque Ebroini Pictavensis episcopi, nostrique consanguinei corroborandum tradimus atque nodum exconmunicacionis ipsorum subscribi fecimus et insuper nostrorum fidelium nominibus corroborare decrevimus.
Ego Dodo, gratia Dei Andecavensis ecclesie presul, hoc scriptum domni Rorgonis comitis, exconmunicando omnes qui hoc donum a jam dicto loco abstulerint sive qui vendiderint aut dederint aut qui possederint aut qui contra voluntatem monachorum tenuerint, firmavi.
Ego quoque Ebroinus Pictavensis ecclesie episcopus hoc scriptum eisdem verbis domni Dodonis, eadem devocione et eadem exconmunicacione vel malediccione subscribendo et confirmando anatematezavi.
Anno XXmo VIto imperii domni Ludovici serenissimi augusti, die sabbato ipso die kalendas marcii.
S. Rortgonis comitis. S. Bilechildis uxoris eius, S. que hanc donacionem affirmavit. S. Gausberti fratris eius. S. Euretharii. S. Godeni. S. Euvardi. S. Gosberti. S. Hadonis. S. Ulfrani. S. Harduini. S. Ithoni. S. Raganfindi. S. Fredeberti.
Actum in ipso cenobio sancti Mauri, anno incarnati verbi DCCCXXXVIIII, indiccione II. Ego Leuchardus cancellarius scripsi.
Traduction :
Au nom de la sainte et indivise Trinité. Tout ce qu’on donne avec largesse aux églises de Dieu doit être ratifié et le plus ferme pour toujours. La cupidité en effet demeure toujours chez certains hommes mauvais, elle s’efforce d’éliminer par la ruse ce que la charité obtient des hommes bons avec dévotion. Et ce que Dieu inspire aux esprits des bons que la charité s’applique à le confirmer pleinement en le ratifiant et en l’affermissant. C’est pourquoi, moi, comte Rorgon, touché par l’amour divin, nous concédons un bien-fonds de ma propriété héréditaire, c’est-à-dire notre alleu qui est dans le pagus d’Angers dans la condita de Mazé, qui est dans la vallée, un lieu appelé Maiminias, c’est-à-dire l’église de ce domaine avec la dîme, l’offrande, et le droit de sépulture avec tout ce qui manifestement s’y rattache c’est-à-dire avec les serfs et les serves soumis à notre droit en particulier ceux dont les noms sont ici cités, à savoir : Ratfred avec ses enfants, Constant avec ses enfants, Raganfred avec ses enfants, et aussi notre serve nommée Leufrade ; avec les champs, les vignes, les bois et avec tous les droits adjacents qui en relèvent avec tout cela cité ci-dessus et avec les chemins et les eaux et cours d’eaux, tout ce qui manifestement se trouve dans ce lieu et dans ce domaine, comme mon père Gauzlin et ma mère Adeltrude l’ont eu, nous transmettons tout en toute intégrité à Dieu tout puissant et à notre sauveur Jésus Christ et à sa mère Marie toujours vierge et au bienheureux Pierre apôtre, pour le monastère de Glanna, où repose le corps du bienheureux confesseur du Christ Maur et où notre frère Gausbert, homme vénérable, serviteur très dévoué du Christ, mène une vie régulière avec d’autres moines, et où nous avons offert à Dieu notre fils Goslin, de telle sorte qu’à partir de ce jour les biens nommés ci-dessus demeurent toujours en leur propriété et en leur possession sous leur domination avec tout le pouvoir des viguiers. C’est pourquoi nous prions en avertissant, nous supplions en adjurant, nous empêchons en maudissant que nul de nos héritiers et des leurs à partir d’aujourd’hui et par la suite n’ose revenir sur cela. Si quelqu’un y porte atteinte, qu’il n’obtienne pas raison mais qu’il paie, contraint par jugement royal, dix livres d’or d’amende royale au fisc. Et de plus qu’il connaisse la colère de Dieu tout puissant et la demeure de la géhenne aux tourments perpétuels, pour être torturé à perpétuité par les vers et pour être brûlé au feu qui ne s’éteint pas, pour l’éternité. Et afin que cet écrit demeure ferme et stable pour l’éternité, nous le remettons pour qu’ils le corroborent aux mains des vénérables évêques, c’est-à-dire Dodon de l’Église d’Angers, et Ébroin évêque de Poitiers et notre cousin, et leurs souscriptions garantissent d’excommunication, et en outre nous avons décidé de le faire corroborer des noms de nos fidèles.
