Chapitre IV. Comment répondre à la propagande communiste anti-américaine sur le territoire européen ? Les stratégies du talk-back
p. 129-157
Texte intégral
Figure 10. – Affiche de propagande.

Source : musée du communisme de Prague.
Les stratégies de « la guerre totale » (1953-1960)
1Lors de la cérémonie d’ouverture de la septième conférence annuelle de la Société des relations publiques d’Amérique en 1954, le directeur de l’USIA Theodore Streibert, rappelait que la mission de l’Agence d’information des États-Unis reposait avant tout sur une certaine pratique des relations publiques, qui en ces temps de lutte contre la propagande soviétique, se rapprochait d’une véritable science1. Il fallait alors, selon lui, adapter les stratégies de l’information aux différentes opinions publiques et engager un combat ciblé contre l’influence soviétique en Europe.
2C’est en effet à cette occasion que son directeur adjoint pour l’Europe, William Clark, rendit publique les actions de la contre-offensive (ou fight-back) pour l’Europe de l’Ouest. L’aide économique apportée par les États-Unis dans le cadre du plan Marshall pour la reconstruction européenne fut présentée comme un élément essentiel de la régression de la menace communiste et de l’émergence d’une nouvelle Europe de l’Ouest, politiquement forte.
3Néanmoins la guerre des propagandes et la course à la désinformation engagée par l’Union soviétique devait croître de manière inversement proportionnelle à l’instauration annoncée sur le plan diplomatique de « la première détente2 » puis de la « coexistence pacifique » :
« Nos adversaires, les communistes sont déterminés à faire échouer, à tout prix, les objectifs des États-Unis. Nous représentons l’obstacle principal à leur accession au pouvoir. La propagande constitue une de leurs armes les plus puissantes. C’est un véritable instrument de conquête. Ils l’utilisent de manière vicieuse et insidieuse pour détourner, diviser et corrompre. En 1953, par exemple, l’Union soviétique a, à elle seule, investi 1,2 million de dollars dans des activités de propagande officielle, menées à l’étranger ou sur son propre territoire. Les pays satellites de l’Europe de l’Est, à l’exception de l’Allemagne, ont, en plus de cette somme, investi 530 millions de dollars. La Chine communiste, quant à elle, avait un budget de 1,4 milliard de dollars dédié aux activités culturelles, à l’éducation, à la propagande, etc. Quelles sont les sommes supplémentaires que les partis communistes, en dehors du rideau de fer, et les organisations militantes présentes dans le monde entier, y compris aux États-Unis, ont engagé, personne ne peut le dire. Mais vous pouvez être certains, qu’il s’agit de sommes considérables3. »
4Face à de tels moyens financiers, mis à la disposition de la propagande communiste, les responsables de l’information américaine, ont dû renforcer et développer très tôt des stratégies de contre-propagande. Plus perfectionnées et variées que les méthodes de la guerre psychologique, les stratégies de la guerre froide idéologique et culturelle désormais engagée avec l’URSS, devaient être prioritairement mises en œuvre sur le territoire européen.
Analyse des stratégies et des méthodes de l’adversaire : les techniques de la désinformation
5Dans la lutte manichéenne supposée opposer les vertus du communisme aux maléfices du capitalisme, la guerre froide se définit de part et d’autre du rideau de fer comme le combat de la liberté contre l’esclavage4. Or, en matière de propagande anti-américaine, les années 1950 furent particulièrement fastes.
6Dès 1953, les dirigeants de l’USIA, s’interrogent sur les stratégies du talk-back5 et commandent pour ce faire un certain nombre d’études visant en premier lieu à définir clairement le fonctionnement de la machine de propagande soviétique. Parmi elles, le travail réalisé par Leo Bogart, objet de son ouvrage, Cool Words, Cold War. USIA’s Premises for Propaganda6. Il y fait non seulement le point sur l’idéologie et les méthodes de l’adversaire telles qu’elles étaient appréhendées par les professionnels américains de la contre-offensive, mais il y analyse aussi le processus décisionnel adopté par les artisans de la propagande américaine de guerre froide.
7Dans son chapitre consacré à la lutte contre le communisme7, Leo Bogart ne se contente pas d’une définition de la propagande et de la désinformation soviétique caractéristique du climat instauré par les cold warriors8, il fait état, de manière plus constructive, des atouts de la propagande soviétique. La puissance de l’idéologie communiste, qui se substitue à la religion pour des millions de personnes, l’organisation de la propagande de manière très structurée et très centralisée autour de l’appareil politique, et encore une fois l’importance des moyens mis en œuvre par les Soviétiques au regard des budgets plus que réduits de l’USIA, constituent des avantages fondamentaux pour les campagnes de désinformation engagées par l’URSS. Leur méthode se résumerait simplement à la promotion de leur programme idéologique dans le monde entier en utilisant des objectifs ciblés au niveau local.
8Cependant, les techniques des praticiens de la guerre froide s’affinent, au fil du temps, et jusqu’aux années 1980, l’arme principale dans l’affrontement est-ouest s’affirme sans conteste comme étant l’information et la désinformation. Si les Soviétiques ne parviennent pas à endiguer totalement l’information venue de l’extérieur de leur zone d’influence, ils ne cessent des années 1950 aux années 1980, de perfectionner leur technique de désinformation systématique. Alors que le terme même de désinformation n’apparaîtrait en zone Ouest qu’à partir de 1974, il figure dès 1952 dans la deuxième édition de la Grande Encyclopédie soviétique, et désigne une autre façon de nommer le mensonge :
« si l’on parle aujourd’hui de désinformation, c’est le signe même de l’importance que l’information a prise dans le monde. La désinformation désigne une certaine organisation du mensonge, dans un monde qui est devenu preneur d’informations. Elle comporte toute une variété de sortes de mensonges destinés soit à l’ensemble de la population d’un pays, soit à un groupe restreint. La désinformation consiste, dans un grand nombre de cas, à mentir sur deux éléments à la fois : on diffuse une nouvelle fausse en cachant la vraie source9 ».
9La désinformation véritable « arme de guerre10 » est l’atout de la machine de propagande soviétique, à même de réagir dès que l’actualité internationale l’exige, et ce à plusieurs niveaux à la fois. L’accusation lancée contre les États-Unis d’avoir eu recours à l’arme bactériologique pendant la guerre de Corée, en disséminant la peste et le choléra11, l’appel de Stockholm lancé plus spécifiquement aux intellectuels européens, l’instrumentalisation de la colombe de la paix de Pablo Picasso, les slogans simples tels que « la paix » ou « l’abolition de la bombe-H », constituent autant d’actions, ciblées de manière large ou restreinte, fomentées par les propagandistes soviétiques.
10De plus, contrairement à leurs homologues américains, les agents de la propagande soviétique ont « les coudées franches » ; ils agissent sous le sceau du secret, et ne sont pas tenus de rendre publics leurs plans d’action, dans le cadre de commissions parlementaires, comme c’est le cas aux États-Unis. Enfin, sur le terrain, le discours soviétique est plus ciblé, mieux adapté, dans les États satellites, mais aussi en Europe de l’Ouest, aux préoccupations des populations locales.
11Cependant malgré les efforts et les avancées considérables de l’appareil institutionnel soviétique en matière de propagande et de désinformation, les États-Unis exercent auprès des populations européennes de l’Ouest comme de l’Est une certaine séduction, véhiculée essentiellement par les médias, les films hollywoodiens ou les centres culturels américains. Pour briser ce rapport de séduction, qui constitue manifestement une menace pour l’influence soviétique, le discours anti-américain repose sur cinq axes fondamentaux12 :
1. The Communists seek to show to the U.S as an imperialist power desirous of waging war on the rest of the world and run by people who do not understand Europe, are hysterical about communism, and need war or heavy defence efforts to save « a rotten economy. »
2. All opportunities are seized to demonstrate that the U.S. does not practice the democracy it preaches—that it is « a class nation. » All violations of civil liberties and minority rights are magnified. « Maccarthysm » is « American fascism. »
3. Capitalist countries, particularly the U.S., are headed for economic disaster. War is necessary to save the U.S. from an other depression.
4. The U.S. is culturally backward and has « nothing to offer except dollars. » Its popular literature and motion pictures are evidence of barbarism.
5. The U.S. would stop nothing to achieve its ends. Therefore, America engages in germ warfare and commits atrocities in Korea.
12Venant corroborer ces accusations et soutenir le thème récurrent du « fascisme américain », bien avant et bien après le mouvement des Droits civiques aux États-Unis, la question de la ségrégation offre aux ennemis du modèle américain un sujet de contre-propagande particulièrement explosif. Les propagandistes soviétiques diffusent largement l’idée que les Afro-Américains occupent une position servile et que la discrimination raciale est un des fondements du système politique américain. Pour les communistes, les traitements inhumains réservés aux Noirs seraient la preuve du caractère fallacieux de la démocratie américaine13. Or, les esclavagistes ne se trouveraient pas seulement dans le sud des États-Unis, mais aussi et surtout à Wall Street, symbole absolu de l’oppression capitaliste pesant sur les travailleurs américains, comme en témoigne ce discours tenu par la radio de Bucarest au début de l’année 1950 :
« Wall Street tolère et encourage le Ku Klux Klan, les lynchages et la misère inimaginable dans laquelle vivent les Nègres. Lincoln s’est élevé contre l’exploitation des esclaves, mais Wall Street amplifie chaque jour l’exploitation violente du peuple américain comme des autres peuples sous le joug de l’impérialisme yankee14… »
13Parfaitement au fait de ces discours le directeur de l’USIA, Theodore Streibert se montre de plus en plus inquiet face à l’agressivité de la propagande anti-américaine. Dès le début de l’année 1955, il alerte l’administration présidentielle sur la dichotomie criante entre les velléités de « coexistence pacifique » affichées par les Soviétiques pour relancer les échanges commerciaux est-ouest et les campagnes haineuses de dénigrement systématique de la politique américaine, visant entre autres choses à ruiner les efforts de construction européenne en Europe de l’Ouest15.
14Pourtant, au cours de la décennie 1950, deux événements fondateurs donnent le ton du changement manifeste de stratégie de communication adoptée par les responsables soviétiques ; il s’agit de la conférence de Genève de juillet 1955 et du XXe congrès du Parti communiste de l’Union soviétique des 24 et 25 février 1956. En amont des crises politiques majeures de l’année 195616, ces deux temps forts constituent pour les observateurs américains l’annonce de nouvelles tactiques qui conditionnent pour longtemps les relations Est-Ouest et les programmes d’information américains.
15Lors de la conférence de Genève de juillet 1955, sont réunis, pour la première fois depuis Postdam, les leaders politiques de la Grande-Bretagne, des États-Unis, de la France et de l’Union soviétique. Si les avancées diplomatiques de la conférence peuvent paraître minimes au regard des enjeux internationaux17, les discussions concernant les échanges culturels s’avèrent plus fructueuses car elles marquent un tournant dans l’intérêt porté par les politiques pour l’information trans-frontières. L’atmosphère de conciliation créée à Genève par le ton « amical » de ces discussions permet au président Eisenhower de faire part au public américain de la volonté commune des « quatre puissances » de développer les relations est-ouest.
16Dès lors pour les dirigeants de l’USIA comme pour leurs agents européens des USIS18, il s’agit de tenir compte de « l’esprit de Genève » en faisant en sorte que les programmes d’information ne viennent surtout pas remettre en cause auprès des opinions publiques européennes la position morale acquise à cette occasion par les États-Unis.
17Dans la lignée de ce changement de ton, à la suite du célèbre discours de Khrouchtchev annonçant la déstalinisation lors du XXe congrès du PCUS19, le directeur de l’USIA, Theodore Streibert prend bonne note du fait que les Soviétiques semblent avoir abandonné les méthodes agressives de l’immédiat après-guerre, au motif que celles-ci tendaient à isoler l’Union soviétique, la stigmatisant comme un régime dictatorial, brutal et inhumain, avide de conquête et représentant un réel danger pour la paix20.
