Chapitre V. Ciblages : typologie et analyse des stratégies de l’information américaine de part et d’autre du rideau de fer
p. 159-226
Texte intégral
1Comme pour la plupart des régions du monde ciblées par les artisans de la diplomatie publique américaine, dans l’Europe de la guerre froide, ce sont les stratégies dites de long terme, héritées notamment de la diplomatie culturelle, qui ont connu la plus grande constance entre 1953 et 1991.
2Les échanges culturels tels que souhaités par le sénateur Fulbright ont en effet pu, selon les programmes et les partenariats avec les fondations ou les institutions privées, maintenir l’illusion qu’il ne s’agissait pas de propagande ou d’une quelconque stratégie politique orchestrée par une agence gouvernementale. D’autres stratégies de long terme, plus ciblées et plus officieuses, ont consisté à infiltrer de petits groupes d’intellectuels, de syndicalistes ou de femmes sur le modèle des activités dites culturelles de la CIA.
3Si l’on peut retenir quelques grandes lignes directrices des stratégies de l’information pour la zone Europe dans son ensemble tout au long de la période de guerre froide, l’étude approfondie des plans de mission (country plan) des USIS de pays clés de l’Europe de l’Ouest et de l’Est permet de définir les constantes et les spécificités des stratégies de l’USIA en fonction des contingences politiques au niveau local comme à celui de Washington. D’une part, la persistance de partis communistes influents en France et en Italie dans les années 1950, 1960 et 19801 ont conduit les USIS de Rome ou Paris à élaborer des stratégies d’influence spécifiques dans ces deux nations. D’autre part, la position géostratégique de l’Allemagne de l’Ouest pour la construction européenne comme pour la politique de défense de l’Alliance atlantique a fait de la RFA un archétype des stratégies de l’USIA tout au long de la guerre froide.
Les stratégies de long terme : infiltrer et influencer les élites et les leaders d’opinion
Les programmes culturels et d’échanges à destination des élites et des leaders d’opinion européens dans les années 1950 et 1960 : l’exemple de la France
4Si les années 1950 ont constitué tout particulièrement une période clé pour les stratégies de la diplomatie publique américaine en France, c’est avant tout en raison de la crainte que suscita l’instabilité politique constante qui caractérisa la IVe République de son avènement en 1946 à sa chute en 1958. Aux prises avec gaullistes et communistes les intérêts américains eurent tôt fait de soutenir les partisans démocrates chrétiens du MRP (Mouvement républicain populaire)2 ou de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière). Pour ce faire, les stratégies d’infiltration culturelle américaines ont privilégié les échanges de personnes dans le cadre de l’International Educational Exchange Program et plus précisément du Foreign Leader Program3. Considéré par les agents de terrain comme le programme d’échange le plus efficace à court terme, le Foreign Leader Program se distingue comme un exemple significatif des synergies nécessaires entre services d’information et Bureau des affaires culturelles à Washington.
5Sur le terrain, en France, comme dans l’ensemble des pays européens, ce sont les personnels des services d’information (Public Affairs Officers [PAO], Cultural Affairs Officers [CAO], et Information Officers [IO]) qui vont coordonner dès 1953 l’ensemble de ces activités4. Or, pour ces observateurs privilégiés, dans le cas de la France, l’efficacité du Foreign Leader Program ne fait aucun doute, comme l’attestent les premiers rapports d’activités adressés aux responsables du département d’État dès 19545.
Les élites politiques : cibler les républicains modérés
6Dans les années 1950 les premiers participants, sélectionnés avec une précision certaine, représentent, en effet un panel significatif des élites françaises susceptibles (ou non) de servir les stratégies d’influence des États-Unis. Parmi elles on retrouve les noms de Jean-Robert Debray, professeur en médecine, Jean-Jacques Servan Schreiber, directeur du magazine l’Express, Jean Lecanuet, sénateur et président à l’Assemblée nationale du groupe des Républicains populaires ou encore Valéry Giscard d’Estaing destiné au brillant avenir que l’on sait au sommet de l’État6. Or dès 1959, les services de l’USIS de l’ambassade des États-Unis à Paris ne manquèrent pas de rappeler à leurs collègues et superviseurs du département d’État que le premier gouvernement de la toute nouvelle Ve République comptait, outre le premier ministre Michel Debré quatre anciens lauréats de l’International Exchange Program ; il s’agissait de Jean Berthoin7, Edmond Michelet8, Joseph Fontanet9 et Valéry Giscard d’Estaing10. Apparentés à des mouvements centristes, ces quatre hommes politiques s’étaient rendus aux États-Unis dans le cadre de voyages proposés à certaines délégations parlementaires (en 1956) ; ou bien, comme ce fut le cas de Joseph Fontanet (en 1953), ils avaient été approchés par les services d’information individuellement en tant que personnalités potentiellement influentes et pouvant faire l’objet de programmes spécifiques. Membres du gouvernement d’union nationale de la Ve République, ces hommes politiques de la France d’après-guerre ne se rallient qu’en apparence au général de Gaulle ; pour la plupart ils incarnent en effet des courants politiques modérés qui ne tardent pas à s’opposer au gaullisme, notamment sur la question européenne11. En mai 1962, alors que le général clame haut et fort sa préférence pour une Europe des nations et fustige toute idée d’une Europe supranationale, le MRP s’associe aux républicains indépendants, aux radicaux et aux socialistes, qui ont fait le choix depuis le début des années 1950 de l’intégration européenne.
7John Foster Dulles lui-même, fut contraint de reconnaitre que le choix des participants, comme les programmes d’échanges eux-mêmes, étaient loin d’être dénués d’intérêt pour la politique étrangère des États-Unis :
« Le département d’État se félicite du fait que le premier ministre Michel Debré, et quatre membres de son gouvernement soient d’anciens lauréats de l’International Educational Exchange Program. Nos archives attestent du fait que Jean Berthoin, Edouard Michelet, Joseph Fontanet et Valéry Giscard d’Estaing se sont rendus tous les quatre aux États-Unis dans ce cadre. Notre Ambassade à Paris doit être félicitée pour avoir fait preuve de perspicacité en sélectionnant au fil des ans des citoyens français destinés à occuper des fonctions de la plus haute importance au sein du gouvernement français12. »
8Malgré ces efforts renouvelés pour tenter de promouvoir, si ce n’est l’américanophilie du moins l’atlantisme au sein des élites politiques françaises, il subsistait dans l’hexagone une relation d’attraction et de répulsion envers les États-Unis qui dépendait bien souvent, selon les observateurs américains, d’une certaine méconnaissance de la culture américaine, y compris parmi les élites les plus cultivées. L’autre sphère d’influence visée par l’USIS de Paris et ses programmes d’échanges s’imposa donc naturellement comme devant être l’université française.
L’université : développer les études américaines en France
9En ce sens, l’USIS de Paris, (à l’instar des services de Berlin ouest ou de Rome13), œuvra pour la création de chaires d’études américaines, dans plusieurs grandes villes de France. C’est dans ce cadre que fut créée notamment la première chaire d’histoire américaine à l’université de la Sorbonne, à la tête de laquelle fut placé entre 1962 et 1963 l’historien Daniel Boorstin de l’université de Chicago. Cependant à l’initiative de Jean-Baptiste Duroselle14 (professeur d’histoire des relations internationales à la Sorbonne de 1964 à 1983), il fallut attendre 1967, et la conversion de l’historien Claude Fohlen (jusqu’alors spécialiste de l’histoire industrielle de la France15), pour qu’un professeur français occupe la chaire d’histoire nord-américaine de la Sorbonne16.
10Dans les départements de langue, jusqu’au début des années 1960, la majorité des anglicistes français étaient spécialistes de la Grande-Bretagne17, et les étudiants anglicistes n’abordaient les États-Unis qu’à travers les œuvres littéraires américaines. Il n’existait donc pas de chaire de Civilisation américaine, la discipline n’étant pas reconnue en tant que telle18. Or, la mise en place des premières rencontres d’américanistes en France se fit dans un premier temps indépendamment des USIS ou des fondations privées. À cette période, les crédits de l’USIS de Paris sont substantiellement tronqués et la bibliothèque américaine du centre culturel américain Benjamin Franklin (inaugurée en 1956, 1, place de l’Odéon dans le 6e arrondissement de Paris) doit fermer. Cependant, réunis par leur intérêt inconditionnel pour les États-Unis, toutes disciplines confondues, une poignée d’irréductibles, soutenue par l’ex-agent de l’USIA et animateur de radio, Sim Copans, utilise les locaux pour organiser, de manière tout à fait artisanale, ce qui deviendra par la suite les congrès de l’AFEA (Association française d’études américaines), créée consécutivement, en 196719.
11Par ailleurs, l’Institut d’études américaines de Paris20, également sous l’égide de Sim Copans et en relation avec les services d’information dédiés à la jeunesse, bien que manquant du financement adéquat, multiplia les conférences susceptibles d’attirer l’élite estudiantine parisienne. C’est au sein de son centre culturel, situé rue du Dragon, à Paris, que furent organisées 87 conférences durant l’année 1961, ainsi qu’une série de trois séminaires, intitulés : American Perspective 1961, Aspects of American Government and Economy et American Literature—the Novel and Theater since World War I. La qualité des intervenants américains choisis par les USIS, amena l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (l’ESSEC) à demander en particulier au professeur Roy Macridis, de l’université de Saint-Louis, de venir donner une autre série de conférences sur les institutions politiques et certains aspects de la vie culturelle américaine21.
12L’intérêt pour l’étude des États-Unis dans toutes les disciplines se développe graduellement au cours des années 1960, alimenté plus ou moins directement par les activités de l’USIS de Paris, qui essaie de susciter l’engouement et de répondre à la demande, en facilitant notamment l’accès aux livres et aux revues spécialisées.
13Parallèlement, par le truchement des échanges proposés par les USIS, la diffusion de la culture américaine en France se fit au travers des discours et des enseignements des anciens lauréats. Ceux-ci, d’abord anonymes, ont su à leur retour en France sensibiliser leur entourage comme leurs étudiants, si ce n’est aux positions politiques des États-Unis, du moins à la culture américaine. À la période qui nous occupe, ce fut le cas notamment du professeur Roger Asselineau qui, en tant qu’ancien boursier du programme Fulbright (1953)22, prit activement part au développement de l’association des anciens des programmes d’échanges américains. À ce titre Roger Asselineau créa en décembre 1954 à Lyon une Amicale universitaire France-Amérique, la cinquième du nom après celles de Paris, Bordeaux, Strasbourg et Grenoble23. Remarqué par les agents des USIS, ce professeur de littérature américaine, fut nommé en 1960 à Paris où il devint président de la section d’anglais à l’université Panthéon-Sorbonne (1969-1974, 1978-1979) puis directeur du Centre de recherches en littérature et civilisation américaines (1973-1983). Durant sa carrière, Roger Asselineau fut régulièrement professeur invité (visiting professor) des universités américaines de New York (Albany), de Californie, ou de Texas A&M, et s’investit dans la diffusion de la culture anglo-saxonne en dirigeant notamment la revue Études Anglaises24.
Figure 11. – Librairie financée par l’USIS de Paris, 1966.

Source : Still Pictures, Archives nationales II.
14Par la suite nombreux sont les américanistes de renom toutes disciplines confondues (littéraires, historiens ou civilisationnistes) qui bénéficient des programmes d’échanges américains et des programmes Fulbright en particulier. Parmi eux Pierre Melandri (Fulbright 1969, 1978, 1989 et 1998), Serge Ricard (Fulbright 1963, 1982, 1988), André Béziat (Fulbright 1965), Denis Lacorne (Fulbright 1968 et 1993), Daniel Royot (Fulbright 1970, 1984), ou André Kaspi (Fulbright 1973-1974), Jacques Portes (Fulbright 1975, et 1991), Vincent Michelot (Fulbright 1982, 1991), Isabelle Vagnoux (1988, 1997), ou encore Antoine Coppolani (Fulbright 1992, 2001) et Justin Vaïsse (Sachs 1996), sont aujourd’hui considérés comme appartenant à la « communauté active25 » des anciens boursiers Fulbright.
Les échanges artistiques : vitrine de la diplomatie culturelle soviétique ; les leaders d’opinion : cible privilégiée de la diplomatie publique américaine
15Les services d’information, conjointement avec les services culturels de l’ambassade des États-Unis à Paris, ont en effet multiplié les offres d’échanges auprès des élites françaises entre 1955 et 1960 ; et ce, dans le but de faire face à l’offensive soviétique. Après la mort de Staline, Moscou parut déterminé à relancer ses relations culturelles avec la France, en offrant aux jeunes talents de rares mais prestigieux échanges dont la presse française pro-communiste ne manqua pas de se faire l’écho. La jeune violoniste Michèle Boussinot se vit ainsi offrir une bourse d’étude d’un an au conservatoire de Moscou pour travailler sous la direction de David Oistrakh considéré comme un des plus grands virtuoses du xxe siècle ; or, cette opportunité formidable pour la future concertiste fut largement relatée dans les colonnes du quotidien L’Humanité26.
16Pour faire face à ce type de coup d’éclat médiatique les services de l’USIS de Paris ont œuvré dans le sens d’un rapprochement et d’une coordination de l’ensemble des activités d’échange publiques et privées, à destination des élites françaises. Ces initiatives parallèles représentaient aux yeux du CAO George T. Moody autant d’opportunités de toucher des personnalités potentiellement influentes auprès de la société civile française. Au milieu des années 1950 l’USIS de Paris s’intéresse donc de très près aux programmes institutionnels ou privés proposés aussi bien par l’UNESCO, le MIT, que par l’Association Atlantique, l’American Field Service, ou encore le New York Herald Tribune Forum, ou le New York Daily Mirror.
17Et à la fin des années 1950, les programmes d’échanges gouvernementaux mis en œuvre conjointement par les CAOs et les PAOs27 de l’ambassade américaine à Paris, comptent parmi leurs lauréats des personnalités influentes du monde politique, médiatique et culturel français. Pour l’année 1960, l’ambassade des États-Unis à Paris étudiera notamment les candidatures28 : de l’intellectuel Jean-Marie Domenach, secrétaire puis directeur de la célèbre revue personnaliste Esprit, du politicien Olivier Guichard alors conseiller technique à l’Élysée et considéré comme un baron du gaullisme29, de l’ancien résistant Lucien Neuwirth engagé dans le mouvement en faveur de la légalisation de la contraception30, ou encore de Léopold Sédar Senghor avant qu’il ne devienne le premier président du Sénégal31.
18À cette période les responsables de la diplomatie publique évaluent également l’influence de leurs anciens boursiers à l’aune de leurs discours publics ou de leurs articles publiés dans les grands quotidiens de la presse française. Ainsi les articles qualifiés de pro-américains du journaliste François Lacroix pour Le Monde, comme les discours et prises de positions du syndicaliste de Force ouvrière Pierre Felce32 sont présentés par le CAO de l’ambassade de Paris comme favorable, si ce n’est aux intérêts, du moins à l’image des États-Unis33. Et en 1959, dans le cas des écrits du journaliste Georges Suffert34, alors membre du comité de rédaction de France-Observateur et chroniqueur pour l’hebdomadaire Témoignage Chrétien, les conclusions du CAO J. Herter sur la pertinence du Leader Program sont sans appel :
« L’Ambassade est d’avis que ces quatre articles illustrent particulièrement bien le fait que les distinctions accordées dans le cadre du Leader Program ou les programmes d’échanges en général sont d’une grande utilité, et ce dans la mesure où dans le cas présent il s’agit sans aucun doute d’une personne dont les opinions ont été infléchies après avoir bénéficié d’une bourse35. »
19Influencer les élites françaises ou les leaders d’opinion pour diffuser plus largement les idées et les valeurs de l’Amérique est bien la priorité des services de l’USIS de Paris pour toute la période des années 1950 et 1960. Cet objectif est motivé par le scepticisme d’une grande partie de l’opinion française à l’égard des États-Unis, ce qui se traduit également dans la vie politique européenne par une obstruction de la France aux choix qui seraient dictés par les États-Unis36.
La question de l’exception culturelle française
20Pour les agents de la diplomatie publique cette « exception française » est un sujet de préoccupation constant, comme en témoignent les nombreux rapports d’activités qui en font état, en ces termes :
« La France est un allié incontournable et un pays clé dans l’Europe de la défense comme du Marché commun. Ce contexte politique nécessite que ses principaux responsables, tous domaines confondus, aient une bonne connaissance du peuple américain et une bonne compréhension des politiques mises en œuvre par les États-Unis. L’opinion publique en France s’est montrée plus critique vis-à-vis de la politique étrangère américaine que dans n’importe quel autre pays européen. Bien que l’on ait noté une certaine amélioration au cours de l’année passée, les sondages d’opinion les plus récents montrent que les Français sont toujours en tête des peuples européens les plus critiques à l’égard des États-Unis. […] Le gouvernement du général de Gaulle, bien que solidement pro-occidental, ne fait pas mystère de sa volonté d’accéder au rang de puissance de premier plan au même titre que les États-Unis ou le Royaume-Uni. Pour cette raison les décisions politiques prises par la France vont parfois à l’encontre des nôtres. Et si pour l’instant le gouvernement français est relativement stable, son nationalisme, qui frise le chauvinisme, rend souvent les négociations difficiles. En ce sens, la nécessité d’expliquer et d’expliciter les positions des États-Unis en France est plus que jamais pertinente37. »
21L’accession au pouvoir du général de Gaulle en janvier 1959 en tant que président de la toute jeune Ve République a en effet représenté un motif de crainte pour les intérêts américains en Europe. Il faut rappeler que le premier volet de la « grande politique » gaullienne concernait les rapports qu’il entendait entretenir avec les États-Unis. Selon le général de Gaulle, les engagements que la France avait pris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ne correspondaient plus à la situation de l’Europe et du monde à la fin des années 1950. La menace communiste semblait éloignée et la nécessité de considérer le « bouclier nucléaire » américain comme une priorité absolue paraissait d’autant moins d’actualité que les Soviétiques avaient désormais les moyens de riposter. S’il paraissait peu probable que les deux superpuissances en viennent à frapper directement leurs territoires respectifs, en revanche l’Europe était devenue le terrain privilégié d’un affrontement Est-Ouest38. Selon cette analyse, la France conduite par le général de Gaulle ne pouvait s’en remettre uniquement aux décisions des États-Unis, prises notamment dans le cadre de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord), elle devait affirmer son indépendance et se doter elle aussi d’une force de frappe nucléaire. En ce sens le général de Gaulle signifia à ses partenaires anglo-saxons que la France souhaitait réviser l’organisation de l’OTAN dans un mémorandum daté du 17 septembre 1958 et adressé au président Eisenhower, et au premier ministre Harold Macmillan39.
22Dès lors la France allait tenir le rôle du fauteur de troubles européen, sous la surveillance accrue des agents des services d’information américains.
23Or, pour ces derniers, les prétentions du général de Gaulle en matière de politique internationale étaient indissociables du rayonnement culturel qui caractérisait la France des années 1950 et 1960. Pour les observateurs de la diplomatie publique américaine il ne faisait pas de doute que l’influence culturelle de la France en Europe comme en Afrique ou au Moyen orient constituait un atout de taille dans le jeu des relations diplomatiques40. Bénéficiant d’un réseau de diffusion culturelle vieux de plus d’un demi-siècle, celui des Alliances françaises en particulier, la France de la culture et de l’éducation avait en effet su se rendre visible à l’étranger41, et entendait bien continuer à privilégier les échanges culturels dont le rôle, dans la bataille idéologique mondiale qui était engagée, ne faisait guère de doute.
24Par ailleurs il apparaissait très clairement aux agents de l’USIA à Paris pendant cette période, que la France, ses dirigeants comme ses élites intellectuelles, avait une tendance tenace à associer rayonnement culturel et maturité politique. La nomination d’André Malraux42 par le général de Gaulle, au poste de ministre des Affaires culturelles en mai 1958, n’avait fait que renforcer cette analyse de l’exception culturelle française. La mission d’un USIS comme celui de Paris fut donc de convaincre le plus de personnalités possible du monde de la culture, de la politique ou des médias de la force de la culture américaine.
25Or, comme le montrent les sondages réalisés auprès de la population française par les services d’information de l’ambassade, à Paris à la fin des années 1950 existait une corrélation très nette entre la maîtrise de la langue anglaise et la curiosité suscitée par les États-Unis ; plus les Français maîtrisaient la langue anglaise et plus ils avaient d’estime pour la culture américaine43. Ce type de constat répété par les différents CAO et PAO en France comme dans la plupart des démocraties ouest-européennes, est venu conforté le point de vue défendu par le sénateur Fulbright et ses partisans, selon lesquels la stratégie la plus efficace, pour lutter contre les idées reçues et les représentations erronées des États-Unis, était la promotion des échanges éducatifs et culturels.
Culture ou Propagande : le credo du sénateur Fulbright en question
26Alors que depuis le début des années 1950 l’ensemble de ces échanges avait été étendu à toutes les parties du monde et en particulier à l’Asie, l’Europe de l’Ouest (Grande-Bretagne, France et Allemagne de l’Ouest en tête) fournissait la grande majorité des boursiers Fulbright44. Cela reflétait à n’en pas douter l’importance de l’Europe sur le plan économique et politique pour les faucons de la politique étrangère américaine. Si bien que, pour reprendre le mot de l’historien Richard Pells, le programme Fulbright devint en quelque sorte pendant cette période le « Plan Marshall de la culture européenne45 », voué à soutenir la vitalité intellectuelle des nations alliées.
27Cependant, alors qu’au début des années 1960, plus d’une bourse sur deux proposées par l’USIS de Paris était une bourse Fulbright, celles-ci étaient nettement associées à des motivations politiques. Dans l’Europe de la guerre froide, les programmes d’échanges, considérés jusqu’alors par nombre de responsables politiques américains comme devant être une simple manifestation de la diplomatie culturelle, avaient pris une autre dimension sous les auspices des agents de l’USIA. Le sénateur Fulbright lui-même devait reconnaître a posteriori qu’il ne s’agissait « pas de programmes d’éducation pour les nécessiteux mais de programmes destinés à exercer une influence sur les questions politiques par le truchement d’un leadership avisé exercé par les États les plus importants46 ».
28À cet effet les objectifs des programmes d’échanges sous la responsabilité des services d’information américains en France (à Paris et à Alger) furent considérablement affinés à partir de 1960. Si le premier objectif des programmes d’échanges proposés par l’USIS de Paris demeurait la promotion de la langue et de la civilisation américaine en France par le biais de l’enseignement primaire secondaire et universitaire, le second objectif était de renforcer et de développer le soutien à l’Alliance atlantique. Il s’agissait d’utiliser les échanges de personnes, pour démontrer que les États-Unis avaient l’intention d’utiliser leurs découvertes et avancées dans le domaine scientifique à des fins pacifiques, et pour encourager le partage d’informations entre la France et les États-Unis. La France en particulier devait être assurée de la bonne utilisation de la supériorité technologique américaine pour préserver la sécurité du monde libre en cas d’agression. Pour ce faire le département d’État et l’USIA entendaient privilégier les échanges de professeurs, d’étudiants et de journalistes spécialisés dans les domaines de la physique nucléaire, ou de l’astrophysique au détriment des étudiants en médecine qui devaient pouvoir bénéficier de programmes privés. Et dans le but de promouvoir et de soutenir l’intégration européenne, dix bourses supplémentaires (dont huit Fulbright) devaient être accordées aux étudiants français en économie et marketing ainsi qu’à d’éventuels leaders d’opinion appartenant à des mouvements politiques « pro-intégrationnistes » ; le Leader Program devait quant à lui s’intéresser plus spécifiquement aux représentants de l’OECE (Organisation européenne de coopération économique47).
29À l’appui de ces deux premiers objectifs les programmes d’échanges orchestrés par les agents de l’USIA devaient susciter respect et confiance dans la capacité des États-Unis à conduire le monde libre. En d’autres termes les États-Unis devaient faire la preuve auprès d’observateurs privilégiés, qu’ils constituaient un modèle de démocratie politique et sociale, où chaque citoyen avait le pouvoir et la responsabilité d’œuvrer pour le progrès démocratique. Pour l’USIS de Paris, il s’agissait de choisir des lauréats français qui pouvaient constituer des témoins avisés du fonctionnement de la démocratie en Amérique. L’accent devait être mis pour les années soixante sur la réduction des inégalités et des discriminations sociales et raciales. Dans ce but, outre les élites universitaires, tels les professeurs et chercheurs en sciences politiques, en économie, en sociologie ou en études africaines (bénéficiant d’une bourse Fulbright), les agents de l’information avaient pour mission de choisir des lauréats parmi des groupes ciblés de la population française.
30Les femmes engagées, responsables d’un mouvement féministe ou d’une association nationale dévouée à l’amélioration de la condition féminine48, constituaient un premier groupe susceptible d’observer et de créer des liens avec des organisations similaires aux États-Unis (sur le modèle de la Commission de correspondance49). Les jeunes gens issus de la classe ouvrière française constituaient un second groupe susceptible de rendre compte de la différence de niveau de vie entre la France et les États-Unis pour des personnes à faibles revenus ; ils devaient bénéficier d’une bourse de 4 000 dollars pour visiter les États-Unis ; quant aux représentants des organisations de jeunesse françaises, ils devaient pouvoir apprécier dans le cadre d’un programme d’échanges offert par l’ambassade des États-Unis, la place de choix que la démocratie américaine réservait aux jeunes gens50.
31Enfin, par le biais des programmes d’échanges avec la France, les autorités américaines entendaient démontrer que leur réussite économique n’avait en rien entravé la vivacité artistique et culturelle de leur nation. Au contraire elle aurait permis, tout en soutenant les nouveaux talents, de démocratiser l’accès à la culture en éduquant le plus grand nombre. Pour attester de ce progrès les agents de l’USIS de Paris eurent pour mission de sélectionner des doyens de faculté et des proviseurs de lycées français destinés à expérimenter la modernité des équipements éducatifs américains. Et pour faire la preuve de la qualité de la créativité cinématographique, des studios hollywoodiens en particulier, des personnalités, comme Robert Montgomery ou Elia Kazan furent sollicités par les services d’information pour animer un cycle de conférences dans la capitale française. Rendu célèbre par ses très nombreuses performances d’acteur dans les années trente, Robert Montgomery, qui tourne, entre autres, sous la direction d’Alfred Hitchcock ou de John Ford, se consacre à partir des années 1950 essentiellement à la réalisation et surtout à des activités politiques au service du Parti républicain. Il occupe notamment les fonctions de conseiller audiovisuel auprès du président Eisenhower, ce qui l’amène à collaborer avec les services de l’USIA. En revanche, pour les agents de l’USIA, malmenés durant le maccarthysme, il fut quelque peu troublant de trouver le nom d’Elia Kazan, le célèbre réalisateur de Sur les Quais, dans la liste des personnalités d’Hollywood censées faire la preuve de la remarquable qualité de la création cinématographique américaine ; et ce, non pas en raison des œuvres universellement reconnues de Kazan, mais à l’évidence du rôle controversé qu’il joua dans la chasse aux sorcières à l’encontre des réalisateurs d’Hollywood. Cet ancien membre du Parti communiste repenti, fut donc sollicité par les services de l’USIA pour assurer la promotion des valeurs hollywoodiennes contre celles des communistes51.