Moi Dodon, par la grâce de Dieu évêque de l’Église d’Angers, j’ai confirmé cet écrit du seigneur comte Rorgon, excommuniant tous ceux qui arracheront ce don au susdit lieu ou qui le vendront ou le donneront ou qui le posséderont ou qui le tiendront contre la volonté des moines.
Moi aussi Ébroin, évêque de l’Église de Poitiers, j’ai frappé de l’anathème en souscrivant et en confirmant cet écrit avec les mêmes paroles que celles du seigneur Dodon avec la même dévotion et par la même excommunication et malédiction.
Vingt-sixième année de l’empire du seigneur Louis, sérénissime auguste, samedi le jour même des calendes de mars.
S. du comte Rorgon. S. de Bilechilde son épouse, S. qui a confirmé cette donation. S. de Gausbert son frère. S. d’Eurethaire. S. de Godin. S. d’Hervé. S. de Gosbert. S. d’Hadon. S. d’Ulfran. S. d’Hardouin. S. d’Ithon. S. de Raganfind. S. de Fredebert.
Fait au même monastère de saint Maur, année de l’incarnation du Verbe 839, indiction 2. Moi, Leuchard notaire, j’ai souscrit.
Notes de bas de page
1 Guillotel H., « Le temps des rois viiie-xe siècle », Chédeville A. et Guillotel H., La Bretagne des saints et des rois ve-xe siècle, Rennes, 1984, p. 191-408, passim.
2 Ibid., p. 220-221, et p. 243. – Werner k. f., « Bedeutende Adelsfamilien im Reich Karls des Grossen, Exkurs ii : Die Rorgoniden », Karl der GroBe. Lebenswerk und Nachleben, Bd. 1. (Persönlichkeit und geschichte), Düsseldorf, 1965, p. 137-142. - Brunterc’h J.-P., « Le duché du Maine et la marche de Bretagne », Atsma H. (dir.), La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850. Actes du colloque historique international, Rouen 7-10 octobre 1985, Sigmaringen 1989, coll. « Beihefte der Francia » 16, p. 29-127, ici p. 48-49, p. 55-56 et note 146, et p. 60.
3 Recueil des actes de Charles II le Chauve, roi de France […], terminé et publié […] par G. Tessier, t. 1, Paris 1943, coll. « Chartes et Diplômes relatifs à l’Histoire de France », n° 78 et 79, p. 219-223 ; n° 97, p. 257-260 et n° 134, p. 354-356.
4 Odonis miracula sancti Mauri sive restauratio monasterii Glannafoliensis, éd. Holder-Egger O., MGH, SS, t. 15, pars 1, Hanovre, 1887, p. 461-472, sur le comte Rorgon p. 465-467.
5 Lot F. et Halphen L., Le règne de Charles le Chauve (840-877). Première partie (840-851), Paris, 1909, coll. « Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences Historique et Philologique » 175, p. 130 note 3 et p. 149-166. – Levillain L., « L’archichapelain Ébroin, évêque de Poitiers », Le Moyen Âge, 34, 1923, p. 193-196. - Guillotel H., op. cit., p. 263-265. - Brunterc’h J.-P., op. cit., p. 68-69. – Nelson J., Charles le Chauve, Paris, 1994, p. 166-170.
6 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 78 et 79 p. 219-223, pour Noviente villa, Noyant-la-Gravoyère identification vraisemblable p. 219 note 1.
7 Ibid., p. 220, l. 23-26 : predicto Glannafoliensi venerabili loco per hanc nostre auctoritatis conscripcionem concedimus et de nostro jure in jus ac potestatem loci illius sollemni donacione transferimus, […]
8 Gena, Gennes.- Maine-et-Loire, arr. Saumur, ch.-l. cant. – Canava, peut-être Couesne.- comm. et ch.-l. cant. Gennes, Maine-et-Loire, arr. Saumur, ou plutôt Chavagnes-les-Eaux.- Maine-et-Loire, arr. Angers, cant. Thouarcé. – Le mot factus est synonyme de mansus, cf. Bienvenu J.-M., « La vie dans la région de Brissarthe au ixe siècle », Mémoires de l’Académie d’Angers, 8e série, t. X, 1966, 1967, p. 150.