18Ce qui est interprété comme un changement de tactique met l’USIA en difficulté dans sa mission de persuasion que les États-Unis sont le modèle incontesté du monde libre. Cette nouvelle ligne stratégique s’inscrit alors dans la série de gestes significatifs accomplis par les Soviétiques en faveur de la paix afin de reconquérir une certaine crédibilité auprès des populations occidentales, et notamment ouest-européennes. Après la signature du pacte de Varsovie en mai 1955, les Soviétiques avaient accepté non seulement les propositions américaines sur le désarmement, mais aussi l’invitation d’Eisenhower à venir signer le traité de paix avec l’Autriche (le 15 mai), et en juin Khrouchtchev et Boulganine avait tenté une réconciliation avec le président yougoslave dissident Joseph Tito21.
19Ce changement de tactique devait déboucher, dès le printemps 1957, sur une proposition faite par Khrouchtchev à l’Administration Eisenhower d’intensifier les relations entre les populations américaine et soviétique22. Insistant sur les revendications déjà exprimées à Genève, après plusieurs mois de pourparlers, le 27 janvier 1958, les États-Unis signent un accord établissant la mutualité des échanges americano-soviétiques dans les domaines culturel, scientifique et technique, mais aussi artistique, éducatif et sportif. Cependant au terme des discussions, bien que l’accord autorise les échanges d’émissions de radio et de télévision, les Soviétiques refusent catégoriquement de mettre un terme aux brouillages de VOA ou de libéraliser les déplacements à l’intérieur de leurs frontières23.
20Bien décidé à relever le défi de cette nouvelle rhétorique de « coexistence pacifique », Eisenhower s’emploie non seulement à relancer les échanges culturels avec les pays du bloc soviétique, mais aussi à convaincre les membres républicains du Congrès du ridicule criant des budgets accordés à l’USIA ; alors que les Soviétiques consacreraient plus de deux milliards de dollars par an à la propagande24. Il réaffirme la nécessité de mettre en œuvre des programmes d’information suffisamment persuasifs pour convaincre les populations européennes en ces termes : « nous travaillons à l’établissement de la paix et non à tenter de les envoyer dans l’au-delà en faisant exploser nos bombes atomiques ou thermonucléaires25 ».
21Au cours du second mandat du président Eisenhower, les propagandistes soviétiques posent en effet deux problèmes majeurs aux diplomates américains : d’une part ils brandissent systématiquement le slogan de « la coexistence pacifique », et d’autre part ils tentent de persuader le monde entier, en commençant par l’assemblée générale des Nations unies, que les États-Unis ne sont qu’une puissance coloniale de plus en Occident. Dès lors, la mission de l’USIA consiste à démontrer au monde que « la coexistence pacifique » telle qu’elle est pratiquée par l’URSS n’est qu’un concept vide de sens26. Mieux que leurs adversaires, les États-Unis doivent prouver qu’ils ne se contentent pas d’une « coexistence passive » entre les blocs, mais qu’ils militent et travaillent pour l’établissement de la paix.
22Or, pour le directeur de l’Agence d’information Abbott Washburn, il s’agit plus spécifiquement de faire souffler le vent du changement sur le glacis soviétique :
« Lorsque les États-Unis emploient le mot paix, […] ils font référence à la paix obtenue grâce au changement, qui aboutirait à une Allemagne réunifiée sous contrôle de l’OTAN, ne menaçant ni l’Est ni l’Ouest, une libération effective des nations satellites, ou à un monde libéré de la violence et de la subversion du communisme international, et à une économie mondiale libre et florissante. Il s’agit d’une paix reposant sur la justice et la liberté, non pas entre deux blocs antagonistes, mais entre des nations agissant pour le bien commun de tous les peuples27. »
23L’observation attentive de l’évolution des stratégies soviétiques par les responsables de l’USIA, dès les années 1950, conditionne pour longtemps l’élaboration des objectifs et des stratégies de la contre-offensive.
« Vendre » le modèle américain : images et idéologies du « capitalisme démocratique »
24Pour répondre aux attaques communistes menées contre l’idéal démocratique, les agents des services d’information américains ont recours à de nombreuses tactiques sur le front de la « guerre des mots » des années 1950 et 1960, puis de plus en plus sur celui de la guerre des images, qui atteint son paroxysme durant les années où Charles Wick est à la tête de l’USIA.
25Héritiers de la guerre psychologique, les propagandistes américains du tout début des années 1950 ont recours à des techniques des plus simples pour décrédibiliser le système soviétique : pamphlets, tracts et caricatures sont distribués par milliers d’exemplaires par les agents des USIS en Europe. Puis ils créent également des bandes dessinées satiriques, destinées notamment à encourager la résistance dans les pays satellites ; comme par exemple le glossaire illustré des termes soviétiques (Glossary of Soviet Terms, 1952), distribué à plus de 50 000 exemplaires, ou la série des Little Moe: His Life Behind the Iron Curtain, à partir de 1954, représentant un homme qui défie le système communiste et qui met en avant le manque de biens de consommation et l’absence de libertés politiques derrière le rideau de fer28.
26À l’inverse, d’autres publications illustrées viennent vanter les mérites du système américain ou les prises de position de ses leaders politiques, en insistant sur des thèmes tels que l’indépendance des nations captives et l’anti-colonialisme des États-Unis, ou l’absence totale de liens entre Wall Street et les politiques américains. Parmi ces publications, on trouve à l’est à partir de 1960, un livret illustrant la vie du président John Kennedy jusqu’à son élection29. Particulièrement didactique, ce livret traduit, en plusieurs langues indique un changement de stratégie de la part des propagandistes de l’Administration Kennedy. Loin des descriptions apocalyptiques des premiers combattants de la « croisade pour la liberté », le document ne s’attache pas à défendre un point de vue anticommuniste, mais à vanter les mérites d’un homme et de son parcours, en ayant recours à des méthodes de persuasion proches d’une campagne électorale américaine. La page de couverture du document ainsi que les vignettes consacrées à la vie de famille du président, entouré de sa femme et de sa fille, penché sur son dernier né, sont en ce sens particulièrement éloquentes. Diffuser l’image séduisante d’un jeune père de famille, courageux et aimant, est préféré aux attaques verbales systématiques dans le but de « conquérir les cœurs et les esprits ».
27Persuadés que les stratégies du talk back systématique risquent en effet de nuire à la crédibilité de la politique américaine auprès des opinions publiques européennes, les stratèges américains de l’information ne peuvent répondre à toutes les attaques soviétiques. Comme ce fut le cas notamment, lors de la virulente campagne anti-américaine menée à l’occasion du procès des époux Rosenberg30 dans toute l’Europe. Craignant de mettre en porte-à-faux la crédibilité du système judiciaire américain, notamment auprès de l’opinion publique française, les professionnels américains de l’information firent le choix de ne pas répondre, privilégiant les stratégies offensives aux stratégies défensives.
28C’est ainsi qu’à l’époque où Dulles et Eisenhower s’imposaient dans la résolution de la crise de Suez, l’USIA avait lancé une campagne agressive de promotion du capitalisme démocratique et de la culture américaine de masse. Le « capitalisme du peuple » (People’s Capitalism), devait en effet faire voler en éclat les stéréotypes diffusés par les Soviétiques sur une Amérique dirigée uniquement par les financiers de Wall Street31.
29En réalité, Theodore Streibert, avait suggéré au président Eisenhower, dès le mois de septembre 1955, de s’engouffrer dans la brèche créée par la conférence de Genève, en lançant un nouveau programme d’informations intitulé Program for World Understanding32. Il s’agissait de doubler les budgets de la diplomatie culturelle dans son ensemble, en obtenant auprès du Congrès 325 millions de dollars au lieu de 163 millions ; et ainsi mettre en œuvre, entre autres, une campagne de publicité de 10 millions de dollars vantant les intentions pacifiques de l’Amérique, de nouvelles émissions de télévision de l’USIA (grâce à 4 millions de dollars supplémentaires) et la diffusion de livres à bas prix pour toucher toutes les classes de populations. Ce nouveau programme d’information se devait alors de figurer en bonne place dans le prochain discours sur l’État de l’Union du président Eisenhower, et être une priorité de son Administration.
30Dans le même temps, chargés de relayer à l’étranger les grandes lignes d’une politique d’information s’inscrivant de plus en plus nettement comme un élément incontournable de la politique étrangère américaine, les services d’information américains en Europe (USIS), contribuent fortement à l’établissement de cibles stratégiques parmi les populations européennes. Durant les premières années de la création de l’USIA, et à la demande expresse de son directeur, les agents des USIS, véritables go-between de l’information33, font remonter auprès de l’administration centrale un grand nombre de renseignements et d’observations ; ceux-ci permettent de substituer des objectifs mieux ciblés sur le plus long terme, au cas par cas, aux premiers objectifs établis dans l’urgence depuis Washington. La tactique, et le mérite de l’Agence américaine d’information, étant alors de vouloir s’adresser aussi bien aux communistes qu’aux anticommunistes, à l’intérieur et à l’extérieur du glacis soviétique.
Les campagnes de masse : l’USIA et les vitrines de la puissance américaine
31Parallèlement à sa mission d’information, les nombreuses activités dites culturelles menées par l’USIA, aussi bien en Europe de l’Ouest qu’en Europe de l’Est, s’inscrivent dans le cadre des opérations officielles à forte visibilité de la diplomatie publique établie par l’exécutif américain34. Or, selon le point de vue de Thomas Sorensen35, ancien responsable de l’USIA de l’Administration Kennedy, en matière de diplomatie publique, telle qu’elle est pratiquée au cours des années de guerre froide, la frontière entre l’information et la culture ne peut exister ; il devient par conséquent impossible de distinguer l’action culturelle de l’idéologie politique.
32En amont ou en aval des opérations d’infiltration culturelle officieuses plus ciblées, les grandes campagnes d’information et de diffusion culturelle menées dans l’Europe de la guerre froide ont constitué de véritables vitrines du mode de vie et de la puissance américaine.
33Le développement des opérations culturelles menées par l’USIA n’aurait pas été possible sans la force de conviction du président Eisenhower, exprimée en ces termes à la commission des finances :
« Il me paraît indispensable que nous nous donnions sans tarder les moyens d’apporter la preuve de la la supériorité des produits et des valeurs de notre système de libre entreprise, […] d’encourager la présentation à l’étranger par les entreprises et les groupes du secteur privé des plus belles réussites culturelles et industrielles américaines, afin de prouver l’implication des États-Unis pour promouvoir la paix et le bien-être, et d’éradiquer les accusations de la propagande communiste selon lesquelles les États-Unis n’ont pas de culture et une production industrielle dédiée uniquement à la guerre36. »
34Cette volonté de mise en valeur du modèle américain se concrétisa par la création, en août 1954, d’un fonds dédié aux affaires internationales, présidé par le directeur de l’USIA (Emergency Fund for International Affairs37). Au sein de celui-ci, les rôles se répartissaient ainsi : le ministère du Commerce (doté de 2 592 000 dollars) devait développer la participation des États-Unis dans les foires internationales, le département d’État (doté de 2 250 000 dollars) se voyait confier la mission de présenter à l’étranger un panel de sportifs et d’artistes dans les domaines de la danse, du théâtre et de la musique, enfin l’USIA était chargée, pour une dotation de 157 000 dollars, d’assurer la communication et la promotion à l’étranger de l’ensemble des événements artistiques et sportifs. Ceci étant, conscient que ce fonds ne suffirait pas à lui seul à réaliser des opérations de grande envergure, parallèlement aux financements publics, le président Eisenhower comptait bien sur la participation de soutiens privés émanant de fondations telle que la Fondation Ford.
35À l’heure où la guerre des propagandes battait son plein, quelle que soit la nature de l’approche communiste, les dirigeants de l’USIA se montrèrent bien décidés à faire comprendre aux peuples européens que l’Amérique était déterminée à protéger l’ensemble des intérêts communs au monde libre, qu’ils soient politiques, économiques, culturels ou spirituels. Dès lors, les vitrines du modèle américain ne se limitaient plus à la seule exposition des réussites du complexe militaro-industriel, elles se devaient de présenter une civilisation, jusqu’alors mal connue en Europe.