32Le principal défi des USIS américains en France pour les années 1950 et 1960 résida dans la permanence d’une fronde menée par une frange des intellectuels français visant à dénigrer systématiquement la culture américaine ou à faire peser sur elle le soupçon de « l’impérialisme voire du colonialisme culturel52 », selon le mot de Claude Julien, journaliste et essayiste de gauche, qui publiait en 1968 L’Empire Américain. Pour les détracteurs de « l’Empire américain », les États-Unis via l’USIA et la CIA corrompaient les esprits et les cerveaux en offrant des « voyages d’études » favorisant la complaisance, et en commanditant des ouvrages scientifiques (anti-communistes) via des éditeurs indépendants. En ce sens l’information et les échanges orchestrés par l’USIA n’étaient ni plus ni moins que des activités de propagande. Dans son ouvrage Claude Julien rappelle l’étonnant débat qui opposa Walter Lipscomb à Leonard Marks alors directeur de l’USIA quant à l’usage toléré, voire encouragé, de ces pratiques à destination de l’étranger, mais totalement honni sur le territoire américain. Les programmes d’échanges adressés aux élites universitaires, politiques et médiatiques devaient remédier à cet état de fait en insistant sur les valeurs communes partagées par les deux nations.
33Fortement marquées par l’héritage de la guerre psychologique menée par l’OSS et l’OWI les stratégies de l’USIA dans l’Europe des années 1950 et 1960 s’apparentent à des stratégies d’infiltration culturelle ayant pour but de constituer un solide relais aux politiques américaines de lutte contre le communisme parmi les élites politiques françaises, les syndicats italiens ou les intellectuels allemands.
34La constitution de solides réseaux d’influence, la relative stabilité des institutions politiques, les avancées de la construction européenne et la période de croissance économique des Trente Glorieuses que connaît l’Europe de l’Ouest représentent dans les années 1970 des garanties suffisantes, favorables au maintien de la démocratie, pour que les responsables de la diplomatie américaine ne considèrent plus la France, l’Allemagne et l’Italie, pays de « la zone critique », comme une priorité absolue, à l’heure où tous les efforts se concentrent sur le front asiatique.
35Avec la fin de l’enlisement au Vietnam et l’avènement de la détente, la politique étrangère américaine en Europe retrouve une certaine fluidité sous l’égide des Administrations Nixon puis Carter, dont les desseins et les ambitions relèguent pour un temps la diplomatie publique à destination de l’Europe en arrière-plan. Considérée par ses détracteurs comme allant à l’encontre de l’exceptionnalisme américain, la politique de linkage choisie par Richard Nixon et Henry Kissinger favorise l’ouverture et les compromis avec les nations communistes ; l’heure n’est plus à l’affirmation massive des valeurs américaines53. En revanche si Jimmy Carter fait grand cas des droits de l’homme dans sa politique de communication présidentielle, ainsi que dans ses velléités à résoudre les conflits internationaux comme celui du Moyen-Orient, les directives données à l’USIA devenue l’USICA54 n’accordent pas la priorité à l’Europe, ni même à l’Europe de l’Est où l’on aurait pu penser que la cause des droits de l’homme nécessitait d’être soutenue. Les préoccupations du chef de l’exécutif américain se portent d’abord sur l’Amérique latine, le Moyen-Orient et la Chine avant que, fin 1978, les programmes d’information et d’échanges destinés à la « génération européenne des successeurs » ne soient à nouveau présentés, par les professionnels de la diplomatie publique sur le terrain, comme une priorité.
Le regain d’intérêt pour les programmes d’échanges dans les années 1980 : les programmes à destination des médias et des élites, politiques et économiques
36Dans les années 1980 les stratégies de long terme, jusque-là intimement associées aux politiques culturelles, vont être intégrées à part entière dans les stratégies de diplomatie publique de la Maison-Blanche55. Dédaignés dans un premier temps par le directeur de l’Agence d’information, les échanges culturels vont rapidement connaître un nouvel essor bénéficiant de synergies publiques et privées. C’est à travers l’International Youth Exchange Initiative, baptisé plus tard « Programme d’échanges Ronald Reagan », et présenté au sommet de Versailles en 1982, que Charles Wick entend relancer les programmes d’échanges existants, tels que les programmes Fulbright ou Humphrey. Véritable bailleur de fonds, il engage l’USIA dans ce projet pour un montant de deux millions de dollars et entend accroître cette somme grâce au mécénat privé56. Les jeunes gens concernés par ce programme ont entre 15 et 19 ans et sont tous issus des grands pays industriels de la planète participant au sommet de Versailles (Canada, RFA, France, Italie, Grande-Bretagne, Japon…), ils représentent les futurs décideurs de la vie politique ou économique de leur pays respectif et donc des interlocuteurs de choix potentiels qui doivent, par le biais de ces échanges universitaires, créer des liens privilégiés avec les États-Unis.
37Or, la spécificité de ces nouveaux programmes d’échanges vient de l’implication de la Maison-Blanche par le biais d’un comité de coordination spécifiquement créé à cet effet. Orchestrés par l’USIA sous couvert de la Maison-Blanche, les programmes d’échanges de l’ère Reagan ne sont plus comme par le passé, l’apanage de la politique culturelle américaine ; ils jouent un rôle tout à fait officiel dans les stratégies de la diplomatie publique.
38Dès l’année suivant le sommet de Versailles, l’Administration Reagan alloue 10 millions de dollars à ce projet et charge le President Council for International Youth Exchange Initiative de réunir dix autres millions auprès des partenaires du secteur privé. L’originalité du projet du Youth Exchange Initiative tient en effet également à l’implication de nombreuses organisations et lobbies du secteur associatif ou économique. Ainsi, à l’été 1983, outre la trentaine d’étudiants italiens sélectionnés pour passer un semestre dans une université américaine de la côte est57, une trentaine de jeunes Européens de l’Ouest participent à un programme d’été aux États-Unis à l’initiative de la Croix-Rouge américaine. Au même moment, sous l’égide de l’association Arrow, Inc.58, un petit groupe de jeunes Indiens-américains se rendent en Allemagne de l’Ouest pour faire connaître leurs tribus Navajo, Laguna ou Comanche aux jeunes gens de Francfort, Stuttgart, Munich, Bonn ou Berlin Ouest59.
39Les stratégies de l’information de l’ère reaganienne s’organisent donc progressivement en amont auprès des forces vives de la jeunesse européenne, tout en privilégiant à plus court terme les relations avec la presse et les intellectuels étrangers.
40C’est en étroite collaboration avec le responsable des relations avec la presse pour la Maison-Blanche, Mort Allin, que le centre de l’USIA dédié à la presse étrangère (Foreign Press Center) met en œuvre très méticuleusement la communication de l’Administration Reagan auprès des médias étrangers60. Pour ces professionnels de la communication, la crédibilité de la politique de la Maison-Blanche auprès des partenaires étrangers repose avant tout sur le choix des interlocuteurs qui vont relayer l’information dans leur pays respectif. En ce sens, les services de la Maison-Blanche comme ceux de l’USIA se montrent très scrupuleux lorsqu’il s’agit d’inviter des directeurs de publications, ou des correspondants de presse étrangers, à participer à des rencontres avec les responsables politiques des Affaires étrangères ou de la Défense. Chaque participant fait l’objet d’une enquête qui a pour but de déterminer son influence potentielle ou avérée sur la scène médiatique, et de surcroît, sur l’opinion publique de son pays61. L’ensemble de ces enquêtes sont transmises, par le responsable des Foreign Press Centers de l’USIA, en format abrégé, au responsable des Affaires publiques du NSC62. Ainsi l’Administration Reagan intègre plus étroitement les activités de l’Agence d’information dans ses stratégies de diplomatie publique.
41Parallèlement, dans le cadre des partenariats avec les fondations privées, fortement encouragés par Charlie Wick, l’USIA s’intéressait de très près aux activités et aux écrits des journalistes européens. Ainsi à partir de 1983, par l’intermédiaire du célèbre Marshall Plan Fund of the United States63, plusieurs d’entre eux furent retenus pour participer à un programme d’échange visant à expliciter de manière exhaustive les positions américaines, en particulier sur les questions de défense. Les journalistes français Hervé Cannet pour La Nouvelle République du Centre-Ouest, Nicole Piantanita pour le quotidien Le Matin et Thierry Wolton du magazine Le Point firent l’objet d’une fiche de renseignements très détaillée transmise par les services du Marshall Plan Fund à l’USIA64. Thierry Wolton, essayiste et écrivain, s’était distingué, semble-t-il, par ses écrits jugés engagés et ses analyses du monde communiste ; les agents de l’USIA avaient été particulièrement attentifs à ses écrits : Vivre à l’Est (Les Temps Modernes, 1977), Culture et pouvoir communiste (Éditions Recherches, 1979), ou encore L’Occident des dissidents (Éditions Stock, 1979).
42Plus largement, durant le premier mandat de l’administration Reagan ce sont les représentants les plus influents des médias européens qui font l’objet d’une attention toute particulière. Pour les faucons de la communication à Washington, il devient rapidement impératif d’expliciter de manière régulière, au moins deux fois par an, les prises de position des États-Unis auprès des partenaires de l’Alliance atlantique. Pour assurer la cohésion de l’OTAN et défendre le point de vue de l’Administration Reagan sur la question de la sécurité en Europe, le soutien des Européens de l’Ouest était indispensable. Il s’agissait donc pour l’USIA, de concert avec la Maison-Blanche, de mettre en œuvre une politique de persuasion des plus efficaces, notamment sur les questions de l’Arms Control. Pour ce faire, avant même l’arrivée de Charlie Wick à la tête de l’USIA, son prédécesseur, Gilbert Robinson, avait requis la présence des responsables les plus influents de l’Administration Reagan. Au premier rang de ces personnalités se trouvaient le conseiller spécial du président pour les questions de sécurité nationale, Robert C. McFarlane65, et le vice-président George Bush ; suite à son voyage en Europe de l’Ouest et à son entrevue avec le leader de l’Union soviétique Youri Andropov, ce dernier était devenu une figure emblématique des questions de sécurité européenne.
43Or, pour convaincre les Européens qu’ils se rangeaient bien auprès de la puissance la plus performante sur le plan technologique, les services de presse de l’USIA invitèrent à partir de l’été 1983 plusieurs journalistes de l’Union européenne, spécialistes des questions économiques, à faire un tour d’horizon des fleurons de l’industrie et de la recherche américaines. Du quartier général de AT&T à Murray Hill dans le New Jersey66, en passant par ceux de Boeing à Seattle, jusqu’à la Silicon Valley, les journalistes européens invités à ces voyages d’observation devaient avoir autant de preuves des avancées technologiques des alliés américains. Et, sans doute par soucis de pédagogie, il était également prévu que le conseiller scientifique à la Maison-Blanche, George A. Keyworth, rappelle, lors d’une brève allocution à Washington, les succès du pays de la libre entreprise, ainsi que la nécessité absolue de la coopération atlantique pour empêcher que les technologies innovantes sur le plan militaire ne tombent aux mains de l’URSS.
44Quelques années plus tard, à partir du mois d’août 1985, ces séjours d’observation furent développés et réservés désormais à une vingtaine d’experts scientifiques venus d’Europe de l’Ouest comme de l’Est, ainsi que de certains pays d’Afrique et d’Amérique latine, dans le cadre du programme Future Energy Ressources. Ces échanges très ciblés et sponsorisés entièrement par l’USIA furent cependant délégués sur le plan logistique, pour des raisons de lisibilité, à un organisme privé répondant au nom de Delphi Research Associates67. Ces chercheurs de renom dans leurs États respectifs avaient pour la plupart exercé plusieurs fonctions importantes dans le secteur de l’énergie. Leur expertise, pour les ressortissants de l’Est, en particulier, s’étendait bien souvent au-delà des frontières de leur propre pays. Le but de ces contacts privilégiés avec des chercheurs du bloc de l’Est ou de pays en voie de développement devaient permettre de réunir des renseignements d’importance pour la recherche, l’industrie et la coopération économique entre les États-Unis et les États dont ces personnalités du monde de l’énergie étaient ressortissants.
45Ces stratégies d’influence, véritables syncrétismes de partenariats public-privé, caractérisent la diplomatie publique orchestrée par l’Administration Reagan. Bien qu’elles ne s’inscrivent pas totalement dans des stratégies de persuasion de masse, elles peuvent être répertoriées comme des stratégies d’influence à large spectre. De manière encore plus précise, l’USIA des années Reagan, comme celle des années 1950 et 1960, s’appuie pour étendre son influence à l’étranger sur des personnalités-clés du monde politique et économique européen.
46À plus court terme que le Youth Exchange Program, le Foreign Leader Program (rebaptisé International Visitors Program) des années 1980, tente de créer des relations privilégiées avec des intellectuels ou des technocrates engagés dans les sphères de pouvoir des pays de l’Union européenne. Ces personnes ne sont donc pas nécessairement des personnalités politiques mais plutôt des conseillers, des observateurs privilégiés, des chercheurs en sciences humaines, dont l’influence est jugée prépondérante par les agents de l’information américaine. C’est à ce titre que Bona Pozzoli, chercheuse romaine en relations internationales et conseillère auprès du ministre italien des Affaires européennes, fut invitée par l’USIA à l’été 1981, dans le cadre du Visitor Program68. La jeune femme participait alors à un projet de recherche sur la « Sécurité atlantique » qui avait suscité le plus grand intérêt des experts de l’USIA.
47L’ensemble des rapports remis aux conseillers de la Maison-Blanche sur les résultats et l’efficacité de ces relations, aussi bien spéciales qu’individuelles, établies avec ces personnalités du monde politique ou culturel européen ne sont pas disponibles à ce jour. Cependant, les nombreux mémorandums échangés entre les responsables des échanges de l’USIA et les conseillers de la Maison-Blanche sur ces questions attestent bien la mise en œuvre, en matière d’information, de véritables stratégies de précision, émanant d’une volonté politique consciente des enjeux publics de la diplomatie de « nouvelle guerre froide ».
Les stratégies de l’USIA dans les pays de la « zone critique » : entre politique de réalité et exceptions culturelles, les cas de la France, de l’Italie et de l’Allemagne
48En aval des stratégies de la politique étrangère américaine élaborée depuis Washington pour des zones géographiques parfois aussi large que « l’Europe de l’Ouest », les programmes d’information mis en œuvre pour un pays ou une ville européenne offre une approche souvent plus fine du travail de terrain mené par les agents de l’USIA pendant la guerre froide.
49L’étude des country plans des USIS situés en Europe de l’Ouest comme de l’Est permet en effet de comprendre quels ont été les programmes et les activités pragmatiquement mis en œuvre pour servir les stratégies d’influence de l’Agence d’information américaine.
50Le country plan établit la ligne directrice à suivre d’un USIS pour l’année à venir. Il débute par une présentation générale et une analyse de la situation locale sur le plan politique comme sur le plan sociologique. Le country plan permet également de dresser, à un instant donné, un bilan de l’évolution de l’opinion de la population locale vis-à-vis des États-Unis comme de l’URSS. Il offre par ailleurs une analyse des relations internationales présentée du point de vue de la population locale. Comme le souligne généralement, le rapporteur du document, le PAO, l’objectif des activités des USIS, par le biais des médias ou des contacts personnels, est double ; il s’agit à la fois, dans une perspective de long terme, de répondre à une stratégie de bridge-building69 et à plus court terme de tenter d’influencer l’opinion et d’apporter des réponses pragmatiques en ayant recours aux diverses techniques de sondage et d’analyse d’opinion.
51D’un pays à l’autre et en fonction des enjeux géopolitiques du moment les stratégies mises en œuvre par les USIS ont tenté de s’adapter pour agir au plus près des intérêts nationaux, de défense et de sécurité, des États-Unis. En assimilant démocratie et liberté les propagandistes américains accordent de fait une supériorité morale à leur pays, ce qui constitue un parti pris idéologique majeur dans l’élaboration de leurs programmes d’information.
Les stratégies communes des USIS en Europe de l’Ouest
« In the unity of
the free world lies our best chance to reduce the Communist threat
without war. »
Discours sur l’état de
l’Union du président Eisenhower, 1954.
52Aussi longtemps que l’Europe de l’Ouest est considérée comme un enjeu géostratégique dans la lutte d’influence que se livrent les deux superpuissances, la mission essentielle des 388 agents américains en poste dans les 66 USIS (répartis dans plus de 20 pays) d’Europe de l’Ouest70 est claire. Ils doivent avant tout renforcer les contacts individuels avec les leaders politiques ou les leaders d’opinion, notamment dans le cadre de la « people-to-people communication ». Et ce, dans le but de permettre la réalisation d’objectifs chers aux États-Unis, tels que la sécurité collective, l’unité européenne, ou encore la reconstruction socio-économique de l’Europe :
« Le programme de l’Agence pour l’Europe libre a pour dessein : de promouvoir une meilleure compréhension et un plus grand soutien vis-à-vis de l’OTAN ainsi que des mesures de sécurité collective, d’encourager les velléités d’avancement dans le processus d’unification, de dénoncer le mythe soviétique et de réduire l’influence de Moscou ; enfin ce programme a pour but d’offrir aux personnes particulièrement érudites de cette région du monde une image convaincante et enthousiasmante de l’Amérique et de ses politiques sur le plan intérieur comme sur le plan international71. »
Promouvoir l’intégration européenne
53Jusqu’au début des années 1970, l’intégration européenne est en effet un des objectifs majeurs de la politique diplomatique américaine en Europe. Dans le but d’encourager la création de la Communauté européenne de défense, puis la Communauté économique européenne, il fut notamment demandé, dès 1954, aux services télévisuels de l’USIA de produire et de distribuer un film promotionnel à destination de l’Europe : Tom Schuler, Statesman, Cobbler. Relatant l’évolution des treize colonies d’Amérique, le scénario insiste sur les avantages qui résultent de l’abolition des barrières politiques et commerciales72. Pour faire face aux réticences affichées des gaullistes et des communistes français, la même année, les USIS de Paris organisèrent de multiples cérémonies pour commémorer le 10e anniversaire de la Libération, la couverture de ces événements fut assurée et distribuée en moins de 48 heures dans l’ensemble de l’Europe de l’Ouest. Ces initiatives avaient pour but de démontrer qu’il existait une communauté d’intérêts et un rapprochement des points de vue entre les États-Unis et la France au sujet de l’Europe73.
54Sur cette même ligne diplomatique l’agence d’information s’attache plus particulièrement au cours des années 1950, à défendre la souveraineté de l’Allemagne de l’Ouest et l’indépendance de l’Autriche. Dans ces deux pays, ce sont les médias de masse mis en place par l’USIA, la radio Red-White-Red et le quotidien Wiener Kurier qui encouragent notamment le retrait des troupes soviétiques et le retour de l’Autriche à sa pleine souveraineté. Après la signature du traité avec l’Autriche le 15 mai 1955, les services de l’USIA furent chargés de diffuser l’information dans toute l’Europe et aux États-Unis, en expliquant l’importance géostratégique que pouvait représenter l’indépendance autrichienne, et le retour attendue à la pleine souveraineté de l’Allemagne au sein du monde libre.
55La fonction des agents de l’USIA en Europe consiste donc principalement à relayer par voie de presse (écrite, radiophonique puis télévisuelle) les prises de position américaines en matière de politique étrangère ; et ce, grâce au service de presse de l’agence, le Wireless File, qui fournit quotidiennement aux USIS, et à la Voix de l’Amérique l’intégralité des textes et des discours officiels, émanant du département d’État ou de la Maison-Blanche74. C’est à partir des informations fournies par le Wireless File, que sont rédigés l’essentiel des tracts et des pamphlets anti-communistes distribués en Europe.
56La distribution des magazines d’information édités à Washington vient à l’appui du travail des agents en poste sur le territoire ; destinés à un public plus averti, il s’agit essentiellement de Problems of Communism, édité deux fois par mois en anglais et en espagnol (21 000 et 6 000 exemplaires), et, à partir de 1968, de la revue, Dialogue, disponible également en français, qui s’adresse plus spécifiquement à un lectorat d’intellectuels. À l’inverse, l’observation et l’analyse de la presse locale est une des missions essentielles des agents de l’USIA en Europe occidentale.
57En dehors des grandes lignes fixées, depuis Washington, pour toute la zone ouest-européenne, chaque USIS est chargé d’élaborer pour chaque pays un programme ciblé (country plan) en fonction des évolutions politiques, et des fluctuations de l’opinion publique. Ainsi à partir de 1954, par exemple, la crainte du développement du communisme en Europe du Nord conduit les USIS de Finlande à publier un magazine, Aikamme (Our Times), destiné spécifiquement aux travailleurs de l’industrie et à leurs familles75.
58Mais, au cours des années 1950 et 1960 ce sont plus particulièrement les évolutions politiques de la France, de l’Italie et de l’Allemagne, constituant, pour les États-Unis, « la zone critique » (the crucial zone), qui sont susceptibles de provoquer l’inquiétude des défenseurs de la sécurité collective. La présence, aux lendemains de la guerre (entre 1947 et 1952), de communistes dans les gouvernements français (entre 1945 et 1947) et italiens, avait particulièrement retenu l’attention des agents de l’OSS, puis de ceux de la CIA. Le Parti communiste italien au pouvoir durant cette période est en effet le plus important parti communiste du monde libre ; quant au Parti communiste français, il est présent à la fois au gouvernement et à la Chambre des députés. Or, comme le remarquent les agents des USIS, justifiant ainsi leur mission, c’est avant tout pour des raisons socio-culturelles que les communistes jouissent d’une influence incontestable dans ces deux nations. Les montées d’anti-américanisme auxquelles ont dû notamment faire face les représentants de l’USIA dans ces deux pays, au moment de la guerre du Vietnam et du mouvement des droits civiques aux États-Unis, nécessitaient des programmes d’information adaptés à des réticences vis-à-vis de la politique américaine, qui demeuraient avant tout d’ordre socio-culturel. L’étude des country plans de la France et de l’Italie, au début des années 1960, fournit des exemples significatifs de l’élaboration sur le terrain, par les agents des USIS de Paris et de Rome, de programmes d’information ciblés et adaptés aux réalités politiques de cette période.
Crises politiques et internationales : des stratégies spécifiques pour la France et l’Italie dans les années 1960
59La méthode employée par les agents des USIS consistait tout d’abord à dresser un état des lieux de la situation locale (en dressant par exemple, le bilan de la dichotomie nord-sud en Italie en matière économique et politique76), et à prendre acte de la façon dont l’administration américaine au pouvoir était perçue. Bien souvent il s’agissait de diviser la population en deux catégories, les communistes et les anti-communistes, et d’observer les réactions de ces deux groupes à l’aune des événements internationaux. Ainsi les agents de l’USIS de Rome remarquent-ils que l’année 1959, en Italie, est marquée dans les esprits par le phénomène de la distensione ou de la détente sur le plan international, ce qui conforte les pro-communistes, mais ce qui inquiète les non-communistes, persuadés que la détente est synonyme d’une capitulation face aux exigences soviétiques. Dès lors, l’USIS de Rome s’est donné pour mission de rassurer les sceptiques en faisant passer la réalité des intentions américaines auprès des journalistes, des écrivains et des leaders politiques favorables au camp de la démocratie77.
60Dans les années 1950 et 1960, il subsiste en effet, au cœur d’une grande partie de la population française, comme italienne, une relation d’attraction et de répulsion envers les États-Unis. Le contexte de guerre froide marqué par la peur de la menace nucléaire d’une part, et l’image des États-Unis en Europe durant toute la période mouvementée des droits civiques, d’autre part, créent un climat de méfiance voir de rejet du modèle américain. Le véritable travail de persuasion de l’USIA doit donc se mettre en œuvre sur le terrain au plus près des aspirations et des craintes des populations européennes.
61La fascination et la méfiance que pouvaient susciter les États-Unis auprès des populations ouest européennes, ont pu être mesurées en France comme en Italie à l’aune des mouvements populaires anti-américains, résumés par la formule lapidaire « US go home », souvent synonyme de « GI’s go home », comme l’a rappelé Olivier Pottier dans un article consacré à la présence militaire américaine sur le territoire européen des années 1950 aux années 1980. Dès la fin de l’année 1950, à la faveur de nombreux accords bilatéraux signés par les États-Unis et plusieurs pays européens, d’importants contingents de soldats américains avaient à nouveau été installés en Europe. Lors de l’arrivée au pouvoir du président Eisenhower en 1953, le gouvernement américain avait adopté la stratégie des « représailles massives » (massive retaliation) qu’il imposa ensuite à l’OTAN en 1954. À toute attaque soviétique, l’armée américaine devait riposter par l’usage de l’arme atomique, ce qui, très vite, fut perçu comme une menace sérieuse pour les Européens, placés en première ligne. Comme l’explique Olivier Pottier, pour Washington, chaque pays européen eut, dès lors, une fonction particulière :
« L’Allemagne est un “bouclier” qui, grâce à des armes conventionnelles et nucléaires tactiques (bombes A, dites de “champ de bataille”) doit essuyer le premier choc d’une attaque soviétique et donner au “glaive” (les unités aériennes stratégiques du SAC, le Strategic Air Command, basées en Grande-Bretagne et dotées d’armes de destruction massive, les bombes H) le temps de riposter et de frapper au cœur de l’Union soviétique. La France quant à elle est une énorme base-arrière logistique chargée de ravitailler les forces américaines installées en Allemagne et de les aider à effectuer la première riposte. Les forces américaines basées en Espagne, Italie, Grèce et Turquie couvrent le flanc sud de l’Europe, elles assurent le ravitaillement des bâtiments de l’US Navy et, en cas d’attaque soviétique, sont aptes à assurer une riposte nucléaire tactique (missiles tactiques basés au nord de l’Italie) ou stratégique (bombardiers du SAC basés en Espagne, missiles installés en Turquie78). »
62En 1962, les forces américaines déployées en Europe dépassaient les 370 000 hommes, leur mission était de contribuer à l’endiguement militaire du communisme. Or, malgré le passage de la doctrine des représailles massives à celle des représailles graduées (flexible response)79 cette « occupation » d’une partie des territoires nationaux (terme utilisé par les militants communistes pour justifier le slogan « US go home »), était encore fort visible. Elle avait pris la forme de bases militaires déployées un peu partout, d’Heidelberg en Allemagne de l’Ouest, à Livourne en Italie, en passant par Orléans, Châteauroux, La Rochelle, Verdun, Chaumont en France80.
63Cette proximité des GIs américains et de leurs familles avec les populations françaises ou italiennes, avait créé dans un premier temps un engouement pour la nouveauté, et l’American Way of Life, un rêve rendu accessible par la présence des bases militaires. Or, au fil des crises internationales, l’américanisation presque souhaitée par les populations vivant à proximité, celle véhiculée par les stars hollywoodiennes, ou encore associée au chewing-gum et bien entendu au Coca-Cola, cède la place à un vif sentiment de rejet. La crise de Cuba puis la guerre du Vietnam vont tour à tour transformer les bases américaines en symboles de la menace nucléaire, et de l’impérialisme.
64Or, si la population française est particulièrement réticente à la présence militaire américaine, elle l’est plus encore à l’égard de l’installation d’armes nucléaires sur son territoire ; il faut en effet rappeler que l’enjeu de la question nucléaire représente une véritable pomme de discorde entre le gouvernement américain et le celui du général de Gaulle81. Ces relations tumultueuses entre les deux nations aux plus hauts sommets de l’État ont nécessité un travail de « pédagogie » permanent de la part des services d’information américain.