9 Guillot O, « Les origines de la France (de la fin du ve siècle à la fin du xe siècle) », Guillot O., Rigaudière A. et Sassier Y., Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, t. 1, Des origines à l’époque féodale, Paris, 1999 (3e éd.), ici p. 13-16 et p. 122-127.
10 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., t. 3, Paris, 1955, p. 204, et t. 1, 1943, n° 78, p. 220, préambule : Regalis celsitudinis moris est fideles suos donis multiplicibus et honoribus ingentibus honorare atque sublimare. Proinde morem parentum regum videlicet predecessorum nostrorum sequentes, libuit celsitudini nostre quendam fidelem nostrum, Hebroinum videlicet, venerabilem episcopum atque archicapellanum palacii nostri, de quibusdam rebus nostre proprietatis honorare atque in ejus juris potestatem liberalitatis nostre graciam conferre.
11 Werner K.-F., Les origines, t. 1, Histoire de France, Favier J. (dir.), Paris 1985, p. 411-413. Pour l’Anjou Bienvenu J.-M., op. cit., p. 154 ; pour Saint-Aubin d’Angers Brunterc’h J.-P., op. cit., p. 71-72 et note 254.
12 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., t. 1, n° 78 p. 220, l. 28-30 : jure proprietario rectores sepe dicti loci presentes sive subsequentes facere decreverint, liberam et firmissimam in omnibus habeant potestatem faciendi, tam donandi quam vendendi, pro utilitate ecclesie, necnon eciam conmutandi.
13 Lot F. et Halphen L., op. cit., p. 145-148.
14 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 78, p. 220, l. 14-15 : cum facto uno quem presbiter ibi deserviens presenti tempore habere disnoscitur.
15 Capitulare ecclesiasticum (818-819), éd. Boretius A., MGH, Legum sectio ii, Capitularia regum Francorum, t. 1, Hanovre, 1883, n° 138, p. 277, chap. 10. – Lemarignier J.-F., « Les institutions ecclésiastiques en France de la fin du xe au milieu du xiie siècle », Histoire des Institutions françaises au Moyen Âge, t. III, Institutions ecclésiastiques, Lot F. et Fawtier R. (dir.), Paris, 1962, ici p. 34-35. - Perroy E., Le Monde carolingien, Paris, 1974, p. 28.
16 Bidisciacum, Bessé. – comm. Le Thoureil, Maine-et-Loire, arr. Saumur, cant. Gennes. – Riliacum, Rillé. – Indre-et-Loire, arr. Tours, cant. Château-la-Vallière. – Syon, Saint-Cyr-en-Bourg. – Maine-et-Loire, arr. Saumur, cant. Montreuil-Bellay. – Mirenola, La Mimerolle. – comm. Chênehutte-Trèves-Cunault, Maine-et-Loire, arr. Saumur, cant. Gennes. – Villa Anadone. – comm. Saint-Just-sur-Dive, Maine-et-Loire, arr. Saumur, cant. Montreuil-Bellay. – Fanum, Fenêt. – comm., arr. et cant. Saumur, Maine-et-Loire. – Portiacum identification incertaine : selon Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, Paris-Angers 1878, t. III, p. 127 : Pocé. – comm. Distré, cant. et arr. Saumur, Maine-et-Loire.
17 Ganshof F.-L., Qu’est-ce que la féodalité ?, Bruxelles, 1968, rééd. Paris, 1982 (5e éd.), p. 68.
18 Bienvenu J.-M., op. cit., p. 149-151.
19 Amann E., L’époque carolingienne, Fliche A. et Martin V., Histoire de l’Église, t. VI, Paris 1937, p. 89-90. Perroy E., op. cit., p. 108-109.
20 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 79, p. 222, l. 13-14 : ad ejusdem loci honorem atque ad monachorum ibi consistencium juvandam necessitatem.
21 Ibid., l. 31-34 : ipsasque sepe dictas res, sine cujuspiam inquietacione, secundum regulam sancti patris nostri Benedicti, per omnium annorum curricula agentes securi teneant et possideant.