Les expositions de la « culture officielle » et les campagnes de communication de masse sur le désarmement et « la recherche de la paix internationale »
« Mon
but est de réduire considérablement le nombre d’armes nucléaires, et
partant, de garantir le maintien durable de la paix et de la
sécurité. »
Ronald Reagan, lors d’une conférence de
presse à Washington, le 31 mars 198238.
36Dans une brochure de vitrine illustrée sur papier glacé, destinée à un public français, William Lewis, directeur du programme d’études sur les politiques de sécurité de l’université Georgetown, tente de démontrer que de 1946 à 1982, l’unique but des États-Unis a été la recherche de la paix. Présentant une vision simplifiée des relations nucléaires entre les États-Unis et l’URSS, des premiers traités de non-prolifération aux accords SALT I et II (Strategic Armements Limitation Treaty), Lewis, véritable caution scientifique de l’USIA, insiste sur le fait que « les Américains considèrent la guerre comme une aberration de la nature et [que] cette perspective commande la poursuite des négociations sur le maintien de la paix et de la sécurité ». Cette illustration de la manière dont l’agence d’information communique à ses partenaires les intentions des États-Unis en matière de défense collective, encore au début des années 1980, s’inscrit en tout état de cause dans une constante de la propagande de masse depuis l’Administration Eisenhower, dont le slogan était : « Il n’y a pas d’autre solution que la paix39 ».
37Cependant, malgré les velléités du président Eisenhower d’exposer au monde les intentions pacifiques et les réussites de la puissance américaine dès le début des années 1950, face à l’omniprésence soviétique dans le domaine de la communication de masse, les efforts américains sont restés insuffisants jusqu’à son second mandat.
38En principe, les expositions de la culture américaine et de l’American Way of life dans les foires internationales devaient rapidement devenir un moyen efficace d’entrer en compétition ouverte avec les Soviétiques. Pourtant, entre 1941 et 1954 les nations communistes participent à plus de 133 foires internationales, et les États-Unis ne sont pas présents une seule fois. C’est seulement à partir de 1954-1955 qu’ils commencent à vouloir rattraper leur retard, et c’est en 1956 que le Congrès, par l’intermédiaire de la commission des Affaires étrangères, donne son approbation pour le développement de la participation américaine dans les foires et les festivals internationaux.
39En espérant développer l’intérêt des peuples étrangers pour les produits de consommation américains, le Congrès finit par voter les financements nécessaires à la mise en œuvre d’expositions itinérantes supposées rendre attractives les conditions de vie en Amérique40. En guise d’illustration, et afin de vanter les mérites de la nouvelle trouvaille idéologique de l’USIA, le « capitalisme du peuple41 », ces expositions présentaient des maisons entièrement meublées, des produits manufacturés, ainsi que des catalogues de vente par correspondance, en plus des films ou des feuilletons télévisés42. Il s’agissait de démontrer à un large public que les innovations technologiques, et surtout les progrès économiques de l’Amérique, avaient permis de rendre le confort moderne accessible à tous.
40Cependant au regard des sondages d’opinion effectués par les agents des services d’information dans les foires internationales, il apparaissait que les expositions américaines n’étaient pas encore suffisamment attractives. Les succès remportés par les avancées de la télévision couleur, en particulier, ne parvenaient pas à égaliser les efforts entrepris par les Soviétiques43, d’autant plus que le Congrès, assez peu convaincu de l’utilité de ces manifestations, réduisait les financements nécessaires à leur réalisation. Pourtant les défenseurs des expositions américaines, le directeur de l’USIA en tête, étaient persuadés qu’elles pouvaient avoir un réel impact sur les populations européennes : « Si nous avions les financements requis, nous pourrions réaliser un véritable Spoutnik sur le plan culturel, intellectuel et spirituel44 ».
41En ce sens, dès 1955, Theodore Streibert avait fait parvenir au président Eisenhower la liste des foires internationales européennes (de Francfort, Utrecht, Vérone, Vienne, Liège, Londres, Paris, Lyon, Valence ou Barcelone) auxquelles les États-Unis étaient susceptibles de participer. Il y détaillait le type d’exposition spécifique que l’USIA pouvait organiser pour chacune d’elle, et surtout il précisait le nombre de personnes attendues. Certaines expositions comme celle de Milan pouvaient atteindre le chiffre de 4 millions 200 000 visiteurs ; en terme de communication de masse la nécessité de la présence américaine paraissait alors difficilement discutable45.
42À l’occasion de l’exposition universelle de Bruxelles en 1958, les stratèges américains de la diplomatie publique se devaient donc de redoubler d’efforts, en présentant aux populations européennes Face of America. En plus des traditionnels juke-boxes, et télévision couleur, le pavillon américain, à la demande expresse du président Eisenhower, offrait aux visiteurs la possibilité d’utiliser un symbole de la démocratie américaine, les machines à voter. Ainsi Abraham Lincoln, Kim Novak, ou Louis Armstrong furent largement plébiscités par les visiteurs. L’atmosphère bon enfant et divertissante du pavillon américain contrastait avec l’exposition soviétique, des plus didactique, placée juste à côté. Or, tandis qu’elle était absente du pavillon américain, la thématique de la conquête spatiale et la présentation des avancées soviétiques en termes de conception de satellites impressionnèrent fortement les visiteurs et donnèrent un avantage certain au pavillon de l’URSS46.
43Si bien qu’à la fin des années 1950, la presse américaine mit en avant qu’en matière de guerre des propagandes, l’avantage idéologique semblait revenir clairement à l’URSS47. La mise sur orbite du satellite Spoutnik par les Soviétiques en 1957, et en septembre de la même année les affrontements violents de Little Rock en Arkansas, liés aux débuts de la déségrégation, avaient fortement entamé le prestige des États-Unis à l’étranger48, tant sur le plan de leur prétendue supériorité scientifique et technologique que sur celui de la tolérance propre à leur régime démocratique.
44Conscient qu’il était à nouveau urgent de relancer les stratégies de la contre-offensive, George Van Allen, reconnaissait que le monde entier considérait alors les États-Unis comme un État impérialiste, raciste et militariste, et que l’Administration Eisenhower, forte du succès de sa campagne d’information Atoms for Peace49, avait certainement trop insisté sur la question des essais nucléaires. Cependant, convaincu que les États-Unis avaient mieux à offrir en matière de modèle culturel, le directeur de l’USIA estimait qu’ils en viendraient à triompher de la propagande soviétique50.
45C’est avec l’exposition universelle de Solkoniki, près de Moscou, véritable apogée de la lutte d’influence entre les deux grands sur le front des foires internationales, que la diplomatie publique obtint finalement ses lettres de noblesse. Si la réussite en revient aux efforts conjoints des services diplomatiques de l’ambassadeur Llewellyn E.Thompson et de l’USIA, c’est à l’initiative du directeur-adjoint de l’USIA Abbott Washburn que Richard Nixon se rendit en visite en Union soviétique. Le matin du 24 juillet 1954, lors de la visite d’une maison prototypique de l’Amérique des années 1950, le célèbre Kitchen Debate devait marquer les esprits. Il consista en une série d’échanges verbaux à couteaux tirés entre le vice-président américain et Nikita Khrouchtchev. Bien que filmé, l’entretien des deux hommes sur la relativité des mérites des systèmes capitalistes et communistes ne fut pas diffusé à la télévision, mais observé et largement retranscrit par de nombreux reporters dans la presse, et en particulier dans les colonnes du New York Times du 25 juillet 195951. La visite de Nixon et l’exposition de Moscou marquèrent une étape importante dans la guerre d’infiltration culturelle engagée par les deux grands.
46Dès lors il ne s’agissait plus seulement de vendre un modèle politique mais de vendre un mode de vie et de convaincre le monde entier, et particulièrement les Européens, de l’existence d’une véritable culture américaine, aussi bien populaire qu’élitiste ; en plus de restaurer la prééminence américaine en matière scientifique, encore fallait-il réussir à transformer la guerre des propagandes en une véritable guerre culturelle.
Les artistes américains au service du « capitalisme du peuple » ?
47Pour les artisans de la diplomatie publique, le développement des campagnes de promotion culturelle s’inscrivait avant tout dans la lignée des directives du NSC définissant les missions de l’USIA comme la nécessité de, « déterminer les aspects marquants de la vie et de la culture du peuple américain, qui permettent de faire comprendre aisément quelles sont les missions et les objectifs du gouvernement des États-Unis52 ».
48Avec la création de l’Emergency Fund for International Activities, les État-Unis entendaient démontrer aux Européens qu’il existait un grand nombre d’artistes américains dont les performances étaient tout aussi remarquables que celles de leurs homologues du « vieux continent », en particulier celles de leurs homologues russes. Pour la première fois dans l’histoire de la diplomatie publique, le monde des arts américain était officiellement financé pour se rendre à l’étranger, même si l’essentiel des fonds ne venait pas du Congrès, mais de partenaires privés supposés se rallier à la cause de la grande croisade culturelle lancée par l’exécutif.
49L’instrumentalisation de relations culturelles déjà existantes dans le domaine de la musique en particulier, avait pour but de convaincre les populations européennes de l’intérêt commun aux États-Unis et à l’Allemagne pour la « grande » musique classique. Les programmes culturels élaborés notamment par le philanthrope mais aussi diplomate Shepard Stone s’inscrirent ingénieusement dans cette politique53. Le plus grand succès de ces initiatives, fut sans conteste la victoire du pianiste américain âgé de vingt-trois ans, Van Cliburn, lors du concours international Tchaïkovski à Moscou, pour son interprétation du concerto numéro 3 de Rachmaninov. Du fait de la récente et brillante renommée internationale du jeune pianiste, son retour aux États-Unis se fit en grande pompe dans les rues de Manhattan, si bien que le maire de New York baptisa cette journée, le Van Cliburn Day54.
50Dans le cadre de la lutte d’influence géostratégique alors à l’œuvre sur le territoire européen, cette victoire apportait non seulement la preuve que les Européens n’avaient pas l’apanage de la production d’artistes de grande qualité, mais surtout elle faisait voler en éclat les critiques formulées par la propagande soviétique qui mettaient en doute l’existence d’un intérêt américain quelconque pour les arts et la culture. De plus, forts de cet impact, les stratèges de l’information américaine, voulurent développer les tournées d’orchestres philharmoniques en Europe. C’est ainsi qu’en 1959, le président Eisenhower envoya Leonard Bernstein et l’orchestre philharmonique de New York convaincre le public européen des affinités culturelles, non seulement possibles mais déjà existantes, entre les États-Unis et l’Europe.
51Cependant aux yeux des agents de l’USIA, le succès le plus remarquable de cette campagne de promotion culturelle et idéologique demeure sans conteste l’accueil réservé à la présentation de l’opéra de Gershwin, Porgy and Bess, d’abord à Vienne et à Berlin, puis dans l’ensemble de l’Europe et notamment en Yougoslavie, comme en témoigne ce commentaire du correspondant du New York Times à Belgrade, daté du 22 décembre 1954 :
« Comme l’a formulé un responsable du gouvernement, les Yougoslaves ont accueilli Porgy and Bess, “en faisant remarquer que seul un peuple psychologiquement mature était capable de mettre en scène un tel spectacle”. C’est avec charme et grâce que les membres de la troupe ont ouvert de nouveaux horizons à une population dirigée par des communistes, et habituée à aborder les États-Unis sous l’angle de l’exploitation et des préjugés raciaux55. »
52En finançant la tournée de l’opéra de Gershwin, les intentions du département d’État étaient claires, il s’agissait de couper court aux attaques soviétiques sur deux points sensibles : l’existence de véritables artistes nés aux États-Unis ou l’absence de toute forme de vitalité artistique, et la possibilité pour les Afro-Américains d’atteindre un autre statut social que celui d’esclave. Avec une troupe de chanteurs afro-américains, une partition écrite par des juifs new-yorkais et un scénario adapté d’une nouvelle écrite par un blanc du sud des États-Unis, Porgy and Bess devait être une représentation réussie du melting-pot américain. La troupe ne fut d’ailleurs montée qu’en vue d’une tournée en Europe, et bien qu’elle fût de grande qualité, elle ne fut soutenue par le département d’État avant tout qu’à des fins de propagande56.