65Si l’arrivée au pouvoir de l’administration Kennedy et les idées de la « Nouvelle Frontière » sont fort bien accueillies par la population française au début des années 1960, une certaine méfiance demeure à l’égard des intentions américaines. Dès lors, les objectifs des services d’information doivent se situer plus en amont comme en témoignent les efforts considérables entrepris par l’USIA, notamment auprès de la presse française, pour promouvoir la nouvelle administration, en particulier lors de et la visite du président Kennedy à Paris. À l’occasion de la venue en Europe du président Kennedy, l’USIS de Paris avait en effet redoublé d’efforts en permettant la traduction et la distribution d’ouvrages tels que celui de Burns, John Kennedy, A Political Profile ou de Kennedy, La Stratégie de la Paix (pour plus de 800 exemplaires), en fournissant plus d’une centaine de brèves à Radio Luxembourg, Europe 1, ou RMC82.
66Déjà, lors du discours inaugural de celui-ci, le service de presse de l’USIA à Paris, avait effectivement fait parvenir les traductions des principales allocutions précédentes de Kennedy à plus de 3 000 leaders d’opinion, hommes politiques, éditeurs et surtout journalistes. Ces textes et leurs extraits furent largement repris et utilisés dans les colonnes du journal Le Monde, mais également dans les colonnes du Figaro sous la plume de Raymond Aron ; celui-ci expliqua à ses lecteurs dès le 15 mars 1961, la philosophie de l’arms control, prônant le retour à des relations plus rationnelles entre les États-Unis et l’URSS, qui commenceraient pas des accords sur le désarmement et l’arrêt de la prolifération nucléaire. Par la suite l’explication, faite à nouveau par Raymond Aron dans Le Figaro du 28 novembre 1962, de l’ample victoire de Kennedy au terme de la crise de Cuba, devait s’inscrire dans la reprise de l’ascendant psychologique des États-Unis sur l’URSS83.
67Parallèlement à ces grandes campagnes, constituant des opérations à forte visibilité, orchestrées depuis Washington, les services d’information des pays de « la zone critique » en Europe de l’Ouest, ont élaboré des stratégies plus ciblées, répondant aux aspirations des populations locales. Or, comme le soulignait Leo Bogart84, dans sa première analyse des programmes d’information américains, un programme de propagande ayant des ressources limitées ne peut s’adresser qu’à une partie du public visé ; pour être efficace les USIS, partagés entre des contingences politiques spécifiques et un manque de moyen récurrent, ont du sélectionner les groupes d’individus les mieux à même d’exercer une influence décisive dans leur sphère sociétale ou sur l’évolution politique de leur pays. Dans ce but, les professionnels de l’information américaine, pragmatiques avisés, ont à la fois su privilégier des stratégies de long terme comme de court terme, répondant ainsi aux principes de la politique de réalité.
68Entre information et propagande, la problématique de l’USIA, comme celles des USIS, a oscillé entre des stratégies de masse et des stratégies plus fines destinées à des segments très ciblés de population. Or, dans une certaine mesure, en tenant compte des intérêts ponctuels des Administrations Eisenhower et Kennedy, on peut considérer que l’Italie offre un exemple de réussite des stratégies de ciblage comme des stratégies de masse de la diplomatie publique américaine.
Ciblages : les stratégies de réussite des programmes d’information en Italie (1953-1963)
69Malgré les difficultés rencontrées au Congrès par l’Agence d’information lors de sa création, à la fin de l’année 1953 l’USIS de Rome bénéficiait encore d’un large soutien de Washington. Tout d’abord le Parti communiste italien était toujours perçu comme un danger pour les intérêts américains, ensuite, malgré la rigueur budgétaire imposée par le Congrès, les programmes d’information destinés à l’Italie n’avaient pas encore fait l’objet de restrictions trop préjudiciables. Le milieu des années 1950 peut donc être considéré comme une sorte d’âge d’or des activités des USIS en Italie. Les stratégies de l’information américaine, ponctuelles ou de plus long terme recensées dans les plans de mission (country plans) des villes de Rome, Naples et Trieste entre 1954 et 1963 attestent très nettement de l’efficacité des USIS durant cette période. Nous nous intéresserons donc à quelques exemples de programmes suivis d’effets que les services d’information considéraient comme conformes aux objectifs généraux fixés par le département d’État.
Les campagnes d’information à large spectre
70Sur le plan médiatique, pour soutenir la politique extérieure économique prônée par Washington, la section radio et télévision de l’USIS de Rome ne manquait pas d’initiatives, ciblant les intérêts des milieux économiques locaux. Au cours de l’année 1955, les services d’information tournèrent un documentaire dans le nord de l’Italie, à Vérone et à Venise, vantant les mérites et les nécessités d’un programme qui visait à augmenter la productivité dans les entreprises. Sa diffusion sur les chaînes italiennes conduisit plusieurs chefs d’entreprises textiles à demander à participer à ce programme85, officiellement mis en œuvre par le Comité national italien pour la productivité (Italian National Productivity Committee), mais officieusement à l’initiative des services du gouvernement américain.
71Parallèlement, au moment de la campagne Atoms-for-Peace, chère au président Eisenhower86, les expositions sur l’énergie atomique présentées à Trieste avaient permis à plusieurs groupes de médecins et de chercheurs de mener des initiatives en faveur de la recherche dans ce domaine. Ces engagements représentaient un soutien à la politique de Washington qui était exprimé en ces termes par les leaders politiques locaux : « Les traités ou les conventions ne peuvent pas nous garantir que l’énergie atomique ne sera pas utilisée pour la guerre ; la meilleure défense réside dans un emploi pacifique de cette énergie87. »
72Dans le cadre des opérations de ciblage en direction des intellectuels italiens, les USIS menaient deux types de campagne auprès des journalistes. En règle générale il s’agissait de les amener habilement à s’intéresser à des parutions en faveur des intérêts américains susceptibles de toucher un large public ; mais il se pouvait aussi que les agents des services d’information soient amenés à convaincre au cas par cas des personnalités jugées subversives ou dangereuses, en d’autres termes des communistes susceptibles de vilipender la politique de Washington. Ainsi au cours de l’année 1957 l’USIS de Rome réussit à vanter les ouvrages d’Henry Kissinger Nuclear Weapons and Foreign Policy, de McIlwain Constitutionalism Ancient and Modern, ou de Morton White Social Thought in America ; ouvrages qui firent l’objet d’élogieux articles respectivement dans L’Espresso, Il Ponto et Vita e Pensiero. Il n’était pas rare non plus que des ouvrages sur des hommes politiques incontournables de l’histoire américaine, tel qu’Alexander Hamilton, soient habilement amenés à être présentés dans les pages du quotidien Il Mondo.
73Par ailleurs, dans le cadre d’opérations de ciblage beaucoup plus précis, l’USIS de Rome était parvenu l’année précédente à influencer favorablement un jeune journaliste gauchiste, Giorgio Galli, qui écrivait pour plusieurs magazines italiens et qui venait de publier un ouvrage en vogue sur l’histoire du communisme italien (Storia del Comunismo in Italia). Bien que n’étant membre d’aucun parti, ses propos, souvent jugés retentissants par l’USIS de Rome, pouvaient être lourds de conséquences pour l’image des États-Unis. Ses premiers écrits avaient été en effet extrêmement critiques vis-à-vis de Washington, et lorsque les services d’information américains eurent connaissance de son projet d’article sur l’influence du maccarthysme dans la culture américaine, le PAO de Milan et son équipe s’empressèrent de fournir au jeune journaliste la documentation et les explications nécessaires à « l’objectivité » de son propos88.
74La presse italienne, souvent pro-communiste, faisait donc l’objet d’une surveillance accrue de la part des services d’information. Dans ce cadre certains journalistes, anciens boursiers des programmes d’échanges américains, pouvaient représenter un réel relais pour les agents des services d’information. Au moment de la campagne de dénigrement lancée par les syndicats communistes à l’encontre de « l’automatisation capitaliste américaine », plusieurs articles de ces journalistes proches des services d’information furent publiés dans des journaux pro-communistes et offrirent un véritable démenti à ces accusations89. Au contraire du credo selon lequel aux États-Unis l’automatisation était synonyme de chômage le journal socialiste Aventi! expliquait dans sa rubrique économique des 18 et 19 octobre 1955 dans quelle mesure l’automatisation pouvait constituer un progrès90. Ces opinions favorables à l’organisation du monde du travail aux États-Unis faisaient écho au travail des USIS, mené depuis plusieurs années déjà, pour vanter auprès de la population italienne l’idée de « démocratie dynamique ». Il s’agissait de familiariser l’opinion, les travailleurs comme les chefs d’entreprises, avec les concepts de productivité, de management, ou de ressources humaines nécessaires aux politiques américaines dans le secteur de l’industrie. Pour les agents des services d’information de Rome ou de Trieste l’efficacité de leur campagne d’information dans ce domaine pouvait se mesurer à l’aune des contre-attaques communistes ; le plus souvent menées par voie de presse, elles dénonçaient une américanisation dommageable du monde du travail italien.
Un discret soutien aux syndicats indépendants
75Et pour s’assurer d’un relais efficace des idées relatives au concept de « démocratie dynamique » auprès des travailleurs italiens, l’USIS de Rome apporta son soutien officieux au développement des activités de syndicats indépendants comme l’UIL (Unione Italiana per Lavaro). Il s’agissait notamment de louer du matériel de propagande aux militants de ce syndicat sous la forme d’une unité mobile ; un véhicule était aménagé pour des activités de propagande itinérantes : films, aide à la confection et à la distribution d’affiches, tribune pour délivrer des discours. En un an, ce petit syndicat obtint un gain de sièges considérable dans plusieurs grandes entreprises du nord de l’Italie91. Son succès ne pouvait certainement pas être attribué uniquement à l’unité mobile prêtée par les USIS ; cependant le secrétaire général de l’UIL y voyait tout de même un symbole de réussite92. Cette aide matérielle officieuse venait s’ajouter aux campagnes tout à fait officielles menées par les USIS dans les usines ou à l’occasion de la journée annuelle des services d’information américains. Organisées de manière stratégique dans des villes communistes à fort potentiel industriel, ces journées de festivité et d’information avaient lieu à l’approche des élections syndicales. Ce fut le cas le 22 septembre 1955 dans la ville communiste de Crotone, où Fiat entre autres était implantée, comme le rapporte Edwin Pancoast, agent du service d’information de Naples. À cette occasion on projeta aux ouvriers des films en italien vantant tout à la fois le mode de vie et l’organisation du travail aux États-Unis93 ; les leaders syndicaux alors identifiés se virent distribuer des ouvrages et des livrets sur les États-Unis offrant des illustrations et des statistiques utiles à une meilleure compréhension de la société américaine. Mieux encore le syndicat indépendant majoritaire CISL (Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori) adopta le matériel fourni par les USIS pour l’intégrer à sa campagne électorale.
76Quelques jours après cette manifestation lors des élections syndicales, la Confédération nationale des syndicats libres, CISL ralliée à l’autre syndicat indépendant, Indipendenti, ravit son monopole au syndicat communiste CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), majoritaire depuis dix ans.
77Le soutien aux syndicats indépendants fut au cours des années 1950 une des priorités de l’action des USIS en Italie avec, semble-t-il, des résultats suivis d’effets pour les partisans du monde libre comme l’atteste par exemple la progression des syndicats libres ralliés au CISL dans les provinces d’Imperia et Savona94.
Le développement des études américaines
78Cependant, les opérations de ciblage menées en Italie ne concernaient pas uniquement les travailleurs. À plus long terme, les agents des services d’information et des affaires culturelles unissaient leurs efforts pour établir des relations durables avec les élites et les milieux intellectuels. C’est en ce sens que l’ensemble des USIS de Rome, Milan ou Gênes encouragèrent, dès les années 1950, la création de nombreuses chaires d’études américaines dans les universités italiennes. Le travail des USIS en ce sens fut double ; d’abord ils suscitèrent un intérêt pour les études américaines en faisant venir des conférenciers américains dans les universités, puis ils essayèrent de convaincre les responsables du ministère de l’Éducation nationale du bien fondé de la création de telles chaires dans les universités. Parallèlement à ce travail de persuasion, les USIS prodiguent, au début des années 1950, une aide matérielle non négligeable, notamment des documents d’archives, à une poignée d’historiens et de chercheurs en sciences politiques95 qui rédigent les premiers ouvrages italiens consacrés à l’histoire américaine. Ces volumes plus spécifiquement consacrés à la Révolution et aux débuts de la République américaine, étaient destinés aussi bien aux plus jeunes, qu’aux étudiants ou aux simples curieux96.
79L’efficacité de ces stratégies visant à implanter la culture américaine très en amont auprès des populations européennes ne pouvait se mesurer, à l’évidence, au nombre de voix remportées par les professeurs dispensant des cours de civilisation sur les États-Unis dans les universités italiennes ; en revanche la fréquentation de ce type de cours et le parcours des étudiants les ayant suivis pouvaient constituer pour les professionnels de la diplomatie publique, à beaucoup plus long terme, une victoire certaine dans la bataille mondiale des idées.
Le rôle non négligeable de la culture de masse
80Quant à la culture de masse, elle offrait, en parallèle, un terrain favorable aux initiatives des USIS pour promouvoir la culture américaine au sens large. Après la Seconde Guerre mondiale, le Parti communiste italien avait eu en effet certaines difficultés pour instaurer un anti-américanisme grégaire. La population italienne n’avait pas adhéré massivement aux soupçons de « coca-colonisation » qui pesaient sur les alliés d’hier, certes capitalistes mais qui avaient tout de même orchestré la libération du pays. Les intellectuels, en particulier, avaient adopté de longue date, la culture américaine, celle d’Hemingway et des films hollywoodiens, durant les années noires du fascisme.
81Si bien que dans l’Italie des années 1950 et 1960, partagée à l’instar de la France, entre attraction et répulsion pour les États-Unis, il régnait une certaine hétérodoxie culturelle. Curieusement, les articles de l’hebdomadaire illustré du PCI, Vie Nuove témoignaient régulièrement de cet état de fait. Conscients que le cinéma américain était populaire, notamment chez les ouvriers adeptes des westerns, et eux-mêmes parfois convertis au charisme de certaines stars (comme Rita Hayworth, Katherine Hepburn ou Humphrey Bogart97), les rédacteurs en chef du magazine s’autorisaient fréquemment des unes et des articles sur les films venus des États-Unis. Quant à la jeunesse italienne, même communiste, enfermée dans la culture du parti jugée trop rigide, elle fut de fait particulièrement sensibilisée à la culture américaine par les films, et cultiva dans la sphère privée ses goûts personnels pour la musique ou la littérature anglo-saxonne98.
82De la même manière, comme le démontre l’étude très exhaustive de Silvia Cassamagnaghi99, les femmes italiennes, jeunes ou plus âgées, travailleuses ou ménagères, appréhendent la culture populaire américaine sans aucune médiation. Les stars hollywoodiennes et les magazines en papier glacé « hypnotisent » littéralement les italiennes, toutes générations confondues ; avec une nuance de taille, si les mères conçoivent cette fascination comme un loisir quasi exotique, leurs filles en revanche voient dans leurs idoles des modèles d’émancipation.
83De l’immédiat après-guerre à la fin des années soixante, on peut dire qu’il exista une dichotomie au sein de la population italienne entre l’idéologie dominante de la sphère publique et les pratiques culturelles de la sphère privée, dichotomie hautement profitable aux activités de l’USIA.
84Répondant à des contingences politiques beaucoup plus spécifiques, les stratégies de l’USIA en Allemagne dans les années 1960 et 1980 constituent un cas d’école incontournable dans la construction de la diplomatie publique américaine.
Ciblages : les stratégies de l’influence américaine sur la population ouest-allemande au début des années 1960
Les enjeux de l’information américaine en Allemagne au début des années 1960
85Dans le cas de l’Allemagne de l’Ouest, le PAO James E. Hoofnagle soulignait, à l’été 1960, que les préoccupations de la population n’étaient pas susceptibles de changer dans l’immédiat100. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale le peuple allemand divisé était essentiellement préoccupé par la question de la réunification qui affleurait en permanence dans la vie politique ; de surcroit dans un État ou un Allemand de l’Ouest sur quatre était en réalité un réfugié de l’est ou du centre de l’Allemagne. Même si la reconstruction économique et la démocratisation de la société ouest-allemande avait été une priorité de la décennie écoulée, pour les observateurs américains en poste en Allemagne la problématique restait la même ; cette population au demeurant immunisée contre le communisme, continuerait-elle à résister à la tentation de l’Est ?
86C’est plus précisément la neutralité, voire l’idée d’un État neutre, qui était susceptible de tenter la population allemande au début des années 1960. Selon l’USIS de Bonn, l’opinion ouest-allemande était en effet plus que favorable à ce positionnement ; selon elle, il aurait pu inviter les Soviétiques à « lâcher prise » sur leur zone de contrôle et permettre à l’Allemagne d’être réunifiée et de recouvrer sa souveraineté. Compte tenu de cette atmosphère plutôt morne, la principale stratégie des services d’information américains et de leurs agents sur ce territoire devait être la visibilité, et à travers elle la réaffirmation du soutien moral des États-Unis à la population ouest-allemande et berlinoise en particulier :
« En Allemagne, plus que n’importe où ailleurs en Europe, les USIS ne doivent pas se contenter des mots pour venir à bout du neutralisme et accélérer le processus d’intégration de l’Allemagne dans l’Alliance atlantique. Les USIS doivent avant toute chose être aussi visiblement et activement impliqués que possible dans la vie culturelle allemande101. »
87Ce qui ressort particulièrement de ces analyses est la place et le poids que l’opinion publique allemande avait pris sur la vie politique en général et sur les leaders politiques en particulier. Elle devait donc être la cible principale des politiques de persuasion entreprises par les USIS en Allemagne, comme le souligne ce témoignage du PAO James E. Hoofnagle au début des années 1960 :
« Le fait que la vie politique allemande ne puisse plus être dépeinte de manière aussi contrastée qu’auparavant, que le choc des idéologies et des programmes ne soient plus d’actualité, est sans doute la preuve d’une certaine maturité politique. Plus encore, cela signifie que les nuances et les sautes d’humeur de l’opinion publique deviennent de plus en plus difficiles à définir. À titre d’exemple, il est significatif que le gouvernement fédéral comme la direction du SPD à Berlin, aient eu autant de mal à rassurer l’opinion publique lorsque l’on a douté de la fermeté de la position américaine quant aux menaces soviétiques exprimées à l’encontre de Berlin-ouest102. »
88Cependant, pour l’agent Hoofnagle, le travail entrepris par les services d’information américains depuis la fin de la guerre auprès des Allemands de l’Ouest aurait porté ses fruits. Malgré quelques frilosités passagères de la population ouest allemande vis-à-vis des positions américaines, un sondage daté de 1960 révélait que pour trois personnes sur quatre les intérêts de l’Allemagne de l’Ouest étaient perçus comme similaires à ceux des États-Unis ; mieux encore les deux tiers des personnes interrogées affirmaient avoir une opinion extrêmement favorable des États-Unis103.
89Une nuance de taille devait néanmoins être apportée à ce bilan plus que satisfaisant pour les organes de communication officiels américains : la population allemande aurait été particulièrement convaincue par les campagnes de propagande soviétiques vantant les avancées technologiques de l’URSS. À tel point que pour une grande majorité des citoyens de l’Allemagne de l’Ouest, l’URSS serait devenue la première puissance militaire au monde devant les États-Unis. Pour la population allemande, il ne faisait pas de doute que les Soviétiques bénéficiaient d’une avance indéniable en matière de conquête de l’espace et d’élaboration de missiles.
90Le leadership des États-Unis risquant d’être remis en cause, l’enjeu majeur de l’action de l’USIS de Bonn au début des années 1960 fut donc de préserver et de consolider l’estime de la population ouest allemande pour les États-Unis. Pour ce faire les agents des services d’information en poste à Berlin étaient convaincus que toute confiance durable devait être basée sur une connaissance approfondie de la civilisation américaine, et des prises de positions du gouvernement des États-Unis passées et présentes104.
91Or, pour mener à bien leur mission les services d’information durent avoir recours à une sélection stratégique de leurs programmes, en raison des coupes budgétaires drastiques opérées par Washington. Pour assurer leur objectif de « visibilité » maximale auprès de la population locale avec des moyens réduits au minimum, les responsables des USIS en Allemagne ont donc concentré leurs efforts sur les médias de masse, susceptibles de toucher une large partie de la population.
92Chargés de communiquer la meilleure image possible des États-Unis à l’opinion publique ouest-allemande, les agents en poste à Bonn adoptèrent rapidement le concept de « société ouverte » (Open Society105) formulé par le secrétaire d’État Herter à l’été 1960. Ce concept, susceptible de « vendre » l’Amérique aux Allemands du monde libre, devait faire référence à la fois aux caractéristiques intrinsèques à la société américaine, en même temps qu’aux ambitions internationales des États-Unis. L’ambiguïté assumée de ce slogan devait en effet véhiculer le pluralisme, l’hétérogénéité et la modernité de la société américaine, tout comme la conviction que le rideau de fer, la culture du secret et le refus de se plier aux règles internationales représentaient un danger pour l’ordre mondial.
93Alors que les efforts américains en Allemagne avaient porté, au cours des années 1950, sur l’aide à la reconstruction et au développement d’une société démocratique inspirée de leur propre modèle, l’enjeu de la présence américaine en Allemagne pour les années 1960 devait certes contribuer aux velléités de réunification mais surtout encourager l’intégration européenne et la formation d’une force de défense ouest-européenne. La force vive sur laquelle les agents américains devaient alors s’appuyer était la nouvelle génération ouest-allemande désireuse de se forger une identité forte et de rompre tout lien avec le nazisme de ses aînés.
94La ligne principale définie par Washington et le département d’État se résumait donc dans le concept de « la société ouverte », qui devait servir de fil conducteur pour les programmes d’information menés sur le territoire européen et allemand en particulier.
Les principaux objectifs des programmes d’information américains en république ouest-allemande dans les années 1960
95Les directives générales établies par le département d’État pour la République fédérale d’Allemagne au début de l’Administration Kennedy se concentraient majoritairement sur l’unité européenne et la question de la sécurité collective. Dans une perspective de plus long terme, Washington souhaitait que les services d’information mettent l’accent sur l’héritage institutionnel et historique commun à l’Allemagne et aux États-Unis, comme sur la place et le rôle de l’individu dans une société démocratique. Par ailleurs, Washington préconisait de ne pas sur-jouer la carte de la réunification, en adoptant une stratégie d’observation pour définir le moment le plus propice à un positionnement clair des États-Unis sur cette question.
96Berlin devait faire l’objet d’une stratégie particulière en distinguant à l’évidence la zone libre de la zone occupée. Pour les grandes lignes, si la « visibilité » de la présence américaine devait être particulièrement marquée en zone ouest, la politique d’information officielle vis-à-vis de la zone est consistait essentiellement à entretenir l’espoir d’une possible libération du joug soviétique. Et parmi les sept objectifs du programme d’information établi pour l’Allemagne (voir tableau ci-dessous106), certains d’entre eux devaient faire l’objet d’adaptations spécifiques à la situation berlinoise.
1. Strengthen belief in the United States as a valuable and desirable partner for Germany.
2. Continue to demonstrate that the U.S. is a leading center of Western culture, and that its active, creative and dynamic culture is making significant contributions to world civilisation.
3. Increase German acceptance of the economic, military, cultural, and political ties and responsibilities that bind Germany to the community of the free nations.
4. Foster willingness to maintain the necessary defensive military strength within NATO until a satisfactory disarmament agreement is reached.
5. Increase U.S. cooperation with those elements and organizations which foster to growth and strengthening of free and democratic attitudes and practices.
6. Maintain belief in U.S. determination to preserve a free Berlin and strive for reunited Germany.
7. Help to maintain in the Soviet zone a preference for the ideals and ideas of the free world.
97Les points 3 et 4 n’étaient en effet pas applicables à la zone soviétique, en revanche le 7e point concernait presque exclusivement Berlin et la zone est.
Les programmes et les activités des services d’information en République fédérale allemande au début des années 1960
98Comme le soulignent les bilans d’activité établis pour l’USIA à Washington toutes les activités des services d’information ne pouvaient être en totale adéquation avec le projet annuel des USIS. Dans le cas de l’Allemagne, alors que les Amerika Hauser et leurs activités n’entraient pas totalement dans le cadre des objectifs définis par Washington, elles engloutissaient néanmoins 60 % du budget alloué aux services d’information sur place. Leur caractère incontournable s’était en effet construit dans la durée si bien que ces institutions étaient devenues particulièrement symboliques de la coopération entre les deux nations, comme du rayonnement culturel des États-Unis. Dans la perspective de relations établies sur le long terme les maisons de la culture américaine avaient discrètement mais efficacement su conquérir un public d’américanophiles.
99Tout aussi incontournable, la radio américaine RIAS qui émettait en zone soviétique constituait l’unique arme susceptible de remplir les objectifs assignés par l’OCB107 aux USIS. Il s’agissait donc au début des années 1960 de développer les programmes d’information sur cette station et de tenter de lui apporter un soutien technique en la modernisant.
100Ces deux types d’organes des services d’information, particuliers à l’Allemagne, avaient pour vocation de toucher un large public et ne s’inscrivaient pas nécessairement dans les objectifs fixés par Washington. En revanche, pour répondre à ces mêmes objectifs, d’autres programmes mis en œuvre par les USIS ciblaient plus stratégiquement certains groupes de la population. Le but de ces ciblages était à l’évidence de toujours étendre un peu plus l’influence américaine sur l’opinion ouest-allemande.
101Au premier rang de ces groupes on trouve, comme pour la plupart des autres pays d’Europe, les milieux universitaires et enseignants. Les étudiants et les futurs enseignants représentaient en effet pour les USIS un potentiel d’influence considérable, et la première mission des services d’information en ce domaine était d’encourager la création de chaires d’études américaines dans les universités. Pour les agents des services d’information, observateurs privilégiés de l’usage de la culture américaine dans les milieux intellectuels allemands, l’absence de chaire d’études américaines dans une université entrainait une certaine réticence des enseignants à inclure dans leur corpus des ouvrages américains, qu’il s’agisse de littérature, d’histoire ou de sciences politiques. Les USIS pouvaient venir en aide à l’approvisionnement d’un département de ce type en ouvrages de références ; en revanche il leur était plus difficile de trouver parmi les professeurs allemands des personnes qualifiées pour le diriger. Entre 1959 et 1961 les USIS de l’Allemagne fédérale s’employèrent donc à créer neuf nouvelles chaires d’études américaines en plus des trois déjà existantes et mirent à leur tête des professeurs venus des États-Unis.