22 Ibid., l. 28-31 : ut ministri et rectores ejusdem loci partibus sanctarum ecclesiarum quibus ipse res jure et legaliter cognoscuntur pertinere, secundum morem antiquum, annis singulis nonas et decimas persolvere nullo modo negligant.
23 Boretius A., op. cit., Capitulare Haristallense (Herstal, mars 779), n° 20 p. 50 chap. 13 ; Capitula per se scribenda (818-819), n° 140 p. 287 chap. 5 ; Capitulare missorum (819), n° 141 p. 289 chap. 6. – Concilium Turonense (813), éd. Werminghoff A., MGH, Legum sectio iii, Concilia aevi Karolini, t. 2, Hanovre, 1906-1908, n° 38, p. 288, can. 16 et p. 292 can. 46.
24 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 79, p. 222, l. 32-35 : quamdiu ibi sub norma monastica Domino militantes extiterint, et piissimi judicis misericordiam pro nostra omnisque populi Christiani salute assiduis precibus inplorent.
25 Cambriliacum, Chambellay.- Maine-et-Loire, arr. Segré, cant. Lion-d’Angers. Lot F. et Halphen L., op. cit., p. 217-226. - Guillotel H., op. cit., p. 273-277. - Brunterc’h J.-P., op. cit., p. 73-74.
26 Sollemniacum, Soulanger. – comm. et cant. de Doué-la-Fontaine, arr. Saumur, Maine-et-Loire. – Burnomum, Bournand. – Vienne, arr. Châtellerault, cant. Les Trois-Moutiers.
27 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 134, p. 356, l. 7-8 : videlicet quicquid in jam dictis locis Andecavimus quicumque comes ex rebus sancti Veterini olim habuisse veratium testimonio cognoscitur.
28 Sur la défection du comte Lambert : Brunterc’h J.-P., op. cit., p. 73.
29 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 134, p. 356, l. 3-4 : in luminaribus ejusdem eclesiae et stipendiis ejusdem loci monachorum in jus eclesiasticum habendas.
30 Ibid., l. 13-19 : legaliter in jus eclesiasticum disponendas ipsius loci rectorum auctoritate delegamus, videlicet ut quicquid ex eis juste et rationabiliter fieri aut exigi potest honestatibus et necessitatibus sive fabricis ipsius sepe dicti monasterii, […], prebeat adjumentum et usibus sive stipendiis monachorum in eodem loco Christo famulantium omni tempore conferant.
31 La règle de saint Benoît, éd. et trad. Rochais H., Paris, 1980, en particulier les chapitres 2 avec l’emploi du verbe regere, 3, 63 avec le terme dominus et 64. Dans la règle l’utilisation du terme de potestas découle de cette prééminence de l’abbé, dans les chapitres : 39, 6 ; 54, 3 ; 56, 2 ; 63, 2 ; 65, 5 ; 70, 2.
32 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 134, p. 356, l. 21-22 : supra nominato venerando presuli a genitore nostro quondam in jus proprietarium collati [monasterii].
33 Miracula sancti Mauri, op. cit., p. 468, l. 6-9 : Hoc ergo cum apud Pipinum, ut optaverat, optinuisset, accedens etiam ad piissimum imperatorem Ludovicum, iam episcopus constitutus, locum ipsum cum omnium plenitudine rerum, quas eo tempore dignoscitur possedisse, haereditario ac perhenni promeruit inpetrare dono. Ébroin alors clerc avait d’abord reçu l’abbaye de Pépin Ier d’Aquitaine par une solemnis donatio. Ibid., p. 467, l. 51-53 et p. 468, l. 1-2. - Recueil des actes de Pépin Ier et Pépin II, rois d’Aquitaine […], éd. Levillain L., Paris, 1926, coll. « Chartes et Diplômes relatifs à l’Histoire de France », introduction p. xxi-xxiii. – Brunterc’h J.-P., op. cit., p. 60-61 et note 188, en complétant qu’Ébroin alors évêque souscrit deux chartes de l’évêque Aldric du Mans datées du 1er avril 837, Gesta domni Aldrici, éd. Charles R. et Froger L., Mamers, 1889, p. 85 et p. 95.
34 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 97, p. 257-260.
35 Lot F. et Halphen L., op. cit., p. 177-178.
36 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 97, p. 259, l. 12-14 : Obtulit [Ebroin] etiam clementiae nostrae obtutibus testamenti scriptum, sua aliorumque reverendorum episcoporum inviolabili auctoritate roboratum.