53Cependant malgré les nombreux rapports du département d’État, encensant la réussite de ce programme, la réalité du message transmis aux populations européennes demande à être nuancée. D’après l’étude réalisée par David Monod, intitulée « He is a Cripple an ’Needs my Love : Porgy and Bess as Cold War Propaganda », si les populations européennes ont bien accueilli l’opéra commandité par le département d’État, ce n’est pas parce qu’elles y ont nécessairement trouvé une glorification du modèle d’intégration américain. D’autres paramètres, tels que la « culture de la spontanéité » véhiculée par la musique et les images de l’Amérique d’après-guerre, seraient à prendre en compte dans la séduction qu’a pu exercer l’opéra de Gershwin sur les Européens. Du style du chef d’orchestre Leonard Bernstein au Tutti Fruti de Little Richard, des toiles de Jackson Pollock à la poésie de William Carlos Williams, l’improvisation, l’expérimentation et la vivacité élevées au rang de pratiques artistiques étaient devenues des critères de la séduction exercée par l’art américain auprès des intellectuels européens.
54En d’autres termes, l’instrumentalisation délicate des artistes, par les stratèges de ce qui était devenu véritablement, à la fin des années 1950, la diplomatie publique, aurait avant tout permis la promotion de l’art américain avant la promotion idéologique du « capitalisme du peuple ».
55Ainsi les opérations de la diplomatie publique orchestrées par l’USIA dans l’ensemble de l’Europe ont sans nul doute contribué à occuper le terrain des manifestations culturelles ; mais les stratèges de l’Agence d’information et leurs homologues de la CIA avaient depuis longtemps compris la nécessité du recours à des opérations moins visibles, mais tout aussi efficaces, à savoir l’instrumentalisation de la culture pour séduire les masses et surtout pour infiltrer les élites.
« Public Diplomacy goes private »
La diplomatie publique, une exception culturelle américaine : privatisation stratégique de la culture et complémentarité des opérations de propagande officielles et officieuses
56Face aux réticences du Congrès et à l’avance considérable des Soviétiques en matière d’infiltration de groupes d’influence57, les professionnels de l’information de l’USIA comme de la CIA ont dû avoir recours très tôt aux pratiques de la guerre culturelle secrète.
Le rôle de la CIA et des financements privés : la guerre culturelle secrète
57Dès sa création, et par l’intermédiaire de sa propre agence culturelle, la Central Intelligence Agency est un élément incontournable de la croisade culturelle contre le communisme. L’idéologie américaine de la liberté, diffusée sur l’ensemble du territoire européen, reposant sur la liberté de choix et de pensée, ne pouvait être préservée que si l’essentiel des soutiens du gouvernement pour les initiatives privées s’opérait de manière officieuse. Par ailleurs, l’épée de Damoclès que représentait le Congrès pour le financement des programmes culturels officiels en disait long sur le climat de méfiance qui régnait quant au soutien affiché de l’exécutif pour la croisade culturelle.
58En comparaison des activités de l’USIA, les activités menées par le biais de la CIA, possédaient l’incomparable avantage d’échapper à tout contrôle de la part du Congrès, voire d’une grande partie de l’exécutif. Son budget réel n’était d’ailleurs connu, en dehors de la Maison-Blanche et du directeur de l’Agence elle-même, que par une commission spéciale de contrôle du Congrès (Watchdog Committe) tenue au secret. Il est d’ailleurs de notoriété publique, que les subsides de la CIA émanaient des budgets des autres organes fédéraux, de sorte que toute identification était impossible58.
59Cependant si la CIA peut apparaître comme le fer de lance des opérations culturelles secrètes en Europe, la stratégie de l’Agence s’inscrit dans une stratégie d’infiltration culturelle plus large, nécessitant nombre de partenariats avec l’ensemble des acteurs de l’exécutif : le département d’État, devenu malgré lui le pivot de la diplomatie culturelle, et l’USIA en tête, en collaboration entre autres avec le département de la Défense, la Commission sur l’énergie atomique, le Bureau de stratégie psychologique (Psychological Strategy Board) ou le Bureau de coordination des activités (Operations Coordinating Board). Enfin, dans une perspective plus large que celle de l’Europe, compte tenu des missions définies plus-haut, l’appareil d’exportation et d’infiltration culturel peut comprendre aussi les organismes d’aide au développement tels que U.S. Aid et les Peace Corps59.
60Or, on sait notamment depuis la publication, au milieu des années 1970, des ouvrages de l’ex-agent de la CIA, Philipp Agee60, que l’OCB, chargé de mettre au point et de superviser les activités de propagande et de « guerre idéologique » constituait le sommet de la structure interne de l’agence culturelle de la CIA61.
61C’est au sein de la Division des opérations des services clandestins (c’est-à-dire les services qui ne s’occupent pas directement d’espionnage) que sont répertoriées les opérations culturelles de l’Agence, dites de « propagande » d’une part et « d’échanges de personnes » d’autre part62. Parmi elles on peut distinguer quatre grandes catégories d’opérations en relation avec les missions de l’USIA.
62En premier lieu les opérations destinées à placer des informations au sein des médias de masse locaux relèvent d’une typologie particulière ; avec d’une part les opérations de propagande dite « noire », essentiellement des opérations de désinformation, et d’autre part des opérations de propagande dite « grise », pour lesquelles la CIA utilise les canaux de diffusion médiatique locaux, à l’insu de l’opinion publique ; une troisième catégorie d’opérations de propagande, dite « blanche », correspond à des activités d’information revendiquées par le gouvernement américain, émanant de l’USIA. Les opérations destinées à l’infiltration ou la création de groupes de jeunesse et d’étudiants au niveau local ou international (la CIA s’appuie pour ce faire sur l’US Students National Association) constituent un second type d’activités. L’infiltration des syndicats de travailleurs ou d’enseignants en collaboration avec les grandes centrales syndicales américaines, ainsi que des milieux intellectuels regroupant artistes et écrivains, appartiennent à un troisième type d’opérations propres à l’agence culturelle de la CIA. Enfin, les journalistes, catégorie à part entière, font l’objet d’un programme d’infiltration permanent.
63Or, durant la période de guerre froide, le financement de ces activités ne pouvait venir uniquement des « fonds propres » de l’Agence. Les Fondations Ford et Rockefeller, emblèmes absolus du système de patronage privé à l’américaine, avaient déjà dans l’entre-deux-guerres, puis à l’occasion du Plan Marshall, largement participé à un grand nombre d’opérations clandestines en Europe ; et avec l’avènement de la guerre froide culturelle, elles sont devenues à certains moments, par le biais de la CIA, de véritables extensions du gouvernement en matière de propagande et d’infiltration culturelle. Les liens étroits entre la CIA d’Allen Dulles et les fondations ont été démontrés à plusieurs reprises, et notamment dans l’ouvrage de Frances Stonor Saunders, désormais bien connu des spécialistes de ces questions63.
64Mais le lien essentiel entre le Congrès et la Fondation Ford fut surtout Shepard Stone, qui avait acquis une réputation d’expert dans l’utilisation des réseaux bureaucratiques et financiers destinés à la promotion des intérêts américains à l’étranger64. À titre d’exemple, alors qu’il était chef des relations internationales de la Fondation Ford, Shepard Stone, en partenariat avec le département d’État, favorisa la promotion des sciences sociales dans le bloc de l’Est. Il fut à l’initiative du Comité des écrivains et éditeurs chargé de sensibiliser les Américains aux sociétés de l’Est et surtout créer un réseau de contacts avec les nouvelles élites est-européennes. De même, c’est grâce aux soutiens financiers des Fondations Ford et Rockefeller que l’USIA fut en mesure d’ouvrir à la fin des années 1950 des bibliothèques et des centres de recherches à l’Est, et notamment en Pologne65.
65Ainsi, grâce aux rouages complexes mais efficaces de la machine de guerre froide de l’exécutif américain, les activités officieuses mises en œuvre par la CIA et ses partenaires privés devaient venir compléter et ouvrir la voie des programmes d’information de l’USIA.
L’infiltration des associations féminines : un exemple privilégié de la complémentarité des activités de l’USIA et de la CIA
66L’historiographie s’est largement intéressée aux phénomènes d’infiltration culturelle américaine sus-nommés. Les ouvrages fondateurs de Pierre Grémion, de Joël Kotek66, ou plus récemment de Giles Scott-Smith67, ont précisément traité des relations de la CIA avec le Congrès pour la liberté de la culture en France ou avec les mouvements de jeunesse en Europe. En revanche, la question des femmes et des groupes féministes n’a été que plus récemment abordée, or cet exemple permet précisément de mieux cerner les relations entre diplomatie publique, CIA et secteur privé.
67Dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale, les agents de services d’information en Europe se donnent pour priorité de sensibiliser certains groupes de population des pays vaincus aux principes et aux méthodes de la démocratie telle qu’elle se pratique aux États-Unis et ce, afin d’infléchir le sens de la reconstruction de leurs institutions. À cette époque, le département d’État ne semble pas montrer un grand intérêt pour ces cibles potentielles, du moins officiellement. Or, l’USIA, qui se résume à cette période aux seuls USIS, n’a pas pu instaurer de programme à grande échelle destiné aux femmes des nations vaincues.
68Pourtant, certains membres du département d’État viennent s’adresser aux membres de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes (League of Women Voters68), en ces termes :
« Nous ne pouvons agir au nom du gouvernement, mais nous souhaiterions la création d’une association non imposable qui agirait comme une extension de l’Alliance Internationale pour le Suffrage des Femmes (League of Women Voters), dans le but de transmettre, d’expliquer, de montrer et de débattre des méthodes que les femmes ont jugé efficace dans le cadre du système politique américain pour affirmer activement leur rôle de citoyennes des États-Unis69. »
69L’idée de confier l’information citoyenne à une association civile et privée émane du travail réalisé pendant la guerre par les USIS d’Allemagne et du Japon. Mildred Allport, alors Women’s Activities Officer à Berlin, fut une des premières à lancer un programme de sensibilisation à la culture démocratique auprès des femmes. Au fait de ses activités, le département d’État n’est pas officiellement en position de pouvoir soutenir ces initiatives, et c’est pourquoi il charge une organisation non gouvernementale de le faire.
70Or, à la fin des années 1950, conscient de l’enjeu que peuvent représenter ces programmes, le dernier directeur de l’USIA de l’Administration Eisenhower, George Allen, crée au sein de l’agence un nouveau poste dédié aux mouvements féministes et aux associations de femmes en Europe et au Japon70. Cette conception tout à fait pionnière de la diplomatie publique devance largement les avancées en ce domaine de l’Administration Kennedy ou les écrits de Betty Friedan71. Or si la direction de l’USIA s’intéresse plus précisément à cette cible de choix (target audience), c’est en réponse à la création de plusieurs organisations féministes, opérations officieuses, orchestrées depuis la fin de la guerre par la CIA.
71Conscients que de nombreuses Européennes accéderaient bientôt au droit de vote72, les stratèges de la CIA avaient mis en place et financé entre 1944 et 1945 la Commission de correspondance (Committee of Correspondance). Il ne s’agissait pas d’une opération dite « noire » ; en réalité elle aurait pu être menée officiellement par les services de l’USIA, si celle-ci avait été alors en place. La Commission de correspondance avait en effet pour mission d’identifier environ 4 000 femmes, domiciliées dans des pays-clés, qui seraient susceptibles d’occuper des postes politiques à responsabilités ou de devenir des leaders d’opinion. La CIA leur fournissait des bulletins d’information mensuels concernant les sujets susceptibles d’intéresser les femmes de leur pays ; il s’agissait essentiellement de questions nationales et internationales abordées « d’un point de vue féminin » et de thèmes récurrents tels que la santé, les problèmes liés à la jeunesse, à la modernisation ou au développement industriel.