102Cependant, c’est dans les centres universitaires de formation des enseignants du secondaire que devaient se concentrer les efforts des services d’information américains. Au début des années 1960, seulement 20 % des enfants de l’Allemagne de l’Ouest accédaient à l’université. Pour sensibiliser les 80 % restant à la culture et à la cause américaine il fallait donc former les maîtres et les professeurs du secondaire en amont. Or, ce véritable encouragement au prosélytisme au sein des 46 centres universitaires de formation incombait avant tout à l’attaché culturel de l’ambassade, chargé de convaincre les ministres de la culture de chaque Land. Le soutien des USIS pour cette tâche devait quant à lui consister en l’organisation d’une quarantaine de conférences réunissant environ deux mille professeurs, invités pour une période de deux à sept jours, à étudier les différents aspects de la vie et de la culture américaine. Les sujets des conférences pouvaient couvrir des thèmes aussi variés que la littérature, l’histoire ou les institutions politiques américaines. À travers ces véritables campagnes d’information il s’agissait de sensibiliser le public le plus large possible en s’adressant notamment à d’autres professeurs que ceux enseignant l’anglais. Dans ce but, la stratégie adoptée pour ces manifestations était sans nul doute celle de l’excellence, en favorisant par exemple la venue d’orateurs prestigieux, des professeurs et des intellectuels américains en voyage en Europe. Et pour s’assurer de la qualité de la sensibilisation des jeunes élèves à la culture américaine, les centres culturels américains avaient pour mission de fournir aux enseignants tout le matériel nécessaire : ouvrages littéraires, brochures illustrées en langue allemande présentant la vie américaine. L’étape ultime de cette entreprise de sensibilisation était l’évaluation de ces activités par les services culturels auprès des enseignants, ce qui devait permettre de sursoir le cas échéant à un manque de matériel ou à une mauvaise compréhension des thèmes abordés108.
103Ces ciblages d’étudiants et d’enseignants s’inscrivaient dans des stratégies de long terme espérant toucher plusieurs générations ; à plus court terme, des groupes de syndicalistes et de militants politiques inquiétaient plus particulièrement les services d’information. En ce début des années 1960, les prises de positions des États-Unis en faveur du désarmement rencontraient en effet une certaine hostilité de la part du Parti social démocrate, SPD, comme des syndicats ouest-allemands. Les États-Unis ne pouvaient envisager de désaccords profonds sur ces questions avec des organisations de la société civile aussi puissantes ; une campagne d’information ou de propagande en faveur du désarmement devait donc cibler très précisément ces groupes. La stratégie élaborée depuis Washington reposa essentiellement sur les médias avec la création d’un film vantant les mérites du désarmement et de sociétés libérées des investissements militaires, de programmes et de reportages écrits ou radiophoniques expliquant les enjeux des Conférences sur le désarmement en Europe. L’objectif de cette campagne était de détourner définitivement les mouvements de la gauche allemande des propositions soviétiques sur ces questions ; par ailleurs le soutien à d’autres organisations politiques, défendant cette fois des points de vue proches des positions de Washington, était de rigueur. C’est ainsi que les mouvements People League for Peace and Freedom, Atlantische Gesellschaft, Atlantik Bruecke et Mrienberg Europa Haus reçurent le soutien logistique et financier des USIS pour organiser des réunions ou des séminaires afin de promouvoir des questions chères aux services d’information américains tels que la construction européenne ou la coopération des pays d’Europe au sein de l’OTAN.
104D’autres groupes de la société civile devaient également faire l’objet de campagne d’information en faveur d’intérêts plus économiques. Les milieux d’affaires ouest-allemands en particulier étaient désireux, d’après les enquêtes menées par les PAO des USIS, d’en savoir davantage sur le fonctionnement économique et politique de la société américaine ; c’est donc essentiellement pour eux qu’une série de cinq pamphlets intitulés « Facts about the United States » devait être éditée pour l’automne 1960. Ces documents, visant à expliquer en particulier les mécanismes de la politique américaine, furent également distribués ou portés à la connaissance de nombreux journalistes et intellectuels en prévision des élections présidentielles de novembre109. Et pour les personnalités les plus favorables à cette sensibilisation, les USIS préconisaient de moderniser la revue trimestrielle Amerikanische Kulturbrief, destinée à l’origine aux anciens membres des programmes d’échanges gouvernementaux.
105Enfin, pour toucher la plus large partie de l’opinion ouest-allemande pas toujours bien familiarisée avec la langue anglaise, les USIS mettaient particulièrement l’accent sur les médias de masse. Il s’agissait essentiellement de placer des programmes et des films élaborés par les services médias de l’USIA à Washington auprès des toutes récentes chaînes de télévision ouest-allemande (la seconde fut créée en 1961). Parallèlement les USIS affichaient leur détermination à développer la coopération avec l’AFN (American Forces Network) sur le plan radiophonique, en élaborant des émissions spécifiques et en renforçant par ailleurs la coopération technique entre VOA et les transmetteurs locaux plus performants de l’AFN.
106En somme, grâce à l’utilisation des médias, les informations divulguées par les USIS étaient susceptibles de toucher un public de 49 millions d’auditeurs et de 14 millions de téléspectateurs, auquel venait s’ajouter l’ensemble des lecteurs des 1 400 journaux et revues de l’Allemagne de l’Ouest recevant quotidiennement des dépêches de sources officielles américaines. À titre d’exemple, au cours de l’année 1959, les télévisions allemandes diffusèrent 23 programmes télé et 50 films élaborés par le département média de l’USIA. En supplément de ces larges réseaux de diffusion publics deux cent quarante-cinq organisations et ministères fédéraux empruntaient régulièrement des films aux USIS en choisissant parmi un corpus de plus de deux cents films.
107Les country plans des USIS de Bonn et Berlin offrent un exemple particulièrement abouti des stratégies d’influence de masse, et des ciblages orchestrés par l’USIA en Europe de l’Ouest dans le contexte des années 1960110. Les années où Ed Murrow est à la tête de l’Agence d’information ont en effet constitué une sorte d’âge d’or des stratégies de l’USIA, tant à Washington que sur le territoire européen ; durant cette période les USIS bénéficient d’un soutien politique à défaut de financier qui ne leur sera plus accordé dans de telles proportions avant l’avènement de l’Administration Reagan.
Les relations culturelles germano-américaines, pierre angulaire de la politique américaine de sécurité en Europe dans les années 1980
108Comme le soutient le professeur Edouard Husson, la dernière décennie de la guerre froide, conduisant à la chute du mur de Berlin, est une période où l’on peut douter que la victoire supposée du camp occidental soit uniquement due à une stratégie de confrontation avec l’Est111. Bien que le président Reagan ait réussi à faire accepter le « retour de l’Amérique », en bénéficiant des positions atlantistes du chancelier Helmut Khol, les populations de l’Allemagne de l’Ouest comme de l’Est se montrent plutôt hostiles à la politique de défense américaine qui leur est imposée, curieusement, avec le concours du président français, François Mitterrand. En janvier 1983, le président français prononce au Bundestag, un discours en faveur de l’implantation des Pershing américains, au nom de l’équilibre des forces militaires, et au moment où l’ensemble des populations de l’Ouest adhèrent massivement au pacifisme, ce que résuma habilement la formule du président Mitterrand citée par Hubert Védrine : « Les euromissiles sont à l’Est et les pacifistes sont à l’Ouest112. »
L’instrumentalisation du tricentenaire des relations germano-américaine par l’USIA en 1983
109À l’heure de la « nouvelle guerre froide », confrontée à une poussée soviétique, la direction de l’USIA se montre en effet particulièrement attentive à l’état de l’opinion publique européenne. La promotion et l’amélioration des relations transatlantiques deviennent rapidement une priorité pour Charles Wick ; dans ce cadre la célébration du tricentenaire de l’installation de la première colonie de peuplement germanique sur le territoire américain vient fort à propos113.
110Les commémorations du tricentenaire à l’initiative des États-Unis furent en effet inspirées par le succès rencontré un an auparavant par les célébrations du bicentenaire des relations diplomatiques entre les États-Unis et les Pays-Bas. En effet à l’occasion de la visite de la reine Béatrix à Washington en avril 1982, les services de presse de la Maison-Blanche organisèrent, avec la participation de l’USICA, des interviews avec les principaux représentants de la presse néerlandaise. Il s’agissait de profiter de cette occasion, où les interlocuteurs néerlandais seraient, en principe, en de bonnes dispositions, pour corriger, ce que Mort Allin, responsable des relations avec la presse étrangère à la Maison-Blanche appelait « des malentendus » concernant la question du découplage en Europe114. Aux Pays-Bas comme en Allemagne et dans la plupart des pays d’Europe du Nord la contestation anti-nucléaire et les mouvements pacifistes étaient en effet devenus fort influents ; or les principaux PAOs en poste dans ces pays n’avaient pas manqué d’alerter leurs supérieurs à Washington sur l’ampleur de ce phénomène115.
111À l’occasion du tricentenaire célébré en Allemagne, Charles Wick fut nommé à la tête d’une commission inter-agences (Steering Committee on US-German Contacts) chargée, outre de la préparation de la commémoration, de développer un certain nombre d’activités complémentaires visant à relancer les relations germano-américaines116. Il s’agissait essentiellement d’échanges de personnes, entre étudiants américains désignés par les membres du Congrès et étudiants ouest-allemands choisis par les membres du Bundestag. Ce programme entièrement orchestré par l’USIA bénéficia de plus de 777 000 dollars, réunis une nouvelle fois grâce au talent de bailleur de fonds de Charlie Wick. D’autres catégories de la population furent également concernées par ces échanges qu’il s’agisse d’hommes d’affaires, de scientifiques, d’universitaires, ou encore, de manière plus exceptionnelle, de patients cardiaques ouest allemands qui se virent offrir une opération dans les meilleurs centres hospitaliers des États-Unis afin de saluer l’avènement d’échanges médicaux entre les deux pays. Enfin pour enfoncer le clou, le vice-président Bush se rendit à Bonn, en juin 1983, aux côtés de Wick pour honorer la date anniversaire de l’événement.
112Pendant que Washington développait des trésors d’inventivité pour rappeler au peuple allemand la relation unique et historique qui l’unissait aux États-Unis, l’USIS de Bonn dirigé par le PAO Hans Tuch lançait un programme d’échanges éducatifs des plus dynamiques pour permettre à tous les représentants de la génération d’après-guerre117 de nouer des relations durables avec les États-Unis. Cette stratégie de long terme permit, notamment, au jeune Gerhard Schroeder de compter parmi la longue liste des personnalités européennes ayant participé à l’International Visitors programs. Durant les années 1980, ce sont entre 4 500 et 5 000 personnes venues du monde entier qui participent à l’International Visitors Program (IVP appelé Leader Program dans les années 1950 et 1960). Ces personnes bénéficient d’un séjour de quatre à cinq semaines aux États-Unis pour rencontrer et établir des liens professionnels durables avec leurs homologues américains et se familiariser directement avec la société et les institutions américaines. Parmi les anciens lauréats l’USIA compte plus de 200 leaders politiques et économiques considérés comme ayant une influence importante dans leur pays d’origine118.
113Cependant à l’évidence, l’organisation de l’ensemble de ces manifestations répondait avant tout à une stratégie de court terme. Les États-Unis voulaient déployer leurs missiles de croisière dans la région, alors même que le mouvement pacifiste européen, dit Mouvement de Paix (Friendensbewung), prenait en RFA une ampleur sans précédent119. Rallier la population ouest-allemande à la cause des missiles s’annonçait en effet comme une tâche fort difficile au regard de la violence des manifestations qui accompagnèrent la visite du vice-président Bush. Les militants anti-missiles présents à chaque déplacement de la voiture officielle lancèrent toutes sortes de projectiles, ce qui entrava le bon déroulement des commémorations.
114Face à l’hostilité de l’opinion publique européenne, l’administration Reagan créa un comité inter-agence dirigé par l’USIA spécifiquement dédié au soutien des opérations de diplomatie publique en faveur des euromissiles. Il s’agissait uniquement de réduire l’ampleur de l’opposition dans l’ensemble des opinions publiques concernées puisque les principaux leaders, Margaret Thatcher, Helmut Khol et, contre toute attente, François Mitterrand, étaient disposés à faire confiance aux États-Unis.
115Cette initiative se trouvait étroitement liée au Project Democracy sous la responsabilité de Charlie Wick. Celui-ci intervint donc une nouvelle fois pour trouver des mécènes susceptibles, en plus des fonds qu’ils pourraient consacrer à ce projet, de promouvoir les euromissiles auprès des populations européennes. David Rockefeller, le financier britannique James Goldsmith, et les deux magnas de la presse Rupert Murdoch et Joachim Maitre120 furent sollicités puis engagés pour mener à bien cette opération.
116Quelques années plus tard, en décembre 1987, le secrétaire d’État George Schultz qui se félicitait de l’aboutissement des négociations avec l’URSS sur la réduction des armes nucléaires de moyenne portée, qualifiait cette victoire d’« une illustration de l’impact considérable et de l’importance de la diplomatie publique121 ». Or, pour les professionnels de la diplomatie publique sur le terrain, il s’agissait d’une preuve éclatante de l’efficacité des actions conjointement menées par l’USIS de Bonn et l’USIA à Washington, tout au long de l’année 1983 à l’occasion des commémorations du tricentenaire de l’arrivée des premiers colons germaniques sur le sol américain. Les occasions furent en effet nombreuses pour que l’ambassadeur Burns et le PAO Hans Tuch, ainsi que l’ensemble des agents des USIS linguistiquement qualifiés, aillent à la rencontre de la population et des élus ouest-allemands122. Lors de ces rencontres, il s’agissait d’évoquer d’une part les valeurs, la culture et les institutions liant les deux nations, et d’autre part, de faire comprendre, entre autres, que le but poursuivi par les États-Unis était bel et bien d’assurer un équilibre des forces militaires en Europe et d’affirmer que le « découplage » serait un désastre pour l’Europe ; quant aux militants pacifistes, les interlocuteurs américains ne cessèrent de rappeler qu’ils exerçaient leur liberté de parole en manifestant de manière pacifique, mais que tout recours à la violence constituait en revanche une atteinte grave aux institutions démocratiques de la RFA.
117L’USIS de Bonn avait fait part de ses inquiétudes aux responsables de l’USIA à Washington, et pour leur venir en aide dans leurs démonstrations auprès de la population allemande, le département d’État publia un petit fascicule pamphlétaire intitulé Security and Arms Control: The Search for a More Stable Peace. Ce bref ouvrage, immédiatement traduit par les services de l’USIS de Bonn retraçait les efforts menés par les États-Unis pour limiter la prolifération des armes nucléaires. Il fut distribué à l’intention des « groupes cibles » définis par l’USIS de Bonn ; il s’agissait en premier lieu des responsables de presse, de certains hommes politiques et de l’ensemble des fondations, groupes de pression, institutions religieuses et éducatives susceptibles d’influencer favorablement et intelligemment l’opinion.
118Pour animer les discussions et débats suscités par ces questions Washington dépêcha plusieurs experts sélectionnés pour leurs qualités de pédagogue ; ces volontaires souvent issus de la société civile appartenaient au programme gouvernemental répondant au nom d’AmParts (American Participants Program123). Sélectionnés par USIA à Washington ces intervenants devaient répondre aux critères requis par l’USIS de Bonn en amont pour s’assurer de la pleine efficacité de leurs discours auprès des publics visés124.
119L’année 1983 fut à l’occasion de ces commémorations, une formidable opportunité pour synthétiser l’ensemble des rouages de la diplomatie publique consolidés par l’Administration Reagan, aussi bien à Washington, depuis la Maison-Blanche et Pennsylvania Avenue, que dans les postes de l’Europe de l’Ouest. Une anecdote rapportée par le PAO de Bonn, Hans Tuch, illustre particulièrement bien la cohérence qui régnait désormais au sein des artisans de la diplomatie publique au premier rang desquels figurait le président lui-même.
120Au début de l’année 1982, les craintes de la population ouest-allemande quant au déploiement d’armes nucléaires sur son territoire furent cristallisées par l’action menée par un petit groupe de femmes d’une petite ville de la banlieue de Stuttgart, les « Mères de Filderstadt ». Elles écrivirent publiquement aux deux parties concernées en lançant un appel aux chefs d’État Reagan et Brejnev. Les services de Moscou saisirent l’occasion promptement et reçurent devant les caméras une délégation des femmes de Filderstadt à l’ambassade soviétique de Bonn. Lorsque les « Mères de Filderstadt » déplorèrent publiquement l’absence de réponse de la part de Washington, le PAO de Bonn, Hans Tuch125, réalisa à quel point les services d’information américains avaient manqué une occasion d’expliquer la politique de Washington en étant au plus près des considérations de la population allemande. C’est pourquoi lors de sa visite en République Fédérale, le président Reagan, lors de son discours au Bundestag du 9 juin 1982, fit explicitement référence aux préoccupations des mères de Filderstadt126. Le président américain réparait ainsi le manquement précédent, et surtout apportait une touche d’humanité à la politique étrangère de son pays. Un an plus tard, dans un télégramme adressé à Charles Wick, le député conservateur ouest-allemand Hans Klein remerciait, au nom de sa famille politique, le président Reagan pour avoir ravivé les relations germano-américaines en insistant sur les liens historiques qui unissaient les deux nations. Ce soutien public du président américain devait, selon le député, avoir un effet certain sur le vote de la population ouest-allemande127.
121Les efforts conjoints des services d’information et des faucons de la Maison-Blanche faisaient dès lors de la diplomatie publique une arme stratégique dans la lutte d’influence qui opposait plus que jamais les deux superpuissances.
Les principaux enjeux de l’information américaine en RFA dans la seconde moitié des années 1980
122Les contradictions internes de la RFA liées en particulier à son évolution politique depuis la première moitié des années 1980, furent un sujet de préoccupation de taille pour les professionnels de la diplomatie publique américaine jusqu’à la chute du Mur. Les coalitions politiques survenues au cours de l’année 1982, entre les partis de centre gauche SPD/FDP (Sozialdemokratischen Partei Deutschlands/Freie Demokratische Partei) d’une part, et de centre droit CDU/CSU/FDP (Christlich Demokratische Union Deutschlands/Christlich Soziale Union) d’autre part, avaient apporté la preuve aux observateurs américains que la démocratie ouest-allemande pouvait encore évoluer. Or, en 1983, pour la première fois depuis l’après-guerre un parti d’extrême gauche fut représenté au Bundestag. Les Verts (Die Grünen) furent présentés par les agents des services d’information américains comme un groupe d’anticonformistes, coalisant les mouvements anti-nucléaires, écologistes et pacifistes les plus radicaux. Bien que ne bénéficiant pas d’un groupe parlementaire au Bundestag avant 1987, le parti des Verts et son influence potentielle auprès de la population urbaine et de nombreux jeunes intellectuels allemands devait faire l’objet d’une surveillance accrue de la part des services de l’USIA, comme en témoigne les country plans de l’USIS de Bonn jusqu’au milieu des années 1980128.
123Ces inquiétudes se vérifièrent rapidement lorsque le SPD, jusqu’ici favorable à la décision de l’OTAN quant au déploiement des missiles de moyenne portée, fit volte-face dans le but de gagner les voix des jeunes électeurs du Parti des verts. Lors de la biennale des rencontres germano-américaines de Berlin-Ouest, des membres du Parti social démocrate avaient en effet confié au journaliste du Washington Post qui couvrait l’événement, que leur parti devait appeler, d’ici à la fin de l’année 1983, au report du déploiement des missiles américains et à la poursuite des négociations avec l’URSS.
124Ce revirement ne devait en aucun cas faire vaciller la politique étrangère du chancelier de centre droit, Helmut Kohl, solidement attaché à la défense de l’Alliance atlantique129. Cependant il parut nécessaire aux services d’information de Bonn de continuer leurs efforts de pédagogie en plaçant au premier rang de leurs objectifs le fait de persuader l’ensemble de la population ouest allemande des intentions pacifiques des États-Unis et des velléités sincères de Washington de procéder, à terme, à une véritable réduction des arsenaux militaires.
125Pour l’USIS de Bonn, il s’agissait de cibler plus particulièrement la génération dite des « successeurs » qui représentait désormais, dans la seconde moitié des années 1980, presque 50 % de la population ouest-allemande. Ces jeunes gens n’avaient pas de mémoire personnelle de la Seconde Guerre mondiale et n’avaient pas non plus participé à la reconstruction opérée grâce au partenariat avec les États-Unis. Ces héritiers de la reconstruction s’étaient donc forgés une image des États-Unis à travers le prisme de la guerre du Vietnam ou des mouvements des droits civiques dans les années 1960, puis à travers le scandale du Watergate dans les années 1970. Pour nombre de ces jeunes gens les États-Unis renvoyaient l’image d’une société conservatrice, moins avancée socialement que la plupart des nations européennes130. Pour cette génération de jeunes Allemands il ne semblait pas y avoir eu de différence majeure entre les deux blocs ; leur vision de la position à tenir par la RFA devait plutôt être celle d’un moyen terme entre les deux superpuissances131.
126Pour pallier ces conceptions jugées erronées, les services d’information basés en Allemagne de l’Ouest misèrent avant tout sur les échanges culturels dédiés à la jeunesse, dans le cadre du Youth Exchange Initiative, comme nous avons eu l’occasion de le souligner, et plus particulièrement au sein du programme baptisé Congress-Bundestag Teenage Exchange Program. Ces échanges d’adolescents devaient être de longue durée, ce qui supposait une intégration dans la société d’accueil, notamment grâce à la scolarisation. Financé conjointement par les gouvernements allemand et américain, ce programme concerna plus de 500 lycées ouest-allemands à partir de 1985132. Dans la deuxième moitié des années 1980, les échanges de jeunes gens entre les deux nations représentèrent 32 % des échanges culturels, auxquels s’ajoutaient bien entendu les 56 % dédiés aux programmes Fulbright et les 12 % d’échanges de personnalités politiques, d’intellectuels et de chercheurs dans le cadre de l’International Visitor Program133.
127L’autre atout essentiel de la diplomatie publique américaine en Allemagne de l’Ouest fut sans doute, durant les années 1980, la télévision. La plupart des médias ouest-allemands entretenaient, au dire des agents de l’USIA, de très bonnes relations avec les USIS de Bonn et Berlin. Les reportages diffusés sur les États-Unis à la télévision allemande reprenaient en effet bien souvent les grandes lignes présentées par les principaux médias américains. Pour l’ex-PAO de Bonn, Hans Tuch, les contacts personnels, ainsi que l’aide matérielle et l’accès à Worldnet fournis par les USIS dans les années 1980, eurent une influence certaine, bien que jamais revendiquée, sur les médias ouest-allemands.
128Or, comme le rappelait Jacques Semelin à l’occasion du dixième anniversaire de la chute du Mur, des années 1950 aux années 1980, les médias de l’Ouest ont été à leur manière à la fois témoins et acteurs de l’Histoire. Jusqu’à la journée du 9 novembre 1989, qui représenta le dénouement d’une évolution au long cours, le « pont audiovisuel » entre les deux Allemagne a permis pendant près de quarante ans aux populations de Berlin-Ouest et de Berlin-Est de rester en contact, par le biais de la radio et de la télévision :
« Fait capital : cette “réunification” via l’audiovisuel s’est accomplie à l’avantage exclusif de l’Ouest. Car ce sont les Allemands de l’Est qui regardent massivement les télévisions de l’Ouest, non l’inverse : pour s’évader de leur univers quotidien, mais aussi pour accéder à une information différente de celle diffusée par les organes communistes. Les dirigeants est-allemands n’ont jamais réussi à juguler cette attraction qui s’est maintenue jusqu’aux années 1980134. »
129Les médias de l’Ouest soutenus par les services de l’USIA ont permis aux Allemands de l’Est de se projeter « cathodiquement » de l’autre côté du Mur et d’échapper à leur condition via l’information, avant de pouvoir accéder effectivement à la liberté à laquelle ils avaient aspiré pendant presque quarante ans135.
130En Europe de l’Ouest, dans « les pays de la zone critique », les stratégies de l’information et de la diplomatie culturelle américaines, devenues de facto stratégies de la diplomatie publique, ont sans nul doute constitué un véritable laboratoire d’idées pour conduire la guerre d’influence de l’autre côté du rideau de fer. Néanmoins, à l’évidence, dans les démocraties populaires les faucons de la diplomatie publique confrontés à d’autres contingences, plus immédiates, ont dû suivre la politique de réalité et alterner entre des stratégies de long terme, mises en œuvre à l’échelle du temps de la guerre froide136, et des stratégies à plus court terme pour répondre ou accompagner les crises du monde socialiste.
Stratégies de l’information et stratégies de libéralisation dans les démocraties populaires : la propagande et la culture au service des missions de l’USIA
131La création de l’USIA en 1953 coïncide avec la disparition de Staline, événement dont les conséquences vont modifier de facto les stratégies de l’information américaine dans les démocraties populaires137. À Moscou, la direction collégiale qui remplace la dictature personnelle ne va pas tarder à être confrontée à une crise du monde socialiste qui culmine en 1956 avec les graves troubles qui surviennent en Pologne et en Hongrie. Les nouveaux dirigeants souhaitent que le modèle moscovite demeure et que les pays satellites suivent l’exemple du PCUS. Or, à l’exception de la Tchécoslovaquie, l’ensemble des dirigeants des démocraties populaires mis en place par Staline résistent aux nouvelles orientations de l’ère Khrouchtchev définies lors du XXe congrès du PCUS ; tandis que les populations aspirent à plus de liberté, à une amélioration de leur niveau de vie, et à plus d’indépendance nationale138.
132Les désaccords entre les dirigeants staliniens des pays satellites et les partisans d’une libéralisation du régime, souhaitée par les populations, vont constituer de formidables opportunités pour les services d’information américains, dont les objectifs restent constants des premières crises des années 1950 et 1960 à celles, plus décisives, des années 1980 qui conduiront à l’effondrement du bloc de l’Est.
Cibles et objectifs dans les pays satellites de l’Union soviétique
133Dans les démocraties populaires l’objectif des États-Unis est clair, il s’agit de réduire la capacité d’influence de l’URSS par le biais d’opérations ciblées en direction des « peuples captifs ».
134En accord avec les directives du Conseil de sécurité nationale, l’USIA concentre ses efforts en direction de l’encouragement à la résistance populaire, en prônant notamment les vertus du multipartisme et en entretenant au sein des populations la croyance en une possible libération du joug soviétique. Informer les populations de « la véritable nature » des intentions expansionnistes et oppressives de l’Union soviétique est le souci récurrent qui apparaît dans les directives émanant du NSC ou du Jackson Committee139. Dans ce but, l’instrument officiel le plus plébiscité par Washington reste, jusqu’à la fin des années 1960, la VOA, dont 75 % des émissions se font en direction du bloc soviétique, et de la Chine populaire140. Officieusement ce sont l’ensemble des programmes d’informations radiophoniques qui sont soutenus par les faucons de l’information, comme en témoigne la correspondance d’Allen Dulles, alors directeur de la CIA, avec le président de la Commission sur les activités d’information à l’étranger (The President’s Committee on Information Activities Abroad), Manfield Sprague :
« D’autres programmes (que ce soit certaines des autres activités d’information de l’USIA ou de RFE) qui sont destinés à expliciter les politiques comme les réalisations du gouvernement américain, à réfuter les affirmations des Communistes ou à corriger leurs présentations erronées des États-Unis, remplissent des missions tout aussi indispensables. »
135Parallèlement, les détracteurs professionnels de l’Union soviétique auprès des « nations captives » se doivent de mettre l’accent sur les lacunes de la politique soviétique, en insistant notamment sur les ratés de la politique agricole et l’inaptitude du régime à améliorer le ravitaillement de ses populations. Et, a contrario, l’USIA a pour mission de démontrer que les États-Unis ont le souci du bien-être des populations est-européennes, lorsqu’elle fait largement savoir par exemple que le président Eisenhower a offert son aide aux populations d’Albanie sinistrées du fait des inondations de 1955.
136Par ailleurs, l’objectif de l’USIA, avec le soutien du département d’État, est de perfectionner d’autres moyens que ceux de la diffusion radiophonique, soumise à des brouillages intempestifs, pour toucher une plus large partie de la population soviétique et est européenne. La diffusion du magazine en langue russe Amerika141, s’ajoutant à celle du mensuel America Illustrated142, vient s’inscrire dans l’élargissement de la stratégie américaine basée sur les médias de masse.