37 Ibid., l. 10-12 : in statum et religionem monastici ordinis funditus restruxisse atque in habitum quo olim excultum fuerat, omnimodis reparasse. Outre les actes de 845 déjà évoqués, il reste une autre trace des donations de Charles le Chauve. Ébroin aurait obtenu du roi en faveur de Saint-Maur la donation du domaine de Mesle (-sur-Sarthe, Orne, arr. Alençon), d’après les Miracula sancti Mauri, op. cit., p. 471, l. 30-32. - Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 161, p. 427 : villam que Merula noncupatur, quam munifica largitate serenissimus rex Karolus ad suggestionem sancti pontificis Hebroini beato Mauro et ejus famulis per magnificentiae celsitudinis suae contulerat praeceptum.
38 Ibid., l. 15-16 : qualiterque communi adsensu statuerit praefati sancti Mauri monasteriolum sub monastice religionis cultu perpetua lege mansurum.
39 Ibid., l. 17-18 : eandem eorundem sanctorum patrum testamenti sacram auctoritatem.
40 Pour la période en cause, deux exemples de ce type de document : en septembre-octobre 843 un privilège synodal en faveur du monastère de Saint-Lomer de Blois, souscrit entre autres par l’évêque Ébroin, « Germigny », éd. Hartmann W., MGH, Concilia, t. III, Concilia aevi Karolini 843-859, Hanovre, 1984, p. 1-7 ; et en décembre 846 l’acte synodal en faveur du monastère de Corbie, Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., t. 1, p. 20.
41 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 97, p. 259, l. 21 : quae in prescripti testamenti auctoritate sacro jure continentur.
42 Ibid., l. 22-25 : quilibet Dei seu nostrorum fidelium immutare audeat aut secus quam ab ipsis patribus sancitum est de prenominati beati Mauri monasterioli statu aut de rebus sibi pertinentibus invertere aut agere presumat, sed ea que ab ipsis constituta sunt inviolabiliter conservanda cognoscat.
43 Ibid., l. 9-10 : a domno et genitore nostro in jus proprietarium sibi concessum. Ibid., l. 26 et p. 260, l.1 : praeceptum domni et genitoris nostri, per quod idem monasterium cum suis omnibus apendiciis praefato venerabili antistiti Ebroino in jus proprietatis tradidit, pleniter confirmatum.
44 Ibid., p. 259, l. 14-15 : quo continetur qualiter idem ea quae praemissa sunt diligenti peregerit studio.
45 Ibid., l. 8-12 : se quoddam monasteriolum […] a domno et genitore nostro in jus proprietarium sibi concessum, in statum et religionem monastici ordinis funditus restruxisse atque in habitum quo olim excultum fuerat, omnimodis reparasse.
46 Ibid., p. 260, l. 1-2 : videlicet ut, quamdiu vixerit, sine alicujus contradiccione sui sit juris suaeque dominacionis.
47 Miracula sancti Mauri, op. cit., p. 468, l. 12-13 : qualiter ipsum coenobium in eorum devenissent potestatem atque dominium, nec eam illi (les moines des Fossés) ostendere quivissent.
48 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 97, p. 260, l. 3-4 : vinculo consanguinitatis ei conjunctus religiosus vir Gauslinus. Indépendamment des sources citées, nous adoptons dans notre texte la graphie Gauslin pour désigner l’abbé de Saint-Maur, afin de le distinguer de son cousin homonyme pour lequel nous adoptons la graphie Goslin.
49 Ibid., p. 260, l. 4-6 : quatenus, juxta patris Benedicti institucionem religiosam vitam deducens, ejus loci habitatores regulari decreto gubernare non neglegat.