72Ces bulletins étaient rédigés par Alison Raymond présidente du comité directeur de la Commission de correspondance de New York. Et bien que les activités d’Alison Raymond soient financées par la CIA, seuls 4 membres du comité directeur en étaient avertis. Quant aux nombreuses associations féministes qui faisaient partie du réseau mis en place par la Commission, aucune d’entre elles n’avait connaissance de la provenance des fonds qu’elles recevaient des États-Unis. Chacun de ces mouvements fut par la suite regroupé et représenté par une délégation nationale au sein de la Commission des Nations unies chargée du statut des femmes établie à New York73.
73Or, le solide réseau d’influence internationale de ces groupes, qui s’était instauré grâce aux réunions annuelles de la Commission des Nations unies, devait être remis en cause, au moment du maccarthysme. La Commission de correspondance fut alors jugée peu intéressante alors que son équivalent soviétique était très actif74. Elle fut privée de financement gouvernemental par la commission Rusk, chargée d’examiner les organisations qui avaient été soutenues par la CIA et qui nécessitaient des fonds publics ou privés pour subsister. La Commission de correspondance survécut pendant deux ans grâce aux financements personnels des membres de son comité directeur75. Puis la liste des 4 000 femmes influentes appartenant à des organisations féministes, en Europe et ailleurs, fut transmise au personnel de l’USIA, et faute du financement nécessaire au maintien de ses publications et de son réseau, il ne fut pas possible d’en faire bon usage dans l’immédiat.
74Faute de mieux, avant l’investiture de George Allen à la tête de l’Agence, celle-ci développa des programmes de propagande spécifiques destinés aux femmes. Ces programmes prirent la forme de women’s packets, ensemble de livrets, articles et pamphlets destinés exclusivement à un public féminin ; en 1953, le premier d’entre eux comprenait un livret intitulé Democracy Begins at Home, qui vantait les avantages prodigués par la démocratie aux familles américaines.
75Pour les agents de l’USIA chargés de l’étude des mouvements féministes, sans les soutiens financiers apportés en amont par la CIA aux organisations de femmes et de jeunesse, rien n’aurait été fait par les autorités américaines, et l’ensemble de ces mouvements seraient tombés aux mains des communistes. Dans les années 1950 et 1960 les agents des USIS sont en effet particulièrement attentifs au regain d’activité de mouvements féministes communistes tel que le Women’s International Democratic Federation (WIDF) et le Soviet Women’s Committee. Ceux-ci organisent régulièrement des manifestations à destination des femmes des démocraties populaires, dont le temps fort est sans doute la journée de la femme. À cette occasion les femmes du parti sont mises en avant pour haranguer les foules et rappeler à leurs concitoyennes, leurs camarades, combien leur sort est plus enviable que celui de leurs homologues de l’Ouest, soumises aux servitudes du capitalisme, comme en témoigne ce discours tenu le 7 mars 1960 par une dignitaire du Parti communiste tchèque à Prague :
« Nos ennemis à l’étranger versent des larmes de crocodiles en évoquant le sort des femmes tchèques, qui censément n’ont rien d’autre que leur travail et, disent-ils, vivent séparées de leurs familles, privées de leurs enfants qu’elles ne peuvent éduquer. Nos ennemis dressent un très triste tableau de la vie de nos femmes. Nous pouvons leur dire de ne pas s’inquiéter pour nous. Ils devraient plutôt se soucier du sort des femmes dans leurs pays respectifs. […] Selon eux, les femmes doivent être cantonnées à la cuisine… Mais ce qu’ils ne voient pas ce sont les milliers de jeunes filles et de femmes seules qui doivent travailler ; des milliers de femmes de la classe ouvrière doivent aider leur mari à gagner leur vie. Dans notre pays, les femmes sont devenues co-créatrices d’une nouvelle vie. Elles ne sont plus des Cendrillons opprimées, mais avec leur époux, elles sont les maîtres dans leur pays76. »
76Pour contrer les allégations communistes, toujours teintées de lutte des classes, les stratégies conjointes, d’information de l’USIA et d’infiltration de la CIA, ont su privilégier des relations inter-personnelles ciblées, et construire des stratégies de long terme.
77Les services d’information américains n’ont en effet jamais négligé en Europe l’influence politique potentielle de certains segments de la population, qu’il s’agisse des femmes, qui, en accédant au droit de vote dans un pays comme la France, pouvaient représenter une véritable force électorale, qu’il s’agisse des jeunes gens issus de l’intelligentsia et voués à un brillant avenir dans les sphères du pouvoir médiatique comme politique.
Opérations secrètes et programmes d’information : les relations entre la CIA et l’USIA jusqu’aux années 1970
78Néanmoins, afin de dissiper tout malentendu, il est important de rappeler que les directeurs successifs de l’Agence d’information, ont toujours veillé à protéger l’indépendance de ses missions. Dès les premières années de l’USIA Ted Streibert se montra très ferme sur la nécessité de préserver la réputation de l’Agence (réputation d’intégrité particulièrement nécessaire aux subsides accordés par le Congrès), à Washington comme outre-Atlantique, où les rumeurs de collusion entre les agents des USIS et de la CIA ne faisaient que commencer77. Le responsable de la sécurité de l’Agence d’information devait veiller tout particulièrement à ce que l’USIA ne serve pas de couverture aux opérations de la CIA, comme il le souligna en 1989, dans une interview réalisé par G. Lewis Schmidt :
« Au passage, il est peut être intéressant de rappeler que lorsque je fus nommé responsable du Bureau de la sécurité, Ted Streibert, alors directeur de l’Agence, prit grand soin de m’informer que, quoi qu’il arrive, l’Agence ne pourrait servir de couverture pour le personnel de la CIA, il était convaincu que si cela devait se produire cela nuirait de manière irrémédiable aux missions de l’Agence. Et pour bien me faire comprendre à quel point il était sérieux, il m’avertit que si jamais un quelconque ressortissant de la CIA venait à s’infiltrer au sein de l’Agence, par quelque moyen que ce soit, il s’assurerait personnellement de mon renvoi78. »
79Et en 1961, ce fut au tour d’Edward Murrow de veiller scrupuleusement à la distinction entre les activités de la CIA et celle de l’USIA, et d’affirmer solennellement que désormais l’USIA ne pourrait jamais plus servir de couverture aux agents de la CIA ; car en réalité, très peu de vétérans de la CIA ont reconnu avoir utilisé les USIS comme couverture pour leurs propres missions au cours des années 1950 et 196079. Tenu à l’écart jusqu’à la dernière minute80 de l’opération d’invasion de la baie des Cochons en septembre 1961, Murrow fit comprendre à ceux-là mêmes qui l’avaient recruté que la réputation de l’USIA, comme la sienne, dépendait d’une bonne transmission des informations entre les deux agences, mais également entre le NSC et l’USIA. Après cette malencontreuse mise à l’écart, Murrow imposa à la Maison-Blanche d’être expressément informé de toute opération à venir de la CIA81 et obtint que toute collaboration éventuelle entre les deux agences soit obligatoirement soumise à son contrôle préalable. Tom Sorensen, adjoint de Murrow au même titre que Donald Wilson, reçut dès lors quotidiennement l’agent de liaison de la CIA chargé d’informé la Maison-Blanche de l’évolution des opérations en cours. Il était particulièrement nécessaire que l’USIA soit informée avant la presse américaine afin qu’elle puisse organiser la gestion médiatique à l’étranger des conséquences éventuelles de ces opérations. Ce fut le cas lors de la crise des missiles de Cuba où cette fois l’USIA put faire la preuve de son efficacité.
80Selon le point de vue des insiders, des hommes du sérail de l’USIA à Washington, les relations entre l’USIA et la CIA furent cordiales, jusqu’à la fin des années 1960. Même si le secret entourant certaines opérations de la CIA n’était plus que de façade, comme le souligne ce trait d’humour caractéristique d’Ed Murrow, la veille de son départ de l’Agence d’information en 1965, alors que sa secrétaire lui demandait s’il voulait lire le compte rendu quotidien adressé par la CIA : « Je ferais peut-être bien de le lire, c’est mon dernier jour. Mais d’un autre côté, je pourrais bien attendre jusqu’à demain et le lire dans les colonnes du New York Times82. »
81Deux ans plus tard, en 1967, le magazine de « contre-culture » californien Rempart révélait au public américain l’étendue des activités officieuses de la CIA au sein de la NSA (National Student Association) et levait du même coup le voile sur des dizaines d’autres activités du même type dans le secteur privé, le Congrès pour la liberté de la culture en tête. Depuis 1952, la CIA finançait par le biais de sociétés et de fondations « écrans83 » une grande majorité de puissantes organisations de jeunesse qui avaient toujours revendiqué jusqu’alors leur caractère indépendant, et parmi elles la très respectée International Student Conference. Cette révélation fit scandale dans l’ensemble de la presse américaine, et pourtant, malgré le paradoxe que pouvait représenter les liens entre les agences de renseignement et d’information américaines et des organisations de jeunesse fortement marquées à gauche, ces pratiques s’inscrivaient logiquement dans les stratégies de la contre-offensive84.
82Les Soviétiques avaient en effet depuis longtemps phagocyté les principales organisations syndicales, comme la World Federation of Trade Unions (WFTU), de journalistes, comme l’Organisation internationale des journalistes (OIJ), ou d’étudiants, comme la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique (FMJD) et l’Union internationale des étudiants (UIE). Cette mainmise des communistes sur les principaux mouvements porteurs d’opinion s’étendait largement en Europe de l’Est, de Prague à Helsinki, lors des festivals mondiaux de jeunesse, comme en Europe de l’Ouest par l’intermédiaire des associations syndicales. Conscient que pour combattre les avancées communistes à l’Ouest, il fallait promouvoir d’autres mouvements de gauche, Allen Dulles avait encouragé en France, dès 1947, la scission de la Confédération générale des travailleurs (CGT) et la formation de Force ouvrière (FO) par Léon Jouhaux85 ; et en 1949, ce fut au tour de l’association syndicale américano-britannique, l’International Confederation of Free Trade Unions (ICFTU), de venir contrer l’influence de la WFTU.
83Les révélations de 1967, qui concernaient avant tout la CIA, devaient porter néanmoins le discrédit pour de nombreuses années et créer un climat de suspicion autour de ses activités culturelles officielles (y compris autour des prestigieux programmes Fullbright) et celles des services d’information de l’USIA, que ce soit à Washington, particulièrement parmi les membres du Congrès, comme outre-Atlantique. Les efforts engagés par la CIA, qui n’avait pas prévu que ses activités puissent être ainsi publiquement dévoilées, furent anéantis pour un temps et l’opprobre pesa sur les activités philanthropiques engagées en Europe depuis de très nombreuses années par des organisations du secteur privé. Or, les plus hauts responsables américains, que ce soit au sein du département d’État ou du NSC, mirent plusieurs années avant de concevoir que les opérations de contre-offensive nécessitaient désormais l’officialisation d’un certain nombre de pratiques officieuses. Charles Frankel, directeur du bureau des Affaires culturelles au département d’État fut appelé en renfort d’Allen Dulles et proposa en 1968, la création d’une agence indépendante dédiée aux activités culturelles à connotations politiques86. Quinze ans plus tard, en 1983, sous une forme toute autre que celle imaginée par Charles Frankel, le National Endowment for Democracy (NED) était officiellement constitué.
Les stratégies des combattants de la désinformation : complémentarité des stratégies « ouvertes » et des stratégies indirectes (1981-1989)
Rompre avec le containment
84Lors du premier mandat du président Reagan, le contexte international devenu difficile suite aux événements d’Afghanistan et de Pologne, est marqué par une poussée de l’influence soviétique et l’entrée des deux grands dans une « nouvelle guerre froide ». Or, pour la première fois depuis longtemps, l’Administration Reagan va développer une véritable stratégie politique face au communisme, en réaffirmant le libéralisme face au totalitarisme soviétique.