137Dans le même temps, la mise en circulation de nombreux classiques de la littérature américaine dans toute la zone soviétique, la distribution de tracts auprès des marins et des soldats en transit dans des ports étrangers, le lancement de programmes musicaux destinés à la jeunesse de la nomenklatura soviétique pour la sensibiliser à la culture populaire de l’Ouest, sont autant d’actions ponctuelles qui devaient contribuer à la réalisation de l’objectif de libéralisation du bloc de l’Est.
138Quant à l’infiltration officielle et plus spécifique de la jeunesse dans les pays satellites, elle se fait à deux niveaux. D’abord et essentiellement par l’encouragement à la création et au développement de départements d’études américaines dans les universités ; l’université d’études américaines de Belgrade est notamment une des premières facultés de l’Est à recevoir régulièrement les livres et périodiques fournis par les USIS de Yougoslavie143. Ensuite, les USIS n’hésitent pas à avoir recours à des contre-manifestations destinées à la jeunesse pour battre les Soviétiques sur leur propre terrain. Par exemple à Berlin, en 1954, le congrès pour la jeunesse organisé par les Soviétiques fut contré par les USIS, avec l’aide des autorités ouest-allemandes ; l’organisation simultanée d’ateliers présentant les activités pratiquées par la jeunesse américaine avait pour but d’attirer les jeunes Allemands dans la zone ouest144.
139Pour convaincre les peuples ouest-européens du mécontentement grandissant des peuples opprimés derrière le rideau de fer, les propagandistes de l’USIA se font régulièrement l’écho du passage à l’Ouest de milliers de personnes fuyant le prétendu « paradis des travailleurs145 ». Les témoignages des nombreux réfugiés du monde communiste constituent en ce sens d’excellents outils de propagande en faveur du monde libre. Cependant, les autorités américaines se sont souvent montrées réticentes quant à l’utilisation, comme commentateurs pour la Voix de l’Amérique, de ces émigrants venus de l’Est car nombre d’entre eux portaient des jugements sur les États-Unis ne correspondant pas du tout à la ligne éditoriale et politique fixée par les dirigeants de l’USIA. En revanche, pour les radios libres, Radio Free Europe et Radio Liberty, ces exilés, dissidents ou simples citoyens fuyant l’oppression avec courage, ont, pour beaucoup constitué les forces vives de ces stations qui ont su gagner le cœur des « populations captives ».
Permanence des enjeux de la guerre des ondes à l’Est (1953-1989)
« USIA is the new
dimension of the new diplomacy. We occupy the only battle line that
engages this entire land. We seek to explain this country and all it
does. Our goal is the minds of men. But the war we wage is not the
war to capture men’s minds ; it is a war to free
them. »
Edward R. Murrow, National Association of Broadcasters, March 2, 1962146.
140Dès leurs débuts les radios libres, Radio Free Europe et Radio Liberty, ont été la bête noire des services secrets de l’Est. Jusqu’aux années 1980 et à la chute du Mur, les locaux des radios de Munich147 sont l’objet d’attentats à la bombe148, tandis que ses commentateurs redoutent les enlèvements ou les tentatives d’assassinat par les polices politiques des pays satellites. Longtemps présentées comme de simple porte-voix de la CIA149, RFE et RL ont représenté une réelle menace pour les États totalitaires. Et ce, non pas, parce qu’elles étaient constituées d’agents des services secrets américains, mais plutôt parce que l’essentiel de leurs équipes était composé d’exilés à la conscience politique exercée ; ils étaient le plus souvent intellectuels, dissidents, enseignants ou simple secrétaires, bien décidés à remettre en cause le communisme en s’attaquant en premier lieu au monopole de l’information. Paradoxalement, bien qu’elles soient financées par la CIA, la force des radios libres aura sans doute été l’indépendance et l’originalité de leur programmation directement calquée sur les préoccupations des populations « captives », et contrastant ainsi avec celle de VOA.
Espionnages et brouillages : la menace idéologique américaine, le point de vue soviétique
141L’idée d’une radio de propagande américaine vit le jour à la fin des années 1940 dans le but de mener une stratégie totale, en opposition à celle menée par l’URSS. Inspirées dans un premier temps du modèle offert par la BBC150, les créations, à Munich, de RFE (dès 1949) et de RL (la même année que la mort de Staline et que la création de l’USIA, en 1953151) devaient promouvoir la « libération de l’Est », même en période de détente, lorsque la politique officielle s’en tenait à des velléités de « libéralisation ».
142À ce moment-là, le rideau de fer empêchait la circulation des personnes, et des informations, mais pas des ondes, qui pouvaient faire entendre aux peuples captifs la « cloche de la liberté » (Freedom Bell), celle de la croisade lancée par le général Eisenhower et le général Lucius Clay. À l’époque, la thèse officielle était que RFE était financée par une organisation privée, la Croisade pour la Liberté (Crusade for Freedom), pour laquelle le futur président Ronald Reagan participa à une campagne télévisée pour collecter des fonds. RFE constituait l’activité principale de sa « maison-mère », « Free Europe Inc. », située à New York, et à l’origine de publications telles que East Europe Magazine destinées aux émigrés de l’Est. Le général Lucius Clay en était le dirigeant, et parmi son comité directeur, on comptait des membres influents des milieux d’affaires tels que le président de General Motors, James M. Roche chargé des campagnes de collecte de fonds. La CIA exerçait un contrôle sur les émissions de RFE via le National Committee for a Free Europe, organisation privée, chargée de soutenir les activités anticommunistes des émigrés de l’Est et dirigée par C. D. Jackson, spécialiste des opérations de guerre psychologique pendant la Seconde Guerre mondiale et de longue date fervent partisan de la propagande152.
143En Union soviétique, RL, commença à diffuser ses émissions deux jours avant la mort de Staline (le 3 mars 1953), cet événement capital devait permettre à la station de trouver sa raison d’être. L’espoir d’être libéré du joug soviétique, suscité par cette disparition, devait absolument être attisé. Émettant 24 heures sur 24 d’abord en Russe et dans plus d’une douzaine d’autres langues en direction de Moscou, RL suscitait le doute sur la légitimité de l’ordre établi. Utilisant les courants d’opposition de certains de ses commentateurs (tel Leonid Pilajev ou Ana Joansen qui avaient fui les purges soviétiques), ou s’appuyant sur les nationalismes, elle pouvait représenter un véritable danger pour l’homogénéité du système en dénonçant le manque criant de liberté et en faisant la promotion d’un certain pluralisme153.
144En Europe de l’Est, RFE, diffusait en sept langues, pour plus de 70 millions d’auditeurs potentiels, plus de 19 heures de programmes vers la Pologne et la Tchécoslovaquie, et plus de 12 heures vers la Hongrie. Considérée avant tout comme subversive par ses détracteurs, elle exploitait les griefs principaux que nourrissaient les nations captives et les échecs de la propagande soviétique vis-à-vis de ses satellites. En ce sens RFE diffusait des programmes ciblés en tenant compte des aspirations de la jeunesse est-européenne à s’ouvrir à l’Occident, de la persistance des identités nationales, et des populations, dont pratiques et croyances religieuses étaient bafouées par les régimes communistes. RFE retransmettait par exemple en Pologne ou en Slovaquie des célébrations de culte catholique, ce qui suscitait un grand émoi chez les auditeurs comme en témoignent les courriers qu’ils envoyaient à la station de Munich au péril de leur liberté154. L’effritement de l’unité idéologique du monde communiste confronté aux exemples chinois, albanais ou yougoslave, les avatars de la politique économique soviétique et les difficultés de la vie quotidienne constituaient autant de thèmes choisis pour les émissions de RFE dans un style éloigné de celui plus policé de la Voix de l’Amérique155.
145Cependant malgré les crises récurrentes, en Pologne et en Hongrie en 1956, puis en Tchécoslovaquie en 1968, ce n’est que beaucoup plus tard dans la période qui nous occupe que les sociétés de l’Est seront à même de faire vaciller le pouvoir soviétique, mais l’incitation quotidienne au changement devait dès le départ être forcément considérée comme une agression par les responsables des régimes totalitaires.
146Pour cette raison, la riposte soviétique s’organise à deux niveaux, d’une part en multipliant les tentatives d’infiltration des deux stations ou les attaques à l’encontre des commentateurs, d’autre part en investissant dans des émetteurs superpuissants susceptibles de brouiller les émissions de Munich. Jusqu’à la fin des années 1980, les brouillages constituent l’arme de défense de prédilection des Soviétiques, qui dépensent plus d’argent pour brouiller les émissions de RFE et RL que les Américains pour les diffuser. Il s’agit pour Moscou et ses partenaires de les rendre inaudibles ou carrément inaccessibles aux auditeurs. Or, lorsque RFE ou RL sont confrontées à ces obstacles, elles tentent d’émettre sur d’autres fréquences ou d’utiliser des émetteurs plus performants. Commence alors un véritable jeu du chat et de la souris qui perdure jusqu’à la chute du Mur de Berlin.
147Ces opérations de brouillages soviétiques visant à décrédibiliser l’Occident ont fluctué dans les pays satellites en fonction de la conjoncture internationale. Ainsi la Roumanie cessa-t-elle les brouillages dès 1963, lors de la querelle qui l’opposa à Moscou, puis la Hongrie en 1964 ; la Bulgarie et la Tchécoslovaquie, pour leur part, consentirent à les réduire après le « printemps de Prague » en 1968. Les brouillages par l’URSS, cependant, s’intensifièrent à chaque intervention des forces du pacte de Varsovie ou lors de l’instauration de la loi martiale en Pologne. En définitive, de mars 1953, date de la première émission de RL, à 1988, malgré les condamnations des Nations unies ou les accords d’Helsinki, les brouillages concernant les radios occidentales, VOA et BBC incluses, n’ont jamais été totalement interrompus.
148Pourtant, à partir des années 1960, il devint très difficile aux autorités soviétiques d’empêcher les citoyens de chercher à écouter les radios étrangères. Or, dans ce contexte, VOA, libérée de la virulence des attaques anti-communistes de l’époque du maccarthysme, devint moins redoutée des Soviétiques que les radios de Munich. Comme le démontre Anne-Chantal Lepeuple dans sa thèse de doctorat156, l’URSS mena des négociations constantes avec les États-Unis dans l’optique d’assagir les programmes de RFE et RL en échange d’une diminution des brouillages intempestifs de la Voix de l’Amérique. Après l’arrivée de Mikhäel Gorbatchev, le directeur de l’USIA se serait vu directement proposer en janvier 1986 une suppression des interférences pour la radio officielle ; en revanche les radios de Munich continuaient d’être jugées politiquement dangereuses. Elles ont été en effet régulièrement accusées par les autorités soviétiques, durant toute la période de 1953 à 1988, d’user d’une « propagande hostile », terme qui pouvait renvoyer à la pratique de la désinformation. En réalité, les responsables de RFE et RL ont préféré une autre tactique, moins condamnable, en essayant de pousser leurs auditeurs à demander l’application des textes internationaux.
149L’acharnement avec lequel les autorités communistes ont lutté contre les radios libres américaines, tant par des moyens techniques que par des campagnes de dénigrement systématique, ont pu finalement contribuer à renforcer la crédibilité de ces paroles venues de l’Occident et à semer le trouble, parmi les populations, sur les médias officiels. Au-delà du glacis, au sein même du personnel politique américain, la conviction manifeste des Soviétiques que les radios de Munich représentaient un réel danger idéologique fut un argument en faveur des défenseurs du maintien de la double stratégie « publique-privée » de radiodiffusion :
« Les efforts des Soviétiques pour brouiller les émissions de RFE et de RL (on ne dénombre pas moins de 160 centres de brouillages) sont la preuve de leur efficacité, potentielle ou avérée, et démontrent, de fait, à quel point leur suppression représenterait une aubaine pour l’adversaire157. »
150Ainsi, bénéficiant d’une certaine liberté de ton, RFE et RL, héritières directes de la guerre psychologique, ont été des auxiliaires de la diplomatie publique dont la Voix de l’Amérique, sous tutelle de l’USIA, se devait d’être l’écho. Il semblerait donc que cet effort clandestin des États-Unis en faveur d’une politique spécifique de radiodiffusion vers l’Est ait, jusqu’en 1972, trouvé ses justifications dans l’opposition entre les exigences de la démocratie américaine et celles des particularités de l’affrontement avec l’URSS.
Figure 12. – Centre émetteur de VOA, 1970.

Source : Still Pictures, Archives nationales II, College Park, MD.
Comparaison des armes stratégiques institutionnelles et de leurs alliées de l’ombre : VOA et les radios libres, RFE et RL
« Si les radios libres n’avaient pas existé, le
monde serait bien différent aujourd’hui. Sans les radios
occidentales, les régimes totalitaires auraient sans doute survécu
plus longtemps. La bataille pour la liberté aurait été plus ardue
et la route conduisant à la démocratie bien plus longue.
En Pologne, comme dans d’autres pays communistes, nous écoutions
Radio Free Europe ainsi que d’autres radios occidentales malgré
les brouillages incessants. Ce sont de ces radios que nous avons
appris la libre pensée et l’action solidaire. »
Lech Walesa158.
151Interrogé au Sénat américain sur la valeur des émissions occidentales, en janvier 1977, le dissident Andréï Amalrik vantait les mérites de RL. Malgré les brouillages, elle demeurait, selon lui, plus proche des aspirations des auditeurs soviétiques, contrairement aux émissions de VOA trop axées sur des préoccupations américaines159. Dès 1950, le premier directeur de RFE, Frank Altschul, avait fait remarquer, que la Voix de l’Amérique, en tant qu’arme du gouvernement, n’était pas en mesure de mener une guerre psychologique suffisamment violente pour être efficace160. Or, RFE comme RL furent elles-mêmes longtemps divisées sur la méthode à adopter ; il y avait en effet deux camps : les partisans de la manière forte, et ceux désirant à tout prix éviter les effusions de sang.
152Dès la première année de sa création, RFE apporta la preuve de sa différence et de son efficacité par rapport aux instruments officiels mis en œuvre par Washington. Le premier coup d’éclat de RFE eut lieu le 17 juin 1953 lors de la grève des ouvriers de Berlin Est. Cet événement constitua un véritable baptême du feu pour les équipes de RFE, avec à leur tête Paul Henze161, alors chef d’antenne. Pour la première fois, la radio de Munich enchaîne les émissions quasiment en direct pour les auditeurs de l’Est, qui écoutent comment un État du bloc est en train de se rebeller contre le grand frère soviétique. Pendant que VOA, beaucoup plus modérée, suit la ligne officielle définie par John Foster Dulles, qui est de ne surtout pas engager de troupes américaines, malgré ses déclarations fermes de 1952 appelant à la libération de l’Europe de l’Est. Même si la révolte fut écrasée dans l’œuf, laissant selon les sources américaines 125 morts, sa couverture radiophonique constitua une avancée considérable pour les artisans de la libéralisation car, situation inédite, dans un système communiste fondé sur le secret, « le second rideau de fer » séparant les démocraties populaires de Moscou avait été pour un temps désagrégé162. Cet événement constitua un précédent remarquable pour les événements de Prague puis de Budapest. Dès lors, malgré les menaces constantes de la police politique, les auditeurs de l’Est bravent les interdits pour écouter, parfois au péril de leur vie, la radio de Munich.
153Trois ans plus tard, les radios libres, plus promptes que leur consœur VOA, font à nouveau un coup d’éclat en récupérant le célèbre discours de Khrouchtchev au XXe Congrès du PCUS remettant en cause le système stalinien. Pendant des jours, elles le diffusent en boucle sur leurs ondes et envoient de l’autre côté du rideau de fer des ballons remplis de milliers de copies de sa retranscription. Et lorsqu’en 1956, les révoltes émergent en Pologne et en Hongrie, la liberté semble à portée de main. Nous examinerons plus précisément, dans la suite de notre étude, quel fut le rôle exact joué respectivement lors de ces crises par VOA et par les radios de Munich.
154Or, pour Thomas Sorensen163, si les autorités américaines ont maintenu et financé pendant si longtemps une diffusion radiophonique à la fois officielle et clandestine, cela tient au fait que VOA, comme les stations « privées », remplissaient des fonctions différentes et toutes deux nécessaires. L’Administration Kennedy, particulièrement favorable à la multiplication des moyens favorisant le développement des libertés à l’Est, aurait en ce sens largement accrédité les efforts de la CIA pour maintenir les activités des radios clandestines164.
155Lors des premières révélations de 1967, RFE fut nommément citée et mise en porte-à-faux. À la suite du rapport du comité Katzenbach165 relatif aux soutiens officieux des activités dites « culturelles » à l’étranger, ce fut en effet au tour de l’Administration Johnson de réitérer son soutien aux radios de Munich. Le comité devait obliger la CIA à revoir l’ensemble de ses activités d’infiltration, et par là même à réduire ses activités anticommunistes ; en ce qui concerne les radios clandestines il n’en fut rien, malgré les déclarations publiques du président Johnson, telles que celle-ci :
« Aucune agence fédérale ne doit prodiguer d’aide ou de soutien financier direct ou indirect à quelque organisation éducative ou bénévole que ce soit dans notre nation et aucun programme en cours ne pourrait justifier une exception à cette politique166. »
156En réalité, l’abandon de collectes de fonds au sein des milieux d’affaires ne paraissait alors pas envisageable ; mais l’avenir de RFE et RL en tant qu’instruments officiels de l’USIA fut cependant sérieusement envisagé dans les coulisses de la Maison-Blanche167. En revanche, pour les professionnels de l’information en poste dans les pays de l’Est, toute fusion des programmes de RFE avec ceux de VOA demeurait incompatible avec les missions assignées à l’USIA répondant aux exigences de la démocratie américaine :
The Czechoslovak PRG [Program Review Group] reported:
« We do not see how the official U.S. Government radio station can ever take over some of the specific objectives of RFE—unless we were at war with the country being broadcast to. The U.S. objective, like RFE’s, is awakening and creating political consciousness among the citizens of Czechoslovakia. As it stands now, it does not appear that VOA could effectively absorb RFE. »
The Hungarian PRG reported:
« Departement of State and USIA guidances, as well as the USIA mission document and the VOA charter would have to be specifically amended and changed to permit VOA direct approach to Hungarian internal affairs… We do not believe that such an overall policy change is either advisable or desirable. »
The Rumanian PRG reported:
« The key difference—and the principal RFE function which VOA cannot and should not undertake—is RFE’s open criticism of the domestic situation in Romania and suggestions for improvement. »
157Or, jusqu’à l’officialisation des radios de Munich, comme par la suite, il semblerait qu’il n’y ait pas eu de contradiction apparente dans l’esprit des stratèges de l’information américaine entre la propagande officielle, et les programmes plus spécifiques en direction de l’URSS et de ses satellites. Ce n’est en effet que le 7 juin 1972168 que le Congrès reconnut officiellement la nécessité de maintenir cette double stratégie incarnée par le tandem VOA/RFE-RL, après plusieurs mois de débats houleux engagés par le sénateur Clifford Case et menés par le sénateur Fulbright. Plus d’un an auparavant, le 25 janvier 1971, le sénateur Case avait en effet créé un choc par un discours qu’il avait pris soin de laisser filtrer aux journaux la veille et dont le thème général pouvait se résumer dans l’expression : « Parlons franchement de l’aide de la CIA à Radio Free Europe169. »
158Conjointement à ces attaques à l’encontre de la CIA et d’une certaine idée de la politique d’information, le sénateur Fulbright s’empressa sur des thèmes similaires, tel que le gaspillage de l’argent des contribuables, de se confronter violemment au directeur de l’USIA, Frank Shakespeare. Il accusait ce dernier de pervertir l’USIA dans ses missions en détournant le message que l’Amérique se devait de diffuser au monde en ces temps de guerre froide. Le but du sénateur Fulbright était alors de rendre plus transparente, et plus facilement soumise à contrôle, l’élaboration de la politique de l’Agence d’information, toujours fortement méconnue du public américain170. Au regard de la virulence de certains membres du Congrès vis-à-vis des agences chargées de promouvoir l’Amérique dans le monde tout en préservant sa sécurité, il apparaît que c’est tout un pan de la politique étrangère américaine qui aurait échappé au pouvoir législatif ; la propagande et la diplomatie publique intrinsèquement liées devaient demeurer l’apanage de la Maison-Blanche et de ses faucons jusqu’à la fin des années 1980.
159Lorsqu’en 1972, Henry Kissinger et Richard Nixon nommèrent à la tête de l’USIA, James Keogh à la succession de l’Agence d’information, ils ne firent que conforter la ligne politique longtemps tenue par les radios clandestines. Malgré les réticences affichées d’Henry Kissinger, la nomination de James Keogh (dont les convictions de propagandiste étaient proches de son prédécesseur, le fervent cold warrior Frank Shakespeare) semblait indiquer que la ligne de conduite tenue par les radios de la CIA pouvait inspirer celle de l’USIA171. À partir de 1976 les radios libres fusionnent pour prendre le nom de RFE/RL, elles sont désormais officielles et rejoignent VOA dans l’arsenal des instruments de la diplomatie publique. Désormais, RFE/RL comme VOA utilisent indifféremment des armes aussi dangereuses pour l’adversaire que la radio diffusion dite « noire » (black broadcasting), de la propagande déguisée sous la forme de programmes culturels ou d’information (par opposition à la propagande « blanche », celle qui ne tait pas son nom).
160Ce rapprochement s’inscrivit, par la suite, dans la politique plus offensive172 vis-à-vis de l’URSS engagée par l’Administration Reagan dès 1982. Celle-ci s’accompagna à nouveau d’un renforcement des moyens accordés à la Voix de l’Amérique et d’un recours massif aux stratégies indirectes ; ce fut notamment la renaissance de la CIA avec William Casey, puis Robert Gates, et la multiplication des actions secrètes pour encourager les opposants en Pologne, mais aussi en Hongrie et en Tchécoslovaquie. Il demeura en apparence des tensions entre les partisans de la négociation et ceux du refoulement, mais comme le souligne Georges-Henri Soutou, « il y eut aussi une complémentarité dialectique entre les deux : Reagan maniait à la fois la carotte et le bâton173 ».
161Les liens entre les deux agences, d’information et de renseignement, devaient être préservés dans le but de remporter la guerre de l’information et de la culture, ouverte comme secrète, qui était devenue une dimension incontournable de la guerre froide.
162Dans la lutte d’influence pour la conquête des esprits des nations captives, les médias américains ont incontestablement représenté un atout essentiel des stratégies officielles, menées par l’USIA, comme des stratégies officieuses, menées par des organismes privés ou directement par la CIA. Or, pendant toutes ces années, la guerre des ondes ne représente pas l’unique terrain où le combat se livre ; la presse, les livres et surtout les films venus d’outre-Atlantique sont particulièrement redoutés des autorités socialistes. À la fin des années 1950 et jusqu’au début des années 1960, alors que les démocraties populaires sont de plus en plus enclines à l’indépendance et à l’établissement de voies nationales vers le socialisme, les tentatives d’ouverture à l’Ouest vont se multiplier, notamment en Roumanie, en Hongrie et en Pologne où les stratégies de long terme, celles des échanges culturels, vont servir de monnaie d’échange pour développer des accords commerciaux avec les États-Unis.
Ciblage : le modèle polonais et l’ouverture culturelle roumaine et hongroise ; la diplomatie culturelle au service de la diplomatie publique (1956-1967)
« La culture pour la culture ne paraît pas pouvoir être efficace quand elle appartient à un programme établi à l’avance, […] en revanche la culture utilisée de manière sélective pour permettre de forger solidement et à long terme l’opinion (et pour ce faire en ayant un impact à court terme) est une des missions incontournable de l’USIA174. »
163Le début des années 1960 constitue une période faste dans le développement des relations diplomatiques et culturelles entre les États-Unis et les « nations captives » pour deux raisons. Tout d’abord, les initiatives financières et législatives musclées en faveur des programmes culturels lancés par le président Eisenhower commencent à porter leurs fruits175. Ensuite, l’unité idéologique du camp socialiste est fortement fragilisée, alors que les voies nationales vers le socialisme s’affirment de plus en plus nettement. Les tendances centrifuges qui se sont manifestées à la fin des années 1950 en Yougoslavie176, en Hongrie et en Pologne sont bientôt relayées par des désaccords sino-soviétiques retentissants rendus publics à l’occasion du XXIIe congrès du Parti communiste soviétique en 1961177.
164Par ailleurs, comme le signifiait avec force un rapport adressé au directeur de la CIA sur les possibilités de « jeter des ponts178 » entre les États-Unis et l’Europe de l’Est, les nations captives manifestent dès le début des années 1960 un intérêt grandissant pour le développement des relations commerciales avec les États-Unis, et en particulier pour les importations de machines et de matériels agricoles. Or, pour les États-Unis tous les moyens mis en œuvre pour développer des contacts avec les nations captives devaient être considérés comme autant d’opportunités pour étendre leur influence, que ce soit par le biais des programmes d’information publics ou privés, des foires internationales, des expositions itinérantes ou des échanges commerciaux179.
165Ce besoin d’indépendance tant économique que politique des démocraties populaires est particulièrement bien représenté par les exemples de la Pologne et de la Roumanie. La libéralisation lancée par l’ancien dirigeant communiste Władysław Gomulka revenu au pouvoir en 1956180, se concrétise dès 1957, par une ouverture des relations culturelles avec les pays occidentaux, et plus particulièrement avec les États-Unis181. Il faut préciser, comme le rappelle Yale Richmond, alors CAO à Varsovie182, que cette ouverture a été facilitée par l’opération Food for Peace183 lancée par le gouvernement Eisenhower en 1954 (Public Law 480). Il s’agissait alors de vendre les surplus agricoles des États-Unis aux pays en voie de développement à des tarifs très attractifs. Dans le cas de la Pologne, le gouvernement américain acceptait de surcroît d’être rémunéré en zlotys (la monnaie polonaise) qu’il versait à son ambassade de Varsovie pour lui permettre de financer localement l’ensemble de ses activités culturelles et d’information. Ce mode de financement devait par la suite servir de modèle pour les programmes de l’Agence d’Information américaine dans les autres pays de la zone soviétique184.
166Ainsi la Pologne a constitué pour l’USIA un véritable fer de lance pour ses activités en Europe de l’Est. Les échanges culturels, scientifiques et éducatifs soutenus par les dotations des fondations privées (Ford et Rockefeller) remportent un franc succès dès la seconde moitié des années 1950185, et dès le début des années 1960, étudiants et chercheurs polonais bénéficient des programmes Fulbright186. Or, en Pologne, l’ensemble des productions culturelles venues de l’Ouest qu’il s’agisse d’ouvrages, de films documentaires ou commerciaux, de représentations théâtrales ou artistiques est particulièrement bien accueilli, et les manifestations culturelles sont plus aisément mises en œuvre.