50 Miracula sancti Mauri, op. cit., p. 468, l. 44-50 et p. 469, l. 1 : Eodem anno (845), pridie ante sanctum pentecosten, tercio Kalendas Iunii, ordinatus est famulus Christi Gauzlinus primus abba post restaurationem monastici ordinis in coenobio Sancti Mauri in ecclesia sancti Salvatoris ante altare, quod ipse aedificaverat in honore individuae ac vivificae Trinitatis, a summo pontifice Turonicae urbis Orsmaro aliisque duobus episcopis ; quem etiam ipso anno primum quidem Hebroinus antistes in aecclesia Pictavensi ad ordinem diaconatus, Dodo autem episcopus in aecclesia Andegavensi ad presbiterii promoverat dignitatem gradus. Gauslin est déjà prêtre le 12 mars 845 lors de la translation du corps de saint Maur, ibid., p. 468, l. 33-34 : translata sunt ossa beatissimi levitae Mauri a famulo Dei Gauzlino aliisque sacerdotibus. Pour la datation : Baudot M., « Histoire de l’abbaye des Fossés des origines à l’année 925. Examen critique des sources narratives et diplomatiques », thèse de l’Ecole des Chartes, Paris, 1925 (ouvrage dactylographié), p. 154-156.
51 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 97, p. 260, l. 8-9 : sicut alia regni nostri regularia monasteria, sub nostrae tuicionis munimine seu defensione.
52 La règle de saint Benoît, op. cit., ch. 64.
53 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., n° 97, p. 260, l. 9-12 : licenciamque fratres ibidem Deo famulantes secundum regulam sancti Benedicti ex sese eligendi abbates habeant. nisi forte post eundem Gauslinum talis eorum progenies inveniri possit qui secundum Dei voluntatem a nobis vel a successoribus nostris ei subrogari queat.
54 Ibid., l. 13-20 : omnes res ad ipsum aspicientes praesentialiter sub nostrae inmunitatis defensione pleniter recipientes, praecipimus atque jubemus ut nullus judex publicus neque quislibet ex judiciaria potestate in ecclesias aut agros seu reliquas possessiones praedicti monasterioli ad causas audiendas, aut aliquas redibiciones exigendas, aut homines ipsius ecclesiae, tam ingenuos quam et servos, super ipsius terram commanentes distringere praesumat, sed sub plenissima emunitatis nostrae tuicione perpetim consistant, et quicquid fiscus exinde exigere poterat, totum eidem concedimus ecclesiae. Sur l’immunité : Perroy E., op. cit., p. 149-150.
55 Carta de Maziaco, Cartulaire de Saint-Maur-sur-Loire, xiie siècle, Arch. dép. de Maine-et-Loire, H 1773, fol. 16, ci-dessous pièce justificative.
56 Landreau F. (O.S.B.), « Les Vicissitudes de l’abbaye de Saint-Maur aux viiie et ixe siècles », L’Anjou historique, V, 1904-1905, p. 124-131. – Levillain L., L’archichapelain Ébroin op. cit., p. 219-222. – Werner K. F., Bedeutende Adelsfamilien op. cit., p. 137-140. - Oexle O. G., « Bischof Ebroin von Poitiers und seine Verwandten », Frühmittelalterliche Studien, 3, 1969, p. 146-150.
57 Maciacinsis, Mazé.- Maine-et-Loire, arr. Angers, cant. Beaufort-en-Vallée. – Brunterc’h J.-P., op. cit., p. 82-88 et 91. – Maiminias : identification incertaine, selon Port C., op. cit., t. 2, p. 754-755 : Moul (le) – comm. Les Rosiers, cant. et arr. Saumur, Maine-et-Loire.
58 Lemarignier J.-F., op. cit., p. 23-25.
59 Pièce justificative : sicut genitor meus Gauzlinus et mater mea Adeltrudis habuerunt.
60 Voir pièce justificative. – Sur l’amende judiciaire Perroy E., op. cit., p. 87-91.
61 Ibid. : et insuper nostrorum fidelium nominibus corroborare decrevimus […] S. Rortgonis comitis. S. Bilechildis uxoris eius, S. que hanc donacionem affirmavit. S. Gausberti fratris eius. S. Euretharii. S. Godeni. S. Euvardi. S. Gosberti. S. Hadonis. S. Ulfrani. S. Harduini. S. Ithoni. S. Raganfindi. S. Fredeberti.
62 Recueil des actes de Pépin Ier et Pépin II, op. cit., introduction p. cxviii-cxix, n° 22, p. 80-84, additions p. 301, ici p. 83, l. 3-4 : ob devotissimi obsequii praefati Gauzberti gratiam praecumque suarum inestimabilem functionem.
63 Pièce justificative : Deo omnipotenti et salvatori nostro Jhesu Christo et genitrici ejus perpetue virgini Mariae et beato Petro apostolo ad monasterium Glanna, ubi beatus Christi confessor Maurus corpore quiescit.