85C’est à nouveau sur le territoire européen que va s’opérer la confrontation, le point de départ étant la Pologne, où le syndicat Solidarité tente de résister aux conséquences de la loi martiale proclamée le 13 décembre 1981. Il s’agit alors de relancer l’aide secrète américaine en Europe de l’Est87, notamment par le biais des USIS, comme en atteste le témoignage de Gunther Rosinus, ancien PAO en Allemagne de l’Est en 1981 :
« C’était entre 1981 et 1984 ; notamment au moment où les gros ennuis commencèrent pour le syndicat Solidarité, dans la Pologne voisine. […] Il s’agissait du second volet de notre opération : leur venir en aide de manière officielle ou indirecte, par le biais des bibliothèques, des programmes des USIS, ou en fournissant autant d’informations possible que ce soit aux activistes de Solidarité, ou au clergé, aux fidèles et aux jeunes dissidents qui s’étaient regroupés sous la protection de l’Église, et à qui nous fournissions des informations sur les États-Unis, en faisant encore une fois de notre mieux88. »
86Les stratèges américains sont alors persuadés que si la Pologne échappe au communisme, le reste de l’Europe orientale suivra, à commencer par la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Cette stratégie de refoulement du communisme rappelle celle des années 1950, mais en réalité elle rompt aussi bien avec le containment des années 1950 et 1960 qu’avec les politiques plus récentes de Kissinger et Nixon. En effet il ne s’agit plus du tout de co-gérer les affaires mondiales avec Moscou en prônant la stabilité, ni de faire pression sur l’URSS pour l’amener à se transformer comme au temps de Kennan ou de Kennedy, mais de détruire définitivement le communisme.
Complémentarité des stratégies « ouvertes » et des stratégies indirectes : du Project Democracy au National Endowment for Democracy
87En 1983, alors que Charles Wick a pris la tête du « projet démocratie » (Project Democracy) encore balbutiant, le conseiller à la Maison-Blanche Edwin Meese89 prend connaissance d’une proposition de programme dédié à la promotion de la démocratie, rédigée par Allen C. Weinstein, alors professeur à l’université Georgetown de Washington. Il s’agit du National Endowment for Democracy (NED), une association à but non lucratif financée à la fois par l’État américain et des fonds privés provenant d’associations censées agir pour la défense de la démocratie à l’étranger. Le NED doit soutenir financièrement des organisations œuvrant pour le développement de la démocratie dans leur pays. Le président Reagan ne tarde pas à apporter son soutien à cette initiative en encourageant une coalition bipartite destinée à défendre le projet au Congrès.
88Le NED, comme le reconnait Allen Weinstein lui-même, œuvre alors ouvertement au soutien d’opérations qui, quelques années auparavant, auraient été qualifiées de subversives car menées par la CIA90. Le NED est essentiellement soutenu par quatre grandes institutions elles-mêmes émanations de la chambre de Commerce des États-Unis, du syndicat AFL-CIO et des comités nationaux du Parti démocrate et du Parti républicain.
89Les Soviétiques dénoncent immédiatement le « projet démocratie » (Project Democracy) comme une conspiration et un prétexte pour se mêler des affaires des autres nations. Le KGB tente de porter atteinte à la crédibilité du projet en mettant en circulation de faux extraits d’un mémo du département d’État intitulé « Democratization in Communist States » faisant état de l’infiltration d’agents de la CIA dans certains pays cibles et de leur mission constituant à éradiquer les partis communistes91.
90En tout état de cause, dans le tourbillon de la croisade pour la liberté, le Project Democracy devenu NED ne fut pas le seul élément de terminologie à se trouver dévoyé durant la présidence de Ronald Reagan. Alors qu’universitaires et diplomates n’avaient cessé de démontrer que la diplomatie publique était bien plus qu’un synonyme de propagande, la Maison-Blanche attribua à plusieurs reprises ce même terme à des unités spéciales chargées de conduire des opérations de propagande relevant quasiment de la guerre psychologique92.
91Cependant, malgré les brouillages et les mélanges de rôles, dans la lutte de l’USIA pour faire vaciller l’emprise soviétique à l’Est, le NED devait s’avérer un allié de poids93. Or, il restait encore beaucoup à accomplir pour les acteurs de la diplomatie publique, et ce notamment en Pologne.
Le NED au secours du mouvement Solidarité
92À la fin de l’année 1982 le directeur de la CIA Bill Casey était particulièrement attentif à l’évolution du mouvement Solidarité ; il avait reçu plusieurs rapports secrets assez alarmants faisant état des difficultés rencontrées par le mouvement pour continuer à exister. La loi martiale mise en vigueur en Pologne avait entraîné la fermeture de plusieurs ateliers d’édition clandestins. Sous la pression des instances communistes, et faute de fonds pour continuer ses activités, le mouvement était menacé de disparition malgré ses nombreux soutiens. Solidarité recevait en effet des financements secrets de la part de toutes sortes d’organisations : syndicats, associations caritatives catholiques, CIA. Or, la création du NED allait permettre de soutenir ce mouvement de résistance au communisme beaucoup plus largement. Le NED avait en effet pour mission de soutenir et de promouvoir la démocratie dans le monde94 et dans le cas de la Pologne il s’agissait d’une urgence appelée à devenir une priorité de première importance95.
93Comme pour l’Afghanistan, les faucons de Washington voyaient dans les événements de Pologne ayant conduit à l’instauration de la loi martiale une occasion nouvelle de faire reculer l’influence soviétique. Pour ce faire le président Reagan avait signé dès le début de l’année 1982 une directive du NSC (NSDD-32) tout à fait explicite. Celle-ci officialisait une stratégie multidirectionnelle visant à affaiblir la poussée soviétique en soutenant les efforts des dissidents dans l’ensemble de l’Europe de l’Est. Il était dit clairement que les États-Unis entendaient soutenir de manière officieuse tout mouvement tentant de diminuer le joug soviétique, ainsi que les opérations psychologiques menées conjointement par VOA et la radio libre, Radio Free Europe ; parallèlement, Washington devait par voies diplomatiques et commerciales tenter de réduire la dépendance des républiques satellites du régime de Moscou.
94Les premiers subsides attribués par le NED furent destinés aux prisonniers politiques polonais et à leurs familles pour leur permettre de s’alimenter, se vêtir, et se soigner. Et pour soutenir le travail entrepris notamment par l’USIS de Varsovie, le NED finança le « projet démocratie pour l’Europe de l’Est » (East European Democracy Project) dont le but était de publier des livres et autres écrits susceptibles de pouvoir circuler en Pologne à l’insu des autorités communistes. Cette initiative se développa pour assurer le soutien à d’autres mouvements de résistance dans les pays du bloc de l’Est ; ainsi le NED finança, entre autres ouvrages « anti-totalitaires », la parution d’une version russe de La Ferme des animaux de George Orwell qui devait être distribuée par les USIS des États russophones.
Le recours aux stratégies indirectes de l’autre coté du rideau de fer
95Cependant, la diffusion de l’autre côté du rideau de fer d’écrits de ce type, jugés subversifs, ou de pamphlets anti-soviétiques, était souvent problématique pour les agents de l’information américaine, ce qui nécessitait le recours à toutes sortes de stratagèmes. Ainsi, comme le rapporte Peter Schweizer dans son ouvrage consacré aux stratégies reaganiennes de lutte contre le communisme, il n’était pas rare de faire partir d’Europe du nord des centaines de ballons chargés de tracts et de pamphlets en comptant sur les vents pour faire le travail de distribution.
96Plus concrètement, en Tchécoslovaquie les financements du NED parvenaient aux dissidents par le biais d’une fondation écran appelée Charter Seventy-seven Foundation, dans le but d’encourager la communication et la liberté de parole au sein de la population96.
97Officiellement, le NED bien que financé par le gouvernement, n’avait aucune relation directe avec la Maison-Blanche, mais en réalité l’équipe du président Reagan surveillait et inspirait régulièrement les activités du NED par l’intermédiaire du très ambigu Special Planning Group. Complémentaires des programmes de l’USIA les financements du NED permettaient à la propagande officieuse de coexister avec les programmes d’information officiels. Au cours des deux mandats de Ronald Reagan, le NED distribua des dizaines de millions de dollars la plupart du temps pour restaurer des écoles ou financer la formation de professeurs dans des zones déshéritées du globe. Cependant, un certain nombre d’autres actions soutenues par le NED furent fortement sujettes à polémique comme en 1985, lorsque la presse française découvrit que le NED sponsorisait des mouvements d’extrême droite hostiles au président Mitterrand. Les financements cessèrent aussitôt, le président Mitterrand n’étant finalement pas considéré comme un suppôt de « l’empire du mal97 ».
98Néanmoins, alors que le gouvernement communiste polonais avait interdit le magazine Ameryka et mis fin au nom de la loi martiale à de nombreuses activités de l’USIS de Varsovie, le principal poste de l’USIA en Pologne ne fut jamais aussi efficace que durant les années d’activisme de Solidarité. Les agents des services d’information développèrent mieux que jamais leurs contacts avec les dissidents, et les programmes d’échange avec les États-Unis devinrent rapidement une des pierres angulaires de ce succès. Ainsi, parmi les membres de la coalition conduite par Solidarité qui remporta les élections au milieu des années 1990 ; onze ministres (sur vingt-deux) étaient d’anciens participants des programmes d’échange de l’USIA ainsi que quarante-quatre parlementaires98.
99Or, pour les agents des USIS les contacts répétés avec les dissidents, que ce soit en Pologne ou dans d’autres républiques socialistes comme la Tchécoslovaquie, n’étaient pas sans compter un certain nombre de risques. À la frontière entre démarches officielles et officieuses, les activités de dizaines d’agents des services d’information furent considérées comme des tentatives de trahison envers les autorités socialistes locales. C’est à ce titre que Lubomir Elsner, agent de l’USIS de Prague, fut arrêté par la police secrète tchèque et passa onze années en camp de travail99. Le poste de Moscou fut de la même manière régulièrement accusé par le Kremlin d’être un repère d’espions. Le centre culturel de l’ambassade fut la cible favorite de ses attaques en raison de ses relations avec les intellectuels soviétiques qui comprenaient bien entendu un certain nombre de dissidents100. Le développement des activités des USIS à cet endroit particulièrement sensible du rideau de fer fut donc particulièrement difficile jusqu’à l’élection de Mikhaïl Gorbatchev et aux accords du sommet de Genève qui s’en suivirent en 1985.
100Sur le territoire européen les stratégies de la diplomatie publique américaine de guerre froide, en tant qu’avatar de la politique étrangère américaine, constituent une particularité remarquable. Comme se plaisent à le rappeler d’éminents politologues, tel que P. Edward Haley101 ou dans une certaine mesure Zbigniew Brzezinski102, la politique étrangère américaine, qu’elle soit conçue par le Pentagone ou le département d’État, privilégie le pragmatisme et la politique de réalité. Or, pendant la guerre froide, conflit de longue durée, les stratégies mises en œuvre pour gagner les populations puis les gouvernements européens à la cause des États-Unis, ont pu être envisagées et élaborées également sur le long terme. Il ne s’agissait pas pour les États-Unis, comme à l’accoutumée, de privilégier la sécurité à court terme mais plutôt de promouvoir le processus de démocratisation et de libéralisation à plus long terme, et ce, à l’Ouest comme à l’Est103.
Notes de bas de page
1 « Public Relations of Russia Scored », The New York Times, 30 novembre 1954, p. 48.
2 La « première détente », toute relative, instaurée à la mort de Staline en 1953 devait trouver son aboutissement dans la « coexistence pacifique » inaugurée par Khrouchtchev en février 1956, mais la libéralisation annoncée fut suivie des événements de l’automne en Hongrie et en Pologne qui réduisirent considérablement « la détente ». Voir « De la Coexistence pacifique à la détente, 1953-1970 », in Pierre Milza, Les Relations internationales 1945-1973, Paris, Hachette, 1996, p. 108-124.