167Pour l’USIA, un des exemples les plus frappants de cette ouverture réside sans doute dans les succès répétés, rencontrés par les stands américains à la foire internationale de Poznan. Dès 1957, soixante-dix mille visiteurs polonais avaient pu admirer l’exposition réalisée par l’USIA, « Built in the U.S.A. » qui présentait l’architecture américaine contemporaine de cette période. Au début des années 1960, la foire de Poznan ne servait plus seulement de vitrine uniquement pour la population polonaise, elle attirait également, dans le domaine culturel, des partenaires commerciaux, venus d’autres pays de l’Est. Ce fut notamment le cas en 1962, lorsque les représentants de la société Modex et de la maison d’édition hongroise Kultura, firent savoir aux responsables du pavillon américain, qu’ils souhaitaient trouver un accord avec une compagnie américaine. Ces sociétés hongroises, spécialisées dans l’import-export de livres et de magazines en direction et en provenance de l’Ouest, firent état des difficultés rencontrées par la population hongroise pour se procurer des ouvrages en langue anglaise. Or, comme le rapporte le diplomate Walter E. Jenkins, au dire de ces hommes d’affaires, les publications venues de l’Ouest constituaient un marché en pleine expansion, et étaient vendues illégalement via des circuits de distribution déjà bien organisés187. L’année suivante les représentants de la société hongroise Kultura se présentèrent à nouveau au pavillon américain pour tenter de comprendre, en vertu de quels accords commerciaux passés entre le gouvernement polonais et les États-Unis, le commerce de livres anglo-saxon était tellement plus aisé en Pologne. En 1958, la Pologne avait signé l’accord IMG (Informational Media Guarantee) dont le programme du même nom devait permettre l’entrée sur le territoire polonais de centaines de livres et de films américains188. Et la même année, le gouvernement de Varsovie autorisa la publication d’une version polonaise de America Illustrated (Ameryka).
168Les interlocuteurs hongrois firent état de leur vif souhait de voir de tels accords conclus entre la Hongrie et les États-Unis ; ce à quoi les représentants du consulat américain ne purent répondre officiellement par l’affirmative. Ces derniers devaient devenir des interlocuteurs privilégiés des hommes d’affaires hongrois, et leur permettre d’avoir accès à plus d’ouvrages venus des États-Unis, dont certains devaient être présentés quelque temps plus tard à la foire internationale de Budapest189. À Washington, la prise de conscience d’une véritable demande de la population hongroise pour les publications venues de l’Ouest se manifesta par des mots d’ordre de l’ensemble des agences culturelles indépendantes (CIA comme USIA) pour soutenir et encourager les éditeurs américains à conclure des accords commerciaux avec la Hongrie. Dès 1964 la direction de la CIA devait également encourager l’USIA à diffuser une version hongroise d’America Illustrated sur le modèle polonais190.
169Quant à la foire de Poznan, réputée pour ses expositions et ses nombreux participants américains, elle était devenue, semble-t-il, une plateforme commerciale permettant d’organiser des partenariats commerciaux entre l’Est et l’Ouest.
170Parallèlement, entre la fin des années 1950 et le début des années 1960, marquées tout de même par un certain durcissement du régime de Gomulka191, la population polonaise accueille avec un grand enthousiasme les jazzmen Glenn Miller, Dave Brubeck et son Jazz Quartet, ainsi que l’American Ballet Theater, le Philadephia Orchestra, Leonard Bernstein et le New York Philharmonic ou le pianiste Arthur Rubinstein. Et tandis que les personnalités défilent à Varsovie, parmi elles, on note la présence du représentant de la Fondation Ford, Shepard Stone192. L’ensemble des efforts mis en œuvre par les artisans de la diplomatie publique culminent avec la visite du vice-président Richard Nixon en août 1959. Un peu plus tard la même année, dans le cadre du programme culturel de l’USIA intitulé American Specialists, les écrivains Saul Below et Mary McCarthy remportent un franc succès en venant animer une série de conférences à Varsovie et Cracovie.
171Cette ouverture culturelle polonaise, qui fait figure d’exception, est intimement liée à l’histoire nationale de ce pays parfois trop schématiquement intégré au bloc de l’Est. Comme le rappelait Jan Zielonka, dans un article consacré aux paradoxes de la politique étrangère polonaise durant la guerre froide, « la Pologne incarne plus que toute autre démocratie populaire, la division parfois artificielle de l’Europe, et ce par son refus de la domination soviétique, son attachement aux valeurs occidentales et son catholicisme militant193 ».
172Dans le même temps, en Roumanie, le gouvernement de Georghui Dej, désirant mettre fin à l’exploitation économique par le « grand frère » soviétique, refuse le projet de Khrouchtchev, qui vise à instaurer une spécialisation des tâches au sein du COMECON194. Or ce refus de l’intégration économique de la Roumanie au sein du bloc soviétique s’accompagne d’une politique d’ouverture à l’égard de nations considérées comme hostiles à l’URSS195.
173Dans l’histoire de la normalisation des relations diplomatiques entre les États-Unis et la République populaire de Roumanie, le début des années 1960 constitue en effet une étape importante. Pour les agents des services d’information, la période dite d’« ouverture » aux relations culturelles entre les deux nations débute officiellement en février 1960196. Même si l’engagement des autorités roumaines à développer des relations inter-culturelles avec les États-Unis ne pouvait se concrétiser de manière totalement formelle, par exemple sous la forme d’un traité, en revanche le ministre des Affaires culturelles roumain soumit effectivement, à ses interlocuteurs américains, une série de propositions d’échanges culturels pour les années à venir.
174En réponse à cette démarche d’ouverture197, et en accord avec les objectifs préétablis par le département d’État, les agents de l’USIA en Roumanie élaborèrent un ensemble de contre-propositions qui devaient conduire à des accords de principe au cas par cas. Il s’agissait essentiellement d’échanges d’étudiants et de professeurs, chercheurs, physiciens, chimistes, mathématiciens pour une année universitaire ou quelques mois. Ce type d’échanges devaient s’étendre par la suite aux sciences humaines et aux disciplines artistiques. Le but avoué du département d’État était d’utiliser la réussite de ces échanges pour obtenir de leurs homologues roumains les autorisations nécessaires à la tournée de leurs expositions Americana, ou à l’exportation d’artistes, musiciens ou intellectuels américains en Roumanie.
175Ces pourparlers qui devaient déboucher sur de véritables échanges de personnes entre les deux nations constituèrent une avancée remarquable dans l’histoire des relations culturelles roumano-américaines. Pour célébrer symboliquement cette ouverture, le 4 juillet 1960 la radio de Bucarest diffusa en l’honneur de la fête nationale américaine un programme de musique folk ; les autorités roumaines demandèrent qu’en retour de la musique roumaine soit diffusée à Washington pour leur fête nationale du 23 août. Pour la rentrée universitaire, Toma, Granciu, Vijoli et Gheorghita furent les premiers étudiants roumains à se rendre respectivement sur les campus de l’université du Wisconsin et du Michighan en janvier et février 1961. Pour être à même de suivre les enseignements dans leur spécialité, le gouvernement américain leur dispensa tout au long du premier semestre des cours d’anglais intensifs198. Cette même année, Keith Hitchins et Fredrick Kellog, étudiants américains en histoire, partirent à leur tour pour une année d’étude à Bucarest. Logés dans le plus prestigieux hôtel de la ville pour 240 dollars par mois, les deux jeunes chercheurs américains bénéficièrent d’un traitement de faveur les maintenant de ce fait à une distance certaine des étudiants roumains. Cependant les contacts qu’ils purent nouer avec leurs camarades de classe permirent aux agents de l’USIS de Bucarest d’évaluer l’intérêt que pouvaient susciter les États-Unis auprès de la population estudiantine roumaine. Les conversations que rapportèrent les deux observateurs américains témoignèrent sans doute d’une vive curiosité à l’égard des États-Unis mais aussi et surtout pour une majorité de jeunes Roumains d’un manque d’information patent. Il faut préciser que la spontanéité de la plupart des étudiants qu’ils côtoyaient était entravée par la crainte de la police politique. Les jeunes gens redoutaient particulièrement d’être aperçus en la compagnie d’Occidentaux en dehors du campus, ce qui ne facilita pas la vie sociale de Keith Hitchins et Fredrick Kellog durant leur séjour à Bucarest. Quant à leur découverte de la Roumanie à travers quelques week-ends dans l’arrière-pays, celle-ci fut strictement encadrée par le ministère de l’Éducation et de la Culture roumain, informé à l’avance de leurs moindres déplacements.
176Malgré ces restrictions, ce premier échange fut qualifié de succès par les autorités américaines qui souhaitèrent renouveler l’expérience pour les années universitaires à venir199.
177Jusqu’à cette période qualifiée de « compréhension culturelle américano-roumaine » (US-Rumanian cultural understanding), seuls quelques professeurs et scientifiques roumains invités par des institutions privées américaines, universités ou centres de recherche, avaient été en effet autorisés à sortir de leurs pays. Il faut rappeler que cette apparente souplesse des autorités roumaines à partir de 1960 faisait suite à une décennie de relations tendues entre les deux nations, entretenues par un régime roumain particulièrement sévère à l’égard des idées et des personnes venues d’outre-Atlantique. Plusieurs agents des services d’information américains et britanniques recrutés localement en Roumanie avaient en effet été accusés d’espionnage et condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement. Ce fut le cas notamment des sœurs Samuelli ; Nora, qui travaillait pour l’USIS de Bucarest en 1950, et sa sœur Anny, qui travaillait pour le British Information Office, furent condamnées respectivement à 15 et 20 ans de travaux forcés. En raison de ces mesures jugées abusives, les Britanniques firent savoir régulièrement aux autorités roumaines que le gouvernement de Sa Majesté ne consentirait pas à engager quelques pourparlers que ce soit tant qu’Anny Samuelli n’aurait pas été libérée. Ces exemples illustrent à quel point la normalisation des relations est-ouest a pu être difficile et a souvent nécessité, pour provoquer l’ouverture, des stratégies de long terme.
178Toujours est-il qu’à la suite des discussions engagées entre les États-Unis et la Roumanie au début de l’année 1960, le responsable du bureau d’État roumain chargé des tournées artistiques informa l’USIS de Bucarest que trois artistes américains200 avaient été retenus pour donner une série de concert en Roumanie au printemps, et qu’à l’été, ce serait au tour de l’American Ballet Theater de donner une série de représentations.
179Cette bonne grâce des autorités roumaines fut particulièrement remarquée par les agents américains qui signalèrent à leurs responsables du département d’État qu’aucune demande de réciprocité n’avait été formulée. Ce « feu vert » des plus hautes instances roumaines s’expliquait en substance, selon l’attaché culturel américain Paul Wheeler, par le fait que la population roumaine était devenue plus demandeuse de culture occidentale, et qu’il était sans doute dans l’intérêt des autorités locales de tenir compte de cette inclination pour maintenir le calme. L’USIA profita de cette ouverture pour intensifier le nombre de ses expositions présentant la société américaine comme incarnation du progrès, qu’il soit scientifique et technique, ou artistique et culturel. Ce fut le sens donné à l’exposition « Plastics-USA » de 1962 à Bucarest, mettant en scène la vie quotidienne transformée par l’utilisation du plastique comme élément de modernité.
180Par ailleurs les services américains n’étaient pas dupes de la principale motivation du gouvernement roumain, qui était de développer par ce biais les relations commerciales avec les États-Unis201.
181Le développement des échanges culturels et commerciaux avec la Roumanie se concrétisa de façon significative par le biais de l’exportation massive de films hollywoodiens vers Bucarest. À l’été 1961, le directeur du service cinéma de l’USIA, Turner Shelton, en voyage en Europe de l’Est, conclut une série d’accords avec le ministre des affaires culturelles roumain, Constantin Prisnea. Onze films américains, dont notamment, Le Vieil Homme et la Mer et La Garçonnière, devaient être officiellement achetés par les autorités roumaines pour l’année 1961, tandis que des stars hollywoodiennes telles que Edward G. Robinson (d’origine roumaine202) ou Spencer Tracy étaient attendues pour assurer le prestige des soirées de première. L’accueil inhabituellement chaleureux réservé par les autorités roumaines au représentant de l’USIA apparut d’autant plus surprenant aux yeux du CAO en poste à Bucarest, Frederick T. Merrill, qu’au terme de cet accord culturel, seul un film roumain (Darclée203) devait être acheté et diffusé aux États-Unis.
Figure 13. – Roumanie : visiteurs de l’exposition « Plastics-USA », 1962.

Source : Still Pictures, Archives nationales II.
182Durant cette période, les velléités d’ouverture culturelle à des fins économiques ne furent pas l’apanage des seuls responsables roumains. À l’occasion de la visite de Turner Shelton, qui fut manifestement un grand succès204, le gouvernement hongrois posa un certain nombre de jalons officiels et officieux pour développer de manière accrue les échanges culturels, voire commerciaux, avec les États-Unis. Il s’agissait de développer la diffusion d’œuvres cinématographiques américaines, divertissantes, déjà familières à la population de Budapest depuis quelques années. En étroite collaboration avec le département d’État et l’USIA, la compagnie Disney avait en effet exporté à l’automne 1960 trois œuvres : Bambi, Cendrillon et Les Secrets de la Vie205. Ces productions devaient représenter auprès de la population hongroise des exemples significatifs de créations américaines indépendantes. Or, en accord avec le point de vue des agents de terrain206, on peut considérer que ces synergies public-privé s’inscrivaient déjà totalement dans la pratique de la diplomatie publique, dans son acception la plus large.
183Le département d’État conclut que cette ouverture des relations culturelles avec la Hongrie était de très bon augure pour le développement des activités des services d’information américains à l’Est, et qu’en ce sens toute initiative publique ou privée devait obtenir le soutien de l’USIA207. Ainsi, plusieurs tentatives d’échanges non officiels entre journalistes hongrois et américains reçurent l’approbation du CAO de Budapest durant la première moitié de l’année 1962208.
184Cependant, si Bucarest, Varsovie ou Budapest se préparaient à accueillir et à diffuser commercialement, et de bonne grâce, des œuvres cinématographiques américaines, en revanche les autorités de Prague continuaient de considérer les projections de films venus des États-Unis comme une menace des plus subversives.
Ouverture culturelle et contingences économiques : un accès à la culture américaine très encadré en Tchécoslovaquie (1960-1967)
185Les autorités tchèques se méfiaient particulièrement de la diplomatie culturelle américaine, en raison notamment de l’engouement des populations tchèques et slovaques pour tout ce qui venait des États-Unis. Fragilisé par la récession économique, et dépassé par la prolifération des stratégies d’influence mises en œuvres par l’USIA et le département d’État, le gouvernement de Novotny, peu enclin au dégel diplomatique et culturel, conçoit les échanges avec les États-Unis comme une relation à sens unique209. En définitive, chaque camp accuse l’autre de faire obstruction aux différents modes d’expression portant si ce n’est l’empreinte de l’idéologie de l’adversaire du moins celle d’une identité nationale par trop envahissante.
186Comme l’explique, Justine Faure dans son ouvrage consacré aux relations diplomatiques et culturelles entre les États-Unis et la Tchécoslovaquie, les films américains diffusés commercialement auraient eu un impact idéologique bien trop important sur ces populations privées de culture occidentale depuis de nombreuses années. Contrairement à ses homologues de Varsovie ou de Bucarest, le gouvernement de Prague refusait catégoriquement de signer quelque accord culturel que ce soit avec l’Occident, et ne consentit à diffuser de films américains à Prague qu’au compte-gouttes, à partir de 1960210. Les Américains ne furent autorisés, qu’en 1962, à participer au festival de films de Karlovy Vary où ils présentèrent un film à grand succès : Hemingway’s Adventures of a Young Man de Martin Ritt, avec entre autres Paul Newman211.
187Or, la menace culturelle américaine était telle pour les autorités tchèques qu’elles chargèrent la police politique d’effectuer des contrôles de papiers auprès des ressortissants de leurs pays qui se rendaient à des projections de films organisés par l’USIA. Comme le rapportait l’attaché de presse de l’ambassade des États-Unis à Prague en mai 1962, la police politique fut présente à l’extérieur des bâtiments officiels de l’USIS pendant plus d’une année à chaque projection de film ou de documentaire. Les autorités tchèques se réservaient le droit de visionner ces documentaires au préalable, et lorsqu’elles jugeaient le contenu subversif, les agents de la police politique se montraient en plus grand nombre aux abords de l’ambassade, dans le but, semblait-il, de dissuader les quelque cents personnes que réunissaient régulièrement ces manifestations culturelles212.
188Paranoïa des autorités tchèques ou réelle menace, toujours est-il que l’industrie hollywoodienne participe pleinement, durant cette période de la fin des années 1950 et du début des années 1960, des stratégies du consensus culturel de guerre froide (cold war cultural consensus) orchestrées à l’étranger par l’USIA. C’est ce que démontre Jean-Michel Valentin dans son ouvrage consacré aux interactions entre Hollywood, le Pentagone, et Washington :
« Une grande partie des films de cette époque participe à la construction du consensus national autour des politiques et des stratégies de sécurité nationale, grâce à l’instauration d’un consensus sociétal autour des thèmes déclinés à partir de la menace soviéto-communiste. […]
Cette période qui s’étend des commencements de la guerre froide au début des années 1960 voit aussi l’affirmation de la capacité du cinéma à produire de la menace, en s’alignant sur la définition qui domine dans le débat stratégique213… »
189Ainsi le Village des damnés (1960) de Wolf Rilla pourra être considéré comme un cas d’école de la construction cinématographique de la menace communiste et de la capacité du film hollywoodien à s’imposer comme le dispositif d’éducation à l’échelle nationale ; tandis que le Dernier Rivage (1959) de Stanley Kramer, ou de manière plus caustique, le Dr Folamour (1963) de Stanley Kubrick participent d’une stratégie plus duale en sensibilisant les spectateurs, en Amérique comme outre-Atlantique, aux dangers d’une menace bien plus grande que la guerre idéologique, la puissance nucléaire détenue désormais aussi bien par les États-Unis que par l’URSS. Quant aux productions réalisées par la seule Agence d’information, il faut rappeler qu’elles étaient elles-mêmes interdites de diffusion sur le territoire américain en raison de leur caractère trop polémique. Bien que certains élus aient pu considérer qu’il était discutable de priver le public américain de productions très réussies, telle que John F. Kennedy: Years Of Lightening. Days of Drums214, la majorité des membres du Congrès jugeaient que ces films de propagande officielle ne pouvaient être diffusés sur le territoire national sans porter atteinte aux fondements de la démocratie américaine.
190Or, au grand étonnement de certains cold warriors, des plus endurcis, de manière beaucoup plus prosaïque, loin de toute science-fiction ou communication politique, ce qui était particulièrement craint des autorités communistes à l’Est, était avant tout les représentations de la richesse de la population américaine et notamment de la « classe ouvrière ». Comme le rapporta de manière retentissante le directeur de la MPIC (Motion Picture Industry Council), Eric Johnston, la vision d’un parking d’usine en Californie ou dans le Wisconsin, rempli de voitures appartenant aux ouvriers, était aussitôt taxé de propagande. Pour les ministres de la culture concernés, il ne s’agissait pas de laisser croire à la population polonaise ou tchèque qu’un simple ouvrier américain pouvait s’offrir une voiture. Eric Johnston était alors responsable des ventes de films d’Hollywood à l’Est, il traitait directement avec les autorités communistes qui visionnaient à plusieurs reprises tout long-métrage avant de procéder à son acquisition et surtout à sa diffusion215.
191De la même manière, la pertinence des sujets ou la qualité technique des documentaires produits par les Américains ont pu constituer un terrain de rivalités pour démontrer la supériorité de l’un ou l’autre camp. En juin 1962, les services d’information de l’ambassade de Budapest organisèrent une projection du premier film de la mission orbitale du groupe américain Mercury pilotée par John Glenn. Ce document en couleur fut diffusé à l’intention des représentants des ambassades soviétiques, roumaines et bulgares, ainsi qu’en présence des responsables hongrois de l’Académie des sciences et des arts et des principales associations de journalistes. La qualité technique et la beauté des images de ce court-métrage américain créa l’enthousiasme chez les personnalités officielles est européennes comme l’ambassadeur de Pologne. Mais ce fut le commentaire de l’attaché culturel soviétique qui démontra de la manière la plus significative à quel point ce film devait constituer un atout pour la force de frappe des services d’information américains. En reconnaissant la supériorité technique des Américains pour ce court-métrage, l’attaché culturel de l’ambassade soviétique affirma à haute voix que, en termes de propagande, l’impact auprès du public serait manifestement plus fort que celui produit par les films soviétiques réalisés jusqu’alors216.
192Cependant en termes d’impact sur les populations est-européennes, et notamment tchèques ou slovaques, le cheval de Troie de la culture américaine fut sans conteste la musique jazz217. Alors que le président Eisenhower considérait le jazz comme « le meilleur diplomate de l’Amérique », presque sans le vouloir, la meilleure stratégie de l’USIA pour promouvoir la culture américaine de l’autre côté du rideau de fer fut sans doute l’émission de jazz de Willis Conover, Music USA218, diffusée six jours sur sept depuis Washington. Quasi inconnu aux États-Unis, cet animateur radio de VOA a incarné pendant plus de quarante ans la voix du divertissement venue de l’Ouest dans le cœur et les esprits de milliers de foyers à l’Est219. Ces émissions, dont le précurseur à l’Ouest avait été l’ex-radio officer Sim Copans220, auraient permis à plus de trente millions de personnes d’apprécier à nouveau la musique jazz, interdite par les régimes communistes jusqu’au début des années 1950, et par ce biais de se familiariser à la culture américaine221. Or, VOA, comme RFE et RL, en diffusant ce type d’émissions en même temps que des programmes d’information, auraient ainsi réussi à sensibiliser plus particulièrement les jeunes générations de l’Est aux rythmes et aux idées venus de l’Ouest. De l’autre côté du rideau de fer les disques de jazz, ou les émissions de Willis Conover enregistrées sur disque, se vendent à prix d’or au marché noir ; si bien que la musique de jazz devenue littéralement une forme de « denrée » rare et interdite, symbolise si ce n’est la contestation du moins le goût de la liberté :
« Les musiciens s’accordent sur le tempo, les éléments constitutifs du morceau, mais passé cela chacun est libre de s’exprimer. C’est cela le jazz. Et c’est cela l’Amérique. C’est ce qui donne à la musique toute sa valeur. Nous ne sommes pas à même de ressentir cela ici, aux États-Unis, mais les gens qui sont derrière le rideau de fer savent percevoir cet aspect de la liberté. Ils adorent le jazz parce qu’ils adorent la liberté222. »
193Le sentiment de transgression éprouvée par la jeunesse tchèque comme par la jeunesse hongroise, roumaine ou polonaise est d’autant plus fort que les autorités communistes ne cessent de taxer le jazz comme le rock’n roll de musique décadente entrainant des comportements décadents propres à la jeunesse occidentale qui, dit-on, se saoûle au Coca-Cola. Cet engouement populaire s’est particulièrement mesuré à l’aune des foules nombreuses rassemblées, en Pologne, lors de la venue de Willis Conover en 1959, ou en Tchécoslovaquie lors du premier festival de jazz autorisé par les autorités communistes en 1964.
194Particularisme de l’arsenal de la politique étrangère américaine, dans la lutte pour la conquête des esprits, l’USIA construit en Europe de l’Ouest comme de l’Est des stratégies d’influence de long terme, tout en privilégiant des programmes culturels, d’information ou de propagande dont l’impact à court terme doit faire la preuve de leur efficacité. En poste, dans les pays présumés alliés du monde libre ou dans « les nations captives », les agents des services d’information, observateurs privilégiés de la guerre froide idéologique, ont en effet du faire preuve d’un pragmatisme inégalé. Véritables artisans de la diplomatie publique les PAOs et CAOs de l’USIA ont du prendre en compte les directives de Washington tout en s’adaptant aux contingences politiques et culturelles de nations européennes en guerre froide. À l’aune des programmes culturels et d’information, les concepts de bloc ont parfois volé en éclat et les stratégies de la diplomatie américaine ont évolué au plus près des revirements politiques atlantistes à l’Ouest, nationalistes ou communistes à l’Est. Ainsi dans les pays de « la zone critique », que représentent l’Allemagne, la France et l’Italie, ce sont principalement les élites et les leaders d’opinion qui ont été la cible des fondations privées comme des organes d’information institutionnels (USIA-CIA). Dans les démocraties populaires en revanche, l’USIA a su privilégier les stratégies de masse via les radios et les grandes campagnes d’information officielles, tandis que les USIS au plus près des acteurs de la libéralisation ont construit des réseaux sur la base de relations interpersonnelles. À l’Est sur le modèle polonais les États-Unis ont en effet su tirer parti de l’argument économique auprès des autorités communistes tout en redoublant d’efforts officiels et officieux, publics et privés pour sensibiliser les foules aux bienfaits de la libéralisation.
195Avec l’évolution du conflit et le déplacement des « points chauds » notamment vers l’Asie, les « deux Europes » n’ont bientôt plus été les seules priorités du maintien de la sphère d’influence américaine, la guerre du Vietnam et les craquèlements du glacis soviétique en 1968, puis la conférence d’Helsinki, en 1975, en sont les principales causes.
Notes de bas de page
1 Au début des années 1980, même si bien des dirigeants de partis communistes européens, ont oublié leurs espoirs d’avènement d’un « eurocommunisme » susceptible de se démarquer du « grand frère soviétique », ils demeurent des interlocuteurs privilégiés de la conquête du pouvoir. Le président du Conseil italien Giulio Andreotti engage le dialogue avec les communistes pour se maintenir au pouvoir dans un climat de crise économique et de menace terroriste des brigades rouges, tandis que Mitterrand en France se sert de l’électorat communiste pour accéder au pouvoir. Or, quand bien même ces manœuvres n’auraient été que des stratégies ou des stratagèmes politiques, comme le président Mitterrand tenta de l’expliquer au vice-président George Bush, les Américains ont du mal à comprendre que ce même président Mitterrand, à peine élu, ait accordé quatre postes ministériels aux communistes ; voir André Fontaine, Après eux le déluge, Paris, Fayard, 1995, p. 102-103.
2 Le Mouvement républicain populaire fondé par George Bidault en 1944 est un des grands vainqueurs des scrutins de l’immédiat après-guerre ; il participe au système du tripartisme (regroupant le PC et la SFIO) du gouvernement provisoire de la République française. Ses principaux acteurs, George Bidault, Robert Schuman et Pierre Pflimlin se veulent démocrates chrétiens et entendent dépasser le clivage gauche-droite et la fidélité au général de Gaulle. Voir Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire de la France au xxe siècle 1945-1958, Paris, Complexe, 1991 et 1999, p. 16-20.
3 Voir Giles Scott-Smith « Implementing the Foreign Leader Program », Networks of Empire, Brussels, Peter Lang, 2008, p. 75-88.
4 « The Educational Exchange Program in France remains an integrated and basic part of the USIS’s goals, which are considered in the planning of all exchange activities », « Educational Exchange: Semi-Annual Report on the International Educational Exchange Program—July 1, 1954—December 31, 1954 », p. 2, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France Entry: 511-56, Record Group 59, Box 2150, National Archives, College Park, MD.
5 « Educational Exchange: Semi-Annual Report on the International Educational Exchange Program—July 1, 1954—December 31, 1954 », p. 3, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France Entry: 511-56, Record Group 59, Box 2150, National Archives, College Park, MD.
6 Voir Giles Scott-Smith, Networks of Empire, Brussels, Peter Lang, 2008, p. 445-472.
7 Radical-socialiste, cet ancien ministre de l’Éducation nationale sous Edgar Faure puis Charles de Gaulle occupa les fonctions de ministre de l’Intérieur du premier gouvernement de Michel Debré du 8 janvier 1959 au 27 mai 1959, [http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/gvt5rep.asp].