64 Miracula sancti Mauri op. cit., p. 468, l. 48 : in coenobio Sancti Mauri in aecclesia sancti Salvatoris. – Galland J.-M. (dom), « Histoire ou chronique de l’abbaye royale de Saint-Maur-de-Glanfeuil-sur-Loire », Paris, 1748, plusieurs exemplaires BnF mss fr. 16188, 18923 et n.a.fr. 1198, ici ms. 18923, p. 26, d’après les mémoires ou extraits des chartes du trésor de l’Église d’Angers […] envoyés […] par Mr. Bonaventure de Javary chanoine de la cath., syndic du clergé d’Anjou, vic. gal. de Mr. de Lossendière (son proche parent) abbé de Saint-Maur-sur-Loire, en 1747, voir aussi p. 250-251. Les synchronismes concordent pour l’Empire, pour Grégoire IV et pour Dodon, ce qui permet de supposer qu’Ingelbert est devenu abbé des Fossés à la fin de l’année 832. – Baudot M., op. cit., p. 151, note 6, Brunterc’h J.-P., op. cit., p. 55, note 146, et Jarousseau G., « évêque d’Angers Dodon (837-880) », Le haut Moyen Âge en Anjou, Tonnerre N.-Y., Prigent D., Lemesle B. (dir.), Rennes, 2010, p. 159-165.
65 Recueil des actes de Charles le Chauve op. cit., n° 157 en 853, p. 415, l. 12-13 : in honore beate Marie semper Virgini beatique Petri apostolorum principis. Voir aussi les numéros 76 en 845, 84 en 846, et t. 2, Paris, 1952, n° 299 en 867.
66 Miracula sancti Mauri op. cit., p. 467, l. 38-46 : preceptum imperialis edicti a serenissimo imperatore Ludovico ex sacro promeruit scripto, quatinus rectores Fossatensis monasterii, providentiam semper de eodem loco habentes, instantiam sollicitudinis suae tam loco quam congregationi vigilanti cura adhiberent, tales videlicet suae congregationis eis prepositos et magistros ordinandi fratres, quorum nutu et regimine cuncta illic perficienda et interius et exterius studiose disponerentur. […] Cum itaque viri illi, quorum superius nomina sunt inserta (Gauzbertus et Willelmus) […]
67 Miracula sancti Mauri op. cit., p. 468, l. 22-23 : Gauzlinum, virum eruditissimum atque in monastica perfectione religiosissime institutum, filium scilicet sancti viri Gauzberti. – Oexle O. G., op. cit., p. 157-160.
68 Ibid., p. 467, l. 42-43 : Quod qualiter tempore Ingelberti ablatum ignique crematum fuerit, melius reticendum quam proferendum putamus. Plus loin p. 468, l. 13-16 : quippe quia iam, ut supra significatum est, fraudulenter abstracta atque igni mancipata fuerat, ille, aliquibus fratribus de supradicto monasterio retentis, caeteros locum suum iubet repetere. Et post obitum augusti Ludovici et iustae recordationis Rorigonis, inductus a quibusdam non sani cordis viris, agere aggressus est. Ces événements se sont produits au plus tôt le 21 juin 840, lendemain de la mort de Louis le Pieux, et au plus tard le 29 mai 845, veille de l’ordination de Gauslin comme abbé de Saint-Maur. La mort d’Ingelbert eut lieu le 17 novembre 845 ou 846, voir Baudot M., op. cit., p. 151 note 4. Le diplôme du 19 avril où apparaît son successeur Ainard est de 847, Recueil des actes de Charles le Chauve op. cit., n° 93 p. 251-253. - Oexle O. G., op. cit., p. 155-156.
69 Ibid., p. 464, l. 11-13 : Qui (Bernegarius presbiter) per duodecim continuos annos in iam dicto monasterio, et primum cum piae memoriae Gauzlino et postmodum cum fratre eius superius nominato habitavit Teodrado. Les deux abbatiats durent douze ans de 845 à 856/857. Levillain L., L’archichapelain Ébroin op. cit., p. 201-203 et p. 216-218. - Lot F., « De quelques personnages du ixe siècle qui ont porté le nom de Hilduin », Le Moyen Âge, 1903, p. 258 note 1.