3 Theodore C. Streibert, cité dans : « Public Relations of Russia Scored », The New York Times, 30 novembre 1954, p. 48.
4 Allusion au discours du président Truman prononcé en 1950 lors du lancement de la « campagne de vérité » qu’il définissait comme un programme destiné à « promouvoir la cause de la liberté contre la propagande de l’esclavage », in « Going Forward with the Campaign of Truth », Department of State Bulletin, 2 septembre 1950, p. 699.
5 Expression qui trouve son origine dans l’Operation Talk Back mise en œuvre en 1947 par l’armée américaine en Allemagne dans le cadre de la campagne de rééducation ou démocratisation, qui visait à présenter des faits avérés pour contrer la propagande soviétique et mettre en garde la population contre le totalitarisme. Nicholas Cull, op. cit., p. 38.
6 Cette étude fut commandée en juin 1953 par Robert Johnson, directeur de l’International Information Administration, et remise en 1954 à Theodore Streibert, alors directeur de l’USIA ; elle est demeurée classée confidentielle jusqu’en 1976, date de sa première parution sous forme d’ouvrage. Son auteur, Leo Bogart, éminent sociologue, ancien professeur à l’université de Columbia, spécialiste des mass medias, a dirigé de nombreuses études sur les opinions publiques pour le compte de grandes sociétés telles que Exxon. Il a été également président des associations américaines pour la recherche sur les opinions publiques.
7 Leo Bogart, op. cit., p. 81-87.
8 Ibid.
9 Georges Mond, « Information et désinformation à l’Est », Mediaspouvoirs, juin 1986, p. 12.
10 Vladimir Volkoff, La Désinformation arme de guerre, Paris, Éditions Julliard/L’Âge d’homme, 1986.
11 Cette accusation fut lancée par la Chine en 1951, puis reprise par l’URSS, fausses preuves à l’appui, elle aboutit à une véritable campagne de désinformation et de propagande, jugée fort efficace par les responsables de l’USIA. Voir Justine Faure, L’Ami américain, La Tchécoslovaquie enjeu de la diplomatie américaine. 1943-1968, Paris, Tallandier, 2004, p. 276-282.
12 Leo Bogart, op. cit., p. 85-86.
13 Rapport des USIS présenté dans USIA, « 6th Report to Congress », 1er janvier-30 juin 1956, p. 14.
14 « Iron Curtain Radio and Press Comment », février 1950, RG 306, « Reports and Related Studies, 1948-1953 », box 10, cité dans Laura Ann Belmonte, « The Cultural Cold War, 1945-1959 », PhD, University of Virginia, 1996, p. 273-274.
15 L’automne 1954 marqua la fin des débats ouest-européens quant à la ratification de la Communauté européenne de défense dont les principaux adversaires français étaient les parlementaires gaullistes et communistes.
16 Les événements en Pologne de l’été 1956, la crise de Suez et les répressions en Hongrie de l’automne 1956.
17 La question de la réunification allemande n’aboutit pas, Boulganine oppose un refus catégorique à la demande des États-Unis de « libérer les nations captives », et Khrouchtchev refuse à Eisenhower le projet d’inspection mutuel des ressources militaires, baptisé Open Sky. Voir « Psychological Implications of Geneva for U.S. Information Programs », Washington, D.C., 31 août 1955, FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 548-564.
18 Voir la circulaire du directeur de l’USIA, « Abbott Washburn to all USIS Posts », 24 août 1955, FRUS 1955-1957, p. 526-528.
19 Le discours de Khrouchtchev fut rendu public aux États-Unis par l’intermédiaire du New York Times du 5 juin 1956, les services d’information américains prirent la décision de le divulguer dans son intégralité et sans aucun ajout auprès des USIS européens, le texte étant à leurs yeux suffisamment explicite sur les dérives du système Stalinien. Voir « Editorial Note », FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 582.
20 « United States Foreign Information Program », FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 568.
21 NSC 5525, « Status of United States Programs for National Security as of June 30, 195 », « Part 6: The USIA Program », FRUS 1955-1957, p. 530.
22 Le 2 juin 1956, dans un entretien pour l’émission Face the Nation de la chaîne américaine, CBS, regardée par plus de 5 millions d’Américains, et retranscrite dans les colonnes du New York Times des 3 et 7 juin 1957.
23 Voir notamment « Editorial Note », FRUS 1955-1957, vol. 24, p. 267-268.
24 « Diary Entry by the President’s Press Secretary (Hagerty) », 22 mars 1955, FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 521-522.
25 Ibid.
26 Abbott Washburn, Washington, D.C., 24 août 1955, « Foreign Information Program », FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 527.
27 « United States Foreign Information Program », FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 527-528.
28 Laura Belmonte « Defending a Way of Life, 1945-1959 », Ph.D., University of Virginia, 1996, p. 275-279.
29 Voir les documents présentés en annexe, d’après les microfiches 00078-00097, reel 27, « U.S. Information Agency Cont. », « Part 3: Departments and Agencies », « President Kennedy Office Files: 1961-1963 », Research Collections in American Politics, Microforms from Major Archival and Manuscript Collections, Frederick, MD, University publications of America, 1990.
30 Accusés d’espionnage à la solde des Soviétiques et d’avoir dérobé des secrets relatifs à la recherche nucléaire, les époux Julius et Ethel Rosenberg furent condamnés à mort par les tribunaux américains. Ils devinrent un véritable mythe pour les communistes du monde entier, leur procès déclencha de nombreuses manifestations y compris dans le bloc de l’Ouest, comme à Paris, le 16 juin 1953. Voir André Kaspi, Les Américains. Les États-Unis de 1945 à nos jours, vol. 2, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 1996, p. 423.
31 L’USIA se mit à publier des traductions bon marché de Classics of Democracy, alors que son programme de télévision mensuel, Report from America faisait un tabac en Grande-Bretagne, et que Music U.S.A., une émission quotidienne de deux heures consacrée au jazz et à la pop music recevait plus de 1 000 lettres de fans européens par mois, USIA, « 7th Semi-annual Report to Congress », 1er juillet-31 décembre 1956, p. 14.
32 « Memorandum from the Director of the United States Information Agency (Streibert) to the President », Washington, D.C., 4 septembre 1955, FRUS 1955-1957, p. 556-558.
33 Voir « The Man in the Middle », in Charles Frankel, The Neglected Aspect of Foreign Affairs. American Educational and Cultural Policy Abroad, Washington, D.C., The Brookings Institution, 1966.
34 Même si bien souvent les agents des USIS en poste sur le territoire européen ont eu l’impression que leur travail se résumait à relayer massivement des informations exprimant les seules velléités du Congrès. Leo Bogart, op. cit., p. 51.
35 Thomas Sorensen interrogé par Larry Hall, le 25 juillet 1990, in Foreign Affairs Oral History Project, Information Serie, VA, ADST, 1998.
36 Dwight Eisenhower dans une lettre adressée à la commission des finances (House Committee on Appropriations), le 27 juillet 1954, in Naima Prevota, Dance for Export: Cultural Diplomacy and the Cold War, Hanovre/Londres, University Press of New England, 1998, p. 11.
37 Public Law 663, 83rd Congress, 26 août 1954, voir FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 508.
38 William Hubert Lewis, « À la recherche de la paix : les initiatives américaines, 1946-1982 », Paris, Ambassade des États-Unis, International Communication Agency des États-Unis, 1982, p. 15.
39 William Lewis, op. cit., p. 3.
40 « International Cultural Exchange and Trade Fair Participation Act, 1956 », Department of State Bulletin, 22 juillet 1957, p. 150-151.
41 En février 1956, l’USIA lança une exposition pilote à Washington, « People’s Capitalism—A New Way of Living », afin de jauger les effets de cette nouvelle thématique. Voir « People’s Capitalism: USIA, Race Relations and Cultural Infiltration », in Walter L. Hixson, Parting the Curtain: Propaganda, Culture and the Cold War 1945-1961, New York, St Martin’s press, 1997.
42 « House Committee on Foreign Affairs, Strengthening International Relations through Cultural and Athletic Exchanges and Participation in International Fairs and Festivals », 84th Cong., 2nd session, 1956, in Laura Ann Belmonte, « American Propaganda and the Cold War, 1945-1959 », Ph.D., University of Virginia, 1996, p. 202.
43 C’est le cas notamment lors de la foire internationale de Zagreb en 1958, voir « People’s Capitalism: USIA, Race Relations and Cultural Infiltration », in Walter L. Hixson, op. cit., p. 140.
44 « With appropriate funds, we can do a Sputnik, culturally, intellectually, and spiritually », Commissioner General Cullman to Eisenhower, 15 juillet 1957, cité dans Walter L. Hixson, op. cit., p. 142.
45 USIA, Theodore Streibert, « Memorandum for the President: Schedule of Trade Fairs », 4 janvier 1955, « President Dwight Eisenhower’s Office Files, 1953-1961 », part 1: « Eisenhower Administration Series », Research Collections in American Politics, Microforms from Major Archival and Manuscript Collections, Frederick, MD, University publications of America, 1990.
46 « People’s Capitalism: USIA, Race Relations and Cultural Infiltration », in Walter L. Hixson, op. cit., p. 144-145.
47 Voir l’éditorial de James Reston dans le New York Times du 1er avril 1958, p. 1 et 3.
48 Dans une conversation téléphonique avec le procureur général Herbert Brownell, John Foster Dulles déclara que les événements de Little Rock ruinaient les efforts de la politique étrangère américaine, 24 septembre 1957, FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 612-613.
49 L’exposition itinérante Atoms for Peace avait fait le tour de l’Europe en vantant les avancées scientifiques mais pacifiques de la recherche nucléaire américaine. Voir Kenneth Osgood, « Spinning the Friendly Atom: The Atoms for Peace Campaign », in Total Cold War: Eisenhower’s Secret Propaganda Battle at Home And Abroad, Kansas University Press, 2006, p. 153-180.
50 George Allen devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, dans le New York Times, du 27 février 1958, p. 2.
51 « July-August 1959: Visit to the Soviet Union of Richard M. Nixon », FRUS 1958-1960, vol. 10, p. 326-331.
52 NSC 165/1, « Foreign Information Program », FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 508.
53 Volker Berghan, America and the Intellectual Cold Wars in Europe: Shepard Stone between Philanthropy, Academy and Diplomacy, Princeton, Princeton University Press, 2001.
54 Jessica C. E. Gienow-Hecht, « How Good Are We? Culture and the Cold War », in Hans Krabbendam et Giles Scott-Smith, The Cultural Cold War in Western Europe 1945-1960, Londres/Portland, Frank Cass Publishers, p. 269-282.
55 « Cultural Activities », FRUS 1955-1957, vol. 9, p. 508.
56 David Monod, « He is a Cripple an ’Needs my Love: Porgy and Bess as Cold War Propaganda », in Hans Krabbendam et Giles Scott-Smith, op. cit., p. 300-312.
57 Phillips W. Davison, « Political Communication as an Instrument of Foreign Policy », The Public Opinion Quaterly, vol. 27, no 1, printemps 1963, p. 34.
58 Yves Eudes, « La CIA, Agence Culturelle », La Conquête des esprits, l’appareil d’exportation culturelle du gouvernement américain vers le tiers-monde, Paris, François Maspero, 1982, p. 182-194.
59 « Battle’s Rescue and the Birth of the Peace Corps », in Richard T. Arndt, The First Resort of Kings—American Cultural Diplomacy in the Twentieth Century, Washington, D.C., Potomac Books, 2005, p. 338-359.
60 Voir Philip Agee, Journal d’un agent secret, Paris, Le Seuil, 1976.
61 Voir Charles Frankel, « The Official and Unofficial », The Neglected Aspect of Foreign Affairs. American Educational and Cultural Policy Abroad, Washington, D.C., The Brookings Institution, 1966, p. 39-51.
62 « Smith to CIA », « Organization of CIA Clandestine Services », 15 juillet 1952 ; Michael Warner, The CIA under Harry Truman. CIA Cold War Records, History of Staff, Washington, D.C., Center for the Study of Intelligence, 1994, p. 465-466. Voir également l’organigramme de la Division des services clandestins, présenté en annexe.