8 Fondateur du Mouvement des républicains populaires indépendants, Edmond Michelet est nommé ministre de la Justice le 8 janvier 1959 et occupe ces fonctions jusqu’en août 1961, avant d’entrer l’année suivante au Conseil constitutionnel (1962-1967).
9 Personnage emblématique des mouvements démocrates chrétiens ce député de la Savoie s’est illustré par sa participation à la création du MRP (Mouvement des républicains populaires). Joseph Fontanet est secrétaire d’État à l’Industrie et au Commerce du 8 janvier 1959 au 17 novembre 1959. Il occupe par la suite plusieurs fonctions ministérielles dont celles de ministre de l’Éducation nationale sous Georges Pompidou (1972-1974). Dès les années 1950, Joseph Fontanet œuvre pour la construction européenne tout en affirmant ses positions atlantistes.
10 Avant de devenir ministre des Finances en 1962 puis fondateur de la Fédération nationale des républicains indépendants en 1966, Valéry Giscard d’Estaing débute sa carrière ministérielle en tant que secrétaire d’État aux Finances dès le mois de janvier 1959.
11 La rupture entre le général de Gaulle et le MRP culmine en effet au printemps 1962, lorsque d’une part, les trois quart des Indépendants et la moitié du MRP se joignent à l’opposition de gauche pour refuser le gouvernement de Georges Pompidou proposé par le général ; puis lorsque de Gaulle affirme le 15 mai sa préférence pour une Europe des États. Voir Serge Berstein et Pierre Milza, Histoire de la France au xxe siècle, Bruxelles, Complexes, 1995, p. 871-872 et p. 890-892.
12 « Aigram from Amembassy to Department of State, January 15th, 1959 », Central Decimal Files, RG 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
13 Dès 1954, l’USIS de Rome avait encouragé la création de cours d’histoire et de littérature américaines dans les universités de Rome, Venise et Florence. USIA, « 3rd Semi-Annual Report to Congress », juillet-décembre 1954, Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, p. 23, Bibliothèque nationale de France, Paris.
14 Au début des années 1960 l’intérêt de l’université française pour les États-Unis fut marqué par l’arrivée en Sorbonne de Jean-Baptiste Duroselle, issu de l’IEP de Paris et spécialiste de la politique étrangère américaine.
15 Claude Fohlen (1922-2008), premier historien des États-Unis en France (professeur de l’université Paris I-Panthéon Sorbonne après la partition des universités en 1972).
16 François Weil, « L’Histoire des États-Unis en France : une histoire en devenir », The Tocqueville Review/La Revue Tocqueville, vol. XXI, no 1, 2000, p. 103-108.
17 À l’exception de Maurice Lebreton puis de son étudiant Roger Asselineau (1915-2002).
18 Voir Serge Ricard et Claire Delahaye, « The Study of U.S. History in France », in Cornelis A. van Minnen et Sylvia L. Hilton (dir.), Teaching and Studying U.S. History in Europe: Past, Present and Future, Amsterdam, VU University Press, 2007, p. 83-116.
19 Voir l’entretien de 1997 conduit par Michel Oriano, « Play it again, Sim : Sim Copans ambassadeur de la musique américaine en France », Revue française d’études américaines (RFEA), numéro hors série, Paris, Belin, décembre 2001, p. 6-15.
20 L’Institut d’études américaines de Paris fut créé en 1960 et financé à partir de 1965 par l’université de New York, State University of New York.
21 U.S. Information Service, « USIS France Country Plan », USIS Paris to Washington, 16 mars 1962, p. 4 sur 21, Entry 1047, Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 3, National Archives II, College Park, MD.
22 À l’instar de son directeur de thèse, avant lui, Maurice Lebreton (Fulbright 1951).
23 Foreign Service Despatch no 986, November 16 1954, Central Decimal Files, Cultural Relations: US-France Entry: 511-56, Record Group 59, Box 2150, National Archives, College Park, MD.
24 Aux côtés de Pascal Aquien, Luce Bonnerot, Paul-Gabriel Boucé, Alain Jumeau et Serge Soupel. Voir « In Memoriam Roger Asselineau », Études anglaises, t. 55, no 3, 2002, p. 383-384.
25 Terme consacré par la commission Fulbright pour désigner l’ensemble de ses anciens lauréats menant des activités de recherche et de publication au sein de la communauté universitaire française.
26 Foreign Service Despatch no 986, November 16 1954, Central Decimal Files, Cultural Relations: US-France Entry: 511-56, Record Group 59, Box 2150, National Archives, College Park, MD.
27 Le Cultural Affairs Officer, J. Herter pour toute la période de 1953 à 1959, pour le département d’État et les Public Affairs Officers successifs pour l’USIA travaillaient au sein de l’USIS de l’ambassade des États-Unis à Paris.
28 « Educational Exchange: PL 402 Foreign Leader Program: FY 1959 Nominations », Department of State Instruction to the American Embassy PARIS January 29, 1959, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France, Entry: 511-56, Embassy France 1955-1959, Record Group 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
29 Olivier Guichard avait succédé à Georges Pompidou comme chef de cabinet du général de Gaulle pendant la « traversée du désert ». Il est directeur-adjoint du cabinet de Gaulle en juin 1958, conseiller technique à l’Élysée en janvier 1959, puis chargé de mission auprès de Georges Pompidou de 1962 à 1967. Il est successivement ministre de l’Industrie (1967-1968), du Plan et de l’Aménagement du territoire (1968-1969) de l’Éducation nationale (1969-1972) et garde des Sceaux (1976-1977).
30 Élu en 1958 député UNR (Union pour la nouvelle république) de la Loire, il lutte pour convaincre les gaullistes réticents d’adhérer à son grand projet de légalisation de la contraception, ce qui aboutit en 1967 à loi éponyme « Loi Neuwirth ».
31 À l’évidence ce sont les engagements de l’homme politique sénégalais, plutôt que ceux du poète, qui retiennent l’attention des services d’information américains. Élu député du Sénégal, il s’inscrit à l’Assemblée nationale au groupe des Indépendants d’outre-mer de la République française au début des années 1950 ; il est ministre, conseiller près du gouvernement Michel Debré en 1959.
32 François Lacroix était, à la fin des années cinquante, chroniqueur pour le journal Le Monde et un certain nombre de quotidiens de Province ; il écrivit à son retour des États-Unis une série d’articles vantant notamment les prouesses de l’industrie automobile outre-Atlantique à travers l’exemple de Ford, considéré comme un fleuron de l’économie américaine. Par ailleurs François Lacroix était considéré comme un membre actif du « Syndicat national du mouvement social ». Pierre Felce était quant à lui directeur général de la section des travailleurs des transports au sein de FO et directeur de la rédaction du journal Le Syndicaliste.
33 « Educational Exchange: Program Results – Leader grantees François Lacroix FY 1957 and Pierre Felce FY 1959 », From Amembassy Paris to the Department of State, Washington January 15, 1959, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France, Entry: 511-56, Embassy France 1955-1959, Record Group 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
34 Au début de l’année 1959, Georges Suffert « étiqueté » comme journaliste de centre gauche, avait bénéficié dans le cadre du Leader Program d’une bourse PL 402 offrant un séjour de 6 semaines aux États-Unis. « Educational Exchange: Program results- Georges Suffert, FY 1959 partial leader grantee », From Amembassy Paris to the Department of State, Washington May 27, 1959, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France, Entry: 511-56, Embassy France 1955-1959, Record Group 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
35 Ibid.
36 Il va sans dire que les conceptions gaulliennes de l’Europe de la défense, et d’une Europe des États-nations se sont souvent heurtées à la vision américaine d’une Europe supranationale soutenue notamment par le Royaume-Uni. La France refusera par deux fois (1961 et 1967) l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE pour ces mêmes raisons.
37 « Educational Exchange: Post Proposals for 1961 Program in France », From Amembassy Paris to the Department of State, Washington March 26, 1959, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France, Entry: 511-56, Embassy France 1955-1959, Record Group 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
38 Voir Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire de l’Europe : Déchirures et Reconstruction de l’Europe de 1919 à nos jours, Paris, Hatier, 1992, p. 223-233.
39 Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets (juin 1958-décembre 1960, Paris, Plon, 1985, p. 82-84.
40 « Educational Exchange: Post Proposals for 1961 Program in France », From Amembassy Paris to the Department of State, Washington March 26, 1959, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France, Entry: 511-56, Embassy France 1955-1959, Record Group 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
41 Maud Quessard, « Les systèmes de diffusion de la culture française aux États-Unis », in Expansions, Expansionismes dans le monde transatlantique, Pessac, Maisons des sciences de l’homme d’Aquitaine, 2002, p. 181-196.
42 Résistant, fidèle de la première heure au général de Gaulle, l’écrivain engagé de la Condition Humaine, fut après guerre délégué à la propagande du RPF avant de prendre ses fonctions de ministre. Voir J. Julliard et M. Winock, Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Le Seuil, 1996, p. 737-738.
43 « Educational Exchange: Post Proposals for 1961 Program in France », From Amembassy Paris to the Department of State, Washington March 26, 1959, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France, Entry: 511-56, Embassy France 1955-1959, Record Group 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
44 Entre 1948 et 1958 : 22 000 Européens ont bénéficié du programme Fulbright pour se rendre aux États-Unis, pendant que 10 000 Américains se sont rendus en Europe grâce à ce même programme, Reinhold Wagnleitner, Coca-Colonization and the Cold War: The Cultural Mission of the United States in Austria After the Second World War, University of North Carolina Press, 1994, p. 157.
45 Richard Pells, op. cit., p. 61.
46 Sussman Leonard L., The Culture of Freedom: The Small World of Fulbright scholars, New York, Rowman and Littlefield Publishers, 1992, p. 57.
47 Il s’agissait d’un complément au programme d’échanges américain pour la promotion de la coopération économique européenne (USEC) mené depuis Bruxelle. L’OECE créée le 16 avril 1948 était destinée à répartir l’aide financière octroyée par les États-Unis au titre du Plan Marshall.
48 Bien que le nom de ces associations ne soit pas explicitement mentionné dans les rapports d’activité, de l’USIS de Paris pour cette période, les descriptions donnent à penser qu’il pouvait s’agir notamment du Mouvement français pour le planning familial. Créé en 1956, il ouvrait au début des années 1960 ses premiers centres à Paris, Grenoble, puis dans l’ensemble des grandes villes de France en prodiguant des conseils appropriés aux femmes en particulier sur la contraception. Voir Michel Winock, Chronique des années soixante, Paris, Points Seuil, 1987, p. 127.
49 Voir supra : « L’infiltration des associations féminines : un exemple privilégié de la complémentarité des activités de l’USIA et de la CIA ».
50 « Educational Exchange », Foreign Service Despatch, From Amembassy Paris to the Department of State, Washington June 11, 1959, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France, Entry: 511-56, Embassy France 1955-1959, Record Group 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
51 « Educational Exchange », Foreign Service Despatch, From Amembassy Paris to the Department of State, Washington June 11, 1959, Central Decimal Files Cultural Relations: US-France, Entry: 511-56, Embassy France 1955-1959, Record Group 59, Box 2154, National Archives, College Park, MD.
52 Claude Julien, L’Empire Américain, Paris, Grasset, 1968, p. 302.
53 Henry Kissinger, Diplomatie, Paris, Fayard, 1996, p. 665-692.
54 « USIA World », vol. 12, no 4, John E. Reinhardt, 1977-1980, Entry 1069, Biographic Files Relating to USIA Directors and Other Senior Officials, Record Group306, Box 24, National Archives, College Park, MD.
55 Cette fusion entre politiques culturelles et politiques d’information fut préparée sur le plan institutionnel par l’Administration Carter qui regroupa donc les services d’information et de CU (Bureau of Educational and Cultural Affairs at the Department of State) sous l’égide de la nouvelle USIA rebaptisée USICA.
56 « Questions and Answers on the International Youth Exchange Initiative », March 1982, folder USIA (22), box 07998, Lyndon Allin Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
57 « USIA Update. News from the United States Information Agency », August 1983, folder USIA (22), box 07998, Lyndon Mort Allin Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
58 Il s’agissait d’une association dédiée à la promotion et à la préservation de la culture des Indiens d’Amérique.
59 « News Release First Groups to arrive under president’s youth exchange initiative », July 8 1983, folder USIA (22), box 07998, Lyndon Mort Allin Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
60 « The Foreign Press and US Foreign Policy, A High Stakes Game in International Public Opinion », USIA World, novembre 1982, vol. 1, no 6, p. 10-11.
61 À titre d’exemple durant la première année de mandat du président Reagan ce sont les correspondants Dick Beeston du Daily Telegraph, Per Egil Hegge de l’Aftenposten (d’Oslo), Eric Boogerman du NRC-Handelsblad (de Rotterdam), Yve Laudy pour La Libre Belgique (Bruxelles) et La Suisse (Genève), Marino De Medici d’Il Tempo (Rome), Robert Solé pour Le Monde, Bent Albrectsen du Berlingske Tidende (Copenhagen) et Ulrich Schiller pour Die Zeit et la radio et télévison ouest-allemande, qui constituent les huit interlocuteurs privilégiés de la presse européenne avec la Maison-Blanche. Dans un premier temps c’est le très expérimenté conseiller spécial du président au NSC, Richard V. Allen, qui s’entretient régulièrement avec les membres de ce panel de journalistes triés scrupuleusement. Voir « European Press Meeting with Mr. Richard Allen », March 18, 1981, folder USIA (22), box 07998, Lyndon Mort Allin Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
62 Lors du premier mandat de Ronald Reagan ce sont Robert Meyers et Phyllis Kaminsky qui occupent respectivement les postes de directeur des Foreign Press Centers et de Public Affairs Officer pour le NSC.
63 Plus exactement le German Marshall Fund est une fondation privée apolitique qui finance des recherches et des échanges visant à promouvoir les relations transatlantiques. Elle fut créée en 1972 à l’initiative du gouvernement allemand en hommage à l’assistance économique fournie par les États-Unis au moment de la reconstruction. Le German Marshall Fund Exchange Program fut lors de sa création en 1982 réservé à des intellectuels, journalistes ou écrivains ouest-allemand parlant l’anglais et s’intéressant aux problématiques de la société américaine. À partir de l’été 1983, le programme fut étendu Danemark, à la France et aux Pays-Bas.
64 Memo, « 1983 German Marshall Fund Exchange Fellow from France », Box 07998, Lyndon (Mort) Allin, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
65 Robert C. McFarlane, dit « Bud », fut conseiller spécial du président pour le NSC de 1981 à 1985 et s’illustra notamment par son implication dans l’affaire de l’Iran-Contra. Pour sa participation aux briefings des responsables de la presse étrangère, voir les correspondances entre Gilbert A. Robinson et Robert C. McFarlane, folder USIA (22), box 07998, Lyndon Mort Allin Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
66 Plus connu sous le nom de Bell Lab.
67 Cette initiative permit de réunir des chercheurs de talent et des responsables politiques, polyglotes, issus des deux côtés du mur, comme le Hongrois Gabor Bede (professeur à l’université technique de Budapest), les Tchèques Josef Kadlec (directeur du département Electricité au sein de l’Institut de recherche tchèque sur l’énergie) et Edward Hazuka (responsable du département Science et Développement technologique de l’Institut de recherche tchèque sur l’énergie) ou encore le député Vert de RFA, Karl Kerschgens. « Letter, Terry Collier (Project Coordinator, Delphi Research Associates) to Mary Jacobi (Special Assistant to the President), July 26, 1985 », folder 1, Box OA 14580, Todd Foley Files, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
68 L’Exchange Visitor Program est demeuré longtemps l’apanage du Bureau of Educational and Cultural Affairs. Il fut l’expression directe du Mutual Educational and Cultural Exchange Act de 1961 (Public Law 87-256) ou Fulbright-Hays Act, dont le but était d’accroître la compréhension mutuelle entre le peuple américain et les peuples étrangers au moyen d’échanges éducatifs et culturels. La possibilité de faire intervenir des mécènes issus du secteur privé pour assurer le financement et la promotion de ces échanges prit tout son sens lorsque Charles Wick obtint la direction de l’USIA.
69 De conciliation et de rapprochement. Voir supra, chapitre ii.
70 « Foreign Information Program », FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 511.
71 USIA, « 1stSemi-Annual Report to Congress », août-décembre1953, Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, 1954, p. 19.
72 Ibid., p. 23.
73 Pour renforcer le sentiment d’une communauté d’intérêts, l’USIS de Paris publie tous les 15 jours, une revue, « Informations et Documents » qui met en valeur les positions américaines favorables aux intérêts français. USIA, « 2nd Semi-Annual Report to Congress », 1er janvier-30 juin 1954, Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, p. 20-21, Bibliothèque nationale de France, Paris.
74 L’essentiel des informations officielles émanant de Washington était préparé par les services de presse et d’information de l’Agence, plus connus sous le nom d’IPS (Information Press Services), voir John W. Henderson, The United States Information Agency, Londres, Praeger Library of U.S Government Departments and Agencies, 1969, p. 71-72.
75 USIA, « 2nd Semi-Annual Report to Congress », 1er janvier-30 juin 1954, Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, p. 26, Bibliothèque nationale de France, Paris.
76 U.S. Information Service, « USIS Italy Country Plan », USIS Rome to USIA Washington, September 11th 1961, Entry 1047, Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 3, National Archives II, College Park, MD.
77 U.S. Information Service, « USIS Italy Country Assessment Report, January 1st, 1959-December 31,1959 », USIS Rome to USIA Washington, Circular no 125D&123F, February 17th 1960, Entry 1047, Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 3, National Archives II, College Park, MD.
78 Olivier Pottier, « GI’s Go Home », Outre-Terre, no 5, 2003, p. 207.
79 Cette doctrine de représailles proportionnelles à l’attaque et n’impliquant donc pas le recours à la force nucléaire, fut adoptée par l’Administration Kennedy après la crise de Cuba.
80 Voir Olivier Pottier, Les Bases Américaines en France, Paris, l’Harmattan, 2003.
81 Malcom W. Hoag, « Nuclear Policy and French Intransigence », Foreign Affairs, vol. 41, no 2, janvier 1963.
82 À l’occasion de la venue en Europe du président Kennedy, l’USIS de Paris avait traduit et distribué des ouvrages tels que celui de Burns, John Kennedy, A Political Profile ou de Kennedy, La Stratégie de la Paix (pour plus de 800 exemplaires), et fourni plus d’une centaine de brèves à Radio Luxembourg, Europe 1, ou RMC, in U.S. Information Service, « USIS France Country Plan », USIS Paris to Washington, 16 mars 1962, p. 3 sur 21, Entry 1047, Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 3, National Archives II, College Park, MD.
83 Georges-Henri Soutou, La Guerre de cinquante ans, Paris, Fayard, 2001, p. 389 et 419-420.
84 Leo Bogart, Premises for Propaganda the United States Information Agency’s Operating Assumptions in the Cold War, New York/Londres, Free Press/Collier Macmillan, 1976.
85 « Letter Received by the Italian National Productivity Committee, From Italian Businessman Who Had seen USIS Television Documentary on Productivity Experiments in the Vicenza-Verona Area-Roberto Fogliano », October 22, 1955, Entry 1047, Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 1, National Archives II, College Park, MD.
86 Campagne et programme lancés par le président Eisenhower le 8 janvier 1953, lors de son discours éponyme.
87 « Treaties or conventions cannot assure us against the use of atomic energy for war; the best defense is its own peaceful uses », local leader Trieste, USIS Rome « Evidence of Effectiveness » December 20, 1955, p. 2, Entry 1047, Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 1, National Archives II, College Park, MD.
88 Témoignage du PAO de Rome dans son bilan annuel sur l’efficacité des services et des programmes d’information, USIS Rome « Evidence of Effectiveness » December 20, 1955, p. 3, Entry 1047, Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 1, National Archives II, College Park, MD.
89 Il s’agissait des boursiers Franco Ferrarotti et Libero Lenti ; d’après le PAO de Rome leurs écrits s’inspiraient fortement de la documentation fournie par les USIS, comme le « Labor Bulletin » ou les scriptes des émissions de la Voix de l’Amérique.
90 Articles de Fidia Sassano publiés dans Aventi!, les 18 et 19 octobre 1955, p. 4-5.
91 Entre 1954 et 1955 le nombre de sièges exprimés en pourcentages obtenus par l’UIL avait plus que doublé dans certaines entreprises en passant par exemple de 6 % à 26 % au sein de Ceat à Turin ou encore de 6 % à 16 % au sein de Pirelli à Milan.
92 « The mobile unit is more than a truck to us: it is a symbol », propos tenu par le secrétaire général de l’UIL à un représentant de l’ambassade américaine à l’été 1955.
93 « USIS Day at Crotone », USIS-Naples reports September 1955, Entry 1047 Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 1, National Archives II, College Park, MD
94 « USIS-Genoa reports (J.A. Horne, reporter) », USIS Rome December 20, 1955, Entry 1047 Foreign Service Despatches, Record Group 306 Records of the USIA, Box 1, National Archives II, College Park, MD.
95 Il s’agissait d’Alberto Aquarone ou Nicola Matteucci, anciens boursiers Fulbright des années 1940. Alberto Aquarone, Guglielmo Negri et Cipriana Scelba, La formazione degli Stati Uniti d’America. Documenti (1606-1776), vol I., Pise, Nistri-Lischi, 1961 ; Nicola Matteucci (dir.), Larivoluzioneamericana, Bologne, Zanichelli, 1968.
96 Voir Ferdinando Fasce, « The Study of U.S. History in Italy », in Cornelis A. van Minnen et Sylvia L. Hilton (dir.), Teaching and Studying U.S. History in Europe: Past, Present and Future, Amsterdam, VU University Press, 2007.
97 Idéologiquement acceptables respectivement, pour leur appartenance à des studios indépendants, ou pour leur engagement contre le maccarthysme.
98 Stephen Gundle, « Le Communisme italien et la Culture de Masse Américaine », in Jean-François Sirinelli et Georges-Henri Soutou (dir.), Culture et Guerre froide, Paris, PUPS, 2008, p. 46-49.
99 Silvia Cassamagnaghi, Immagini dall’America. Mass media e modelli femminili nell’Italia del secondo dopoguerra 1945-1960, Milan, Franco Angeli, 2007, 336 p.
100 « Germany Country Plan », USIS Bonn July 14, 1960, Entry 1047, « Foreign Service Despatches », Records of the USIA, Record Group 306, Box 2, National Archives II, College Park, MD.
101 James E. Hoofnagle, « Germany Country Plan », USIS Bonn July 14, 1960, p. 3, Entry 1047, Record Group 306 Records of the USIA, Box 2, National Archives II, College Park, MD.
102 Ibid., p. 4.
103 Ibid., p. 5.
104 Ibid., p. 6.
105 Concept hérité du philosophe Henri Bergson, repris après la Seconde Guerre mondiale, la société ouverte fait référence à une société ayant pour principes la liberté et le respect des droits de l’homme, et dotée d’un gouvernement particulièrement tolérant agissant en toute transparence. Voir Christian Herter, « Atlantica », Foreign Affairs, vol. 41, no 2, janvier 1963.
106 « Germany Country Plan », USIS Bonn July 14, 1960, p. 7, Entry 1047, Foreign Services Dispatches, Records of the USIA, Record Group 306, Box 2, National Archives II, College Park, MD.
107 Créé en septembre 1953 par le président Eisenhower, l’Operations Coordinating Board, a pour mission entre 1953 et 1961 de veiller à l’application des directives prises par le NSC ; réuni tous les mercredis après-midi au sein du département d’État l’OCB se composait de responsables du ministère de la Défense, de conseillers auprès du NSC et des directeurs de la CIA, et de l’USIA.
108 Yale Richmond, « Doing Democracy in Deutschland », Practising Public Diplomacy A Cold War Odyssey, New York, Berghan Books, 2008, p. 5-22.
109 50 000 exemplaires furent distribués en septembre 1960 et en janvier 1961 l’USIA en publia 50 000 autres en incluant des photos du nouveau président Kennedy et de son vice-président.
110 USIS « Germany Country Plan », USIS Bonn 1960-1963, Entry 1047 « Foreign Service Despatches », Record Group 306 Records of the USIA, Box 2, National Archives II, College Park, MD.
111 Allusion notamment au précédent de l’Ostpolitik, politique d’ouverture à l’Est mise en œuvre par le chancelier Willy Brandt au début des années 1970. Or, pour un temps, cette politique fut d’autant mieux acceptée par les États-Unis, comme le démontre toujours fort justement Edouard Husson, que l’Allemagne de l’Ouest représentait alors une puissance économique et monétaire avec laquelle il fallait compter. Voir Edouard Husson, « Le Neo-Atlantisme de la République Fédérale d’Allemagne et la réaffirmation du leadership américain (1979-1989) », in Pierre Melandri et Serge Ricard (dir.), Les États-Unis et la fin de la guerre froide, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 153-174.
112 Voir Pierre Melandri, « L’Alliance, la “Différence”, l’Interdépendance, Les Relations franco-américaines de 1981 à 1984 », in Serge Berstein, Pierre Milza et Jean-Louis Bianco, François Mitterrand : les années du changement (1981-1984), Paris, Perrin, 2001, p. 220-252.
113 Il s’agit de la colonie fondée à Germantown en Pennsylvannie le 6 octobre 1683.
114 USICA, « Memorandum for David Gergen, The White House, Larry Speakes, The White House, Peter Teeleey, Office of the Vice President, Dean Fischer, Assistant Secretary of State for Public Affairs from Mort Allin, Director Foreign Press Center », February 26, 1982, folder USIA (22), Box 07998, Lyndon Mort Allin Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
115 Le « mouvement de la paix » expression du mouvement pacifiste des premières années de la décennie 1980, avait en effet pris une vigueur toute particulière aux Pays-Bas où la campagne menée par l’IKV (le Conseil interconfessionnel pour la paix) avait rencontré un écho important auprès de la population néerlandaise et en particulier auprès des socialistes (ce qui provoqua une réaction appelée « hollandite »). Voir Pierre Milza, Les relations internationales de 1973 à nos jours, Paris, Hachette, 2001, p. 64.
116 Ce comité réunissait les forces gouvernementales au sens large, il était composé de nombreuses personnalités issues du monde de la culture, des agences gouvernementales comme le National Endowment for the Arts, ainsi que des ministères des Affaires étrangères, de l’Agriculture, ou de l’Éducation. Memo, « Inter-Agency Steering Committee on U.S.-German Contacts », April 11, 1983, Folder 2 USIA, Box OA7886, Joanna Bitsany Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
117 La « génération des successeurs » (succesor generation) représentait en effet une cible identifiée par le personnel diplomatique américain. Voir Hans Tuch, « Dealing with the German Successor Generation », op. cit., p. 152-161.
118 USIA, « USIA An Overview », Washington, D.C., United States Information Agency’s Office of Public Liaison, p. 14.
119 À l’automne 1983, à l’issue de gigantesques manifestations dans les principales villes de RFA, 72 % de la population se déclaraient hostiles au déploiement des missiles et 77 % avait une opinion favorable du Mouvement de Paix. Pierre Milza, Les relations Internationales de 1973 à nos jours, Paris, Hachette, 2001, p. 65.
120 Joachim Maitre était alors directeur général de Axel Springer Publishing à Hamburg. Nicholas Cull, op. cit., p. 901.
121 « Speaking at the annual meeting of USIA’s Private Sector Committees at the Department of State », USIA World, February 1988, no 13, « Overseas Operations Europe, 1964-1999 », Entry A1-1066, Subject Files 1953-2000, Record Group 306, USIA Historical Collection, Box 211, National Archives II, College Park, MD.