70 The Monks of Redon. Gesta Sanctorum Rotonensium and Vita Conuuoionis, éd. et trad. anglaise Brett C., Woodbridge, 1989, p. 200-203. - Guillotel H., op. cit., p. 275-277.
71 Miracula sancti Mauri op. cit., p. 462, l. 33-34 : Odo abbas monasterii quod in preripio ripae Ligeris fluminis situm Glannafolium ex antiquo apellatur munusculum. Aussi p. 463, l. 45, et p. 468, l. 20-22, reprenant le diplôme de 847 Eudes écrit : Quibus etiam continetur, ut quamdiu aliquis de progenie nostra (Ébroin, Gauzlin) inveniri poterit, qui locum ipsum secundum auctoritatem beati Benedicti regere et gubernare valeat, regulariter ipse vivens, nullus alius ibi rectoris fungatur officio. Le temps de l’abbatiat d’Eudes coïncide avec celui de la fuite des moines de Saint-Maur devant les Normands, Baudot M., op. cit., p. 158 note 2 et p. 159-161. Godefroy est devenu abbé des Fossés après le 18 décembre 855 date à laquelle un diplôme de Charles le Chauve atteste que c’est encore Ainard qui est abbé et avant le 29 octobre 863 où il apparaît dans un autre diplôme pour la première fois, Recueil des actes de Charles le Chauve op. cit., n° 179, p. 476-478, et t. 2, 1952, n° 258 p. 85, Baudot M., op. cit., p. 165-166.
72 Miracula sancti Mauri, op. cit., p. 464, l. 3-5 : Harum primus et ordinis dignitate et perfectioris vitae sanctitate Goddefredus venerandus abba Fossatensis monasterii extat, qui prolixiori tempore sub regimine sanctae recordationis Teodradi in eodem sancto deguit coenobio.
73 Recueil des actes de Charles le Chauve, op. cit., t. 2, 1952, n° 266 (23 avril 864) p. 101, l. 29 : Hludouuicus abba ambassiavit ; n° 310 (15 mars 868), p. 186, l. 28-29 : Gozlinus, abba nosterque protonotarius et in cunctis fidelissimus, honorificentiae nostrae ad relegendum presentaliter ostendens, et n° 311 (17 mars 868) p. 189, l. 2 : Goslinus abba ambassiavit. Sur ces deux personnages, archichanceliers de Charles le Chauve : ibid. t. 3, 1955, p. 38-46. – Werner K. F., Bedeutende Adelsfamilien op. cit., p. 137 note 3 et p. 140-141, et du même auteur, « Gauzlin von Saint-Denis und die westfränkische Reichsteilung von Amiens (März 880). Ein Beitrag zur Vorgeschichte von Odos Königtum », Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters, t. 35, fasc. 2, 1979, p. 395-462.
74 Diplôme du 6 novembre 886, Karoli III. Diplomata, éd. Kehr P., MGH, Diplomata regum Germaniae ex stirpe Karolinorum, t. II, fasc. 1, Hanovre, 1936, n° 149, p. 240-241, ici p. 241, l. 32 : ut unum sint et ab uno abbate gubernentur. – Diplôme du 22 avril 921, Recueil des actes de Charles III le Simple, roi de France (893-923), publié […] par Lauer P., Paris, 1949, coll. « Chartes et Diplômes relatifs à l’Histoire de France », n° CVIII p. 258-261. – Diplôme perdu, Recueil des actes d’Eudes, roi de France (888-898), publié […] par Bautier R.-H., Paris, 1967, coll. « Chartes et Diplômes relatifs à l’Histoire de France », n° 48, p. 186-188.
75 Recueil des actes de Charles le Simple, op. cit., p. 260, l. 1-2 : ubi nunc praeest praefatus Rumaldus abba, consanguinei ex nostrae genitricis parte Adeleidis ; et l. 25-28 : Denique praelibatus abbas Rumaldus, cum ab hac luce divinae vocationis nutu migraverit, licentiam habeant monachi horum monasteriorum ex sese eligendi abbatem, nisi inveniri potuerit ibidem ex nostrae genitricis progenie regulariter ipse vivens qui semper inibi fungatur abbatis officio. Le comte Bégon restaurateur de l’abbaye de Saint-Pierre-des-Fossés en 816 est le bisaïeul de la reine Adélaïde.
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