63 Allen Dulles, très proche de David Rockefeller, aurait pu se voir offrir la présidence de la Fondation Ford lors de l’élection d’Eisenhower, en 1953, s’il n’avait pas été nommé à la tête de la CIA. Voir Frances Stonor Saunders, « Le Consortium », Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle, Paris, Denoël, 2003, p. 139-155.
64 Shepard Stone, homme de réseaux, se fit d’abord connaître en tant que reporter au New York Time durant les années 1930 et 1940, puis devint directeur des « affaires publiques » en Allemagne de l’ouest au début des années 1950, pour prendre par la suite jusqu’aux années 1960, la tête de l’International Affairs Program de la Fondation Ford. Voir Richard Pells, « Culture Wars, Old and New », Diplomatic History, vol. 27, juin 2003, p. 415-418.
65 Justine Faure, L’Ami Américain, Paris, Tallandier, 2004, p. 347.
66 Pierre Grémion, L’Intelligence de l’anticommunisme : le Congrès pour la liberté de la culture à Paris, 1950-1975, Paris, Fayard, 1995.
67 Giles Scott-Smith, The Politics of Apolitical Culture, The Congress for Cultural Freedom, the CIA and Post-war American Hegemony, Londres/New York, Routledge/PSA, 2002.
68 L’Alliance internationale pour le suffrage des femmes (League of Women Voters) fondée en 1920 par la suffragette Carrie Chapman est une organisation non partisane agissant encore aujourd’hui dans plus de 50 États pour la promotion des Droits civiques. Voir Louise Merwin Young, In the Public Interest: The League of Women Voters, 1920-1970, Greenwood Press, 1989.
69 Citation extraite de l’interview de l’ex-agent des USIS en Europe Mildred Marcy, qui fut directrice du Fonds de soutien aux mouvements féministes, le Carrie Chapman Catt Memorial Fund, à partir de 1959. Interview réalisée par Dorothy Robins-Mowry le 15 février 1991, The Foreign Affairs Oral History Project Information Series, Arlington, VA, ADST, 1998.
70 Le Catt Memorial Fund prend alors le nom de Overseas Educational Fund (OEF) et George Allen confie le poste de Women’s Activities Adviser, au sein de l’administration centrale de l’USIA, à Virginia Geiger, issue du bureau des affaires culturelles et éducatives du département d’État, qui s’intéresse depuis longtemps au potentiel que représentent les associations féminines.
71 En 1963 le président Kennedy crée la première commission présidentielle sur le statut des femmes, dont Eleanor Rossevelt est présidente d’honneur, et la même année Betty Friedan publie The Feminine Mystique.
72 Si les suffragettes britanniques obtiennent le droit de vote dès 1928 (succédant à leurs homologues allemandes, tchèques ou polonaises qui l’avaient obtenu entre 1918 et 1919), en revanche les Françaises, les Italiennes, les Bulgares, les Yougoslaves ou encore les Roumaines doivent attendre les lendemains de la Seconde Guerre mondiale (respectivement 1944, 1945, 1947 et 1948).
73 Voir Fatma Ramdani, « La position des femmes lors des quatre conférences internationales de l’ONU sur les femmes, (1975-1995) », thèse de doctorat sous la direction de Pierre Melandri, université de La Sorbonne-Nouvelle, Paris III, novembre 2008.
74 Il s’agissait d’une émanation de la Women’s International Democratic Federation (WIDF) : le Soviet Women’s Committee, qui venait de lancer en onze langues différentes son magazine phare, Soviet Woman, et préparait son équivalent pour enfants et adolescents. Interview de Mildred Marcy, 15 février 1991, The Foreign Affairs Oral History Project Information Series, Arlington, VA, ADST, 1998.
75 Il s’agissait d’Anna Lord Strauss et de Jean Picker.
76 « Information and Cultural Developments in Czechoslovakia, March 1-11, 1960 », From Amembassy Prague to the Department of State, Washington March 15, 1960, Folder 2: Warsaw, Prague, Central Decimal Files Europe 1960-1963, Entry: 511-62 A, Record Group 59, Box 1061, National Archives II, College Park, MD.
77 Les accusations stipulant que les agents des USIS appartenaient en réalité à la CIA furent particulièrement virulentes au cours des années 1960. À ce moment-là, la parade des PAOs pour faire taire la rumeur était d’engager au sein de l’USIS, une relation d’un responsable politique haut placé du pays concerné, en tant que secrétaire par exemple. Voir Nick Cull, op. cit., p. 98.
78 Interview réalisée le 25 avril 1989 par G. Lewis Schmidt, The Foreign Affairs Oral History Project Information Series, Arlington, VA, ADST, 1998.
79 Les seuls témoignages disponibles sont ceux de : Walter Roberts, interviewé dans le New York Times du 4 février 1992, p. A8, et de Harry Lunn, CAO de l’USIS de Paris dans les années 1960, qui admit spontanément avoir travaillé à la fois pour le Pentagone et pour l’Ambassade américaine à Paris, mais plus en tant qu’agent de renseignement, d’après Richard T. Arndt, The First Resort of Kings—American Cultural Diplomacy in the Twentieth Century, Washington, D.C., Potomac Books, 2005, p. 221.
80 Henry Loomis directeur de VOA apprit la nouvelle le jour même de l’invasion par la radio et, furieux, il rappela à Murrow son serment d’allégeance où il avait précisé lui-même que son rôle était bien d’être aux commandes de toutes les décisions de ce type (on the take-offs). Cet épisode ne contribua pas à l’amélioration rapide des relations entre VOA et l’USIA. Voir Nick Cull, op. cit., p. 196.
81 Voir « Interview with Mr Ted Streibert », « Eisenhower Administration Project: Theodore Streibert », Oral History Reseaech Office Columbia Universty, 1971, p. 18, Biographic Files Relating to USIA Directors and Other Senior Officials 1953-2000, Entry 1069, Box 29, National Archives II, College Park, MD.
82 D’après Tom Sorensen, propos recueilli par G. Lewis Schmidt le 25 juillet 1990, The Foreign Affairs Oral History Project Information Series, Arlington, VA, ADST, 1998.
83 En particulier la Fondation Hobby de Houston révéla, dans le New York Times du 21 février 1967, qu’elle était depuis plusieurs années, une filière permettant des attributions de fonds par la CIA à diverses organisations.
84 « Le monde international des années 1950 et du début des années soixante était largement bipolaire et ce fait est essentiel pour comprendre l’action de la NSA. Pour la NSA, une participation américaine dans les affaires étudiantes internationales était indispensable, au risque de laisser le terrain aux seuls représentants professionnels des pays de l’Est et de l’URSS. » Déclaration commune des présidents de la NSA justifiant l’accord avec la CIA, le 25 février 1967, citée dans « La chute de la maison CIA », in Joël Kotek, La jeune garde : entre KGB et CIA, la jeunesse mondiale enjeu des relations internationales, 1917-1989, Paris, Le Seuil, 1998, p. 224-225.
85 Voir André Mouriaux, Les syndicats ouvriers en France, en collaboration avec Jacques Capdevielle, Paris, Armand Colin, 3e éd., 1976 ; et du même auteur, la CGT, Paris, Le Seuil, 1982.
86 Voir Charles Frankel, The Neglected Aspect of Foreign Affairs. American Educational and Cultural Policy Abroad, Washington, D.C., The Brookings Institution, 1966.
87 Orchestrée au plus haut sommet de l’État par le NSC et le directeur de la CIA Casey, il s’agit essentiellement d’une aide financière (en provenance du National Endowment for Democracy) transitant par les agents des syndicats américains et les églises catholiques. Voir Georges-Henri Soutou, La guerre de cinquante ans, Paris, Fayard, 2001, p. 640-643.
88 Témoignage de Gunther K. Rosinus recueilli par G. Lewis Schmidt, le 21 mars 1989, The Foreign Affairs Oral History Project Information Series, Arlington, VA, ADST, 1998.
89 « Meese, Edwin: Files », Box CF0124, White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Presidential Library, Simi Valley, CA.
90 Voir Richard T. Arndt, op. cit., p. 225.
91 Voir Nick Cull, op. cit., p. 895.
92 Ce fut le cas notamment en 1983, lorsque la Maison-Blanche créa au sein du département d’État l’Office of Public Diplomacy for Latin America and the State Department. Il s’agissait d’une cellule de propagande destinée à favoriser le soutien des populations sud américaines aux politiques menées dans la région par les États-Unis.
93 Voir Joel Woldman, « Project Democracy, 1984-85 », « The National Endowment for Democracy », Library of Congress Congressional Research Service, 19 July 1984, Historical Collection, Entry A1 (1066), Subject Files, RG 306: USIA, Box 207, National Archives II, College Park, MD.
94 Kimmitt, Robert Files, 90300: « Legal National Endowment for Democracy USIA », White House Staff And Office Files 1981-1989, Ronald Reagan Presidential Library, Simi Valley, CA.
95 Jan Nowak to Carl Gresham, July 25, 1984 ; National Security Archives, National Endowment for Democracy Annual Report 1985, p. 19, cité dans Peter Shweizer, Reagan’s War, p. 187.
96 Peter Schweizer, Reagan’s War, War The Epic Story of His Forty Years Struggle and First Triumph over Communism, New York, Doubleday, November 20, p. 188.
97 Ben A. Franklin, « Democracy project facing criticisms », New York Times, 4 décembre 1985, p. A28.
98 « Keeping the Dream Alive », Foreign Service Journal, juin 1999, p. 36, cité dans Wilson P. Dizard, op. cit., p. 204.
99 Wilson P. Dizard, op. cit., p. 205.
100 L’attaché culturel Russell McKinney fut accusé de pousser les participants américains des programmes d’échanges culturels et scientifiques à contribuer à la subversion engagée contre l’URSS. Voir « U.S. Embassy Aide in Moscow Accused of Spying », New York Time, 6 mai 1971, p. 3.
101 P. Edward Haley, American Security in an Interdependent World, Lanham, MD, Rowman & Littlefield, 1988.
102 Voir Zbigniew Kazimierz Brzezinski, « Purpose and Planning in Foreign Policy », The Public Interest, hiver 1969 ; et Game Plan: A Geostrategic Framework for the Conduct of the U.S.-Soviet Contest, Boston, Atlantic Monthly Press, 1986.
103 Cette spécificité des stratégies de la diplomatie publique américaine de guerre froide se distingue assez nettement des velléités de stabilité par « consentement politique », prônées plus particulièrement par les néoconservateurs. Voir Guillaume Parmentier, « Politique étrangère et politique intérieure aux États-Unis : la parenthèse du xxe siècle ? », Politique étrangère, 3-4, 2000, p. 743-756 ; et Pierre Conesa et Bruno Deroure, « Existe-t-il une stratégie américaine ? », Revue internationale et stratégique, no 42, 2001-2002, p. 73-79.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Premiers Irlandais du Nouveau Monde
Une migration atlantique (1618-1705)
Élodie Peyrol-Kleiber
2016
Régimes nationaux d’altérité
États-nations et altérités autochtones en Amérique latine, 1810-1950
Paula López Caballero et Christophe Giudicelli (dir.)
2016
Des luttes indiennes au rêve américain
Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis
Alejandra Aquino Moreschi Joani Hocquenghem (trad.)
2014
Les États-Unis et Cuba au XIXe siècle
Esclavage, abolition et rivalités internationales
Rahma Jerad
2014
Entre jouissance et tabous
Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques
Mariannick Guennec (dir.)
2015
Le 11 septembre chilien
Le coup d’État à l'épreuve du temps, 1973-2013
Jimena Paz Obregón Iturra et Jorge R. Muñoz (dir.)
2016
Des Indiens rebelles face à leurs juges
Espagnols et Araucans-Mapuches dans le Chili colonial, fin XVIIe siècle
Jimena Paz Obregón Iturra
2015
Capitales rêvées, capitales abandonnées
Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016