122 « INF Deployment in the Federal Republic of Germany », in Hans Tuch, op. cit., p. 161-171.
123 « American Participants Program », folder USIA, Box 06849, Robert Bonitati Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
124 « Developing Tricentennial Themes », March 30, 1983 folder 2 USIA, Box OA 7886, Joanna Bitsany Files, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA. Voir document annexe.
125 Hans Tuch, op. cit., p. 167.
126 « Public Affairs Goal Paper for the President’s Visit to the Federal Republic of Germany, June 1982 », Appendix 4, Communicating with the World, New York, St. Martin’s Press, 1990, p. 190-191.
127 Le député conservateur, Hans Johnny Klein était un ami et un allié des Américains de longue date ; il était notamment à la tête d’une très ancienne organisation visant à promouvoir la culture allemande à l’étranger (Verein Fuer Das Dettschtum Im Ausland). Telegram, AmEmbassy Bonn to USIA Washington, « Letter from German Bundestag Hans Klein », July 8, 1983, folder 1 « USIA », Box 11425, « Peter Rusthoven Files », White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
128 Voir « USIS Germany Country Plan Fiscal Year 1986 », Appendix 2, in Hans Tuch, op. cit., p. 178-187.
129 Le conservateur Helmut Khol avait été élu le 6 mars 1983.
130 USICA, Office of Research, « The Successor Generation: Implications for European-American Relations », 1981, Entry 1009, « Special “S” Reports Of The Office Of Research », Record Group 306, Box 22, 1980-1982, National Archives II, College Park, MD.
131 Don Oberdorfer, « Arms Proposals Could Have Effect Opposite From Intent, Diplomats Pessimistic About German Impact », March 30, 1983, The Washington Post, p. A8.
132 Il s’agissait de viser les lycéens des Gymnasiums allant vers leur majorité et ayant, dans le cadre de leur cursus scolaire, déjà suivi des enseignements en histoire, économie, langue ou sociologie concernant les États-Unis.
133 Memo, « International Visitors Program », folder « USIA », Box 12166, Jacobi, Mary Jo Files, Ronald Reagan Library, Simi Valley, CA.
134 Jacques Semelin, « La télévision aussi a fait l’histoire », L’Histoire, no 236, octobre 1999, p. 43.
135 Lorsque le 2 mai 1989, la Hongrie annonce la suppression du rideau de fer avec l’Autriche, cette information exceptionnelle est révélée aux populations de Berlin-Est par les médias occidentaux.
136 Le « temps long, opérationnel et structurel » de la diplomatie publique et des stratégies mises en œuvre par les agents de l’information américaine est alors indépendant des conceptions théoriques et des débats nombreux dans l’historiographie contemporaine sur le temps, la chronologie de la guerre froide ; il se distingue du « temps court » et des réponses pragmatiques à apporter face aux crises internationales conjoncturelles, militaires ou politiques.
137 Dès juin 1953, la socialisation à marche forcée imposée par le dirigeant stalinien Ulbricht provoque de violents heurts à Berlin-Est, qui ne tardent pas à être réprimés dans le sang par les divisons blindées soviétiques.
138 En Tchécoslovaquie, où Gottwald est mort peu de temps après Staline, la mise en place d’une direction collective ne pose aucune difficulté (Antonin Zapotocky devient président de la République et Antonin Novotny dirige le secrétariat du Comité central), tandis que dans les autres démocraties populaires les dirigeants staliniens résistent, encouragés entre autres par les Soviétiques Molotov, Kaganovitch et Souslov. Voir Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire du xxe siècle, 1945-1973. Le monde entre guerre et paix, Paris, Hatier, 1996, p. 412-415.
139 Allusion au rapport du Jackson Commitee de 1953 voir supra « Controverses autour de la création d’une agence indépendante », chapitre ii, partie I « Genèse institutionnelle et conceptuelle ».
140 Voir « Information Program », FRUS 1955-1968, et plus spécifiquement FRUS 1955-1957, p. 509-510.
141 La mise en circulation du magazine Amerika, fut autorisée par les Soviétiques le 22 octobre 1956. Document photographique, USIA, « Moscow, Russia, USIS’s Magazine for Russians, Amerika attracts Soviet reader, 10/24/56, » Still Pictures, Entry: 56-22159, Record Group 306-PS-D, National Archives II, College Park, MD.
142 America Illustrated, lancé en juillet 1956, est un des quatre magazines édités aux États-Unis par l’Agence d’information, il est distribué à plus de 62 000 exemplaires par les autorités soviétiques en échange de la distribution sur le territoire américain de son équivalent russe, Soviet Life. Le franc-succès de ce magazine sur papier glacé, lui a permis d’être également édité en polonais, sous le titre America, dont plus de 32 000 exemplaires étaient distribués chaque mois. USIA, The United States Information Agency, A Commemoration, Washington, D.C., USIA, p. 17.
143 USIA, « 5th Semi-Annual Report to Congress », 1er juillet-31 décembre 1955, Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, p. 21, Bibliothèque nationale de France, Paris.
144 USIA, « 2nd Semi-Annual Report to Congress », 1er janvier-30 juin 1954, Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, p. 19, Bibliothèque nationale de France, Paris.
145 En mars 1957 notamment, les USIS distribuent plus de 45 000 exemplaires de « In Quest of Freedom » un pamphlet destiné à faire le point sur les mouvements d’exilés, et à relater les parcours de personnalités de talent ayant fui les régimes d’oppression pour trouver la liberté en Amérique, comme le compositeur russe Sergeï Rachmaninov. USIA, « 8th Semi-Annual Report to Congress », 1er janvier-30 juin 1957, Washington, D.C., U.S. Government Printing Office, p. 18, Bibliothèque nationale de France, Paris.
146 USIA, « A Commemoration », Washington, D.C., Office of Public Liaison, 1999, p. 30.
147 Dès les premières années de la guerre froide, Munich constitue un creuset d’immigrants venus d’Europe de l’Est, pour ces personnes contraintes de quitter leur pays pour des raisons le plus souvent politiques, trouver un emploi à RFE représentait une véritable aubaine.
148 Le plus marquant d’entre eux fut sans doute l’attentat à la bombe contre RFE, le 21 février 1981, commandité par les services secrets roumains.
149 Voir Arch Puddington, Broadcasting Freedom: The Cold War Triumph of Radio Free Europe and Radio Liberty, University Press of Kentucky, 2000, in Journal of Cold War Studies, vol. 4, no 1, hiver 2002, p. 97-99.
150 Pourtant les premiers rapports d’audit de la BBC réalisés au sein des stations de Munich sont peu flatteurs ; ils soulignent en particulier l’amateurisme dont font preuve les journalistes-animateurs. Radio Free Europe, Audience Research Dept.,« The effectiveness of Radio Free Europe », Munich, 1965, p. 7, Bibliothèque des Archives nationales II, College Park, MD.
151 À l’instar de son aînée RFE, RL, dépendait d’un comité semi-privé, le Radio Liberty Committe Inc., mais était plus étroitement dirigée par la CIA et le département d’État. « Status of Radio Free Europe and Radio Liberty Under the New Administration », op. cit., p. 2-3/11.
152 CIA, « Status of Radio Free Europe and Radio Liberty under the New Administration », « Memorandum for the Director for Plans », 13 novembre 1968, Archives de la CIA-FOIA, [htpp ://www.foia.cia.gov], p. 1-2/11, et Kenneth Osgood, Total Cold War Eisenhower’s Secret Propaganda Battle At Home and Abroad, University Press of Kansas, 2006, p. 39-42.
153 Voir Jim Critchlow, Radio Hole-in-the-Head/Radio Liberty, Washington, D.C., The American University Press, 1995.
154 Voir le documentaire allemand du réalisateur Christian Bauer, « Radio Free Europe », 2008, 90 mn.
155 Voir Anne-Chantale Lepeuple-Leandri, « Radio free Europe, Radio Liberty : la dimension radiophonique de la stratégie américaine de guerre froide », doctorat sous la direction de Pierre Milza, Paris, Fondation des sciences politiques, 1996.
156 Anne-Chantale Lepeuple-Leandri, « Les parades soviétiques », op. cit., p. 500.
157 « Memorandum From the Secretary of the 303 Committee (Jessup) to President Johnson », Washington, D.C., 25 septembre 1967, in FRUS 1964-1968, vol. 17, Eastern Europe Region, p. 58.
158 Lech Walesa, « Avant-Propos », in Michael Nelson, War of the Black Heavens: the Battles of Western Broadcasting in the Cold War, Syracuse/New York, Syracuse University Press, 1997, p. xi.
159 Andréï Amalrik, certainement un des dissidents les plus connus, fut interrogé par le sénateur démocrate de Floride, Dante Fascell. The New York Times, 7 janvier 1977, p. 2.
160 S. Mickelson, America’s Other Voice. Radio Free Europe and Radio Liberty, New York, Praeger, 1983, p. 26.
161 « The Impact of Western Broadcasting During the Cold War », rapport réalisé à partir d’une conférence organisée par la Hoover Institution et le Cold War International History Project du Woodrow Wilson International Center for Scholars à l’univserité de Stanford, du 13 au 16 octobre, 2004.
162 Voir Michael Nelson, War of the Black Heavens: the Battles of Western Broadcasting in the Cold War, Syracuse/New York, Syracuse University Press, 1997, p. 67-68.
163 Thomas Sorensen, dans un entretien mené par Larry Hall, le 25 juillet 1990, Foreign Affairs Oral History Project Information Series, Arlington, VA, ADST 1998.
164 Dans son édition du 14 mars 1963, en page 12, le New York Times révéla que non seulement les Administrations successives, mais aussi de nombreux éminents citoyens, industriels ou politiques, avaient depuis des années contribué à former l’écran derrière lequel se cachait la radio de la CIA.
165 Créé par le président Johnson et dirigé par Nicholas Katzenbach, sous-secrétaire d’État, le comité Katzenbach inspirera la création d’un organisme de tutelle commun aux radios publiques et privées, le BIB (Board of International Broadcasting), en 1972.
166 The New York Times, 24 janvier 1971, p. 1-3.
167 « The Future of Radio Free Europe and Radio Liberty, A Summary », « Memorandum from the Secretary of the 303 Committee (Jessup) to President Johnson », Washington, D.C., 25 September 1967, FRUS 1964-1968, vol. 17, Eastern Europe Region, p. 56-64.
168 Les 38,5 millions de dollars nécessaires au maintien de RFE et RL demandés à la commission des finances furent accordés pour l’année suivante ; un appel devait également être lancé aux pays alliés de l’Europe de l’Ouest pour contribuer à la diminution du coût sur place. Voir « U.S. Radio Abroad Wins Senate Test », The New York Times, 8 juin 1972, p. 1.
169 Benjamin Welles, « Ban Sought on C.I.A. Aid For Radio Free Europe », New York Times, 24 janvier 1971, p. 1 et 18.
170 « U.S.I.A.: Fulbright Is Not Impressed By the Arguments », New York Times, 2 avril 1972, p. 4.
171 « Memorandum for Jim Keogh, Copy for Henry Kissinger, From the President », Washington, D.C., The White House, 28 décembre 1972, « Papers of the Nixon White House, President’s personal Files, 1969-1974, Part 7 », reel 20 (0080), National Archives II, College Park, MD.
172 Il s’agissait des mesures politiques, économiques et diplomatiques inscrites dans le cadre du « National Security Decision Directive » (NSDD), signé en mai 1982 par Ronald Reagan, et dont le but était de neutraliser les efforts de l’URSS pour maintenir son influence en Europe de l’Est.
173 Georges-Henri Soutou, La Guerre de cinquante ans. Les relations Est-Ouest 1943-1990, Paris, Fayard, 2001, p. 642-643.
174 USIA Basic Guidance and Planning Paper No. 2, « The Cultural Program of USIA – A Basic Paper », September 17, 1958, Entry A1-1066, Mission and Policy Direction, Subject Files 1953-2000, RG 306 USIA Historical Collection, Box 1, National Archives II, College Park, MD.
175 Il s’agit essentiellement du Fonds d’urgence spécial (Special Emergency Fund) alloué par le Congrès au président dans le but, officiellement, de développer la compréhension mutuelle entre les peuples, et officieusement, de mettre en œuvre des stratégies de contre- propagande de crainte que les Soviétiques ne remportent la guerre froide uniquement grâce à la bataille des idées. Voir Kenneth Osgood, op. cit., p. 214-252.
176 En Yougoslavie le maréchal Tito, affirme dès 1957 son projet de « voie yougoslave », où il insiste sur l’égalité, l’indépendance des partis et la non ingérence des États communistes dans les affaires intérieures des démocraties populaires.
177 D’une part les Soviétiques critiquent la non-orthodoxie des Communes populaires par rapport au modèle défendu par l’URSS, et d’autre part la Chine de Mao, qui a choisi de défendre une ligne dure vis-à-vis de l’impérialisme américain, s’oppose à la coexistence pacifique. L’unité du bloc socialiste européen est consécutivement mise à mal par l’exclusion de l’Albanie qui s’oppose à la déstalinisation et rejoint la Chine sur les questions de politique extérieure.
178 Ce mémo destiné au directeur de la CIA John A. McCone, s’intitulait « Bridges to Eastern Europe » en référence à la politique dite de « bridge building » souhaité par le président Johnson. « Bridges to Eastern Europe », Memorandum for Director, Central Intelligence, 25 June 1964, LBJ Library, Archives de la CIA-FOIA, [http://www.foia.cia.gov/browse_docs_full.asp](En erreur 2020, NDE.)].
179 Ibid., p. 5.
180 Alors qu’il avait été élu secrétaire général du POUP (Parti ouvrier unifié polonais) en 1947, Gomulka fut écarté du pouvoir, pour son « déviationnisme et son nationalisme », par les partisans de Staline. Il fut réhabilité en 1956, alors que Khrouchtchev annonçait la « coexistence pacifique » lors du XXe congrès du PCUS.
181 Après les événements de 1956, la Pologne de Gomulka s’était distinguée en refusant de participer au mouvement de collectivisation forcée relancée par Moscou, affirmant ainsi sa ligne politique qualifiée de « mi-orthodoxe, mi-hérétique » par l’historien François Fejtö, Histoire des démocraties populaires. Après Staline, Paris, Le Seuil, coll. « Points », 1969, p. 159.
182 Yale Richmond est CAO à l’ambassade des États-Unis en Pologne de 1958 à 1961, il relate son expérience dans son dernier ouvrage en date, « Poland—Russia’s Window on the West », in Practising Public Diplomacy A Cold War Odyssey, New York, Oxford, Berghahn Books, p. 46.
183 Ce programme fut mis en œuvre dans le cadre du Mutual Security Act de 1954 qui introduisit notamment le concept d’assistance au développement. Le principe de cette action du gouvernement américain à l’origine de USAID fut résumé en substance par le président Eisenhower qui estimait que l’aide alimentaire pouvait représenter un instrument puissant pour construire une paix durable, [http://www.usaid.gov/].
184 Bridges to Eastern Europe », Memorandum for Director, Central Intelligence, 25 June 1964, LBJ Library, Archives de la CIA-FOIA, [http://www.foia.cia.gov/browse_docs_full.asp] (En erreur 2020, NDE.), p. 14/19.
185 En 1959 la Pologne avait déjà signé avec les États-Unis cent cinquante-six projets d’accords, alors que la Tchécoslovaquie n’en avait signé que dix-neuf. Voir Justine Faure, L’Ami Américain. La Tchécoslovaquie enjeu de la diplomatie américaine, Paris, Tallandier, 2004, p. 347.
186 Yale Richmond, US-Soviet Cultural Exchanges, 1958-1986: Who Wins? Boulder, CO, Westview, 1987, p. 114-115.
187 « Hungarian Officials Attending Poznan Fair Express Interest in American Books », From Amconsul Poznan to Department of State, Washington July 4, 1962, Central Decimal Files 1960-1963, Entry 511-62A, Record Group 59, Box 1072 Budapest, Bucarest, Warsaw, National Archives, College Park, MD.
188 Le programme IMG en Pologne prit fin en 1967, or au milieu des années 1960 les Polonais avaient déjà fait l’acquisition de livres, droits d’auteurs, journaux, magazines américains et films hollywoodiens pour plus de sept millions de dollars. Voir Wilson P. Dizard, op. cit., p. 164.
189 « Interest In American Books Shown By Hungarian Foreign Trade Corporation », From Amconsul Poznan to Department of State, Washington January 15, 1963, Central Decimal Files 1960-1963, Entry 511-62A, Record Group 59, Box 1072, Budapest, Bucarest, Warsaw, National Archives II, College Park, MD.
190 « Bridges to Eastern Europe », Memorandum for Director, Central Intelligence, 25 June 1964, LBJ Library, Archives de la CIA-FOIA, [http://www.foia.cia.gov/browse_docs_full.asp] (En erreur 2020, NDE.), p. 13/19.
191 Malgré ses velléités très concrètes d’ouverture culturelle à l’Ouest, Gomulka, à la tête d’un régime autoritaire, se méfie particulièrement des intellectuels durant cette période, et ne tient, pas au nom d’aides ou de subventions économiques accordées par les États-Unis, à faire quelques concessions que ce soit sur le plan idéologique. Voir François Fejtö, Histoire des démocraties populaires. Après Staline, Paris, Le Seuil, coll. « Points », 1969, p. 196-204.
192 Shepard Stone, homme de réseaux, se fit d’abord connaître en tant que reporter au New York Time durant les années 1930 et 1940, puis devint directeur des affaires publiques (PAO) en Allemagne de l’ouest au début des années 1950, pour prendre par la suite jusqu’aux années 1960, la tête de l’International Affairs Program de la Fondation Ford. Alors qu’il était chef des relations internationales de la Fondation Ford, Shepard Stone, en partenariat avec le département d’État, favorisa la promotion des sciences sociales dans le bloc de l’est, et fut à l’initiative du Comité des écrivains et éditeurs devant initier les Américains aux sociétés de l’Est et surtout créer un réseau de contacts avec les nouvelles élites est-européennes Voir Volker Berghahn, Shepard Stone between Philanthropy, Academy, and Diplomacy, Princeton, Princeton University Press, 2002.
193 Jan Zielonka, « Les paradoxes de la politique étrangère polonaise », traduit par Ewa Kulesza-Mietkowski, Politique étrangère, no 59, vol. 1, p. 99-114.
194 Le COMECON ou Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM) fut créé en 1949 pour répondre à la création de l’OECE. Pour les historiens Serge Berstein et Pierre Milza, il s’agit de « donner une couverture juridico-idéologique à cette exploitation des démocraties populaires par le “grand frère” soviétique, en organisant au profit de ce dernier les rapports commerciaux et en coordonnant les politiques de planification ». Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire de l’Europe, Déchirures et reconstructions de l’Europe de 1919 à nos jours, Paris, Hatier, 1992, p. 251.
195 Le veto Roumain à la proposition de Khrouchtchev s’explique par la crainte des dirigeants roumains de voir leur pays maintenu dans une situation d’infériorité par rapport à des pays plus développés du bloc socialiste comme la RDA ou la Tchécoslovaquie. En exaltant les épisodes de leur histoire nationale invitant à la résistance contre l’oppresseur et en abolissant l’enseignement obligatoire du russe les membres du gouvernement de Georghui Dej ont ouvert pour longtemps la voie du développement national ; ce que le général Ceaucescu, qui leur succèdera à la tête du pays, poursuivra. Voir Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire du xxe siècle, 1945-1973. Le monde entre guerre et paix, Paris, Hatier, 1996, p. 415-416.
196 Le ministre Gheorghe Macovescu annonça sa politique d’ouverture aux discussions bilatérales le 2 février 1960 et le 6 février de cette même année le diplomate Emory Swank responsable de la légation américaine de Bucarest reçut la nomenclature officielle des échanges que le gouvernement roumain était prêt à engager. « US-RPR Cultural Relations: Comments on RPR Proposals for Cultural and Other Exchanges », From Amlegation Bucharest to The Department of State, Washington, February 17, 1960, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Record Group 59, Box 1062, National Archives II, College Park, MD.
197 Deux ministres roumains furent à l’origine de cette initiative Gheorghe Macovescu et le ministre des Affaires étrangères Vasile Dumitrescu. « US-RPR Cultural Relations: Comments on RPR Proposals for Cultural and Other Exchanges », From Amlegation Bucharest to The Department of State, Washington, February 17, 1960, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Record Group 59, Box 1062, National Archives II, College Park, MD.
198 « Current Problems in US-Rumanian Relations », Department of State, Memorandum of Conversation, January 17, 1961, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Entry : 511-62 A, Record Group 59, Box 1062, National Archives II, College Park, MD.
199 « American students in Bucharest », From Amlegation Bucharest to the Department of State, Washington January 18, 1961, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Entry : 511-62 A, Record Group 59, Box 1062, National Archives II, College Park, MD.
200 Il s’agissait de la cantatrice Blanche Thebom, du chef d’orchestre Leopold Stowkowski et du violoniste Ruggerio Ricci. Foreign Service Despatch, « US-Rumanian Cultural Relations : American Artists Scheduled to Appear in Rumania in 1960 ; Georgescu Tour in U.S. », From Amlegation Bucharest to the Department of State, Washington March, 30, 1960, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Record Group 59, Box 1062, National Archives II, College Park, MD.
201 Foreign Service Despatch, « US-Rumanian Cultural Relations: American Artists Scheduled to Appear in Rumania in 1960 ; Georgescu Tour in U.S. », From Amlegation Bucharest to the Department of State, Washington March, 30th 1960, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Record Group 59, National Archives II, College Park, MD.
202 Comme nombre de ses homologues hollywoodiens, le célèbre acteur de films de gangsters, avait été lui-même membre du parti communiste américain durant les années 1940 ; jugeant qu’il avait été trompé et abusé il le quitta rapidement ; c’est du moins ce qu’il déclara, au moment du Maccarthysme, à la commission d’enquête parlementaire sur les activités anti-américaines menées au sein de l’industrie cinématographique américaine (House Committee on Un-American Activities, House of Representatives, Hearings Regarding the Communist Infiltration of the Motion Picture Industry). Voir Peter Schweizer, Reagan’s War, New York, Random House, 2002, p. 21.
203 Darclée, du réalisateur Mihai Iacob, fut présenté en compétition officielle au festival de Cannes en 1961.
204 À son départ de Bucarest, Turner Shelton, fut également vivement recommandé par les autorités roumaines à leurs homologues bulgares de Sofia. « Educational and Cultural Exchanges : Film Exchange with Rumania », From Amlegation Bucharest to the Department of State, Washington August 2, 1961, Entry: 511-62 A, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Record Group 59, Box 1073 (Budapest, Bucharest), National Archives II, College Park, MD.
205 Les Secrets de la Vie appartient à une série de films documentaires et de courts métrages réalisés par Disney entre 1948 et 1960, il a obtenu plusieurs oscars, et est à l’origine de la création de la filiale Buena Vista Entertainment en 1953. « Walt Disney films in Hungary », USIA to Amlegation Budapest, September 2, 1960 Entry: 511-62 A, RG 59 Central Decimal Files Europe 1960-1963, Box 1073, Budapest, Bucharest, National Archives II, College Park, MD.
206 « Message de Herter », USIA to Amlegation Budapest, September 2, 1960, Entry: 511-62 A, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Record Group 59, Box 1073, Budapest, Bucharest, National Archives II, College Park, MD.
207 From Department of State, Washington to Amlegation Budapest September 7, 1961 « Despatch no 47 », Entry: 511-62 A, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Record Group 59, Box 1072, Budapest, Warsaw, National Archives II, College Park, MD.
208 « Hungarian Journalists Propose Unofficial Exchange », from Amlegation Budapest to Department of State, Washington June 7, 1962, Entry: 511-62 A, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Record Group 59, Box 1072, Budapest, Warsaw, National Archives II, College Park, MD.
209 Durant la seconde moitié des années 1950, l’ambassade des États-Unis à Prague fait régulièrement état des plaintes des autorités tchèques quant à l’inégalité patente des échanges culturels entre les deux nations. Les douze représentations de Porgy and Bess à Prague en 1956 et les tournées de six autres artistes américains en Tchécoslovaquie, entre 1956 et 1960, sont vécues comme une injustice flagrante en comparaison des deux orchestres tchèques qui se produisent aux États-Unis durant la même période. « Outgoing Airgram », From Department of State to American Embassy, Prague, July 13, 1960, Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Record Group 59, Box 1061, Folder 2, Warsaw, Prague, National Archives II, College Park, MD.
210 Le premier film diffusé commercialement à Prague fut Guerre et paix de King Vidor. Justine Faure, L’Ami Américain, La Tchécoslovaquie enjeu de la diplomatie américaine, Paris, Tallandier, 2004, p. 348-352.
211 « Outgoing Telegram », From Dean Rusk Department of State to Amembassy Prague, May 29, 1962, Central Decimal Files, Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Record Group 59, Box 1061 Folder 1, Prague, Luxembourg, Trieste, National Archives II, College Park, MD.
212 « Secret Police Surveillance of Press Attache’s Activities », From USIA to Amembassy Prague to the Department of State, Washington May 25, 1962, Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Record Group 59, Box 1061, Folder 1, Prague, Luxembourg, Trieste, National Archives II, College Park, MD.
213 Jean-Michel Valentin, Hollywood, le Pentagone et Washington. Les trois acteurs d’une stratégie globale, Paris, Autrement, 2003, p. 26-28.
214 J.-K. Kennedy: Years Of Lightening. Days of Drums fut officiellement réalisé en hommage au président Kennedy en 1964. Écrit par George Stevens et réalisé par Bruce Herschensohn, le film, traduit en 39 langues et commenté par des stars internationales, fut très largement diffusé outre-Atlantique avec le soutien de la MGM et de United Artists. Pour l’USIA il s’agissait d’expliquer l’impensable : l’assassinat du président de « la plus grande démocratie du monde ». « USIS Review Report, Years of Lightening file », USIA historical collection, Entry A1-1066, Record Group 306, Box 157, National Archives II, College Park, MD.
215 Peter Schweizer, op. cit., p. 23.
216 « Foreign Service Despatch, from Amlegation Budapest to the Department of State, Washington, June 11, 1962 », Central Decimal Files Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Box 1073, Record Group 59, National Archives II, College Park, MD.
217 Penny M. Von Eschen, Satchmo Blows up the World: Jazz Ambassadors Play the Cold War, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2004.
218 Diffusée à partir de 1954, Music USA, fut créée à destination du jeune public de VOA ; l’émission quotidienne de deux heures proposa dans un premier temps aussi bien du rock’n roll ou du jazz.
219 Alan L. Heil Jr., Voice of America—A History, Chichester, NY, Columbia University Press, 2003.
220 Le premier agent de l’USIA à diffuser du jazz en France fut l’officier Sim Copans responsable des émissions radio de l’AFN (American Forces Network) au moment de la Libération. À l’origine de l’émission « Panorama du jazz », Sim Copans démissionna de l’USIA au moment du maccarthysme mais poursuivit ses émissions en tant qu’animateur indépendant pour les radios françaises. Voir l’entretien de 1997 conduit par Michel Oriano, « Play it again, Sim : Sim Copans ambassadeur de la musique américaine en France », Revue française d’études américaines (RFEA), numéro hors série, Paris, Belin, décembre 2001, p. 6-15.
221 Michael Nelson, op. cit., p. 177.
222 Willis Conover cité dans Wilson P. Dizard, op. cit., p. 76.
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